Bal de l'Académie (RP terminé)

La jeune femme écoutait et observait toujours ce qu'il se passait autour d'elle sans en titrer la moindre distraction, cela faisait plusieurs jours qu'elle était rentrée à l'Académie et qu'elle n'avait pas ouvert une seule fois la bouche ni même sourit sans que personne ne sache pourquoi. Elle ne voulut même pas expliquer quoi que ce soit à Slynn, Ena, Vivyan, Enoriel ou Valen... Valen...
Alatariel réprima un juron qui pourtant aurait été bien placé par rapport à sa situation mais qui était tout à fait inconvenant et qui la ferait remarquer, hors c'était loin d'être son but.
Elle surpris deux jeunes hommes entrain de se concerté pour savoir lequel des deux allait l'aborder, et cela renforça encore plus l'ironie de sa situation, l'ex-Académicienne soupira et sirota son vin qu'on aurait dit étrangement assorti à la couleur de ses yeux.
Le nombre de danseurs augmentait sur la piste, semblant ne plus appartenir au même monde que ceux qui ne dansaient pas... Elle ne trouvait rien de très divertissant à faire...
C'est alors qu'Elera apparut dans la salle et se rapprocha d'elle d'un pas guilleret avant de s'assoir à sa gauche. A croire qu'on voulait absolument lui tirer quelque chose de la bouche. Elera engagea la conversation et Alatariel se retrouva à lui expliquer le pourquoi du comment de certaines choses, ainsi que divers codes de couleurs dans une soirée, quelques petits trucs à savoir. Une première victoire pour Elera qui ne comptait pas s'en arrêter là. Et la conversation des deux jeunes femme continuait tranquillement, Alatariel toujours entrain d'observer les danseurs.

- ... Et c'est aussi pour ça que ...

Alatariel s'était brusquement arrêtée en pleins milieu d'une phrase regardant fixement quelque chose, ou plutôt quelqu'un... Plus précisément le regard de quelqu'un ... noir, captivant mais surtout déjà rencontré, un regard reconnaissable entre tous ... Leurs yeux ne se quittèrent pas durant au moins vingts seconde au cour desquels elle ne fit attention à rien d'autre que ce regard ...

Alunia arriva de bonne grâce dans l'immense salle, décorée pour l'occasion. Elle allait pouvoir voir ses anciens amis, même si une lui manquerait, Marlyn. La jeune fille n'avait toujours pas oublié le discours de Valen. Elle n'en voulait à personne, pas même à sa jeune amie qui avait rejoint le camp des mercenaires. Elle en était seulement attristée. Alunia avait fait elle-même sa robe de bal, trouvant les tissus pas très chers sur le marché et le fil. Elle avait eu du mal au début, s'obligeant à construire un patron sous tous les angles, car le tissu bleu turquoise devenait de plus en plus rare. La jeune fille avait décidé de faire une robe courte avec des bottes de la mêmes couleurs que la robes. Cette robe était un corset turquoise, pourvu de lacets dorés. La jupe possédait du volent bleu ciel, et la main gauche de la jeune dessinatrice était gantée de résille bleu marine. Ses cheveux étaient tressés en natte indienne pourvu de rubans bleu. Alunia était habillée au couleur de sa maison.

Elle entra d'un pas assuré et regarda les personnes autour d'elle si une personne de connaissance n'était pas déjà arrivé. Son coeur faillit exploser de joie quand elle vit Khelia, son amie de longue date qu'elle avait lachement abandonné. Piki était aussi de la partie et semblait plus excité que jamais. Il n'avait pas changé lui non plus. Alunia faillit en pleurer de joie. Elle se retint et courut vers Khelia. La jeune fille semblait ne pas l'avoir remarqué. Alunia s'approcha de Piki :

- Si tu continue à embêter Khelia, tu vas finir par être le menue principal de cette fête, Piki

Alunia lança un grand sourire amusé et tourna son regard vers Khelia, ce regard qui disait en même temps excuse moi mais aussi ravie de te revoir.

