Gwëll s’étonnait toujours. Elle qui pouvait être si sérieuse, si réfléchie, qui débattait toujours pour savoir ce qui était le mieux... Elle venait de poser une question étrange. Pire même, stupide. Elle restait donc perplexe, ne sachant comment interpréter cette étrangeté. Apparemment, et ça n’aillait pas pour la rassurer, elle n’était pas la seule à s’inquiéter de son état de santé mentale. Kylian, lui aussi paraissait interloqué par sa question. Question à laquelle il répondit, bien qu’elle parut lui rappeler de mauvais souvenirs. Il savait nager. Cela importait peu Gwëll de le savoir, et elle restait stupéfaite par l’absurdité de sa question.
Cependant, tentant certainement de cacher son désarroi, il lui retourna son interrogation. Bon, il fallait avouer que lorsqu’elle avait interrogé le jeune homme, elle n’avait pas songé un instant à ce qu’il ne lui retourne la question. En fait, elle n’avait pensé à rien. Et c’était vraiment ce qui l’ennuyait. En l’occurrence, elle se devait de répondre au jeune garde. Mais elle ne savait que dire. Bien entendu, elle savait nager, son précepteur lui avait appris quelques années auparavant les bases de la natation -si on pouvait appeler cela de la natation. Pourtant, elle ne voulait pas le lui dire. Non qu’elle en ait honte, mais plutôt car elle trouvait cela assez stupide, étant donné que la question n’avait aucun intérêt, de se donner la peine d’y répondre.
Ce fut donc à contrecœur qu’elle lâcha un pitoyable :
‘’Oui, j’ai appris.’’ Pas la peine d’en dire plus vu l'intérêt que l’un comme l’autre ils y portaient.
S’en suivit un grand silence qui pesa de tout son poids sur les frêles épaules des jeunes gens. Rien n’était dit, tout n’était que pensée. Gwëll se taisait, de peur de dire une ânerie supplémentaire, et Kylian... et bien Kylian ne faisait pas mieux.
La jeune fille que l’absence de bruit commençait à agacer cherchait absolument quelque chose à dire, un simple mot qui aurait pu les sortir de ce silence absolu. Mais rien ne venait. Elle avait beau se décarcasser, rien ne lui venait à l’esprit.
En désespoir de cause, elle se résolut au silence et se laissa aller contre le jeune homme toujours immobile et silencieux. Au loin, elle apercevait les champs qui s’étendaient à perte de vue et quelques élèves ou professeurs que son regard, bien que perçant ne pouvait distinguer précisément. Dans le ciel bleu et dégagé de cette après midi, quelques nuages cotonneux paressaient, ne bougeant pas ou très peu en mouvement rectiligne uniforme dans un référentiel Gwendalavirien.
De sous son arbre, elle ne pouvait tous les distinguer, et cela la dérangeait quelque peu. Elle se leva donc, jetant un regard interrogateur au jeune garde somnolant toujours au pied du boulot. Elle se dirigea alors vers une étendue herbeuse à quelques mètres de l’arbre. Là, elle s’allongea, dos au sol et leva lentement ses yeux vers le ciel. Les nuages prirent alors une forme dans son esprit. Ainsi, l’azur était peuplé de dragons, de poissons, de visages et, bien entendu, de siffleurs. Bien sûr, pour certaines des formes, trop abstraites pour être assimilées à quelque chose de connu, elle inventait. Ces inventions, sorties naturellement de son imagination, donnaient généralement des résultats étranges, et parfois même quand elle manquait d’idée, elle créait des mots nouveaux.
Malgré tous, la compagnie des siffleurs, dragons, personnages et autres abstractions blanches ne remplaçaient pas la compagnie de ses semblables humains. Toujours étendue par terre, elle fit pivoter sa tête jusqu’à apercevoir, le jeune homme. À l’envers, certes, mais toujours à sa place. Se retournant sur le ventre -car il est tout de même plus agréable de voir quelqu’un dans le bon sens- elle l’observa un instant, guettant sa réaction. Il la regardait, elle le regardait. Ils se regardaient mutuellement.
Quelques petits brins d’herbe tendre venaient chatouiller les narines de la jeune fille, la faisant éternuer et loucher quand elle tentait de voir d'où venaient cette impression. Elle tendit la main et attrapa une petite fleur parmi d’autres. Elle la porta à son nez et en huma le parfum doux avant de reporter son regard sur le jeune garde. Du pied de l’arbre, il l’observait, les bras croisés sur son torse, un air totalement neutre sur le visage. Les yeux de la jeune fille s’échappèrent un instant, effleurant l’herbe à coté d’elle, puis revinrent se figer dans ceux de Kylian en une invitation dissimulée.
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