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 Tu souris à me voir me perdre, me retrouver si bas. [Terminé]

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Elio Tharön
Elio Tharön

Mercenaire du Chaos et Maître de la boutique du Talion
Messages : 306
Inscription le : 06/02/2009

MessageSujet: Tu souris à me voir me perdre, me retrouver si bas. [Terminé]   Tu souris à me voir me perdre, me retrouver si bas. [Terminé] Icon_minitimeLun 15 Avr 2013 - 23:01

Le monde était mort en Gwendalavir. Mort de fatigue, pelotonné dans sa couche douillette, les rêves défiant l’imaginaire et les soucis fondant au son des ronflements. Le monde était mort et Elio vivait. Il ne pouvait pas s’empêcher d’avoir cette sensation exaltante lorsqu’il se réveillait en pleine nuit pour s’occuper affaires. Il devait être trois ou quatre heures du matin. Même les rebelles des bacs à sable étaient rentrés chez eux, non contents d’avoir trouvé occupation, ou déjà trop saoul de leurs passages aux bars. Bars fermés. La rue marchande serait déserte. Morte. Et l’ombre du mercenaire filerait si vite que même un insomniaque à sa fenêtre ne pourrait le voir.
Il se leva sur la pointe des pieds, respectant le sommeil de sa suivante dans la chambre d’à côté. Pas besoin de réveil, il contrôlait à présent parfaitement son horloge interne. Marlyn le lui avait appris, afin de ne pas réveiller ses camarades de l’Académie lors de leurs rencontres nocturnes, et afin de garder tout de même son quota de sommeil. Une ombre endormie est une ombre en danger. Il n’enfila qu’une chemise de cuir et un pantalon semblable, puis se glissa dans ses bottes. Il n’allait pas en mission, nul besoin d’armures. Il prit toutefois son gant, créé par Fell, et un poignard, au cas où. Son arc le gênerait dans ses mouvements, et s’il était attaqué, ce serait par surprise, et sûrement de près. Il le laissa donc avec regret sur son présentoir.
Il garda avec lui une simple bougie pour se déplacer dans la modeste masure, et était proche de la porte lorsqu’une petite voix ensommeillée le figea.

-Elio ?

Il ferma les yeux, soupirant déjà de ce qui allait se passer. Puis se tourna, faisant face à sa suivante, vêtue d’une chemise d’homme, trop grande pour elle.

-Retourne te coucher, Charlize. Excuse-moi si je t’ai réveillé.

Un ton plus autoritaire aurait renvoyé directement la jeune fille dans sa chambre, sans questions, mais il ne pouvait s’y résoudre, à la voir ainsi, les yeux rougis et sa mine timide. Avec tout ce qu’elle faisait pour lui, il ne pouvait se permettre de la malmener. Mais comme attendu, elle ne fit pas demi-tour et au contraire s’avança un peu plus.

-Où vas-tu ?

Le regard du jeune homme se fit soudainement noir. Elle comprit de suite.

-Dé-désolée. Je suis désolée, Elio ! C’est juste que…tu travailles trop ! Je…j’voudrais pas que…Si jamais tu…en pleine nuit c’est dangereux…J’ai…j’ai peur pour toi.

Elle paniquait comme une mère qui envoie son fils au combat et Elio ne put se résoudre à l’envoyer paître. C’était bien une des premières fois que l’on se souciait de lui, aussi lui offrit-il un sourire tendre.


-Ne t’inquiète pas pour moi, d’accord ? Je serais de retour pour prendre le petit-déjeuner avec toi.

Il savait qu’il venait de gagner le jeu. Charlize lui offrit son sourire le plus éclatant et retourna illico dans sa chambre en lui chantant un « bonne nuit », trop heureuse, pour une fois, de partager son repas avec Elio. Elle imaginait déjà quels délicieux gâteaux elle lui cuisinerait dès l’aube.
Il put ainsi quitter l’auberge tranquille. Il ne partait pas toutes les nuits, envoyant très souvent Finnegan pour lui. L’homme était un réel allié pour le Talion et prenait plaisir à agir pour l’ombre du gamin qui l’avait sauvé de la pendaison. Mais soucieux de ne pas l’exploiter, de temps à autre, il lui laissait sa nuit, et allait lui-même vérifier si de nouvelles demandes étaient ou non arrivées dans sa petite boite de pierre. Il se hissa sur l’arrière du toit de son voisin, et parcourut les tuiles avec prudence et silence. Passer par en haut lui assurait doublement de ne pas faire de mauvaises rencontres. Et comme il s’y attendait, la rue marchande était vide. Morte. Et lui vivant.
Sourire en coin, il sautait de toit en toit, savourant l’air frais de la nuit, et salivant d’avance de la collation du matin qui ne tarderait pas à venir. Il atteint enfin l’endroit souhaité. Un recoin en cul-de-sac où peu de gens s’aventuraient lors des mauvais jours. L’endroit idéal pour le larcin ou les agressions de bas étage. Il sauta à terre, et s’accroupit. Entre les deux pierres qui touchaient terre résidait une légère ouverture. Plus une fente qu’autre chose en réalité. De quoi y glisser des papiers, sans pouvoir les récupérer. La boite aux lettres du Talion. Sur la gauche, minuscule, une serrure en forme de simple trou d’usure. Elio sortit une chaine de sous sa chemise, sur laquelle pendait une clé toute aussi petite que la serrure faite sur mesure qui lui faisait face. Vérifiant une dernière fois que personne n’était là, il ouvrit son coffre de trésor. Un seul papier l’y attendait. Il ne s’en formalisa pas. Les gens étaient des pleutres et il leur fallait du temps avant de se décider à le contacter. S’il n’avait pas des demandes tous les jours, la rumeur du Talion faisait son petit bonhomme de chemin et de plus en plus d’hommes étaient tentés par ces méfaits inconnus. Il glissa le papier dans sa poche sans le lire. Il en aurait tout le temps une fois rentré, et ne voulait prendre aucun risque à trainer sur place. Il referma avec soin la pierre, et grimpa à nouveau sur les toits, avec cette fois-ci la hâte de lire sa prochaine mission.  

Il décida de ne pas rentrer de suite, trop éveillé pour retourner au lit en attendant le petit déjeuner. Il prit donc le plaisir de parcourir les toits, et courut même jusqu’aux forêts pour un peu d’exercice physique. Il aurait presque put aller chercher Requiem, mais vu la tête de mule, celui-ci lui aurait fait payer d’avoir été réveillé à cette heure là.
Lorsqu’il revint à l’auberge, une odeur de viennoiserie chaude lui titilla les narines et il sourit. A peine fut-il rentré, que Charlize l’invitait à table, le pressant d’enlever ses bottes. Se prenant au jeu, il s’affala à table et se servit copieusement. Il ne put toutefois résister plus longtemps, et, sourd aux histoires que lui racontaient à présent sa suivante, il déplia le papier.
La figue fourrée aux fruits se coinça dans sa gorge.
Pris d’une violente toux, il tapa du poing sur la table, le visage livide. La jeune fille paniqua et aida comme elle put Elio à sortir le morceau coincé en lui tapotant le dos. Elle eut, enfin, la jugeote, de lui faire boire du lait de siffleur pour faire passer le morceau. La confiserie passa. Mais pas le teint horrifié du garçon.

-ça ne va pas Elio ? S’inquiéta la petite. J’ai raté un plat ?

Il ne put même pas lui répondre, se contentant de secouer la tête pour la rassurer. Il se leva, mais ses jambes ne le portèrent pas, et il s’écroula lourdement sur le sol. Charlize, le pensant malade, le porta tant bien que mal jusqu’à sa couche, et le borda, ne cessant de piailler qu’elle allait faire venir un rêveur et qu’elle était honteuse de l’avoir empoisonné. Il ne fut tranquille que lorsqu’elle se décida à aller chercher le-dit rêveur.
Il rouvrit son poing jusqu’alors serré à s’en abimer les jointures et ressortit la demande de vengeance.

Enelÿe Ril' Enflazio


Si contact nécessaire, rue marchande, animalerie, zenith. Difficile.
La Borgne.

Son estomac fit une roulade peut appréciée et il crut vomir tout son festin du matin. Des bouffées de chaleurs soudaines le faisaient suer et ses mains tremblaient affreusement, comme un pauvre débutant en crimes.
Enelÿe. Ce n’était pas possible. Il y avait sûrement plusieurs Enelÿe en Gwendalavir. Mais pas fille adoptive de ce trésorier noble. Il n’arrivait pas à y croire. S’il avait pensé à l’éventualité d’avoir pour mission de tuer Kylian, jamais, au grand jamais il n’avait envisagé de devoir éliminer Ene ! Qui pouvait donc en vouloir à une princesse si mignonne et inoffensive ? Personne ! Alors à son nouveau nom ? Son père ? Si tel étais le cas, c’était Varsgorn qui méritait la mort. Pas elle !
Malade, il relut le destinataire et manqua de défaillir à nouveau. La Borgne. Etait-ce une coïncidence si lors de sa dernière mission il avait appris que son mentor se faisait appeler La Borgne au sein des mercenaires du Chaos ? Sûrement pas. En matière d’affaires, il n’y a pas de hasard.
Il ne comprenait pas. Mais vraiment, vraiment pas. Il n’avait jamais parlé de son lien avec la kaelem à Marlyn. Et même s’il ne doutait pas qu’elle pouvait être au courant, plus intelligente que quiconque, il ne voyait pas la raison qui la poussait à demander sa mort. Surtout à lui ! Une nouvelle épreuve ? Le zénith de sa formation pour lui prouver qu’il était bien ombre, qu’il n’hésitait pas encore, en équilibre, comme avec Elera ? Zénith. Comme précisé sur le papier. Indice ?
Il passa une main fébrile dans sa chevelure humide, cherchant un sens à tout cela. Ce ne devait être qu’une vaste blague. Mais Sareyn n’était pas connue pour son sens de l’humour. Et Talion n’accepterait jamais une telle mission. Il était maitre de son propre réseau, après tout. Il devait faire face. Et ordonner. Qu’importe la foutue épreuve de sa formation. Il allait de suite trouver son maître et lui expliquer la situation. Il n’était plus le fragile garçon s’accrochant à une marchombre. Il n’avait pas besoin de prouver à qui que ce soit sa part d’ombre. Tuer son père n’avait donc pas suffit à la mercenaire ? Il revendiquerait son manque d’équilibre et son affection pour la dessinatrice. Il ne la tuerait pas. La vengeance était due à son nom, il ne voyait pas quoi d’autre. Et il grogna, se souvenant avoir déjà grimacé en apprenant son adoption. Quelle sotte. Marlyn devait accepter de punir Varsgorn autrement. A moins que ce ne soit une épreuve. Auquel cas, elle n’avait pas à faire appel au Talion. Le Talion était un réseau de vengeance. Et il en était le maitre. Point.
Sauf que s’il s’agissait d’un test de formation, La Borgne restait le maitre. Il déglutit, trop mal pour réfléchir plus.

Une fois le choc passé, il devint invivable. Il renvoya avec colère l’assistant rêveur qu’avait trouvé Charlize, et ne plia pas devant ses yeux humides. Il la traita même avec mépris, l’enjoignant à ne plus cuisiner que ce qu’elle savait cuisiner. Ce qui valut des sanglots insupportables à entendre toute la matinée. Les murs reçurent énormément de coups d’armes, avec pour excuse qu’Elio entretenait ses produits. Mais la rage était l’unique dénominateur de tout cela. Il ne tenait pas en place, jurant mâchoire crispée et surveillant la place du soleil. La devise du Talion était « œil pour œil, dent pour dent ». Qu’importe que la demande vienne de Marlyn, il appliquerait la devise. Et refuserait la demande. Il en avait le droit. Si elle voulait un challenge, alors elle venait de s’y prendre de la plus mauvaise manière qui soit. Elle s’était placée en cliente. Elle serait reçue en cliente. Enfin presque. Une cliente simple aurait reçu un mot posé par Finnegan. Mais il voulait en découdre avec son supérieur. S’expliquer. Ou il allait devenir fou. Fou de savoir qu’on pouvait attaquer grâce à lui des personnes chères à son cœur.


-Mais quel con, quel con ! Faut pas ressentir, merde ! Faut pas AIMER ! PERSONNE ! ON AIME PERSONNE !  PAR PAS PLAISIR, FIENTE DE TS’LISH ! MAIS POUR EVITER D’AVOIR MAL !


Charlize le regardait, yeux grands ouverts, bouche bée.


-T’ENTENDS ? FAUT PAS AIMER !

Et elle pleura à nouveau. Il la consolerait. Du moins donnerait un semblant d’excuse. Mais plus tard. A présent il avait rendez-vous à l’animalerie.

L’animalerie se trouvait plus bas et il n’eut aucun mal à s’y rendre. Il travailla son pas pour paraitre le moins tendu possible. Il allait se montrer en plein jour, mais savait exactement qui trouver dans cette foutue boutique. Les carillons d’Al Pol sonnèrent le zénith au moment même où il poussa la porte et annonça son arrivée au rendez-vous. Le cœur battant la chamade, il releva un regard noir, prêt à demander explications à Marlyn.
Sauf qu’il ne s’agissait pas de Marlyn.      


Dolohov Zil' Urain
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MessageSujet: Re: Tu souris à me voir me perdre, me retrouver si bas. [Terminé]   Tu souris à me voir me perdre, me retrouver si bas. [Terminé] Icon_minitimeJeu 9 Mai 2013 - 16:06

Dolohov n’était que tension.
Et tout était bon pour évacuer cette tension.

Il y avait quelques temps qu’il n’avait plus croisé de miroir, et s’il en avait eu l’occasion, il aurait eu un mal fou à se reconnaître lui-même. Son voyage avait diminué la pâleur fragile de ses joues, qui se coloraient d’un indécent « bronzage » – elles n’avaient pas vraiment pris la teinte de l’ambre, mais comme des traces de rougeur, des marques que le vent auraient laissées. Ce n’était de toutes façons pas le bronzage qui lui aurait frappé l’œil : Dolohov n’était plus lui-même, et ne le serait certainement pas avant d’avoir pu se laver complètement, dans une véritable baignoire, avec du bon savon.
En attendant, sa barbe était sale, ses vêtements sentaient la rue, les fossés du long des routes, le cheval et la poussière des routes, ses cheveux sentaient la fumée du mauvais ragout de la veille, son cuir chevelu le démangeait, ils étaient ternis, et, s’il lui venait l’idée incongrue de détacher maintenant son catogan strict, Dolohov était persuadé de les voir en garder partiellement la forme, rien qu’au toucher, il aurait pu s’en rendre compte.

