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 Tu n'es qu'un amateur ! [Terminé]

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Varsgorn Ril'Enflazio
Varsgorn Ril'Enflazio

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MessageSujet: Tu n'es qu'un amateur ! [Terminé]   Tu n'es qu'un amateur ! [Terminé] Icon_minitimeSam 17 Nov 2012 - 16:30

https://www.youtube.com/watch?v=WRMrFZwS_Hc Tu n'es qu'un amateur ! [Terminé] 125213

Varsgorn jubiliait.

Enfin, il tenait sa vengeance.

Après le dîner chez Hil'Muran, il était retourné à l'académie avec Enelyë. Pendant tout le voyage, il avait ressassé sa rencontre avec Dolohov Zil'Uraïn. Ce petit parvenu de Dolohov. Ce faux noble de Dolohov. Il revoyait cette ordure de Dolohov se dandiner devant Hil'Muran avec ses airs mielleux. Et ce traître de Hil'Muran qui semblait être de son avis. Dîner catastrophique. Il aurait mieux fait de refuser l'invitation. Tout ça pour quoi? Voir un stupide môme devenir officiellement l'héritier de son père. Une perte de temps. Il aurait été bien plus inspiré de déléguer son associé pour ce repas. Mais il avait accepté. Idiot. Et il avait rencontré Dolohov. Erreur.

Depuis, il ne rêvait que de voir la petite gueule de ce parvenu de blondinet se coloré quand il serrait son pauvre petit cou si fragile. Il voulait le tuer. Le tuer pour tout ce qu'il avait osé dire pendant le dîner. Le tuer pour le simple fait d'avoir osé naître.

Dès son retour à Al-Poll, il s'était enfermé dans son bureau et il avait envoyé des lettres à ses contacts d'Al-Vor. Son réseau. Ce qu'il gardait de ses années de mercenaire du Chaos. Il avait encore de nombreux informateurs, sa richesse l'y aidait, et il comptait bien s'en servir. Il avait envoyer ses missives et un espionnage avait été mis en place. Chaque fait et geste de Dolohov lui était fournit dans un rapport. Il savait tout. Quand Dolohov mangeait, il connaissait le nombre exact de grain de sel utilisé. Quand Dolohov lisait, il connaissait le nombre exact de mot dans son livre.

Dolohov avait de nombreuses visites dans un manoir qui ne lui appartenait pas. Ou qui n'était semblé lui appartenir. Varsgorn avait fait des recherches. Le manoir appartenait à un Frontalier, fortuné mais sans aucune particule. Cet homme avait semble-t-il acheté cette demeure pour ses vieux jours. Il n'y mettait jamais les pieds. Il n'y avait que Dolohov. Dolohov et des domestiques. Evidemment, l'ancien mercenaire avait cherché une potentielle relation amicale entre le propriétaire du manoir et Dolohov mais il n'y avait rien. Pas la moindre rencontre.

A croire que ce Frontalier avait simplement servit à signer les papiers d'achat pour que Dolohov ne soit pas déranger.

Varsgorn jubilait.

Immédiatement après la réception de son rapport, il était repartit pour Al-Vor. Après un détour rapide vers son manoir, il avait retrouvé ses contacts qui lui avait confirmé la présence de Dolohov dans les murs de la demeure.

Le soir-même, Varsgorn était en position. Aucun garde. Pas une seule patrouille. Ce n'était pas normal. Etaient-ils tous à l’intérieur ou Dolohov cachait-il autre chose dans sa manche? Varsgorn n'était pas un idiot, c'était impossible de laisser une telle demeure sans défense quand on y était. Et les contacts du trésorier avaient été formels: Dolohov était présent.

Il était temps. Varsgorn partit à l'action.

Il grimpa sur le mur le plus silencieusement possible. Au premier étage, il repéra une fenêtre d'où ne provenait aucune lumière. Il fit sortir sa greffe et griffa le carreau pour lui dégager un accès à la poignée. Il ouvrit la fenêtre, toujours dans le plus grand silence. Il entra alors dans une chambre. Une chambre vide. Peu meublée. Peu de luxe. Une chambre d'ami ou de domestique. Peu d'importance. Celle qui l'intéressait, c'était la chambre du maître des lieux.

Varsgorn ne put se poser plus de questions. La poignée tourna et l'ancien mercenaire eut tout juste le temps de plonger dans l'obscurité pour échapper à une servante qui entrait dans la pièce. Bougeoir à la main. L'air ensommeillé. Sans se rendre compte de la présence de Varsgorn, tapit dans l'ombre, elle s'approcha du lit et déposa le bougeoir sur la table de nuit. C'était donc visiblement sa chambre.

A pas de loup, le trésorier se glissa derrière la servante et la frappa. La femme s'écroula sur le lit. Sommeil plus rapide à venir que prévu. L'ancien trésorier souffla la bougie et il s'éclipsa de la chambre.
Il arriva dans un couloir désert. Il fit quelques pas et s'arrêta.

Du bruit dans l'escalier. Varsgorn se glissa dans l’entrebâillement d'une porte, laissant passer le domestique. Le danger passé, Varsgorn regarda autour de lui. Il n'y avait rien pour distinguer une chambre d'une autre. Dolohov ne logeait surement pas à cet étage. L'ancien mercenaire se fit encore plus discret et il descendit d'un étage et il tomba nez à nez avec un domestique. Avant que celui-ci ne puisse émettre de cri d'alerte, Varsgorn lui plaqua la main sur la bouche et il le poussa dans une pièce entrouverte qui était vide. Du pied, Varsgorn referma la porte.

- Où est la chambre de ton maître?

- Au bout du couloir, à côté du bureau.

- Merci

Varsgorn lui donna un grand coup du plat de la main dans la nuque. Le domestique s'effondra.

Lentement, l'ancien mercenaire ouvrit la porte. Le couloir était désert. Il se dirigea vers la pièce indiquée par le domestique et il l'ouvrit. Elle était vide elle aussi. Varsgorn entra et il attendit. De longues minutes. Dans les ténèbres. Il aurait pu attendre toute la nuit pour assouvir sa vengeance. Mais ce ne fut pas le cas. La porte de la chambre s'ouvrit et Dolohov entra.  

Le noble aux bouclettes semblait plus irascible qu'au dîner. Effacé son sourire mielleux. Finit les courbettes. Varsgorn avait devant lui le vrai Dolohov. Pas l'espèce de masque sur pattes qui s'était prosterné devant Hil'Muran.

Il dépassa Varsgorn sans même le voir.

- Ravi de vous revoir, Zil'Uraïn.

Dolohov se retourna dans la direction de Varsgorn.

- Bonsoir. Vous me manquiez tellement que j'ai décidé de vous rendre visite.

Le noble semblait surpris de le voir devant lui. A juste titre.

Se rappelant des pouvoirs de dessinateur de l'homme qui lui faisait face, Varsgorn reprit la parole.

- Inutile d'aller faire un tour dans les spires. Je ne suis pas venu seul. Un magnifique petit être du nom de gommeur.

Il avait pris soin de le cacher pendant qu'il attendait l'arrivée du maître des lieux.

Il éclata d'un rire puissant. Il avait gagné.

- Etrange de vous présent dans ce manoir. Ce n'est pourtant pas votre nom qui apparaît quand on cherche le propriétaire des lieux. La fortune de votre femme n'a pas réussi à éponger vos dettes? Vous êtes devenu un voleur pour pouvoir manger tous les jours?

Il se releva du mur contre lequel il s'était appuyé.

- Je plains le Sieur Til'Eyvindr. Une fille muette. Et quand il arrive enfin à lui trouver un mari, il tombe sur vous. Regrettable. La déchéance a fait plonger la famille Zil'Uraïn dans un profond gouffre.


Dolohov Zil' Urain
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MessageSujet: Re: Tu n'es qu'un amateur ! [Terminé]   Tu n'es qu'un amateur ! [Terminé] Icon_minitimeSam 1 Déc 2012 - 2:08

Il s’était dit des choses, immondes, partout, dans leurs silences, soies de reproches, des filigranes absurdes de rancœurs, de regards détournés, d’agressivités sans direction. Dans tous ses mondes, dans toutes ses vies, chaque univers affecté par la même suite de problèmes, de conséquences, de dents qui se serrent, de regards qui se scrutent. Tout prenait autour de lui une ampleur incompréhensible, et paradoxalement, malgré son anxiété et l’amertume qui lui tapissaient la gorge, Dolohov se sentait étrangement détaché de tout ce qui faisait d’ordinaire le sel de son quotidien.
Tout était démesurément insurmontable, et d’une morne et désespérante médiocrité pour ses sens.
Les dents serrées, l’homme l’avait regardée clore sur son dos la porte, c’était peut-être le mieux, mais c’était une porte de plus qui se fermait à son nez, énième obstacle entre le pouvoir et lui.
Il ferma les yeux, se détourna vers la cheminée, la jaugeant longuement, en expirant.
Quelque chose dans le brasier accentuait le sentiment de colère, latent et permanent, depuis le dîner donné en l’honneur de Brennan Hil’Muran.
Ce sentiment d’adolescence étouffante obscurcissait ses iris d’ambitions à remettre, non plus au lendemain, mais à jamais, peut-être. Ce sentiment adolescent de ne pouvoir exprimer ce qu’il faudrait dire.

Ca avait été l’absurdité même de l’attendre depuis le début de l’après-midi. D’être en avance, d’arriver à ce manoir autrement que par les spires, ce qui n’arrivait jamais. Trop de risques, trop de suspicions possibles. Mais il était venu, il le fallait, les circonstances l’exigeaient – et il vouloir voir le petit, voir son fils et ses possibles, ses yeux qui bleuissaient, mélanges de leurs iris, et rappelaient à l’Homme les spires perdues. Moins que l’iris de sa mère, évidemment, mais puisque les circonstances l’avaient coincé, qu’il avait de toutes façons des lettres à écrire, et qu’Astre, peu habitué à avoir un camarade de jeu (au moins autant de Dolohov) était de toutes façons incommodé par la pousse de ses premières dents. Une petite caresse sur le crâne, se retirer. Le feu craqua, l’arrachant au fil de ses pensées.
Il se pinça l’arête du nez des doigts, plus perdu qu’il ne l’aurait admis. Le mentaï en lui aurait voulu bondir à la gorge de tous, sans doute, probablement, parce qu’il avait la conscience de sa propre fin. Sans le dessin, le statut n’existe plus. Sans le dessin, il n’était plus qu’un masque, qui cachait une faiblesse.
Et bien, il attendrait, puisqu’il n’avait pas le choix, pas la possibilité de partir, pour revenir plus tard, que les pauvres chevaux devaient être pansés, que le cocher dormait dans leur étable.
Il se détourna, alignant les pas comme au hasard, bibliothèque, ou chambre, et là-bas, que faire ?
Méditer, encore, s’acharner sur le verrou que son propre esprit avait mis au Spires, comment ? Il ouvrit la porte, mécaniquement, avec l’envie de vin, d’encens opiacés comme les aimaient Marlyn pour oublier un peu. N’était-ce pas ça qu’ils avaient toujours cherché, ensemble ? L’envie et l’oubli.
Ou c’était il y a longtemps.

Le premier son manqua de le tuer. Il fit volte-face, à l’ombre noire tapie dans sa chambre.
Quelqu’un ici ?
Aussi étonnant que cela paraisse, il fallut une demi seconde au moins au mentaï que pour pouvoir resituer son interlocuteur – à vrai dire, leur ridicule et fort brève petite querelle, Dolohov Zil’ Urain l’avait royalement oubliée, au fait des circonstances.
Il ne parvenait pas à concevoir que le vendeur de chiffons soit ici, face à lui, chez lui, à bavarder comme une pucelle, sur l’Imagination dont il ignorait tout, sur la solitude, sur un gommeur.
Chez lui.
Dans sa chambre.
Dans son manoir.
Si près de son fils, de la totalité de ses secrets, et ce fou ne voulait qu’une chose, le confronter ? Et parler de son mariage, alors que le mentaï relevait chaque élément de la pièce mentalement, toute arme possible. Les lames de rasoir, la poudre, le chandelier, la fourchette de la collation prise plus tôt dans la soirée, les cachettes, le drap, le piège. Mais surtout l’adversaire, qu’il détaillait de pied en cape, avec une fascination douteuse.

De tous ceux dont il croyait s’être fait l’ennemi, le seul, le premier qui profitait de sa faiblesse c’était cet olibrius inapte, ce découpeur de tentures ? Dolohov fréquentait l’élite de la cour, leurs femmes, leurs filles, leurs ombres, et c’était ce résidu d’Al-Poll qui le défiait, bras croisé, débordant d’assurance ?
L’homme criait l’opportunité d’évacuer une bonne dose de nerfs et par le même coup un tel obstacle à sa manipulation de Vor, mais le mentaï tâchait de se souvenir qu’il n’y avait pas que la frustration et l’envie de sang, qui comptaient. Son interlocuteur était noble.


-C’est donc au fond du gouffre que je vous retrouve, Monsieur, ma propre surprise m’étonne, rétorqua-t-il.

C’était ici que le jeu du comédien rejoignait celui de l’homme. Ril’Enflazio n’agitait rien de solide sous son nez, rien d’autre que sa barbe de trois jours de voyage, que son air de supériorité, que ses sous-entendus sur Ailil, faciles, en somme. Rien qui sous-entende la conscience de la présence de Marlyn ; mais le mentaï avait noté qu’à cause du gommeur, ils seraient trois à égalité dans cette maison.
Marlyn avait pu le sentir, si la créature était placée au bon endroit, ça ne tarderait guère, elle le traquerait d’abord, et elle l’anéantirait.
Il cilla.


-C’est ici que votre fille « reçoit » ne vous déplaise de partager. Elle me raconte souvent pourquoi elle a préféré vous laisser l’adopter, et non l’épouser. Comme je vous comprends d’y avoir cédé, comme elle est touchante, lorsqu’elle supplie…

Varsgorn face à lui était un fauve, il le voyait. Mais le noble qu’il était, profondément fanfaron et non-instruit des armes, ne devaient pas en prendre alarme. Juste poursuivre, la bouche mielleuse.

-Agenouillée sur les toilettes merveilleuses avec lesquelles vous tentez d'acheter son affection, timide, les larmes aux yeux. Tant de désirs, tant de surprise, tant de franchise dans son regard, et une telle… assiduité aux gestes… C’est tellement adorable, tellement juvénile, cette manière qu’elle a de rougir, en déglutissant.

Replacer derrière son oreille une mèche de cheveux- Ril’Enflazio n’avait pas remarqué sa manoeuvre, simplement juré pour le faire taire. En attendant, Dolohov tâchait de mettre entre eux une petite table d’appoint, par un pas sur le côté, respecter à la lettre l’attitude du noble, quand le mentaï en lui grondait d’attaquer, d’abattre, de protéger. Dame, vous qui régnez, faites que l'enfant que je destine à votre gloire se taise, faites que mon bébé ne trahisse pas sa présence, épargnez-nous cela, il n'a même pas un an.

-Comme elle est obéissante, votre petite chérie. Mais je doute que ce soit à votre éducation que je doive son exquise soumission ? Après tout, la roture sait honorer la noblesse...Dommage, vous n’avez jamais vécu ces égards. Ou me tromperais-je?, poursuivait-il, le sourcil hautement ironique, et la bouche étirée avec toute la condescendance du monde. Elle ne devrait pas tarder, si à défaut de pouvoir jouir d'une véritable femme vous désirez apprendre, nous sommes des amisi, je vous en prie, regardez.

[Edition à volonté. A ta guise, d'ailleurs, tu peux commencer le combat, ou alors, dans le post d'après, je ferai attaquer Doll. : ) ]

Varsgorn Ril'Enflazio
Varsgorn Ril'Enflazio

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MessageSujet: Re: Tu n'es qu'un amateur ! [Terminé]   Tu n'es qu'un amateur ! [Terminé] Icon_minitimeMer 5 Déc 2012 - 1:12

Au fond du gouffre? Il l'imaginait donc aussi bas que lui? Qu'avait-il donc dans la cervelle pour imaginer une telle bêtise? Ce gouffre, il y était et Varsgorn le regardait du haut du ravin. Jamais un Ril'Enflazio ne plongerait dans un tel gouffre. Il y avait un prestige derrière ce nom. Une fierté. Il était déjà quelqu'un de grand. Et bientôt, il s'élèverait encore plus. Le père de Varsgorn avait fait fructifié l'entreprise familiale. Les magasins avaient pris un essor nouveau grâce à lui. La fortune, déjà colossale, s'était multipliée. Varsgorn, lui, il allait élever la famille sur le plan politique. Il avait placé ses pions en parlant de la fille d'un alliée pour épouser cette larve de future héritier. Il ne restait plus qu'à attendre. Dans quelques jours, on le contacterait et il pourrait célébrer cette victoire. La famille Ril'Enflazio serait associée à la famille Hil'Muran dans un futur proche, ça ne faisait aucun doute.

