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 Tellement de secrets et d'apparences [Terminé]

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Marlyn Til' Asnil
Marlyn Til' Asnil

La Borgne
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MessageSujet: Tellement de secrets et d'apparences [Terminé]   Tellement de secrets et d'apparences [Terminé] Icon_minitimeVen 29 Aoû 2008 - 4:47

Qu’y avait-il donc qui la poussait à retourner à cet endroit, chaque nuit, chaque fois qu’elle avait la permission de sortir ou qu’Il n’était pas là ? Non pas qu’elle désobéissait aux ordres ou qu’elle ignorait le danger énorme que comportaient ces escapades nocturnes, mais ce besoin viscéral de se rendre à cet endroit l’emportait souvent. Bien sûr, elle prenait toutes les précautions nécessaires à son statut de Traître et silencieusement traquée dans tout l’Empire par les Sbires de l’Académie.. et c’est bien pour cela qu’elle évitait très logiquement de sortir le jour, là où la garde était renforcée dans les rues d’Al-Vor et où avoir une estafilade qui dévorait le visage était très rare et mal- vu ; La nuit masquait la plupart des ses cicatrices sous des plis de capes et des ombres. Et puis, en y réfléchissant, ses journées étaient tout de même bien occupées, suffisamment pour que l’envie de sortir de l’enceinte du manoir de son Maître ne lui vienne pas à l’esprit. Entre les heures passées à apprendre à lire –en vain, malheureusement dans tous les ouvrages que contenaient les rayonnages luxueux, les heures passées dans le Parc, au fond, à renforcer son endurance ou quelque aptitude physique.. et puis les heures avec lui, Marlyn Til’ Asnil ne trouvait décidément pas le temps de s’ennuyer. Il arrivait que parfois, il la tînt informée de l’avancement de leurs complots, ou de sa place dans tout leur plan afin qu’elle se prépare physiquement et mentalement.  
Lorsque la nuit arrivait, que son Maître partait du manoir et ne revenait qu’au matin ou quelques jours plus tard, alors seulement elle prenait le risque de sortir de l’enceinte protégée. Une cape de la couleur de ténèbres, un pas sur le côté vers Leur pied..

Les Dentelles Vives. En ce soir où la Lune était invisible, à son plus grand bonheur, la jeune fille était à nouveau et comme toujours, près de ces hauts pics de glace. Comme souvent, depuis Ondiane. Et depuis Ondiane, tellement de choses avaient changé..
L’élève chaotique pouvait sentir chaque muscle répondre à l’appel avec puissance et finesse, chaque coin de son corps comme neuf, plus aucune once de douleur au moindre mouvement qu’elle esquissait.. Ce corps qui avait fini de grandir durant sa convalescence, qui avait encore grandi. Ce corps qu’Artaïel avait rendu mince, alors qu’il était maigre et bien trop faible..
Elle avait changé, durant ces presque six mois de convalescence et deux mois de cachette et attente. Même si cette.. cicatrice, cette marque indélébile de sa trahison, resterait à jamais marquée dans sa chair, là où ils se voyaient le plus.

Avant de commencer son ascension sur les pentes raides des Dentelles Vives, la jeune femme prit le temps de passer les doigts le long de l’estafilade, recréant un œil fictif du bout des ongles, sentant sous le grain de sa peau la peau tendue et malmenée, là où on l’avait punie d’avoir choisi son camp.. Où on l’avait punie de connaître un nom dont elle ne connaissait pas le propriétaire. Ena.. Oui, Ena paierait un jour. Pas forcément par la Mort, car les Marchombres ne s’arrêtaient pas à leur simple déchéance physique. Mais l’être chaotique se promit qu’avant de mourir, elle rendrait la pareille à la femme qui lui avait ôté la moitié de sa vision du Monde, et avait manqué de lui voler l’autre moitié de quelques infimes millimètres.
Mais pourtant, le paradoxe se présentait ; elle ne voulait pas se venger. Elle ne devait pas vouloir, ou simplement vouloir Le servir. Lui. Il la mènerait à la vengeance, Il l’avait promis, mais pour ce faire, elle devait suivre ses ordres.. ce qui était son souhait. Cet homme qui avait pris son âme depuis maintenant plusieurs saisons, il l’aiderait mieux qu’elle ne pouvait s’aider elle-même. Elle ferait ce qu’il lui dirait de faire, et en attendant, elle savourait tout simplement sa présence au Manoir, la présence de son corps derrière le sien, lorsque parfois il venait contre elle, avant de disparaître.
Et ce soir, c’était la même chose : il était parti comploter, elle avait donc la nuit pour elle.

Reprenant le cours fixe des pensées les plus prosaïques, Marlyn observa les prises que maintes fois elle avait empruntées, suffisamment grosses pour qu’elle puisse se hisser le long de la paroi sans trop de difficultés ; l’escalade ne faisant malheureusement pas partie du domaine dans lequel elle se sentait le plus à l’aise.. C’est bien pour cela qu’elle prenait sur elle et grimpait dès qu’elle le pouvait, assouplissant ses mouvements à chaque fois, gagnant toujours quelques minutes sur la Lune.
Et quand la pente se faisait trop raide, les prises trop fines ou la roche trop dangereuse, l’apprentie Mercenaire ouvrait son esprit aux Spires, doucement, et disparaissait dans un coin d’ombre, le temps d’effectuer un pas sur le côté le plus discrètement possible. Même si les Dentelles Vives n’étaient pas un carrefour humain des plus bondés, il y avait eu cette mauvaise rencontre, la nuit où elle avait retrouvé Elera, et l’expérience ne lui avait que bien trop déplu. Déjà, ses bras arboraient des cicatrices plus récentes qu’ils n’auraient dû, et le sermon qu’Artaïel lui avait fait ce jour-là avait été des plus réprobateurs.
Qu’importait.
Un pas sur le côté plus tard, Marlyn se retrouva sur son terrain de jeu favori, là où les marques sur la roche indiquaient qu’elle s’entraînait dur à chaque passage. Un plateau large, enfoncé au creux de la paroi avec seulement un côté donnant dans le vide, des excavations dans lesquelles glisser des lampes pour éclairer un peu, et une très bonne cachette à l’abri du regard des hommes. L’endroit parfait pour la demoiselle la plus recherchée pour félonie, non ?

Les mouvements mécaniques suivirent bientôt, ce rituel vespéral que la jeune fille effectuait par habitude et discipline. S’appliquant du mieux qu’elle pouvait à fermer son esprit aux Spires de sorte à n’être qu’à peine détectable par les Sentinelles ou les Mercenaires rivaux, l’élève chaotique ôta sa cape et commença quelques assouplissements, toujours plus exigeants à chaque nuit qui passait. Elle n’avait pas été à la hauteur pour abattre proprement ce sbire afin de protéger Elera.. que se passerait-il confronté à une bande de ces renégats, ou même à un seul Valen Til’ Lleldoryn ? Non. Elle se devait d’être à la hauteur, pour satisfaire son Maître et servir les intérêts du Chaos.
Mais ce soir, c’était étrange. Peut-être était-ce dû à la Lune, qui n’éclairait pas comme d’ordinaire le plateau ; ou alors à cette annonce qu’une attaque de Raïs se tramait près de l’Académie.. En tout cas, Marlyn n’arrivait pas à se concentrer sur son corps, ou les lames qui terminaient déjà ses doigts. La fatigue, peut-être. Ne dormant que très peu, il était normal d’avoir un coup de barre, non ?

Saisissant nonchalamment une petite dague à la pointe affutée, qu’elle avait toujours à sa ceinture comme multiples autres armes, la jeune femme alla s’asseoir sur l’extrême rebord de la plate-forme rocheuse, les jambes balançant dans le vide.
Pour qui travaillait ce Sbire qui avait tenté de les tuer, Elera et elle.. ? Se pourrait-il qu’on la retrouvât ici, que quelqu’un n’ayant aucune appartenance avec le Chaos cherche également à la tuer ? C’était peut-être un simple mercenaire recruté par l’Empire pour accomplir ses basses besognes.
Quelques semaines avaient passé, mais c’était tout de même inquiétant. Préférant ne pas en parler à son Maître dans la peur grandissant de le décevoir ou d’être admonestée pour son manque de prudence, il faudrait sûrement se débrouiller seule si tentative de meurtre il y avait.

C’était bien ce qui lui semblait. On l’avait retrouvée, et cela expliquait que tout n’était pas aussi tranquille, ce soir. Continuant de graver quelques arabesques abstraites dans le grès au sol à l’aide de la pointe de la dague, la jeune femme lança à voix haute, comme pour elle-même :

- Si je devais être assassinée, je préfèrerais encore mourir rapidement, pour n’avoir à souffrir même dans mes derniers instants.


Un spectateur incrédule aurait tout bonnement crû à de la schizophrénie de la part de l’être chaotique, mais en réalité, Marlyn savait bien que le vent ne serait pas le seul porteur de ces paroles testamentaires.


- Un coup de dague rapide, peut-être. Ou alors la nuque brisée. La torture pour des informations, merci bien, je connais. Et on me connaît suffisamment dans les couches sombres de l’Empire pour savoir que je suis atteinte de folie, et que je ne dirai rien, même sous les pires souffrances.

Toujours assise sur la corniche, ses doutes se confirmèrent. La dague s’arrêta en un écho cristallin, renvoyant quelques ombres sur les parois. Et repartit dans le fourreau de cuir accroché à ses hanches, lentement. Tournant la tête vers la source du bruit – fait délibérément pour attirer son attention-, source invisible dans les ombres de la plate-forme, son œil sonda l’obscur sans succès, tandis que ses lèvres murmurèrent au grès :

- N’est-ce pas ?

Maya Nil' Shaya
Maya Nil' Shaya

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MessageSujet: Re: Tellement de secrets et d'apparences [Terminé]   Tellement de secrets et d'apparences [Terminé] Icon_minitimeVen 29 Aoû 2008 - 21:14

Nuit noire.

Myra fixait l’endroit où aurait été la lune, si l’astre n’était pas à la fin de son cycle. Elle l’avait observé tant de fois, elle savait exactement où dans le ciel elle aurait pu trouver la lune changeante. Comme elle. Comme Maya la noble, qui devenait Myra l’Eclipsiste, Nokomis l’amie des Mercenaires et Neela l’amie de l’Empire. Comme elle. Changeante, pour ne jamais être définie. Changeante, pour rester hors d’atteinte. On la cherchait dans le ciel, et elle disparaissait. On ne s’attendait plus à la voir, et elle brillait de toute sa splendeur. Cette nuit, elle était absente. Mais Myra savait qu’elle était là, quelque part. Cachée. Comme elle.

Elle était cachée derrière un rocher aux couleurs rougeâtres sous le soleil de midi, mais qui pour le moment semblait n’être que gris. Comme tout le reste… sauf sa chevelure lunaire, attachée ce soir par un ruban noir. Elle attendait. Pendant des jours elle avait fureté dans tous les coins d’Al-Vor, sentant que la trace qu’elle avait senti dans les Spires, le jour de la mort de Larik, était proche. Proche et puissante. Elle devrait être attentive. Elle avait fini par trouver la rue, puis la maison, mais n’était pas entrée. Une semaine ses sbires avait observé la résidence, les nobles en passant à cheval ou en faisant la cour à une demoiselle, une roturière en vendant son pain frais dans la rue… C’est ainsi qu’elle avait découvert que Dolohov Zil’ Urain, un noble ma fois très raffiné, vivait ici. Marlyn et Elera… Marlyn était-elle une servante ?

Puis un soir, la trace de la Dessinatrice avait disparu. Deux semaines s’écoulèrent encore avant qu’elle ne trouve l’endroit exact où elle se rendait chaque nuit qu’elle le pouvait, dans les Dentelles Vives. Une semaine de plus à préparer leur rencontre. Et Myra ne savait toujours pas à quoi elle ressemblait, n’ayant pas osé s’approcher de son terrain d’entraînement en sa présence. Pourquoi vivait-elle cachée dans la résidence du noble ? Pourquoi ne sortait-elle jamais, comme les autres habitants ? Si elle n’avait pas reconnu sa trace dans les Spires, si elle n’avait pas su à l’avance que la jeune femme vivait quelque part à Al-Vor, là où était son Spire la veille de sa mort, elle aurait eu un mal fou à la trouver. Elle aurait perdu un temps infiniment long… Mais elle était là, à présent. Et elle se doutait qu’il y avait anguille sous roche.

Elle savait qu’Elera était une élève à l’Académie de Merwyn ; élève qui s’était enfuie, et qu’elle avait voulu retrouver pour découvrir la cause de son départ. En fuite de ses ennemis du moment, qui de mieux pour l’aider ? Mais elle était revenue à l’Académie, selon ses sources, et elle était trop gentille pour lui être utile en quoi que ce soit. Si la cause de son départ restait brumeuse pour le moment, elle savait que la fille ne ferait jamais de mal à qui que ce soit. Pas consciemment, du moins. Quand à Marlyn… rien. Ses agents avaient eu beau tendre l’oreille, il semblait que personne n’osait parler d’elle, qu’ils avaient peur, même… L’un d’entre eux avait posé des questions, pour ne recevoir de sa source qu’une grimace de dégoût et un jet de salive sur ses chaussures. Ils avaient dû en parler avant, mais à présent plus personne ne parlait d’elle. Qui qu’elle soit, elle n’était pas aimée. Et qui dit haine de la part de l’Académie, en ces temps troubles, veut dire Chaos…

Marlyn devait donc être une Mercenaire, découverte par l’Académie, et en fuite. Elle se cachait, parce que l’Empire connaissait son visage. Justement, elle arrivait… Au moment où Myra sentit sa présence dans les Spires, l’Enfant du Chaos apparut. Cheveux noirs. Un seul œil, horrible cicatrice sur l’autre-encore une raison de ne pas sortir de chez elle-, corps mince mais en bonne santée, nez droit, cicatrices sur ses mains qui dépassaient de ses vêtements, bottes, forme d’une dague dedans, il semblait, et sûrement le long de ses bras aussi, et attachées à sa ceinture. Démarche légère et obéissante, beauté sauvage confinée à être chien obéissant et fier de l’être, à voir la façon dont se tournaient ses épaules… Oreilles affutées, aussi. Elle était déjà repérée… Elle savait être plus puissante que Marlyn au corps à corps ; elle était plus âgée mais encore jeune, et son corps n’était pas aussi… abîmé. Elle n’avait pas su en arrivant quelle serait la force de Marlyn, mise à part son puissant Don du Dessin. Peut-être plus puissant que celui de Myra… peut-être pas. Mais même en égales, le risque était grand. Elle avait joué longtemps avec l’idée d’apporter un Gommeur ; mais voilà, cela diminuerait sa propre force, et elle ne supportait pas d’être vulnérable. Et puis… c’était le meilleur moyen de faire croire à l’apprentie qu’elle venait en ennemie.

- Vous tuer ? Pourquoi faire ? Vous ne mourrez pas ce soir, et vous retournerez chez vous sans une seule égratignure sur votre personne, à moins que vous ne vous les fassiez à vous-même ou que vous en décidiez autrement.

Voilà, elle était prévenue ; qu’elle attaque, Myra se défendrait. Qu’elle reste calme, et aucun mal ne lui serait fait. Son chat noir sortit de l’ombre en courant vers Marlyn, avant de s’assoir juste devant elle. Deux yeux vert émeraude se fixèrent dans le noir obscur de l’apprentie. Puis le chat tourna la tête, et commença à faire sa toilette. Tout ce temps, Myra n’avait pas quitté Marlyn des yeux.

- Je souhaite seulement vous parler. Ne vous ennuyez-vous pas, à ne parler à personne mis à part votre Maître ?

Elle sortit de l’ombre à son tour, prête à combattre. Sa garde, si elle semblait détendue, ne laissait pas beaucoup d’ouvertures. Dans l’Imagination comme dans la réalité. Marlyn devait déjà être étonnée de sa présence. Une femme aux cheveux blancs, habillée de noir, aux yeux verts pétillants pareils à ceux du chat… elle savait que sa présence déstabilisait quand elle agissait comme si tout lui était permis-ce qui était vrai, il faut dire- et c’était exactement ainsi qu’elle agissait maintenant. Comme si elle avait le droit d’être ici et de parler à la jeune fille. A présent, Marlyn savait que Myra était au courant de sa situation. Enfin… elle n’en savait pas tellement, en vérité. Mais ca, Marlyn n’avait pas à le savoir. Elle préviendrait sûrement son Maître, mais cela n’avait pas d’importance. Pour tout ce que Marlyn en savait, son Maître était déjà au courant de cette entrevue.

- Nokomis est le nom par lequel ceux des tiens qui m’ont rencontrée me connaissent.

A savoir, Leila et Elias. Et Marlyn, à présent. Marlyn, qui allait par cette discussion lui offrir sans faire exprès des informations sans prix. Marlyn, qui allait aussi lui offrir un lien de plus dans la Guilde du Chaos. Elle se tut après s’être présentée. Elle voulait juger le bon sens de Marlyn, et savoir comment celle-ci répondrait à cette présentation. Si elle se présenterait à son tour, et si oui, comment. Si elle allait attaquer, s’enfuir, ou écouter…

Marlyn Til' Asnil
Marlyn Til' Asnil

La Borgne
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MessageSujet: Re: Tellement de secrets et d'apparences [Terminé]   Tellement de secrets et d'apparences [Terminé] Icon_minitimeSam 30 Aoû 2008 - 2:05

S’étonnant presque de n’être morte, Marlyn plissa légèrement les sourcils. Ses doutes se confirmèrent bientôt lorsque, là où son œil tentait de distinguer les ombres des formes, une voix s’éleva et chassa toute tentative de meurtre leurs prémices de conversation.
Légèrement étonnée, la jeune fille réfléchit, songeant que jamais personne n’avait songé à la laisser vivre plus de trois secondes après avoir établi contact, des personnes adultes qu’elle connaissait hormis son Maître. Il valait mieux attendre le pourquoi de cette visite, alors. Sûrement celui –celle au vu de la voix- qui avait employé l’espion ; cet espion qui avait attenté à la vie d’Elera, et avait marqué son corps de blessures récentes. Alors on l’avait retrouvée.. Il faudrait rapidement en avertir le Mentaï, car si quelqu’un d’occulte avait réussi à la coincer ici, les employés de l’Académie le pouvaient également.
Sauf que toute immersion dans les Spires était à exclure pour quelques temps. Premièrement, pour ne montrer son pouvoir à la personne qui l’espionnait, mais également pour éviter d’être répérée par une quelconque Sentinelle lorsqu’elle enverrait son message. Il valait mieux rester discret et.. oui, faible. Paraître faible. C’était peut-être le seul moyen de s’en sortir..