Le froufrou des tenues élégantes, le jacassement des dames poudrées, l'éclat des cierges sur les parures. L'odeur de la masse humaine grouillante, les voix viriles des messieurs, les pas clairs des jeunes gens sur la piste de danse. Le fumet appétissant des mets les plus extraordinaires, les regards furtivement croisés et les messages silencieux des corps alanguis. Rien qui ne vaille un souffle de vent sur l'ombre du lac Chen, mais presque. Parmi le flot d'invités coulant à travers les portes grandes ouvertes de la salle, un observateur très attentif aurait pu distinguer nombre de personnages n'ayant pas grand-chose à faire dans ce genre de mondanités et de nouveau Amjad craignit un piège. S'il avait fallu reconnaître une unique qualité au grand Merwyn Ril'Avalon, la plupart des gens auraient sans doute opté pour la clairvoyance et bien qu'il fut en ce moment assez occupé, ses assistants déployaient comme un étendard la rumeur de leur efficacité. Accueillir tout Al-Poll dans sa citadelle en des temps si troubles apparaissait pourtant rarement comme une preuve de la prudence la plus élémentaire. Alors, perte de contrôle, embuscade ou respect forcé des traditions ? Ceux qui comme le pirate ne venaient pas précisément dans le seul but de s'amuser ne semblaient pourtant n'avoir pas grand-chose à craindre tant il se fondaient dans la foule. Et effectivemment, pourquoi ce nobliaud-ci serait-il plus louche que celui-là ? Pourquoi soupçonner cette vieille paysanne en laissant cette fillette glisser sans encombres parmi les tables ? Les espions pouvaient prendre n'importe quel visage. Un risque de plus qui ne suffisait visiblement pas à boycotter la cérémonie séculaire. Bonne fortune ou signal d'alarme ? Bien que relativement prudent, le brun appréciait le danger latent et s'y soumettait impassiblement. Comme tous ceux et celles qui, dissimulés à l'ombre murmurante des convives, intriguaient en silence.

Le mentaï s'affichait dans des vêtements à peine moins neutres qu'à l'ordinaire; son habituelle toge sombre avait été racommodée pour l'occasion et paraissait presque neuve. Ses longs cheveux noirs se rassemblaient en quelques tresses entrecoupées de minuscules perles grises. Un costume bien moins opulent que la plupart des personnes présentes, juste assez voyant pour ne pas briller de neutralité. Il se laissa porter par l'entité aux membres multiples, dévisageant calmement chaque visage, analysant chaque posture et lisant chaque reflet sur le sol marmoréen avec cette capacité d'observation propre à la plupart des mercenaires et devenue mécanique. Ce jeune homme au regard farouche, au verbe pédant mais à la démarche étrangement fluide ? Un apprenti marchombre au bout de sa formation. Cette jeune plébéienne à la beauté outrageuse et au sourire complaisant ? Une fille de bourgeois en quête d'un vieux riche à épouser. Puis les moins faciles à cerner. Cette vieille paysanne, par exemple, cette lueur trop glacée dans le regard pour ne pas contraster avec son rire et l'atmosphère ambiante. Ou encore ce jeune homme à la tenue provocante qui paraissait évoluer ailleurs que sur la piste de danse. Le pirate traversa la pièce sans trop de coups d'oeils appréciateurs au décor, dans son élément au milieu de toutes ces âmes masquées, protégées, de ces faux-semblants à décortiquer, de ces gestes à disséquer. Voilà que chaque couple tournoyant au milieu de la salle devenait flamme, brasier mécanique de mouvements et de sensations floues, texte aux lignes parfois oblitérées par le contrôle ou le temps. Qu'il aimait frôler ces inconscients offerts ou hermétiques, ces secondes d'inexistence ou tous devenaient objets, suivre leurs contours et ressentir leurs anfractuosités, épouser leurs formes et s'y blesser. Dans ces instants ou tous apparaissaient comme leur pire ennemi, dans cet autre côté du miroir que traversaient bien d'autres au même moment, chacun à sa façon, d'un pas aérien ou étouffé. Il lisait par-dessus leur épaule, penché au-dessus d'une table tout en protégeant son mécanisme aux yeux inquisiteurs des affamés aux affûts.