Autant dire qu'il n'avait rien à envier au résidu de noble qui se pavanait devant lui, tel un paon en train de faire la roue. Il n'était pas au fond du gouffre. Au contraire, il était au pied d'une montagne et il allait bientôt la gravir.

Dolohov ouvrit de nouveau le trou qui lui servait de bouffe et fit fonctionner son horrible langue de vipère.

.... Et Varsgorn cilla.

Qu'avait-il dit? Enelyë lui avait parlé? Non, il avait mal entendu. C'était impossible. Sa fille adoptive n'avait jamais rencontré cet étron ambulant. Comment aurait-elle pu? Elle était resté cloîtré dans l'académie pendant les dernières années. Et avant d'y poser le pied pour la première fois, elle n'avait pas fréquenté les nobles d'assez près.

Mais maintenant, elle allait fréquenter ces nobles. Ce genre de noble. Comme ce Dolohov. Il avait conduit dans un terrain dangereux. Le monde des nobles était un monde de danger. Déjà pour un noble de naissance et encore plus pour une roturière comme Enelyë. Et lui, il avait jeté l'agneau au centre de la meute de loups.

Pour l'instant, il était là pour la protéger. Lui, un puissant loup. Un chef de meute. Mais quand il n'était pas là? Quand il ne serait plus là? Qu'adviendra-t-il d'Enelyë? Il devait continuer de la former aux codes des loups. Transformer l'agneau en loup. Avec des griffes plus longues que les autres loups.

Il avait bien entendu. L'autre aspic confirmait ses dires en continuant son flot de paroles. Son flot de mensonges. Car oui, il mentait. Il ne pouvait en être autrement. Jamais Enelyë n'aurait approché Dolohov. Jamais. Cet être n'était que mensonge. Sa vie était un mensonge. Son air mielleux face à Hil'Muran. Sa particule. Tout n'était que mensonge.

Varsgorn avait beau se dire que ce n'était qu'un mensonge, il bouillait. Ses poings se serraient. Il sentait son sang cogné dans ses veines. Il devait se contenir. Ne pas perdre le contrôle de sa Greffe. Ses lames devaient restés au creux de ses poignets. Ne surtout pas dévoiler un tel secret à Dolohov.

Et l'autre qui continuait de déblatérer ses mensonges. Comment pouvait-il mentir à ce point? Oser prétendre qu'il avait couché avec Enelyë? Oh non, il n'allait pas le plonger dans la boue. Salir son nom serait trop peu. Il allait le tuer. Le tuer ce soir-là. Et s'emparer ensuite de ce qui constituait son maigre patrimoine. C'est sa veuve qui souffrirait le restant de sa vie. C'était elle qu'il trainerait dans la boue. La forcer à la mendicité. Rejoindre les pauvres gosses qu'elle s'occupait avec sa stupide association.

Et si Dolohov continuait ses mensonges devant lui, qu'est ce qui le retenait d'aller s'en vanter devant d'autres? De mentir devant tous les nobles qu'il rencontrait? Rien. Absolument rien ne le retenait. Et s'il le faisait, c'était la réputation d'Enelyë qui en prendrait un coup. Sa réputation à lui-même par la même occasion. Et la réputation de sa famille. Varsgorn allait tuer Dolohov, cela ne faisait aucun doute et il tuerait aussi tout ceux qui oseront rire de lui. Ainsi que tout ceux qui oseront les regarder de travers. Lui ou Enelyë. On ne touchait pas à la réputation d'un Ril'Enflazio. Jamais.

Les dernières paroles de Dolohov furent de trop pour Varsgorn. Il perdit le contrôle de sa Greffe. Les lames sortirent. Les gants de cuir furent perforés. Et l'ancien mercenaire bondit en avant. Il prit appui sur la table et il plongea sur l'homme qui lui faisait face. Mais le parvenu parvint à s'éclipser et se fut le sol qui réceptionna Varsgorn.

- Tu fuis, stupide être que tu es. Tu penses vraiment pouvoir m'échapper?

Rien ne bon ne naît de la colère mais Varsgorn avait dépassé le stade du raisonnement. Sa rage l'aveuglait. Il ne voulait plus qu'une seule chose: tuer Dolohov et voir ce manoir brûler avec tous les domestiques qui avaient osés servir l'homme qui se trouvait devant lui. Il ne se calmerait que lorsqu'il verrait le feu dévorer corps et biens. Là, sa rage serait apaisée, mais pas avant.

- Tu ne fais que retarder ta mort.

Varsgorn ramena ses lames dans ses poignets et il s'empara de deux couteaux. Il allait le tuer. Quand il était encore un mercenaire, il faisait cela proprement. Mais là, il ferait autrement. Il le tuerait comme jamais il n'avait tué. Sa veuve serait incapable de le reconnaître.

Alertés par le bruit deux domestiques pénétrèrent dans la chambre. Sans leur laisser le temps de crier ni de de fuir, Varsgorn lança ses deux couteaux. Les deux serviteurs s'effondrèrent avant même d'avoir pu se rendre compte de ce qu'il se passait.

Les deux premières victimes de la nuit. Varsgorn n'épargnerait personne.

Pas de témoin.

- Aucun de tes serviteurs ne sortira vivant de cette demeure. Aucun. Tes paroles seront responsables de leur mort. TU seras responsable de leur mort.

Je t'arracherais la langue. Je lui crèverais les yeux. Je le saignerais jusqu'à ce qu'il me supplie à genoux de l'achever. Alors je lui couperais les jambes. Il sera mort avant que j'en ai fini avec lui. Depuis longtemps. Très longtemps.


Dolohov Zil' Urain
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MessageSujet: Re: Tu n'es qu'un amateur ! [Terminé]   Tu n'es qu'un amateur ! [Terminé] Icon_minitimeDim 9 Déc 2012 - 17:28

Dolohov savourait la perte de contrôle et de supere de son interlocuteur, de loin, bien sûr, pisque chaque crépitement du masque de Varsgorn Ril’Enflazio laissait voir rien de moins qu’un fauve, plus sauvage, non, les étoffe de ses vêtements n’autorisait pas d’ambiguïté, mais sanguinaire, oh oui, ça, c’était visible jusqu’au tressaillement de la cicatrice qui barrait ses lèvres.
Ses propres nerfs se tendaient, bien sûr, l’instinct pleurnichait de la perte de la dimension toute puissante, de l’absence de noblesse, de la nécessité qu’on aurait de se salir les gants, à défaut des mains.

Mais Dolohov souriait, de ce sourire supérieur et oblique de venimeux serpent, d’aspic de haute de cours, qui vous endormait pour mieux vous dévorer vivant. Il n’avait jamais manqué d’imagination.
Et en lui, l’enfant frustré de ses incapacités, de sa médiocrité permanente, de la faiblesse de son statut social, l’adolescent évincé, le nobliau qui devait monter absolument tout ce qui avait fait de lui le mentaï , découvraient les dents, prêts à mordre, décidés à le faire, désireux de tout leur être de le faire. Oh, ce serait facile, il n’avait aucun doute, comme il n’avait eu aucun mal à le faire bouillir.
C’est juste, Sire, que vous incarnez la totalité de ce que je déplore dans tous les domaines, et que j’avais besoin de quelque chose à cogner de toutes mes forces, à abattre férocement.

Le temps d’hausser un sourcils, franchement moqueur, de décompter mentalement le moment de l’impulsion, tout sourire. Son propre poing, visible, se crispa d’anticipation – presque joyeuse, c’était sans compter la rage glaciale, savamment entretenue contre tous et personne, sans la peur.
Alors Varsgorn bondit, via la table, et Dolohov ne dut sa survie qu’à ses réflexes-bondir, rouler, garder la distance, avec entre eux des obstacles qu’on pouvait contourner en sautant dessus ou dessous.

Il en aurait encore juré une demi-seconde auparavant : Varsgorn était désarmé, et même s’il était probable qu’il portait des armes sur lui, jamais il n’aurait pu, jamais, en dégainer à cette allure. La volonté de combattre laissait place à une totale perplexité :
Pas deux armes. Pas comme ça.
Personne n’avait de lames dans les poignets sans saigner comme un goret. Personne. Pas sans l’Imagination. Tout allait beaucoup plus vite, durant un combat, heureusement pour lui, Ril’Enflazio était trop en colère que pour être lucide, et le contraindre à des réactions instinctives à la suite. Il menaçait.
La pensée fulgurante- et ancrée de certitude que ce type ne pouvait pas dessiner. Pas s’en dissimuler depuis « L’incident d’Al-Vor », que ça ne valait pas la peine de redouter à ce niveau-là. C’est ça, parle et menace, andouille, que je puisse prévoir jusqu’à ton dernier souffle. Parle, je réfléchis.
Et le dégoût le plus profond du monde l’assaillit en voyant les lames se re-enfoncer à contre sens dans la chair des poignets, en parallèle aux os du bras. En voyant disparaître sans sang ces deux aberration. Pouvait-ce sortir de n’importe où ? Le corps à corps était-il même possible, dans ces circonstances ?

Il avait l’impression que le bruit résonnait entre ses oreilles, secouait ses entrailles. Comme si ça obéissait à la volonté de ce fou. Pire. Comme si ça faisait partie de lui. Quoique ce soit, c’était un tort de l’avoir montré, puis de ne plus l’utiliser. Pourquoi saisir les couteaux ?
La porte s’ouvrit, Dolohov crut devoir faire face, mais ce n’était que des domestiques. Sa vieille nurse s’écroula, crevée en pleine poitrine, hoquetante, et ses insultes moururent sur ses lèvres.

Il savait que ça finirait comme ça. Un jour. Mais cette femme, la seule qui l’avait connu enfant, la seule qui l’ait aimé et protégé comme devait le faire une mère venait de s’écrouler. Elle n’était rien, rien qu’une présence permanente, des yeux oreilles et langue qu’il ne fallait pas surveiller. Qui lui étaient définitivement acquis. Battement de cils.

On ne s’attaque pas à ce qui est mien, Varsgorn Ril’ Enflazio.

C’est une convention qu’aucun autre mentaï n’osait plus transgresser. Tu te demandes « pourquoi »?

Il ne s’arrêta pas, bien sûr, un nouveau bond, armé cette fois. Dolohov cria, comme crient ceux qui ont peur, ceux qui sont lâches, faibles, et sans espoir, ceux qui se savent vaincus. Et rien que ce cri devait symboliser pour Varsgorn sa plus totale victoire- dont d’ailleurs il ne doutait pas le moindre instant.

Sa chambre, qu’il connaissait parfaitement, ne comprenait pas tant de mobilier que ça. Une table au pied du lit, une causeuse et un fauteuil crapaud, dans le coin attenant à la cheminée, par opposition à la coiffeuse sans oublier le grand lit aux multiples couches de couvertures diverses, et les nombreux oreillers. Il connaissait la distance entre chaque meuble, le craquement qu’émettait chaque latte. Il était chez lui, sur son terrain. Il s’autorisa même à fermer les yeux, un long moment, chronométrant dans sa tête. Il se faisait monstrueusement confiance.

2 secondes.

Le bruit du vase qui explose en heurtant le sol, Varsgorn qui dégaine son arme, ou qui la fait sortir de ses poignets, qu’importe. C’est le même chuintement. Dolohov mime un mouvement de recul, de son pied droit seulement. Principe de défense total : surpprimer la menace, quitter la ligne, devenir la menace.

1 seconde

Ouvrir les yeux. Le corps en ligne, Varsgorn, dans une garde parfaite pour l’attaque, commence à lever la main droite, l’arme brandie, Son bras commence à se tendre, le triomphe est total dans son regard insupportable, ça ira très vite, ce ne serait pas un coup léthal, ce serait pire, un coup qui blesse pour le plaisir. La panique des traits disparait, devient dureté pure. Pieds gauche fuse vers l’avant, plutôt que vers l’arrière, comme on aurait pu le croire.
Varsgorn comprend, c’est trop tard pour désamorcer son geste, la main gauche de Dolohov monte, comme pour recoiffer une énième fois ses cheveux, au niveau de la tempe.

Contact.

La main qui monte écarte la main armée vers l’extérieur, amorce un cercle en passant par-dessus le bras pour le bloquer, arrivée au coude, termine le cercle
Contact et une seconde.
Varsgorn tente- trop tard, une parade en appuyant son attaque de la main gauche. Trop tard. L’avant-bras ennemi est verrouillé entre le les côtes et le coude. Mais ça a permis à l’autre enflure de ne pas subir d’emblée une fracture, ça, et le fait de tomber à genou.
L’expression de Varsgorn, tout près de son visage valait tout l’or du monde ou presque.

Pas le temps de monologuer.
Et je n’ai encore utilisé qu’une seule main, Amateur.
C’est ce que l’autre devait penser aussi, rabattant sa main gauche loin de la droite, sans plus tenter de minimiser la prise. Fraction de seconde, où le mentaï se rappelle qu’il doit redouter les lames qui apparaissent et disparaissent à sa convenance, des poignets au moins. Tant pis.
Le chandelier encore vide -caché dans son dos dès le début des provocations- plutôt que de servir à briser le front, comme c’était l’idée première, s’abat directement vers l’entre-jambe du mentaï de toute vitesse possible, sans que le bras gauche ne déserre la prise sur le bras verrouillé.

Touché.

Le bras libre de Varsgorn fonçait bien, aussi vif que possible, droit sur la virilité du mentaï. Mais cette fois, l’argenterie prit le dessus de la chair- et s’en suivit le langoureux craquement d’un radius et d’un cubitus. L’autre serra les dents, ravalant son cri sans aucune difficulté.
A un cheveu, quand même, reconnut Dolohov, s’autorisant à respirer.
A un cheveu près, c’était déjà terminé pour toi, pour ton nom, et pour la totalité de ton univers.

Mais il semblerait que RIl’Enflazio non plus ne soit pas qu’un noble, ni même qu’un noble formé aux armes. Il y avait un mot pour qualifier ce qu’il était, voir deux, mais en cet instant, Dolohov ne doutait pas de celui qui convenait. Et ça lui était profondément égal.
Il eut pour l’autre ce rire condescendant à pleurer, son rire, sans même desserrer les dents, en accentuant lentement mais sûrement la pression sur le bras immobilisé, maintenant la distance entre leurs visages malgré l’avancement du sien.


-Pauvre. Petit. Déficient. , siffla-t-il.

Bien sûr, Varsgorn croyait que ce n’était pas terminé. Bien sûr
.

[Edition à volonté je me suis basée sur https://www.youtube.com/watch?v=4PPbOBvJlpk&feature=g-user-u de 0:42 à la fin des prise à la dague @@ + sur des infos du gensquim'apassélavidéo J'me suis dit que ça laisse assez d'ouvertures. Tu m'diras? ]

Varsgorn Ril'Enflazio
Varsgorn Ril'Enflazio

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MessageSujet: Re: Tu n'es qu'un amateur ! [Terminé]   Tu n'es qu'un amateur ! [Terminé] Icon_minitimeVen 4 Jan 2013 - 20:05

Il était à terre. A terre aux pieds d'un adversaire. Aux pieds d'un ennemi. Voilà des années qu'une telle déchéance ne lui avait pas été infligée. Etait-il donc à ce point rouillé pour se faire ainsi surprendre par un homme comme Dolohov?

Où était passé le temps où il terrassait ses ennemis sans même que la victime ne se rende compte que son sang - et sa vie - s'échappait de la plaie béante que Varsgorn venait de créer? A l'époque, il était un assassin invisible. Une terreur noire. L'homme qu'on appelait en dernier recours quand tous les autres assassins avaient échoués.

Voilà qu'il était réduit à se prosterner devant un être comme Dolohov. Son bras bloqué.

Non, il ne pouvait se laisser faire. Son bras droit était bloqué. Pas son bras gauche. Varsgorn frappa en direction de ce qu'il avait à portée. En l'occurrence l'entrejambe de son adversaire. Mais il fut arrêté par des coups répétés de chandelier sur son bras droit. Une vive douleur le lança. Cassé? Peut-être. Sûrement. Aucune importance. Il fut repoussé en arrière. Dos au sol.

Il se tourna et il rampa au sol pour s'éloigner de son adversaire. Ultime déchéance? Non. Jamais Varsgorn ne se résoudrait à ramper pour supplier son adversaire de l'épargner. Non. S'il rampait, c'était qu'il voulait le voir jubiler. Lui faire croire qu'il avait gagné. Mais ce n'était pas le cas.

Approche toi.