Préférant éviter le regard émeraude du félin, mis là seulement pour distraire son attention de la femme qui la regardait, tapie dans l’ombre, la jeune fille réfléchit à tous les moyens de s’en sortir sans utiliser les Spires.. Et il n’y en avait aucun ; on l’avait décidément bien piégée. Fuir signifierait devoir étaler son Don devant les yeux de l’ennemi. Elle allait devoir écouter son interlocutrice..
L’attaquer ? Non. Trop risqué, elle n’avait aucune idée de la puissance en face, ni du nombre. Car elle pouvait avoir des dizaines de sbires dissimulés et prêts à la transpercer de leurs lames si elle tentait quoi que ce soit.. Dame.. coincée. Entendant vaguement les bruits d’ablutions félidées sans vraiment les écouter, l’apprentie Mercenaire tendit l’oreille et la prunelle en direction de..

Alerte. Marlyn plissa les sourcils.. ou, enfin, le sourcil, vu ce qu’il restait de l’autre. Comment connaissait-elle toutes ces informations sur elle ? Comment pouvait-elle savoir qu’elle était sous le joug d’un Maître Mentaï ? Ou était-ce une ruse pour vérifier des spéculations ? Malgré tous ses efforts pour ne rien montrer, la jeune fille n’avait pu empêcher son regard noir de suivre attentivement les premiers mouvements qui apparaissaient dans l’excavation.
Dangereuse. En garde. Cheveux blancs. Etrange. Paraissait étonnement forte pour sa constitution. Aucune chance. Détournant nonchalamment le regard pour le poser sur le vide d’altitude en face d’elle, l’être chaotique ressortit entre ses doigts marqués la lame qui pendait à sa ceinture, recommençant à la faire jouer entre ses phalanges, tant pour dénoter de son indifférence que pour être prête en cas de coup en traître. Oui car que valait la parole de la femme opaline à ses côtés ? Rien, aucune possibilité de lui faire confiance.

Mort probablement imminente. Piège. Saleté de piège trop diffus et raffiné pour qu’elle puisse éviter de tomber dedans.. ce qui s’était produit. L’autre avait une garde bien trop parfaite pour Marlyn, surtout si cette dernière devait rester au-dessous de son niveau. Pas de Dessin, pas de techniques obscures.. Ce serait dur. Alors dans l’intervalle, autant écouter ce qu’avait à dire..
Nokomis.
Un nom d’emprunt, et même pas la politesse de le lui cacher. Les tiens.. Elle avait donc déjà rencontré des Mercenaires. Dos à la femme, puisque de toute manière elle ne pourrait pas la combattre, Marlyn prit un ton de toix légèrement rauque, éraillé et fatigué –en somme, celui qu’elle avait jusqu’à sa sortie d’Ondiane – pour dire d’un ton versant dans le neutre :


- La dernière fois que j’ai parlé à quelqu’un, cela m’a coûté un œil et des mois de ma vie en fumée. Alors ne parler à personne que ce Maître –dont je ne connais d’ailleurs pas l’existence, je ne vous comprends pas- ne me dérange aucunement.


Autant la jouer prudemment. Tout d’abord, ne pas évoquer sa rencontre avec Karil et Elera, car si elle était son supérieur, cela allait tourner mal et faire très mal. Tout nier, tout refuser ou ne pas comprendre. Marlyn ne savait pas ce que cette Nokomis aux cheveux de lune possédait comme informations, et il ne faisait plus aucun doute que cette dernière allait tenter pacifiquement de lui en soutirer. Il faudrait être vigilant.

Et continuer de tourner le dos à cette femme, la laisser approcher, ne rien montrer, jouer un peu avec la dague, jeter des coups d’œil aux alentours pour tenter de repérer certains sbires.. si sbires il y avait. Cette adulte semblait extravagante, et son style serait d’être seule et de faire croire à un encerclement. Une aporie sur pattes, cette Nokomis.
Il faudrait donc être plus illogique qu’elle encore. Réagir de façon totalement anarchique et sans plan, tout en restant suffisamment faible pour la conforter dans son impression de contrôler la situation..
Et avec amertume, Marlyn songeait que c’était le cas. Et qu’elle ne pourrait pas redresser. Tant pis. La dague tinta, avant de remonter langoureusement sur l’épaule, de redescendre sur la ceinture pour la couper, entendre l’acier du fourreau tomber au sol. Lâcher la dague d’un mouvement fatigué et légèrement apeuré. Rapprocher la main de la botte, en sortir la seconde, la montrer à l’interlocutrice derrière, la lâcher plus loin. Se relever. Lentement toujours, comme sous la menace d’une lame dans son dos, les mains bien visibles. Le tout était de sembler totalement illogique. Folle, sûrement. Enlever les brassières de cuir, faire tinter l’acier des lames lorsque celles dissimulées tombèrent auprès des autres. Et finalement, passer les doigts le long de l’abdomen, et déloger le dernier couteau caché dans les plis de ses habits légers. Tout pousser loin d’elle du pied, et murmurer :


- Si vous m’avez retrouvée, alors vous connaissez mon nom ; je n’ai donc pas besoin de vous le donner.


Quel rapport avec l’enlèvement de toutes ses armes ? Aucun, et c’était le but. Se retournant sèchement, différemment de tous ses mouvements précédents, Marlyn vrilla son regard abîmé dans celui de Nokomis.. fut un instant déstabilisé par leur vert profond. Leva les mains en évidence de chaque côté de son corps. Ensuite, il suffisait de se répéter, de ne rien dire d'autre que ces mots qu'elle avait déjà prononcés plus tôt :

- Et à quoi ça sert de parler avec moi, hein ? Je l’ai déjà dit, je ne dirai rien. Mais vous le savez, n’est-ce pas ? Vous tentez quand même.. Mais vous semblez oublier ce qui fait qu’on me traque, ce qui fait qu’il est littéralement impossible d’avoir trop d’informations fiables sur moi.

S’avançant alors d’un pas brusque, s’arrêtant, reprenant normalement, ricanant, approchant, l’apprentie Mercenaire se sermonna intérieurement. Le tout était de ne pas se prendre à son propre jeu.. Mais après tout, si cette nuit devait être la dernière avant qu’on ne l’assassine froidement, autant la passer en jouant.. Certes, un jeu dangereux.
D’une main crispée, elle approcha les doigs de son propre visage, passa lentement le long de la déchirure de son visage, encore, s’assurant que la Dame en face voit son manège, et s’approchant, jusqu’à être toute proche. Et repasser encore les doigts sur l’œil manquant, puis approcher la main de la face de Nokomis. Ne pas tenir compte de sa réaction. Mimer son dernier geste, et doucement reprendre, la voix blanche, éraillée, douce et fascinée à la fois, tout en esquissant un sourire narquois :

- Je suis folle.

Maya Nil' Shaya
Maya Nil' Shaya

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MessageSujet: Re: Tellement de secrets et d'apparences [Terminé]   Tellement de secrets et d'apparences [Terminé] Icon_minitimeSam 30 Aoû 2008 - 4:04

Myra fut ébranlée de l’intérieur. La fille n’essayait même pas de se protéger ? Elle restait le dos tourné, elle jetait ses armes, elle quittait les Spires ? N’avait-elle pas une seule goutte d’instinct ou de survie encore en elle ? Sûrement avait-elle appris à ne pas se rendre plus vulnérable qu’elle ne l’était… elle écouta, essayant de comprendre. Piège, mensonge, vérité ? Myra savait que Marlyn avait un Don puissant du Dessin ; mais à présent, la force dans les Spires s’aténuait… Elle devait avoir gardé une carte de sa manche, un couteau peut-être, du poison, et être prête à rejoindre les Spires à n’importe quel instant ; penser que non aurait été imprudent pour Myra, suicidaire pour Marlyn…

Elle se contredisait. Elle n’avait aucun mal à parler à une seule personne, la dernière fois elle avait perdu tout ce qu’elle avait, et elle n’avait pas de maître ? Elle ne pouvait pas vivre en solitude. Ceux qui vivaient dans la maison de Dolohov Zil’ Urain devait bien savoir qu’elle y était aussi, elle ne pouvait pas vivre dans la maison d’un noble sans qu’il ne soit au courant… Elle ne savait pas si Marlyn parlait aux servants, mais elle en doutait. Ceux-ci avaient une fâcheuse tendance à parler plus que nécessaire. Trop risqué. A moins que Marlyn ait des alliés importants dans la maisonnée. A voir. En tout cas, elle devait bien parler au noble. Ou pas ? Elle commençait à en douter. Peut-être que son maître était un serviteur, et qu’il la cachait, qui sait. Après tout… elle ne savait pas grand-chose, elle devinait beaucoup. Elle devait faire attention à chacun des mots de l’apprentie. Parce que l’une des choses dont elle était sûre, c’est que Marlyn était Mercenaire du Chaos. Cela expliquait la fuite, certes… mais de plus, une jeune fille sans histoire n’aurait jamais eu ce genre de Shurikens sur sa personne. Et puis, elle avait bien avoué qu’on la traquait…

Elle ne donnerait pas son nom ; intelligente. Etrange, aussi. Elle se contredisait encore. D’un côté, elle agissait comme une folle, de l’autre, elle répondait d’une manière perspicace à ses questions… Alors, qui joue la comédie ? Qui essaie de semer le doute ? Mais il fallait avouer, Maya n’avait jamais pensé à ca. Jamais pensé à surprendre son interlocuteur de cette façon. Jamais tenté de se mettre complètement à la merci de l’autre ou de passer pour une folle. …en fait, Marlyn était soit une très bonne comédienne, soit elle était vraiment folle. Malheureusement, Myra hésitait trop pour choisir. En tout cas, elle comptait bien se souvenir de l’attitude de Marlyn. Il pourrait lui être très utile pour le futur…

Lorsque la main de Marlyn s’approcha de son visage, Myra se raidit. Mais ne fit pas un geste. L’Enfant du Chaos ne pouvait pas lui faire de mal. Elle était complètement vulnérable. Elle était trop proche oui, beaucoup trop proche… mais Myra ne pouvait pas, ne devait pas avoir peur, ou laisser penser qu’elle avait peur. Et il n’y avait aucune raison d’avoir peur… Elle fut tout de même plus heureuse lorsque Marlyn recula. Toujours avec cette allure de folle. La conversation allait être plus difficile à diriger qu’elle ne le pensait. Elle allait avoir du mal à savoir qui elle était exactement, et quel était son lien avec Elera… Elle finit par parler, tout de même. Calme. Elle ne proposa pas à Marlyn de reprendre ses armes ; après tout, si elle voulait les laisser au sol, c’était son affaire.

- Et si je t’avais trouvée sans connaître ton nom ? Tu as laissé des traces de ton passage dans les Spires ; tu devrais demander à ton maître de t’apprendre à la camoufler un peu mieux, cela te sera utile.

Parler comme à quelqu’un de sain. Ignorer sa folie. Quoi de mieux pour éviter le piège ? Et surtout, surtout, ne faire aucun geste qui puisse la mettre dans la position que Marlyn avait choisi pour elle. Ne pas se mettre dans la position du plus fort qui vient soutirer des informations au plus faible. Cela ne ferait qu’animer la méfiance déjà gigantesque de l’Enfant du Chaos. Lui donner des conseils pour l’aider, à la place. Après tout, maintenant qu’elle l’avait trouvée, elle n’avait plus besoin des pistes, et d’autres pourraient les remonter. Autant les effacer. Ignorer sa folie. Ignorer son état vulnérable. Ignorer qu’elle avait dénié avoir un maître, aussi. Pour voir où ca la mènerait. Maya voulait bien accepter qu’elle avait peut-être de la famille dans la résidence du noble, et qu’elle n’avait aucun maître ; qu’elle avait quitté le Chaos, quoique vu qu’elle disait avoir des informations qu’elle ne donnerait pas même sous la torture semblait effacer cette option ; qu’elle vivait dissimulée parce qu’elle savait ce qui lui arriverait si elle sortait au grand jour ; mais voilà, mensonge ou pas, Maya avait commencé par dire que Marlyn ne parlait qu’à son Maitre. Elle avait tâtonné, pris le risque de montrer à Marlyn qu’elle ne savait rien. Mais si elle avait vu juste, changer d’avis maintenant serait faire preuve de faiblesse, alors que continuer emmènerait peut-être Marlyn à penser qu’elle en savait plus qu’elle n’en savait vraiment. Si elle avait eu tort, le dommage était fait, et il était trop tard. Reculer maintenant ne changerait rien. Alors continuer à agir comme s’il y avait un Maître… comme si elle connaissait le Maître. Et elle découvrirait la vérité. Plus tard. Pour le moment, répondre, simplement.

- Sauf que je ne suis pas venue te soutirer des informations. Pourquoi viendrai-je te voir dans ce but, alors que j’ai d’autres connections bien plus fiables ?

Elle avait déjà avoué connaitre les Mercenaires du Chaos, pour mettre la jeune fille en confiance- ou au moins, lui prouver qu’elle ne faisait pas parti de ses ennemis. Qu’elles étaient dans le même camp. Enfin, pas vraiment, mais à Marlyn d’interpréter. Et il était logique que ses connections soient plus crédibles que la jeune femme au regard trouble, à l’allure folle, au trop plein de jeunesse. Elle trouverait les informations dont elle avait besoin, sur Elera, sur Marlyn, sur l’identité de son maître ; elle finirait par percer l’apprentie à jour, à découvrir ce sur quoi elle mentait et ce sur quoi elle disait la vérité. Mais pour le moment, elle devait commencer par des sujets bénins. Pour lui montrer qu’elle n’était pas venue pour des informations. Elle voyait déjà la question de Marlyn dans son esprit ; pourquoi, alors ? Et la réponse était simple. Elle en savait beaucoup sur Marlyn, son maître ( ?), sa position, sa fuite. Elle admirait Marlyn, et elle voulait la rencontrer. Marlyn n’avait même pas à savoir qu’elle n’était pas une Mercenaire du Chaos… Mais pour ca, il faudrait la pousser un peu. Et surtout, ne pas mentionner Elera, ou Marlyn devinerait tout.

- Non, c’est la curiosité qui m’a menée à toi. Tu as rejoins nos rangs, et payer le prix fort…

Cela devrait suffire pour le moment. Ne pas trop parler, surtout… pas des choses importantes, en tout cas. Et ne pas regarder derrière elle non plus, que Marlyn ne devine pas qu’elle n’était pas seule. Son ombre la suivait, comme à chaque fois qu’elle le pouvait. Les murs ont des oreilles, et les murs entendent des choses qu’elle n’entendait pas… C’était Kawel qui l’avait suivi à Al Vor. Syra s’occupait d’Al Poll en son absence. Comme souvent… Pour le moment, elle décida de garder son ombre dans… l’ombre. Au cas où. Kawel montrait rarement son visage de simplet. Il se cachait, il attendait, il écoutait. Il savait, et se taisait. Lui et Syra étaient les seuls en qui Myra avait assez confiance pour ca… alors Marlyn n’apprendrait pas sa présence, pas tant que ce n’était pas nécessaire.

- Alors acceptes-tu de parler avec moi, ou souhaites-tu que je disparaisse ?

Choix. Respect. Confiance...

Marlyn Til' Asnil
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MessageSujet: Re: Tellement de secrets et d'apparences [Terminé]   Tellement de secrets et d'apparences [Terminé] Icon_minitimeSam 30 Aoû 2008 - 23:50

Finalement, ce petit jeu était plutôt efficace. Dès les premières paroles, Nokomis venait de lui apporter une information dont la jeune fille voulait confirmation ; cette femme avait un don extrêmement puissant pour le Dessin, puisqu’elle était parvenue à suivre sa signature dans les Spire alors que celle-ci était faible. Intéressant.. Et ça confirmait aussi le fait que si Marlyn avait attaqué, elle n’aurait pas pu faire face très longtemps face à un Don probablement égal au sien. Mais ce n’était pas important. Elle sentait que son jeu marchait, que cette incohérence dans les mouvements, les paroles, ou même les idées, ne ferait que renforcer sa sécurité. Et puis si la jeune femme en face d’elle était excédée, elle la terminerait vite, et l’apprentie Mercenaire mourrait sans douleur ; c’était déjà ça.

Ne rien dire, ne pas répondre tout de suite à ses questions.. Oui, il fallait embrayer sur autre chose qui n’avait rien à voir, puis revenir pour dire des absurdités. Et surtout, ne rien dire la vérité dans le tas. Ne jamais dire la vérité, car malgré ce qu’elle niait, Nokomis était bien là pour découvrir qui Marlyn était et quelles informations elle possédait. Le doute s’amenuisait sur sa relation avec Karil. Et puis, à jouer la folle ou l’immature, la faible ou l’inconsciente, la suicidaire ou la dangereuse, elle obtenait des informations à l’insu de la dame aux cheveux décolorés. Des connexions fiables, un don du dessin puissant, un dessein sombre.. même si son appartenance aux Mercenaires étonnait fortement Marlyn. Elle était bien trop raffinée pour cela, n’est-ce pas ? Un Mercenaire adverse aurait déjà supprimé Marlyn pour affaiblir son rival Zil’ Urain, du moins d’après ce que ce dernier lui avait dit. Il allait falloir la jouer serré pour tenter de cerner le personnage en face d’elle.
D’un geste peu enclin des convenances, l’être chaotique pointa l’index vers son interlocutrice, et lui attrapa l’épaule fermement ; puis murmura tranquillement, d’un ton moqueur :


- Tu sais quoi ? J’crois que ton petit jeu ne marche pas trop. T’as rien appris sur moi pour le moment.. Et tu m’as déjà donné plein d’informations sur toi, Nokomis.. , finit Marlyn en ricanant un peu, sans avoir beaucoup à forcer sur l’illusion. Faut croire que je suis meilleure que toi dans le rôle de l’extorqueuse de paroles importantes.