Un élève appartenant sans doute à la caste des guerriers lui heurta l'épaule, parut vouloir l'invectiver puis se ravisa en comparant leurs tailles et disparut avec un "veuillez m 'excuser" presque dépité. Amjad ne lui prêta pas grande attention. Son ivresse atténuée par cette simple perturbation, il se contenta de scruter les Spires; ce qu'il y découvrit l'étonna: qui se serait douté qu'autant de convives ici possédaient le don à un niveau raisonnablement puissant ? Ou la chute encore récente des Ts'liches avait eu un effet étonnant sur la transmission génétique, ou la soirée promettait encore plus qu'initialement.
L'homme aperçut la légendaire Vyvian Ril'Lake et put ainsi vérifier de lui-même les rumeurs courant sur son incroyable beauté. Etaient présents également les autres assistants réputés de Merwyn, c'est-à-dire Valen Til'Lleldoryn, Slynn Ar'Kriss ainsi que plusieurs dont le nom échappait au mentaï. Mais à son soulagement honteux, le grand dessinateur n'était nulle part en vue. Il éprouva un plaisir malsain à côtoyer de si près les défenseurs de l'Empire sans qu'ils ne puissent soupçonner qui parmi cette marée humaine oeuvrait à leur perte. Ces ennemis invisibles devaient se féliciter en ce moment même d'avoir choisi le chaos, l'indépendance ..ou une autre guilde ésotérique ? Le brun aperçut une chevelure au blanc inimitable couler dans la foule comme un éclat de lune à la surface d'un lac. Pas très étonnant, en vérité. Il scruta une dernière fois les visages du regard, cherchant celui d'Ambre, saisit du bout des doigts un verre d'alcool qu'il ne boirait jamais et sa fraya un étroit passage jusqu'aux yeux verts de la jeune femme, devançant quelques prétendants apparemment impressionnés par la noblesse qu'elle dégageait.

- Mademoiselle ..?

Courbant de nouveau la tête en son éternel salut ironique, il lui offrit sa main et attendit qu'elle daigne réagir, appréciant au passage les courbes de son corps que moulait parfaitement la robe rouge et noire.

Oh, il le capta ce regard fixé sur lui, alors qu’il dansait avec cette dame poudrée qui le serrait au point de lui briser les côtes. Elle dansait atrocement mal pour une noble d’Al-Poll, mais c’était certainement dû à sa corpulence et à ses robes imposantes. Du moins il l’espérait. Le gros tas n’allait pas salir l’honneur des nobles à bien danser quand même.. Shaïlan rattrapait les pas de danse comme il le pouvait, mais il n’était pas à l’aise et ne pouvait pas inspecter aisément les lieux avec une dame forte dans les bras, qui lui marchait sur les pieds.
Aussi, élégamment et à grand renfort de politesses et autres minauderies, il prit congé de la dame, toussotant encore du trop-plein de poudre dont elle s’était aspergée.
D’un geste noble, il s’épousseta et des yeux chercha le regard perçant des derniers instants. Il avait reconnu les nattes noires, la longue silhouette.. et également à ses côtés, il avait repéré poil de carotte qui avait bien failli lui coûter la vie. Elle aussi semblait l’avoir vu.
Si ces deux-là donnaient l’alerte, ça risquait de tourner au vinaigre.. mais elles ne le feraient pas. Alatariel, pas après ce qu’ils avaient eu au Lac Chen.. Et Elera par peur. Elle se savait en danger de mort, et si elle créait l’alerte, elle serait la première cible du voleur. Oh oui, elle le savait.
Se frayant un passage parmi les danseurs, parmi lesquels il repéra plusieurs têtes connues, dont son cousin qui était –comme toujours- vêtu de ses dentelles, il arriva à quelques mètres des deux jeunes femmes. Effaça les épaules devant un couple trop fougueux, et réajusta parfaitement son loup, qu’aucun autre que ces deux jeunes demoiselles ne puisse le reconnaître. Après tout, c’était les deux seules personnes à l’avoir vu de près... de très près pour l’une d’elle. Il sourit narquoisement, et avança encore. Vit poil de carotte s’esquiver puis revenir, un plateau de gâteaux à la main, pour en offrir à sa camarade. Sourit encore plus, adressa un clin d’œil furtif à une autre des dames avec lesquelles il avait dîné et qui lui faisait de avances particulièrement grossières. Fut obligé de faire un bond de côté pour éviter de danser avec elle.
Tout pour éviter gros tas.
D’un pas dansant, il vient se glisser rapidement entre les deux jeunes femmes, et la grosse dame poudrée, décue qu’il soit si entourée, retourna semer ses poudres contre quelqu’un d’autre.
Et lui, après, ne bougea plus. A gauche, poil de carotte. A droite, Alatariel. La soirée ne pouvait pas se passer mieux. Draguer l’une, effrayer l’autre... Un bon jeu. Il tendit la main vers le plateau et attrapa un gateau qu’il fit pensivement rouler entre ses doigts. Puis, lentement, il murmura :

-Me voilà bien entouré, mesdemoiselles.. J’espère que je ne vous dérange pas.

