Révélation (RP terminé)

[ Ce Post se situe théoriquement juste après le retour de Nathaël et Anael]

C'était une démarche qu'elle avait voulu repousser le plus loin possible. Très loin. Plus tard. Et puis, il avait fallu se rendre à l'évidence. Elle était forcée de lui expliquer. De lui raconter. Entre eux, une certaine tension semblait omniprésente. Mais elle devait passer outre le passé.

Si les pas de Nathaël étaient légers et silencieux, malgré le poids d'Anael, ceux d'Ena ne l'étaient pas du tout. A chaque pas répondait un écho, rasionnant sur les dales mal agencées. Elle tentait de faire le vide dans son esprit, vainement, et son visage était étrangement tendu. Pas si étrangement que ça, en fin de compte. Elle soulagea Nath du poid d'Anael. La jeune fille enfouie son visage dans son épaule. Du haut de ses 6 ans, elle paraissait comprendre les sentiments du moment. Elle était fatiguée, harassée par la tragédie et le voyage, mais ses yeux pétillaient d'inteligence. On aurait dit Shéya.

Elle frappa à la porte, juste de façon à annoncer sa venue, et n'attendit aucune indication avant d'entrer. Elle poussa le batant de sa main libre, et, suivie du marchombre, entra. Il s'agissait d'appartements simples et sobres. les murs étaient clairs, le sol droit et à la carrure régulière. Ils n'étaient pas de très grande taille. Une pièce rectangulaire et régulière. Un lit, spartiate, adossé au mur, une table, deux chaises. Une fenêtre éclairant le tout, un plafond assorti aux murs pour refléter la lumière. Il y régnait une ambiance calme, et dans l'air, en faisant attention, on pouvait percevoir une légère odeur d'air extérieur, des essences de fleurs, mélangé sans aucun doute à l'odeur du travail.

Adossé à la fenêtre, légèrement avachi, mais gardant un port droit, se tenait le Magister remplaçant. Il ne semblait presque pas supris de voir quelqu'un entrer, et au vu des pas claquants de la maître Marchombre quelques instants plus tôt, ce n'était pas éttonnant. Elle posa Anael au sol, et, consciente de sa position, attendit une invitation à parler.

Avec une lenteur plus que délibérée, Valen se leva de sa chaise et vint se placer juste devant la jeune Anael pour mieux l'observer. Physiquement, il était impossible d'ignorer qui était sa mère car la ressemblance était par trop évidente, même si elle était subtile. Par ailleurs, comme le disait Ena, la jeune fille n'avait aucune ressemblance avec Nathaël Al' Assad, aucune ressemblance physique du moins. Il était trop tôt pour pouvoir l'affirmer de manière certaine, mais le demi-Faël était pratiquement certain que Anael ne deviendrait jamais une marchombre... c'était le pressentiment qu'il avait en ce moment-là, mais, qui sait, l'avenir pouvait bien le démentir.

Se relevant alors, il avisa Nathaël d'un regard insondable et lui adresse la parole de manière froide et autoritaire :

- Maître Al' Assad, je vous prie de nous laisser seul. Maître Nel' Atan et moi-même avons à parler longuement.

Toujours avec cette lenteur délibérée qui le faisait paraître bien étrange en ce moment, il se détourna du marchombre et vint se rasseoir à son bureau. Dès que Nathaël Al' Assad eut quitté la pièce, il s'adressa à Ena sur un ton ironique :

- Et bien, Ena Nel' Atan, auriez-vous oublié d'autres choses encore dont vous deviez me parler?

La jeune femme regarda le demi-faël détailler sa fille avec attention. Il lui portait une attention étrange, et impulsivement, elle sentit son échine se bloquer, sous la tension. La petite fille se tenait immobile. Il recula enfin, et jeta leva les yeux vers Nathaël. Sa voix était dénué de son ironie habituelle. Dure et franche. La marchombre serra les dents, et masqua son regard assassin. Elle fit signe à Anael de suivre Nath et se retourna vers Valen. Quand la porte se fut refermé, le magister reprit sa place derrière son bureau et son ironie habituelle.

- Et bien, Ena Nel' Atan, auriez-vous oublié d'autres choses encore dont vous deviez me parler?

La Maître Marchombre n'eut aucun frémissement. L'air était frais, mais trop plein de parasite pour être respirable. Elle fixa longuement l'homme digne, dont les épaules s'étaient pourtant légèrement avachies, essayant de sonder son regard éteint. Elle prit un ton détaché et très cordial.

-Il y'a quelque chose que tu attends de moi?

Alors que le Maître d'Arme s'évertuait à la vouvoyer, elle mit une certaine légèreté dans son tutoiement, pour aléger l'attaque.

Valen planta son regard dans celui d'Ena. L'instant que dura ce regard parut pratiquement éternel, tant il fut long. Le demi-Faël se détourna alors pour aller se planter devant sa fenêtre et regarder le paysage par delà l'enceinte de l'Académie.

- Ce que j'attends de toi, Ena Nel' Atan? Me parler des choses dont je devrais avoir éventuellement la connaissance serait un bon début. J'ignorais que tu avais une fille, Merwyn de même. Pourtant tu conviendras que c'est un détail qui revête une certaine importance, ne fut-ce que pour d'éventuelles mesures à prendre pour veiller à son confort et à son éducation. Donc, je repose la question, Ena Nel' Atan, il y a d'autres choses dont tu devrais me parler?

Valen se retourna alors et planta une fois encore son regard glacial dans celui d'Ena. Immobile, silencieux, totalement impassible et insondable, il attendait sa réponse. Le silence se faisait lourd...

La marchombre haussa un sourcil. Puis redevint immobile. Le silence s'alourdit, s'épaissit. Se répétant les paroles de Valen, elle crut bientôt suffoquer. Il ne bougeait pas. Elle se laissa le temps de réfléchir. Planta ses yeux dans ceux, las, du demi-faël. Il y 'avait dans ses yeux comme...Une pointe de défi. A peine envisageable, cachée par sa lassitude et l'angoisse ambiante et palpable. Mais...Elle respira légèrement, puis pris une voix détachée.

-Il y 'a un nombre incalculable de choses que j'aurai à te dire...

Elle s'arrêtta, s'approcha du demi-faël, puis baissa le ton pour continuer.

-Mon envie de te sauter à la gorge, là, tout de suite. Le dégout que tu m'inspire, ma haine, ta faiblesse et ton honneur à ce point bafoué...Je pourrais te conter tes erreurs, les unes après les autres...Mais ce serait si long...

Elle s'arrêtta, de nouveau. Elle attendit un instant, puis se rapprocha encore. Elle entendait le souffle légèrement saccadé du Maître d'Arme, tout proche. Elle reprit, en chuchotant.

-Cette enfant est la fille d'un Mentaï.

C'était tout ce qu'il devait savoir. Elle aurait aimé le lui cacher. Mais elle ne pouvait pas. Quand elle recula, un éclair passa dans ses yeux. Elle était presque sur que Valen ne l'avait pas vu. Un éclair léger et fugace. Une pointe de regret. Elle regarda le viel homme. A ce moment, il paraissait plus vieux que jamais. Elle se recula, baissant les yeux, incapable de le regarder encore. Elle attendit l'ordre de sortir.