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 Les crimes des vainqueurs ne sont jamais punis [Terminé]

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Ambre Naeëlios
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Marchombre
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MessageSujet: Les crimes des vainqueurs ne sont jamais punis [Terminé]   Les crimes des vainqueurs ne sont jamais punis [Terminé] Icon_minitimeVen 9 Sep 2011 - 1:31

L'arme.
Elle avait dû négocier âprement pour que Silind daigne qu'elle l'achète. Le forgeron n'était pas homme à brader son art; mais il s'estimait un devoir de fournir les plus jeunes générations. Celles dont Ambre n'estimait plus faire partie. Elle lui avait expliqué en long large et travers qu'elle n'était plus élève, mais marchombre résident à l'Académie, et qu'à ce titre, ainsi qu'en vertu de son éducation, elle voulait mériter l'objet qu'il devait lui construire.
Elle se doutait, bien sûr, que la valeur à laquelle était revu l'ouvrage était  extrêmement à la baisse, mais cela lui convenait. Ambre voulait juste que ses transactions soient faites honnêtement, donnant donnant des deux côtés.

C'était donc par soucis d'honnêteté que la jeune femme s'entrainait assidument aux disciplines qu'elle négligeait d'ordinaire-pour le contrat avec les itinérants. Ses dons à l'arc ne se manifestaient toujours pas, mais sa rigueur palliait au talent. Elle n'était plus si mauvaise. La confrontation avec la majorité des Académiciens la rebutait de manière générale, elle les évitait autant que possible, courant dans le parc à en perdre le souffle. L'été était doux, et la poussait régulièrement au lac ou à la cascade – aux petites lueurs du jour. Ambre dormait peu, panache de marchombre, ou de névrosée.

La fatigue parvenait quelque fois à dominer l'esprit, étouffant l'amertume sous les courbatures. Elle songea quelques fois qu'être guerrière assurait une vie simple, et dénuée de tracas, que ce serait facile. Et souvent, elle étendait ses réflexions au cas de Tifen, non sans une certaine rancoeur.
L'idée que sa soeur d'arme préfère enseigner aux Chantelame qu'au marchombres les séparaient spirituellement.  Même si, jusqu' à présent, l'idée d'enseigner rebutait Ambre au plus profond d'elle même. Ses souvenirs de la cérémonie marchombres s'étaient noyés entre triomphe et vanité, quelque part où il restait plus de « vain » que de victoires. Qu'importe.

Sa propre mémoire l'épuisait. Le temps d'attente du départ usait le peu de nerfs qui lui restait. Régulièrement le venin lui courrait dans les gencives, et il fallait se faire violence pour ne pas faire payer la moitié de l'Académie pour. Les couples heureux qu'on laissait s'étreindre- alors que tant d'indignité..! - Elera qui passait, depuis le bal, avec l'air un peu moins morne et malheureux (guère étonnant, elle faisait partie de ceux qui se satisfaisaient des fêtes ridicules pour oublier, Ambre le croyait.) Une silhouette d'Ewall ou Anaïel, et leur proximité infime, et pourtant trop claire que pour qu'elle n'aborde l'un ou l'autre. Ena Nel' Atan, avec son air de rideau qu'elle aurait déchiré de long en large, juste pour voir quelle lumière cela cachait.
Et parfois, un détail, au détour d'un pavé, un éclat qui évoquait Marlyn dans sa ruelle sombre, et le chaos à enfuir sans cesse. Plus souvent, l'expectative d'un message, pour pouvoir affirmer une non-réponse. Elle ne voulait qu'aller à la mer. Aller au diable, elle aussi.

Elle aidait donc les domestiques, forte de son accord avec Silind Frandrich, le forgeron, puisque celui-ci ne tenait pas spécialement à ce qu'elle lui consacre les heures de travail nécessaires à acheter son arme. Parfois, elle nettoyait les écuries. Parfois elle allait tenter d'enseigner la lecture aux enfants de paysans, c'était une suggestion qu'elle avait fait- un peu ironiquement.
Ambre estimait en effet que c'était de sa culture et de ses lectures qu'étaient nés ses utopies fantasques sur la liberté, les marchombres. Une petite voix lui soufflait que ça venait peut-être du Dessin.  Mais l'itinérante ne souhaitait pas penser à cela actuellement.  
Il lui semblait que, la dernière fois qu'elle s'était laissée aller à l'Imagination, quelque chose qui ressemblait à « la tempête » de Marlyn de lui tourner autour. Mais il était inconcevable qu'elle soit revenue par ici. Pas « maintenant ».  Et qu'elle cherche à la contacter, surtout, aurait été d'extrêmement mauvais goût.

Le hasard la fit tomber, au détour d'un couloir, sur une paire d'yeux d'un bleu si intense qu'il semblait iriser le visage tout entier. Elle s'en détourna naturellement, dès que son doute premier fut écarté. Elle reprit sa démarche de reine des routes, le cou trop haut pour quelqu'un de sa caste.

Mais les yeux bleus se trouvèrent dès lors sur son passage. Elle les sentait rôder, observer ses parcours dans l'Académie. Un petit bout de ciel en liberté qui répugnait à la suivre dans les sous-sol ou dans la boue-pour une raison aussi obscure que ses pupilles.
Ambre n'était pas idiote. Il était indiscret, volontairement, cherchait son attention. Si seulement il avait su à qui il avait à faire, il aurait sans doute hésité.
Mais jusqu'à l'aube, ce jour-là, elle avait été désarmée, il avait manqué un semblant de chance.

Elle avait senti son esprit rôder une fois de trop près du sien- c'était chose curieuse qu'une présence dans les chemins qui en frôlait une autre. Ambre était incapable de communiquer dans l'autre réalité, et n'envisageait pas une seconde de pallier au manque. Quand son esprit déviait vers ce qu'elle ne pouvait éliminer, il ne se montrait qu'en infime parcelle – l'ermite lui avait dit, en une occasion précise. Mais elle était sensible, et la proximité d'un dessinateur doué suffisait parfois à lui flouer l'esprit.

Si elle en croyait ses pressentiment, celui-là n'était pas seulement doué.
Cependant, il avait manqué sa chance. Ambre était réarmée, à présent. La main du forgeron et la sienne s'étaient mêlées, et elle l'avait salué ensuite du signe du respect de l'itinérant, qu'il lui avait rendu. La roturière avait cru son honneur lavé de toute part, et commencé sa journée d'excellente humeur. A la fin de la semaine, elle partirait pour le sud. Rien n'empêcherait son départ, elle ne tuerait personne.
Même pas la Haute Noblesse.
Même pas les futures Sentinelles
Pas plus qu'Ena Nel' Atan.

Elle partirait marchombre et donnerait au mot une définition à sa convenance. Stricte, rude, honorable, et profonde, chaotique au sens premier du terme. Tissé de l'harmonie, de son propre chaos.  Ambre partirait tête haute, libre, et pas meurtrière. Pas parjure. S'ils avaient eu un port d'attache, la demoiselle aurait même tenté d'en avertir ses parents. Tout était bien, si l'on peut dire. Qu'auraient-ils répondu de toutes manières? Elle ne serait plus jamais leur fille, elle ne leur apporterait ni petits-enfants ni mariage riche, ni talent. Rien que des nouvelles vides de sens pour eux.

Ses pas la menèrent aux escaliers, qu'elle commença à gravir vers une tour lambda. L'allée était pleine d'élèves, qui s'asseyaient en général sur les premières marches, quand ils ne se coinçaient pas le pied dans une des dernières marches de bois- et se brisaient la cheville.