Présentement, il se grattait la barbe, qu’il avait éparse et inégale sur les joues, et la sensation de ses poils sur les joues suffisait à le dégouter.
En d’autres circonstances, il aurait été follement amusé par sa faculté à se faire passer, faute de soin, pour le dernier des roturiers, et sans doute, il aurait pu théoriser des heures sur ce qui faisait sa caste supérieure, et donc ses facultés d’adaptation supérieures.

C’était un des nombreux panaches de la noblesse : savoir identifier les siens. Combien de faux nobles, ou d’anoblis étaient perçus et jugés par eux dès leur première apparition. Les siens étaient habitués aux regards qui les dévisageaient, sans en paraître ni friands ni offusqués. C’était le prix de leur existence, voilà tout. Et la roture ne l’ignorait pas.
Mais la roture, trop habituée à regarder vers le haut cessait de regarder ses semblables avec la même acuité, l’image de son propre reflet de misère était sans doute trop insupportable, ou les roturiers se considéraient-ils tous comme frères, et voyaient sans plus regarder, forcés par l’habitude.

Quelle qu’en fut la raison -ses vêtements de voyage, ses gants de cuir qui dissimulaient ses mains trop lisses que pour être celles d’un guerrier ou d’un travailleur, ou alors, tout simplement le fait qu’il ne trompait personne, et que personne ne voulait déranger un noble qui ne désirait pas l’être, ou simplement son attitude patibulaire- nul ne lui adressa une parole de trop, et ne sembla l’observer plus qu’on observe un voyageur banal.
Il se remit en route pour la ville, très peu de temps après l’aurore, sans pouvoir y tenir.

Chaque parcelle de son être criait son impatience, les muscles qui roulaient discrètement sous ses vêtement, le froncement de ses sourcils, et ses yeux qui ne parvenaient à se fixer sur rien sans chercher partout des nuances de… de quoi ? Du bleu du regard de Marlyn ? Du bleu des spires ? Du rouge du sang, d’une ombre qui prendraient le pas de son ombre ? Chaque parcelle de son être, sans qu’il put rien y faire, traduisait qu’il était un homme qui rongeait son frein, et dont il ne restait guère qu’un fil à ronger avant que n’éclate…
Mais quoi ?, se railla Dolohov, en fermant derrière lui la porte de l’établissement. De la rage, de la colère ? Qui redouterait un homme sans spires, incapable de contacter tout son réseau, et d’être même complètement sûr qu’il le possédait encore ?
Il s’obligea à penser qu’il pourrait encore tout bouleverser. Différemment, certes. Mais après tout, la morsure d’une lame était plus douloureuse qu’une bulle glissée furtivement dans une artère. Tant pis pour l’univers, si quiconque avait l’incroyable audace de s’opposer à lui.

Le mentaï était du genre prévoyant. C’était un moindre reproche à lui faire- sous pression, comme n’importe quel humain qui menait une triple vie au moins- une forme légère de paranoïa était un moindre mal. Il ne s’approcha pas de la fente dans laquelle ceux qui désiraient se venger glissaient leurs vœux les plus chers. C’était bien trop risqué. Peut-être même qu’il ne viendrait pas à l’idée du maître du Talion de contester sa demande. Dolohov n’osa pas y croire, trop de choses tournaient au vinaigre ces temps-ci, et mieux valait être trop prudent.

Il commença sa ballade par un tour de toutes les boutiques du quartier de la ménagerie- le prétexte parfait à une patrouille de rue qui complétait les informations qu’il possédait déjà sur le nombre de gardes qui sécurisaient les rues et la fréquence de leur passage (par Iolan et les réseaux de voleurs), ceux qu’il identifia plusieurs fois, dans des endroits qu’il jugea stratégiques, ou trop anodins, comme ces ivrognes, vaguement endormis dans le caniveau, et qui avaient un trop bon point de vue sur tout.
Il prit soin d’acheter ce qu’on s’attendait à ce qu’il s’achète :une pomme au miel, aux alentours des 10 coups du matins, avec une pensée pour Miaelle, et un onguent censé fortifier et entretenir les cuirs. Il dénombra aussi, par habitude les issues, les accès, les possibilités que développait la ménagerie, mais dû le faire avec moult circonvolution, et sans jamais s’attarder. Savait-on jamais.

Finalement, il s’approcha, circonspect, de la ménagerie, commença par observer avec attention les cages laissées à l’extérieur- et toutes pleines d’oiseaux, en tâchant de deviner l’emplacement des choses et des gens qui étaient à l’intérieur. Contempler les oiseaux en cage lui donnaient un début de nausée, non pas à cause de l’image poétique qu’ils suscitaient forcément, juste parce qu’effectivement, il devrait envisager d’en acheter, si sa rencontre avec Lev s’avérait… un échec.
Il ne fallait pas penser à Lev.
Lev ne faisait que concentrer les tensions- et il lui resterait encore bien des heures à ne penser qu’à leur future rencontre. Non, c’était avant tout pour cela qu’il avait décidé de cette situation : il fallait qu’il se distraie aussi longtemps que possible. D’abord s’accommoder de Talion, occuper ceux qui pourraient trop facilement lui nuire.

Il finit, à force de temps par identifier les clients qui étaient à l’intérieur et semblaient s’y attarder et ça n’incluait qu’une ou deux personnes –sait-on jamais, Elio était peut-être, tout comme lui, quelqu’un de prévoyant. Il se décida d’entrer, une fois son tour des cages réalisé, et entreprit une longue discussion avec la famille de tenancier, sur les oiseaux, leur dressage et leur entretien, confiant que son maître hésitait à en acquérir un ou deux.

un ou deux oiseau, ce n’était guère alléchant, et rapidement, lorsque cette information fut glissée, la vendeuse principale tenta de se dépêtrer de lui, pour concentrer ses efforts sur un noble, qui contemplait depuis l’extérieur les créatures les plus exotiques.
Parfait, songea-t-il. Elle serait occupée à d’autres chats. Il se posta devant les articles pour monture, qu’il s’attacha à comparer distraitement.

Il n’eut guère à attendre.
Il entra avec le son du carillon- impétueux, et en cela, Dolohov reconnaissait les défauts que Marlyn possédait elle-même. La boutique ne s’était pas vidée, en soi, et il restait bien une petite fille, qui tenait son chien en laisse, dans le rayon voisin, mais leurs regards se croisèrent sans hésitation.
Le mentaï ne s'était pas attendu à autant de… colère.

Mais après tout, que savait-il d’Elio Thäron, sinon son nom, son statut d’élève de Marlyn, qui lui avait assuré qu’il ferait seulement un bon mercenaire, puisqu’il était seulement guerrier, et Dolohov s’était désintéressé de cet adolescent, persuadé qu’il ne vivrait guère vieux.
Force était de constater qu’il s’était trompé, puisqu’elle lui avait reparlé, au cours de l’année écoulée, de son apprenti et d’un audacieux réseau. Ainsi Marlyn, malgré ses propres difficultés à conserver la vie et un masque était parvenue à maintenir envie le solide guerrier qui avançait vers lui, à présent, les dents et les poings serrés, malgré l’air ahuri qu’il avait eu en levant les yeux sur le mentaï.

Il y avait quelque chose d’insupportable à savoir qu’ils étaient tous les deux aveugles et sourds de la même manières, tous deux dépourvus de spires, et qu’au corps à corps, l’autre l’emporterait sans aucun doute. Qu’il était également plus jeune, beaucoup plus jeune que lui, plus fauve, plus mâle, quand bien même il était très légèrement plus petit que l’aîné.

Il était encore plus difficile de se dire qu’il n’aurait même pas le droit de jouer sur la supériorité sociale pour rasséréner son égo. Aujourd’hui, il était personne, un personne roturier et barbu, qui n’avait même pas revendiqué pour lui la mort d’Enelÿe Ril’ Enflazio. L’autre le jaugeait
Au moins était-il probablement le plus maîtrisé des deux, probablement le plus intelligent.
Jouant le jeu de sa roture, il commença, cavalier, pour donner le ton, et garder la main sur la partie, transformer en impulsion ses tensions :

-Bah quoi, mon gars, tu n’as jamais vu quelqu’un qui cherche un harnais tout seul ? La petite Demoiselle du rayon d’à côté a pu rentrer avec son chien, mais j’aurais été bien en peine de rentrer ici avec ma monture. Enfin, celle de mon maître, se reprit-il. Mais j’pense surtout à elle.

Il secoua la tête, après un petit rire, puis désigna le fourbi du magasin.

-Je lui cherche un mord. Et toi, gamin ?

Il se demanda si l’autre n’allait pas purement et simplement l’attraper par le col, le trainer dehors dans une allée voisine, et le tabasser proprement. Après tout, c’était l’heure où la garde était relevée. C’était une possibilité à ne pas repousser, pour quelqu’un qui fait commerce de la mort, Dolohov s’y était préparé, même s’il mourrait d’envie de l’exclure carrément, et sa question avait l’air de la hisser au rang de probabilité.


Elio Tharön
Elio Tharön

Mercenaire du Chaos et Maître de la boutique du Talion
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MessageSujet: Re: Tu souris à me voir me perdre, me retrouver si bas. [Terminé]   Tu souris à me voir me perdre, me retrouver si bas. [Terminé] Icon_minitimeVen 17 Mai 2013 - 16:50

Il ne comprenait pas. Et cela décuplait sa frustration et son indignation. Il devait retrouver la borgne dans cette foutue boutique. Pourquoi n’était-elle pas là ? En retard ? Ou une erreur ? Y aurait-il plusieurs borgnes dans l’empire? Des borgnes en nombre, ça oui. Mais La Borgne. Elle n’existait qu’en un seul et unique exemplaire. Il déglutit, cherchant frénétiquement une indication dans les rayons. Une gamine avec son chien. Absolument pas à tenir en compte. Et la vendeuse parlementait avec un homme, dehors, sur des oiseaux tropicaux. Son demandeur ne devait sans doute pas perdre son temps à discuter prix. Restait alors cet homme là. Ce roturier dévisageant les accessoires pour chevaux. Il fit un pas en avant vers lui, et sut qu’il était le bon dans son regard. Il n’était pas le moins du monde surpris de le voir, au contraire. Il le détaillait silencieusement. Au commun du mortel son inspection serait passée inaperçue. Mais Elio n’était pas le commun des mortels. Il avait eut Marlyn pour maitre, et se souvenait encore des leçons sur la façon d’analyser quelqu’un sans qu’il ne se doute de rien. C’était donc lui. Venant pour elle ? Par elle ? A cause d’elle ? La colère ne disparaissait pas, bien au contraire, nourrie par les questions et l’exaspération.

Il osa prendre la parole. Il osa entamer la conversation et prétendre encore qu’il n’était que simple acheteur. Plaisantant. A l’instant, Elio aurait voulu le prendre par le cou et lui faire crier supplice dans un de ses culs-de-sac favoris. L’heure était parfaite, de plus. L’heure de la relève des gardes. Aucun ne remarquerait la petite altercation, trop occupé à discuter un moment avec leur confrère, et à profiter de ce court instant de pause. Sa mâchoire grinça, et il crut que les larmes allaient de nouveau jaillir tant il se contenait. Fort heureusement pour lui elles restèrent à l’intérieur de ses paupières, invisible. La boule dans sa gorge descendit très lentement, tandis qu’il s’accrochait à la raison pour ne pas tuer ce culotté de suite. Il se concentra sur l’analyse, tentant de deviner à qui il avait affaire, et pourquoi avait-il signé La Borgne.

L’homme se voulait peut-être grand, et roturier de base, mais il n’en était pas un. Il le su de suite. Son déguisement était très avisé, bien pensé. Il ne pouvait par là que connaitre Marlyn. Sauf que ce n’était qu’à moitié un déguisement. Si la barbe revêche avait été factice, laissé poussé pour l’occasion, elle ne présenterait pas ces petites rougeurs à l’intérieur. Rougeur d’un homme qui s’est gratté. Gratté car gêné. Mais gratté de nombreuses fois. Donc habitué. Il n’avait que profité de son sale état pour en faire un masque.
Il pouvait parler aussi bien le roturier qu’un réel roturier, on n’enlève pas à un noble son accent. Ce petit son feutré qui ressort sur quelques voyelles. Ma monture. Un serviteur n’ose pas même utiliser les mots « ma », « mon », « moi » ou tout autre possessif. Car il ne possède rien. Un serviteur ne se trompe pas sur ce qui est à son maitre.
Ce n’était qu’un putain de noble qui se croyait tout permis. Permis de tuer. Permis de se faire passer pour autre. Permis de signer par un autre nom que le sien. Permis de se foutre de sa gueule.

Le déclic se fit en un douloureux souvenir. Druska. Et la mission. De là qu’il avait appris le surnom de la Borgne. Et de sa Majesté. Là était donc ce fameux lien. La majesté avait pris le nom de sa putain pour ordonner l’ordre de tuer une simple enfant innocente. C’en était à vomir de lâcheté.
La haine atteignait alors son apogée, d’autant plus qu’il ne pouvait plus le tuer. Tuer le sauve-conduit et l’amant de son maitre serait signer sa propre mort. Et que ce con dispose d’une telle chance le tuait littéralement. Ses phalanges craquèrent, et il fixa son regard sur les articles du magasin pour éviter de lui foutre son poing dans la gueule.

-Et moi je cherche la lâcheté.

Ses yeux bleus changèrent de direction pour chercher ceux de sa Majesté.

-Majesté.

L’intonation y était. Pas le respect.


-Mais je crois l’avoir trouvé, alors…Ne me reste plus qu’à en connaitre le prix.


Ses lèvres esquivèrent une grimace de sourire.

-Car le mien sera toujours trop élevé pour vous. Et ce malgré toutes les innombrables propositions que vous pourrez me faire. Mais ce fut un plaisir.

Il lui tendit la main, lui offrant dans cette poignée le retour du papier demandeur. Il ne se priva pas de ce contact pour y déverser toute sa colère dans la pression de ses muscles.

-Lorsque le contractant ment sur son identité, le contrat devient nul et non advenu, votre Majesté. Vous devriez le savoir. Et vous n’êtes pas la Borgne.

Il le lâcha, prêt à partir. Se ravisa.


-A moins que vous n’ayez meilleur prix que celui que vous valez ? Pourquoi Enelÿe ?