Varsgorn continuait de reculer. Prenant un air de miséreux à chaque fois qu'il levait la tête vers Dolohov. Comme un homme contemplant son bourreau. Dolohov s'approchait d'un pas lent.

Fais durer le plaisir.

Varsgorn en arriva le long du bureau et il s'arrêta. Son dos calé contre le dos. Son visage prit un air de profonde fatigue et il attendit.

Viens donc me donner le coup de grâce.

Dolohov s'approcha. Se pencha. Et Varsgorn frappa.

Son bras gauche était remonté vers le visage de l'agresseur. La lame de son poignet avait embarqué des cheveux qui tombèrent au sol. Puis elle avait touché la joue du blondinet. Longue estafilade sanguinolente. Le premier sang était au crédit de Varsgorn.

Pour parfaire le tout, Varsgorn faussa les jambes de Dolohov avec les siennes. Et pendant que l'autre tombait au sol, Varsgorn pivota - non sans souffrir du bras droit - pour se relever.

Les cartes étaient redistribuées. Les rôles échangés. Dolohov était à terre et lui debout. Varsgorn s'empara d'un de ses couteaux et il s'apprêtait à le lancer pour donner un coup qui ferait venir la mort à pas léger vers lui. Mais au moment où l'acier allait quitter ses doigts un bruit se fit entendre dans son dos. Un cri. Varsgorn se retourna pour voir une domestique s'enfuir à toutes jambes.

Trop tard, elle avait fuit. Sûrement pour prévenir le reste de la maisonnée. Varsgorn n'avait plus beaucoup de temps avant de voir débarquer des serviteurs pour secourir leur maître.

Varsgorn reporta son attention sur sa victime. Le couteau qu'il avait lancé avait raté l'endroit qu'il visait mais il avait touché Dolohov. Sur le côté. Pas mortel. Mais handicapant.


[J'ai honte, ultra honte...... Excuse de t'offrir ce post de merde]


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MessageSujet: Re: Tu n'es qu'un amateur ! [Terminé]   Tu n'es qu'un amateur ! [Terminé] Icon_minitimeLun 4 Fév 2013 - 2:16

Il était à terre.
C’était une mèche de cheveux qu’on lui avait tranché, et peut-être, le haut de la pomette, mais ça n’avait pas d’importance.
Il avait senti le sang jaillir, et la lame mordre, ça lui avait fait comme une décharge électrique dans le dos. Tout ceci était réel, enfin, il en avait la preuve, il avait définitivement bien un corps, vivant, et du sang, bouillant, à faire courir dans ses veines. Du sang, rouge.
C’était à la fois un soulagement énorme, et comme un poids lancé directement sur l’estomac. Soulagement de ne pas être publiquement devenu un légume livide, avide de Spires, les yeux révulsés, qu’on hésiterait à achever tout de suite.

Mais il était blessé, au sol, et l’autre lame fusait, dans un cri étranger, un cri de femme qui n’était ni la sienne, ni Marlyn.
Un poids dans l’estomac, parce qu’il aurait suffi, d’ordinaire, d’un battement de cil pour empêcher cette lame de fuser. Et que ça donnait un caractère complètement physique à la perte du pouvoir. Il fallait croire le verdict précédent. Sauver sa vie.
Il eut cette réaction qui lui permit d’éviter un coup létal. Et couché le dos à la cheminée, il regarda Varsgorn bondir avant d’avoir même eu la sensation de sa propre douleur.

D’un grand geste, attrapant le tisonnier tout proche, contre lequel son dos avait buté, il fit un grand arc de cercle, balayant des braises en éclat dans la direction de son ennemi, qui s’en protégea, au prix de son attaque, esquissant déjà la suivante, contre le tisonnier, au bout rouge.
Les pieds du mentaï fusèrent en prise, et tous deux à égalité au sol, non sans un grognement de douleur unilatéral du vendeur de chiffon –tombé sur sa fracture- et de lui-même, qui ressentait pleinement le couteau remuer dans sa peau. Même s’il ne pensait pas qu’un organe serait touché, il mourrait d’envie de compresser sa plaie.

Je risque de mourir, songea-t-il.

Il y a de pires endroits. Je suis ici chez moi. Où je suis né. Je protège mon fils, je protège ma dame de cœur. Je ne mourrai pas seul.
Quelque chose en lui prit le dessus. La peur de la mort, peut-être, la rage condensée de ses derniers mois, probablement, quelque de cette faculté à rester maître de lui-même par-delà les risques, par-delà l’absence de prestance.
Sa main libre alla se saisir d’une autre poignée de braise, qu’il lança très vite, la paume déjà un peu brûlée, directement au visage de son adversaire, qui cette fois ne put retenir un cri. Lui-même bondit à la suite, abattant tout son poids pour plaquer le corps du mercenaire au sol, et particulièrement son bras valide, qu’il bloqua avec le tisonnier. Il n’aurait su dire comment, simplement, il dominait à nouveau. Varsgorn, le monde, tout le reste.
Et ce salaud avait tué sa nurse, ce salaud était dans cette maison, son sanctuaire, on le traquait jusque dans ses murs, lui, lui qui parmi tous les autres n’en valait pas la peine, il était là, il était vulgaire, et imbécile, et surtout, il avait amené de quoi l’empêcher de dessiner. De quoi réduire son pouvoir, les chances de le retrouver.

Il avait voulu se mettre au travers de sa volonté. Et ça, ça jamais aucun homme ne pourrait le faire.
Son rire éclata, un rire enfantin, presque, alors qu’il frappait de sa main gauche, au visage, à répétition, le nez, la tempe, encore, encore, encore, attrapa les cheveux et cogna la tête par terre, même si l’autre avait fermé les yeux, vaguement perdu conscience, même si chaque mouvement semblait accentuer sa douleur. Le corps semblait diablement loin.

Les cheveux courraient en désordre sur les épaules, entouraient l’adversaire d’un rayonnement solaire, presque gracieux, erratiquement troublé par le sang qui dégoutait doucement du visage du mentaï, se mêlait à une mèche où l’autre, qui lui collaient à la peau. Pas inconscient. Mais vaincu. Vaincu et fier, parce que ce visage ne pouvait plus se départir de la morgue.


-Oh oui, tu peux être fier de toi. Tu m’as décoiffé. C’est vraiment. Un. Franc. Succès. Pour quelqu’un qui. M’a privé de mon plus grand (il lui réenvoya son poing sur la figure dans une crispation totale de mâchoire) Pouvoir.

Varsgorn tenta de cracher, peut-être était-ce une de ses dents, mais ça accentua encore le fou rire du mentaï, qui prenait dans sa bouche un goût de sang. Il voulait ce pouvoir. Comment diable récupérer physquement un pouvoir disparu ? Et il l’en empêchait, peut-être que ça ne tenait qu’à un fil, que le gommeur venait de bouffer. Ce mec devrait crever, crever tout de suite, et gueule ouverte. Et lui, il respirait de plus en plus vite.

-Tu n’as aucune idée de ce que tu as –coup au visage- vu. De ce que tu as –coup- fait. Tu n’es qu’un aveugle qui croit qu’il –soubresauts de Varsgorn qui manquèrent de le faire tomber- voit et. Tu. Ca me dégoûte tellement. Incapable

Il vit la scène comme en étant hors de lui-même. Et dans l’iris, il vit, juste une seconde, le reflet de son propre visage, explosé, sanguinolent, expressif, enfin, mais de tant de rage et de grimaces. Qu’importe. Ca ne dura pas, vite effacé par le blanc du gant, lorsqu’il souleva le tisonnier, qui ne servait plus à maintenir rien, vu l'état de Varsgorn. Il eut l’impression que le mouvement chantait, quand l’autre se mit à hurler. –Quoi, déjà ?- ça ne pouvait l’arrêter. Rien ne pouvait, au contraire. Il eut l’impression que le cri retentissait dans son silence mental comme une promesse ; lorsque le fer rouge vint mordre la paupière, puis les chairs de l'oeil en soi, dans un grésillement atroce.
Le cri si c’était possible, s’intensifia d’une tonalité qui n’était plus colère ou crainte, mais tout simplement douleur, douleur et rage de souffrir –qui noyait les reste de son rire dans des soubresauts de corps qui se débat encore, sans succès, n’est-ce pas ?

Sa propre douleur sembla brusquement augmenter d’un coup, il eut l’impression que quelqu’un d’autre s’exclamait, mais rien n’aurait pu lui faire lever les yeux de cet œil qui ne reflétait plus que le vide infini de la mort. Le visage qui se tortillait, l'odeur de la chair qui fume comme de la viande rance, de la sueur, ça lui renvoyait tout à coup quelque chose de beaucoup plus animal. De lui. Sorti de lui. Qu’il ne pouvait encore réfréner. Il n’aurait plus su dire ce qu’il faisait, mais la douleur que son corps subissait, Varsgorn Ril’Enflazio la payait aussi. Il lui dégueulait à la figure un ensemble de mots immondes, portait des coups errants, sans autre but que la souffrance –chassés, Astre, Marlyn, la protection, n’importe quoi qui n’était pas le fait que ce type devait tout payer au centuple. Amateur amateur amateur amateur amateur amat… Et l’extrémité du tisonnier rougissait de tout ce sang, de toute ces flammes qui le léchaient, de toutes les colères possible.

Il eut ce réflexe idiot de tenter de se relever, d’en finir, parce que le noble en lui exigeait de tuer qu’il le tue debout, heureusement pour lui. Il se tint au guéridon, pour ne pas s’écrouler encore.

La porte se rouvrit à la volée ; c’eut sur lui l’effet d’une douche froide de voir apparaître Sareyn dans la porte, ses cheveux mouillés plaqués sur sa nuque. Avec elle, la priorité de les préserver, sa sensibilité et elle. Son amour débordant pour elle, son besoin de la protéger, plutôt que de l’étrangler froidement.


-Toi, ordonna-t-il. Tu restes où tu es, et pas. Un. Pas. De. Plus. Tu vas chercher de quoi me soigner. Je te rejoindrai dehors. Après, le gommeur.

Il se retourna vers Varsgorn, sans vérifier s’il était obéi ou non. Les pupilles étaient trop dilatées que pour être froides ou lucides. Il était inconscient, c’était sûr. Mort, peut-être même, mais comment, après avoir résisté à tout ça ?

-Et toi, tu vas m’écouter, cette fois. Pour cette fois, je te laisse vivre. Et tu vas méditer sur les chances que ça te laisse. Chez moi. Quelques temps.

Il lui parlait, faute de pouvoir faire quoique ce soit d’autre. Il vit dans la pièce le cocher, décoiffé, armé. Il se demanda s’il était trahi, mais comprit que non.

-Emmène-le. Dans la cave. Attache-le... solidement.

C’était gagné. L’autre s’exécuta, l’air complètement éberlué –et éberlués, ils pouvaient tous l’être. Il resta debout jusqu’à ce que le cocher ait quitté la pièce, sa vue, puis avança vers la porte, souriant. Son bras, en avançant, effleura le manche du couteau de lancer, toujours en place. Il le regarda, éberlué, une seconde, puis devant lui, Marlyn, n’interpréta rien, et sentit ses genoux se dérober sous lui, son corps et son esprit lui échapper – ça devenait une sale habitude. Il s’effondra, impassible.

[edition à volonté]

Marlyn Til' Asnil
Marlyn Til' Asnil

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MessageSujet: Re: Tu n'es qu'un amateur ! [Terminé]   Tu n'es qu'un amateur ! [Terminé] Icon_minitimeMar 5 Fév 2013 - 2:01

Elle avait du s’endormir, au bout d’un moment.

*
Elle revoyait la boite à cigarettes tendue dans sa direction, un vague mouvement de refus – elle était à moitié vide. Le torse de Makel, dans son champ de vision, drapé à moitié, qui se levait et s’abaissait au rythme des respirations d’encens. Il devait avoir les yeux ouverts, mais ils étaient vides, trop loin, trop passionnées par l’infini de sa petite imagination droguée et étriquée. Puis elle avait fermé l’oeil un instant, le temps de se recomposer. Les membres en coton, c’était la faute à la nuit sans sommeil à traquer un trafiquant d’enfants dans les marais, mais légers, qui tanguaient, plus de l’épuisement, non, c’était au-delà, et son esprit ne parvenait pas à définir les limites de son corps, était-elle encore dénudée ?
Des spires, pas de trace, trop difficile de s’y accrocher.
Elle avait posé le front sur un des coussins, juste pour faire le vide.
Et elle s’était endormie.

Quand elle rouvrit l’œil, la chambre était sombre, en dehors d’un chandelier. Makel jouait avec les pages d’un livre, dans un fauteuil.

- Envisageriez-vous déjà d’emménager, Sareyn ?

Son demi-sourire se découpait dans la pénombre de la pièce.

La pique acheva de la réveiller, et elle se redressa plus brusquement qu’elle n’aurait dû ; le monde valsa, lentement, lourd, elle dût se prendre la tête entre les mains pour ne pas vomir. Elle devait partir. Plonger dans l’eau bouillante, et aller dormir, avec des herbes contre la migraine. Au manoir. Au plus vite. Elle se savait incapable de la moindre pensée lucide, et du contrôle, elle avait les Spires, elle les sentait, mais il fallait qu’elle parte. Makel resta enfoncé dans son fauteuil sans se départir de sa morgue tout le temps que la jeune femme se rhabilla et tenta de retrouver ses esprits.
Tout le temps qu’elle mit à reconstruire les murs du manoir mentalement.
Et à les confronter à l’image du sourire de Makel, qui disparut dans un méandre de Spires.

*
La porte de la salle d’eau refermée sur elle avec hâte, elle se passa le visage sur les mains.
Soit elle venait d’halluciner.
Soit Dolohov avait vraiment reparu. Comme elle avait prié le Dragon toute la journée.
Et elle sortait des draps de Makel.
Elle avait évité sa main qui s’était tendue vers elle naturellement – qu’il la touche maintenant, et il sentirait une autre présence. Ses cheveux puaient l’opium et le parfum d’homme, ses habits la fumée. Le silence suivit. Avait-elle vraiment halluciné ? Non, des bruits de pas. Elle se laissa glisser le long du panneau en bois jusqu’à s’asseoir sur le dallage frais.
Ôter toute trace du crime, d’abord. Reparaître digne de lui, ensuite. L’eau glaciale fit redoubler sa migraine, quand elle s’approcha du grand lavabo, du miroir. Elle avait l’œil terriblement flou. Presque hagard. L’eau brûlante, dans le bassin, la quadrupla. Elle se releva, fouilla avec agacement dans les tiroirs d’une des armoires – il devait rester des herbes, celles qui vous dissipent les migraines, chasseraient le brouillard, où les avait-elle mises ?
Le temps, et le calme, firent le reste. Calmer le rythme cardiaque. Dolohov était là. Entier. Et il ne partirait pas dans les vingt prochaines minutes. Immerger le corps, la tête, apaiser la respiration. Chasser les cheveux de devant ses yeux, puis commencer à râcler sa peau, toutes les pores, le moinde centimètre, chasser Makel, chasser le tabac, et les odeurs, la culpabilité –elle refusait de se laisser aller à regretter. Juste masquer, pour l’instant. Et y voir plus clair, peut-être, avec espoir, serait-il à nouveau dans les Spires, elle voulut monter…
Se confronta à un barrage net.
Non, au vide total.
Gommeur.

Peau hérissée, muscles tendus. Un piège ? Elle sortit de l’eau en hâte, se sécha doublement en hâte –elle entendait des bruits indistincts et enfila les premiers vêtements propres qu’elle put trouver dans la pièce à côté. Il n’y avait aucun moyen de localiser le Gommeur. Où était Dolohov.. ? Elle s’attendait à le voir surgir derrière chaque meuble, sortir de chaque tableau de famille, les lèvres débordant de mille accusations –toutes vraies, pour l’étrangler.
Marlyn s’arma. Sans aucune conscience de l’ironie que ça représentait, du tisonnier qui reposait dans l’âtre vide devant lequel elle passa.

La chambre de la petite chose était silencieuse, il devait dormir, les rideaux de son berceau tirés, enfin, il serait réveillée à brailler, si un Gommeur se trouvait dans la pièce, non ? Sauf si..
Elle voulut tendre la main vers le lit de son fils, mais c’est une autre qui saisit son poignet.

- Toi ?
murmura-t-elle, extrêmement tendue, ayant à grand peine retenu le tisonnier qui allait manquer de fracasser le crâne de la petite femme de chambre.

- Vous devez venir, vite, vite ! Le Maître, il est… il est… L’intrus, il se battent, dans sa chambre, et..