Sentant qu’Elera frémissait, son plaisir n’en fut qu’accru. Il ne bougerait pas maintenant qu’il était là. C’était donner une victoire trop facilement. Après tout, quoi de plus normal qu’un jeune noble qui causait potins avec deux jeunes académiciennes lors d’un bal ?

-Elera, si je me souviens… tu as de la chance, jeune fille, nous sommes dans un bal, et ce soir je ne te ferai pas de mal. Quant à vous, demoiselle Elanessë.. cette robe vous sied à merveille.

Il sourit aux deux jeunes femmes, et se releva élégamment, planta son regard un instant braise dans celui d’Elera pour lui faire comprendre qu’elle n'avait pas intérêt à la moufter, et reprit :

-L’une de vous deux m’accordera-t-elle la prochaine danse.. ?

Alatariel se sentit atrocement gênée de la manière dont le jeune noble traitait son amie mais ne savais pas réagir face à lui... Pourquoi était il là ? Pourquoi ?! Un frisson de plaisir et de peur la parcourue. Il était si ... Elle savait qu'il avait dompté quelque chose en elle mais elle restait un peu ... comme un animal effarouché. Elle lui sourit presque mal grès elle. La jeune femme lança un regard à Elera qui disait ne t'inquiète pas pour moi... Elle s'avança d'un petit pas vers Shaïlan, plongée dans son regard, déjà perdue. Alatariel savait que Valen les verrait sûrement, mais qu'importe, il n'avait rien à faire de ses sentiments, elle qui l'aimait du plus profond de son être, était confronté à l'indifférence de celui qu'elle aimait, alors elle allait s'oublier, et rêver d'un autre monde dans les bras de Shaïlan, même si elle ne l'aimait pas à proprement parler, et lui non plus. C'était un bal, elle avait le droit de danser avec qui elle voulait après tout et pouvait très bien feindre l'ignorance si son cavalier était découvert...

- Ce compliment me vas droit au cœur et mérite récompense, laissez moi dont vous l'accorder.

Elle prit avec une certaine douceur non dénuée de plaisir la main de Shaïlan, ce qui ne dut pas échaper à la jeune Lotra.
Sourires complices... Elle entra dans les Spires pour adresser quelques mots à Elera et en ressorti aussitôt pour ne pas lui donner l'occasion de répondre.

*Quoi que je dise, ou fasse, Elera, je t'en prie ne doute pas de moi, mais laisse moi oublier... pour ce soir, ma dernière soirée... *

Il l'entraîna au loin sur la piste de danse, elle n'avait jamais danser avec lui, mais avec Gelmir si, et cela lui avait toujours procuré un immense plaisir. Elle avait l'impression de glisser d'être en harmonie... Restait à savoir si Shaïlan dansait bien... Il s'arrêta et l'attira vers lui pour mieux la prendre en arrachant des frissons à Alatariel. Il passa un bras autour de sa taille svelte et se saisi de sa main droite tendit qu'elle posait délicatement sa main sur l'épaule gauche de son cavalier. Ils étaient proche, très proche, extrêmement proche même et la danse commença ... Danse, séduction, manipulation ou tout simplement jeu ?