Il venait d'en haut, elle ne l'avait repéré, en périphérie de sa vision qu'aux environs de la 30ème marche- là où le colimaçon fait place à un grand escalier, qui s'étendait en volée absurde au dessus de l'armurerie- formant une aile d'acier et de bois, que les nouveaux venus contemplaient longuement depuis le rez de chaussée.
C'est ainsi que par un hasard tout relatif- marche de bois qui sous ton poids craque- elle rencontra en personne Lev Mil' Sha, sans bien sûr pouvoir le nommer.
L'endroit, les convenances et le reste de l'assistance, fort jeune ou guerrière, semblait exiger qu'Ambre, en s'approchant, essaye de l'aider. C'est ce qu'étaient censé faire les maîtres, et les plus vieux en général. Quoiqu'à vue de nez, il devait avoir son âge; qu'elle n'était pas maître, et, surtout... qu'elle n'avait absolument aucune envie de l'aider en quoique ce soit.  



[A ta convenance ]

Lev Mil'Sha
Lev Mil'Sha

Etincelle
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MessageSujet: Re: Les crimes des vainqueurs ne sont jamais punis [Terminé]   Les crimes des vainqueurs ne sont jamais punis [Terminé] Icon_minitimeVen 9 Sep 2011 - 21:15

Il était temps de faire quelque chose de constructif dans cette académie. Cette idée s’était imposée au jeune homme lorsqu’il avait ouvert les yeux, ce matin, sur les poutres brutes à quelques dizaines de centimètre de son nez. Il avait pris ses aises dans une chambre de sa « maison » (non mais quelle idée de cataloguer les gens selon des critères aussi abscons, franchement !) que personne n’avais eu l’audace de partager avec lui. Il s’était donc retrouvé, pour son plus grand plaisir, seul dans une chambre d’environ 4 personnes et avait installé son nid au deuxième étage du lit double le plus éloigné de l’ignoble grande fenêtre. Il n’avait pas eu encore beaucoup de contact avec les autres élèves, pour la plupart plus jeunes que lui et surtout d’un désintérêt crasse, à part peut-être cette Naomi ou quelque fut son nom, qu’il avait rencontré pendant le cours de dessin.

Aussi avait-il décidé, ce matin-là, de se trouver une activité banale mais qui lui servirait plus tard, comme trouver un lieu d’entrainement pour apprendre à se battre (« quelle drôle d’idée » aurait-il dis quelques mois plus tôt). Sa rencontre avec Einar le laissait sur les dents, et lui avait fait comprendre que s’il était capable d’insuffler la terreur ou le malaise à une autre personne, il n’était pas apte à se défendre contre une grosse brute bourrée de testostérone dont les manières civilisées se résumeraient à coller une grande baffe à l’imprudent qui le regarderait dans les yeux. Et contre les gens non-civilisés, Lev ne pouvait rien, puisque ses manières manipulatrices s’appuyaient sur les conventions et les habitudes qui enchainaient ses victimes plus facilement que des liens physiques.

Mais il n’avait jamais appris à se battre, n’avais pour ainsi dire jamais tenu une arme autre que l’instrument de jardinier qui lui avait servi à torturer ses parents. Oh, il avait bien étudié la chose, comme le reste, du fait de sa noblesse, mais les travaux pratiques soldatesques n’étaient pas vraiment en vogue dans son milieu. Et son don, même s’il était puissant, était encore trop aléatoire pour qu’il ne se risque à compter uniquement dessus, même si – était-ce l’atmosphère propice de l’Académie ? – il lui semblait plus facile de dessiner aux alentours de l’imposant bâtiment.

C’est donc d’un pas guilleret qu’il s’en fut dans les couloirs, forçant les élèves à s’écarter devant lui ou, au contraire, s’effaçant devant les personnes qu’il pressentait plus aptes à lui causer des problèmes. Si quelqu’un avait pu suivre des yeux le cheminement du dessinateur, il aurait été frappé par une chose : la facilité déconcertante avec laquelle il évoluait au milieu de la faune académicienne, se coulant entre les corps de manière non pas invisible, mais naturelle, ce qui lui permettait de passer inaperçu lorsqu’il le désirait ou, au contraire, d’attirer le regard plus surement qu’un aimant. Il avait cette capacité étonnante d’être à l’aise, de savoir, intuitivement, quel chemin parcourir pour atteindre l’objectif qu’il s’était donné, de fasciner ou de repousser, avec cette valse continuelle de mouvements, de légers sourires, de gestes furtifs et de positionnement indéfinissable et constants. Ses pas dansaient, caressaient les esprits dans le sens adequat, flouait les regards d’un effacement d’épaule ou de carrure nucale, gravitait l’espace en un vortex sinuant autour de sa silhouette. Alors qu’il s’amusait à se jouer des autres, Lev était heureux. Profondément heureux.

Les regards curieux ou désintéressés glissaient sur lui, tandis qu’inconsciemment il cherchait une nouvelle proie à se mettre sous la dent. Mais son expérience avec Einar l’avait assagis, non pas qu’il devenait gentil mais il n’aimait pas la sensation du malaise qu’imposait le remord : dans son esprit malade, il ne cherchait qu’à se protéger, les autres n’étaient que des dommages collatéraux.

Il finit par se perdre au beau milieu de ses pensées, et son pas se détendit imperceptiblement alors qu’il prenait moins garde à la direction qu’il empruntait. Son esprit s’éloigna dans un méandre flavescent alors qu’il songeait avec force feu et paillette au visage de Marlyn telle qu’il se l’imaginait, laissant ses rêveries le guider jusqu’en un point hors perspective.

Perspective qui se rappela à lui de manière très brutale, avouons-le : les traits de Marlyn s’imposèrent à la réalité sous la forme d’un visage physique, et non plus sensoriel. Dérouté, les prunelles céruléennes du jeune homme accommodèrent la silhouette d’une femme de son âge qui lui rendit un regard vide d’intérêt. Il s’immobilisa net, alors qu’un imprudent marchait trop près de lui et lui rentrait dedans. Il n’en eu cure. Du beau milieu de ses rêveries lui était apparu les traits qu’il avait créé, le visage de Marlyn, anguleux à souhait, le nez droit, comme le sien, les cheveux noirs et lisses, coupés courts comme pour souligner le caractère effronté qu’il lui avait attribué lors de ses élucubrations fantasmatiques. Il fit un pas en avant, émerveillé, les yeux étincelants et le sourire aux lèvres, déjà tout prêt à croire à l’incarnation de son rêve préféré, dès à présent apte à croire au miracle et à commencer cette histoire fraternelle avortée dans leur prime enfance.

Le retour à la réalité fut rude : l’autre fit demi-tour non sans qu’une étincelle ce fut attisée dans ses beaux yeux… Violet. Violet et non bleu comme les siens. Hors, Marlyn se devait d’avoir les yeux bleus, c’était une évidence incontestable et essentielle. Incontournable. La déception grandis dans la poitrine de Lev, clouant au passage dans ses yeux un éclat fou alors que sa raison vacillait, balayée par un vent d’horreur et de solitude : Marlyn n’était pas avec lui. Il était seul au monde. A cause de cette femme au visage diablement tentant. Tout était de sa faute. Tout. A commencer par cette fureur qui incendiait ses gestes d’une brutalité sans merci. D’un mouvement du bras, il envoya pelleter une jeune fille contre un mur alors qu’elle le bousculait pour essayer de passer. Sa tête auréolée d’un noir pétrole résonna dans l’escalier en cognant contre la pierre. Quelques regards indignés se tournèrent vers lui, mais aucun n’eut l’audace de lui dire quoi que se soit. Sauf un chevalier servant qui se présenta devant le jeune homme pour barrer sa fuite, une lueur dégoutée dans les yeux, ce qui n’aurait pas été important si sa carure ne correspondait pas au stéréotype du guerrier tout en muscle : ce qui était embêtant pour Lev. L’attrappant par le bras, il lui lança :


- Ca va pas de te comporter comme ça ? T’as un problème pour agresser les gens sans raison ?