La géhenne de cette trahison, de cette mascarade lui donnait envie de frapper le monde entier. Mais la gamine s’occupait toujours de trouver le meilleur collier à son chien, et la vendeuse argumentait pour vendre non seulement les oiseaux, mais la cage de luxe qui s’y associe. Ne restait que cet énergumène. Il lui donnait une dernière chance. Celle de lui dire pourquoi. Enelÿe n’était qu’un dommage collatéral, il en était intimement persuadé.
Il aurait voulu avoir affaire à Marlyn, et lui expliquer calmement qui était la kaelem à ses yeux. Mais il savait à présent que l’idée ne venait nullement de la mercenaire. Elle ne tuait pas les enfants, pas les innocents. Pas inutilement. L’ordre venait de bien plus haut. D’un bien plus haut qui avait des ennemis. Et qui se foutait des dommages collatéraux pour s’en débarrasser. Sauf qu’il ne s’en débarrassait pas lui-même. Trop lâche. Sa Majesté avait peur de se salir les mains et faisait appel au Talion.
Quand bien même il ne lui répondrait pas, Elio n’en resterait pas là. Mais pas besoin de décisions extrêmes. Un homme si puissant qui faisait appel à une nouvelle organisation avait ses raisons. Il ne voudrait donc pas laisser tomber. Il n’accepterait pas le refus. Et voudrait faire plier le Talion.
Mais le Talion ne plie pas. Surtout pas lorsqu’il s’agit d’une princesse.




[C'est court, mais Elio ne peut qu'attaquer avec des questions. Et il me faut des réponses. Et je vois mal Dol inactif xD Donc édition si jamais tu n'y trouve pas matière ! ]

Dolohov Zil' Urain
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MessageSujet: Re: Tu souris à me voir me perdre, me retrouver si bas. [Terminé]   Tu souris à me voir me perdre, me retrouver si bas. [Terminé] Icon_minitimeJeu 23 Mai 2013 - 1:42

Parce que l’autre et Marlyn partageaient la faculté de le surprendre, il prit le parti de ne pas se formaliser réellement des premiers mots d’Elio.
Son sourire disparut néanmoins, ses pupilles s’étrécirent, et son égo, déjà en souffrance depuis Vor et les blessures infligées par Varsgorn, se mit à brûler son estomac.

Lâche, ce n’était rien de grave, vraiment, et quelqu’un qui s’était hissé, comme lui, à la force de service et de mots bien placé sentait glisser l’insulte le long de son dos comme un baume ; non, l’insulte, c’était le nom utilisé, à voix haute.
C’était le sous-entendu, derrière ce mot, de la confiance de Marlyn, d’une observation longue, peut-être pour le compte de quelqu’un d’autre. Il la savait inconséquente. Mais ça, elle ne l’aurait jamais fait. Même pour un homme plus jeune, et qu'elle croyait sans danger. Pas pour un vulgaire sbire sans Imagination. Le réseau qu’il possédait, elle le possédait avec lui, disait-elle. Elle le tenait, et le maître avait voulu la croire, sans investiguer plus avant : il avait d’autres chats à fouetter.

Mais la suite, plutôt que le vexer l’aurait facilement laissé pantois.
Il s’était attendu à être bien plus intelligent qu’Elio.
Il s’était même attendu, rien qu’à l’attitude, et au vu de sa survie, à ce que ledit élève soit pourvu d’un fort instinct de survie, et… oui, d’initiative.
Pas une seconde, cependant, Dolohov n’avait envisagé de s’adresser à quelqu’un de stupide.
Or, c’était stupéfiant, mais il semblait, en dépit de ses déductions pour le moins brillantes, que Talion était quelqu’un de profondément stupide.

C’était dangereux de travailler avec un idiot. Il lui tendit la main, comme un robot, et comme souvent, face à des nobles qui s’étaient senti plus fort que lui, il avait laissé passer la force, naturellement, semblant plier.

Marlyn n’avait pas pu le former, lui. Il devait être…envoyé par quelqu’un. Un employé chargé de se faire passer pour Talion. Elle n’aurait pas pu faire cette erreur-là, elle avait trop de peurs en elle pour se compromettre avec quelqu’un de cette trempe, pour l’élever à un rang de protégé.
Ou un facteur émotionnel important lui échappait- mais il en repoussa toute éventualité.
Battement de cil.

Il n’avait pas le droit de tuer Elio. Pas parce que c’était interdit- on ne lui interdirait jamais rien – parce qu’il avait plus important. Talion, Enelÿe, ce n’était que des moyens d’écarter différentes angoisses de son crâne, de se donner l’illusion de contrôle. Tuer Elio, ce serait créer des remous dont personne n’aurait besoin.
Enelÿe, répéta son cerveau, comme pour réaliser toute la portée que cela avait. Un prénom seul, et un petit papier moite de la sueur de cette paume roide. Ainsi donc, il la connaissait. Et qui ne connaîtrait pas la petite héritière du très grand couturier et noble Varsgorn Ril’Enflazio. Adorable. Délicieuse. Femme, déjà. Mais un simple prénom? Pas à moins qu'il la connaisse personnellement.
Au moins, Marlyn avait raison. Il serait facile à contrôler, au final.

Alors, Dolohov articula chacune des paroles qui suivirent, lentement, et en détachant chaque syllabe, de sa voix de mentaï, douce, maîtrisée, et acide. Basse, il fallait presque se pencher pour la percevoir.


-Elle dit qu’elle t’a déjà mené à la mort pour moins que ça.

C'était pure spéculation, pure théorie, mais il avait déjà misé plus gros. Il s’autorisa à sourire, de toute sa suffisance. Comme si lui, il allait enchérir. Comme s’il devait des explications. Mais il en devait, sans doute.

-Pas un mot n’est gratuit, avec moi, jamais. Je ne plaisante pas en affaire, affirma-t-il, en reposant le mord parmi ses semblables. Mais puisqu’il te faut autant d’explications qu’à une pucelle, je vais te les donner : ici, le maître est mon commanditaire, elle est avec nous, non par corps, mais par esprit. Le mord n’est pas l’objet que je tenais, mais celui que tu m'as mis dans ma main.

Il avait lâché ça avec un dégoût évident, celui de l’homme habitué à marchander des informations, et expliquer ses métaphores lui avait toujours semblé du même mauvais goût que d’expliciter le ressort comique des blagues. Il sentait ses pupilles embrumées, simulant les spires comme il l’avait fait tant de fois.

-Par ailleurs, d’autres auraient sans doute besoin de brides, s’ils n’apprenaient pas à baisser la voix pour prononcer des noms qui pourraient faire pendre ceux qui les prononcent sans en mesurer les conséquences., poursuivit-il rêveur.

Tiens-toi le pour dit, Talion. Je n'ai pas à nier être ou ne pas être Sa Majesté, ou quiconque. Nous sommes tous les acteurs d'un jeu que tu rends pitoyable, en tentant d'y mettre des flèches de vrai


-Tu parles de prix, fit-il, plus fort. Pas moi. Il y a des vendeurs de mord dans toutes les villes. L’intérêt de cette boutique est que la transaction se fasse chez elle, vois-tu. C’est un honneur, et une faveur que mon maître lui fait.

Il hésita, soupesant le mord, dans la main qui tenait encore le papier.

-En d’autres termes, reprit-il en chuchotant, si tu avais encore besoin de sous-titres : quel serait ton intérêt à ce qu’elle – ou moi- engagions un de tes concurrents pour s’occuper de cette affaire ? Te la soumettre en premier, n'était-ce pas l'occasion d'être positivement surpris par la créativité ou la diversité de tes services?

Le regard qui change, et les forces qui s’inversent. Oh, l’autre avait encore la colère, et la rage de l’incompréhension, du « pourquoi » qu’il menaçait de re-crier. Peut-être bien, oui. Mais pendant une seconde, il y a avait eu tout le reste. Tout ce qui avait rendu le petit papier moite. Et ça... c'était là dessus qu'on construisait des empires.

-Mais tu as raison, mon gars. Le prix est élevé, et la confiance entre client et vendeur fondamentale. J’irai ailleurs. Bonne journée, acheva-t-il, en posant définitivement le mord sur son crochet, et en initiant sa marche vers la sortie. Et bonne chance pour tes affaires.

Il avait le sourire ionique des statues anciennes, sereines et paisible. Lâche ? Allons donc.
L'autre s'attendait à une attaque, à une sur-enchère? Non, vraiment, ce n'étit pas le genre de Dolohov.
On s'inclinait volontairement devant lui. Tous. Même Marlyn. Et jamais jusqu'alors il n'avait forcé quiconque à le faire par la force. Ca viendrait, peut-être, si le pouvoir continuait de manquer.On ne se soumettait pas parce qu'il était la meilleure solution, non, et jamais il n'y prétendrait.
Mais il ne passait jamais de marché sans avoir toutes les cartes en main pour passer pour pouvoir offrir la "moins monstrueuse".
Et il faudrait vraiment qu'Elio soit idiot pour ne pas le comprendre.


Elio Tharön
Elio Tharön

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MessageSujet: Re: Tu souris à me voir me perdre, me retrouver si bas. [Terminé]   Tu souris à me voir me perdre, me retrouver si bas. [Terminé] Icon_minitimeVen 31 Mai 2013 - 15:35

Mené à la mort pour moins que ça. Elio grogna silencieusement, non content de savoir que Marlyn faisait de telles confidences sur l’oreiller. Sa pendaison rappelait de trop mauvais souvenirs et sa bêtise. Depuis lors il était resté plus que fidèle à son mentor et considérait avoir muri. Qu’un inconnu vienne lui dire le contraire l’insupportait et décuplait ses envies de meurtre.
Il fut d’autant plus vexé par la qualification de pucelle. Il était loin d’en être une. Et préférez les mots directs aux stupides métaphores qui veulent tout et rien dire ne faisait pas de lui un avorton. Juste un homme avec des principes différents. Quel mal à vouloir utiliser des mots qui ont un unique sens ? Cela évitait les quiproquos et les morts pour rien.
Et voilà qu’il le menaçait de pendaison ? Elio faillit éclater de rire à la menace. Puisque monsieur savait si bien qu’il avait déjà eut droit à la corde, il devrait savoir également que la mort ne l’effrayait pas. Ou plus. Il était trop habitué à celle-ci, et refusait d’ailleurs la vie éternelle, ou trop vieille. Il voulait mourir jeune et fringant. Pas comme sa Majesté.
Il le contemplait, la mine dégoutée par tant de prétention. Il détestait réellement les nobles. Il songerait bien à faire du Talion l’extermination des nobles, tiens, si Enelyë n’en était pas devenue une. Il l’écouta parader, et accepter d’aller ailleurs sans montrer le moindre de ses ressentiments. Et la colère montait. Il n’y avait pas réellement d’autres réseaux concurrents pour l’instant. Mais des assassins indépendants, oui. Et nul doute qu’ils accepteraient l’argent sale de Sa Majesté. Et tueraient Enelyë sans poser la moindre question.
Il devait donc s’interposer. Le rattraper. Et jouer, supplier jusqu’à ce que son commanditaire accepte de prendre une autre cible. Supplier. Ramper. Plier. Il allait vomir. Comment Marlyn pouvait-elle lui faire pareille chose ? N’aurait-elle pas pu taire les actions de son élève face à celui qui la protégeait. Sa Majesté avait beau être le roi du Chaos, et représenter une belle ascension professionnelle, il n’en avait que faire. Il le révulsait.


-Une métaphore a toujours deux sens. Et celui qui l’écoute comprend la signification qui l’arrange. Voilà pourquoi je ne les aime pas et préfère le langage direct. Chaque mot possède un sens pour une raison. Et j’utilise cette raison.

Il s’avança dans son dos.

-Mais mon mentor a déjà du vous en parler. Elle a déjà du vous confier à quel point je pouvais être…rustre. Après tout je ne suis qu’un roturier.

Il y avait de l’animosité et de la rancune dans sa voix à savoir qu’on parlait de lui. Il avait tu tout ce qu’il savait sur Marlyn. Finnegan, son fidèle acolyte, ne savait pas même qu’il était son élève. Il avait donc espérer qu’elle en ferait autant. Pourquoi aller raconter ses actes et ses faiblesses à celui qui dirigeait le Chaos ? Voulait-elle réellement sa mort ? Ou juste son assujettissement ? Car, lui, c’est ce qu’il désirait de tout cœur. Il avait d’ailleurs déjà gagné. Et Elio le savait.

-Permettez que je revoie ma position sur l’affaire. Le temps d’un achat. Il me faut un nouveau licol pour ma monture, elle l’a cassé.

Pas de métaphore, juste la réalité. Requiem se montrait encore très sauvage.
Tout en choisissant son article, il réfléchit à comment persuader le noble de ne pas tuer Enelyë.


-Je suppose qu’il s’agit du père.

L’homme n’était pas parti, il s’était juste retourné tandis qu’Elio passait en caisse.

-A travers la fille.

Il ne dit rien de plus, la vendeuse se débarrassant enfin de l’homme aux oiseaux pour s’occuper de lui. Il régla sans tarder et sortit avec son client. La rue bondée assurait l’entière discrétion de leur conversation pourvue qu’elle ne contienne pas les mots meurtre et mort.

-Il se pourrait que votre maitre ait besoin en plus d’un mord d’aiguiser son canif ? J’ai ce qu’il faut pour cela à ma boutique. Je dispose également de rafraichissements. Si vous acceptez de pardonner mon léger…emportement.

Il voyait déjà Marlyn lui botter sévèrement les fesses pour avoir tenu tête à la personne la plus influente du Chaos. Il détestait cela, mais il allait bien devoir jouer d’hypocrisie pour sauver Enelyë, et sûrement, par la même occasion, son réseau.
Mais la peur le tenait plus que jamais. Pas la peur de mourir ou de voir le Talion brûler sous les ordres de sa Majesté. Non. La peur de ne pas pouvoir dire non. Et celle que le noble n’accepte pas de changer de cible. Allait-il alors devoir réellement la tuer, de ses propres mains ? Il n’y avait pas d’autres choix. Si les affaires ne tournaient pas en sa faveur, dans tous les cas sa princesse mourait.
Si c’en était de sa main, nul doute que le remord le tuerait dans les jours qui suivent.
Si c’en était d’une autre, il poserait lui-même son papier de vengeance dans la boite aux lettres du Talion. Et tuerait tous les coupables jusqu’à ce que la mort ne l’arrête. Et il savait pertinemment qu’elle serait très rapide à venir.
Le destin arrivait donc. Il allait bien mourir avec Enelyë. Mais pas des toits. A moins que ?