Elle n’eut même pas le temps de finir de bredouiller, filet de voix teinté de panique, qu’un hurlement déchira l’air.
Marlyn se mit à courir. Son cœur n’osait pas battre, et ses poumons avaient oublié comment respirer. Un deuxième hurlement. La femme de chambre voulut la retenir, barrer la porte, la vision d’un corps dans la chambranle :
« Il les a tués, on a rien pu faire, c’est trop dangereux, faut pas ! » mais la Mentaï n’en avait rien à foutre. Elle ne pouvait pas laisser arriver ça. Refusait de penser, croire que le hurlement, et si c’était lui.. ? Tous les hurlements se ressemblent, et ils puaient tous la douleur et la mort.
L’odeur du sang lui assaillit brutalement les narines.
La chair brûlée.

- Laisse- moi passer imbécile !
Elle était brutale, l’empoigna par le bras, la poussa, dut l’envoyer valser, mais rien ne comptait qu’ouvrir, aider, et –

Il était debout, fut sa première pensée. L’autre à terre.
Il avait un poignard planté jusqu’à la garde dans le ventre.
Et du sang, tant de sang que… Elle ne reconnut pas sa voix. Pas tout de suite. Deux secondes de silence. Quelqu’un la tira en arrière par les épaules, elle voulut se débattre, mais le cocher maintint, doux, ferme.
Obéissant.

- Va chercher immédiatement, la grande chambre du premier, mon coffre, celui des herbes, des compresses, du vin, le nécessaire, tu le connais
– sa voix était devenue blanche- Bouge ! prends tout, ramène tout dans le doute ! Ses épaules tremblaient, sa voix ordonnait.

Le cocher entra enfin dans la pièce, et Marlyn le suivit, d’extrêmement près. L’ennemi était à terre, et Dolohov… elle n’aurait su dire si sa chemise avait été autre chose que rouge au départ. Si c’était l’effet du délire, des drogues, le reflet des chandelles, elle aurait dit un instant qu’il avait du rouge jusque dans le regard, du rouge violent, profond, celui qu’elle n’avait toujours que pressenti, et craint par avance – mais le cœur reprit le dessus.
Chamade, chute, muscles mécaniques, il n’exista soudain plus, et elle retenait le corps qui tombait, inerte.

Seconde de vide. Profond. Sidéral.

Puis le cœur de battre sous ses doigts qui avaient cherché la carotide, le poignet, malgré le sang qui le maculait, une main sur le torse, l’oreille contre ses lèvres –il respirait. Elle aurait voulu crier, un temps en retard, juste extérioriser ce sentiment au-delà de la peur qui avait manqué de la tétaniser.
L’horreur, c’était.
Du sang.
De l’odeur. Du blanc, qui teintait son visage immobile.
De ce qu’elle vit dépasser du poing fermé du Mentaï. En d’autres circonstances, elle aurait vomi.

- Déjane
– la femme de chambre venait de revenir, Marlyn avait déjà les ciseaux en main pour découper la tunique maculée de tâches de sang – tu es en charge des autres. Elle ôta le tissu poisseux. Une blessure au bras. Des bleus. Des marques de brûlure sur la paume. Et le manche du poignard, celui qui dépassait des chairs. Les corps au cocher. Il saura quoi en faire. Le sang, tout, la pièce, que tout soit enlevé au plus vite. L’odeur fétide qui émanait de l’endroit où le poignard avait été planté lui indiquait que les entrailles avaient été touchées. C’était au-delà de ses compétences. Mélanie auprès de mon fils. Il lui arrive quoi que ce soit, vous crevez toutes. Il n’y avait pas d’odeur de poison mais ça ne voulait rien dire. Elle avait peut-être trois minutes, peut-être quinze heures. Fais lâcher les chiens dans le parc ; Eveille tout le monde, et—

cette folie si tranquille
ce calme étrange au bord du stress
Fériane était hors de question. On y connaissait son visage, Ondiane peut-être, mais c’était le visage du Maître qui y était connu, son nom, et l’Archirêveur était trop influent, trop prompt à parler de patients – Tintiane ? Elle n’y était jamais allée. Idiane, mais si le vieux était encore vivant…

- Ellen, viens là. Pose ta main, là, tu tiens, tu maintiens, change la compresse si besoin.

- On .. on va enlever la dague ?

- Surtout pas, idiote. Ne bouge plus. Maintiens.
Des pleurs d’enfant, un peu plus loin dans le manoir. Mélany, que fais-tu encore ici ? Comment ça, sa nourrice est malade ? Alors vas-y toi-même !

Chercher Farron. Ou un autre. Ses mains dégagèrent les cheveux emmêlés de sang du visage de son amant, mais il n’avait pas les lèvres bleues, ou noires, ou jaunes, ou rien qui indiquât que l’ennemi –elle n’avait pas eu le temps de voir qui c’était- avait tenté de l’empoisonner.
Non. Idiane, Idiane irait. Elle avait quoi comme autre choix ? Il était seule aux commandes, à empêcher tout un monde de s’écrouler d’un coup, et c’était la seule confrérie qui ne poserait pas de question – sur les blessures, sur le sang qui les couvrait tous les deux, sur l'odeur atroce, pénétrante et infâme de chair humaine brûlée qui régnait dans la pièce, qui l'entêtait, un peu comme l'encens. Elle ramassa le tisonnier incrusté de sang et.. elle ne préférait pas savoir quoi.

- Jette ça. Et qu’à mon retour, on—


Les Spires.
Elles n’étaient pas là.

- Qu’on me trouve immédiatement ce putain de gommeur !
Sa voix ruptura, le barrage de colère, pour enrayer la peur, inonda, jusqu’à ses propos.Je veux tout le monde dessus jusqu’à ce qu’on le crève ! Ellen, lâche ça, et fouille la pièce. Elle posa elle-même la main autour de la dague trempée de sang, pression peut-être dérisoire, mais nécessaire pour contenir le sang.

Chaque seconde lui enrayait les nerfs plus que la précédente, elle était à genoux contre le corps qu’elle maintenait contre elle, continuer à surveiller le pouls, l’empêcher de partir. Le retenir. Elle refusait de le voir partir maintenant, alors qu’il venait seulement de lui revenir.
Il n’en avait pas le droit.

Les spires se déchainèrent d’un seul coup, hors de contrôle, Idiane palpita dans sa tête, mais sa fatigue, et le corps du Maître en plus, il fallait focaliser l’image, basculer, non, préciser la cour,
Disparaître.

*

Elle n’eut le temps de rien dire. Elle était apparue dans la cour, prêt de deux rêveurs en contemplatin, dérangés dans leur méditation, ils avaient appelé les autres, on essaya de lui prendre le blessé.

- Non, je ne le laisserai pas, vous m’entendez.. pas de civière, montrez moi juste.. je le porterai – lâchez-moi !


Il dut y avoir plus de rêveurs pour la tenir, et l’empêcher de se débattre, lui faire lâcher, phalange après phalange, qu’il n’en fallut –il y en avait deux- pour prendre la civière, commencer de partir.
« Laissez-moi au moins vous suivre. Je peux aider, je le connais, et mes Spires, elles doivent pouvoir servir ». Elle entendait les mêmes paroles revenir. Qu’il était entre de bonnes mains. Qu’il était pris en charge. Qu’elle n’avait pas à s’en faire, ni à s’inquiéter, qu’on la préviendrait dès qu’il y aurait des nouvelles.
Que pour l’instant, il valait mieux laisser les rêveurs se concentrer.

- Tu t’attends sérieusement à ce que j’aille m’asseoir dans des circonstances pareilles ? Tu tiens à la vie, gros tas ?
Mais ses mains tremblaient, quand elle voulut paraître menaçante, la borgne n’arrivait qu’à exprimer dans le désarroi le plus complet. Ici, elle ne pouvait pas donner d’ordre pour rester concentrée, ici, elle avait du le confier à une salle close, à des mains qu’elle ne connaissait pas, et maintenant, rien ne retenait la peur qui frappait à sa porte.

- Laissez-moi juste être dans la pièce, je refuse d’être séparée une seconde de plus de—

- Trois heures, mademoiselle ; laissez-leur trois heures.


Elle dut finalement se rendre à l'évidence, et battre en retraite. Puisqu'elle ne pouvait rien faire de plus ici, quelque chose lui disait qu'il fallait qu'elle aille vérifier que tout allait bien au manoir. Un pas sur le côté et une dose immense de fatigue plus tard, elle reparut dans le salon où une souillon s'affairait à frotter les tâches de sang sur le parquet. Malgré toutes les fenêtres grandes ouvertes, l'odeur de chair brûlée lui emprisonnait les narines, et la vue de tout ce sang qui commençait à coaguler sur les lattes de bois lui retournaient l'estomac. Laisser son amant entre les mains des rêveurs, après avoir perdu autant de sang.... elle ne leur faisait pas la moindre confiance.
Il fallait qu'elle s'assure que Astre allait bien. Le prisonnier pourrait attendre - vu son état, il n'irait pas loin. et si le Maître faisait confiance à son homme de main, elle lui faisait vaguement confiance aussi. La chambre de la petite chose était éteinte, étrangement silencieuse. Elle avait pourtant dit à cette bonniche de... sans doute avait-elle oublié, précipitée dans trop de tâches, peut-être Déjane l'avait réquisitionnée pour transporter les corps, avec un staff aussi réduit..
Sur le pas de la porte, Marlyn se força au calme. Ses mains tremblaient, qu'elle serra en deux poing fermés pour les contrôler, elle voulut entrer, voir le petit, mais au moment -encore- de tendre la main pour soulever la gaze du lit, la Mentaï constata l'état de ses mains : couvertes de sang séché.
Elle ferait mieux de lui trouver une servante.

Un bruit de verre fracassé -orange, odeur brusque d'alcool- feu.
Douleur.
Chair brulée.

Le chaos fut total pendant un battement de paupières, elle fit les flammes s'élever depuis les rideaux, et l'endroit où elle se tenait, la fumée embuer tout - son bras brûlait, couvert de feu. On avait du jeter le cocktail par la fenêtre, et l'alcool en flammes se répandait dans la pièce.
Marlyn ne se souvint pas à quel moment elle avait pris Astre contre elle, ni à quel moment elle avait reculé vers la porte. C'était en même temps que ses Spires hurlaient en hâte une solution, que l'eau apparut par trombes, mais la pièce brûlait trop vite, et le petit criait - elle avait du crier aussi, à un moment, car on vint l'aider, on lui prit l'enfant des bras, quelqu'un lui claqua un coussin à plusieurs reprises sur le bras, pourquoi, déjà ? Seul importait l'eau, l'eau, qui tombait en même temps qu'elle s'échinait à éteindre les flammes avec des couvertures, avec les autres.
Elles en vinrent à bout - mais la pièce était ruinée, et la fumée leur arrachait des toux et des nausées.
L'odeur de chair brulée avait empiré.

Mais ce n'était pas tout. Ca ne pouvait pas être tout. Les chevaux se mirent à hennir, aux écuries -elles venaient de tomber à la proie des flammes. Fallait qu'elle tue les putains d'intrus, ou jamais elle ne s'en sortirait. Tuer, les crever. Elle n'aurait pas du s'épuiser à faire un pas sur le côté, mais l'urgence l'exigeait. La chaleur vorace des flammes lui brûlait le visage ; la borgne distingua une silhouette, qui sautait par dessus le mur, elle s'élanca dessus, enragée, doublement aveuglée par les grésillements visqueux que faisait son bras. Il glissa du mur quand elle lui enserra la cheville, mais dire à quel moment il était mort, si c'était quand elle lui avait fracassé le crâne contre le mur, dévissé le cou ou jeté dans les flammes, elle n'aurait su dire.
Le reste s'enfuyait. Un attelage les attendait. Mais elle, il ne l'attendit pas.

Eteindre les écuries fut long, fastidieux, profondément stressant - le poil de cheval roussi puait encore plus. Quelqu'un lui annonça, quand elle finissait de noyer les dernières braises, qu'on avait retrouvé le cocher mort, le prisonnier enfui, sûrement avec ses complices. Mais elles étaient toutes vivantes, et pas d'autres attaques.
Elle se serait sans doute effondrée, si elle ne s'était pas accrochée si fermement à l'ordre qu'elle donnait :

- Dépêche quelqu'un, n'importe... qui, je m'en fous, et ramènez la garde, tous les gardes de la ville si ça t'amuse, dis leur.. une attaque de voleurs, les vandales ont voulu brûler le bâtiment en l'absence du maître des lieux, mais les chiens ont détecté, un des voleurs morts dans l'incendie... débrouillez-vous, je m'en fous. Mais une patrouille dans le parc. au moins jusqu'à la fin de la nuit.

Elle vacilla, épuisée.
Mais il lui restait quelque chose à faire.
Cette nuit, elle ne faisait plus confiance à personne. Surtout pas dans les rêveurs. La première fois qu'elle voulut faire basculer son pas sur le côté, elle dut être rattrapée par la servante pour ne pas tomber. La deuxième fois..
C'est à la robe d'un rêveur quidam qu'elle se rattrapa. Marlyn marcha tempetueusement à l'intérieur des bâtiments, jusqu'à cette pièce, où on refusait obstinément de la faire entrer. Si tout se passait bien, pourquoi le secret ? Pourquoi ne rien lui dire ? ! Ils pouvaient tous aller crever, tant qu'elle ne serait pas à ses côtés pour surveiller, le protéger...
La porte ne s'ouvrit pas. Fermée à clef.
Elle aurait fini par la défoncer à coup de pied si deux moines ne l'avaient pas retenue l'un par l'épaule, l'autre par la ceinture. L'Archi-rêveur arriva en hâte devant le rafut. D'avoir été stoppée aussi net avait sappé toute l'énergie du désespoir qui restait à la jeune femme borgne. Les rêveurs la tenaient debout plus qu'ils ne la restreignaient. Elle ne se rendit compte que lorsqu'on lui empoigna le bras qu'il lui faisait ridiculement mal. Mieux valait ne pas regarder.

- Tiens-lui la tête
, murmura l'Archi-Rêveur à son assistant, avant d'examiner son oeil comme s'il espérait y trouver la moindre réponse.
- Laissez-moi le voir,
renchérit instantanément Marlyn. J'exige de savoir s'il est vivant!

Tous les évènements de la soirée se mêlaient dans sa tête. Makel, le couteau, l'ennemi, les chevaux qui hennissaient, le sang qui lui encroutait les mains, la respiration du maître, la chair brûlée, la bouteille d'alcool enflammée, Astre, les rêveurs-

- Non. Vous êtes blessée, violente, vous ne savez pas ce que vous dites et encore moins ce que vous faites. Êtes-vous sous l'emprise de stupéfiants ? ... Non, c'est une question rhétorique.

Il posa la main sur l'épaule de Marlyn, qui s'affaissa / se crispa d'autant. L'énergie la quittait, comme s'il.. vampirisait. Ses jambes lachèrent sous elle, les rêveurs soutenaient.

- Dormez.

Marlyn eut juste, l'espace d'une seconde, la lucidité nécessaire pour se rendre compte de ce qui était en train d'arriver. La seconde d'après, elle sombra.


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MessageSujet: Re: Tu n'es qu'un amateur ! [Terminé]   Tu n'es qu'un amateur ! [Terminé] Icon_minitimeLun 4 Mar 2013 - 1:46

La nuit était sombre, et pleine de terreurs.
Qui lui avait dit ça, déjà ?

*

Il lui semblait qu’une sirène appelait. D’où, il n’aurait sû le dire. Mais d’avance, il aimait la créature, sa douceur profonde et infinie, sa défiance latente. L’élégance folle de la violence de sa voix. Oh, comme ses spires lui manquaient, comme la musique intérieure lui manquait, et comme tout était fade. Toujours gris.
La voix chantait ses dangers, ses mystères de sang, et il tenta de s’imaginer le corps qui pouvait y être assorti – celui de la Dame, assurément. Il avança sans se rendre compte, aveugle au monde qui l’entourrait.
Où êtes-vous ?

Il flairait l’air comme un loup, sentait sous ses doigts les lignes pures de chemins sus longtemps auparavant ; et qui se délitaient en air. Un air de chanson ancienne, dont il ne pavenait pas à discerner les paroles. Il sentait de lui-même comme des odeurs, des textures parasites qui le dérangeaient. Désagréables et corporelles, des parfums de vieux draps, naphtaline, vieillesse, mort, sueurs. Dès qu’il en dégageait une, la voix perdait en intensité. Et il ne voulait pas perdre la voix.
Où êtes-vous ?