D’un mouvement violent de l’avant bras, Lev se libera de la poigne qui lui comprimait le biceps, et déclara de la manière la plus méprisante possible :

- Mon problème c’est toi gros tas. Tu me touche encore une fois…

Ses yeux clouèrent les siens avec une intensité morbide :

- Et je te tue.

Ni une ni deux, le mastodonte, blond avec ça, se précipita sur lui. Un poing de la taille des deux mains de Lev s’écrasa contre l’angle de sa mâchoire, l’envoyant pelleter à l’autre bout du couloir, complêtement sonné. Ce qui acheva de dissoudre les vannes de sa raison. Une lueur sanguine traversa son champ de vision alors qu’il léchait avidement une goutte de sang filtrant de sa joue écorchée. Devant lui, le visage de l’homme prit les traits de la jeune femme, des traits déformés par la haine du dessinateur. Il en modifia les arrêtes pour le rendre monstrueux, l’imagina tailladé de part en part, un œil crevé et les cheveux qui tombaient par plaque, dénudant un crâne couvert de croute et de sang. Plus vif qu’un chat, il se jeta de tout son poids contre le blondin, le frappant de toutes ses forces sans prendre garde à ses métacarpes qui saignaient de ne trouver qu’os et pierre. Après un instant de surprise, l’autre se défendit tant bien que mal, alors qu’aucune leçon ne lui avait appris à se battre contre un énergumène qui frappait de tout côté, ratant la moitié de ses cibles, en percutant d’autres cependant avec une force absurde. Il comprit que si Lev avait su se battre et s’il avait eu une arme à la main, il n’aurait pas hésité à le tuer sur le champ. Mais le jeune homme aux yeux bleus qui l’agressait n’était vraiment pas doué. Il n’eut aucun mal à le repousser avec sa force brute et ne le jugea pas assez dangereux pour continuer à se battre avec lui. Il lui décocha un upercut violent et le combat fut fini, en même temps que Lev s’affalait contre le mur, trop sonné pour continuer l’attaque.

La fureur de Lev s’était calmée. Sa rage déchainée s’était envolée avec le sang qu’il avait perdu et qu’il continuait à perdre par l’arcade. Les murs dansant dans son champ de vision, il se remit difficilement debout, haussa les épaules, croisa le regard du champion pour le mémoriser, puis s’en fut, bien décidé à prendre sa revanche une prochaine fois grâce au dessin, maintenant qu’il était sûr que l’autre n’avait pas le don.

A propos de don… Une trace imperceptible le croisa d’avant en arrière, mouvante, et pleine d’une saveur que Lev identifia instantanément : c’était celle de la femme qu’il avait prise pour Marlyn. Oubliant complètement l’escarmouche qui lui avait valu une arcade fendue et une trâce noirâtre de sang le long de sa joue ainsi qu’une lèvre gonflée et les deux mains écorchées, il se mit à suivre la trace, comme un prédateur sa proie. Il la retrouva rapidement, mais son don fluctuait, comme si elle parvenait à le cacher, ce qui prouvait sa maîtrise de la chose puisque Lev pouvait se targuer d’avoir un don assez fin pour détecter le pouvoir de n’importe qui. Cela piqua sa curiosité : si elle parvenait à le masquer ainsi, même par intermittence, cela prouvait qu’elle s’y était entrainée. Hors, seuls les dessinateurs très puissants usaient de ce subterfuge surtout lors des combats pour ne pas se retrouver en première ligne de mire. Cependant, le pouvoir de la jeune femme était loin d’être exceptionnellement puissant, même s’il sentait des circonvolutions très intéressantes à son don. Agissait-elle pour s’amuser ? Parce qu’elle avait honte ?

Ainsi, Lev se retrouva à suivre la jeune femme pendant la majorité de sa journée, la suivant dans ses pérégrinations, l’observant observer le monde, notant les mimiques de son visage trop familier, s’acharnant à décortiquer les émotions qui pouvaient, furtivement, le traverser.
Plusieurs fois, il croisa son regard, mais il ne put déterminer si l’autre l’avait reconnu ou pas, tant ses prunelles violines restaient énigmatiques.

Au détour d’un énième couloir, alors qu’il était complètement perdu dans ses pensées, et qu’il scrutait les spires pour retrouver la trace de l’autre qu’il avait avait perdu depuis une bonne demi-heure, son pied gauche trouva le moyen de s’incruster dans une marche en bois, et d’y établir son logis à plus ou moins long terme. Il s’escrima quelques minutes à tenter de l’en extraire, mais la position dans laquelle il se trouvait lui faisait souffrir le martyr tant sa cheville était tordue. De plus il répugnait à s’assoir sur les marches, ce qui était pour lui le comble de l’humiliation, d’autant que le couloir contenait toute une flopée de personnes hétéroclites qui le regardait se débattre, le sourire au lèvres.

Soudain, alors qu’il jurait dans la barbe qu’il n’avait pas, un tiraillement familier titilla son esprit. Il leva les yeux se sa chaussure qui avait disparu dans le bois pour tomber sur le regard toujours aussi énigmatique de l’ombre de sa sœur. Un instant, il resta la fixer, immobile malgré sa cheville torturée, avant de laisser un sourire sombre étirer ses lèvres de manière plus ou moins sardonique et plus ou moins avenante. Le résultat rendait le visage de Lev vraiment étrange, d’autant que les coups qu’il avait reçu déparaient franchement au milieux de tous ces élèves soignés.

Il savait qu’elle allait venir l’aider. Il le voyait dans son visage qui semblait soupeser le pour et le contre, et il se rendit compte qu’elle avait remarqué son petit manège inter-spire. Il détendit les épaules en voyant l’air blasé de la jeune femme alors qu’elle parvenait à la conclusion qui s’imposait. Pour ne pas la laisser changer d’avis, il la héla, avec un geste doux dans sa direction, laissant la séduction remplacer la vengeance dans ses yeux océan. Car même ainsi, Lev se savait séduisant, avec son corps finement musclé et le charme du mariage blanc-bleu-noir de sa silhouette.

Lorsqu’elle s’approcha, sans un mot, il ferma les yeux en humant son parfum qu’il trouva particulièrement à son goût. Il lui saisit le bras, presque sans brusquerie, et entreprit, en prenant appui sur la jeune femme, de sortir son pied de sa cage boisée. Une fois libéré, il ne put s’empêcher de soupirer de soulagement. Mais avant même qu’il n’ait eu le temps de dire ouf, sa proie venait de tourner les talons et de continuer son chemin comme si de rien n’était. Avec un sursaut de colère, il s’engouffra à sa poursuite en essayant d’attirer son attention :

- Attends ! Hé toi, Attends-moi !


Peine perdue. Ou bien l’autre ne l’entendait pas dans le tohu-bohu des couloirs surpeuplés, ou bien elle ne voulait tout simplement pas s’arrêter pour lui parler. Derechef il sentit une pointe de colère lui vriller les veines, et un regain d’énergie lui permit de rattraper son retard en se coulant dans le flot ininterrompu. Dans son élan, il lui saisit le bras et la força à se retourner pour croiser ses yeux, la forçant à lui faire face. Un instant, il la regarda de haut en bas, comme pour se rappeler le trouble qu’elle lui avait causé, et à chaque coup d’œil il retrouvait dans ses courbes l’empreinte de son amour fraternel perdu, les vrilles de ce que son esprit psychotique avait acquis comme visage Marlynesque. Il se hâta de la relacher, voyant déjà les muscles roulers sous les clavicules, annonçant un rejet imminent et potentiellement violent. Mais loin de ses fantasmes, la jeune femme s’ombrait d’incertitude et d’une pointe d’amertume qui lui plissait les paupières, aux tempes, alors que ses épaules se tendaient sous l’affront que le dessinateur lui faisait. Ni une ni deux, avant qu’elle puisse esquisser le geste de fuite qu’il voyait déjà luire au fond de ses prunelles, il la poussa contre le mur, comme pour lui barrer toute retraite, tout en restant assez éloigné pour qu’elle ne se sente pas attaquée dans ses défenses les plus primitives. Il lui lâcha l’avant-bras et lui dit, la voix basse, la clouant de ses yeux bleus :

- Merci pour tout à l’heure, c’est ça que j’voulais te dire.