Son cerveau bouillonnait de suppositions et d’échafaudage de plans insolites. Il ne voulait pas mourir maintenant. Jeune, certes. Mais pas encore. Il lui restait des choses à accomplir. Des grandeurs à gagner. Des nuits avec Kylian. Et des rires avec Enelyë. Elle aussi avait encore trop de choses à connaitre. Et elle allait mourir par sa faute ? Non. Par celle de son père adoptif. Maudit soit-il. Qu’il aille en enfer. Il aurait du l’emmener avec elle. Lui proposer alors qu’elle le suppliait presque de ses yeux humides, la nuit dernière. Là, il aurait pu la protéger.
Elera avait raison. Il détruisait tout ce qu’il aimait. Il aimait mal.
Il était pourtant prêt à détruire le monde entier pour qu’elle vive. Et c’est ce qu’il ferait. Essayerai.
Le demi-faël tenta de trouver le fond des yeux de l’homme qui lui faisait face, priant pour qu’il accepte. Priant pour qu’il ne le laisse pas dans cette impasse. Au nom de l’éternelle servitude qu’il avait envers Marlyn.


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MessageSujet: Re: Tu souris à me voir me perdre, me retrouver si bas. [Terminé]   Tu souris à me voir me perdre, me retrouver si bas. [Terminé] Icon_minitimeVen 7 Juin 2013 - 13:28

Ca n’avait duré que deux pas avant qu’Elio intervienne. Il n’était donc pas si lent que cela, juste… Comment qualifier ça ? Il songea qu’il n’avait pas à le faire, de toutes façons. L’essentiel était d’en tirer ses conclusions, et de ne pas se laisser rire.
Si les mots n’avaient qu’un sens, et pour une seule raison, oh, comme l’univers aurait encore rétréci.

C’était comme imaginer qu’il n’existait au monde que la réalité concrète basique. Qu’une vache n’était qu’un steak pas encore découpé. C’était un peu triste, et à la fois si étrangement pragmatique. Sans doute, cela devait donner un accès ridiculement simple à toutes choses, et permettre d’avoir le moins d’empathie possible avec ce qui l’entourait. Ou qu’il le limite à l’extrême : avec sa seule vision, sans accepter le nombre de duplicités que recelaient les choses- et les êtres.
Pourtant, il lui semblait que le jeune homme percevait clairement certaines choses –l’idée de sur-estimer son propre jeu fit passer une ombre sur le front de Dolohov. Il n’avait pas le droit de douter de lui-même, pas tant qu’il n’aurait pas retrouvé son pouvoir.

Qu’importe, si ça noblesse transparaissait, comme semblait l’indiquer l’excuse du « roturier ». Il pouvait être n’importe quel noble. La plupart des véritables dessinateurs étaient nobles, rien d’étonnant ce qu’Elio tire ses propres conclusions.
Mais pourquoi s’obstinait-il à le voir autrement que comme un messager ? Marlyn n’avait-elle jamais utilisé de tiers pour s’adresser à lui ? Prenait-elle systématiquement le risque de se déplacer en chair et en os, pour lui, là, si près de la genèse de sa légende, dans l’ombre des montagnes de la chaine du Poll ?

Il hésita à partir quand même, sensiblement, mais cela l’intriguait, et l’effrayait tout à la fois. Comment Marlyn pouvait-elle risquer autant pour quelqu’un comme Elio ? Avait-il eu raison de lui laisser tant de libertés, et surtout… surtout, quels genres de risques Talion lui faisait-il prendre, bavard et pragmatique comme il l’était, dans ses conversations ? L’autre paya, sans prendre d’avantage de pincettes, le rejoignit pour poursuivre cette conversation qu’ils avaient commencée discrètement, au vu et su de tous. En se permettant de spéculer sur les raisons, publiquement.
… Il y avait certes dans l’assurance et l’aisance un fort potentiel de dissimulation, les yeux et oreilles indiscrets avaient certes tendance à s’intéresser davantage à ceux qui complotaient ouvertement qu’à ceux qui semblaient parler de la pluie et du temps. Mais. Elio avait ce ton de voix qui portait, et un statut en ville, alors que Dolohov était ici sans nom, sans identité, tout juste le masque d’un voyageur sale.

S’il était vrai que sa noblesse transparaissait au-delà de ce qu’il pensait, n’importe qui pourrait comprendre l’étrangeté de la situation. De plus, ses longues ballades matinales l’avaient peut-être rendu aussi visible aux yeux des personnes louches qu’ils s’étaient rendu visibles à lui.
S’il était vraiment messager pour la Borgne, transiteur de messages, il saurait, en plus du nom de la victime, qu’il ne connaissait pas forcément au départ, qu’elle était en plus la fille de quelqu’un. Il était estomaqué de tant d’inconsidération, tant qu’il suivit en silence, avec cet air de profonde réflexion intérieure.

-Le rafraichissement sera avec plaisir, pour l’aiguisoir, j’attendrai de voir la qualité de tes articles.

Est-ce que Marlyn considèrerait les risques à sa manière ? Pouvait-il envisager de faire, par son intermédiaire, des reproches à Elio sur son imprudence ? Il la connaissait bien, trop sans doute pour son propre bien, mais sa capacité à se mettre dans le pétrin en permanence défiait toute la logique du mentaï.
Peut-être était-ce à cause d’erreurs comme celle-ci ? Pourtant, Marlyn avait toujours agi, lorsque cela touchait à Dolohov au moins, avec une grande délicatesse, pour éviter tous les risques. Le manoir était resté sécurisé, toute la durée de leur séjour, jusqu’à ce moment où Varsgorn y était entré. Et il était entré par sa propre faute.
Il semblait au mentaï qu’Elio avait pu dire l’une ou l’autre chose, sur le trajet, mais indécis, il choisit de rester plongé à l’intérieur de lui-même, avancer comme un automate pour suivre l’autre, comme si les Spires l’avaient happées.

La ruelle sombre n’était pas à exclure totalement, Elio pouvait être suffisamment sanguin pour l’attaquer. S’il le prenait réellement pour Sa Majesté, et qu’il n’avait pas redouté de l’insulter, ni de le démasquer publiquement, l’attaquer ouvertement ne devrait pas l’inquiéter.
Dolohov eut un sourire un peu have, en passant devant le Serpent Blanc.
Il avait été à deux doigts d’oublier Lev Mil’Sha et leur rendez-vous du lendemain, les possibles qui s’écarteraient encore, si tout cela échouait.
Cela affermit ses positions.

Il n’avait pas précisé le sort à réserver à Enelÿe Ril’Enflazio, tout simplement parce qu’il ne savait pas ce qui pouvait le servir au mieux.
Il était noble, de la noblesse élevée dans l’amour pour sa famille et pour la protection des siens- c’était un travers qu’il avait fait sien inconsciemment, et le père qu’il était exigeait la douleur de celui qui avait brisé les serrures de la maison familiale, tenté de la détruire, et menacé directement, non seulement sa vie, ce qui n’était pas peu dire, mais également celle de la femme qu’il aimait et dissimulait. Et celle de son fils.
Il ignorait pourquoi le vendeur de chiffon avait adopté l’adolescente, si elle était sa maîtresse, comme il le soupçonnait, sa perte serait sans doute un coup porté à son honneur et dans son cœur. Mais il chercherait vengeance, et finirait sans doute par remonter au moins jusqu’à Elio, qui pourssait la porte de son établissement, avec l’arrogance habituelle des propriétaires.
Elio trahirait-il Marlyn ? L’avait-il déjà fait ? Il n’en savait rien. Mais Varsgorn n’avait pas vu Marlyn au Manoir. S’il commençait à mettre en lien la Borgne et Dolohov Zil’ Urain, c’était toute son identité que Dolohov risquait de compromettre. C’était un risque à prendre, s’il avait les Spires pour abattre Ril’Enflazio en traitre. Pas sans spires.

Elio le trahirait lui-même sans aucune hésitation. Il ne représentait rien pour lui, que quelqu’un qui menaçait « Enelÿe » qu’il connaissait bien, et semblait apprécier suffisamment que pour utiliser son prénom. Si Varsgorn remontait jusqu’ à Elio et blâmait « Sa Majesté »… Il pouvait prendre peur, peut-être, mais rien n’était moins sûr. Il pouvait aussi risquer le tout pour le tout.

Mais il était aussi un homme de cour. La mort d’Enelÿe en elle-même représentait un bel enjeu, déjà parce qu’ déstabiliserait la famille Ril’ Enflazio, et rayerait de la carte tout risque que le futur seigneur de Vor s’amourache de la gamine. Il prit place, saluant d’un sourire la jeune fille qu’Elio avait hélé pour leur amener à boire. C’était un parti qui serait prisé, qui pourrait sans doute associer ou dissocier de grandes forces, et dans un moment comme celui-ci, il ne fallait rien négliger de l’équilibre. Il devait resté penché à l’avantage de sa Majesté, quoiqu’il arrive. Et sa Majesté avait besoin de temps, temps qu'il devait se créer en occupant ses ennemis comme ses amis à d'autres choses que son propre cas. Bien d'autres choses, tant qu'il n'aurait pas retrouvé ce qui lui conférait son propre équilibre.

Jamais il n’avait eu moins envie de boire, ce qu’un hôte lui proposait, à part la veille au soir, peut-être.


-Elle ne souhaite pas parler des motifs. De vive voix, elle le ferait précise-t-elle, mais pas à travers un messager de ma sorte.

Tous deux avaient abandonné leur sourire, et installés comme ils étaient, ils auraient tout aussi bien pu aiguiser chacun de leur côté de la table une arme.
Toujours de la colère, de l’agacement, n’est-ce pas ? Celui de Dolohov reparut. Il ne maîtrisait absolument pas la situation, c’était vrai. Mais son interlocuteur était temporairement obligé de le subir, voire de lui obéir, c’était déjà une maigre consolation.


-Je tiens à ce que vous m’en dévoiliez le moins possible sur ses plans. Je n'ai pas envie de me faire tuer parce qu'elle pense que je pourrais la trahir.

La belle mâchoire carrée de l’autre se contracta encore – le traiterait-il de menteur ? Ou la rage d’être pied et poings liés s’accentuait-elle encore, lorsqu’on lui refusait en plus de parler et de prix, et de motifs de vengeance… que restait-il, sinon le sujet, encore vif pour l’heure ? Sagement, Dolohov but une gorgée du liquide qu’Elio avait quant à lui bien entamé, pour le rassurer, sans doute.

-Mais je suis tout disposé à lui transmettre vos propositions, et à la laisser vous en transmettre, bien sûr.

Peut-être, si Elio se mettait à croire sérieusement à cette histoire de messager qu’il sauterait sur l’occasion pour « signer l’arrêt de mort » de son interlocuteur. Sinon… et bien, ce ne serait pas la première fois de leur discussion que Dolohov serait surpris.

[Edition possible, bien sûr]

Elio Tharön
Elio Tharön

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MessageSujet: Re: Tu souris à me voir me perdre, me retrouver si bas. [Terminé]   Tu souris à me voir me perdre, me retrouver si bas. [Terminé] Icon_minitimeSam 22 Juin 2013 - 18:09

Elio ne laissa pas transparaitre le soulagement suite à l’acceptation du noble, trop méfiant encore de cette personne au regard hautain. S’il savait peu de choses sur elle, il savait en revanche qu’il fallait s’en méfier. Des deux hommes un seul possédait le pouvoir. Et à sa grande frustration il ne s’agissait pas de lui-même. Il ouvrait donc la marche, silencieusement, ne cessant de s’interroger sur les volontés de l’homme concernant Enelyë. Savoir qu’il devait négocier sa vie alors même qu’il n’était pas en position d’exiger quoi que ce soit le rendait nerveux. Si elle venait à mourir, il ne pourrait plus jamais dormir en paix. Et cette certitude le révoltait d’être si con pour s’être entiché d’une gamine. Gamine qui n’aurait jamais eu pour rôle celle de la proie si ce noble ne l’avait adopté. C’était à lui de crever. On n’adopte pas une innocente pour ensuite chercher des emmerdes à d’autres. Ça non.

Il poussa la porte de sa boutique avec une certaine colère qu’il contenait tant bien que mal, et appela Charlize pour leur apporter de quoi boire. Elle le fit avec encore les joues rouges du matin, et dévisagea avec curiosité le nouveau venu, se demandant s’il était allié ou ennemi. Elio lui avait promis de ne jamais amener à la maison quiconque pouvant lui faire du mal. Cela devait donc être un allié. Alors pourquoi le regardait-il avec tant d’indignation dans son regard ?
Elio, lui, ne la regarda qu’une fraction de seconde, comme un maître se contrefout de sa suivante. Il ne lui adressa que des ordres secs. Tant pis s’il la blessait par cela, il saurait se faire pardonner plus tard. Mais Ene était déjà en danger, pas question de montrer à cet homme qu’il pouvait être plus ou moins attaché à d’autres personnes. Ce serait la fin de son commerce.


Les muscles de sa mâchoire se contractèrent légèrement lorsqu’il l’entendit prétendre être au service de La Borgne. Encore. Qu’il ait signé en son nom était déjà une chose. Mais qu’il continue à la mettre comme commanditaire le plaçait au bord de l’explosion. S’il ne s’agissait que d’écouter son instinct, il lui aurait déjà tranché la gorge. Ses paupières se fermèrent une seconde pour tenter de reprendre le contrôle de ses émotions et il but une gorgée dans sa chope, qu’il déglutit avec grand mal. C’était purement impossible. Et d’autant plus rageant que le mot impossible ici n’avait pas de sens. En réalité, c’était même possible, probable, envisageable que Marlyn ait réellement signé ce papier. Après tout, il n’avait jamais vu son écriture. Mais pourquoi ? Pourquoi ferait-elle cela ? Il réfléchissait à toute vitesse et se pencha en avant, cherchant dans les pupilles infectées de fausseté de son interlocuteur une réponse, un indice sur la suite de leurs échanges.
Il tenta de revenir sur les évènements précédents. Et le massacre de Druska le fit douter comme jamais il n’avait pu douter de sa vie. Si lui, avait prouvé sa confiance et son allégeance à son mentor, l’inverse n’avait jamais eu lieu. Se pourrait-il que malgré les explications, elle soit devenue méfiante au point de lui envoyer un messager ? Se pourrait-il que cet homme soit réellement un roturier ? Peut-être un homme de sa majesté dont elle aurait le droit de se servir ? C’était absurde ! Et inattendu. Mais en même temps, la Borgne ne faisait rien d’attendu. Sa boucherie l’avait-elle rendue plus folle encore ? Mais pourquoi lui faire ça à lui ?