Il s’élança alors, et son corps le lançait, l’écartait de la voix au fur et à mesure qu’il se densifiait. La Dame ne voulait pas qu’il s’élance, alors il s’arrêta, en prière, soudain dévoué, débiteur. Et instantanément ou presque, le chant prit de l’ampleur, dans son crâne, ressac de vagues infinies et immenses qui se dressaient à contre-courant, et se brisaient en dentelles pures. Il n’avait pas besoin de voir, pour savoir, lui était sur la crête de ses dentelles moussues, au bord du gouffre, là où tout était gris, et scintillants d’éclats. Au sommet, si la vague en avait un, dans les débris.

l’eau montait, dégoutait de son esprit à son cœur, du cœur aux reins, puis bien plus bas encore. Et le chant n’était qu’acide. Les sirènes beuglaient leurs chants d’amours vains, et la Dame, cabrée, reculait de toutes ses forces, et tentait de les noyer sous des trombes de pouvoirs infinis. Il était dans ce gris de fracas, les bras tendus vers les sirènes sans les voirs, décidé à les entrainer lui-même dans sa propre mort –et elles désiraient son étreinte létale, aspiraient à la pourriture de leurs ombres transparentes. La densité de son corps devenait insupportable, et soudain disloquée, comme par les remous de l’attaque,lorsqu’il valsait avec sa proie, dévorant ses lèvres de poulpe de baisers plein de dents, et striant l’échine du monstre de griffes luminescentes.

Où êtes-vous, hurla-t-il, noyant sa voix dans l’eau mentale, dans la musique si douce, l’eau de la Dame.

Et comme celle qu’il embrassait, soudain, le corps se mit à hurler, rempli de ce liquide acide, qui lui rongeait les tripes, et s’engouffrait en lui, nuée de scalpels qui s’affairaient en tous sens. Chaque veine devint flamme, et chaque artère glaciale, mordue d’un feu intensément bleu, qui ravageait sa chair, et en renforçait le poids. L’odeur surpassait le son, au moment où il avait besoin d’elle, de l’atteindre, plus que jamais, de la voir. C’était sa propre crainte qui se logeait dans son estomac, s’y lovait comme un ptit chat câlin, mais plein de griffes impossibles à ôter- jusqu’à cette pensée monstrueuse : « Jusqu’où peut-on se perdre au-delà du corps, en espérant y revenir.
Il tâtonna à toute vitesse le monstre qu’il serrait si étroitement contre lui, en lui mordant l’épaule, chercha les pommettes, le sourire délicat, les dents pointures, et les cils absurdes, y plongeant les doigts à toute allure ; lorsque sa langue léchait l’acide du bord de plaie.

Tout son corps n’était que douleurs, et oublis aberrants, et barrières infranchissables.
Mais où êtes-vous ?

Il brandit l’œil, comme une offrande, levant les siens au ciel – ce ciel qui le noyait de gris et de bleus, de dons froids et qu’il ne comprenait plus. Ses pieds fuyaient le sol intangible, se raccrochaient à la soie invisible, et la battaient effrontément. Et l’œil communiquait à sa main, en pulsations, ce qu’il voyait, et que l’esprit du mentaï ne pouvait percevoir – trop chien encore pour la magnificence de couleurs. Pour leur diversité. Et tout à la souffrance, il admirait le spectacle, le combat le plus sublime jamais vu, aimant jusqu’à la douleur qu’il lui imposait, et qui ouvrait en lui des abîmes.
Vous voilà.

Il en oubliait la morsure, la chute éperdue et les fils de lumières qui tentaient de ralentir sa course, se laissant imprégner des horreurs que se lançaient les deux nuées de pouvoir, rendu à eux, à leur monde, enfin, et respirant goulument leur poison.
Tout devint plus ténu, cependant qu’il les contemplait fasciné- tout, excepté la prison de ses chairs.

Des mains qui se pressaient sur lui, et lui mordaient la peau, gantées ou non, aimées ou non, et recréaient chaque cicatrice qu’avait laissé la sirène sacrifiée. Il s’offusqua, de toutes ses forces, tentant de détacher les fils qui le maintenaient en apesanteur, dans tous les désavantages, hors de l’eau, qu’il sentait s’échapper de lui, d’abord par les tripes, et puis par les tempes, peut-être même par la bouche, lorsqu’il voulait crier, utiliser cette arme de toujours, la douceur de ses mots. Et à peine se souvint-il d’eux que d’autres lui parvinrent, plus hachés, sans sens.

Au moins, ils habillaient le silence, qui s’endeuillait seul de l’absence des pouvoirs.
Mais où est-ce que je suis ?

Le chat faisait ses griffes, paresseusement en lui, et les mains parvinrent jusqu’à lui, hâtèrent son œuvre de destruction, en tentant de l’arracher- il se mit à feuler, et ses pupilles fendues poignardèrent les ongles qui le blessaient sans le savoir. Que personne ne me touche. Que personne ne s’approche de ça. Plutôt crever. Plutôt crever de ça.

*

Le rêveur se tenait la tête entre les mains, et respirait par à-coups. Son supérieur lui secouait les épaules, dans le but évident de le sortir de sa transe.

Le patient n’était pas en train de rejeter les soins. A vrai dire, les premiers soins s’étaient même passé sans le moindre problème. Il avait supervisé tout ça, observé tout ça, et tout avait été parfaitement normal. Il ne s’expliquait pas pourquoi, d’un seul coup, les plaies s’étaient mise à suppurer, puis le rêveur à suer. Il avait tenté d’interrompre le processus, d’abord sans succès.

L’autre avait encore du mal à se détacher du rêve qu’il déroulait – qui semblait corrompu, tout à coup.


-Mais qu’est-ce que vous faites ?

-Je… je ne sais pas. Je déroulais sur ses plaies, et tout allait bien, je pense que son rêve était profond, suffisamment que pour que tout fonctionne. Comme vous me l’avez appris, j’ai dû commencer par trouver la fin de chaque lésion, pour tout soigner dans le bon sens, ne pas guérir superficiellement.

L’autre hocha la tête. Ils testaient cette méthode, tentaient de définir à quel point le risque de cicatrisation visible était destructible, et la vitesse de récupération après rêve inversement proportionnelle.

-Mais j’ai trouvé … autre chose. Une plaie plus profonde, plus.. je ne sais pas. Différente. Et quand je l’ai sondée, c’est comme s’il m’avait pris le rêve des mains. Ejecté. Rejeté les tissus… C'était comme traverser un champ de mines.

Le rêveur contempla le blessé. Toute cette histoire, cette femme qui les avait empressé, qu’ils avaient finalement dû endormir, pour soigner à son tour. Et cet homme, qu’en savait-il, lui ? Pouvait-il risquer la santé de ses rêveurs, sur un patient qui rejetait les rêves, et avait visiblement le pouvoir de blesser par l’esprit ? L’autre cligna des paupières, tentant de chasser le pouvoir. On lui avait toujours dit que la provenance, ou même la personnalité d’un patient n’importait pas.
Seule comptait la vie.
Et il détestait ça.

-Je m’en occupe, grimaça-t-il.

*

Il n’y avait plus que le silence, à peine troublé de diverses choses.
Un rythme, infini, quasi imperceptible. L’impression de s’emplir, et de se vider du même mouvement continu, assorti. Il était toujours dévoré, mais de l’envie d’ouvrir les yeux, plutôt. Conscience quelque part d’être déplacé – comprendre, dans l’imaginaire d’un autre.

Mais d’un autre plus adroit, et qui espérait tromper sa vigilance.
Tout son corps était replié autour de son ventre- et la part animale, lovée contre lui, étirait ses griffes, dragon cupide, mais satisfait pour l’instant. Presque paisible.
Il était entouré de liquide, sans plus être brûlé – il se demanda si c’était possible, que ses souffrances soient terminées, ou presque, que ses nerfs aient été dévorés. Et convulsivement, il se serrait sur la créature de son ventre, qui le maintenait dans la certitude qu’il était vivant. Là. Il ne tenait pas spécialement, « là » lui semblait très étrange, hors de lui, hors de son imagination.

Très ancien. Quelque chose que tout le monde a partagé, soufflait une voix intérieure, qui pourtant, ne lui appartenait pas. Ce moment où les cellules se hâtent.
Il tourna la tête, vers la source du bruit, montrant les dents. Localisa la présence, chaleur qui l’attirait, et montra les dents. La chaleur était prudente, ça la rendait encore plus menaçante à ses yeux. Mais elle semblait intéressée par tout ce qui n’était pas la créature.
Alors il l’accepta, parce qu’elle pouvait le sortir de « là ».

[center[*[/center]

Il était étrangement calme, en s’éveillant, en croisant à son chevet des regards inconnus, en sentant leurs mains, qui cherchaient son pouls, tâtaient son front, et souriaient enfin, rassurés.

Ces gestes, c’étaient les mêmes, ceux de soins qu’on prodigue –qu’il avait toujours reçus. Seules changeaient les mains. Il reconnut son rêveur au toucher, battit des cils. Le visage gracieux, le port altier, malgré les cheveux argentés, et le regard fatigué. Si las.
Comment devenait-on quelqu’un comme ça ? Comment donnait-on sa vie aux autres, même pas par vocation. Juste « parce qu’on a ça en soi ». A qui était ce visage ? A quelle noblesse, ces traits ? Il n’avait même pas l’air satisfait. Dolohov prit les mots qui lui parvinrent, les assembla aux mouvements des lèvres.


-… en urgence. Vous allez bien, maintenant, et vous êtes en sécurité. Est-ce que vous vous souvenez des moments qui ont précédé votre venue ?

Il hocha la tête, avant même qu’ils lui reviennent. L’absurde bagarre dans le Manoir. L’homme chez lui. Avant l’homme, Marlyn, les parfums de son sillage, le voyage en carosse, et Miaelle, qui répondait « oui » et « non ».
Il n’était pas encore fou. L’autre fronçait les sourcils.


-Pour quelqu’un qui a failli mourir, je vous trouve étrangement détendu.

-Puisque tout va bien, s’érailla la voix du mentaï. Puis-je me mouvoir ?

-… Doucement, concéda l’autre, du bout des lèvres, et comme s’il était lui-même épuisé.

*

Elle dormait, de ce sommeil sans rêve qui ne lui appartenait pas. Le visage incliné, ainsi, sur sa cicatrice, elle aurait pu passer pour n’importe qui. N’importe qui. Cette seule pensée lui durcit le visage, anéantit la tendresse première. Il tâchait d’analyser ce visage, comme s’il ne l’avait jamais vu, d’oublier la cicatrice qui dessinait une fleur étrange sur cette épaule, ou l’arborescence des possibles qui tissaient ses poignets.
Juste le visage, les lèvres entre-ouvertes, les cernes sous les yeux. Il la reconnaissait, pourtant.


Comme il se reconnaissait, portant la robe des rêveurs, cheveux lâchés, pas réellement coiffé. Puisqu’on lui avait dit que ses vêtements n’étaient pas récupérables, et qu’un noble normal les aurait naturellement laissé derrière lui.
Mais ce n’était pas lui, pas plus que c’était elle.
Les oui et non de Miaelle lui creusaient l’estomac - tout près du coup de poignard, qui l’avait épuisé, et le laissait faible. Elle se tourna, dégageant l’œil, dont la cicatrice rassénéra le mentaï.


-Je vous assure. Elle n’est pas dangereuse. L’agression a dû crisser ses nerfs… l’agression, et ses spires.

-Réveillez-la, dans ce cas. Que voulez-vous que ça me fasse ?

Il hocha la tête, attendit, pourtant, que l’autre soit sorti, pour caresser le visage, la joue et tempe, du bout des doigts. Pour s’autoriser une seconde le contact de sa peau, la chaleur de cette peau, la texture de sa cicatrice. Il aurait tout donné pour pouvoir partir sans aide, pour la retrouver ensuite. Ne rien avoir à confronter, encore. Et que rien ne se soit passé. Mais c’était impossible, alors, fataliste, il l’effleurait de loin, tâchant d’être le moins brusque possible- sans se laisser attendrir.

Jusqu’à ce qu’elle se redresse, à nouveau sous adrénaline, et comme elle se réveillait toujours : en sursaut, et le souffle court, prête à mordre, ou à s’effondrer, jusqu’à croiser son regard. Dans ces cas-là, il lui soufflait des mots doux, ou quelque fois, il laissait faire, souriait de ce sourire qui leur rappelait qu’il était son maître – tout ce qui ça impliquait. Oubliant que c’était du passé, tout cela.

Elle mit une seconde à le reconnaître, paniquée, crispée, puis tremblante, vérifiant son bras d’un coup d’œil, puis l’abdomen du mentaï, comme on se rabroue, comme on se reproche de penser à soi.

Le mentaï, pour la première fois, se sentait profondément mal à l’aise, attendant une vague qui le noierait, mais qui ne venait pas.


-Nous allons bien. Autant que faire se peut – et je ne le dois qu’à toi, murmura-t-il, plus pour la forme qu’autre chose. Ils ont dit que tu étais brûlée…

Il ferma les yeux, s’asseyant sur le lit.

-Est-ce… ne serait-ce que possible de retourner au Manoir, après les formalités ?

Il n’osa pas relever les yeux tout de suite. Seulement lorsqu’elle ne put retenir un « tu as l’air riddicule », complètement hors de propos –et qui les fit sourire tous deux, de leur sourire complice sanglant.

*

- Je ne suis pas assez remis que pour dessiner. Si tu veux bien.. ?

Elle l’entraina dans son pas sur le côté.
Elle l’avait fait mille fois, toujours à son accord, quelques fois pour l’étreindre, quelques fois, pour s’entrainer, quelques fois, simplement parce que son tempérament l’exigeait. Et jamais il n’en avait éprouvé la moindre honte.
Il éprouva un vertige, lorsque ses pieds, retrouvèrent le sol ; mais rouvrit les paupières sur un univers lugubre- et vide, quasi totalement. Rien du chant des spires, il s’en mordit les lèvres. Elle dût croire que c’était à cause de l’état de l’endroit, elle commença à en parler, il leva la main pour l’interrompre.

Cette chambre, avec les fenêtres les plus grandes, c’était celle de Astre.
Lui avait-on pris son fils, en plus de sa demeure ? Heureusement, il l’entendit hurler, de quelque part, à l’étage inférieur, et poussa un soupir profond, par a-coups brutaux, stabilisant le tremblement de sa main gauche.
Oh, Dame, merci. Merci.


-Oui. Oui, tu as raison, il faut qu’on parle. D’un tas de choses abjectes. Il faut s’organiser.

A défaut de quoi, il se retourna, et la serra contre lui. Pas amoureusement, pas à la manière d’un broyeur. Pour la sentir contre lui, mais sans la regarder, et noyer son nez dans ses cheveux si longs, que le parfum des rêves rendait sauvage et mal connu.

-Dame, merci, tu vas bien.

Qu'on ne s'y trompe pas; il était juste question de délayer, le temps de trouver une idée.

Marlyn Til' Asnil
Marlyn Til' Asnil

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MessageSujet: Re: Tu n'es qu'un amateur ! [Terminé]   Tu n'es qu'un amateur ! [Terminé] Icon_minitimeJeu 7 Mar 2013 - 1:57

Les centaines de petits dragons lui dévoraient lentement le bras, petites dents monstrueuses, elles arrachaient l’encre et l’entortillaient autour de leur naseaux, tiraient, tiraient, tiraient.
Des chaines perçaient la peau où les tatouages s’arrachaient, au loin l’Empereur à tête de rat riait, riaient, des liens plein les mains, et souleva, l’arrachèrent au sol, par le bras, le bras tirait, même couvert de bandages –non, de chaines à nouveau. Un petit dragon, de la taille du rat, remonta le long de sa colonne vertébrale, décollant tous les points d’encre au passage, jusqu’à se nicher dans son cou, mordit.
Le sang coula noir, en diagonale, remplaça les tatouages complètement, qui se déroulaient à l’infini. Elle dût tomber, ou l’Empereur disparaître, que sais-je, en tout cas son corps n’était plus retenu par tous les tatouages fixés au plafond. Les dragons tombaient aussi en pluie tout autour.
Marlyn se brisa le dos sur l’Arche. Explosa en une centaines de petites cellules, partout et nulle part à la fois, comment était-elle censée trouver le bon sens ? Elle se disloquait, en cent.
En mille.
En fumée.
Le vent dut mugir très fort à ce moment-là, il fouettait ses atomes, caressait.