Dressant trois doigts juste devant le visage de l’adversaire, elle rajouta :

- Trois. Trois minutes, trois informations. Essaie de faire mieux, mais j’en doute.. Oui.. c’est mon Maître qui sera content, ça !


Et juste après, elle plongea son regard dans celui de la jeune femme, dont elle se rapprocha d’un pas pour la gêner. Juste pour voir si quelque chose avait changé. Car elle ne disait toujours pas la vérité, en son sens. Et ça allait venir plus tard, quand elle aurait changé de sujet pour y revenir dans quelques minutes. Et surtout..
Il fallait aussi changer de comportement. D’une part pour ne pas montrer le vrai, et d’autre part pour ne pas fixer cette image de folie douce. Autant finir dans l’anarchie totale, qu’on ne puisse complètement la cerner. Même un fou a des failles, et elle n’était pas folle. Alors elle allait lui montrer. Reculant d’un pas, la jeune fille redressa l’échine durement, alors que toute trace de moquerie avait disparu de son visage pour laisser place à un œil dur et haineux. Contrastant, ses mains s’écartèrent à nouveau de son corps pour montrer son manque d’hostilité, et elle recula d’un autre pas encore, puis encore. Jusqu’à atteindre les lames laissées sur le sol, tentant de voir du coin de l’œil si quelqu’un se cachait dans les parages. Sans succès. D’un coup de pied sur le manche, l’apprentie mercenaire fit sauter la plus proche des dagues jusque dans sa paume, et referma les doigts dessus fermement. Un autre coup de pied, et un second poignard reprit place dans son autre main.
Mais son esprit profitait de ce détournement d’attention pour se fermer hermétiquement aux Spires, ne laissant plus aucune trace de sa présence filtrer dans l’Imagination. Nokomis savait qu’elle avait le Don. Soit. Mais savait-elle à quel point ? Autant ne rien montrer, comme toujours.


- Et je suppose que si j’avais voulu ne pas être dérangée, cela fait longtemps que je serais partie, ou que je vous aurais demandé de partir.


Les mains contenant les lames étaient toujours écartées du corps, et cette position différait de bien des gardes de combat.. pour la bonne raison que ce n’en était pas une. Elle ne comptait pas se battre, juste faire en sorte que l’autre en face se pose des questions. Alors, évitant tout mouvement brusque, la jeune fille recula encore, vers le rebord. Encore un peu. Et l’expression sur son visage se modifia encore. Faire apparaître de la peur dans ses traits, une étincelle effrayée dans l’œil qui lui restait. Trembler, mais ne pas lâcher les dagues, c’était le mieux. Et elle continua de reculer, sous l’œil étonné de Nokomis. Lorsqu’arrivée le long du rebord, ses doigts s’ouvrirent.
Il restait donc sur la plate-forme deux dagues, une poignée de Shuriken. Les deux plus longues avaient fait le saut de l’ange, à présent. Maintenant, la contradiction, le retour au vouvoiement.

- Vous voulez la vérité, Nokomis ? Le Maître est mort. Il est partout maintenant.. il veille sur moi de là où il est.. et je n’ai jamais peur, car il est toujours à mes côtés. Toujours. Et en ce moment, il murmure des recommandations dans mon oreille, des conseils.. Il m’aide. Il est toujours là pour moi.. et ça vous ne l’empêcherez jamais. Mais tuez-moi, allez-y. Tuez la folle, ou tuez l’élève, ou alors tuez la jeune fille qui vous agace. Je serai à ses côtés à jamais.

Retour à la folie, car elle avait déjà recommencé, après avoir fini avec un ton doux et légèrement illuminé. Les mains toujours écartées loin du corps frémirent un instant, et Marlyn regarda Nokomis. Et revint à sa hauteur avec une rapidité étonnante pour un corps qui semblait tellement abîmé. Mais il ne l’était plus.. Les cicatrices n’affectaient plus que la peau.
Juste à côté de la Dame, Marlyn se fit à tourner autour d’elle. Lentement, d’un pas posé, mesuré et suffisamment agaçant. Et d’un ton parfois professionnel, parfois narquois, parfois neutre, parfois haineux, elle reprit une dernière fois :


- Je t’aime bien, finalement. Vous avez une patience certaine, et vous parlez peu. Ca me fait bizarre de reparler à quelqu’un de bipède, tu sais. Ca fait tellement longtemps... Dites-moi, à quoi ressemble le monde, maintenant ? Est-ce qu’on parle encore de moi ? Il parait que des agents meurent pour avoir tenté de m’attaquer.

Voilà. Juste glisser une allusion, ça suffirait bien. Et puis, une folle pouvait dire n’importe quoi. Faire n’importe quoi sans se soucier des convenances. C’est pourquoi Marlyn ricana un peu, se rapprocha de l’inconnue, effleura son épaule, recula, pour finalement se planter devant elle, et recommencer ce geste qui avait profondément agacé l’autre plus tôt.
Passer les doigts le long de l’œil vert intact, comme une illusion, comme pour oublier que le sien avait été remplacé par des cicatrices et une peau déchirée.


Maya Nil' Shaya
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MessageSujet: Re: Tellement de secrets et d'apparences [Terminé]   Tellement de secrets et d'apparences [Terminé] Icon_minitimeDim 31 Aoû 2008 - 20:55

Trois minutes, trois informations ? Ah, mais Marlyn la sous-estimait, et elle ne savait pas à quel point… Elle avait appris beaucoup de la jeune fille, même si elle ne lui laisserait pas savoir. Peut-être pas de choses utiles, mais elle en avait appris. Elle savait, pour une chose, à quoi ressemblait Marlyn. Elle savait qu’elle était Mercenaire du Chaos, traquée par l’Empire. Elle savait où elle se cachait. Elle connaissait la puissance de son Don. Elle connaissait son nom, mais il n’était peut-être pas véritable. Elle connaissait ses méthodes imprévisibles. Elle connaissait la force de son corps. Elle connaissait sa peur. Et puis il restait ses choses dont elle doutait encore. Folle ou comédienne, maître ou pas maître… Voyons voir, réfléchissons.

Elle répondait avec intelligence à ses questions, n’ayant même pas tenté de donner un nom après son deuxième essai, se contredisant en permanence. Elle savait mentir, visiblement… Ses paroles n’étaient pas celles d’une folle. Ses actions et le ton de sa voix l’étaient. En même temps, si Marlyn était traquée, elle devait vivre dans la peur de se faire découvrir. Quoi de mieux que de paraître folle pour être laissée en paix ? Les hommes ont peur de ce qu’ils ne comprennent pas, les hommes ne cherchent pas à utiliser l’imprévisible et l’inutile. Ce que Marlyn semblait être. Si elle jouait la comédie, elle avait trouvé la couverture parfaite… ‘Si’. Nokomis n’était pas encore certaine, mais elle le serait bientôt… Et en attendant, elle suivait chaque mouvement de l’apprentie, essayant-en vain- de deviner ses prochaines actions. Elle était absolument incompréhensible. Mais si elle jouait la comédie, Nokomis trouverait une faille… elle trouverait un moyen d’arrêter sa danse, et de la mettre en confiance.

Le Maître est mort ? On en arrivait au deuxième doute. Mais quelques secondes plutôt, elle avait dit que le maître serait content. Et encore avant, elle avait avoué ne parler qu’au maître, avant de se rattraper en niant son existence. Que de possibilités. Peut-être l’une d’entre elle était vraie, peut-être aucune… Mais quelque chose la dérangeait là-dedans. Quelque chose qu’elle savait, mais dont elle ne se souvenait plus. Au bout de sa langue ? Oui… Ou plutôt, éclat brillant qu’on discerne du coin de l’œil, et qui disparait lorsqu’on le regarde en face. Impossible à attraper. Hors d’atteinte, comme le papillon qui vole haut dans les airs. Elle n’essaya pas de chercher ce que c’était qui la gênait ainsi. Elle savait, en quelque sorte. Une information qui lui permettrait de connaître la vérité. Mais si elle y pensait, si elle regardait en face, si elle tendait les mains, elle ne trouverait jamais. Elle devait attendre que l’éclat revienne de lui-même, que le papillon se pose de lui-même sur sa main, et continuer comme si de rien n’était…

- Tu es donc si pressée de mourir ? Mais comme je te l’ai déjà dit, je ne suis pas venue pour ca. Seulement pour te rencontrer et te parler. Il te faudra trouver quelqu’un d’autre…

Marlyn lui tournait autour, comme le tigre qui tourne autour de sa proie. C’était tellement agaçant, réveillant des serpents de peur irrationnelle dans son estomac, comme à chaque fois qu’elle ne maîtrisait pas entièrement les éléments. Marlyn avait choisi la méthode parfaite contre elle, oui… mais elle ne devait pas laisser l’apprentie le remarquer. Lui faire croire que ses méthodes ne l’affectaient pas. C’était la meilleure solution. Pourtant, lorsque Marlyn s’approcha pour mettre à nouveau sa main sur son visage, Nokomis attrapa son poignet. Sa poigne était douce, mais ferme. Elle ne doutait pas que Marlyn pourrait se dégager ; c’était, après tout, l’une des premières choses qu’elle avait apprises, dix ans auparavant. Et Nokomis la laisserait se dégager. Mais pour l’instant, elle était devant elle, une main bloquée, une lumière démente dans les yeux.

Et c’est à ce moment là que l’éclat brilla de nouveau au coin de son œil. Tilt Idea Elle avait trouvé. Ce n’était pas une, mais deux informations qui lui avaient échappée un instant… La première, moins importante. Elera était une élève de l’Académie. Marlyn devait donc la connaître. L’Académie était une piste pour en découvrir plus sur Marlyn. Peut-être qu’elle mènerait dans une impasse, mais elle devrait la suivre de toute façon. Elle ne laissait jamais une piste tranquille, une fois le chemin découvert. La deuxième information, tellement plus importante pour le moment… Lors de son espionnage des semaines précédentes, elle était tombée sur une coïncidence troublante, en cherchant à comprendre pourquoi Marlyn ne partait pas dans les Dentelles Vives tous les soirs. Elle avait cherché le modèle, comptant les jours, observant les conditions climatiques. Et elle avait fini par trouver.

Marlyn ne sortait que lorsque le noble, Dolohov Zil’ Urain, n’était pas dans la résidence. Elle ne sortait que lorsqu’il partait à ses affaires, affaires qu’elle ne connaissait pas parce qu’elle n’y avait pas prêté attention. C’était de Marlyn qu’avait parlé son agent, pas du propriétaire de sa cachette. Ce qui voulait dire que l’apprentie dissimulait ses sorties au noble… pour quelle raison ? Soit il la surveillait, auquel cas il ne lui faisait pas confiance, soit il était son maître et il n’apprécierait pas de la voir risquer sa vie à l’extérieur des murs sans sa supervision… Ah. Et bien, elle allait pouvoir utiliser ca pour révéler la vérité. Mais il fallait d’abord répondre, éviter l’allusion.

- Le monde est toujours le même… mais il changera. Bientôt ce sont les nôtres qui s’occuperont des affaires du monde. Quant à toi… certains de nous te connaissent, et je suppose que l’Empire te cherche encore, s’il a envoyé des assassins qui ne sont jamais revenus...

*En tout cas, s’il te recherche, il ne le crie pas sur tous les toits. Tu sembles être un sujet tabou… A moins que l’Académie de Merwyn, cette piste que je n’ai pas encore recherché, est décidé de s’occuper de toi personnellement ? Nous verrons… En tout cas, mes oiseaux ne tarderont pas à tomber sur quelque chose, les hommes finissent toujours par parler…* Elle pensait à ca, son visage toujours aussi impassible, se demandant aussi si Marlyn se laisserait prendre par le mot ‘assassin’. Puis elle baissa les yeux : son chat était en train de se frotter sur les jambes de l’Enfant du Chaos. Elle ne s’en occupa pas,papa. S’ouvrant aux Spires, où elle ne trouva plus trace de Marlyn- décidemment, elle était vraiment suicidaire-, elle se délecta de l’infinité de possibles. Tellement de puissance dans l’Imagination, tellement de choses qu’elle pouvait faire… Une boule de lumière aussi blanche que celle de la lune apparut au dessus de leurs têtes. Chacune des ombres que l’on voit en observant la Reine de la Nuit était présente, gravées dans la sphère. La pleine lune était revenue ce soir… Et Nokomis attaqua, suite logique de ses paroles précédentes. Son regard perçant glissa sur le corps et le visage de Marlyn, cherchant la réaction qui ne manquerait pas de se montrer. Marlyn n’était qu’une apprentie, après tout. Mais peut-être avait-elle déjà appris à cacher les réflexes de son corps ? Peu importe, Nokomis était prête. *Dis-moi*, elle demandait au corps. *Dis-moi s’il est ton maître.* Prête à attraper la réponse, certaine qu’elle ne pouvait échouer, comme le Tigre des Plaines près à bondir sur la gazelle alors que l’herbivore ne se doute encore de rien. Elle demanda innocemment, alliée inquiète par l’imprudence de l’un des siens-après tout, un faux pas était fatal dans ‘leur profession’…

- Mais dis-moi, que penserait Sir Zil’ Urain s’il te savait là ? N’est-ce pas un peu trop dangereux de te promener par toi-même, dans ces circonstances ?

Marlyn Til' Asnil
Marlyn Til' Asnil

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MessageSujet: Re: Tellement de secrets et d'apparences [Terminé]   Tellement de secrets et d'apparences [Terminé] Icon_minitimeDim 14 Sep 2008 - 23:11

La pression sur le poignet fit grimacer Marlyn, malgré elle. Certes, l’effet était atteint, mais elle se n’était pas attendu à la force que Nokomis mit à lui tordre le poignet, et ne put empêcher ses muscles de se contracter en un rictus douloureux. Oh, elle ne devait pas serrer bien fort.. mais elle serrait au mauvais endroit, là où la douleur remontait dans tout le bras en une vague brûlante, jusqu’à disséquer l’épaule. Peut-être était-ce dû aux cicatrices qui lui barraient toujours les veines, peut-être à l’impression seule d’être isolée dans un traquenard, et d’avoir mal à l’avance. Le jeu se compliquait. L’apprentie commençait doucement à s’y laisser prendre, oubliant parfois si elle jouait consciemment ou si elle délirait vraiment. Mais qu’importait, cela ne ferait que renforcer le trouble dans lequel elle essayait de mettre la femme aux cheveux décolorés.
Malgré toute la volonté qu’elle mettait dans le fait de vouloir dégager son bras de l’emprise brûlante qui la retenait, Marlyn ne parvenait plus à faire obéir ses muscles. A croire qu’on parvenait à distiller un léthargique dans ses veines, ou que le contact de la peau douce et ferme l’envoûtait.. l’effrayait. La retenait.
Et pourquoi ce regard perçant, comme si Nokomis lisait en elle tel un livre ouvert, comme si toutes les réponses venaient de lui sauter aux yeux, alors que la Mercenaire était à sa merci. Et ça, Marlyn n’aimait pas du tout ; c’était bien pour cela qu’elle se débattait comme une forcenée, ne parvenant pourtant pas se défaire de la prise pourtant souple de la femme. Inconsciemment, elle commençait à s’apeurer de tout ce qu’elle avait réussi à apprendre sur elle de ce simple regard..
Et le jeu se flouta encore plus. Comment fallait-il réagir ? En voulant être cohérente dans ses actes aléatoires, la jeune fille commençait à se perdre elle-même. Que fallait-il faire, alors qu’elle ne pouvait s’enfuir ni rester normal ? La raison lui sermonna de stopper un instant son petit jeu, au risque de perdre la tête dans l’affolement. Prétexte tout trouvé, elle cessa de gigoter pour écouter attentivement les paroles de Nokomis. Et pour les analyser tout en jouant le jeu, cela deviendrait trop ardu.. Rester amorphe. La clé. Sans plus chercher à se débattre, Marlyn plissa le nez au mot d’assassin, certaine que son teint devait être descendu d’un cran dans la pâleur. Alors Karil était bien un assassin.. Mais pour quoi ? Elera, ou l’apprentie Mercenaire ? Mais puisque l’interlocutrice disait n’avoir aucune intention de la tuer, autant espérer pour le moment.

Ce qui déconcentra définitivement son attention fut le félin, innocent, à ronronner contre ses mollets. Dame qu’elle haïssait le contact ! Une vague de frissons partit des orteils, et jusqu’au bout des doigts. Un prétexte, ce chat. Un alibi, rien de plus qu’une vie alibi. Et Marlyn tourna des yeux déments vers la dame. Etait-elle donc si puissante que cela, à recréer la lune au-dessus de leur tête, à aveugler la jeune fille ? D’un geste réflexe, elle dégagea vivement son bras pour le passer le long de son visage, le front plissé sous l’intensité de la paupière, qui brûlait sa rétine abîmée. Légèrement courbée pour laisser sa vision à l’ombre, une main posée sur la paupière, elle était bien à la merci de la Dame.. Ingénieux de sa part. Mais était-ce intentionnel ? Nul ne le saurait.. Toujours était-il que ce dessin lui consumait le regard, à tel point que la pupille se dilatait violemment, envoyant un mal de crâne indicible à la jeune fille.
Mais elle se redressa malgré tout. La concentration profondément affaiblie.. Pourvu qu’elle ne fasse pas d’erreur et que Nokomis n’en profita pas pour se jeter dans la faille.. Pourvu qu’elle sût déjouer le prochain piège. Pourvu..

Et ce ton innocent, entendu avant même les paroles. Que dissimulait-elle ? Un instant, l’esprit malade et paranoïaque de Marlyn crut percevoir une seconde présence. Mais cela devait juste être une illusion.