« Parce qu’elle n’a pas conscience du mal que j’ai. Elle ne connait pas Enelÿe, et n’a jamais eu pour habitude de s’encombrer de l’inutile. Et quand bien même elle saurait l'importance qu'elle a pour moi, elle la tuerait. »

Il devint plus pâle encore. Il l’avait recueilli chez lui. Il l’avait fait rentré et dormir dans le lieu qu’il avait promis sûr à Charlize. Ce n’était presque plus la peine de faire croire qu’elle n’était que bonne à tout faire. Marlyn savait tout de lui. Sauf sur ses amis. Sauf sur deux personnes : Kylian et Enelÿe. La deuxième venait de se faire prendre pour cible. Combien de temps encore pour que le premier devienne lui aussi de la chair à pâté ? Des deux, il aurait placé Kylian en premier sur la liste des indésirables de la mercenaire, car lui-même allié au Chaos, tandis qu’Enelÿe n’avait qu’un seul défaut. Porter le mauvais nom.

-Qu’a bien pu faire ce Ril’Enflazio pour placer sa fille adoptive en dommage collatéral de ses magouilles ?

Il crut percevoir un sourcil se lever.

-Oui. Je connais son nom. Seulement son nom et son visage. Mais ça me suffit, à l’instant, pour ne pas éprouver à son encontre une grande sympathie.

Comment défendre Enelÿe ? Il pensa à lui expliquer qu’elle n’avait aucun pouvoir, aucune volonté d’ascension, ayant accepté l’adoption uniquement parce qu’elle était en manque d’amour et de famille. Mais il savait que Sareyn se foutait des émotions des uns et des autres, et que l’argument ne la sauverait pas. Il choisit donc une autre approche, priant pour qu’elle porte ses fruits.

-Tout comme je sais que tuer Enelÿe ne serait pas une bonne idée. Non seulement je doute que cela affecte réellement le trésorier de l’Académie, mais surtout qu’elle possède un énorme potentiel.

Il fit mine de vérifier que Charlize n’écoutait pas aux portes et continua. Il l’avait toujours pensé. Cette idée lui revenait souvent en tête, pour la protéger, pour l’enlever de cette école où on l’adoptait et lui donnait un nom ridicule qui finissait par la tuer. Comme il avait pensé à l’emmener avec lui. Mais sa volonté de la laisser innocente et princesse prenait à chaque fois le dessus, et il se taisait. Aujourd’hui, cette volonté là devait disparaitre. Pour qu’elle vive.
Une personne ne survit pas en se proclamant innocente. Elle survit en se montrant plus forte.


-Pas un potentiel politique ou noble, ça non. Le nom ne lui va pas du tout. Elle ne se nomme princesse que parce qu’elle est nourrie aux contes pour enfants. Elle ne cherche pas plus qu’un surnom. Par contre, elle a un caractère qui paye. Qui peut faire d’elle une espionne douée. Dessinatrice. Dessinatrice noble, peut-être, si le nom lui reste. Dessinatrice douée, et qui me suivrait où bon il me semble de l’amener. Comment pensez-vous donc que je la connaisse, et que j’en sois devenu ce qui se rapproche le plus d’un ami ?

Ses pupilles ne cillèrent pas, concentré sur cette négociation de la vie. S’il devait placer son amie sous les affres du Chaos et de Marlyn pour la sauver, il le ferait. Mais il se promit intérieurement d’en découdre avec cette femme. Il la haïssait. Il la haïssait comme jamais il n’avait pu le faire. Il avait tout fait. Tout. La moindre chose qu’elle désirait, il le lui avait donné. Il s’était montré le plus loyal possible en la sauvant du Tordeur et en rendant, au passage, grand service à son maître. Et en remerciement ? Elle lui envoyait un pantin. Un pantin semblable à lui-même. Et il allait devoir la supplier pour qu’elle cesse de noyer tous les gens qu’il pouvait aimer. C’était d’ailleurs pour cette raison qu’il ne lui avait pas parlé d’Ene, ni de Kylian. Pour ne pas avoir à leur faire ce qu’il avait fait à Elera. Il se mettrait à genou, s’il le faut. Mais une toute dernière fois. Ensuite, qu’elle s’en aille chercher d’autres pantins, et qu’elle le laisse vivre ou mourir tranquille. Et si elle refusait de laisser la vie sauve à sa princesse, il se vengerait sur elle, même si ses chances de mourir pour cette tentative frôlaient les cent pour cent. Mais à l’instant, avant le sacrifice, il y avait une dernière solution à tenter. 

-Permettez que l’on trouve plus utile comme vengeance. Ril’Enflazio ne souffrira qu’un soir en public de la mort de sa prétendue fille. Tandis que j’aurais, nous aurions, à perdre un petit bijou. Nous pourrions même la remonter contre lui, lui desservir son nom.

Il ne le disait pas. Mais son cœur l’hurlait : par pitié, laissez-lui la vie sauve.

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MessageSujet: Re: Tu souris à me voir me perdre, me retrouver si bas. [Terminé]   Tu souris à me voir me perdre, me retrouver si bas. [Terminé] Icon_minitimeLun 8 Juil 2013 - 14:13

Savoir qu’Elio réfléchissait aux conjectures qui pouvaient pousser Varsgorn Ril’Enflazio dans le collimateur de  Marlyn, et à fortiori, de Sa Majesté ne devait pas l’étonner.
Qu’il le reconnaisse, en posant naturellement la question, comme à lui-même, en revanche, le sidérait.


Comment Elio pouvait-il revendiquer le fait de « penser » ? Ne se rendait-il pas compte que le chaos ne cherchait personne qui remettrait en question les ordres, ou questionneraient les tenants et aboutissants ?  Penser, à son stade de « non-dessinateur », était infiniment orgueilleux.
Cependant, le mentaï ne parvint pas à décider, sur le moment, si cette façon d’être, franche par-delà toutes les implications, n’avait pas justement quelque chose de rassurant pour le commanditaire, qui savait dès lors à quoi s’en tenir : Monsieur Talion ne s’estimait certainement pas Sbire, ni subordonné par la force à qui que ce soit. Il se prétendait son égal, et, en cet instant, Sa Majesté considéra tout ce que ça pouvait impliquer.
Dolohov lui offrit un sourire oblique, qui ne dévoilait pas les dents, alors qu’il continuait à parler. Il n’avait pas l’habitude qu’on conteste ses ordres, et si l’idée que son interlocuteur avait une vie à mener et sa survie en préoccupation ne lui était pas étrangère, il ne parvenait que rarement à estimer « en tant qu’hommes égaux à lui » les êtres qui se confrontaient à lui.


Son égal ? Alors, Elio, poussé aux extrémités, cherchait sans doute autant que lui à gagner du temps, pour protéger ceux qu’il aimait. Alors, Elio, en homme, en commerçant, en assassin, userait de toutes les armes de sa connaissance pour protéger, pour faire valoir son point de vue, pour s’en sortir, comme Dolohov, sans cicatrice ni salissure.
Le visage de son interlocuteur s’était étrangement lissé, et tout à coup, même leurs physiques se superposèrent dans l’imagination infertile du mentaï. Il battit des cils, cherchant à retrouver les marges, les différences qui dissocieraient Elio de lui-même, plus jeune. Elles existaient, elles étaient effroyablement nombreuses ; restait le fond : c’était en étant sous-estimé en permanence par tout le monde que Dolohov Zil’ Urain avait pu s’élever aussi haut. Il convenait qu’il ne sous-estime jamais personne- Elio refusait de le sous-estimer, en le croyant.


L’idée de tenir sous sa coupe la fille choisie de celui qui avait osé violer son manoir aurait souri au mentaï, en pleine possession de ses moyens. Celui qu’il était devenu ne pouvait pas se contenter du regard aveugle d’une fille qu’Elio décrivait plutôt bête –malléable, par manque d’ambition.
Les yeux perdus au fond de son verre pour quelqu’instant, il s’accorda le temps de ressasser toute la chaîne de causes et de conséquences, pour savoir celles qu’il devait absolument empêcher.


-J’entends vos arguments, Talion.  Il faut entendre les siens : Enelÿe Ril’ Enflazio porte le nom d’un haut noble, extrêmement riche, elle est fort bien faite de sa personne, et elle possède un don du dessin. Vous  la qualifiez de malléable, et en cela… rien ne prouve qu’elle ne vous manipule pas vous-même, même si je tendrais à croire, comme vous, qu’on n’attrape pas tous les rouages des femmes nobles en si peu de temps…

Il planta son regard dans celui d’Elio : ses phrases s’articulaient lentement, presque rêveusement.
Lui aussi avait choisi de faire sienne, et espionne, une dessinatrice pleine de potentiel. Il n’était pas Varsgorn Ril’ Enflazio, il ne l’avait pas adoptée, pas reconnue publiquement, et son choix s’était porté sur quelqu’un de plus sauvage, de plus fort – de tout aussi façonnable.

-Enelÿe est une arme, n’en doutez pas, une arme mentale, qui a beaucoup trop d’arguments pour elle, y compris la promesse d’un très beau mariage, avec une très jolie robe et une très jolie dot offerte par son cher Papa. Si elle n’a pas conscience de cela elle-même, elle n’en est que plus dangereuse.

Elio blanchissait de plus en plus, et ses yeux scintillaient de tous les éclats du monde. Dolohov reprit, aussi neutre que possible, mais sans s’interrompre, de peur de se voir trouer le ventre pour la défense de la demoiselle :

-Néanmoins. La Borgne semble accorder énormément de confiance à votre jugement, puisqu’elle… envisage que vous puissiez effectivement la tenir sous votre contrôle, si vous l’affirmez.

Gagner du temps, des deux côtés.
Le mentaï se devait d’en gagner. Au maximum. Il lui venait doucement à l’esprit un plan qui pouvait paraître parfaitement absurde, puisqu’il ne reposait sur rien, rien que l’hypothèque qu’Elio ait misé quelque chose qu’il pouvait effectivement promettre. Il se mit à sourire, avec plus de douceur, puis ne put contenir un petit rire.

-… Plan de femme !

L’autre, suspendu à ses lèvres avait dissimulé ses mains sous la table. Il s’échignait à n’avoir l’air de rien, qu’un simple intermédiaire que les tenants et aboutissants de l’affaire n’intéressaient pas.

-Louez la Dame, elle accepterait de renoncer à la mort de la jeune fille, si vous parvenez à les rendre, elle comme son père, inoffensifs sur le maximum de points : la main-mise de Ril’ Enflazio, et sa place politique en tête.

Elio s’impatienta, grogna quelque chose pour qu’il soit clair, souhait que Dolohov s’empressa diligemment d’exaucer.

-Elle accepterait que vous enleviez la jeune fille, sans qu’elle laisse le moindre mot, dans les délais les plus brefs… demain, par exemple, pour l’épouser vous-même.

La mine d’Elio changea d’une manière tellement dramatique et comique que l’espièglerie nouvelle de Dolohov se transforma en jubilation vengeresse. Le fait d’avoir tout pouvoir sur la vie d’autrui parvenait à le distraire de sa propre incapacité à contrôler la sienne. Il avait été forcé à se marier : pourquoi pas d’autres ?

-Elle exige cependant que cela ne soit pas fait ici. Au contraire : elle veut que vous alliez de ville en ville pour ne pas être retrouvés, jusqu’à ce que le temple en l’honneur du Dragon soit érigé à Al-Far.
Là, le mariage prendra place. Elle vous charge d’arriver à obtenir, par le biais de l’affection réelle de la jeune fille, votre réseau, ou tous moyens que vous jugerez nécessaires, son nom de famille, sa dot, et toutes ses belles perspectives d’avenir. Vous garderiez votre bijou,  vous aurez tout le loisir de la retourner contre son cher Papa, de la protéger et de faire de sa vie un conte de fée… Et Varsgorn Ril’ Enflazio aurait toute une lunaison à courir dans l’empire avant de la retrouver, mariée.


Comme ça aurait été le cas, si Astre avait péri par le feu, tous les beaux projets que le noble avait pour sa fille partiraient en fumée. Tout son réseau s’agiterait, devenant potentiellement détectable, et Dolohov pourrait rencontrer Lev Mil’ Sha de la manière la plus discrète possible.
Une fois ses pleins pouvoirs récupérés, tous les possibles lui échoiraient.


Le mentaï, autant que le noble, étaient satisfaits, en cela, ils retrouvaient tout deux leur aisance et ton habituel, celui de la boutique, au moment où ils savaient pouvoir triompher en toutes circonstances.

-Voilà la seule alternative possible, Talion. Avons-nous une affaire ?, glissa-t-il de sa voix douce, suave comme le miel.

Il avait toujours adoré les mariages.

 [Etant donné que j'ai pris quelques libertés... n'hésite pas, si tu veux me faire éditer! I love you Grouh, j'adore ce post ]

Elio Tharön
Elio Tharön

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MessageSujet: Re: Tu souris à me voir me perdre, me retrouver si bas. [Terminé]   Tu souris à me voir me perdre, me retrouver si bas. [Terminé] Icon_minitimeJeu 18 Juil 2013 - 14:26

Dans le blanc de ses yeux nageaient les pires horreurs du monde, et Elio aurait voulu quitter cette vision qui lui indiquait sa position au combien délicate, mais ne pas regarder dans les yeux son interlocuteur voudrait dire déclarer forfait. Et ça, il en était hors de question. Il ne baissera pas les bras. Pas sans avoir tout tenté. Pas sans avoir retrouvé la véritable fautive. Marlyn. Combien il pouvait la haïr à cet instant même. Combien il aurait voulu retourner des semaines en arrière et la laisser croupir dans ce cachot, à la merci du Tordeur. Quel con. Mais quel con d’avoir tout donné à son maître. Il s’efforçait tant à lui montrer qu’elle pouvait avoir confiance en lui qu’il n’avait même pas vu que la réciproque n’avait jamais été évoquée. Il n’avait été qu’un pantin. Et l’était encore aujourd’hui, pour sa plus grande fureur.
Il écoutait le messager de la Borgne en serrant des poings si fort sous la table que ses veines menaçaient d’exploser. Sa mâchoire lui faisait un mal de chien à se contracter ainsi, et il lui fallait penser à respirer pour ne pas rester en haleine trop longtemps. Que voulait-il ? Ou du moins que voulait-elle ? Pourquoi considérer Ene comme une menace ? Juste à cause de son nom ? Lorsqu’elle n’était que roturière dessinatrice, tout le monde se contrefoutait de sa personne et de ses soit-disantes capacités. Mais à présent qu’elle était noble…Il détestait réellement la noblesse, et aurait bien craché à la figure de son négociateur afin qu’il fasse passer message. Sareyn aussi faisait parti de la haute société, et elle lui pissait dessus comme elle pissait sur tous ses sbires. Il n’allait pas accepter cela.
Et plus il lui prouvait combien son amie pouvait être dangereuse, plus il blanchissait. Ses yeux devenaient secs et le grattaient à force de fixer sans ciller la cause de ses tracas. Il voulait le flanquer à la porte, et vite. Tenir sa promesse envers Charlize de ne jamais laisser entrer quelqu’un pouvant leur faire du mal. Comme il avait pu se promettre de protéger Ene.
Protéger. Ene. Ce n’était pas seulement à lui qu’il avait fait cette demande. Kylian !
La voilà la solution de secours. Le rouquin allait défendre sa belle, quitte à le tuer lui-même. Cela dissuaderait peut-être Marlyn de tuer la jeune fille. Quoi que. Il avait déjà vu à l’œuvre toute sa monstruosité.