Il se fendit d’un sourire espiègle pour détendre l’atmosphère qui s’alourdissait, et il continua, l’air de rien :

- Tu m’as vu te suivre hein…

Inutile de se voiler la face. Il appuya une épaule contre le mur, incertain encore de savoir s’il avait réussis à capter son attention ou si elle s’enfuirait dès que la bienséance le lui permettrait. Précipitamment, sondant intensément son visage, il lança, encore plus bas :

- Et est-ce que tu sais pourquoi je te suivais ?


Et tout son être exprimait l'interêt qu'il lui portait, de la courbe de la nuque à ses gestes qui se flouaient, jusque dans le regard par dessous les cils qu'il lui dédiait. Mais cela suffirait-il à la retenir ?



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Ambre Naeëlios
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Marchombre
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MessageSujet: Re: Les crimes des vainqueurs ne sont jamais punis [Terminé]   Les crimes des vainqueurs ne sont jamais punis [Terminé] Icon_minitimeSam 17 Sep 2011 - 15:56

Aucune envie de l'aider. Réellement.
Mais aucune peur de lui, non plus, réalisait-elle, en continuant d'approcher. Ce temps là était révolu, et Ambre avait conscience de pouvoir faire taire, le moment venu. Tout puissant qu'il fut, quelles que soient ses intentions. Quel que soit son message- car cette idée-ci aussi effleura l'esprit acéré de l'itinérante. Il pouvait venir d'Ailleurs, avec un message à son attention. Avec son regard marée haute, et ses muscles cordages, ses cheveux tempêtes, et son air détaché de tout, il avait le charme brutal de ce qu'elle imaginait être les jetées à la mer.
Celui qui conduit à l'abîme bleu, et autour duquel on amarre les bateaux. Son pied prisonnier assurerait une stabilité d'ancrage- elle eut la conviction, instantanément, que lui aussi était condamné à être fixé sur les choses.Ils avaient cela en commun.

Une pitié toute itinérante, qu'elle retrouvait par hasard, lui souffla qu'il convenait de libérer au moins le pied du jeune homme. Et libre de marcher dans la direction qu'il lui conviendrait, le plus loin possible d'elle-même, de préférence. Libérer ce qui pouvait l'être, et s'éloigner. La jeune femme était capitaine de sa vie; aucune envie de faire escale en compagnie de cet individu.

Elle s'en écarta sans mot dire- la poigne perçue à son épaule l'annonçait physiquement plus faible qu'elle, et la marchombre se savait extrêmement rapide, assez pour assurer sa sécurité/le couper de l'imagination si le besoin s'en faisait sentir.
Ses pas l'éloignèrent rapidement; si Ambre avait la démarche des grands marcheurs, le pas serré et léger au sol, presque danseur, évoquait son appartenance la guilde des brumes, l'austérité de son déhanché, mesuré, et ses épaules très droite, lui étaient propres, bien qu'elle l'ignora, propres à la bâtardise de son éducation, de ses souvenirs et de ses valeurs, qui s'entrechoquaient sans cesse- autant que les talons dans le couloir bondé. Quelque chose se reprochait déjà de penser sans cesse à écraser les gens qui la rencontraient, d'envisager sa propre mort et la leur aussi rapidement; réminiscence de ces moments où elle se sentait plus proie que chasseur, adolescente.
Qu'on lui attrape le bras la fit presque sursauter- réagir plus vivement qu'elle ne l'aurait cru. Elle se maîtrisa pourtant, quand elle le vit; « de toi, je ne crains rien », disaient les yeux. « Mais tu dois être une créature totalement dépourvue d'instinct pour porter la main sur moi. »

La marchombre n'envisageait pas de fuir. Mais elle escomptait qu'on la laisse passer son chemin, quoiqu'on put lui vouloir; se poser en maître en prenant le large, n'était-ce pas la thèse initiale de ses derniers mois de vie? Croyant à une victoire, quand il lui lâcha le bras, presque empressé, elle comprit qu'elle faisait autant montre d'orgueil que lui, quand il parvint à la pousser contre un mur.

Le bâton, dans son dos, s'imprima avec brutalité en travers de sa colonne vertébrale, en cillant, elle crut l'entendre craquer, mais c'était simple angoisse. Tout au plus, un des mécanismes s'était-il déclenché. La douleur se diffusa dans son dos, autant que la rage, dans ses veines- mais il ne sembla rien en voir, ou très bien le cacher.
Elle vrilla ses yeux dans les siens, le plus froidement, et comprit qu'il estimait que c'était de son fait à lui. Peut-être même du fait de leurs couleurs azuréennes. Avait-elle l'air d'une telle mijaurée? Voulait-il qu'elle réponde à son sourire de canaille, alors qu'il s'approchait, la croyait tellement en son pouvoir qu'il osait devant elle baisser sa garde, s'appuyer au mur avec un naturel digne... Elle tâchait de maîtriser ses récriminations les plus primitives, intérioriser l'horreur que la situation suscitait en elle, et la pensée, fourbe, que « réellement libre, elle l'aurait déjà tranché de bas en haut ».

Tout entier qu'il était à l'examiner de près- car c'était de cela qu'il s'agissait, chercher dans ses traits de quoi rebondir en paroles-elle se permit de lui rendre la pareille. Ambre lui reconnut une voix riche et suave, lancinante et grinçante, et qui s'appesantissait, enrichissait les sons jusqu'à faire chanter ses questions. Ambre lui reconnut des accents d'imagination, dans la manière brumeuse qu'il avait de rouler les sons, dans ses murmures, et cela lui fit remonter des frissons horrifiés de l'échine. Paradoxalement, ses derniers scrupules s'envolèrent, de même qu'un bras, qu'il vit trop tard, quand, se retrouvant dos au mur, étranglé par l'avant bras entier de l'itinérante, qui ne craignait guère, elle, de se montrer volontairement offensive.

Son visage n'était qu'à quelques centimètres du sien, glacial d'inexpression, seuls les iris flamboyaient, tenus en respect derrière les pupilles extrêmement dilatées.
Elle repéra, entraînée qu'elle était, la foule s'écarter davantage d'eux, certains accélérant le pas, tous la regardant. Quoi, les interactions n'étaient pas rares à l'Académie, mais en ces temps qui suivaient le chaos se battre était mal vu. Très mal vu, trop regardé.

Elle lut la stupéfaction sur ses traits, doublée d'autre chose qu'elle n'identifia pas tout de suite. Mais sa prise était ferme- elle avait épinglé son poignet sur les briques, du genou droit, maintenait l'autre dans une torsion inconfortable, de sa propre main gauche,torsion facile à accentuer jusqu'à la rupture si elle le sentait esquisser le moindre mouvement de jambes pour se dégager. Son équilibre ne la trahirait pas, les marchombres savent utiliser toutes forces et les faire leurs- ou bien, était-ce empanache des membres du chaos?


-Pas de ça, prévint-elle, car presque aussitôt, en accentuant encore la pression sur sa gorge, les prunelles du jeune homme s'embrumèrent de ce qu'elle soupçonnait être sa plus grande arme.

La voix d'Ambre était pareille à elle-même, intonations vinaigre, et il sembla se ranger à ce qu'elle ordonnait, le regard toujours brouillé- elle le nota.
Dans sa tête, la liste s'établissait: à tout prendre, il devait être noble. Il devait deviner qu'elle était de la roture, s'autorisait à agir avec elle comme il l'aurait fait avec une gueuse- mauvaise éducation, petite noblesse, instinct de préservation, seulement sous la menace. Petite noblesse révoltée sous cape, peut-être. Son aspect rappelait trop Til' Asnil- il devait avoir quelque chose de commun avec elle.
Son teint commençait à s'assortir à ses yeux quand elle reprit la parole- il avait tenté de se dégager d'une secousse, et manqué son coup, Ambre s'attendait à ce que d'autres tentatives suivent et avait contre-attaqué aussitôt.
Elle devait lever les yeux sur lui légèrement, sans en ressentir la moindre offense. C'est fielleuse qu'elle reprit.