Les caresses se firent plus tangibles.
Elle avait du s’endormir.
Des dizaines de courbatures dans le corps, et l’esprit flottant, une insensibilité étrange dans le bras. Tout sentait la poussière. Prête à replonger, se laisser happer dans les limbes du sommeil qui l’attiraient dans ses filets, pourtant, au creux du ventre, une sensation d’urgence, comme si elle était attendue ailleurs et que cet endroit, elle aurait du le quitter depuis longtemps –ne jamais y être restée dormir, de base.
Beaucoup de fumée devant les yeux. S’était-elle réellement endormie ? Une pensée confuse lui parvint, qu’elle n’aurait pas du, profondément pas dû. Sensation connue, quand les doigts s’accrochaient aux aspérités sur sa joue gauche, qui faisait ça, déjà… ?
Fumée, fumée, incendie, non, petit incendie, grésillement près de l’oreille, beaucoup d’adrénaline, et la fatigue, brusque, s’effondrer dans des bras inconnus, résister un temps à l’incendie et puis.

Makel.
Elle s’était endormie chez lui.

*
Marlyn se redressa brusquement, l’air happé en catastrophe, l’urgence vrillant ses tempes. Tout était flou. Son bras était raide, comme en carton.
Mais ce n’était pas le noble d’Al-Jeit qui la regardait, assis tout près d’elle, les yeux étaient trop gris.
Dolohov… ?
Tout lui revint brusquement, son maître qui était revenu, d’un seul coup, au manoir, puis la vision d’horreur, toutes les odeurs d’un seul coup, le sang, la peur, l’odeur terrible de chair brûlée, de bois brûlé, le berceau d’Astre s’était enflammé tout d’un coup et… Et son bras. Dolohov. Blessé, un poignard dégouttant de sang dépassant de ses côtes, et l’intrus, les écuries en flamme, les nombreux pas sur le côté qui la faisaient tomber à genoux…
Pendant trois secondes, elle ne le reconnut pas, dans la robe des rêveurs, et le visage aussi pâle. Etait-il vraiment vivant, n’était-elle pas encore enchainée au fond d’un rêve, avec comme seule perspective, encore et encore, de se réveiller dans un lit qui ne lui appartenait pas. Doucement, elle posa la main sur lui, pour le sentir, palpable, sentir vibrer sa cage thoracique, quand il parlait de sa voix douce, si profondément caractéristique.
Mais s’il était vivant, et debout avant elle, alors tout allait bien. Le soulagement coulait dans ses veines comme une pommade apaisante. Ils vivaient, c’était tout ce qui importait. Ca, et..

- Tu as l’air ridicule
, lâcha-t-elle, tant la soutane des rêveurs seyait mal au corps qu’elle lui connaissait. Le mal du manoir parlait, aussi, l’atmosphère des confréries l’oppressait toujours, les murs nus, et les lits raides, le sentiment constant d’être épié.

*

- Partir maintenant comporte des risques
, leur répéta le vieux rêveur, au fond non mécontent de leur empressement à débarrasser le plancher, tandis que Marlyn renfilait rapidement les vêtements qu’on lui avait ôtés. A croire que les rêveurs prenaient un malin plaisir à dénuder leurs patients ; et il était hors de question qu’elle enfile cette soutane immonde aussi, la jeune femme préférait largement ses vêtements, même couverts de tâches de sang séché.
- Les cataplasmes devraient suffire, pour terminer le travail, non ?

- En faisant attention, certainement, mais un mouvement brusque, tout serait prétexte à une rechu—

- Auquel cas, nous savons où nous adresser pour y remédier
, coupa Marlyn, un sourire dessiné sur les lèvres en voyant le regard noir du vieux moine. La sensation de sécurité qu’elle éprouvait était indescriptible, quand elle savait Dolohov près d’elle, vivant, debout et oh surtout près d’elle ; rien n’aurait pu l’arrêter, pas même le pouvoir déroutant des rêveurs, s’ils s’étaient avisés de les forcer à rester.
Tant de choses restaient en suspens. En formulant son pas sur le côté, imaginant les parois tapissées, les fenêtres, Marlyn espérait, au fond, qu’ils n’atterriraient pas dans un tas de cendre, d’où il ne resterait rien, le manoir était sien à protéger et elle aurait failli.

*

Voir les murs apparaître, même noirs de suie, même terriblement silencieux, lui otèrent au moins cette angoisse-là. L’odeur de cendre était vieille. Dolohov se crispait, contre elle. La jeuen femme borgne tenta un instant de se mettre à sa place, il avait laissé l’endroit entier, avec seulement deux cadavres et un coupable… Le poids de la culpabilité pesa brutalement, par milliers de remontrances muettes, sur la Mentaï. Elle avait failli à garder le havre intact.
L’agresseur avait fui. Laissant derrière lui des traces de cendre, la mort du cocher, et l’insécurité, totale. Et s’il était revenu, pendant qu’ils étaient dans les griffes des rêveurs ? Jamais elle n’aurait du quitter l’endroit, si elle avait eu l’esprit clair, rien de tout cela ne serait arrivé. S’il n’y avait eu Makel…

Ses ombres ambigües disparurent instantanément de son esprit quand Dolohov serra Marlyn contre lui. Chaleur, juste chaleur, et silence. Dame, puisque je vais bien, et qu’il va bien, laisse-nous ensemble, et qu’il reste, qu’il reste, puisqu’il te prie, tu nous dois bien ça. J’ignorerais cent blessures et cent maux rien que pour faire durer cet instant éternellement, puisqu’il est là, et qu’il n’a aucune raison. Aucune. D’être ailleurs. Comment avait-elle pu accepter d’autres bras, quand elle était dans les siens, tout cela lui semblait absurde. Terriblement culpabilisant.

- Nous allons bien
, en écho aux premiers mots qu’elle avait entendus de lui plus tôt, au réveil, et qui avaient suffi à remettre le monde sur les rails, et dans le bon sens.

Son étreinte redoubla, convulsivement. Le manque avait été indescriptible – exacerbé même par les frasques de la veille, et maintenant, juste, le temps aurait vraiment pu s’arrêter, que ça ne l’aurait pas dérangée. Son parfum était différent, qu’importait, la faute en incombait à ces robes de mauvais tissu, aux baumes de soin, aux longs voyages, à tout ce qu’il taisait… qu’ils taisaient. Ca viendrait, ça viendrait en son temps. La Mentaï craignait d’élever la voix à nouveau, même si cent questions méritaient réponse et mille autres d’être tues. Ce fut la borgne qui s’écarta –légèrement, pour respirer, lever le bras et ôter les quelques poussières qui s’étaient fixées dans les boucles dorées.
Dolohov posa la main sur son bras, l’interrogea – qui l’avait brûlée ? La peau était très blanche là où l’alcool enflammé avait coulé, et commençait à peler, mais les rêveurs avaient bien fait leur travail.

- Le petit allait mourir, j’ai fait le nécessaire pour le protéger
–son amant leva un sourcil surpris- la chambre brûlait, reprit-elle pour se justifier. Je n’allais pas le laisser dedans. Elles ont dû l’installer en bas, je ne sais pas.

D’un commun accord, quasi tacite, ils se dirigèrent vers les escaliers – régler le plus urgent d’abord, connaître l’étendue des dégâts, et si les agresseurs étaient revenus. Dolohov était bien trop silencieux pour ne rien cacher, elle le connaissait, il y avait beaucoup plus à cette agression qu’elle ne savait. Marlyn savait aussi qu’elle ne pouvait jamais rien lui faire dire en brusquant – et que pour le moment, ce n’était pas le moment.

- Attends
, alors qu’il s’apprêtait à descendre. D’abord te trouver d’autres vêtements. Je refuse que mon fils pense que son père est un rêveur.

Ses sourires aussi, ceux qu’il n’avait qu’avec elle lui avaient terriblement manqués, elle s’en rendait compte à présent.

*
Marlyn restait debout, à faire les cent pas – si elle s’asseyait, elle allait s’endormir, la tête sur la table, peu importait l’inconfort.
Dolohov s’était assis pour écouter le compte-rendu des servantes, au bout de la table de la salle à manger, apte à les écouter toutes, disposées en arc de cercle. La nourrice seule était absente, mais elle ne savait pas pourquoi.

Nounou les avait rejoints la première.
Marlyn lui décocha un regard glacé, debout à côté de Dolohov, comme en gardien, soutien. La dernière fois qu’elle et Nounou s’étaient croisées, la vieille l’avait assommée avec son rouleau à patisserie. Depuis, la Mentaï l’avait ostensiblement évitée. D’ailleurs, elle l’avait cru morte, n’était-elle pas dans les victimes de l’agresseur.. ?

- Quand j’ai vu que vous étiez attaqué, par cet horrible assassin, j’ai eu si peur… Puis Lubain s’est effondré, du sang jaillissait de son.. oh, quelle horreur. et c’est tout ce dont je me souviens. J’ai du m’évanouir aussi. Les filles m’ont réveillée, mais vous aviez disparu, et tout était déjà arrivé. La nourrice du petit a été blessée aussi, et elle a expiré pendant la nuit.


Toutes y allèrent de leur vision, plus ou moins complète, elles étaient toutes secouées, épuisées, Marlyn compléta les détails qui manquaient, sur les agresseurs, les écuries, surtout les incendies, qu’elle avait vécus de première main. Ce que Marlyn omit par crainte, Nounou lui annonça au final : la mort du cocher muet, dont personne ne connaissait le nom, à leur grande honte.


- Où sont les corps ?
coupa la Mentaï. Avec la destruction des carrosses, la mort de tous les chevaux, ils ne pouvaient pas les déplacer discrètement..
- J’étais sur le point d’aller les brûler
–le sang froid avec lequel Nounou leur dit ça étonna beaucoup la Mentaï.C’est le plus discret, avec l’incendie des écuries, mais vous êtes arrivés avant que je n’aie eu le temps de le faire.

Marlyn était mal à l’aise. Le sentiment général, tout amenait à penser qu’ils n’auraient jamais du être coincés à la Confrérie si longtemps. Même quelques heures, comme ça, elle aurait du revenir, et gérer ça au départ. Elle avait paniqué, et perdu le contrôle, comme toujours, le sang saturé de drogue. C’était fini, maintenant, et caché, surtout, secret. Discrètement, alors que les conciliabules entre Dololov et son personnel s’étiraient, elle avait le temps de repenser à la veille.
A cette inconséquence idiote, qui creusait lentement son chemin de culpabilité dans ses entrailles. S’il apprenait… ? Mais non, il y avait trop de choses à faire pour l’instant, et elle pourrait couvrir toutes ses traces entre temps. Sauf si Vil’ Ryval parlait.
Au plus urgent d’abord. Il fallait qu'elle s'occupe.

- Je m’occupe des corps. … Je suis moins blessée, il vaut mieux que ça soit moi.

Nounou lui précisa rapidement qu’il n’y aurait qu’à transporter le cadavre du cocher aux écuries, et allumer un nouveau feu, pour que toutes traces disparaissent. Le Mentaï la retint par le bras alors qu’elle s’apprêtait à suivre Déjane à la cave.
« Je reviens vite. » Coup d’œil à Nounou, qui n’attendait manifestement que son départ pour vomir toutes les avanies qu’elle retenait entre ses lèvres pincées.
Impulsivement, Marlyn s’arrêta – à hauteur de Dolohov, l’embrassa sans prévenir, comme pour le défendre de disparaître à nouveau en son absence, de ne plus être là, et aussi, les lèvres aimées chassaient les dernières craintes, sentir qu’il lui rendait au centième son baiser ; ça valait plus que tout ce qu’ils avaient pu s’échanger depuis la veille au soir.

*

-Arrête-moi, si je te fais mal.

Ils étaient enfin un peu au calme. Le maître avait dû, de dépit, s’étendre dans la grande chambre, les forces sapées par sa blessure, Marlyn avait déniché des herbes et baumes qui n’avaient pas été détruits par la vieille rombière, et s’était appliquée à en extraire un baume contre les inflammations, qu’elle étalait du bout des doigts sur la cicatrice, un peu trop chaude au toucher. Elle s’était mise à cheval sur lui, par simplicité, et parce qu’ils en avaient terriblement l’habitude.

- Lequel de tes ennemis du Nord aurait pu te suivre jusqu’au manoir ?
demanda-t-elle brutalement, en contemplant la cicatrice, dans la lumière chiche du soir. Doit-on craindre qu’il revienne finir le travail ?

Faut-il fuir, avait-elle envie de demander. Je ne veux pas te perdre encore.

- -Il s'appelle Varsgorn Ril' Enflazio.
Ses doigts promenaient des glaçons le long du bras de Marlyn, pour apaiser les endroits que les brûlures avaient mordus. Je pensais que c'était simplement un crétin ambitieux, juste bon à imaginer de nouveaux motifs et modèles de jupes…

Varsgorn… Plus il le décrivait, moins Marlyn le connaissait. Pourtant, ce nom lui disait quelque chose. Et cette greffe marchombre –parce que ça ne pouvait être qu’une greffe marchombre, Ena Nel’ Atan lui avait ôté la vue avec des lames qui sortaient aussi de ses poignets. Elle écoutait, tous les mots, c’était un peu reprendre une vieille habitude, quand il racontait de longues anecdotes et qu’elle le regardait en silence, l’écoutait parce qu’il aimait l’être, et parce ce qu’elle aimait le son de sa voix.

- …Tu n'as pas idée d'à quel point ça.. C'est chez moi ici. Ca a toujours été chez moi. C'est le premier endroit que je me suis offert, tu sais? Il y a toute l'histoire de ma famille, dans ses murs et... je ne supporterais pas d'en être réellement coupé, enco—


- Partir d’ici, c’est ça ce que tu suggères ?
Mais… Elle ne pouvait pas se faire à l’idée. Ici, cet ici, était indestructible. Incorruptible. Et plus important, il était pour eux. Où veux-tu qu’on se voie ailleurs ? Cela sonnait comme une accusation. Et c’en était une, en demi-teinte. Et que faire d’Astre ? Il n’a plus de nourrice, et ...

Et tu ne l’emmèneras pas chez ta femme.

- Je serais incapable de m’en occuper.

- Je pourrais
, fit la voix grinçante dans son dos.

Comment. Osait-elle. Entrer. Les déranger.
Aucun des deux ne portait de chemise, pour les soins, et si ça n’avait jamais dérangé, là, ça la dérangeait profondément. D’être dérangée.



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MessageSujet: Re: Tu n'es qu'un amateur ! [Terminé]   Tu n'es qu'un amateur ! [Terminé] Icon_minitimeDim 10 Mar 2013 - 1:53

Il trônait, en seigneur, quand bien même ce ne serait qu’une heure. Puisqu’il était né pour ça, pour que d’autres se plaignent à lui, pour les régenter, quoiqu’il puisse arriver, quoiqu’il puisse ressentir.
Tout allait désespérément lentement, son cerveau, surtout, mais pour rien au monde Dolohov n’aurait délégué sa tâche, puisqu’on continuait de s’en remettre à lui.
Il lisait dans les yeux de ses femmes qu’elles continuaient de lui faire confiance, que malgré son absence, et ses blessures, elles le prenaient pour ce qu’il était : celui qui risquait sa vie pour elles.
Qui honorait ses promesses.
Mais pas autant qu’il aurait dû – ça, lui-même le ressentait suffisamment. Son flanc le lançait, et comme elles, il était fatigué. Inquiet. Marlyn était la seule à refuser la statique, il sentait en échos de ses pas ses propres tribulations mentales. Allées, venues, en rond, cloîtrées dans leur boîte crânienne imbécile – et lui était incapable, profondément, de chasser, même pour une heure cette lacune à sa tête. Pas alors que Varsgorn aurait pu croupir dans ses sous-sols. Que ne l’avait-il pas crevé tout de suite ? Une mort, ça s’explique toujours. Un vivant peut donner sa propre version.
Mais la simple présence de ses vêtements ordinaires le rassuraient, le guindaient. D’avantage lui, et davantage masqué à la fois. Elle avait eu raison, tellement, tellement raison de l’obliger à le faire. Les apparences, au moins, lui restaient.
Chacune, il écoutait, laissant la soirée se reconstituer dans son théâtre mental. La joie première de revoir Nounou avait rapidement été effacée par la perte du cocher- celui-là faisait partie des irremplaçables. Ses masséters se contractèrent rageusement. Maudit soit son foutu nom d’incapable.

Comment allait-il quitter cet endroit, autrement que comme un voleur ?

C’est Marlyn qui détacha son attention des femmes de la maison, et qu’il observa lorsque Nounou répondit. Lui-même hocha la tête, avec assentiment, l’idée était pragmatique, l’évidence même. Pourtant il retint Marlyn, la laissa l’embrasser, se demandant ce qu’il y avait exactement à attendre de ce baiser- mais qu’était-ce, quelques secondes qu’on vole au temps, après tant d’instants sans se parler, alors qu’on est tous les deux épuisés ?
Mais elle s’éloignait déjà, laissant sur ces lèvres les possibles relégués, et ce quelque chose d’incendie qu’il avait toujours ressenti face à elle.
Elle ferma la porte, et les yeux gris firent face à ceux de la vieille femme, tendres, et toujours fermement ancrés à lui. A sa manière, ce regard, cette silhouette lui avait manqué, pas de la même manière, mais une part de lui pouvait, face à elle, et elle seulement, être un peu plus fragile et plus tendre. Pour elle, il serait toujours son seigneur. Peu importait qu’il les laisse, qu’il soit aussi vieux qu’elle, et faible.
Ce qu’il détestait, c’est qu’une autre part serait toujours, à ses yeux, éternellement l’enfant.