Sa tête eut un sursaut en entendant la suite du discours si lent du blond. Il acceptait de ne pas la faire tuer ! Son maître avait prévu autre chose au cas où il ne veuille pas ? Se serait-il donc trompé ? Aurait-elle réellement de l’égard pour sa personne ? Ses ongles rentrèrent dans ses paumes et ses pupilles vrillèrent. Il ne supportait plus l’attente que lui faisait subir ce maudit homme et se jura de l’étrangler, qu’importe les conséquences, s’il ne lui expliquait pas ce fameux plan dans les deux minutes suivantes. Mais monsieur ne semblait pas vouloir en venir au fait, et il s’impatienta, grognant plus qu’ordonnant.

-Venez-en au fait. Et vite.

Ou j’arracherai vos mots de votre tête, et de votre tête seule.

La réponse fut bien plus qu’un choc. Si la lettre du Talion reçut avait été l’effet d’une paire de gifle reçue par un troll des forêts, la proposition de Marlyn équivalait à la foudre en personne. Ses poings s’ouvrirent de stupeur sous la table, et il crut se décrocher la mâchoire en ouvrant la bouche. Il devait très certainement être aussi blanc qu’un faël est noir, car il lui semblait ne même plus sentir le sang s’écouler dans ses veines. Il déglutit, réussissant à retrouver bouche close, mais ses pupilles étaient aussi grandes que des billes. Ce ne pouvait qu’être une blague. Une énorme blague venant de son mentor. Hélas, il fallut que l’autre continue de parler, et seul le contrechoc de la nouvelle empêcha Talion de lui trancher la gorge sur le champ.
Marié. Ma-rié. C’était ridicule au possible. Elio Tharön ne se marie pas. Tout comme il n’est pas sensé aimer. Et avec Enelÿe ! Sa princesse, sa meilleure amie, sa personne. Il ne pourrait jamais ! Ja-mais ! Étaient-ils donc tous fous ?!
Le demi-faël haïssait deux choses par excellence : le mariage et les nobles.
Le mariage qui vole en éclat sitôt la confiance bafouée et qui amène la femme à subir les horreurs et conneries de son mari, comme son père avait tué sa mère. Il ne voulait pas de ça. Il ne voulait pas de cet amour sur papier qui n’amène que des ennuis. Sa liaison avec Kylian le comblait amplement. Il ne voulait rien d’autre.
Et la noblesse. Cette putain de noblesse qui venait de piéger Ene sans même qu’elle s’en rende compte. Toutes ces courbettes d’hypocrites, ces richesses non méritées et ces habits inconfortables à porter en public. Ces manières qu’il avait toujours méprisées. Alors les adopter ? NON !


Il se leva, tremblant de colère. Il n’avait plus de choix. L’enlever et la marier ou la tuer. Au fond quel était le pire ? Il remonta ses mains vers son visage et constata qu’elles étaient parsemées de points rouges. Ses vaisseaux, sous l’irritation extrême, avaient pété. Il redressa un regard injecté de sang à la pute de Marlyn. Comment l’avait-elle choisi, hein ? Qui d’assez digne pour porter la missive à sa place et être aussi à l’aise à le mettre plus bas que terre ? Certainement quelqu’un de très doué sous la couette. Il serait réellement dommage qu’elle perde si bon amant. Et si bon élève.
Il attrapa l’inconnu par le col, le plaquant contre la table, faisant par là valser les chopes dans un grognement inhumain. Contenant avec force son visage aplati sur le bois, il s’approcha de son oreille libre.


-Le Talion ne porte pas le nom d’un autre.

Il sortit son poignard de sa ceinture et le plaqua contre l’oreille de son prisonnier.

-Maintenant tu vas m’écouter vermine. Tu vas tendre l’oreille autant que tu le peux. Ou je te la coupe.

Il appliqua le tranchant de la lame contre l’arrière de l’oreille, prêt à la trancher. Il aurait presque pu lui ôter l’ouïe sans le vouloir tellement il tremblait. Il ne savait plus quoi faire. Il savait qu’il n’avait pas le choix. S’il le tuait lui sans trop de difficulté, Ene serait morte d’ici la nuit prochaine par les mains de Marlyn. Et cette dernière s’assurerait qu’Elio soit en première loge, avant de le tuer à son tour. Il avait promis de protéger Ene. Il la protégerait.

-Je refuse de porter le nom de Ril’Enflazio. Je garderai le mien. Qu’on l’anoblisse si ça peut la faire danser toute la nuit.

Au "la", il cracha tant de mépris, qu'il n'y eut nul doute sur le fait qu'il parlait de Sareyn et non d'Enelÿe. Il s’approcha encore, postillonnant dans l’orifice de l’homme de son mentor.

-Je pars dès ce soir chercher la fille. Et je l’épouserai. Mais fais passer ce message à la Borgne de ma part.

Il le prit par les cheveux et lui fracassa le crâne une nouvelle fois contre la table.

-Qu’elle aille se faire foutre! Et qu’elle mette tout en œuvre pour ne jamais recroiser ma route. Ou c’est son crâne que j’exploserai. Et pas contre du bois.

Il lâcha sa chevelure blonde en l’envoyant valser en arrière.

-Et maintenant casse-toi. J’ai un mariage à préparer.

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MessageSujet: Re: Tu souris à me voir me perdre, me retrouver si bas. [Terminé]   Tu souris à me voir me perdre, me retrouver si bas. [Terminé] Icon_minitimeMar 30 Juil 2013 - 20:51

Dolohov jubilait de jubilation mauvaise. Comme il était doux de contraindre, lorsqu’on l’est soi-même t… Le mariage, la richesse, le paraître, oui, plus il y réfléchissait – et il spéculait à une vitesse étonnante, dès lors que ses propres intérêts étaient en jeu- plus cette perspective séduisait chaque parcelle de son être.

Le mariage e avait calmé plus d’un, il était bien placé pour le savoir. Ses pensées s’égaraient du côté de Makel, que les choses avaient énormément envenimé, mais également rendu plus souple, plus conciliant. Pas que le vieux loup ait été dompté, loin s’en fallait… mais le fait de partager ses jours avec une compagne indésirée l’avait secoué, profondément. Il en était devenu meilleur ami que jamais. C’est tout ce qui importait pour Dolohov.

Le Talion était à Marlyn, pas à lui-même, il le comprenait. Mais il était hors de question de garder quelqu’un d’aussi imprudent aussi proche de sa compagne. Au pire, Ril’ Enflazio le tuerait, et Sa Majesté serait débarrassée d’un sbire un peu encombrant, bien que fort distrayant.
Au mieux, l’entrée dans le monde des nobles et la proximité d’une femme lui enseigneraient à se contenir, à se tenir, à méditer plus calmement les choses- en un mot, le respect.
Il songeait à ce que penserait le vendeur de chiffon, tenta, juste pour profiter pleinement du moment, de se mettre à sa place- et son regard devint un peu plus torve.
Il battit des cils, sereinement, lorsqu’Elio se leva.
Cette fois, il estimait la partie pleinement gagnée, non plus parce qu’il tenait l’autre par les couilles, mais parce que cette proposition ne pouvait que les satisfaire tous les deux. C’était lui faire trop d’honneur. Lui offrir une situation trop grande, trop belle, sans doute. Talion en remercierait Marlyn pendant des mois, cela était certain, et son propre réseau y gagnerait sans doute…
Un instant, juste un instant, il lui sembla que l’autre allait pleurer.
L’instant suivant, sans qu’il ait rien pu faire, son visage était écrasé sur la table, de toutes les forces d’Elio, et la vaisselle s’écrasait en absurde fracas autour d’eux.
Dolohov n’avait même pas eu le temps d’arrêter de sourire- ce qui se produisit promptement, pourtant.

A la première réplique, il comprit, sans savoir le pourquoi du comment, que son interlocuteur avait perdu toute mesure, et qu’il risquait plus que son visage : sa vie.
Aux derniers mots, il ferma les yeux, invoqua les spires, la porte scellée, et ce fut pire.
La morsure du métal à son oreille lui soulevait des décharges dans le dos, il sentait la lame le mordiller, sous l’effet de tremblements, et n’osa presque plus respirer, tant ça lui semblait surréaliste.
C’était comme faire face à un homme ivre, et l’idée de perdre un peu plus de son intégrité physique lui soulevait dans le cœur un nuage de terreur et de rage brute.

Il était glacé d’émotions, obligé de subir le positionnement de l’autre sur sa joue, dans son oreille, de tolérer la proximité de son souffle, sa voix, la lame, tout à la fois. Ca l’horrifiait, ça le dégoutait, ça crispait en lui quelque chose qui ne s’était plus crispé depuis l’adolescence.
Son visage n’exprimait plus rien qu’une contraction légère- la pression, la douleur, le poids de l’autre contre son flanc.
Il n’était plus rien, ni intimidant, ninoble, ni riche, juste parfaitement incapable de dépasser le hiatus qui l’empêchait de tuer proprement son adversaire.

Et son regard croisa, de l’autre côté du rideau, celui de la fille, juste avant qu’Elio ré-abatte son crâne sur le bois.

La douleur lui allait en flèche, vrillante, d’abord, puis sabordant, cavalant comme une nuée de rats le long d’une arborescence invisible, lancinante, répercutée à l’infini dans le cercle de son crâne- débilement fermé.
Puis son corps vola à terre, poupée de chiffon inutile, fragile, sans spires, sans issue d’autre que celle du sang par la peau. Il se redressa un peu trop vite, un peu trop chancelant que pour paraître superbe, ou quoique ce soit d’autre.
Il se fit la réflexion que ça collait au personnage insignifiant et barbu qu’il incarnait- que ce n’était que du théâtre.
Heureusement pour lui, Elio obéissait.
Il prétendait que ce serait la dernière fois, mais il obéissait. Les mains ne se détendirent pas pour autant. S’il partit aussi vite, en inclinant vaguement la tête, c’était à cause de la douleur, et parce qu’il emporta le visage de la fille derrière le rideau. Son expression.
Du moins, c’était ce qu’il se dit, pour que ça ait l’air moins absurde, moins grave, pour que la trouille et la honte qui lui collaient à la peau depuis sa vulnérabilité s’éloigne, au profit de la colère.
Il tituba hors du magasin, se promettant de veiller malgré tout à l’obéissance d’Elio – déjà les représailles s’esquissèrent dans son esprit, en filigranes.
Il prit appui sur un mur, derrière le premier coin, le temps que le monde cesse de tourner aussi fort.

Tout se paye, Talion.

La première guérisseuse qu’il aborda le soigna de son mieux, toute confuse, inquisitrice sur ce qui s’était passé, par habitude. Sans doute espionnait-elle pour le compte de l’un ou l’autre, peut-être même pour Iolan, dans le palais voisin- pour lui, par extention.

-Saloperie de cheval qui rue, maugréait-il, avec dans la bouche un reste d’aigreur.

La noblesse comme la roture montait à cheval, ça laissait au personnage assez de flou. La guérisseuse était pleine de sollicitude et d’attentions. Elle recommanda son bon sens : être venu tout de suite permettrait d’éviter toutes traces à long terme.
Mais il avait sans doute une commotion, il aurait des nausées…

Ca l’amusa un instant que sa boite vide de Spires puisse en plus le faire vomir- comme s’il y avait en lui la moindre impureté, comme si… Comme si, comme elle le disait, il avait besoin de s’allonger un peu, d’attendre, de récupérer.
Il le fit de mauvaise grâce, mais pas chez elle, de peur qu’elle appartienne à un autre, qu’elle ait reconnu le mentaï en lui, d’être surpris par d’autres agresseurs.

Il prétendit rentrer à l’auberge, se rappela qu’il n’en avait pas, sentit son cœur se soulever un peu plus à l’odeur du déjeuner, et du parfum trop corsé d’une maquerelle à qui il avait envisagé un instat de louer une chambre à l’heure. Furieux, humilié, et mal à l’aise, il reprit de l’assurance et se dirigea vers le Serpent Blanc, où son entrée se passa comme on sait.


*

Allongé sur son lit, depuis bientôt une demi heure, Dolohov tâchait de se remettre de « tout cela ».
Penser.

Le visage de la fille au rideau dansait sur ses prunelles grises. Il songeait à la colère de Talion, à sa rage parfaitement inexplicable. Une autre femme ?
Quoi, quel homme le mariage avait-il empêché de mener comme il l’entendait une double vie aventureuse ?
Des comptes à rendre ? Un veuvage dont Dolohov ignorait tout ? Il chassa ces questions, somme toutes, accessoires. Elio obéissait, oui, mais d’extrêmement mauvaise fois. Pire : il faisait n’importe quoi, il était profondément imprévisible.. et il allait lui payer ça.
Ca, son mal de crâne, la peur qu’il lui avait fait ressentir. Il allait lui faire ravaller sa morgue. Lui apprendre que personne n’envoyait Sa Borgne où que ce soit, et surtout pas si vulgairement.
Plusil repensait aux mots, plus il ressentait l’envie… non, le besoin, de se plonger la tête dans un seau. De se laver, d’urgence, de chasser le crasseux, le barbu, tout ce qui l’éloignait du confort de la peau du mentai.
Oui, il se l’était dit, lorsqu’il avait rencontré Miaelle : il faudrait que certains meurent…

Avant d’achever le cours de ses pensées, il tomba endormi.