-Et si me suivant, tu te retrouvais face à ta propre mort, faute de me vouvoyer? Me prends-tu pour une fille de ferme, qu'on plaque au mur? Peut-être fréquentes-tu ce genre de femmes, en as-tu de ce type dans ta famille de sans-honneur, mais ais-je l'air d'une fille de ferme, qu'on touche sans même se présenter, qu'on se permet de dévisager de haut en bas?

L'allusion à Marlyn était noyée dans le reste, les yeux n'avaient pas lui d'une manière plus belliqueuse ou moins froide, sauf sur la dernière question, presque crachée.
Un pas devint précipité- sûrement un gamin parti chercher la garde, et l'empêcher, le cas échéant, de zigouiller dans le couloir un jeune homme sous prétexte qu'il ne l'avait pas vouvoyée. Elle devait reconnaître à son interlocuteur qu'il avait choisi l'endroit pour l'aborder, l'endroit qui lui sauverait la vie.
Ce n'était pas le moment de laisser l'orgueil l'aveugler. Elle se reprit, dégageant le coup de Lev, qui inspira l'air à grande goulées peu gracieuse, s'écartant de lui calmement, rangeant une mèche de cheveux courts.


-Maintenant, reprit-elle, la voix aussi radoucie, en remarquant qu'au moins, il ne s'avachissait pas au sol mais gardait intacte une forme de dignité. Nous allons convenir tous les deux que tu manquais jusqu'ici de subtilité, et que tu vas en faire montre. Comme il convient. Et moi aussi.

En tournant la tête vers les quelques curieux qui étaient encore amassés et la regardaient, mi figue mi raisin, certains goguenards, vu ce qu'elle se permettait, d'autres franchement offusqués, elle haussa un sourcil placide. Cela suffit à en écarter certains. Dans l'imagination, où elle ne laissait filtrer que le strict minimum afin de surveiller son adversaire présumé, elle remarqua qu'il guettait son pouvoir, le contact de celui-ci, et se demanda s'il tentait de communiquer par ce biais, ou juste de la sonder pour se venger.
Car à sa place, sans doute, elle l'aurait envisagé avec sérieux. Mais jamais elle ne se serait permis tant de familiarités, avec personne.


-Si tu voulais me suivre encore?

Elle s'avança aussitôt, reprenant sa place dans les mouvements incessant de la foule, insinuant, le dos très droit offert à son regard, qu'elle ne le redoutait aucunement; elle identifia vite son pas, pressé de la rejoindre, de se porter à sa hauteur. Elle baissa la tête, ravalant un sourire mauvais en passant devant une fenêtre qui donnaient sur la cours de la fontaine, où les monuments aux Morts en cachaient la pourriture.

C'est donc quelque chose auquel tu tiens plus que ton honneur, conclut-elle, ou tu m'as laissé une victoire facile, plus observateur de moi que je ne l'aurais cru, et qu'importe. Elle n'envisageait toujours pas de l'aider, ni à reprendre la discussion où il voulait la mener, ni dans ses quêtes, qu'elles qu'elles soient. Elle le sut tout près quand son parfum vint à elle, elle lui prêtait, à l'instar de l'ermite, quelque chose d'iodé -entre la mer et l'orage.
Mais il n'était pas de l'ermite, surement pas. Ou vraiment très mésestimé par l'itinérante.
Et que comptait-il lui offrir, un horizon, ou une tempête? Aucun des deux, elle voulait le croire, mais elle n'avait pas l'habitude de la situation qu'il créait entre eux: c'était elle qui avait quelque chose qu'il convoitait, c'était évident. Elle qui aurait un prix à donner.
Car « tout à un prix », gens et choses, victoire et défaite, crime ou honneur. Les Naeëlios le savaient tous. Que pouvait-il avoir qui aurait créé l'intérêt en Ambre? Savait-il seulement ce que cela impliquait, les bruits de couloirs, les conversations sous le manteau?
Elle s'arrêta à la fenêtre suivante, celle d'où on voyait le dos du monument. Il lui fallait réfléchir pour ne pas finir comme eux tous. Pour partir, enfin.

L'idée germait, lentement, surement, sous le front buté.


[désolée d'avoir autant de retard, l'inspi à été fluctuante. Et comme d'habitude? ]

Lev Mil'Sha
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MessageSujet: Re: Les crimes des vainqueurs ne sont jamais punis [Terminé]   Les crimes des vainqueurs ne sont jamais punis [Terminé] Icon_minitimeMer 28 Sep 2011 - 22:34

Et tes hanches de se languir sous mes yeux, chatoyer et rouler, comme deux vagues extravagantes et tempétueuses. L’analogie iodée les prit, sommes toute, pratiquement en même temps alors qu’ils s’étaient détaillés, pour Lev c’était une mer veinée de sang, violant l’azur d’un violet prune et étincelant. Brume du soir, signait le remous de ses pas, gracieux au-delà de ses fantasmes, presque autant que la lente éclaboussure de cette goutte sanguine au coin de l’index qu’il s’obstinait à faire couler de ses dents, pour le simple plaisir - presque orgasmique - de se noyer d’écarlate et de douleur. Douleur qu’il ne redoutait pas, qu’il appréciait au contraire, tant l’ancrage de son corps fluctuait au gré de ses épanchements chimériques, tant la giclée de souffrance vive lui redéfinissait les pourtours électriques de sa peau.

C’est aussi pourquoi, lorsqu’elle décida de lui faire payer sa familiarité en lui cassant pratiquement le bras, il n’eut pas le moindre froncement de sourcil, pas même lorsqu’il sentit son articulation sur le point de craquer. En revanche, et ce instantanément, son front se plissa, et une vague destructrice de colère fit craquer les jointures de son masque. Son visage se fendilla, une seconde, laissant miroiter sous la surface, les affres de son âme rongée qui scintillait au bord de son iris d’un éclat effrayant de monstruosité. Sous son cou, il sentait l’avant-bras dur et ferme, gainé, de la femme, qui lui comprimait l’œsophage et lui envoyait de légers effluves ambrés. Dans son dos, son corps souple de femme, pressé contre ses omoplates, comme deux ailes violettes et métalliques recouvertes de soie, ses hanches si joliment étroites incrustées entre ses propres iliaques en une parodie amoureuse et violente, à l’image de ce genou dur et calleux qu’il sentait presque trouer sa propre peau au niveau de la cuisse.

Il ferma les yeux, sa bouffée d’irritation soufflée comme une mèche trop courte, sans aboutir à l’explosion meurtrière qui avait pointé, légèrement. Juste avant qu’il ne prenne conscience du désir qu’occasionnait sa posture, et des coulées de laves qui incendiaient son corps en contact avec celui de l’autre : la brutalité se muait en sensualité, presque affolante, tellement jouissive, et le métal coulait, en fusion, son iridescence brûlant les yeux - et non plus la peau.