Touché. Marlyn se mordit la lèvre au sang. Elle n’avait strictement rien compris au duel qui venait d’être prononcé, et ne parvenait pas à le cacher. Reculant d’un pas sous la surprise, l’œil plissé, observant le visage marmoréen et impassible de la Dame de Lune.. Elle ne parvenait pas à comprendre.. N’y parvenait plus. Cette suite de mots sans logique, cette boule de lumière aveuglante qui disjonctait sa vision.
Qui était ce Sir Zil’ Urain dont elle faisait la mention ? Etait-ce l’un de ses espions, tentait-elle ainsi par là de découvrir si elle l’avait découvert ? Elle ne savait pas.. Et ça devait terriblement se voir sur son visage. Quelles circonstances ? Bon sang, mais pourquoi cette phrase incompréhensible, pourquoi un nom vide de sens et une mise en garde ?! Ah, qu’elle regrettait de n’avoir été proprement éduquée, en cet instant, à percevoir ce style de choses.. Il fallait détourner l’attention quelques minutes, trouver quelques instants à réfléchir, et puis éteindre cette maudite lune, par la Dame !

Mais. Mais oui. Voilà la solution. Briser toutes ses précautions, émerger rapidement dans les Spires pour déstabiliser, monter très haut puis redescendre très bas, revenir au moyen et peiner.. Et puis finalement, prendre le contrôle de la sphère aveuglante. En atténuer l’éclat opale. Et la faire exploser en une myriade d’éclats, qui disparurent en une écharpe d’inexistence.
Puis je croise ton regard, Nokomis, et je te défie comme tu me défis, parce que je ne comprends pas et que tu ne comprendras pas, nous nous ressemblons plus que tu ne le crois.. Et mon regard, dans les ténèbres, peut alors te scruter, parce que plus rien ne le brûle. Et moi je cherche la réponse, cette réponse dont tous les morceaux m’échappent. Tu sais, je n’ai jamais été douée dans les puzzles. Mais je trouverai rien, parce que c’est toi. Ou alors je changerai de puzzle, et nous jouerons sur le mien, et tu te perdras dans les pièces sans bout ni appendice, les couleurs contraires.. Dans mon monde, je te perdrai.
Et la vérité lui apparut. Le Maître. Zil’ Urain.. Son nom. Son patronyme, celui qu’il lui cachait et qu’elle ne cherchait pas à connaître. Que se passerait-il si l’homme venait à l’apprendre ? Fallait-il vraiment retenir le nom, le nom qu’elle pourrait crier sous la torture par folie, le nom qui la perdrait..
Panique. Dans les yeux et les gestes. Et elle recula encore de deux pas, tremblante. Et ce n’était plus du mime, il n’y avait pas besoin du mime, la peur et la stupeur réelle suffisaient. Et puis reculer permettait d’avoir un meilleur angle de la pièce, de dénicher les connivences dissimulées.. sans succès pour le moment.

- Qui… Non.. Je ne le connais pas ; pas cet homme, je ne connais pas. Pas.. Qui est-il ? Que me veut-il ? Quelles circonstances.. ? Je vis seule, je vis ici ou ailleurs, je vis autrepart et proche d’ici, que peut-il m’arriver ?

Finalement, se perdre soi-même avait du bon, car il détendait doucement les nerfs ; et l’ombre d’un rictus apparut au coin de ses lèvres. Doucement, l’apprentie caressa son poignet meurtri de l’autre main, sentant encore le sang battre plus fort là où Nokomis avait trop serré. Il fallait rester hors de portée, maintenant et alors. Se rapprocher était dangereux, et la Dame lisait dans son regard trop facilement.
Diantre, les Spires ! Sous la stupeur, Marlyn avait oublié de s’en déconnecter, laissant son esprit reposer dans les basses Spires, cherchant vaguement un trace des autres. Fébrilement, peut-être trop précipitamment, elle coupa son esprit aux Spires. Bon sang, elle faisait trop d’erreurs.. Cette femme était redoutable, taillait dans sa défense avec une précision chirurgicale. Il fallait vite changer de sujet. Vite.

- Le monde changera.. Je ne le verrai probablement jamais. Peut-être est-ce mieux.. Certaines personnes ne sont pas faites pour survivre, n’est-ce pas ? L’Empire finira par me trouver, Ils finiront par me retrouver, comme vous l’avez fait..


Divaguer un peu. Se déplacer latéralement, à nouveau en cercles plus larges autour de la femme, qui la suivait également du regard. A présent, leur connexion visuelle était tellement intense et foudroyante qu’une ligne invisible les reliait, brûlante. Il fallait à tout prix atteindre ce rocher.. Là où il y avait son sac, et une petite lame. La partie devenait trop dangereuse pour rester démunie. D’un geste sec, Marlyn se hissa sur le roc, qui dissimulait la petite besace de toile. Et dans son dos, les doigts retrouvèrent le contour rassurant d’une étoile, puis d’une dague.

- Nokomis, qui es-tu ?

Et je quitte ton regard. Pour le croiser à nouveau, mais tu ne reconnais plus mon œil. Normal, il est devenu bouillant de hargne..

Maya Nil' Shaya
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MessageSujet: Re: Tellement de secrets et d'apparences [Terminé]   Tellement de secrets et d'apparences [Terminé] Icon_minitimeMer 24 Sep 2008 - 2:12

S’était-elle trompée ? Marlyn ne savait visiblement pas qui était Zil’ Urain. Mais comment était-ce possible, alors qu’elle habitait dans sa demeure ? Une servante aurait su le nom du noble qu’elle servait, un membre de la ‘famille’ ou une invitée aussi. Marlyn devait être encore plus isolée à l’intérieur que ne le croyait Maya… Son maître, qu’il soit le noble ou un autre habitant de la résidence, dissimulait sa cachette même à sa prisonnière, et son existence au noble, s’il n’était pas lui-même le maître. A moins qu’elle soit une comédienne au don rivalisant celui de Syra ? C’était fort possible. Mais cet éclair dans ses yeux, comme si elle comprenait soudain, et cette peur devant la réalisation… Ce ‘je vis seule’, ne prouvait-il pas qu’elle savait exactement de quoi elle parlait, en répondant que Maya avait tort, et qu’il n’était pas son maître ? Marlyn avait compris qu’elle parlait du noble blond, le contraire était impossible. Ces trois mots n’auraient pas eu leur place dans cette phrase dans le cas contraire, ni cet éclat de surprise et de peur qu’elle n’avait pas pu s’empêcher de laisser échapper ; elle avait encore beaucoup à apprendre. Mais de quoi avait-elle peur ? D’un nom ? En quoi était-ce dangereux de connaître un nom ? Elle devait s’être engouffrée dans la mauvaise direction, avoir mal interprété…

Voyons voir. Partons plutôt de l’assomption que Zil’ Urain n’était pas son maître. Qu’aurait-elle répondu ? Même si elle ne savait pas où elle vivait, dans l’ombre. En comprenant où elle était, et en sachant que Maya savait, aurait-elle dénié ? Sûrement pas. On ne cache pas l’existence des gens qui n’ont pas d’importance… Encore que. Maya l’avait fait à plusieurs occasions, pour que son histoire tienne debout. Mais Marlyn ne déniait pas être Mercenaire. Elle déniait seulement avoir un maître… mais elle n’aurait jamais pu se cacher comme elle le faisait dans la demeure d’un noble sans aide. Son maître était vivant. Et Zil’ Urain était important, qu’il soit simple gardien ou le maître en question. Elle était sûre, à présent, qu’il était plus qu’il n’en avait l’air. La réponse de Marlyn confirmait les soupçons levés par la disparition du noble lorsque Marlyn venait s’entraîner dans les montagnes. Dans ce cas, il était logique qu’elle dénie le connaître… Mais cela n’expliquait pas le moment de surprise et la peur dans ses gestes… Lui avait-il offert un faux nom, par mesure de sécurité ? Ce n’était pas trop rare, mais elle n’avait pas pensé qu’il le ferait, étant donné qu’elle vivait chez lui. Elle verrait plus tard…

C’était au tour de Maya de montrer de l’étonnement, avant de refermer son visage aussi vite que possible. Marlyn avait bondit dans les Spires, grimpant haut avant de redescendre, et de s’arrêter à la limite du pouvoir de Maya. Cette réplique de la lune, boule lumineuse qui flottait à un mètre au dessus de leur tête et dont la lumière argentée dansait avec les ombres, avait été difficile à créer. Mais ayant assez souvent Dessiné la lune pour s’entraîner, elle l’avait amenée rapidement dans la réalité. Marlyn prit contrôle du Dessin sans avoir l’air d’avoir du mal et le fit exploser. Lorsque les morceaux partirent dans tous les directions, le premier réflexe de Maya, qui observait Marlyn dans les spires et n’était donc pas loin des multiples de possibles, fut de Dessiner à son tour. La première chose qui lui passa par l’esprit. Un poisson. Le mur de terre apparut devant elle, mais rien ne vint le toucher. Le Dessin de la lune venait de disparaître sans laisser de trace… Se maudissant intérieurement pour avoir fait preuve de faiblesse, elle relâcha son attention sur le mur, qui s’évapora à son tour. Peut-être que Marlyn ne l’avait pas vu, passant de la lumière éclatante au noir le plus total ? Peut-être. Mais elle ne comptait pas là-dessus, et la colère contre elle-même brillait dans ses yeux. Elle aurait dû repousser ses instincts, penser avec sa tête… quelle frustration. Puis Marlyn quitta les Spires. Mais c’était trop tard ; Maya savait exactement quelle était sa puissance… et elle n’était pas certaine de l’égaler. Elle attendit que leurs regards se quittent et que Marlyn pose une dernière question, notant que l’Enfant du Chaos avait repris certaines de ses armes et se préparant mentalement à une attaque, avant de répondre indifféremment aux mots précédents.


- Les personnes qui ne se battent pas pour survivre ne survivent pas. En fais-tu partie ? Elle laissa un instant de silence avant de continuer, pour que Marlyn puisse y réfléchir. Si tu ne veux pas être découverte, ne viens pas ici sans permission, pour commencer. Apprends à dissimuler ta présence dans les Spires, aussi… Pour le moment tu y passes comme un taureau furieux. Suis-moi, et je te montrerai.

Elle ne savait pas si la Mercenaire écouterait, mais elle ne l’attendit pas. Entrant dans l’Imagination, elle observa les chemins, certains menant au feu, d’autres à des armes diverses, d’autres encore vers des fleurs variées, et elle savait que ceux là n’étaient que les chemins les plus arpentés par les Dessinateurs, les objets étant plus faciles à Dessiner. Plus haut, elle trouverait toutes les merveilles qui pouvaient lui passer par la tête… et des présences, aussi, l’esprit des Alaviriens qui avaient accès à cet autre monde. La sienne, un simple souffle d’air, était presque invisible à celui qui ne la cherchait pas. Elle n’entrait dans les Spires pas plus que nécessaire pour son Dessin, déjà ; et puis elle alternait entre les moments d’immobilités et ceux de mouvement continu, suivant les chemins et évitant les présences. Elle revint rapidement, sans être montée trop haut-elle ne comptait pas montrer sa puissance à Marlyn.

- Ce monde est ton monde, Marlyn. Traverse-le comme tu traverses celui-ci… en silence.

C’était tellement plus facile, aussi. Parce que les limites de Gwendalavir, celles du corps, étaient beaucoup plus restreintes que celle de l’Imagination et de l’esprit… [Si j’ai dis quoique ce soit qui est contraire à ce que décrit Bottero, je réponds que ca fait des années que j’ai lu les premiers livres, mais préviens-moi =p] Peut-être avait-elle gagné un semblant de confiance de l’apprentie, à présent. Elle avait assez prouvé qu’elle ne lui voulait aucun mal…

- Je suis la Fille de la Lune…

Et la lune est absente ce soir, malheureusement. Regard furtif vers le voile nocturne, qui semblait être le domaine de Marlyn. Elle n’aimait pas la lumière, visiblement ; une faiblesse qu’elle utiliserait sans pitié si elle en avait besoin. Quand elle pensait que pour l’empêcher de combattre, pour la mettre en état de faiblesse, il suffisait de Dessiner du feu, le plus facile des Dessins… Mais pour l’instant, elle n’avait pas besoin de ca. Parce qu’elle ne voulait aucun mal à Marlyn, pour commencer, mais aussi parce qu’elle ne se sentait pas mal à l’aise dans le noir. Oh, elle n’y voyait pas aussi bien que le jour, bien sûr. Mais elle avait assez d’instinct pour s’en sortir, assez de cet instinct qu’elle bénissait lorsqu’il lui sauvait la vie puis maudissait lorsqu’il dévoilait ses faiblesses. Une partie d’elle-même difficile à apprivoiser…
Mais cette réponse si typique de sa personne (trop typique même, lorsqu’elle y pensait) ne satisferait sûrement pas Marlyn. Aussi ajouta-t-elle :


- Je suis quelqu’un qui ne te veut aucun mal, Marlyn. Que demander de mieux ?

Marlyn Til' Asnil
Marlyn Til' Asnil

La Borgne
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MessageSujet: Re: Tellement de secrets et d'apparences [Terminé]   Tellement de secrets et d'apparences [Terminé] Icon_minitimeDim 28 Sep 2008 - 15:44

En un sens, la sensation du métal froid qui se distillait au travers de sa paume avait de quoi rassurer Marlyn, dont l’esprit trop échauffé commençait à virer de bord. La main crispée sur la garde de simple facture, ce geste qu’elle faisait tout le temps par habitude jusqu’à s’en blanchir les jointures, était probablement celui qui avait le don de lui faire reprendre le cours de ses pensées ; même si elle se savait en complète position d’infériorité par rapport à Nokomis, dont la venue solitaire restait encore à prouver. Il fallait se calmer, ne plus faire d’erreurs. Seulement, tout allait trop vite à présent. Un nom, des phrases, des mouvements, les ténébres, de l’étonnement ou même de l’impassibilité, la jeu devenait trop compliqué pour elle, qui n’était pas encore assez forte pour jouer son jeu si longtemps, et qui commençait à s’y prendre dangereusement, comme une veuve noire s’engluait dans la toile qu’elle tissait autour d’une proie. Au moins, la sensation d’avoir l’œil arraché à cause de la lumière aveuglante avait disparu..

Mais à présent, Nokomis était au courant de cette faiblesse due à la torture ; S’il fallait recompter toutes les erreurs que la jeune fille avait faites depuis le début de leur « conversation » elle se serait damnée d’en avoir fait une telle liste. Décidément, elle était bien trop piètre pour quelqu’un qui pourtant ne semblait pas si terrible que ça.. Tandis qu’elle observait la femme depuis son œil meurtri, l’observée reprenait la parole, mais cela n’avait presque pas d’importance, tant il fallait réussir à prendre sur soi pour ne plus faire d’erreurs de comportement. Il fallait se battre pour survivre. Mal à la tête..
La paroi de la grotte était à nouveau murée dans les sombres abîmes dans lesquelles elle avait plongé l’endroit pour pouvoir y voir clair. Elle y cherchait des ombres inconnues, d’hypothétiques ennemis de connivence pour faire un lien avec Nokomis, pour avoir un adversaire à attaquer autre que cette femme qui se défilait comme de l’eau entre les phalanges dès qu’on essaie de la délimiter ; Jamais ennemi n’avait été plus difficile à cerner que l’humaine aux cheveux pâles. Sacrée Dame..
Les recommandations que lui faisait son interlocutrice eurent le don de l’agacer profondément. Les sarcasmes et la façon dont elle cherchait à l’amener à elle furent reculer Marlyn, qui s’était remise debout un peu plus tôt. La dague qu’elle tenait le long du bras lui rentrait dans la chair à force d’appuyer, et cette douleur piquante lui permit de focaliser son attention sur la suite des paroles de l’adversaire, au lieu de chercher désespérément un point de fuite. Des remontrances, toujours.. Elle n’avait pas besoin d’un second Maître qui se prétendait pouvoir lui apprendre à se servir de son don.

Pourquoi entrait-elle dans l’Imagination ? Machinalement, Marlyn la suivit en restant sur ses gardes et à un niveau raisonnable de don pour tenter de ne pas exploser trop haut, et fut très surprise de la manière de procéder de son interlocutrice. A son plus grand agacement, elle se prit même à retenir sa méthode pour passer inaperçu et à suivre ses traces pour refaire similairement. Tic. Ce qu’elle pouvait détester la manière dont Nokomis la tenait par le bout du nez sans effort. Le silence n’était pas quelque chose qui lui était amical. Il y avait plusieurs silences. Certains étaient chargés de souvenirs et de sang, entêtants et récurrents, comme celui qui avait suivi le départ d’Ena de la salle de torture, avec pour seule compagnie la mort qui rôdait autour, attendant un dernier crachat de douleur ; certains autres possédaient une aura protectrice, de ceux qui sont seuls compagnons à cent kilomètres à la ronde, lorsque les nuits sont trop fraîches, sur le rebord de la fenêtre ; d’autres encore prenaient par surprise, après un regard, une parole, une caresse ou un baiser, c’était peut-être les silences que Marlyn affectionnait le plus ; les derniers, enfin, étaient les moteurs de moments à l’intensité grave et lourde, comme maintenant. Et se déplacer dans ce silence, c’était comme traverser en courant un champ de bataille : à chaque pas, la mort pouvait transpercer le corps par surprise. Et c’était sur ce fil dangereux qu’il s’agissait de manœuvrer et de gagner le duel tacite. Mal à la tête..