*

Lorsqu’il se réveilla, le mentaï avait définitivement pris le pas sur le noble, et la lâcheté première prenait des airs de calcul. Il avait le début d’un plan, qu’il confirmerait en fonction d’Elio. Après le bain et le repas bienvenu qu’il paya rubis sur l’ongle, il retourna dans sa chambre, et sortit par le toit, moins souplement qu’il ne l’aurait pensé.
Heureusement pour lui, l’architecture d’Al-Poll faisait que les toits étaient très raides, et descendaient très bas, il n’eut guère d’effort à faire pour sortir, et rejoidre l’extérieur, déguisé en petit bourgeois anxieux et inquiet, les cheveux dissimulés sous un chapeau.
Etrangement, la perspective de se faire repérer maintenant ne l’inquiétait plus.
Qu’on regarde donc ce qu’il s’apprétait à faire, de ses mains nues.
Elio ne méritait pas qu’on use contre lui du pouvoir de l’esprit.


*

Il était parti à cheval, toutes brides dehors, en saluant « Charlize », bourru, mais affectif, discrètement.
Avant cela, il avait observé leurs attitudes, ombres chinoises derrière la fenêtre de l’étage, jusqu’à ce que Mademoiselle close sur eux les volets de bois.
Elle n’avait pas fermé ceux de l’étage, sans doute pour s’accorder le luxe de le regarder partir.
Dolohov pour sa part, souriait, du sourire absurde et torve que toujours on regrettait.
Entrer avait été un jeu d’enfant, surtout parce que la jeune femme pleurait, et ne parvenait pas à accomplir ses tâches correctement.
La tension était revenue, mais c’était de la vigilance, cette fois, entre autre.
Il était passé juste derrière elle, léger comme un souffle de vent, elle s’était retournée sur la nuit, sans le voir, mais vaguement inquiète.
Pauvre fille, trop chagrine pour croire que quoique ce soit de pire puisse arriver.

Il y avait réfléchi tout l’après-midi.
Soit Marlyn était beaucoup plus fine qu’il ne le croyait, et elle avait choisi une femme élève, discète, effacée derrière un colosse blond tout en muscle et en impulsion, impossible à ignorer. Et le Talion, c’était elle. Dépourvue de dessin, peut-être, mais pleine d’astuce

Soit Elio était plus lié à elle qu’il n’y paraissait. Le fait de ne pas avoir vu l’un ou l’autre quitter la demeure avant tard la nuit confirmait la dernière proposition, sans infirmer la première.
C’était donc fort logiquement que Dolohov avait décidé de s’en prendre à elle.
Elle ferma la porte, en reniflant, toute ramassée sur sa poitrine- ce n’était pas le comportement d’un chef de réseau, mais… Après tout, la solitude effaçait parfois les plus fortes retenues.
Le mentaï s’attendait presque à ce qu’elle essuie des larmes d’apparats d’un coup, pour reprendre un visage de femme- chaos, comme il les aimait, comme il aimait en fréquenter.
Elle aurait pu gagner son respect. A la place, elle amorça le geste de remplir une bouilloire de tisane, en gémissant.

Il hésita une seconde- le temps d’un battement de cil, d’un coup de sang dans son cœur, d’un lancement à la tempe- le temps de laisser libre cours à la part de lui qu’il faisait taire généralement.
Ce n’était pas qu’il aimait le faire- c’est qu’il fallait avancer, protéger, toujours.
Un battement de cil- et elle était tout contre lui dans ses bras.


*

Ils se faisaient face à la lumière des bougies.
Le mentaï se sentait étrangement paisible, en harmonie avec une part de lui-même, sans regard extérieur sur elle. Il n’était pas la bête sauvage qui cognait depuis le fond de son crâne, qui exhalait toute sa rage sur le visage d’un ennemi, jusqu’à lui crever l’œil.
Par instinct, il avait fait de Varsgorn son borgne.

L’envie le démangeait de recommencer- elle devait le sentir à son sourire, ne cessait pas de pleurer. Bâillonnée et ligotée comme elle l’était, elle aurait bien été en mal de faire autre chose. Il l’avait assise précautionneusement, trop peut-être, et elle avait fini par arrêter de se débattre, par le fixer avec cet air de biche traquée, acculée, les yeux encore injectés du sang des larmes.


- Charlize ? C’est Charlize, n’est-ce pas ?- murmurait-il, penché vers elle, le menton appuyé sur ses mains gantées de cuir pour l’occasion. Je suis venu pour discuter avec toi. Oh, pas affaire, ne t’inquiète pas. Rien de compromettant, mais… il fallait que je sois sûr qu’on m’écoute, tu comprends ?

Toi, mais pas seulement, disaient les yeux pâles, dont les flammes ravivaient l’éclat.

-Dis-oui.

La vérité c’est qu’il avait besoin de soumettre quelqu’un entièrement, de retrouver le parfait contrôle de lui-même, l’impression de gérer. Elio était censé lui avoir fourni cela, et à la place, le suvenir de la lame qui griffait son oreille…
La colère l’assurait, froidement, derrière le masque, d’être dans son bon droit.
Il ne voulait pas élever la voix. Il ne voulait pas avoir l’air de la brusquer. Mais elle avait tout intérêt à ne jamais l’obliger à répéter un ordre deux fois.


-Je suis venu te parler de lui ; aussi étrange que ça te paraisse, tous les deux nous avons à nous soucier de.. son cas. Je pense que tu peux m’aider.

Bravement, d’un coup, comme en se reprenant, elle secoua la tête en tous sens, devenant butée, dure. Il sourit.

-[olor=darkslategrey]Oh… je ne te demande pas de faire quoique ce soit : pas d’espionnage, pas de rapportage, pas de trahison, pas de poison, c’est promis.[/color]

Les yeux cherchaient à comprendre, se fascinaient malgré eux sur le mouvement des lèvres, seules parts mobiles du mentaï, figé comme un chat.
Le poignard apparut dans sa main, sans qu’elle voie comment, mais son souffle accéléra drastiquement, devenant plus profond.


-Il a besoin d’apprendre à être prudent, tu ne crois pas… ? C’est à croire qu’il n’a jamais eu de mère à respecter, de père à craindre... Mais il prend soin de toi, n’est-ce pas ? Il t’a promis de continuer à prendre soin de toi ?

Elle lui opposa un regard fixe, implorant, plein de larme, qui lui souleva un frisson dans le dos. Sienne, déjà, songea-t-il, mais sans que rien ne fasse écho. Il songea à faire apparaître le poignard qu’il lui cachait jusqu’ici. Mais ça n’aurait pour effet que de l’affoler encore plus. Tant qu’elle ne le contrariait pas et lui accordait l’attention qu’elle lui devait, ce n’était pas encore nécessaire.

-Ca ne t’est jamais arrivé de penser que toi, tu pourrais prendre soin de lui ? Qu’il serait temps de rendre la pareille, un peu autrement, un peu plus qu’en faisant sa vaisselle ?

Oh, il apprécia le léger froncement des ailes de son nez, les larmes qui affleuraient sans qu’elle puisse rien, qui brouillaient tous signes clairs de ses yeux- qui la rendaient infiniment plus laide qu’elle ne l’était. De la défiance plus que du défi, elle était faible, même amoureuse. Et il avait déjà dû l’user tout à l’heure, en annonçant son mariage avec une autre.

-Le ferais-tu, si tu en avais la possibilité ? Si ta seule présence suffisait à lui rappeler qu’il doit être sage, fort, doué, pour vous deux ? Si un seul regard de toi lui rappelait qu’il ne doit pas se faire des ennemis trop grands pour lui, simplement suivre et mener ses affaires… ?

Elle ne bronchait plus- mais ne réagissait plus non plus. Il abattit son poing sur la table, de toutes ses forces ; elle eut un sursaut énorme, immonde, qui se mua en sanglots irrépressibles, infinis. L’idée de saisir ses épaules de la secouer lui frôla l’esprit, le dégouta instantanément. A la place, il grogna, la voix rauque, la même question, en brandissant son poignard sous le petit nez qu’elle avait morveux.
Focaliser l’attention du personnage.


-LE FERAIS-TU ?

Ses narines se dilataient sous le tissu sale, et elle tentait de se dégager du mord qui lui bridait les poignets. Le vent de sa panique l’agaça, autant qu’il soulagea sa soif de soumission, son besoin d’être pris au sérieux- comme une menace.
Elle continuait de pleurer, les yeux fermés, comme si ça pouvait écarter le poignard. Le mentaï souriait sous la toile qui drapait son visage ; parce qu’il croyait connaître la réponse, qu’il n’obtint pas : elle s’évanouit.

La giffle la lui ramena quelques secondes plus tard, et dans la sécheresse de son coup, le mentaï avait mis tout son mépris ; c’était lui-même qu’il gifflait de perdre son temps, de risquer, par des détours, que Talion revienne, d’être encore surpris.


-Veux-tu le protéger, Charlize ?

Elle ne sembla pas comprendre, battit des cils, puis la peur revint, lui noua à nouveau la gorge, c’était fascinant comme c’était visible, comme ses yeux semblaient gonfler à la vitesse de l’éclair.
Sa voix était très calme, très douce, presque caressante- et du poignard il n’y avait plus de trace, que dans les yeux de Charlize, qui le cherchait.
Elle hocha la tête, une fois, vaincue, pleine d’espoir, comme si ça pouvait chasser le grand malade qui lui faisait face.


-Parfait.

Il laissa tomber une goutte de ladanum sur le linge qui lui barrait le visage, qui endormit la jeune femme à la première respiration. Pour ne pas qu’elle bouge, répéta-t-il. Pour éviter de la cogner inutilement – Elio comprendrait moins sa précision, sa douceur chirurgicale, elle ne lui en irait que plus loin.

D’un geste qui lui fut étonamment facile, il posa la pointe de la lame contre la peau du front de la jeune femme, puis appuyé juste assez pour faire perler, puis couler, une larme de sang.

Comme Dessiner lui manquait.

Le tracé allait, fluide, sur sa peau toute lisse, les vagues de la dame lui firent bientôt un diadème rouge comme le Dragon, qu’ilsouligna majestueusement.
Du haut, à gauche, il partit en diagonale, un trait plus profond qui séparait les chairs, et contourna l’œil autant que le sourcil droit, en un arc de cercle presque parfait. Presque doux.
Bien sûr, les saignées défiguraient tout, mais sur l’instant, Dolohov, plongé dans son dessin, ne parvenait pas à les trouver inesthétiques. Et quand elles s’accrochaient dans le rideau des cils…

Crever l’œil ? Il hésita, ne fit pas l'honneur.
Dans le corsage de Charlize, il glissa un petit mot qui disait « Ouvre l’œil, le bon ».
Pour Elio, il lui semblait que le message était assez clair.
Ca voulait dire : « Vous êtes à moi ». Ca voulait dire « J’aurais pu la tuer ». Ca voulait dire « Tu es encore petit » ça voulait dire « Sa Majesté est toujours là, et n’agit qu’à sa convenance ».
Ca voulait dire tellement plus que les mots.

Qu’ils tremblent tous. Sa Majesté était pire, dépourvue de pouvoir.
Il embrassa la jeune fille, encore inconsciente, sur la joue, et sortit, en prenant garde de tout fermer derrière lui.

Comme prévu, il ne croisa personne, personne pour voir un petit bourgeois sourire comme un dément
.

[Si tout te convient? -Sinon, n'hésite pas, même si c'est "après" le post d'Enelÿe angel ]

Elio Tharön
Elio Tharön

Mercenaire du Chaos et Maître de la boutique du Talion
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MessageSujet: Re: Tu souris à me voir me perdre, me retrouver si bas. [Terminé]   Tu souris à me voir me perdre, me retrouver si bas. [Terminé] Icon_minitimeSam 31 Aoû 2013 - 11:24

La jeune suivante n’avait jamais vu son amant dans un tel état. Il était déjà rare qu’il amène quelqu’un chez eux, alors, pour le coup, elle avait pensé qu’il s’agissait d’un ami, d’une personne de confiance. L’entendre s’énerver de la sorte l’avait donc troublée au plus haut point. Car oui, elle avait écouté aux portes. Elle n’en était pas fière, mais sa curiosité amoureuse pour Elio l’avait emporté sur toutes craintes de le décevoir. Et la situation était si grave que le Talion lui-même n’avait pas relevé son espionnage lorsqu’elle s’était manifestée, une fois l’homme parti.
Le mariage. Aucun des deux habitants de la boutique ne réalisait pleinement l’envergure de la catastrophe. Charlize ne savait pas vraiment qui était cette « Ene », et la jalousait déjà. La femme avec qui Elio devait passer le reste de sa vie, c’était elle, et aucune autre ! Alors certes, elle n’avait pas de nom à particule, et pas de richesse. Mais elle était belle, elle le savait. Sinon le seigneur Hil’Muran ne l’aurait jamais voulu dans ses draps. Mieux valait avoir de beaux descendants, plutôt que d’horribles gamins riches. Elle pensait méchamment, et le savait. Rien ne lui disait que l’heureuse élue était d’une laideur si réconfortante. Mais l’idée même de l’imaginer belle et instruite lui donnait envie de hurler et de vomir l’injustice.


Elle tenta bien de le convaincre. De trouver des solutions aussi extrêmes que la mort de Marlyn et cet homme de malheur. Marlyn. Comme elle l’avait pressenti, dès la première rencontre ! Elle n’avait pas donc que la beauté pour elle, elle possédait également un certain discernement des personnes. Et cette garce de dessinatrice venait de se jouer de son sauveur. Tel un serpent, elle s’était attribué toutes les bonnes grâces et confiances pour ensuite creuser la tombe de son propre élève. Quelle pourriture ! Elle mériterait la plus douloureuse des morts. Et l’homme qu’elle avait envoyé avec !
Sa rage diminua lorsqu’Elio l’amena à son lit. Avait-elle trouvé les bons mots ? Elle ne le savait. Mais en tous cas elle avait réussi à le sortir de son mutisme. Et à présent elle jubilait de se savoir aimée et désirée. De savoir que le mariage ne comptait pas à ses yeux, et qu’elle restait sienne. Qu’il restait sien. Les baisers enflammés sur sa peau lui insufflaient même la force de supporter cette nouvelle épreuve. Car plus il mettait d’ardeur dans ses coups de reins, et plus elle réalisait qu’il s’agissait d’un au revoir. Un dernier moment d’amour charnel, comme pour dire « je suis désolé », « c’est toi et pas elle, mais elle quand même », « tu vas me manquer », et peut-être même le rêvé « je t’aime ».