A peine sortie du bureau du directeur, Loran avait pu s'attarder sur les préparatifs de la fête de fin d'année. Trop absorbée par sa future entrevue avec Merwyn, elle n'avait pas vraiment prêté attention à l'animation qui régnait au sein de l'académie.
Mais là, libérée d'un poids et sure de pouvoir continuer ses études, elle avait pu contempler les merveilles qui se déployaient pour décorer l'école. Ca et là, des hommes tendaient des étoffes aux couleurs chatoyantes des quatres maisons. Sous ses yeux, le Hall avait pris ses allures de fête, s'apprêtant pour éblouir élèves et invités.
Merveilleux.
Et dire que si elle avait retardé son départ d'un seul petit jour, elle aurait raté ces merveilles… Ses parents ne réalisaient vraiment pas à quel point la place de leur fille était là, dans cette académie.
C'était chez elle.
Et en bon habitant de l'école, Loran avait entreprit d'aider les décorateurs qui avaient accueillis avec joie ces deux bras de plus. Il faut dire que leur boulot était assez monstrueux et que le temps était compté pour eux. Les dessinateurs mettaient à profit leurs dons pour décorer l'extérieur de l'école, Loran, elle, décorait l'intérieur.
Ainsi c'était passée la première partie de son après-midi.

La soirée approchant et le travail des décorateurs étant fini, l'étudiante était allée reprendre ses quartiers dans le dortoir des Corbacs.
L'excitation des filles y était si intense que Loran était passée inaperçue quand elle était entrée. Elle n'avait pas souhaité se mêler à elles dès son retour et s'était contentée d'aller discrètement se laver, évacuant ainsi toutes les poussières accumulées pendant son long voyage. C'est à ce moment là qu'elle réalisa qu'elle n'avait rien à mettre.
Bou-let … hors de question d'aller demander aux filles du dortoirs, celles-ci étant trop occupée par leurs toilettes. Son oncle ? Lui n'aurait aucun problème pour lui fournir une robe … mais il risquait de prévenir ses parents et elle se retrouverait vite de nouveau enfermée dans un endroit "sur" où sa carrière de marchombre serait vouée à la noyade.
Il ne restait qu'une solution : se contenter de son uniforme.

*Un marchombre est libre … libre de s'habiller comme il le souhaite.*

Loran martela cette phrase dans sa tête pendant un moment, tentant de se convaincre qu'elle n'aurait pas l'air d'une idiote aux cotés des femmes aux robes luxuriantes.
De toute façon, elle n'avait d'autre choix que de ne pas aller à la fête.
Hors de question.
Elle avait l'impression que ce choix serait comme une trahison aux yeux d'Ena. Elle avait décidé de revenir. Ce n'était pas pour repartir, ne serait-ce qu'une soirée, sous prétexte qu'elle n'avait pas osé demander une robe à quelqu'un … son uniforme devait être sa fierté preuve de sa voie.
Mais quand même …

Honte ou honte ?
Loran respira un grand coup avant de s'extirper du bain où elle s'était fourrée. Elle allait demander de l'aide à quelqu'un. Cette personne la renverrait peut-être dans les roses, mais elle aurait essayé.
S'habillant avec un uniforme propre, Loran quitta le dortoir et partit déranger la maitre marchombre.
Tout en grimpant les marches, elle repensa à ce lointain jour où elle avait demandé un cours de rattrapage à Ena … c’était loin … maintenant elle n’avait plus envie de refaire une demande pareille. Elle irait à sa vitesse, comme les autres et ne s’arrogerait pas le droit de devenir l’élève particulière de la marchombre.
Rien n’a d’emprise sur le marchombre.
Pas même le temps.
Et elle en avait beaucoup devant elle, assez pour avancer loin dans sa voie.

Comme ce jour lointain, elle frappa quelque coups à la porte de la dame et attendit un court instant avant de la voir s’ouvrir.
Loran, après un rapide salut (elle avait déjà dit bonjour à Ena au début de l’après-midi), alla droit au but :

-Excusez moi, je … n’ai pas de robe ou de jupe pour m’habiller correctement pour cette soirée de fête … ce n’est pas le genre de chose que j’ai pensée à prendre en quittant mes parents … alors je me demandais si vous pourriez m’aider en me dépannant. Je ne voudrais pas faire honte à l’académie avec une tenue de tous les jours.

Ses mots étaient un peu hésitants, et elle se demandait si la marchombre allait la remballer ou simplement l’aider.
Le regard qui la fixa la fit douter encore plus. Ena avait l’air de la prendre pour une folle. Oui elle dérangeait sa supérieure ? Et alors ? Elle n’avait rien trouvé de mieux …
Mais Ena se décida à répondre qu’elle ne portait jamais ce genre de truc, éclatant ensuite d’un grand rire. C’était drôle ? Loran ne trouvait pas …
La marchombre se dirigea ensuite vers un grand coffre et chercha un instant avant de présenter une robe très simple à l’étudiante.