Fille de la Lune.. Ca lui allait bien, il fallait l’admettre. Le ton mécanique et la réponse presque immédiate cependant troublèrent un instant l’apprentie Mercenaire. Pourquoi cette réponse énigmatique qui n’apportait rien à la discussion ? A l’évidence, cela devait être la réponse qu’elle offrait à tous ceux qui avaient le malheur de croiser son chemin.. ou d’être croisé par son chemin, comme Marlyn. C’était trop fake.. La jeune fille recula, vers l’entrée de la grotte là où le plafond étoilé étiolait encore quelques limbes opalines, espérant trouver là quelque ombre illicite qui lui permettrait de retourner la situation à son avantage. Malheureusement, il lui faudrait laisser là la besace, qui était restée tout au fond de la grotte. Dommage, elle possédait quelques petites choses importantes dans cette besace en peau de siffleur. Oh, à la remarque, elle pourrait très certainement revenir la chercher plus tard, dans quelques jours. Quoique revenir à nouveau à cet endroit, voyant la facilité qu’avait eu Nokomis à la trouver, risquait d’être dangereux, et compromis. Embêtant, tout cela..

Et tu ne me veux aucun mal, c’est ça.. Désolée, on m’a fait devenir trop parano pour que tu sois digne de confiance, Nokomis. C’est pourquoi tu comprendras sûrement ce que je vais faire dans quelques minutes.. A moins que tu ne le comprennes pas, bien sûr.


- Je n’ai besoin de personne pour me dire ce que je dois faire, et comment je dois le faire. Ce monde n’est pas le mien, qu’il soit dans les Spires ou sur le plancher des vaches. Le mien arrivera plus tard, quand tout aura abouti, quand tout aura changé et que nous règnerons dessus. Le silence est un leurre, rien de plus, qu’il m’est impossible d’apprécier pour des raisons qui sont les miennes.

La dague lui rentrait un peu plus dans le bras, et la froideur de l’acier contre sa chair hurlante la fit frissonner, tout comme il lui apprenait à rester calme. Peut-être qu’un mince filet de sang coulait le long des doigts, parce que le silence qui suivit était suivi d’expirations macabres à la provenance inconnue. Il fallait avoir beaucoup d’imagination pour l’entendre, c’était vrai.. Ou être mentalement instable. Et dans ce domaine, Marlyn se savait près de la ligne qui séparait la raison de la folie douce. Mais y pouvait-elle grand-chose ? Non, puisqu’elle se laissait doucement prendre par son image de dégénérée, qui emplissait son être tranquillement et sans le moindre frémissement, remplaçant l’agacement par une tranquillité plus qu’inquiétante pour sa situation mentale.

- Que demander de mieux ? C’est tout simple.

Aussi, après avoir sorti la dague de son avant-bras, alors qu’elle commençait à rentrer plutôt profondément, l’apprentie Mercenaire s’en délesta à nouveau, puisque n’en ayant pas besoin. Sans quitter Nokomis du regard, elle se mit à reculer comme auparavant lorsqu’elle avait fait tomber dans le vide la plupart de ses armes. La discussion tournait très franchement à son désavantage, et elle-même commençait à fatiguer. Mal à la tête..

- Je pourrais, par exemple, demander à ce que tu n’existes pas. Ou alors demander à ce que rien ne se soit passé depuis un an, et avoir une vie normale, d’une adolescente de dix-neuf ans. Je pourrais demander à avoir deux yeux, à pouvoir regarder la lumière en face, je pourrais demander à avoir un corps sain, je pourrais même demander à avoir une famille. Il y a de nombreuses choses dont je ne rêve même plus, beaucoup de choses qui pourraient être mieux.

Et elle reculait encore, sentant invariablement une boule se former au niveau de sa gorge à chaque mot qu’elle prononçait – Et d’ailleurs, déverser son amertume comme ça à une inconnue l’agaçait elle-même. Il n’y avait plus d’armes à jeter dans le vide, c’était bien dommage, voir étinceler une arme qui fait le saut de l’ange était apaisant.. L’angoisse prenait son être paranoïaque petit à petit, parfois s’apeurant elle-même pour rien, parfois des suppositions qu’elle tirait de Nokomis. Ca foutait froid dans le dos d’avoir aussi peu de contrôle sur son esprit et son corps..

- Mais là, je n’ai besoin que d’une seule chose pour être délivrée de ton piège, fourbe.


Et, arrivée à l’extrême bord de la falaise, elle s’arrêta. Il fallait jouer serré. Soit l’autre la suivrait, ce qui montrerait l’importance qu’elle attachait aux informations que la jeune Mercenaire possédait, soit elle ne ferait rien, et dans ce cas Marlyn pourrait s’échapper avant d’atteindre la faîte des arbres.

- Le vide. See you in Hell.

Et elle fit encore un pas en arrière, droit vers le néant.

[Rah, j'suis absolument désolée pour ce post à la qualité piètre u.u' Edition à volonté =/ ]

Maya Nil' Shaya
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MessageSujet: Re: Tellement de secrets et d'apparences [Terminé]   Tellement de secrets et d'apparences [Terminé] Icon_minitimeMar 30 Sep 2008 - 2:41

Elle l’avait suivie dans les Spires. Preuve qu’elle ne se méfiait pas totalement… Tant mieux. Et elle avait parfaitement compris comment elle devait bouger dans les Spires, pour ne pas se faire remarquée autant. Une Dessinatrice exceptionnelle… Nokomis n’avait réussi qu’après de longues heures d’entraînement chaque jour, dans les basses spires bien sûr, forcée de rester là haut par son maître jusqu’à ce qu’elle soit tellement fatiguée qu’elle ne puisse plus y pénétrer. Mais l’entraînement avait portée ses fruits, et elle pouvait utiliser tout son potentiel, à présent… mais elles avaient quittés les Spires, et Marlyn répondait. Elle devait rester attentive.

- Ce ne sont que des conseils, puisque tu demandes comment survivre, et en rien des ordres…

Après tout, qu’est-ce que ca pouvait lui faire, que Marlyn soit découverte ? L’apprentie n’avait rien à voir avec elle. Mais ca aurait été plaisant, d’avoir été la seule à l’avoir découverte, quand l’Empire semblait vouloir la capturer… Tous ses conseils, ce n’était que pour prouver qu’elle n’essayait pas d’exploiter les erreurs de l’apprentie, et qu’elle pouvait s’améliorer. Sur le monde, Nokomis ne souffla pas un mot. Si Marlyn n’y trouvait pas sa place, ce n’était pas son problème. Et elle n’aimait pas le silence… Etrange, pour une Mercenaire qui devait tuer discrètement et se cacher en permanence. Si son obéissance était utile, elle ne serait jamais la Mercenaire du Chaos modèle. A cause de ca, mais aussi de son corps lacéré… Haine du silence, donc. Très bien. Silence et lumière. Silence et lumière… deux faiblesses qu’elle avait découverte avec une facilité déconcertante. Une seconde, Nokomis envisagea de rendre Marlyn sourde, en plus d’aveugle. Elle était la victime parfaite. Mais non. Elle n’était pas là pour ca, et la fille lui serait plus utile vivante et en bon état, de quelque manière que ce soit. Tiens, d’ailleurs, à voir le nombre de cicatrices qui parsemaient son corps, à voir celle qui lui déformait la moitié du visage, elle avait dû passer bien près de la mort. Mais quelqu’un l’avait sauvée… Etait-elle plus importante qu’elle ne le semblait ? Ferait-elle un bon otage ? Nokomis se rappela mentalement à l’ordre. Elle était là pour découvrir qui elle était, rien d’autre, pour le moment…

*Dommage, Marlyn. Mais demander, ca ne veut pas dire avoir…* Pensée qu’elle ne formula pas. Marlyn le savait déjà. Comme tout le monde. Mais tous ses rêves en morceaux qu’elle listait pour Nokomis… Etait-elle assez imprudente pour penser que ce n’était pas important, listant ses faiblesses les unes après les autres, mentait-elle, ou faisait-elle déjà confiance à la Fille de la Lune ? Intéressant, quand même, qu’elle ne fasse plus semblant d’être folle… Ce serait tellement facile de la manipuler. Etait-ce ce que pensait son Maître ? Un peu d’amour, une promesse d’une vie meilleure. Ca suffisait, pour l’enfant aux rêves brisés. Une fois qu’on gagnait la confiance de l’animal apeuré, il devait être facile de la garder… Une goutte de tristesse passa dans les yeux de Nokomis, assez longtemps pour que Marlyn puisse le remarquer, pas assez pour en tirer ses conclusions. Chagrin sur la vie de Marlyn. Chagrin feint, bien entendu…

Et elle sauta dans le vide.

Nokomis ouvra de grands yeux étonnés, avant de se reprendre. Elle ferait sûrement un pas sur le côté vers la demeure de Zil’ Urain, elle ne pouvait pas être l’observatrice d’un suicide. Quoique, après ce qu’elle avait entendu et vu… Mais elle ne se pencha pas au-dessus du vide. Elle ne fit pas un geste. C’était le meilleur moyen de se faire tuer, ca, que Marlyn apparaisse derrière elle pour la pousser dans le vide… En fait, cela ne la dérangeait pas que Marlyn parte. Elle en avait déjà appris pas mal. Marlyn était une Mercenaire du Chaos, Elera une élève de l’Académie, et si son agent les avait vues ensemble, ou entendu quelque chose qui les liait l’une à l’autre, c’était déjà bien assez d’informations. Mais malheureusement, elle ne savait pas encore qui elles étaient l’une pour l’autre. Amies ? Ennemies ? Elera, sous sa couverture parfaite, était-elle aussi une Mercenaire ? Karil était sensé découvrir qui était dans le camp des méchants, après tout. Dans tous les cas, elle pourrait utiliser Elera comme pressure sur Marlyn, ou le contraire… Elle pourrait utiliser l’apprentie contre son Maître, aussi… Un bon moyen d’être certaine que, contre les informations qu’elle leur rapporterait bientôt en infiltrant l’Académie, on lui offrirait bel et bien une place dans le nouveau monde. Et s’ils échouaient, elle pourrait montrer à l’Académie la cachette de l’Enfant du Chaos, en plus des trois noms qu’elle avait découvert plus tôt… Non, décidément, tout allait pour le mieux.

Mais tout de même. Elle aurait voulu en savoir encore plus sur Marlyn… Comment ? Qu’est-ce qui la retiendrait à ses côtés ? Elle avait ricané, plus tôt, qu’elle serait partie depuis longtemps si elle n’avait pas envie de parler avec Nokomis. A présent, elle semblait avoir atteint ce point. En entrant dans les Spires, elle cherchait encore ce qu’elle allait dire. Le temps de scruter les environs, et d’être certaine qu’aucun Dessinateur ne pourrait entendre le message qu’elle destinait à l’Enfant du Chaos. Trouvant l’esprit de Marlyn, elle s’approcha. Et éclata d’un rire effrayant. Mouahahahaha !


- Alors au revoir, chère Marlyn. J’espère que tu trouveras ta place dans le nouveau monde, et que ceux des nôtres qui agissent avec ton maître deviendront ta famille… Et si nous ne mettons pas Merwyn Ril’ Avalon hors d’état de nuire trop vite, qui sait ? Peut-être serait-il capable de te Dessiner un corps…

Si elle avait proposé à Marlyn de revenir, Nokomis était certaine qu’elle serait partie pour de bon. Mais lui prouver qu’elle ne ferait rien pour l’en empêcher, la forcer à partir d’une certaine façon en murmurant « au revoir », lui montrer de bonnes intentions jusqu’à la fin, n’était-ce pas le meilleur moyen de lui donner envie de revenir ? Et puis, l’appâter avec la possibilité d’avoir enfin ce qu’elle voulait… Savait-elle que Merwyn pouvait retenir un Dessin en vie, en la personne de Vivyan ? Et s’il pouvait garder un Dessin vivant, ne pourrait-il pas Dessiner un corps ? En vérité, Nokomis n’en était pas sûre du tout. Elle ne le croyait pas. Elle ne voulait pas y croire, non plus. Autant de puissance hors de sa portée n’était pas pour lui faire plaisir, et elle préférait la croire moins supérieure. A tort. Mais peu importait qu’elle y croit ou non ; c’était Marlyn qui devait le croire, pas elle. Son corps était parfait comme cela, merci bien. Parfait… Myra se sentit repartir dans ses souvenirs. L’image de deux frères qui se battent dans la cour, et elle, cachée sous l’escalier avec le panier plein de victuailles que sa mère cherchait partout depuis un moment… Seule sous l’escalier, parce qu’elle n’avait personne avec qui partager son vol. Parfaite, peut-être, mais différente. A cause de ses cheveux blancs, de son air différent, de sa mine renfrognée… et la petite fille souriait, heureuse de sa solitude. Personne ne pourrait la dénoncer, si elle était seule.

Et il restait plus de fromage pour elle.

Chassant ce souvenir inopportun, Maya s’assit sur une pierre et laissa son chat sauter sur ses genoux. Le caressant lentement en le faisant ronronner, elle regardait droit devant elle, vers les étoiles qui parsemaient le ciel. Elles étaient tellement moins belles que la lune. Juste des points à peine visible, des bestioles minuscules que le moindre nuage pouvait faire disparaître pour le reste de la nuit, jusqu’au matin, où le soleil les dissimulait à son tour, brillant de mille feux plus époustouflants que la lumière tremblante des étoiles. Pouf. Disparue. Inutile. Perdue au milieu de milliers d’autres. Jamais remarquée par le regard de l’humain, en bas. C’était la lune qu’ils cherchaient des yeux, tellement plus belle, plus grosse, plus brillante. C’était la lune qu’ils regardaient, lune qui se montrait encore au petit matin, saluant le soleil. Elle ne serait jamais une étoile. Elle ne voulait jamais être une étoile. Fille de la Lune…

Refusant de regarder les points lumineux plus longtemps, elle investit les Spires. Marlyn n’était pas encore de retour. Suivant un chemin qu’elle ne connaissait pas encore, Nokomis imagina. Quelques cordes argentées, une forme triangulaire en bois d’ébène… la harpe apparut à ses côtés. Prenant le chat entre ses mains, elle le posa par terre sans trop y faire attention, certaines qu’il retomberait sur ses pattes. Parce qu’un chat, quand il est cat ! Retooooooombe sur ses pattes. Le vent soufflait sur les cordes, laissant quelques notes résonner dans la nuit. Lorsque ses doigts les frôlèrent, la mélodie changea à son gré. Douce ; pas trop lente, mais pas rapide non plus. Berceuse… Peut-être que Marlyn ne reviendrait pas, finalement. Peut-être irait-elle chercher son maître. Quoique, puisqu’elle était là sans son autorisation, c’était peu probable. En tout cas, si Marlyn parlait de cette entrevue, elle rencontrerait rapidement le noble blond… il ne pourrait pas laisser une femme inconnue qui connaissait son identité se balader en liberté. Mais peut-être que Marlyn se tairait, qui sait. Elle verrait… Kawel, elle savait, attendait toujours dans sa cachette. Il ne sortirait que lorsqu’elle l’appellerait, pas avant. Ses ordres étaient clairs. Comme d’habitude, il n’était qu’observateur. Et écouteur… Il n’avait pas intérêt à s’endormir. Parce qu’alors que Maya attendait, la mélodie se dispersait toujours dans le vent. Douloulouloulou…


Marlyn Til' Asnil
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MessageSujet: Re: Tellement de secrets et d'apparences [Terminé]   Tellement de secrets et d'apparences [Terminé] Icon_minitimeLun 3 Nov 2008 - 16:45

Elle en avait besoin, de cet air cinglant autour de son corps, comme un cocon de lames émoussées le long de sa peau et de ses songes, ce hurlement lascif et déchiré du vent qui la portait, ces paysages qui défilaient comme de grands traits de couleur peints, aux couleurs fausses et mensongères.. Elle tombait toujours, frôlant parfois la paroi traître et les faîtes meurtrières des arbres mais non, elle n’utiliserait pas le don du Dessin pour s’en sortir, elle n’en avait pas l’usage ; la terre ferme était encore bien trop loin pour qu’elle s’en inquiétât. Plus rien ne comptait que le mugissement de l’être vent, qui ôtait au silence son morceau d’irréalisme et creusait les tympans de la jeune fille. Plus rien ; pas même ce qui l’attendait en haut, les menaces, le monde, le Chaos ou même l’espèce humaine..
Et la solitude de la chute accentuait cette xénophobie latente qui la caractérisait, alors qu’elle étendait les bras pour les sentir malmenés et ballotés dans l’air, rabattus contre son corps, tournoyant, volant. Il suffisait de se prendre pour une branche brisée, de se laisser plonger vers le néant, de se pendre pour un oiseau aux ailes brisées..
Comme on l’avait nommée, déjà. Pourquoi les gens lui donnaient-ils des ailes, si c’était pour les qualifier de brisées ? Marlyn n’avait jamais eu envie de voler, juste de tomber, encore et encore, de tomber sans fin tout en sachant le gouffre proche et la chute dure..
Mais cette chute n’était plus pareille. Elle tournoyait, à l’instar de la chute de Lucifer, elle ne criait plus, ne se cassait plus en deux et ne souffrait qu’à peine, ce n’était plus les chutes de l’année passée, ce n’était plus les chutes à genoux, le couteau sous la gorge ou les poings liés, ni même les chutes de larmes et de haine, de folie.. C’était une simple chute. Pure, froide, mordante, rapide, infinie, tourbillonnante, maelstrom. La tête la première, loin de tout et de tous, les dagues tombaient plus vite qu’elle et cliquetaient lorsqu’elles se brisaient sur les écueils et les embûches, mais la Mercenaire, elle, ne frôlait rien.. Combien de fois avait-il fallu effacer les épaules, rentrer le corps, plier l’échine et détourner la tête pour survivre dans ce foutu Monde.. ? Et rien de tangible ne la touchait plus, maintenant. Elle n’avait plus peur. Elle n’avait plus mal. Elle n’avait plus d’ennemis. Elle était ennemie. Confiance. Confiance dans le vent qui la portait et la laissait tomber tranquillement, confiance dans la nuit qui masquait sa chute à tout le monde, en la distance qui faisait disparaître Maya. Confiance dans le Chaos des lignes tracées à grands coups de vitesse, confiance dans le Chaos. Confiance en ses capacités, elle allait survivre à cette chute..