En cet instant – celui-ci dura-t-il une seconde ou une minutes ? – il se permit de la sonder, ajoutant au plaisir corporel celui de jouer avec l’espace et les éléments, et de la sentir, encore plus profondément, jusque dans son âme, jusqu’au plus profond de ses entrailles. Elle était houleuse, la demoiselle, presque autant qu’un ouragan, sans la peur qu’elle occasionnait, mais bien avec la beauté de la mer déchainée, indécente et terriblement fascinante. Il ne voyait pas ses yeux, mais il sentait son souffle, souple et puissant, le vent du nord qui pousse vers la mer, et lui était la voile blanche sur laquelle ce souffle s’écrasait, l’envoyant plus loin encore, au-delà des limites, jusqu’en terre inconnue. Balloté par les vagues, frêle esquif, son odeur retraçait la houle crevée d’écume qui se balançait, affolante, comme les reins d’une superbe femme. Un soupir s’échappa de ses lèvres bleuies par le manque d’oxygène, et il tenta inconsciemment de se réajuster à sa position, ce que l’autre prit comme une tentative d’évasion qu’elle corrigea en dénouant ses appuis avec une facilité qui frisait la divinité : qu’importe, son épaule criait, mais sa peau chantait. Il désespérait juste du tissu qui devenait barrière entre leurs deux épidermes, et c’est avec la fulgurance de l’habitude qu’il s’imagina avec elle, complètement nu, dans l’exact inverse position, lui la dominant, et elle murmurant son prénom de sa voix rêche et salée. Le désir le prit, et il tenta à nouveau de se dégager, tout à son fantasme, ses yeux s’ouvrant, voilés d’espace, et s’embuant d’un bonheur et d’une envie perverse. Sa joue se plaqua derechef contre le mur, le sonnant juste assez pour lui faire reprendre pied au moment où l’autre le balayait de ses mots. Sa tempe égratignée s’était rouverte, et devant ses yeux coulait une goutte de sang noir. Et dans cette goutte il imaginait apercevoir le visage d’Ambre, en miroir, penchée vers son oreille, plus désirable que jamais, plus tranchante aussi, et ce non paradoxalement.

Il sentait la violence jusque dans ses mots, une violence latente, mais pas bestiale, plutôt de celle que l’on se forge au fil du temps, comme un rempart autour d’un corps que l’on n’accepte pas, contre cette infériorité qui nous a guidé depuis la naissance et qui créé, étrangement, les âmes les plus dures et les plus dangereuses : je peux te prouver ce que je vaux, et te tuer pour te faire payer de m’avoir sous-estimé. Déjà Lev sentait les failles de ce timbre rêche, trop intuitivement encore pour l’utiliser contre elle, mais adaptant son visage pour y tracer un voile de respect, seule chose qui pouvait calmer la demoiselle. Ce qui fut sensiblement efficace puisqu’elle le libéra de son étreinte – Lev ne pu s’empêcher d’en ressentir de la tristesse- afin qu’il puisse enfin respirer. L’air s’engouffra dans ses poumons en brûlant sa gorge au passage, mais il n’y fit même pas attention. D’un geste mécanique plus qu’utile, il fit tourner légèrement son épaule afin de vérifier son fonctionnement : Elle n’y était pas allée de main morte, mais elle avait su doser à la perfection les poussées afin de le mettre à sa merci.

D’une torsion du buste, il se remit droit, ses jambes flageolant cependant légèrement : il avait pris pas mal de coups en cette belle matinée. Le sang séché lui grattait le front. Et sous sa langue, la piqure de sa lèvre fendillée lui remplissait le gosier d’acide. Il haussa un sourcil interrogateur suite à la tirade agressive de la jeune femme, ahuri de voir qu’elle prenait ombrage de si peu, abasourdit de l’eau violette qui gelait dans ses yeux. Un instant il tenta de se remémorer avec précision la suite des évènement, ne s’attardant toutefois pas trop au souvenir du désir incandescent qu’elle avait provoqué en lui, et finit par conclure qu’outre les paroles creuses dont elle le gratifiait – oui, elle avait l’air d’une fille de ferme, ou tout du moins de la roture malgré la grâce de sa démarche- il y avait en arrière fond ce goût indéfinissable d’une amertume sans limite. Elle se défendait bien trop de ce qu’elle affirmait ne pas être pour ne pas alerter la sensibilité exacerbée du jeune homme. Une deuxième faille, ou peut-être la première, rehaussée d’un abîme un peu plus noir.

Elle se détourna alors, aérienne, au moins autant qu’une cime balayée par les vents, mais granit de consistance, pour s’enfuir à travers les couloirs, aussi sure d’elle que la plus noble des dame, aussi noble dame que la première des catins. Un éclat torve vint se nicher dans les prunelles de Lev, que ce genre de fille excitait, celles dont l’égo se mariait au sentiment d’infériorité, celles qui puisaient de cette discordance assez de potentiel pour devenir les plus dangereuses des harpies. Elle avait un abîme dans les tempes, la brunette, qu’elle camouflait bien derrière sa brutalité et l’hésitation née d’un espoir aventurier – cela aussi il l’avait décelé. Elle n’était pas Marlyn, non, était bien loin en réalité de l’idéal de sa personnalité qu’il s’était construit, mais elle avait cette force de caractère qui promettait un amusement sans pareil. Et puis, dans ses reins, le souvenir de ses hanches à elle, de la dureté de son ventre de son souffle tempête…

Sans réfléchir d’avantage, il s’élança à sa poursuite, plus heurté qu’elle, se frayant néanmoins un passage aussi sur. Il ne la rattrapa pas tout de suite, laissant son corps grignoté l’espace qui les séparait petit à petit, trop intelligent pour l’affronter de face encore une fois. Non, la prochaine fois ce serait de biais, de dessous jusqu’en haut, exactement comme on plante une épée dans une mâchoire, et ce serait la garde de ses lèvres qui s’écraserait sur sa carotide à elle.

Ton dos droit, je le courberai, et tes vertèbres craqueront, insolente, de l’espoir que j’y distillerai.

Il ne tendit pas la main, cette fois-ci, se contenta de tendre un petit peu plus son pouvoir, sans aller plus loin car il sentait son esprit se figer plus instantanément que ses propres pensées. Son don semblait bien moindre que le sien, développé à force d’entrainement sur base d’un potentiel déjà fort élevé, mais il ne pouvait en avoir la certitude tant qu’elle n’aurait pas vraiment dessiné. Il s’arrêta à côté d’elle, s’érigeant à son flan comme un rocher autour duquel viendrait s’écouler la marée : et en effet, les élèves qui frôlaient la jeune femme furent repoussés par l’ilot que formait le corps de Lev. Il posa ses deux mains à plat sur le rebord, l’ombre de la croisée s’imprimant sur son visage soudain devenu grave – c’était de circonstance. Il ne cillait pas, alors que le soleil lui faisait face, et laissait l’empreinte lumineuse s’écraser sur ses rétines et lui volet toute vue en dehors de celle blanche, éclatante, qui lui broyait les rétines.


- Pardonne… Pardonnez mon audace.

Faire des excuses qu’il ne pensait pas lui était d’une facilité insultante. Il eut la décence de n’en rien laisser paraître, et l’autre ne pouvait deviner ce qu’il pensait, le visage baigné d’or, ses longs cils projetant l’ombre de leur encre sur l’azur électrique de ses yeux. Le ton était suave, et légèrement voilé, très respectueux, et sans aucune ironie, à la seule fin de calmer l'autre et de lui prouver sa sincérité. Séduire et manipuler.

- Mais de même que frapper une femme n’aurait pas été convenant, ne pas la remercier l’aurait été tout autant.

Et dans cette phrase tarabiscotée, il y avait l’ironie à peine voilée de la puissance de son don qui aurait suffi à la terrasser à n’importe quel moment, et ce de manière définitive, sauf s’il avait encore eut de ces sautes de pouvoirs qui l’empêchait de devenir trop arrogant en la matière : qu’importe, il se devait de le lui faire remarquer, galamment, afin qu’elle ne soit pas étonnée si la prochaine fois qu’elle lui faisait du mal, ses cheveux se mettaient à brûler et sa peau à se décoller.