-Cela te vas-t-il ?

Loran n’allait tout de même pas dire non … et puis elle ne le pensait pas. Alors, avec un grand sourire témoignant son soulagement, elle acquiesa avec un grand Merci, prit la robe que lui tendait son ainée et lui adressa une parole d’adieu avant de filer.

« Vous me sauvez la vie Dame Ena ! Ma soirée sera réussie grâce à vous. »

*****

Vêtue de sa robe noire, simple mais jolie, Loran se dirigea vers la grande salle où avaient lieu la majorité des réjouissances. Elle n’avait pas l’allure étincelante de la plus grande partie des dames et jeunes filles de la soirée, mais elle se sentait bien. Après tout, elle portait une robe d’Ena, et ça, c’était bien mieux que pavoiser avec un bout de tissu croulant sous les perles.
Ne se souciant plus de son apparence, l’étudiante admira la décoration. Elle avait vu ça de jour, mais là, tout éclairé par des flambeaux et des lumières dessinées, c’était encore plus fabuleux.
Et la Grande salle … n’en parlons pas : une pure merveille. C’était étouffant de luxuriance, comme si l’académie avait voulu montrer qu’elle était forte face au Chaos dont avait parlé Ena.
C’était réussi.

Loran, un peu perdu car elle ne connaissait aucun visage, s’avança en essayant de se donner une contenance, avant de trouver une place assise.
Là, elle écouta discrètement les conversations alentours, tentant de trouver le bon moment pour s’intègre dans une. Malheureusement, elle n’y parvint pas.
Ce fut à ce moment là que Vivyan fit son discours. C’était une femme sublime … peut-être la plus belle qu’ait porté le monde. Et sa robe faisait passer toutes les autres pour des tas de chiffons …
Après un discours faisant aussi allusion au Chaos (il allait falloir qu’elle se renseigner au cours de cette fête), la femme remit la coupe des maisons à Ena.
Une pointe de regret serra le cœur de Loran, un peu déçue de ne pas avoir contribué à cette victoire. Décidément, elle ne se remettrait pas de cette absence facilement !
Pourtant, elle applaudit, rendant hommage à cette maison qui serait toujours la meilleure l’an prochain … et cette fois grâce à elle !

La jeune fille s'était longtemps tenue immobile avant de se décider à bouger. Après le départ de Loran, elle choisit un pantalon large et léger, d'un beau noir, et une tunique grises aux manche ornée d'arabesque. La tenue n'était pas extraordinaire, mais le tissus était de qualité et la couleur profonde. Elle regarda Ses armes. Oh, elle n'avait pas prévu de les emmener. Elle n'en avait pas vraiment le droit. Mais les trois dagues qu'elle glissa dans ses vêtements étaient discrets et invisibles. Elle savait que sous ses yeux se trouvaient des cernes, que ses traits étaient tirés, que la comissure de ses lèvres était barrée par une plaie à peine refermée. Elle savait que ses yeux comme ses cheveux étaient ternes et fatigués. Mais elle n'y pouvait rien. Isaï la regardait, calmement. La petite fille portait une robe bleue aux reflets violacés.

Dans la salle, l'excitation était à son comble. La joie, enfin, triomphait de tout. Tension des examens, efforts, peur, tout s'était envolé. La coupe était magnifique. L'ornement noir faisait honneur à sa maison. Elle saisit la coupe avec fierté, puis l'offrit à ses élèves. Elle passa dans les rangs des Corbacs avant qu'elle ne la récupère. Enfin, les danses commencèrent, la musique était joyeuse, les élèves comme les résidents avaient changé de monde. Pour la soirée.

Elle aurait bien aimé qu'il soit là. Si seulement...Elle manqua de se gifler. Isaï, timide, restait à ses cotés. Parfois, elle préferrait ne pas la voir. Trop de souvenirs. Elle s'assit dans un coin de la salle, et prit sa fille sur ses genoux. Les gens paraissaient flous. Les gestes plus ou moins clairs. Elle aperçut Valen, puis Vivyan. Elle remarqua des élèves qu'elle connaissait, cru voir Loran. La musique, enfin, chassa tout sentiment. Place à une douce euphorie, calme et tendre.