Dessiner un corps. Plop, fit la petite bulle. La jeune fille tendit lentement le bras, sentant la pierre râpeuse lui écorcher tranquillement le bout des doigts, et investit les Spires. Se fit ralentir, et saisit une corniche, une légère saillie dans la roche qui lui suffit pour arrêter sa course, plaquée de tout son long contre la paroi pour écouter. Les bruits se transmettaient par vagues plus ou moins claires le long du granit, permettant à la jeune fille à l’ouïe attentive de percevoir quelques sons étranges. Une harpe ? Elle n’était pas seule.. Il y avait une seconde foulée. Plutôt quelque chose de stagnant.. Mais c’était sûrement un leurre. Dessiner un corps.. Elle devait mentir, c’était quelque chose de complètement impossible.. Merwyn ne pouvait en être capable. Certes, à l’Académie, il maintenant Vivyan en vie, mais Vivyan était unique, une création des Ts’liches, et n’allait pas durer.. Non, elle mentait, elle mentait..
Mais pourquoi y faisait-elle attention, d’ailleurs ? Il ne fallait pas écouter les dernières calomnies de la femme avec qui elle conversait depuis déjà quelques heures.. C’était céder à la tentation de la croire ne serait-ce qu’un instant. Ce serait faire une grave erreur de jugement. Elle n’avait pas besoin d’un nouveau corps autre que le sien, surtout quand ce corps résidait dans un simple mensonge délétère destiné à l’appâter dans les filets de la femme aux cheveux âgés. La perspective s’avérait alléchante, à n’en pas douter.. mais..

Le regard de la Mercenaire du Chaos se posa sur ses mains, crispées qu’elles étaient sur la corniche pour la maintenir plaquée contre la roche. Elles avaient retrouvé toutes leurs forces, et la seule erreur que l’on savait y lire, c’était les cicatrices qui luisaient doucement sur la peau. Mais pas de peur, pas de soumission, juste des épreuves, des victoires, quelques défaites, mais de la tenacité et de la survie. Et en ça, peut-être qu’elle n’avait plus envie de changer de corps.. Car en dehors des cicatrices, peu de séquelles étaient restées. Certes, elle ne voyait plus aussi bien qu’avant et ne pouvait suivre visuellement une action qui se déroulait trop vite. Certes. Mais en compensation, elle avait su s’aider du dessin pour se répérer dans l’espace, elle avait sû approfondir son ouïe, qu’elle avait jusqu’alors négligée, elle avait fait de cette cicatrice qui lui mangeait encore le visage une marque de son obstination. Certes, elle ne pourrait plus jamais se montrer en société, mais au moins, on la craignait maintenant.. Ce n’était pas parfait, mais ça la démarquait ; et elle ne souhaitait pas oublier les erreurs qu’on avait apposées sur sa peau.
Aussi, frôlant l’esprit de la femme à laquelle elle souhaitait s’adresser, elle répondit :


- Merwyn n’est pas capable de telles prouesses.

Juste une phrase, pour indiquer qu’elle avait écouté et réfléchi, qu’elle n’était pas totalement partie et qu’elle comptait encore se battre vocalement et moralement, et, s’il le fallait, physiquement. L’oreille plaquée contre la falaise d’un froid mordant, quelque chose n’allait pas. Certes, il y avait les bruits glissants et discordants d’un instrument –impossible à identifier-, mais un autre bruit, encore.. Pourtant, Maya ne bougeait pas. Le chat n’aurait pas fait autant de bruit. On aurait dit quelqu’un qui attendait, changeant de pied ou de position de temps à autres.. Et elle ne l’avait pas remarqué avant car sa concentration s’était laissée emporter dans le jeu, dans celui de Maya ou dans le sien, peu importe.

- Tu mens, Nokomis ; tu n’es pas seule.

Il ne fallait rien avancer de plus tant que la confirmation n’était pas là, mais pour arriver à l’identifier, il faudrait bouger de ce point d’observation, où, précisément, elle ne voyait rien. Certes, c’était moins important du fait qu’elle ne voyait pas excellemment bien en temps normal, mais tout de même, un visuel était toujours plus réconfortant que les bruits perturbateurs qui pouvaient semer le doute dans son esprit. Les bruits comme les mots d’ailleurs.. Marlyn passa la main le long de son visage, machinalement, ripait sur la crevasse et l’orbite vide, puis dessina. Son sac était encore là haut, et bien qu’il ne contenait pas grand-chose de compromettant, il cachait des affaires personnelles, dangereuses ou qui ne regardaient pas Nokomis. Aussi, l’apprentie Mentaï se laissa retomber dans le vide, lentement, les bras tendus agrippés à la roche, histoire d’apercevoir un peu les hauteurs.. Puis elle dessina.
Il aurait certes pu paraître stupide de tomber pour ensuite remonter vers l’endroit qu’elle fuyait, mais tout avait un but, même abscons, même peu évident. Et pour la jeune femme, cette chute avait été bénéfique pour se débarrasser des filets séducteurs de la manipulatrice en face d’elle.

Cependant, personne ne réapparut sur la plate-forme où les deux femmes s’étaient confrontées quelques minutes plus tôt. Marlyn connaissait trop bien l’endroit pour retourner devant la femme sans avoir vérifié ses doutes. Il n’existait pas trente-six mille excavations pouvant contenir un espion digne de Karil, et ce n’est pas dans la plus probable que la jeune Mercenaire se rendit. Evidemment, il n’y avait personne. Mais ce n’était pas grave.
Toujours changer de point de vue sur les choses. Maintenant que la scène avait changé d’angle, que les ombres tiraient sur la droite au lieu de s’échapper vers le font de l’antre où elles s’étaient trouvées. Et les ombres ne mentaient jamais.


- Tu ne nous as pas présentés ; quel est le nom de ton sbire, Nokomis ? Oui, celui assis sur une roche, là-bas, qu’on ne peut pas voir de là où tu te tiens.

[ Oui, tu as le droit de me taper pour mon retard ]


Maya Nil' Shaya
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MessageSujet: Re: Tellement de secrets et d'apparences [Terminé]   Tellement de secrets et d'apparences [Terminé] Icon_minitimeMar 4 Nov 2008 - 1:22

[Non, je ne te tape pas ! Je réponds juste super vite Twisted Evil ]

- Merwyn est le plus grand Dessinateur que Gwendalavir est connu…

Une autre affirmation pour répondre à la sienne, affirmation qui de toute façon ne servirait à rien. Marlyn ne semblait pas la croire, et puis, c’était tellement dur d’avouer qu’elle n’était pas la meilleure… La musique continuait, l’emportant plus loin pour effacer ce regret amer. Puis une nouvelle phrase retentie dans son esprit, et Myra sourit. Marlyn refusait peut-être son aide, mais elle bougeait déjà avec plus d’attention dans les Spires… Elle savait reconnaitre les bons conseils, c’était déjà ca. Personne d’autre ne la retrouverait à travers l’Imagination [j’édite si ca ne va pas u_u]. Ses doigts effleurèrent une dernière fois les cordes, puis la harpe disparut.

- Quand ai-je déclaré être seule, Marlyn ? Je ne t’ai pas mentie.

Un brin d’irritation dans sa voix, comme si elle n’aimait pas les fausses accusations. Personne n’aime être traité de menteur, et même les enfants nocturnes qui le faisaient en continu protestaient contre ce reproche. Après tout, celui qui a joué un mauvais tour à son tuteur n’a aucune raison d’avouer son crime. Toutes les promesses du monde ne le feront pas faiblir. Mais le fait que, cette fois au moins, Myra n’avait pas trompé était un bon point pour elle. Marlyn venait de prouver qu’elle ne lui faisait pas confiance, et Myra venait de prouver à son tour que ses raisons pour sa méfiance n’étaient que poussière.

Elle avait donc découvert Kawel. Elle allait devoir le réprimander ; d’abord Leïla, maintenant Marlyn… il n’avait jamais fait autant d’erreurs de bon sens en si peu de temps. Il s’était pourtant bien débrouillé pour se sortir de son marécage lors de la rencontre avec l’autre Mercenaire. Mais cette fois, ce serait différent, car elle n’avait aucune intention de dissimuler l’identité de Kawel. Une partie de son identité, en tout cas… mais d’abord, découvrir où était Marlyn. Elle connaissait les lieux aussi, après tout, mais son chat la devança. Le suivant calmement, elle se retrouva bientôt de l’autre côté. Son animal de compagnie semblait vraiment apprécier la présence de la jeune femme, étrangement. Une fois de plus, il se coucha en boule à ses pieds, puis leva la tête comme pour demander une caresse. Caresse qui ne viendrait sûrement pas… Continuant à avancer vers Marlyn comme si elle ne comptait pas s’arrêter, elle finit tout de même par se retourner et jeter un œil vers la cachette de Kawel. Une ombre. C’était donc ca…


- Pas mal.

Ton appréciateur, et il n’était pas feint, pour une fois. Elle se tourna à nouveau vers son interlocutrice.

- Comment son nom pourrait-il t’être utile ? Tu dois bien te douter que c’est de moi que l’on se souvient, pas d’une ombre parmi les ombres…

Regard interrogateur. Un nom, lorsqu’il était utilisé correctement, pouvait rapporter bien des choses. Mais il n’était pas toujours facile de savoir comment l’utiliser, et Myra doutait fortement que l’on puisse subtiliser celui de Kawel de toute façon. Trop peu de gens remarquaient sa présence, lorsque c’était lui qu’elle emmenait avec elle. Mais elle répondrait aux questions de Marlyn, à celle qu’elle voulait poser plutôt qu’à celle qu’elle prononçait. Le regard vert caressa l’œil de l’apprentie, et Myra s’aima à s’imaginer qu’elle l’envoûtait à nouveau.

- Ce n’est pas ca que tu veux savoir… Que fais-t-il ici, pourquoi ne t’ai-je pas prévenu de sa présence, pourquoi continue-t-il à rester immobile alors qu’il sait qu’il est découvert, quel est son rôle, qui est-il pour toi, qui est-il pour moi ? N’est-ce pas plutôt ca que tu te demandes ? Mais je vais te laisser réfléchir un instant ; certaines réponses tu pourras bien trouver par toi-même.

Après tout, elle était peut-être folle, ce à quoi Myra croyait de moins en moins, mais elle était loin d’être stupide. Elle devinerait sans peine qu’elle n’était pas sensée savoir qu’il était là, et que son ignorance avait tous les avantages possibles. Une figure de moins à identifier, une carte de plus dans son jeu, deux yeux en plus pour ne rien rater. Peut-être penserait-elle aussi que c’était une paire de bras plus forte qui pourrait l’attaquer, mais elle s’ égarerait. Kawel n’était pas là pour ca. Il était visiblement là pour espionner, et vérifier que tout se passe bien, mais aussi pour faire en sorte qu’elles ne soient pas dérangées. Pour Marlyn, il était une personne de plus qui savait où elle était… pour Myra, un sbire utile, ou pas. Quelqu’un en qui elle avait assez de confiance pour l’amener avec elle aujourd’hui. Trouvant qu’elle avait attendu assez longtemps, elle prit de nouveau la parole.

- Tu ne vois pas très bien, n’est-ce pas ? C’est l’une de tes faiblesses. Pas bon, ca, pas dans notre monde. Alors tu te débrouilles pour t’en débarrasser. Tu te trouves des yeux.

Voilà ; donner à Marlyn le sentiment que celle qui lui faisait face n’était pas parfaite, qu’elle avait aussi ses faiblesses. Mais pas les bonnes. Et lui glisser un autre conseil sans en avoir l’air, puisqu’elle n’aimait pas les vrais conseils. Trouve-toi des yeux. Trouve un moyen de voir. Parce qu’il est beaucoup trop facile de se faire manipuler lorsqu’un autre connait tes faiblesses. Si tu veux survivre, détruit tes faiblesses, ou transforme-les. Leçon à prendre ou à laisser…

- C’est pour ca qu’il est ici.

Rester vague ; qui avouerait ses faiblesses dans tous ses détails à un Mercenaire, même à une apprentie à qui on essaie de donner confiance ? Elle chercherait seule, à la recherche de cette faiblesse qui nécessitait la présence d’un sbire. Et elle se fourvoierait, ou perdrait son temps à chercher, tout simplement parce qu’il n’y avait pas de faiblesse. Un demi-mensonge, cette fois. Bien sûr, elle n’était pas omniprésente et c’était toujours utile d’avoir une autre perspective sur une situation. Et c’était pour ca que Kawel était là. Mais ce n’était pas une faiblesse particulière à elle-même, plutôt celle de l’entière humanité… Dernière chose.

- Si tu ne l’avais pas remarqué, tu n’aurais jamais appris qu’il était là ce soir. Ton maître peut être fier de toi… mais maintenant, parlons plutôt de toi ou de moi, veux-tu ? Il n’est pas important.

Myra était curieuse de ce qui se passerait à présent. Marlyn allait-elle partir à nouveau ? Accepter de parler d’elle ? Poser des questions à Myra ? Ou prendrait-elle l’interdiction de parler de Kawel comme une preuve que Myra cachait quelque chose, refusant ainsi de changer de sujet ? Demanderait-elle à lui parler seul à seul ? Ca pourrait être intéressant… énervant aussi, puisqu’elle ne pourrait rien savoir de ce qui se passerait. Mais Kawel réussirait peut-être là où elle avait échoué. Elle n’avait donc plus qu’à attendre, attendre que Marlyn se jette dans sa toile *toile toile toile d’araignée, c’était un jeu tellement…*, dans son piège ou dans le vide à nouveau… elle était cernée. Et Myra était certaine qu’il n’y avait pas d’échappatoire, cette fois. Bientôt, elle saurait ce qu’elle était venue chercher. Bientôt…

[ Tellement de secrets et d'apparences [Terminé] 436903 ]

Marlyn Til' Asnil
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MessageSujet: Re: Tellement de secrets et d'apparences [Terminé]   Tellement de secrets et d'apparences [Terminé] Icon_minitimeSam 20 Déc 2008 - 3:08

Un nom, quel qu’il fut, pouvait être utile, et ça, ce n’est pas Nokomis qui allait lui faire croire le contraire, non.

Quelque peu froissée qu’un chat ait su guider Nokomis directement vers l’endroit où elle se tenait roide, Marlyn chassa bien vite cette pensée de son esprit cependant. Après tout, elle n’avait pas espéré le moins du monde rester dissimulée toute la nuit, et n’avait pris cet observatoire que dans le but de revenir sans être vue tout de suite, afin de préparer le terrain, en quelque sorte. Mais encore une fois, cette femme aux cheveux de soie venait de lui montrer de manière agaçante qu’elle était maître de la situation, qu’elle savait rebondir sur n’importe quel éventualité avec une facilité déconcertante.. et énervante.
Cette ombre étirée sur le rocher d’en face ne bougeait pas ; le sbire de la dame de Lune devait être bien entrainé, ou il avait reçu des instructions particulièrement restrictives.. Mais ça, elle ne saurait jamais le vérifier. Le chat pouvait aller se faire voir chez les Raïs, s’il voulait une caresse.
Sareyn n’aimait pas la manière dont son interlocutrice se déplaçait, la manière dont ses yeux décrivaient des mouvements ralentis, croisaient les siens avec une insolence déstabilisante. Et ces foutus mots, qui semblaient tout droits sortis de Machiavel, que toutes syllabes rendaient prémédités et que chaque silence accentuait par leur place presque chirurgicale dans le plan oral qui se tramait. A croire presque que cette femme n’était douée d’aucune improvisation, que chacune de ses mimiques, de ses phrases et chacun de ses gestes avaient été écrits dans un script tissé d’or et de consomption aporétique. Il était assez difficile cependant de ne pas se laisser prendre au jeu des apparences, d’ailleurs.. Nokomis parlait beaucoup, mais ne disait pas grand-chose de véritable. Ce que Marlyn apprit de véritablement intéressant, c’était que l’Eclipsiste aimait à appuyer sur les points faibles – en apparence- des gens. Qui pouvait savoir s’il y avait de la vérité dans son venin macramé ?
L’élève Mentaï mit toutes ces informations étiolées dans un coin de son esprit. La brume de son discours ne devait pas intervenir dans leurs propos, et Marlyn se méfiait encore trop pour commencer à croire aux paroles de velours de la Dame. Toujours était-il que l’insinuation était bien là, que le sbire resterait.. Mais qu’il n’y avait, pour le moment et plus encore, aucun danger. Si ce n’était celui qui sortissait par fumerolles invisibles d’entre les lèvres de Nokomis ; mais ça, Sareyn en prenait petit à petit compte, et n’y faisait plus attention.

Mais, il fallait le reconnaître..

- Tu es douée.

A quoi, il suffisait de le découvrir dans chacun des pupilles dilatées qui se braquait vers elle.. La véritable intention de ces paroles était de rappeler qu’elle n’était plus complètement dupe de ce jeu de cour, et en avait plus qu’assez de ces manipulations verbales, dont les derniers éclats rassemblaient un cocon dangereux dans ses pensées.. Car c’était bien trop tard pour faire charrette arrière. Et elle était piégée. Par des mots, elle qui avait du mal à trouver la paix dans le silence.. C’était assez contradictoire. Bref. D’une manière, cette Nokomis était admirable.. Etait-ce possible, au vu de ses capacités, qu’elle ait été un jour quelqu’un de chaotique, pour être aussi.. retors ? C’était improbable, mais après tout, on trouvait de tout dans un monde, surtout lorsque celui-ci grouillait de vers, de vers qui dévoraient hâtivement le trognon de leur vie, sans la ressentir autrement qu’en surface. Un comme si une gangue de verre recouvrait leur email.. Mais bientôt, ce verre exploserait sous l’inflammation subite de leurs plans.

- J’admire ta manière de tout planifier comme au Haman-Lô.. Mais je n’aime pas ce jeu. Si tu souhaites que nous parlions plus intimement de l’une ou l’autre d’entre nous, cesse de jouer. Je ne suis pas complètement dénuée de cervelle, même si c’est ce que la majorité des gens pensent. J’ai toujours Ses mots qui me mettent en garde, lorsque la partie devient complexe.. Et cette minute-là ne fait pas exception.