-Merci, murmura-t-il, pour elle, seulement.

Elle haussa les épaules, comme s’ils avaient autre chose à discuter, que le protéger faisait partie intégrante de son quotidien, ou qu’elle ne pouvait croire qu’il s’adressait à elle.

-Je savais que vous ne nous abandonneriez pas, Messire Dolohov. Et vous m’aviez confié le petit, et cet endroit.

-Et elle, c’est avant tout Elle, que je t’avais confiée.

La vieille femme noua ses doigts, à hauteur de poitrine. Il la dévisageait gravement, s’attendant presque, un instant, à ce qu’elle lui reproche Marlyn, comme un caprice qui s’éterniserait. Il fallait dire que la mentaï qui devait bouter le feu aux corps était à des millénaires de l’adolescente brisée qui était arrivée comme une apparition. C’était quelque chose qui était entre eux, cette présence, ce spectre de femme ; puisque Nounou n’avaiit jamais compris les tenants et aboutissants des jeux de pouvoir, ou du Dessin, en général.

-Alors, merci d’en avoir pris soin, Nounou.

-Savez-vous seulement comment elle est ? A quoi ressemblent ses crises, quand ses nerfs lâchent, et l’avz-vous déjà vu regarder votre fils ? Et ses états, quand.. J’ai dû lui confisquer ses herbes!

-Oui, je sais tout ça depuis bien longtemps, mentit-il effrontément, comme lorsqu’elle demandait qui commençait les disputes, et punissait Shaïlan. Ne t’inquiète pas de cela.

Elle inclina la tête, grimaçant malgré tout.

Il reprit la conversation en main, comme une vieille habitude, lui demandant si elle avait besoin de quoique ce soit de plus pour elle, ou pour les soins immédiats à l’enfant, avant de s’enquérir de son état de manière plus approfondie, chassant Marlyn et ses herbes du vieux front ridé, crut-il.

Son interlocutrice répondait, docile, presque fatasliste sur les grandes questions, se laissait mener. Il lui souriait de son sourire doux, et très las.

-Et bien ? Il y a quelque chose que tu gardes pour toi ?

Elle secoua la tête, d’abord, affirmant qu’il avait besoin de se reposer, sans doute, de planifier toute la suite des opérations, qu’ils auraient sans doute tout le temps.

-Nous avons tout le temps. Dis-moi. Nos têtes à têtes ne sont pas si courants.

-C’est vrai, mais c’est une bonne chose, Messire, vous n’êtes qu’un homme occupé, bougonna-t-elle, flattée malgré elle de le voir prendre sur lui. Mais le regard insistait, comme jadis, pour obtenir plusieurs histoires, et comme jadis, elle ne put longtemps y résister.
Comment se porte Dame votre épouse ?
Le sourire se fana, devant les yeux obstinément baissés, et la voix douce, qui s’enquerrait si prudemment. Il battit des cils, chassant la question sous-jascente : porte-t-elle votre héritier, alors ?
Elle avait été sa nurse, la femme dont il avait tété les seins, et qui avait fait partie intégrante de son décor, tout au long de sa ville. Bien sûr, elle n’était exceptionnelle en rien, puisqu’elle avait appartenu à sa famille de noble désargentés, et sans grande renommée, hors d’Al-Vor


-Avez-vous déjà songé à… et bien… Que je pourrais protéger autrement ce qui est vôtre ?

Mais elle l’avait élevé, et aimé, sans doute, plus que son fils, mort en très bas âge, dont Dolohov avait oublié le prénom. Il posa la joue sur ses doigts. Elle l’avait vu devenir un petit homme, et pleuré à son départ pour la capitale. C’était elle qui avait rempli ses malles, elle qui lui avait dit le plus sincèrement qu’il lui manquerait, et qu’elle était fière de lui. Innocemment, même si pour lui elle était capable de brûler des cadavres inconnus ; comme elle avait été capable de le couvrir, jadis, ou de toujours faire punir l’autre.
Jamais il n’avait imaginé que cette femme puisse avoir d’ambition, car c’était bien de ça qu’il était question. Jamais il n’avait envisagé qu’en la reléguant au manoir de Vor, elle qui s’occupait si bien de sa demeure de Jeit, il lui coupait tout avenir hors de lui. Il lui avait confié son seul fils – oui, même si ce n’était qu’un bâtard, d’une fille issue de nulle part, et bien : à qui d’autre aurait-il pu le faire ?


-Je suis à vos ordres, dévouée à votre famille depuis tant d’années… Bien sûr, je comprends votre attachement à cet endroit, et c’est honorable de vous occuper de l’enfant de cette femme. Mais peut-être qu’il faut voir un signe dans tout ceci. Peut-être qu’il est temps de renoncer à certaines choses, de se concentrer sur l’essentiel. Vous avez certainement eu d’autres enfants ailleurs, et vous vivez admirablement sans les connaître tous, et vous disposez déjà de si peu de temps. Consacrez-vous à votre vraie famille, Messire, je peux vous y aider, oh, comme j’aimerais…

Il avait songé que cette maison – qu’elle puisse y revenir, lui ferait plaisir. Même si, c’était vrai, comme toujours, il avait avant tout pensé à lui-même. Il fronça les sourcils. Elle ne s’arrêtait pas, et pourl a première fois, il avait l’impression de trouver quelqu’un d’aussi verbieux qu’il pouvait l’être, d’être confronté à une négociation qui se voulait subtile. C’était comme si elle avait oublié, effectivement, qu’il avait accueilli Marlyn bien avant qu’elle ne porte son enfant.

-Nounou ? Tu te souviens de cette fois où j’avais trouvé au fond du parc un petit chat ? Un petit tigré, avec l’oreille gauche coupée ?

-… Oui, Messire. Vous vouliez absolument le garder, vous prétendiez même dormir avec lui. Oh pourtant, déjà petit, il était immonde et croûteux, ça… Vous êtes parvenu au bout de vos fins, cette fois-là, se remémorra-t-elle, l’air entendu. Et comme je l’avais prévu, il ne vous a pas fallu deux mois pour oublier de vous en occuper.

-Et qu’est-il devenu ?

-… Je l’ai gardé dans les cuisines, Messire Dolohov, et continué de le nourrir, jusqu’à ce qu’il s’éteigne, répondit-elle.

Dolohov souriait, en se relevant, d’un sourire crispé, et plaqua le plat de la paume sur ce qui avait été sa blessure, qui le tiraillait. Il avait insisté, par pur caprice, pour la garder auprès de lui, même si la famille Zil’Urain devait économiser où elle pouvait, et qu’une nourrice sans chérubin et vieillissante n’était qu’une bouche à nourrir de plus. Il l’avait gardée jalousement, puisqu’elle était à lui, assuré qu’un jour, elle lui serait utile- puisqu’acquise. Et tous ces soucis d’intendance…


-Si la place ne te convient plus, et cela me désole, pour moi tu es irremplaçable, et je ne suis malheureusement pas en mesure de t’en assurer une autre, auprès de mon épouse. Ailil tient à régenter elle-même sa maison, et je pense, à s’occuper elle-même des comptes, de la supervision. De nos futurs enfants, aussi, j’ose le croire. Je pourrais néanmoins te fournir d’excellentes références, deux fois, celles au nom de ma famille, les autres, au nom de « ton actuel employeur ». C’est le moins que je pourrais faire. Nous en reparlerons, plus tard, avait-il achevé, en voyant Sareyn s’encadrer dans la porte.

*

Il aimait l’odeur des brûlures, sur sa peau, l’impression de soie-sauvage de la texture, précieuse et abîmée à la fois, quasi filandreuse, de son bras à soigner. Elle était tellement belle, ça lui nouait les tripes, le rendait presque nauséeux. Belle comme elle était naturelle, et brutale.
Retrouver sa Marlyn, plutôt que Sareyn, les cheveux dénoués, l’expression oscillant entre dureté et tendresse, le bleu de son iris unique, saturé de couleurs. Il ne pouvait pas déplorer le corps, sublime, qu’elle dénudait sans complexe, même s’il lui rappelait à quel point elle était changée, même intérieurement, depuis Astre, depuis des mois.
Tout cela était supportable, agréable -pourquoi le renier ?- comme l’étaient ses étreintes, sa manière de l’embrasser, de contempler sa cicatrice comme une ennemie, et un trophée, lorsqu’elle enjamba ses hanches, pour s’y poser, comme toujours ou presque, depuis que s’étaient créées leurs habitudes, petit chat griffu, aux mains qui lui semblèrent froides pour la première fois.
Jusqu’à cet instant précis, lorsqu’ils étaient montés, il était parvenu à maintenir à distance plus ou moins raisonnable ses angoisses de pouvoir – que le manoir et surtout Astre chassaient.
Dans la chambre, elles rôdaient, plus tentatrices qu’avant. Il y avait une chance, selon le traitement et les herbes que Miaelle lui avait fait inhaler, pour que Ce soit une solution.

Mais son premier essai avait été affreusement infructueux.
Déjà ténu, l’espoir s’était un instant réduit à Néant –et Dolohov n’avait pas aimé ce qu’il était devenu.
En plongeant dans le regard bleu, en saisissant des doigts un glaçon, en le promenant sur le bras meurtri de sa maitresse, il ne pouvait s’empêcher de se demander :
« Pourrais-je lui imposer ça ? »
Il s’attachait à la course des gouttes pures, sur et entre les arabesques sombres du bras. Simplement à ça, pour oublier le mouvement de ses hanches, le goût de sa peau, le parfum qui émanait d’elle, à quel point elle lui avait manqué. A quel point il était prisonnier de ses bras, de la réalité, du manoir, même, dont la Dame lui avait coupé toute retraite. La Dame voulait-elle qu’ils aient cette discussion, qu’il se rende encore plus riddicule ? Qu’il lui impose la possibilité de le voir tel qu’il était ?

Son esprit lui manquait. Le silence qu’ils partageait accentuait encore ce manque –là. C’était vrai. Il aimait parler. Mais il aimait écouter, analyser, entendre, partager ou contrôler des visions, il aimait l’équilibre de l’instable, la renverser quelque fois. Il battit des cils, tâchant de s’occuper lui-même, en lui répondant.
Peupler de mot l’absurde vide, sans feindre la lassitude, parler et repousser encore l’échéance du choix, cracher du venin sur un nom tiers. Retomber sur l’intendance, les lieux, basculer de sa propre crainte à la dite urgence, au risque présent, qui lui semblait presque dérisoire.
Varsgorn ne reviendrait pas, pas tout de suite, pas avec ses blessures.
Mais que ferait-il ? Quel plan était-il capable de monter ? Il en oubliait que le froid de la glace froissait sa peau, hérissait son derme jusqu’aux extrémités de ses tétons, et que la course des gouttelettes redessinaient l’exact parcours que sa langue aurait choisi.
La violence de son interruption le surprit , puisque pour une fois, y étaient glissés de véritables non-dits. Il cilla encore, se demanda si Sareyn le soignait comme elle soignait son père, ou si c’était bien son Ange qui ne pouvait se résoudre de rien.
Se voir ? Il n’était donc pas le seul des deux à être absurdement obsédé d’angoisses plus profondes que le présent problème. Mais se voir, était-ce le seul soucis ? Se pouvait-il qu’elle soit jeune à ce point ?

L’interruption suivante était pour lui, il le savait, elle le surprit moins, le rassura sur le fait qu’effectivement, certaines choses ne changeaient pas. Marlyn se tendit, il le perçut surtour dans la manière dont elle étalait le baume sur sa cicatrice. Et c’était logique, se dit-il, qu’elle ne puisse supporter quelqu’un qui devait la considérer comme au mieux comme « La mère de son bâtard ». Or, jusqu’alors, il n’avait pas du tout perçu leur inimitié, jamais conceptualisé qu’on puisse passer tant de temps dans la même maison, à prendre chacune un soin relatif de l’autre, sans finir par au moins s’apprécier.
Pour la vieille femme, Marlyn qui était un caprice, était devenue un obstacle, la responsable d’une vie de cachette, d’éducation qui n’auraient de Zil’Urain que le sang, pas de prestige. L’essentiel, songea-t-il, c’est que son message était passé.
Il était sans pudeur, devant elle, et ne l’avait jamais vue choquée de rien, pourtant, une seconde, il crut lire le malaise, dans les vieilles pupilles à cataracte : lorsqu’elle vit qu’ils se soignaient sans faire l’amour, peut-être.


-… Oui, tu peux, sans aucun doute ; mais même temporairement, ce serait une situation fondamentalement inconfortable. Pas idiote, sans doute. Vous pourriez emménager à Jeit un moment.

Il revint à Marlyn, à sa colère volcanique- tu t’es déjà si souvent brûlée, mon Ange.

- Bien sûr qu’il faut partir. Tout va dans ce sens, et ce sera inconfortable.Mais l’enfant au moins a besoin de moi.

-Etablir qu’il soit impossible de retracer jusqu’à nous. Je me charge de rendre sa sécurité à cet endroit, mais je ne pourrai pas le faire en claquant des doigts. Je veux que l’enfant et toi vous ne risquiez rien.

A cet instant, pourtant, Marlyn eut ce regard, en appuyant un peu trop fort sur sa cicatrice. Vers la doyenne – mais c’était comme le diriger vers lui.
Ne me tente pas.
Je suis faitgué, mais ça au moins, ça ne durera pas éternellement

-Je peux justifier la présence de mon carrosse, la mort du cocher, et même la blessure, si besoin. Mais je ne pourrais pas expliquer ta présence sans me compromettre. … Laisse-nous, il nous faut réfléchir à ta proposition.

Nous ? –ironisèrent les yeux noirs.

-[color=darkslategrey]Arrête, répondit Dolohov, après que la servante se soit éclipsée.
Ca ne veut pas dire que tu me fais mal, spécialement.

*

Ils avaient discuté d’intendance, après avoir soufflé la bougie, ôté les derniers vêtements, n’osant plus se toucher sans prudence, sans froideur, sans prétexte de soin.
C’était tant mieux. Dolohov sentait sa voix s’ensommeiller, malgré sa volonté de sembler inflexible et lucide.
Il mit le hola à la discussion relativement vite, presque malgré lui, cherchant dans le noir les lèvres aimées, pour les embrasser doucement, souhaiter une bonne nuit. Elle se laissa embrasser, sans vraiment répondre, vexée, lui tourner le dos.
Il la sentit pourtant se blottir tout contre lui quelques temps plus tard, sans que cela puisse vraiment l’éveiller à nouveau, et se réveilla au matin, enserré dans ses bras, littéralement crispés autour de lui, son visage lové sur entre l’épaule et le cou.
Comme un petit chat, possessif et jaloux, qui aurait voulu, plus que tout ou presque, le déchiqueter, et serait tombé, épuisé, avant.

[
center]*[/center]

Ca avait été un combat.
De ne pas trop lui faire sentir que les moments seuls le gênaient, que non, il n’était pas disposé à ce genre de tendresse. Les prétextes étaient nombreux, entre le départ à préparer, la fatigue, la convalescence, Astre.
Son fils l’émerveillait tant. Comment pouvait-on changer aussi vite ? Nounou l’entourr it de tant d’attention qu’il ne percevait pas encore vraiment le malaise ambiant. Il tendait les bras, vers les êtres, les boutons brillants des manteaux du mentaï, ses mèches de cheveux, différents objets au couleurs vives. Il aurait voulu lui redessiner autre chose, comme le mobile, au-dessus du berceau, mais… patience.
Ce plan de récupération-là, Dolohov ne l’avait pas encore échafaudé, de s’obliger à trouver des alternatives.
Ca avait été un combat, de lutter contre les conflits qui naissaient de partout, les accusations qu’il désirait tant prononcer, et ne pouvait pas, la vieille, qui réclamait son attention, des discussions et d’autres, qui s’alternaient avec les moments où elle renonçait à être diamantaire pour redevenir fragile, livrée à lui, pliée à sa volonté, détruite.
Ce qui l’horrifiait, c’est qu’à ça aussi, Dolohov parvenait à résister.
Ce qui fascinait l’homme, c’est qu’elle ne l’interroge pas sur le « pourquoi ». Peut-être y voyait-elle des reproches. Il espérait que non, tâchant de ne pas la brusquer. De ne surtout pas la perdre.
Pas maintenant, ni jamais.