Il tourna son visage vers elle, les prunelles presque trop fines pour les déceler dans l’océan céruléen de ses yeux, au contraire des siennes, dilatée à l’extrême. Et de cette phrase de lui faire remarquer qu’à aucun moment elle ne l’avait, lui, vouvoyé. Deux poids deux mesure : et c’est ainsi que l’autre se déployait en femme courroucée ? Un sourire vint s’écraser sur ses lèvres, trop vif le sourire, trop tordu, alors qu’il détaillait son visage de profil et qu’il y notait en deux colonnes nettes, les ressemblances et les dissemblance de son visage avec celui fantasmatisé qu’il s’était créé. Saisit d’une impulsion, incapable de retenir les mots de sa bouche, il lança :


- Vous m’avez fait penser à ma grande sœur. Que je n’ai pas vu depuis de nombreuses années.

« De nombreuses années » quel doux euphémisme… Il cru saisir un sursaut particulier dans l’angle de son menton, mais il n’en était pas certain. Et le tutoiement qui revenait, innocemment, sournoisement, en pensée pour l'instant. Au moins ne s’en allait-elle pas encore. Il lui fallait une amare pour l’accrocher, une ancre pour l’accoster. Tout à ses métaphores iodées, il ne put s’empêcher de lui poser la question, le tutoiement résonnant comme une balle de pistolet - à l’abordage :

- Tu as déjà vu la mer ?


Si ce n'est pas le cas, je serai ravi de t'en apprendre les lois. Et la première c'est : Ne sous-estime pas la colère de la force aveugle - je suis au moins aussi fou qu'un ouragan. Et le visage de Lev de se fendre en deux, par le biais, les tempes à l'ombre, la bouche buvant l'or fondu du ciel qui s'y déversait, comme dans les lèvres d'un jeune dieu.

Ambre Naeëlios
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Marchombre
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MessageSujet: Re: Les crimes des vainqueurs ne sont jamais punis [Terminé]   Les crimes des vainqueurs ne sont jamais punis [Terminé] Icon_minitimeMer 26 Oct 2011 - 22:02

Elle n'avait pas cru à ses excuses- ça n'avait rien à voir avec le ton, parfait, ou l'expression, à laquelle elle n'accordait pas un regard. Ambre ne croyait simplement pas davantage aux remords qu'à l'absolution, son être se chargeait de composer avec les éléments reçu pour avancer, toujours.
Une victoire toute physique lui suffisait amplement, son orgueil ne l'illusionnait pas au point de croire qu'un poing pouvait courber en sa direction un esprit.
Mais sa tête d'approuver, d'un mouvement court et dur: et bien, soit. Il aurait pu lui tirer naturellement un sourire, si les pensées de l'itinérante n'étaient pas concentrées sur le décompte.

Quelqu'un, dans le couloir, éclata d'un rire d'enfant, et Ambre se demanda comment la légerté était encore possible pour tous les autres. Certes, elle s'enracinait vite, et creusait sur tous les domaines possibles, par réflexes, mais. Rien en elle ne parvenait à s'habituer à la médiocrité des amnésiques, à leur insolentes manières conquérantes. Et lui, à entrer dans son jeu, ne devait pas mieux valoir. Elle avait oublié à quoi ressemblait le monde, à son arrivée, son austérité de port était celle des murs- et quoi de pire, pour une âme des voyages que de se sentir pierre de l'enceinte; adulte cloîtrée.
Viens-en aux faits, invoqua-t-elle, en guettant le vertige. Laisse la forme aux poètes, petite râclure, si c'est une affaire que tu voulais conclure.
Et c'était une belle ironie, de la part de l'esprit d'Ambre, de vouloir hâter les actes de l'interlocuteur, elle qui agissait si peu, si mal.

Vint alors, froidement, ce qu'elle jugea être « ce qu'il lui demandait ».
Et était-ce une coïncidence? Son allusion à Marlyn était celle d'une femme perdue de sa famille, les Til'Asnil étaient nobles, quoiqu'elle n'en ai jamais croisé aucun autre, ni entendu leur nom mentionné ailleurs. Et il lui demandait sa grande-soeur, que les années avaient fait fuir.
Le temps qui passe était une notion floue pour Ambre, distordue, presque. Mais ça remontait. Faut-il qu'il nous en souvienne?

Ambre laissa tomber son regard au pied de la statue, comme pour chercher un signe de Valen Til' Llendoryn. Elle se demandait si parfois Ena s'agenouillait pour quérir pour lui repos ou de lui les réponses. Elle avait été son maître marchombre, et la rumeur insinuait davantage, après tout. Tout était de leur fait, tellement. Il lui semblait encore entendre les échos de sa toute première bataille; ils n'étaient qu'une poignée dans les murs, alors, et elle venait d'arriver. En face, c'était les raïs, et pire, parfois. Ouais... et Nel' Atan n'était pas là. Que Valen. Et elle avait combattu à ses côtés plus vivante qu'elle ne l'avait jamais été. Remarquée pour sa capacité à achever. Mais elle était tombée inconscience, et Tifen avait cru bien faire, en la laissant aux soins du maître d'arme.
Comment aurait-elle pu devenir une marchombre accomplie, avec un maître bras-cassé-bras-absent, si peu soucieux de combler ses doutes, pas capable de faire taire les siens? Avec une vision boiteuse de la voie de lumière- que des contradictions, pas de paradoxes. Ou avec le doute que laissait planer la nuit passée inconsciente dans la chambre du maître d'arme, sur sa vertu?
Ambre y pensait, parce que Marlyn était souvent revenue, revenue pour hanter, pour se venger. De quoi, la jeune femme l'ignorait- mais elle avait vu ce corps déchet, plein, dans une ruelle sombre d'Al-Poll. Elle avait senti la tempête, et vu Anaïel faire face, sans savoir, feulant comme un chat sauvage.

Qu'est-ce qui pouvait bien pousser à revenir, sinon ce désir de les envoyer au trou?
Pourrait-elle, elle-même? Car viendrait tôt ou tard la fin du voyage pas encore entamé, et Tifen pourrait ne pas avoir la même vision qu'elle-même au sujet d'un non-retour. Quant à poursuivre seule dans l'existence, cela lui semblait utopique. Elle redoutait de ne trouver nulle part ailleurs une personne capable de comprendre leur passé commun. Leur passé tout court.

A cet instant, il parvint à capter toute son attention en seulement une phrase.
Elle tourna le visage vers lui, ses pupilles cherchant les siennes. Il y avait de la menace, mais ça ne pouvait être qu'une coïncidence.
Tout comme il pouvait tout ignorer de Marlyn, et avoir une soeur aux cheveux courts, et au caractère de merde.
Mais il avait parlé de la mer.
Elle eut un petit rire, qu'elle voulut moins nerveux qu'entendu, et qui pouvait sonner franc, tant ça l'avait déstabilisée.


-Il y a deux réponses à cette question, comme à toute les questions, répondit-elle, plus pour elle que pour lui, pour se donner une contenance, et ne pas laisser le silence s'installer.

Ses réflexions à elle accélérèrent à l'extrême. Car s'il était de l'ermite, il était peut-être le messager qu'elle attendait depuis longtemps. Si il était de l'ermite, et que l'ermite se souciait d'elle, encore.
Ambre se souvenait de la montagne, et d'avoir voulu demander, souvent: et partirons-nous, alors?
Elle ne le nommait ni maître ni rien, et ça leur convenait. Mais elle avait rêvé d'une vie d'errance, d'une vie entre ciel et eau, d'une vie sans principe, sans chaine, que la côte, et l'infini, et la noyade, et l'ermite.
Oui, elle avait vu la mer. Dans chaque mouvement de l'ermite, dans chaque respiration, dans chacune des pauvres parole qu'il voulait bien lui céder. Oui, c'était avec lui qu'elle avait conceptualisé l'idée que prendre la mer, c'était faire partie de la perfection, aux reflets distordus de courants, amers relents. Tout sentir, mais en être détaché. Être marchombre: fil de rêve sur toile d'harmonie, voilier dans la tempête. Être en échos, et renvoyer sans cesse quelque chose de vague, et mercenaire, cahoter, chaotique, autant qu'il était possible. Même s'il y aurait toujours des fous pour croire qu'ils dominaient l'horizon, et qu'il ne restait plus rien à céder à la liberté.