Des paroles sans sens, encore. Pour atténuer la double personnalité et souligner, d’un trait de couleur vocal, cette petite singularité des méandres de son imagination, qu’elle s’était amusée à créer en début de nuit dans sa pantomime de folie brève. Se décollant de la roche froide, la jeune fille ne savait trop que faire, à présent. Engager la conversation semblait la meilleure des solutions, car il n’y avait aucune véritable information qu’elle ne laisserait elle-même filtrer sur elle, ou son Maître, et elle pouvait glaner des déchets d’informations sans importance.. Et c’était généralement de ces mots oubliés là que se bâtissait une hypothèse, qu’une preuve concluante viendrait confirmer par ensuite.

- Tout le monde est important. Son nom l’est également. Et si je connaissais aussi ton vrai nom, Nokomis, ces quelques lettres sauraient me définir quels écueils ta personnalité sème, vois-tu. Au fond, nous n’en arriverons jamais là, tu as tout prévu pour que je tombe dans les mailles. Alors allons-y.


D’un œil insolent et avec un calme qui ne la quittait plus depuis sa chute, la jeune fille avait croisé les bras, la peau hérissée par l’alizé du matin proche qui se glissait entre les coutures de sa tunique. Cette situation commençait à l’amuser, un peu. Quoi de mieux que d’avoir toujours des défis à relever, des dangers à éviter, combattre et vaincre.. Quoi de mieux, effectivement, que de commettre les erreurs maintenant, avec une personne de moindre importance, et de les éviter lorsque le danger serait plus réel. Instinct de survie, quand tu nous tiens.. Et puis…
A force de se surmener mentalement, elle serait enfin à la hauteur. Lorsque le moment serait venu, elle serait prête. Autant serrer des dents pour le moment, et jouir de la destruction qu’elle aurait été à commettre sans failles.. plus tard. Oh, vivement ce moment, où elle pourrait serrer entre ses doigts blanchis la cendre de ce qui avait été un asile, un havre, autrefois.
A vrai dire, il faudrait réussir à déterminer si cette Nokomis pouvait s’avérer utile.. Sareyn, la face marmoréenne, demanda à brûle-pourpoint :

- C’était quoi ton enfance ? Si je pouvais avoir la bonne version, j’aimerais encore bien. J’aurais entendu dire que les pires graines germeraient dans les milieux les plus sains, et puis, tu as bien précisé qu’on pouvait parler de toi, aussi, et un récit pareil, à l’aurore, a plus d’ampleur que raconté au soleil de midi, tu ne trouves pas ?

Au fil de la conversation, elles arriveraient bien à converger vers un sujet qui les attirait toutes les deux.. A savoir, si la personne en face pouvait se révéler utile, plus qu’elle ne l’était déjà. Epreuve ou parangon, voilà bien la question..

L’aurore pointait déjà ses phalanges moirées, à l’horizon. Les teintes laiteuses que cet hémicycle envoyait sur la pierre rendaient les ombres plus floues ; d’ailleurs, le sbire devait avoir changé de position, on le ne voyait plus. A l’heure qu’il était, les nobles de Gwendalavir quittaient le lit de leur maîtresse, rendossaient leurs masques et prenaient leurs scénarios de vie. A l’heure qu’il était, elle-même se trouvait, autrefois, en train d’attendre quelque chose de la vie.. A l’heure qu’il était, quelques élèves de l’Académie devaient être debout. Peut-être même certains admiraient le même ciel légèrement enflammé, sur les toits, comme ils en avaient l’habitude autrefois. Oh, se doutaient-ils seulement qu’un jour, le dernier soleil qu’ils verraient seraient le reflet avide, dans les yeux d’un corbeau qui va se repaître de leur regard ?


Maya Nil' Shaya
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MessageSujet: Re: Tellement de secrets et d'apparences [Terminé]   Tellement de secrets et d'apparences [Terminé] Icon_minitimeDim 21 Déc 2008 - 0:00

Malgré elle, elle se sentit flattée du compliment de l’apprentie. Oui, elle était douée, elle était forte, elle était intelligente, elle était la meilleure nananèreuh, elle savait tisser ses pièges sans laisser aucun passage pour s’enfuir d’entre ses mailles, elle… était une idiote de se laisser prendre par les simples flatteries de la Mercenaire. Essayant de se reprendre et de ne pas la sous-estimer, ce qui devint soudain extrêmement difficile tellement elle avait confiance en ses capacités, Nokomis respira lentement, attendant la suite. Elle était douée, mais qui lui disait que Marlyn ne l’était pas aussi ? Après tout, elle restait sur la défense, et elle avait deviné que ses mots n’étaient pas tous sincères. A quoi aurait servi ce compliment autrement ? Rien qu’à regarder son Don puissant du Dessin, elle savait que l’Enfant du Chaos était un danger. Une arme effilée qui n’attendait qu’une main ferme pour l’enfoncer dans un corps sanglant. Malheureusement pour elle, une autre main était arrivée plus tôt. Mais de toute façon, elle était beaucoup trop sauvage. Elle n’obéirait jamais complètement à quelqu’un, sa présence ici malgré le danger en était une preuve assez grande. Non, elle ne voulait pas de Marlyn. Mais si seulement elle pouvait découvrir son lien avec Elera…

Oh. Alors elle était encore plus clairvoyante que Nokomis avait d’abord deviné ; mais ne savait-elle pas que ceux qui vivent la nuit n’arrêtent jamais de jouer ? Baisser sa garde, être honnête, laisser une chance aux autres, c’était signer son arrêt de mort. Non, elle ne risquait pas d’arrêter de jouer. Celui qui arrête d’essayer de deviner la figure de l’autre ou ne mue pas comme le serpent à chaque nouvelle pierre posée sur le tableau ne gagne jamais au Haman-Lô. Et elle ne comptait pas perdre. Que Marlyn le fasse, puisqu’elle ne supportait plus le jeu. Nokomis se ferait un plaisir de jeter ses restes dans le vide… Oh non, elle ne lui dirait jamais son véritable nom, et elle ne comptait pas lui laisser savoir celui de Kawel. Et pourtant, se mettre en position de faiblesse aidait souvent les autres à verser vers la confiance… Mais c’était beaucoup trop dangereux. Non, elle avait une autre solution…


- Mais Nokomis est mon vrai nom. Un nom n’est-il pas le mot par lequel d’autres te désignent ? Je te l’ai déjà dit, les tiens m’appellent Nokomis. Et si seulement tu savais comment utiliser ces trois syllabes, tu en découvrirais sûrement assez sur moi pour connaître mon rôle…

Sauf que seulement deux Mercenaires du Chaos la connaissaient, ayant pris contact avec eux il y avait peu de temps. Les connaissait-elle ? Nokomis n’avait aucun moyen de le savoir. Mais elle n’était qu’apprentie, son influence était restreinte, et elle ne saurait sûrement pas à qui demander, même si elle les connaissait. Quant à son Maître… il restait un grand point d’interrogation. Elle était certaine qu’il était vivant, et certaine aussi que Marlyn ne voulait pas que le noble sache qu’elle sortait seule dans les montagnes. Donc qu’il soit Maître ou Gardien, elle ne lui parlerait sûrement pas, même si c’était possible. Et ce qu’elle cachait au Gardien, pourquoi ne le cacherait-elle pas à son Maître ? Les chances étaient légères qu’elle parle, mais restaient une possibilité, auquel cas elle le rencontrerait sûrement dans peu de temps. Ce qui rapporterait de nouvelles informations à l’Eclipse, accomplissant donc son but dans tous les cas… Mais pour le moment, parler d’elle. Lui donner des informations, mais pas assez pour qu’elle découvre sa véritable identité. Mélange de mensonges et de vérité, aussi. Elle doutait que Marlyn ne la croit à présent. Si oui, tant mieux pour elle, elle avait fait un pas dans la bonne direction. Si non, tant mieux pour elle, tous les détails qu’elle donnerait ne lui serviraient pas. Plus qu’à choisir lesquels donner, pour satisfaire Marlyn sans se mettre en danger…

- Très bien ; je te raconterai donc mon enfance, mais installons-nous confortablement.

Elle entra dans les Spires, se délectant des possibles, et finit par choisir un chemin assez bas. Bientôt, un coussin simple couleur sang apparut sur le sol, et elle s’assit paisiblement dessus, les yeux rivés sur Marlyn. D’un ton ironique, elle commenta :

- Je ne t’en propose pas, tu ne me ferais pas confiance…

Après tout, si elle voulait s’assoir, elle pouvait se Dessiner la même chose sans aucun problème. Si le chat voulait bien arrêter de se frotter contre ses jambes, bien entendu. Il ne voulait décidément pas la quitter… Nokomis était presque jalouse de l’affection que l’animal portait à l’apprentie, mais repoussa ces sentiments futiles pour se concentrer sur ses mots. Elle commença enfin son récit.

- J’ai trois sœurs, deux frères, famille typique chez les Alaviriens.

Que ce soit dans les quartiers pauvres où les marmots semblaient pousser partout comme une mauvaise herbe, ou chez les riches aux enfants éduqués pour augmenter le prestige de leur famille. Bien sûr, Marlyn se douterait que sa famille était riche, elle se serait assise à même la roche dans le cas contraire, mais ce qu’elle ne pouvait pas deviner pour le moment, c’était si Nokomis avait le titre de noble ou n’était qu’une bourgeoise pathétique aux bourses pleines mais sans aucun titre. Et elle ne le saurait pas.

- Milieu sain ? Je ne sais pas vraiment. Cela doit dépendre du point de vue… Je pourrais dire que oui, j’avais une famille, un toit, de l’argent. Je lisais beaucoup, que l’on m’en donne l’autorisation ou non, sur tous les sujets. C’est ma tante qui m’a appris à lire et à qui j’empruntais des livres, elle était professeur. Je passais la plupart de mon temps seule. Tu peux deviner que les autres m’évitaient ; une enfant aux cheveux blancs, ca a de quoi étonner… J’étais selon les regards un monstre effrayant ou un ange à ne pas approcher. Qu’ils étaient naïfs… Ces limaces attendaient tellement de leur vie, mais ils croyaient qu’il suffisait de tendre la main pour tout recevoir. Quand au pourquoi de mon devenir… Et bien, comme beaucoup d’autres, je suppose. J’ai rencontré mon Maître un matin dans la rue, il semblait tout comprendre, il voyait en moi ce qui restait invisible aux autres… Je l’ai suivi.

Que croirait-elle, que refuserait-elle comme une information erronée ? Tout était plausible, elle avait suivi sa véritable vie, changeant quelques détails mineurs pour l’envoyer dans la mauvaise direction, celle de l’enfant rejetée qui prenait sa vengeance. Elle avait ajouté pourquoi elle était devenue qui elle était, sachant que cela intéresserait Marlyn et ne souhaitant absolument pas qu’elle découvre la raison cachée derrière cette tapisserie de demi-vérités. Parce qu’elle ne pensait pas que tous les autres étaient des limaces ou des siffleurs suivant gentiment le berger. Ils tombaient juste dans deux catégories : ceux qui pourraient lui être utiles, et ceux qui ne le pouvaient pas. D’ailleurs, Marlyn ferait mieux de bientôt prouver être de la première catégorie, où elle ne vivrait pas pour voir la nuit prochaine. Oh, bien sûr, elle savait des choses qui seraient très utiles à Nokomis, et elle était un lien certain avec la Guilde du Chaos. Et la tuer transformerait son Maître en ennemi. Mais elle commençait à perdre patience. Elle ne pouvait pas ouvrir le sujet sur Elera, ou Marlyn se refermerait comme une huître. Elle devait s’approcher lentement, le vent soufflant dans la direction opposée pour que la proie ne sente pas son odeur… C’était tellement plus facile de pouvoir faire du chantage. Mais voilà, tant qu’elle ne savait rien, elle ne pouvait rien faire que continuer à devenir quelqu’un de peu dangereux pour Marlyn. Une alliée. Maintenant qu’elle avait raconté son ‘’histoire’’, peut-être qu’elles avaient avancé droit dans le mur. C’était à elle de poser une question. La bonne question, celle qui ne la ferait pas fuir, celle qui lui serait utile. Laquelle ? Etait-ce le bon choix qu’elle prenait, en lui montrant son ignorance, même si Marlyn ne saurait pas pour sûr qu’elle ne savait vraiment pas ? Plus le temps d’hésiter…

- Et toi, Marlyn, as-tu aussi passé ton enfance en solitaire? Qu'est-ce qui t’a poussée sur la voie ?

Marlyn Til' Asnil
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MessageSujet: Re: Tellement de secrets et d'apparences [Terminé]   Tellement de secrets et d'apparences [Terminé] Icon_minitimeDim 21 Déc 2008 - 19:53

Ca ne mènerait à rien. Toute cette discussion était assimilée à du vide, des paroles sans importance, des paroles mensongères.. Toutes les deux le savaient bien. Aucune des deux ne dirait la vérité sur son existence, ou ne lâcherait la moindre petit information sur sa personne ; d’ailleurs, aucune des deux n’avait intérêt à le faire. Tout se jouait à la mort subite. La première dont les nerfs ne seraient pas assez solides pour conserver ce mystère autour de ses activités.. Et Marlyn savait pertinemment que cette femme ne lâcherait jamais. Qu’elle-même ne saurait jamais gagner en continuant ainsi. Il fallait, le temps de savoir redresser la situation, tenir le coup, tout simplement. Heureusement pour elle, les mots fatiguaient moins son esprit que les lames et la course, et elle savait rester calme, comme elle avait appris à le faire depuis ces derniers mois passés recluse dans un manoir qui la protégeait. Il fallait ployer suffisamment l’échine pour ne pas se briser les reins sur le poids de ces mensonges, mais pas trop, pour se redresser et frapper au moment voulu. Nokomis la sous-estimait ; malgré cette apparente rivalité égale, ça se sentait, elle se sentait maître de la situation, bien plus mature que cette petite apprentie en face d’elle qui, semblait-il, accumulait les erreurs..
Elle sous-estimait son Don du dessin, elle sous-estimait sa manière de voir les choses et de lui faire voir comment on pouvait changer les choses par une simple œillade intempestive.. Elle sous-estimait également le fait que Marlyn pouvait elle aussi, se tirer des filets. D’un filet de soie plus facilement brisable que les gaines de fer d’un chevalet de torture, plus facilement évitable que les blessures et les lames sifflantes.
Et elle allait l’éviter. Elles allaient tourner encore un instant sur des choses mondaines, qu’elles ne cherchaient pas à rendre véridiques, puis graviter autour du point central de leur discussion. Sareyn savait que Karil était une clef de cette affaire. Inévitablement, il y aurait tôt ou tard une allusion à la jeune fille qui se trouvait avec elle ce jour-là.. Et elle savait déjà quoi faire.

Et ce foutu chat qui demandait encore de l’amour. Savait-il seulement que la Mercenaire du Chaos contre laquelle il se frottait était simplement dénuée de toute sentiment affectueux avec une boule de poile braillarde ? Pour un peu, elle lui aurait volontiers décoché un coup de pied dans le thorax, elle aurait aimé voir cette ombre aux yeux d’or tomber du haut des Dentelles. Mais il fallait respecter cette règle d’amitié méfiante qui s’installait facticement entre les deux femmes. Aussi, d’une caresse indifférente, elle fit taire l’animal. Puis refusa le coussin. Autant ne pas dessiner inutilement. Et puis, ça paraissait tellement futile.. L’apprentie n’avait pas besoin de coton pour se poser à même la pierre. Apparemment, cette Nokomis aimait à se complaire dans la luxure. Ou alors, elle avait l’épiderme fessier assez douillet.. Arrow
Le récit démarra. Mal. C’était trop banal.. C’était trop commode, de se calquer sur l’archétype Alavirien. Ca pouvait être vrai, ça pouvait être faux. Elle avait bien choisi son plateau d’Haman-Lô. Un plateau simple, où toutes les figures étaient possibles. Cette femme posait ses pierres avec lenteur, la main sûre et les doigts agiles, tandis que d’un tour d’esbroufe, une construction autre apparaissait dans un autre coin du plateau. Mais elle jouait seule, pour l’instant. Marlyn n’écouta plus que d’une oreille, les grandes lignes du récit pétrifié de son interlocutrice. Et décida de n’accorder une part de vérité qu’à l’ensemble global, car il rejoignait le caractère de Nokomis. Mais quant à croire les détails.. Non.

La question était prévisible. Après tout, lors de conversations mondaines, on parlait toujours des autres pour montrer qu’on n’était pas si hypocrites.. Dame, qu’est-ce que Marlyn pouvait détester cette société. Au fond, elle se félicitait de n’avoir vécu parmi une de ces familles bourgeoises et bien pensantes. Rien qu’à cette pensée, un frisson bref parcourut ses épaules. Sa vie était une suite d’enfers plus froids et douloureux les uns que les autres, mais au moins, elle était flamboyante. Pleine de dangers. Elle ne mourrait pas dans son lit à cent ans, et c’était.. tant mieux.

- Tu as vu juste, Nokomis. J’ai passé mon enfance seule, dans les tréfonds d’Al-Vor. C’était assez dur, au départ, mais après tout, j’étais libre, au moins.. pas comme toi, n’est-ce pas ? J’ai toujours vécu ainsi, je dirais. Si, quelques fois, je partais et j’allais brûler une caravane d’Itinérants, parce que je pouvais pas me payer leurs produits et que ça me frustrait. Vers quinze ans, je me suis très mal tirée d’une bataille avec la garde d’Al-Vor, qui avait repéré le QG de notre bande de voyous. Ils étaient bien plus nombreux que nous. Nous avons été décimés. J’ai perdu un œil dans la bagarre. On m’a emprisonné pour diverses actions de vandalisme, et, personne ne me connaissant et ne me connaissant de famille, on ne songea plus à me libérer. Ca a duré deux ans, et mes voisins de cellule étaient loin d’être des enfants de chœur. Quelques-unes de mes blessures de guerre viennent de là. Puis une fois, c’était différent. Je venais de fêter mon dix-huitième anniversaire derrière mes barreaux, et le garde qui surveillait le couloir s’est effondré. Un homme m’a couvert les yeux, lié, et emmené. Je ne savais alors pas qu’il devait être celui qui me tirerait d’affaire..
C’était un Mercenaire du Chaos assez peu scrupuleux, qui souhaitait avancer dans la guilde, et avait repéré mon potentiel destructeur. Mais il est mort bêtement dans un guet-apens tendu par la milice, et j’ai du m’enfuir pour ne pas être emmenée à l’échafaud. Je suppose que c’est tout. Passionnant, n’est-ce pas ?