Puis, ce fut le moment de leur départ, à tous les trois, dès que la jeune femme jugea en être capable.
Il embrassa son fils, sourit à la vieille.

Lorsque ce fut son tour, il glissa sa main dans ces cheveux, plus retenu qu’à l’ordinaire, s’attendant à ce qu’elle le chasse- mais non. C’était un autre regard, qu’elle avait.
Il frôla son nez du sien, tout doucement, d’abord, et cette fois c’était elle qui évitait ses lèvres.


-Fais-moi confiance, je t’en prie. J’ai besoin que tu me fasses confiance. J’ai besoin de toi, de pouvoir compter sur toi. Laisse-moi mes zônes d’ombres, comme je te laisse les tienne. Je ne t’ai jamais rien caché pour le plaisir de… S’il te plait. Je t’aime, acheva-t-il, son front contre son front.

-Fais vite, répondit-elle en se détachant.

Marlyn Til' Asnil
Marlyn Til' Asnil

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MessageSujet: Re: Tu n'es qu'un amateur ! [Terminé]   Tu n'es qu'un amateur ! [Terminé] Icon_minitimeLun 25 Mar 2013 - 21:03

L’œil perdu dans le noir, il ne restait que leurs respirations, et le silence, entre eux. Le sommeil lui échappait, malgré la fatigue, trop de questions ou de paroles restaient en fantôme au fond de sa gorge, Marlyn savait que la plupart, elle ne les poserait jamais, comme beaucoup d’autres restaient en suspens. Guetter sa respiration, la variation infime des draps – est-ce qu’il dormait déjà ? Trop d’amertume, trop de colère sourde, si elle s’endormait maintenant, elle savait quels monstres griffus surgiraient des coins de sa conscience, et la culpabilité, cette culpabilité ardente qui faisait lentement son chemin, petite étincelle à peine fumeuse, qui laisse une trace de cendre le long des veines…
La borgne plissa les paupières un peu plus fort, pour chasser ce genre de pensées nauséabondes. Mais chassez une angoisse, et une autre lui prend aussitôt sa place ; Al-Jeit, comment allait-elle bien pouvoir s’en sortir avec cette vieille chouette et un bambin sur les bras à Al-Jeit… ? Difficile de ne pas prendre cette mesure comme une mise au ban, et sous la surveillance du gras-double complice de sa captivité.. Non, rester adulte, voir les choses de manière responsable, c’était vrai après tout, le manoir n’était plus sûr, et il fallait organiser les choses, protéger tous les potentiels, n’est-ce pas ? Elle pouvait cacher deux personnes temporairement et assurer leur protection, il était logique alors que ça soit à Al-Jeit…
La respiration, dans son dos, se fit plus profonde, apaisée. Elle en venait à envier sa capacité à s’endormir, à chasser les soucis.. ou succomber à la fatigue, malgré les apparences, elle le savait beaucoup plus affaibli qu’il voulait lui montrer.
Sa colère laissait maintenant juste place à un fond d’amertume – que même maintenant qu’il était là, tout ne tournait pas rond. Le Dragon et sa Dame avaient une façon étrange d’exaucer les prières, une façon ironique et blessante.

Âme blessée à la recherche de la chaleur qui lui manquait, Marlyn finit par se retourner, cédant les amarres de son propre entêtement, poser un bras sur lui et s’en approcher autant qu’elle osait sans le réveiller, mort qu’il était par les répercussions de l’agression, mort au monde sinon pour le battement de cœur qu’elle sentait tout contre son oreille.
Ouvrir lentement le front, l’esprit, déplier les Spires le plus doucement possible, sans créer de remous, mais sans maintenir les barrières, rester sur les chemins sans les laisser s’effondrer, écouter, le battement de cœur, à la recherche de son reflet mental, espérer trouver la chaleur dans l’Imagination semblable à la chaleur contre sa peau.
Rien, il n’y avait rien que le silence. Glaciale, l’absence de vibration, même complètement distincte et détachée de son propre pouvoir, même déliée, éteinte par le sommeil, elle avait toujours su la retrouver, petite croche dans le tissu sensoriel, et elle n’était toujours pas reparue. Marlyn avait espéré qu’avec le contact, les barrières baissées par le sommeil, la sécurité du manoir… mais il la fuyait toujours. Même dans ses bras, il lui échappait encore.
Trop fatiguée pour succomber à la colère, la Mentaï laissa sa propre fatigue l’emporter, la tête encore écartelée de chemins, à nue, de peur de rater un éventuel contact si elle recentrait ses Spires autour d’elle-même.

*
La logistique du déplacement se révélait monstrueusement tortueuse et compliquée. Que prendre, que faire disparaître, que laisser sur place, quitte à dissimuler sous des lattes du grenier ? Marlyn mit jusqu’au lendemain soir pour réaliser qu’il était hors de question de voyager par voie de terre et que la seule solution, ce serait par les Spires. L’idée avait de quoi glacer les sangs de n’importe qui : comment arriver à tout transporter sans mourir de fatigue au énième pas sur le côté ?
Dolohov n’avait jamais émis la moindre hypothèse quant à son éventuelle participation dans tout cela. Chaque fois que le sujet était abordé entre eux, avec plus de gêne que de délicatesse, elle attendait, espérait qu’il allait, au détour d’une phrase, lui montrer une technique pour économiser son énergie lors d’un pas sur le côté, ou même lui demander de le transporter à l’endroit où elle devait atterrir, qu’il puisse en avoir une vision complète, et y retourner par la suite.
Rien de tout cela, rien de beaucoup d’autres choses, même l’enfant était moins bruyant que d’ordinaire. A sa décharge, son père lui faisait l’honneur de plusieurs heures dans la journée, et Astre semblait en être parfaitement satisfait… presqu’heureux, en réalité, si Marlyn ne l’avait pas vu de ses propres yeux à plusieurs reprises, elle aurait été incapable de songer que cette petite bête pouvait sourire à l’approche de quelqu’un plutôt que pleurer.

*
Marlyn pelait les bouts de peau morte qui restaient sur son bras d’un air morne, laissant apparaître à chaque pincement le noir profond des tatouages à vif. Les Spires vibraient faiblement, par à-coup, mais ce n’était que les échos de l’Académie d’Al-Jeit. Son esprit, en vigie, ne cessait de scruter, mais c’était un océan de plomb, voué à l’immobilité. Plutôt ça que se laisser aller aux possibles et sombrer dans le Dragon savait quelle colère, il y avait tant d’autres choses à faire.

- .. ien écouté de ce que je viens de dire, encore une fois ? Hein ?

- Hein ?


Depuis quand Nounou était-elle là, plantée devant elle, les poings sur les hanches ? N’était-elle pas avec le maître, à faire le tour des limites du parc pour relever la moindre brèche ou le moindre signe d’intrusion, comme il avait dit au moment de s’absenter ?
Par réflexe mécanique, Marlyn se redressa et ôta ses jambes de la table. Mieux valait ne pas donner un sujet de plainte supplémentaire à cette source intarissable de reproches et de froncement de nez. Quant à ce qu’elle avait bien pu raconter à Dolohov… la Mentaï tenait la vieille coupable de la gêne croissante qui régnait au manoir, des moments de silence, juste avant de se coucher, où Dolohov semblait toujours sur le point de dire quelque chose et se ravisait. Le Dragon savait ce que la vieille avait pu amplifier, déformer, ou rajouter aux évènements.

- Je demandais, si j’étais écoutée, si là où nous allons, vous avez prévu des commodités pour accueillir le petit.


Evidemment que non, elle n’en avait prévu aucune. L’espace n’était pas fait pour accueillir un enfant. C’était censé être un repaire, un sanctuaire provisoire en cas de trouble, et qui lui servait de résidence quand elle était à Al-Jeit. En tant que Mentaï. Pas en tant que Sareyn. Sareyn avait, elle, cette suite qui devenait peu à peu sa demeure prolongée à la Flèche d’Argent, où Marlyn ne se rendait jamais.
Elle maugréa une vague négation, rendue en écho par un soupir de la nurse.

- Alors il nous faudra sans doute emmener son lit aussi.. et des affaires de rechange. Je retourne faire une autre malle
, termina-t-elle en trottinant déjà pour sortir de la pièce, toute affairée qu’elle était par le confort de l’enfant.

Exaspérée, Marlyn poussa un soupir d’agacement, en équilibre sur deux pieds de sa chaise. Cette histoire la rendait déjà chèvre avant même le départ.
Dans les spires, une torsion particulière lui indiquait qu’Elio essayait, dans sa manière brouillonne et aveugle, d’entrer en contact avec elle par le biais d’un sbire dessinateur inconnu.
A peine le contact laborieusement établi, elle le rompit aussitôt, car Dolohov était enfin rentré de son inspection des murets du parc ; elle l’avait attendu avant de s’attabler, et elle mourait de faim.

*
Entre six et huit pas sur le côté, pour tout emmener. Rien que d’y penser, la jeune femme borgne en avait le vertige. Rien ne pressait, elle pourrait se concentrer tranquillement, sans doute, sans crainte d’être attaquée, mais tout, dans la perspective de sacrifier son repère d’Al-Jeit et d’être obligée d’intégrer deux nouvelles variables dans sa vie de tous les jours, la terrifiait et l’agaçait profondément.
Ce n’était rien à côté de tous les sentiments opposés qui bruissaient dans ses veines à chaque fois qu’elle pensait à son amant. Malgré tout le calme possible et toute la rationalisation dont elle était capable, tout sonnait comme une accusation, une sanction d’un millier de choses qui s’étaient produites quand il était absent. Elle l’aurait accepté, mais ce n’était même pas formulé, laissé en suspens entre eux. Tout semblait tronqué, retenu, alors.

Par une magie qui dépassait sa compréhension de l’univers, Nounou avait réussi à faire tenir la moitié du manoir dans trois grosses malles, lit du petit y compris. Les coffres n’étaient pas soulevables tellement elle les avait remplis, mais si tout allait bien, il n’y aurait pas besoin de les déplacer du moindre centimètre. Si tout allait bien.
Jusqu’ici, tous les détails d’intendance avaient pris une place considérable, trop pour avoir à vraiment se confronter. Le départ laissait tout à nu, comme la marée qui se retire, rien que la douleur profonde de le quitter, ce qu’elle interprétait en colère et en amertume par instinct, sans savoir dans quel état, et si, elle devait recroiser son chemin. Le cœur en chamade, battant de milliers de reproches et de milliers d’excuses tout à la fois, même l’embrasser, revenait à dire au revoir, elle ne pouvait s’y résoudre, tout cela était terriblement brouillon.
Trop difficile.
Cette impression de n’avoir pas vraiment eu de temps pour eux, par concours de circonstances, et de… « zones d’ombre », mutuelles.
Son front céda à nouveau, contre le sien, elle s’accrochait comme un dernier espoir à cette tentative de le sentir, l’agacement rendait ses spires violentes, rageuses et tordues ; elles auraient dû frapper comme un coup de bélier, parfaitement ciblé, destiné à renverser, entourer, posséder, fusionner, ou même, être repoussée, avec cette douceur qu’il maniait toujours pour contrôler son pouvoir délétère sans lui donner l’impression de la forcer à quoi que ce soit.
C’était comme rater une marche dans le noir, en écho du je t’aime.

Un gouffre blessant, elle se détourna rapidement, maladroitement, d’un « Fais vite » prononcé sans conviction. Le premier voyage aurait dû être avec la vieille nourrice, au lieu de cela, Marlyn obliqua vers deux des malles, agrippa fermement les poignées de métal, et disparut une première fois.

*
Marlyn ouvrit à grands gestes rageurs les rideaux qui obstruaient la lumière du jour, pour laisser entrer pleinement le soleil dans la grande pièce où se mêlaient pêle-mêle ses agrets, des plantes qui séchaient, accrochées par des crochets aux poutres, des vêtements en vrac, les vêtements moins en vrac de Sareyn dans une armoire, des tâches de sang séché sur le parquet, plusieurs endroits non-déterminés qu’elle appelait « lit » quand elle était trop fatiguée pour atteindre l’autre pièce, où il y avait la cuve de bain en cuivre, et l’espace grossièrement appelé « chambre » - cette chambre qu’elle devrait d’ailleurs céder au minuscule fruit de ses entrailles et à l’énorme gardienne du-dit. . Le reste des pièces de ce bâtiment, dont le rez-de-chaussée, elle ne s’en servait pas.
Le pas sur le côté avait soulevé de la poussière. C’était sans doute ce qui embuait son regard. Il n’y avait aucune, aucune autre raison.

- Fais-lui confiance, Marlyn, fais-lui confiance, tu lui as toujours fait confiance, il a besoin que tu lui fasses confiance, fais-lui confiance..

Comme une litanie ou une berceuse, au choix, pour s’en convaincre. La jeune femme tourna s’alloua quelques minutes pour tourner en rond, serrer, desserrer les phalanges, les mâchoires et essuyer ses joues, puisque de la sueur avait cru bon de rouler dessus. Juste de la sueur.
Mais déjà il fallait repartir avant que son retard soit interprétée comme une insolence, ou un affront.

*
Transporter la vieille ET une malle en même temps s’avéra épuisant. Eviter de lever les yeux vers Dolohov, qui restait proche pour aider en cas de problème, l’était d’autant plus. Le pincement de nez de Nounou quand elle découvrit l’endroit l’acheva.
Pourtant, cette maison de ville inoccupée avait du être, un jour, luxueuse, les parquets étaient de bon bois, les tapisseries étaient de beaux ouvrages et les chandeliers, si on y remettait des chandelles, fonctionneraient encore parfaitement.

- C’est un début
, finit par lâcher la vieille, histoire de ne pas paraitre trop insultante.

- Je peux toujours vous ramener auprès Seigneur son Père, si ce n’est pas assez luxueux pour toi
, ironisa la Mentaï, au bout de sa patience.

*
Revenir l’avait laissée hors d’haleine, les spires complètement exsangues, et si Dolohov ne l’avait pas soutenue, elle serait probablement tombée.
Elle aurait préféré tomber, que de devoir s’appuyer sur lui, avec cet impression figée d’adieu incomplet.
« Ca va aller ? » s’enquit-il, et tout ce qu’elle perçut dans cette question, c’était l’inquiétude pour son fils, qu’elle ait choisi de le transporter en dernier parce qu’il était le moins « lourd » à transporter, mais que la fatigue aggravait les risques. Sans vraiment acquiescer, elle but le verre d’eau qu’il lui tendait et se massa les tempes, assise sur les marches de l’escalier du hall. Pendant qu’elle reprenait son souffle, un sourire mauvais étira ses lèvres à la pensée de Nounou seule dans un environnement qui devait lui paraitre hostile – incapable de penser une seconde que la vieille femme interpréterait son retard comme la confirmation d’un exil et d’un abandon, et vivrait quelques minutes de désarroi pur à l’idée qu’on ait pu se débarrasser d’elle de manière aussi lâche, et que surtout, son seigneur ait pu lui faire ça, à elle qui lui avait toujours été fidèle et profondément dévouée.

Dolohov se montrait exagérément prévenant –ou alors sa propre colère amplifiait une sensation banale- en tout cas quand elle voulut se relever, le Mentaï insista pour attendre encore, ils avaient le temps, mieux valait reprendre son souffle tranquillement, ne rien risquer.
Sareyn aurait bien rétorqué qu’il lui suffirait d’appuyer violemment sur la cicatrice de ses côtes pour le faire tituber encore plus fort qu’elle, et qu’elle s’en sortait très bien, mais tout cela resta coincé en amalgame entre ses dents ; et puis elle ne voulait pas partir sur ce genre de notes.

Son amant prit lui-même le petit, empaqueté dans ses couvertures, des bras de Mélany, pour le poser délicatement dans ses bras à elle. Comme toujours, Marlyn se sentait incroyablement maladroite quand elle tenait cet enfant, encore plus devant Dolohov. Après un moment de silence particulièrement pesant, il se pencha soudain, ramassa la petite peluche que l’enfant venait de faire tomber, endormi :

- Elle lui manquerait, si on l’oubliait de l’emmener avec lui.

Beaucoup de paroles se bousculaient dans la tête de Marlyn, il restait tellement de choses à dire, des excuses à formuler principalement pour les problèmes dont ils n’avaient jamais parlé, mais ce n’était plus le moment, elle le savait. C’était l’heure de carrer les épaules, d’inspirer, de paraître plus résolue, plus digne de lui –et de sa confiance- que de tout son séjour dans le manoir.
Si elle s’était dressée fugacement pour l’embrasser à ce moment-là, elle n’aurait plus été capable de partir.
Heureusement, son dessin bascula avant sa résolution.


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