Elle quitta couche avec un mélange de sentiment qui lui donnait des vertiges. Enveloppée dans un peignoir, elle s’activa à la préparation des bagages de son maître, pour éviter de donner un nom à ses ressentis. Il y avait un peu de fierté, après la discussion sur l’oreiller. Fierté, tout d’abord, d’avoir eu ce temps de parole, d’avoir partagé son monde secret, ses affaires et ses craintes, comme une réelle confidente. Et fierté de le savoir toujours lui, toujours un cœur d’or dans la noirceur de ses actes. Enelyë devait être une fille bien, puisqu’une amie. Et le fait qu’il ne la laisse pas tomber la rassurait elle-même de ne pas être oubliée un jour. Il n’était pas de ceux qui se débarrasse de l’encombrant. Pas des encombrants qu’il aime, en tous cas. Et il venait tout juste de lui prouver qu’il l’aimait. Il y avait donc du soulagement, aussi, dans son cœur brisé. Il partait, mais reviendrait. Marié. Marié et devant aux yeux de tous partager la couche de sa femme. Et ça. Ça, ça devenait une boule énorme qu’elle ne pouvait avaler. Et puis l’inquiétude la rongeait. Marlyn s’arrêterait-elle là de ses manigances ? La seule consolation pour se calmer de ce stress était que si elle le voulait marié à cette fille, c’était donc qu’elle le voulait vivant. La plus grosse difficulté à admettre était sa propre place dans tout cela, à son retour. Que serait-elle pour lui ? Pour eux ? Suivante, encore, très certainement. Il lui faudrait cuisiner, changer les draps, conseiller, tenir boutique, soigner, peut-être même laver, ce couple mal formé et devenu noble trop vite. De quoi mettre une ambiance insoutenable dans la maison. La maison ! Comment sa nouvelle épouse noble accepterait-elle de vivre dans une toute petite maison jouxtant à une boutique d’arme ? Il lui faudra déménager. Suivra-t-elle ? Il n’oserait tout de même pas la vendre. Non. Pas lui. Mais elle ? Tandis qu’il travaillera, si travailler encore il lui faudra, elle sera tout aussi maître d’elle qu’il l’était. Enelyë devait l’apprécier. Sinon elle serait jetée et remplacée. L’angoisse d’être éloignée d’Elio par sa propre concurrente la fit frissonner et stopper toute activité. Elle courut vers Elio qui scellait Requiem avec difficulté.

-Elio ! Laisse-moi partir avec vous.

Il se retourna, surpris. On voyait encore à son visage blafard qu’il ne digérait pas cette nouvelle mission.

-Charlize…Tu dois tenir boutique durant mon absence. Tu es la seule que j’ai formé à connaitre les armes et leurs valeurs.

La jolie blonde soupira.

-Mais…elle aura besoin d’une suivante pour le mariage. Pour l’habiller, la coiffer… Une noble a besoin de tout cela. Autant que ce soit moi, si ensuite on doit vivre sous le même toit ! Laisse-moi t’aider !

Le demi-faël passa une main tendre sur la joue rouge de son amante.

-Tu m’aides déjà. En tenant boutique durant mon absence. Finnegan passera t’aider deux jours par semaine, je viens de lui faire envoyer ce message. Il est dans le coin en ce moment. Pour l’instant le mariage doit rester secret. Une fois qu’il sera dévoilé, alors tu pourras nous rejoindre. Finnegan lui-même t’y emmènera. Et là, tu pourras…la servir. Charlize, c’est bien ce que tu veux ? Tu es sûre ?

La voir se mettre au service de sa future épouse ne lui semblait pas être une idée géniale.

-Je veux être avec toi. Et t’aider. Et…si Enelyë est ton amie…elle sera donc la mienne.

Il lui coûtait de l’admettre, de l’accepter. Mais elle n’en avait pas le choix. Tout comme elle du se résoudre à tenir boutique le temps de l’enlèvement de la jeune noble. Et plia donc les baluchons de vivres, de vêtements et de quelques armes, qu’elle attacha à la selle de l’étalon, et fit un bref au revoir à Elio pour cacher ses larmes. De l’intérieur, elle veilla par la fenêtre son départ.

*

La bouilloire sifflait, annonçant que l’eau de son infusion était enfin chaude. Elle allait pouvoir se blottir dans une couverture, tasse en main, et pleurer ce foutu karma. Trop atteinte par ses sentiments elle n’entendit pas même la porte s’ouvrir et se refermer dans son dos. Pas plus qu’elle ne sentit la présence menaçante se mouvoir à ses côtés. La tasse fut lâchée de surprise, et se brisa sur le sol, lorsqu’une main s’empara d’elle. Elle ferma les yeux, déjà persuadée d’être morte.

Elle les rouvrit à la lueur de bougies. Vivante. Mais prisonnière. Un bâillon l’empêchait de hurler et lui tiraillait les commissures des lèvres. Et de solides cordes lui brûlaient pieds et mains. Et un regard de fou la fixait, sourire sur un visage qu’elle reconnut bien vite. L’homme de Marlyn. Elle déglutit avec difficulté. Elle ne s’arrêterait donc pas au mariage ? Et Elio ? Elio était-il en danger, seul sur la route ?
Il s’adressa à elle avec une voix mielleuse qu’elle jugea insupportable. Elle savait dès à présent qu’elle n’oublierait jamais cette voix là.


-Dis oui.

Elle acquiesça vivement, faute de pouvoir parler. Elle était terrifiée. Terrifiée par le simple fait de ne pas savoir. Qu’allait-il faire d’elle ? Et que ferait-il d’Elio ?
A moins qu’il ne lui dise. En effet, il était pour lui, ce qui était plutôt évident. Mais comment pouvait-il croire, une seule seconde qu’elle l’aiderait, lui ? Ou plutôt elle, cette putain ! Jamais ! Jamais elle ne trahirait Elio comme la Borgne l’avait trahi ! Charlize fit donc part de son refus de coopération, grognant et secouant sa chevelure blonde. Mais il ne voulait pas cela, et elle se retrouva perdue. Les larmes commencèrent à couler sur son visage, de rage de ne pas comprendre ses intentions. Son imagination commençait à se mettre en route et elle n’aimait pas du tout cela. Il savait trop de choses. Comment savait-il qu’il avait promis de prendre soin d’elle ? Depuis combien de temps étaient-ils espionnés dans leur intimité ? Ses lèvres blanchies par la peur se mirent à trembler, et son cœur tapait avec force contre sa poitrine. N’avait-elle donc jamais été en sécurité ?
Il la poussait à bout avec ses mots. Et elle aurait voulu lui cracher au visage que si elle prenait déjà soin de lui ! Et pas qu’avec de la vaisselle ! Il lui renvoyait au visage son impression constante d’être inutile, sa dévalorisation d’elle-même. Elle ne pouvait plus retenir aucune larme, aucun tremblement de son corps. Tout n’était que torture morale. Et petit à petit, elle comprit. Il était là pour donner une leçon à Elio. S’il n’avait rien dit d’avoir eu la tête explosée contre la table, à présent il ripostait, très certainement sous ses ordres à elle. Et plutôt que de prendre le risque de s’attaquer directement à lui, il s’en prenait à plus faible. Lâche. Mesquin. Marlyn. Le fait même qu’elle ne se salisse pas directement les mains prouvait toute la veulerie de cette femme-sorcière. Elle ne répondit rien, dégoutée. Cela ne lui plut pas. Poing sur la table, et poignard venant de nulle part sous son nez. L’effet fut immédiat. Son corps se tétanisa, ses veines implosèrent, et les larmes redoublèrent. Elle aurait voulu continuer à se dresser contre lui, mais son organisme ne supporta pas plus de pression. Elle perdit connaissance.


Ce fut une gifle qui la ramena brusquement à la réalité. Elle était toujours là, mais presque vide de sens à présent, groggy, devant cet homme qui lui faisait peur. Elle pensa alors qu’elle aurait voulu mourir durant ce moment d’inconscience. Il posa à nouveau sa question, et elle ne put que se résoudre à donner la réponse qu’il attendait, tant la panique la liquéfiait. Elle n’entendit que le « parfait » avant de sentir une forte odeur se répandre dans ses narines. Forte odeur qu’elle reconnut pour l’avoir utilisé sur Elio lors de blessures trop graves. Forte odeur qu’elle reconnut, mais trop tard.

*

-Charlize ! Par le Dragon…je…CHARLIZE ! Réveille-toi, je t’en supplie !

Ses paupières lourdes encore des récentes larmes s’ouvrirent. Dans un flou elle perçut les yeux bleus d’Elio, et elle sourit bêtement, encore droguée. Tout n’avait donc été qu’un simple rêve.

-Tu es revenu. Grogna-t-elle.

La preuve que rien de toute cette horreur n’avait eut lieu : elle pouvait parler. La vision se fit plus claire, et avec stupeur elle vit Elio tomber à genoux et pleurer, visage contre ses cuisses. Elle était encore assise, sur la chaise du supplice. Et si elle pouvait parler, c’est que le bâillon était à terre, enlevé par son amant, tout comme les cordes. Elle fixa ses poignets rougis et égratignés, et sentit sa mâchoire douloureuse, comme engourdie. Un violent mal de crâne vint la cueillir. Toutefois elle releva le visage blafard d’Elio.

-Chuutt…Là…Elio, je suis là. Tout va bien.

Elle cueillit entre son poing un papier qu’il venait de froisser de rage. « Ouvre l’œil. Le bon. »
Un vent de panique s’installa alors dans son cœur. Sa respiration se fit plus saccadée. Elle passa ses mains sur ses yeux, mais souffla. Elle voyait. Elle voyait. Il ne lui avait pas crevé l’œil. Pourtant elle sentait un tiraillement incessant tout autour de son œil, et sur son front. Alors, repoussant Elio qui se confondait en excuses, elle se leva et se dirigea vers le premier miroir.
Le hurlement qu’elle poussa réveilla sans aucun doute les trois pâtés de maison voisins. Talion, qui se ressaisissait tout juste, vint la soutenir pour qu’elle ne tombe pas à nouveau dans les pommes. Ce n’était pas possible autant de cruauté. Ce n’était qu’un cauchemar. Qu’un horrible cauchemar. Pour s’en persuader, elle regarda son visage une deuxième fois. Cette fois-ci Elio n’eut pas à la retenir, mais elle pleura tout ce que son corps pouvait encore pleurer. Une horrible couronne de sang séché faisait le tour de son front, se fondant dans sa chevelure blonde, tandis qu’un bandage jumeaux à celui de Marlyn était gravé autour de son œil droit. Elle se détourna de ce reflet insoutenable pour regarder son amant. Il baissa la tête, n’osant pas même la regarder dans les yeux.


-C’ma faute. C’ma faute. Tout est d’ma faute. Répétait-il comme un automate.

Le désespoir de Charlize se transforma en réelle rage.

-SALOPE !!! CE N’EST QU’UNE SALOPE ! ELIO !! Elio…C’est Marlyn, c’est bien elle. Je…Je suis elle, maintenant.

Elle tomba à genoux, pleurant.

-Je. Suis. Elle.

Elio s’agenouilla pour la prendre dans ses bras, évitant toujours de regarder le macabre dessin. Il grogna.

-Tu n’es pas elle, car tu es vivante. Et elle va mourir. Je te promets qu’elle va mourir. Je…je dois rejoindre Ene, elle m’attend dehors. On doit partir, avant qu’on nous voie. Mais, Charlize. Je te le jure. Je te vengerai. Tu entends ? Vengeance sera faite pour ce qu’ils viennent de te faire !


Trois coups frappèrent à la porte et Charlize fit un bond de plusieurs mètres, se recroquevillant sur elle-même. Prudent, Elio alla ouvrir, gant de griffe en main, presque sûr qu’il s’agissait d’Ene, se demandant ce qu’il se passait. Au lieu de quoi, il découvrit Finnegan. Soupirant, le Talion lui tomba dans les bras. L’homme aux yeux effacés le dégagea, le visage inquiet.

-Bordel, Elio, qu’est-ce qu’il se passe chez toi ? Tu devais être parti ! Et j’ai entendu hurler. J’suis pas le seul à avoir été réveiller, tu dois déguerpir, et vite !


Le demi-faël le fit rentrer pour constater par lui-même des dégâts.

-Je… J’voulais repasser ici. J’voulais prendre un truc…pour…pour Ene. Et…et…Putain j’y crois pas. Elle l’a fait. Elle lui a fait ça pour moi. Je…j’vais la tuer. J’VAIS TOUS LES TUER !

L’expert en drogue le secoua, devenant menaçant pour le faire réagir.

-Arrête de suite tes conneries ou tu la retrouveras en pire état encore !

Charlize sanglota, aussi Finnegan vint à elle.

-Bien sûr qu’on leur fera payer ça. J’le jure aussi. Mais en attendant, Elio tu dois honorer ton pacte. Jusqu’au bout. Ou ils s’en prendront encore à elle ou à d’autres. Pour l’instant ils sont plus forts. Pour l’instant. Laissons-les croire qu’on se soumet. Et on frappera encore plus fort.

Elio se calma un peu.

-Je l’emmène avec moi.

L’ami du Talion leva les yeux au ciel.

-Pour éveiller encore plus les soupçons et faire capoter ta mission ? J’t’ai connu moins con ! Je veille sur elle, ok ? J’dirais qu’elle a été agressée c’te nuit. Par les temps qui courent, personne croira à autre chose. On va cacher son visage, pour pas qu’le motif en dise trop sur le responsable d’l’agression. Ça va aller, ok ? Je prends l’relais. Toi, casse-toi avant de tout foirer. Et vite !

Le jeune homme hésita un instant, puis sous l’œil menaçant de son ami, il embrassa à la hâte Charlize, sans vraiment la regarder, et sortit rejoindre sa fiancée. Il se vengerait. C’était une certitude. Et la même colère grondait en lui que celle de venger sa mère lors de son entrée à l’Académie. Cette fois-ci, ce serait à son tour de se foutre des dommages collatéraux. Œil pour œil, dent pour dent, telle est la loi du Talion. Et cela, Marlyn ne semblait pas l’avoir compris.

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Tu souris à me voir me perdre, me retrouver si bas. [Terminé]
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