C’est fou comme on pouvait refaire sa vie facilement, et de manière à ce que cela coïncide avec son caractère.. A y réfléchir, si Marlyn avait choisi de ne pas intégrer cette Académie malheur, peut-être que son destin aurait ressemblé à ça ? C’était amusant à envisager..
Au préalable adossée sur une paroi rugueuse, Sareyn se laissa glisser au sol, sentant certaines mailles de son étoffe se déchirer. Mais, comme le cuir était de la même couleur que la tunique, on ne voyait pas la différence entre les deux.. Et la combinaison restait cachée. Tant mieux.


- Et si ton chat pouvait bien me lâcher, je lui en serai extrêmement reconnaissante. Je déteste ces bêtes-là.


Il devenait franchement collant, elle devait l’admettre. Mais bon, c’était juste une épreuve de plus, juste une boule de poile avec laquelle il fallait se montrer patiente. Aussi, d’un mouvement distrait, elle gratta la bestiole sous le menton, sans faire attention à sa manière étrange de lui montrer son affection : à savoir, se mettre sur le dos, et lui labourer les poignets de ses griffes et de ses dents, à tel point que lorsqu’elle ramena la main à elle, on aurait dit qu’une éruption intempestive d’acné était survenue. Bah, ça partirait vite..

- Nokomis, t’es jamais allée en prison. Tu sais pas ce que ça fait, tout ça. Non, en fait, je crois que je préfère ma vie à la tienne. La tienne semble.. creuse. En fait, on se ressemble un peu. Le carcan que tu avais était plus velouré que celui qui m’enserrait, peut-être, mais.. Nous poursuivons les mêmes buts, en somme, même si je suis sûrement un peu plus dérangée mentalement que toi. On vit pour nous, pas pour les autres.. Mais il y a une différence entre nous. Toi, tu n’as personne à qui tu peux confier tes doutes, quand tu en as. Tu n’as personne qui te serve de modèle, même post mortem. Enfin, en même temps, tu es plus âgée que moi.. D’ailleurs, tu as quel âge ? Pour un peu, tu pourrais presque avoir l’âge d’être ma mère, je dirais..

Quelques insolences dissimulées, un peu de rancœur dans le ton, une sorte de confiance mutuelle et fausse qui se tissait.. S’il y avait eu quelqu’un pour les entendre, il les aurait vraiment prises pour de bonnes amies, ou tout du moins des connaissances étroites. Mais le seul à les entendre était le chat qui dormait à présent sur les genoux de Marlyn, et d’après l’éclat qu’on apercevait lorsqu’il entrouvrait la paupière, il n’était pas dupe, et attendait que tout bascule sur un détail..

Maya Nil' Shaya
Maya Nil' Shaya

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MessageSujet: Re: Tellement de secrets et d'apparences [Terminé]   Tellement de secrets et d'apparences [Terminé] Icon_minitimeLun 22 Déc 2008 - 23:08

Mmm… Une histoire plausible, qui expliquait tout, qui tenait debout… Et pourtant, Nokomis n’y crut pas un instant. D’abord à cause de ce qu’elle savait : Personne n’osait parler de Marlyn à Al-Poll, par peur, donc c’est là-bas qu’on la connaissait. Et puisqu’Elera vivait à l’Académie de Merwyn, il était probable qu’elle y soit allée aussi, la rencontrant là-bas. Ailleurs, son nom n’offrait que des visages perplexes. Ensuite… Son Maître. La seule chose qui pouvait intéresser un Mercenaire du Chaos dans une apprentie au corps déjà affaibli, c’était bel et bien son Don du Dessin. Et si elle était si puissante, elle aurait pu s’enfuir de sa prison sans trop de problème… Un gommeur aurait empêché quiconque de connaître l’étendue de son Don, et personne ne l’aurait sorti de sa cellule. Et puis, il y avait le choix de ses mots… Plus tôt, elle parlait d’un maître qui guidait ses pas, qui lui soufflait des conseils à l’oreille. A présent, il était mort ‘’bêtement’’… Et il y avait sa situation présente, aussi. Si elle s’était enfuie seule, elle n’aurait jamais trouvé refuge dans la demeure d’un noble comme Dolohov Zil’ Urain… Elle mentait. Mais elle ne fit aucun commentaire, répondant plutôt à ses mots suivants :

- Je ne contrôle pas ce chat, il fait comme bon lui semble…

Pourquoi disait-elle qu’elle les haïssait, avant de le caresser comme si c’était le contraire ? …Mais ce n’était qu’un détail sans importance. Autant l’oublier et réfléchir à la suite. Sa vie, creuse ? Elle le paraissait. Mais Marlyn n’avait aucune idée de ce que cela pouvait faire, de passer d’un milieu noble, vénéré de tous, à celui de nobles déshonorés et méprisés, sans aucune fortune et au nom utilisé en dérision… Sa sœur aînée vivait dans la misère avec son mari de pacotille, ses frères étaient dans l’armée comme n’importe quel jeune de famille moindre, et sa jeune sœur n’avait pas pu trouver de parti acceptant sa main parmi les nobles qu’on avait choisis pour elle plus tôt, se retrouvant avec le nom d’un bourgeois avant que Maya ne réussisse à refaire leur fortune. Cela faisait presque pitié. Quant à ses parents, ils vivaient sur l’argent qu’il recevait des larcins de Maya, sans vraiment le savoir… Il était clair qu’aucun d’entre eux ne ramènerait leur nom à la lumière. Mais elle, Maya Nil’ Shaya, l’étrangère aux cheveux blancs, feraient quelque chose d’assez grand pour ca… Si les Mercenaires du Chaos gagnaient, ils auraient besoin de familles nobles qui les aient aidés pour reconstruire leur société. Elle en ferait partie. Quand toutes ses familles fidèles à l’Empereur se feraient piétinées, la sienne remonterait à la surface. A moins que ce ne soit l’Empire qui finisse triomphant, auquel cas, les noms de tous les Mercenaires du Chaos qu’elle pourrait lui offrir lui promettrait une position de choix… Mais il fallait attendre, voir qui était le plus offrant. Non, elle n’était pas allez en prison, et tant mieux ; mais sa vie était loin d’être creuse…

Alors comme ca, elle avait quelqu’un a qui faire part de ses doutes ? Elle faisait confiance en quelqu’un ? Elle écouta soudainement Marlyn avec plus d’attention, même si son immobilité ne le laissait pas entrevoir. Enfin quelque chose d’utile. Si seulement elle pouvait découvrir qui… Mais déjà Marlyn changeait de sujet, et elle se sentit irritée en entendant les derniers mots de l’insolente apprentie. L’âge de sa mère ! Marlyn devait avoir presque vingt ans, si elle avait bien découvert son Maître à dix-huit comme elle l’avait dit, et cela semblait être à peu près juste. Myra n’avait que six à huit ans de plus… Mais puisqu’elle la prenait pour plu vieille qu’elle ne l’était, autant continuer dans cette direction. Même si, habituellement, c’était plutôt le contraire qui arrivait…


- Tu m’étonnes ; la plupart de mes connaissances me croient plus jeune que je ne le suis, mais tu n’as eu aucun mal à remarquer que non… 29 ans. Je n’ai pas encore passé la trentaine, mais quand même… Mais tu as tort, Marlyn. J’ai confiance en mon Maître, pour un…

La vérité, c’est qu’elle ne doutait pas. Alors elle n’avait besoin de personne à qui parler de ses doutes. Et son Maître… Oh, bien sûr, elle lui avait fait confiance. Dix ans plus tôt, quand elle était encore sous son emprise. Plus tard, elle avait très bien compris qu’elle n’était sous sa protection qu’aussi longtemps qu’elle se montrait utile, même si c’était vrai qu’il lui portait plus d’affection qu’à certains. Il l’avait choisie comme successeur, après tout… Mais il était quelque part sous terre à présent, et cette mort l’avait emplie de bonheur, étant la clé vers sa puissance. Non, elle ne faisait confiance en personne. Ce n’était qu’une preuve de faiblesse…

- Mais je pense que c’est tout de même sur ce point que nous sommes différentes, comme tu le dis. Ton Maître est mort et tu ne parles de personne à qui tu aurais pu confier tes doutes dans ton histoire ; je crois plutôt que tu es seule…

Deux possibilités, après ces mots prononcés d’un ton triomphant. Sois Marlyn voudrait lui prouver tort, et lui parlerait de quelqu’un en qui elle avait confiance que Nokomis pourrait utiliser ensuite. Sois elle avouerait avoir menti… et c’était bien connu, la règle d’or des menteurs était de ne jamais changer d’avis. C’était le meilleur moyen de perdre toute crédibilité. Oh moins, si tu restais avec ton mensonge, les autres pouvaient penser que tu y croyais, et que tu t’étais fait avoir, à moins que tu n’ais oublié la vérité… Avouer un mensonge, c’était comme se montrer du doigt lorsqu’un crime était découvert. Tant que tu réfutais ton rôle dans l’affaire, cela devenait beaucoup plus difficile d’être certain que tu n’étais pas innocent. Alors que ferait Marlyn ? Nokomis avait déjà trouvé plusieurs contradictions dans son témoignage. Objection ! This statement contradicts this evidence! -It does? How so? -You just said that it does yourself, your honor! -Don’t play mind games with me! dans ce qu’elle se disait être. Elle n’avait aucun mal à éplucher les paroles de l’apprentie pour trouver la part de mensonge et la part de vérité, même s’il était vrai qu’elle avait peut-être raté certaines graines de vérité, et crû des mensonges… Mais dans l’ensemble, l’Enfant du Chaos était facile à lire. Et bientôt, elle en découvrirait encore plus…

Marlyn Til' Asnil
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MessageSujet: Re: Tellement de secrets et d'apparences [Terminé]   Tellement de secrets et d'apparences [Terminé] Icon_minitimeDim 8 Fév 2009 - 19:26

Marlyn lança une œillade devant elle, alors qu’elle avait encore les yeux fuyants sur des parois, sans pourtant perdre Nokomis de son champ de vision. Ce qu’elle y vit la raidit un peu. Un peu plus bas, au niveau du faîte des arbres, une teinte incendie commençait à s’épandre, d’abord aquarelle puis fusain, insidieusement, annonçant le déclin de la Lune. Il faudrait songer à rentrer avant le zénith, ou même la course. Certes, rien ne lui arriverait si elle était prise en train de vadrouiller dehors, mais mieux valait-il ne pas tenter son Maître. Et puis, elle était en tort, et elle le savait. Tout Gwendalavir la traquait encore malgré la disparition progressive des plus grosses rumeurs sur sa cruauté et sa bestialité, et sa vie était constamment en danger hors des grilles du manoir du Mentaï. Marlyn, d’un petit mouvement de tête, chassa son nom de ses pensées ; elle ne souhaitait pas le savoir, ni même l’avoir entendu, pour des raisons bien simples. Hormis le fait qu’il pouvait lui échapper en lui parlant et qu’il lui demanderait alors comment elle l’avait appris, c’était une information qui lui causerait plus de tort que de bien. Et notamment, si elle était à nouveau attachée à un chevalet de torture. Imperceptiblement, la jeune femme frissonna, et passa machinalement la main le long de sa cicatrice faciale ; posséder un nom signifiait danger immense. Non, il fallait l’oublier.
Et c’est ce qu’elle fit, forçant son esprit à se modeler sur cette ignorance. Une fois fait, elle pinça un peu les lèvres. Cette nuit ne lui convenait plus, pas plus que la rencontre avec Nokomis ne l’enchantait. Ce genre de femmes intrigantes et insaisissables, puissantes et perfides.. Il fallait partir.
L’aube se faisait de plus en plus pressante, et le regard de la femme opaline fixé sur elle n’ajoutait rien au calme de la scène. Le piège était presque sur elle ; encore quelques échanges et elle se tromperait dans ses mensonges. Ca devenait urgent de couper court à toute conversation, de partir, de l’oublier et de l’éviter si un jour elles étaient amenées à avoir à faire ensemble. Ce qui n’arriverait sûrement jamais, certes, mais toute possibilité devait être envisagée en cette période chaotique et remuante. Marlyn envoya bouler le chat d’un revers de coudes, ignorant ses feulements outrés, puis se releva en époussetant les poils qui restaient collés au coton de sa tunique. Il n’y avait rien à dire à la tentative d’énervement mise sur le tapis, sinon un regard hautain ; mais il fallait attendre et rassembler les mots avant de répliquer. Certes, Nokomis lui avait offert une ouverture qui lui permettait de terminer la conversation, mais c’était à double sens. L’importante était minime puisqu’elles ne se recroiseraient que longtemps après, mais tout était à éviter. Le tout était de partir sans semer d’autre indice sur sa possible relation extérieure ou l’existence bien réelle de son Maître Mentaï. D’abord, gagner du temps :

-
Vingt-neuf ans… Nous ne sommes pas si éloignées que ce que je pensais. Tu parais déjà vieille, sans vexation, pourtant. Regarde, tu as déjà des cheveux blancs… Et là, on dit : Yêk Yêk ike, finit l’apprentie Mentaï sur le ton de la conversation, apparences et politesses confondues.

Ostensiblement, le korrigan anorexique, dixit Alasa la jeune fille fit quelques pas vers Nokomis, puis la dépassa sans faire attention à son regard qui la suivait comme un projecteur, et se saisit du sac de toile qu’elle avait laissé au début de la nuit, pensant ainsi passer une soirée solitaire et ardue vis-à-vis de son entraînement. Le programme avait été un peu chamboulé, certes… C’est pourquoi elle n’eut même pas besoin de ranger quelque arme, cible, carcan de cuir ou gourde, car rien n’avait été déplacé. Dans un coin de sa tête, Marlyn se promit de ne plus quitter le manoir. Le parc était protégé des regards, des ennemis et des surveillances des Spires, pourquoi s’embarrasser à fréquenter tout Gwendalavir sur des roches dangereuses ? Connaissant la réponse, Sareyn la chassa d’un tic des lèvres ; elle n’avait d’importance que dans sa destruction, cette réponse insidieuse. Une lampée d’eau tiède plus tard, Marlyn s’intéressa à nouveau à celle qui lui faisait face, patiente :


- Tu n’as rien compris. Tu es tellement prosaïque, comment veux-tu seulement suivre ce que je disais ? La solitude de ce monde n’est pas à blâmer, elle est même une protection. Je suis seule… Mais je ne suis pas seule. Je ne suis pas sûre que l’on puisse vraiment comprendre sans saisir l’importance maladive qu’a la paranoïa sur une croyance…

D’un geste ample, Marlyn désigna l’air autour d’eux, appuyant ce mensonge qu’elle déclarait depuis le début, un maître mort qui la suivait, ectoplasme, seul allié. Le regard noir, elle regarda un instant, amère, les anfractuosités des roches qui les entouraient.

- Il est mort, d’une façon qui aurait pu être évitée.. Tu ne peux juste pas l’entendre. Tu ne peux pas comprendre, Nokomis. Il est toujours là, visible seulement à mes yeux, ôtant toute solitude à une existence retirée. Tu devrais faire pareil, de temps à autres, ça t’aiderait peut-être à descendre de ton piédestal. Mais je n’ai pas à te conseiller, après tout, tu es plus vieille et plus sage que moi…

Quelques pas lents, sans quitter le champ de vision de son adversaire verbal. Marlyn ajusta la sangle de son sac pour qu’il ne gêne pas ses mouvements, et repassa une cagoule de toile, simple précaution, qui ne laissait apparent que la moitié gauche de son visage, un œil, une pomette, et c’était tout. Le reste n’importait plus, il n’y avait plus rien à dire, à montrer ou à dissimuler. Le chat feula encore. S’ensuivit encore le silence, toujours le silence, pendant lequel les deux femmes se jaugèrent, immobiles. Marlyn, intérieurement, déplora seulement sa propre inconscience et son manque d’entraînement face à ce genre de situations.. qui avait elle-même été un entraînement. Peu de personnes savaient parler comme cette Maya, elle était plus dangereuse que Til’ Lleldoryn, ou même Slynn Ar’ Kriss. Leçon à retenir, donc. Mais seule. Nul besoin d’en informer le Mentaï, suffisamment occupé avec la préparation de l’attaque pour avoir besoin de ce genre de détails. Et puis, ne somme, c’était tout de même un échec. Peu cuisant et instructif, mais elle perdait son repère, ses repères, et quelques doutes avaient un instant fusé en elle ; il faudrait se carapacer le cœur mieux que ça. C’était presque au point… Pas assez encore.
Sans monter trop haut ou trop brutalement dans l’Imagination, Marlyn commença à esquisser plusieurs lieux distincts, se sachant observée intrinsèquement par Nokomis. Un endroit presque achevé, une place d’Al-Vor y prenait place, un chemin perdu, des arbres, une tour, un parc… L’exercice n’était pas difficile et assez commun. Il faudrait être rapide. Sans l’investir dans les Spires, Marlyn pensa soigneusement, dans son esprit, au marché d’Al-Vor. Précaution à prendre, elle esquissa les collines de Taj, lieu malheureusement bien connu de la jeune fille.

Puis elle disparut, dans un léger bruit, sans une parole de plus. Une fois arrivée dans les herbes hautes de collines, sans prendre le temps de savoir si la femme suivait, elle avait à nouveau disparu, vers Al-Vor. Rapidement encore, elle rejoignit la rue où elle logeait, terminant le reste à pied, fondant son corps dans l’ombre que tissaient ses vêtements.



[ Yeaah, moins de trois mois pour cette daube, avoue, ça valait le coup Cool ]

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Tellement de secrets et d'apparences [Terminé]
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