« Et j'ai vu quelque fois ce que d'autres ont cru voir » tant et si bien que les angles de ton sourire me laissent étrangement détachée. Mais si tu travailles pour qui me lie encore?
Et je me suis jurée de n'être, aujourd'hui, qu'à moi.


-Beaucoup de personne donneraient tout ce qu'elles ont pour retrouver les leurs. J'aime bien cette manière de le dire; comme si la famille était notre propriété, avant toute autre chose.

Le sourire s'étendait sur sa joue. L'ermite voulait Marlyn? Jamais. Il l'avait choisi elle, et elle refusait d'envisager ne serait-ce qu'une seconde de le partager avec quiconque. Mais la part retorse de son être continuait à murmurer, dans sa tête « que l'ermite avait failli l'abandonner dans la montagne, et que la seule chose qui l'avait retenue était le dessin ». Le dessin que ce garçon possédait au delà de tout le reste.
Et dont ses yeux saturés sonnaient les chants douteux.

Je sais ce que je veux. Moins que n'exigera l'ermite. Même pas un vrai engagement.


-Si tu recherches l'étreinte d'une soeur, je pourrais peut-être...

Je veux ne pas avoir à me venger. Ne pas avoir à revenir. Boucler ce qui doit l'être.

Le visage était vénéneux, alors que le ton semblait plus doux. Elle se demandait s'il pouvait prendre son invitation pour autre chose? Après tout, il l'avait traité comme on traite une fille de joie, et était repassé au tutoiement.
Allé, mords, poiscaille. Je t'ai fait entrevoir mon étal, ma vente sous le manteau, alors, enchéris, mords, mords à l'hameçon. C'est ce que fait ta race, celle qui a de quoi payer, et j'ai de quoi offrir, pour la première fois, de quoi clouer d'autres cercueils, de quoi apaiser les silences. Les comme-toi jamais ne coulent, mais ils ne sont pas de notre réalité.


[ Pardonne le retard? Ca me manquait I love you ]

Lev Mil'Sha
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MessageSujet: Re: Les crimes des vainqueurs ne sont jamais punis [Terminé]   Les crimes des vainqueurs ne sont jamais punis [Terminé] Icon_minitimeDim 27 Nov 2011 - 13:22

Il vit son visage s'adoucir, un petit instant, et il en conçu un énorme sentiment de victoire. Ainsi était-il, hypersensible, à vivre chaque deception et chaque sensation de bonheur hors de toute proportion. Une étincelle d'arrogance miroita sur ses lèvres, furtivement, alors qu'il voyait sa phrase la retenir, au moins un temps, dans les mails du mystère. L'océan... Cette étendue d'eau salée qu'il n'avait apperçu qu'une seule fois, lorsqu'il était petit en voyage avec sa famille. A cette vue, il avait sentit une petite partie de lui prendre sa place, centralisant cette vision céruléenne autour d'émotions telles que la liberté, froide et hostile, et le pouvoir, surtout, le pouvoir de renverser les esquifs, de ravaler la moindre présence à sa vrai nature : sans ombre ni âme dans ce milieu où n'existait que l'inconscience, la colère glacée et la douceur de l'huile sur une plaque d'acier.

Mais le hasard de cette phrase prononcée au détour d'une pensée fugace ne lui apparut qu'en cet instant. Lorsqu'elle lui répondit, plus douce qu'aucune fois auparavant. Il ne la connaissait pas, mais il aurait pu croire qu'elle était gênée, destabilisée, ou perdue en elle-même de cette petite réponse qui ne répondait d'ailleurs à rien. Ou à tout, si l'on convenait que le but de la question de Lev était de la sonder, plus que d'obtenir une affirmation ou un déni, si l'on considérit qu'à présent, il avait un point d'ancrage dans sa tête à elle. Un point d'ancrage houleur, aucunement définit, mais qu'il convenait d'utiliser à bon escient.

Ils avaient peut-être plus en commun que ce qu'il avait pu imaginer. Et les deux réponses, celle du savant comme celle du poète, l'interressait au plus haut point. Mais il avait quelque chose de plus importatnt à mener à bien.

Et son petit rire, de sonner comme une clochette mortuaire, claire et sombre à la fois, plus franc que n'importe laquelle de ses expression. Il l'avait touché, il ne savais encore où, mais il l'avait touché.

Et toi, petite vague, tu anticipe et surenchère, avec cette nouvelle phrase sur ma famille, sur ma soeur, toi qui m'y fait diablement penser : fougueuse, arrogante, hautaine, et belle aussi, dans tes formes de lâmes et de larmes. Il n'y a que tes yeux qui me choquent, tes yeux trop sombres, trop violets, trop... trop. Marlyn, elle aura les prunelles bleues, comme l'océan, celui qui te touche tant. Tu me teste, n'est-ce pas ? Et dans ta manière de négocier, j'entraperçois même sans le savoir la trace de l'itinnerante, sans pour autant en être certain. Le prix, tu peux le définir, je ne négocierais pas, ou très peu, pour le fun et la bravache. Parce qu'au fond, je ne veux rien d'autre que ma soeur, je serais pret à le payer de toutes les vies que tu me demanderas d'obtenir. Et si c'est l'océan que tu veux, je l'enfermerais dans mes prunelles et je te ferais ressentir ce que c'est que de s'y immerger, dans le feu et la glace. Vas-y, tente moi, insolente, tu ne le regretteras pas.

Lui ne chercha pas le contact otpique. Il fixait le ciel, et la statue qui devenait noire de contre-jour.


- Comme si... Oui, comme si.

Et sa voix de se ternir d'amertume, celle de ce temps perdu loin d'elle, loin de ce sang qui ne chanterait qu'aux côtés de celui de sa soeur. Dans sa tête, ce "comme si" sonnait comme une insulte. Comme si. Comme si il pouvait vire sans elle, sans la seule famille qui lui restait dans ce monde, sans cet amour inconditionnel qui le faisait avancer, la chercher sans relâche, à travers les mémoires, les rancoeurs, les mythes et les légendes. C'était un fantôme qu'il cherchait, mais un fantome aux yeux trop bleus pour s'enterrer dans l'oubli. Comme si. Comme si Marlyn pouvait ne pas être Sa propriété, Sa soeur, Son obsession. Dans son esprit névrosé, c'était tout simplement inconcevable.

- J'ai tout à offrir. Et rien à perdre.

La phrase avait jaillit, brute et acérée, presque violente. Aucune intonnation, si ce n'est celle de cette volonté ahurissante sous-jacente, aucune émotion sur ce visage d'albâtre aux yeux trop brillants.
Il avait également conscience de s'offrir à elle, par ces mots absolus. Aucune négociation. Seras-tu destabilisée par le fait que tu ai tout à vendre et moi tout à acheter ? Est-ce une situation comune chez les vendeurs de tout poils ?
Je n'ai pas d'orgueil, et par ce fait je suis à même de t'offrir tout ce que tu veux. Tout sauf peut-être des sentiments. Et encore, il me suffirait de te mettre un bandeau aux tempes pour t'imaginer elle, pour t'offrir un erzatz d'amour comme tu n'en auras jamas d'autres. Tu vois, je suis pret à tout.

Il tourna son visage impassible vers elle, croisant et accrochant son regard violins, réchouaffé par il ne savait quoi. Il n'était pas tout prèes d'elle, alors il fit un pas en avant, et s'arrêta lorsque les deux ametystes de solidifièrent d'avertissement. Il leva un bras, à distance respectueuse, mais dans un mouvement si délicat que ses yeux se voilèrent de ce qu'il y avait de plus beau en lui : cette capacité d'aimer de manière inconditionnelle et totale. Infinie. Il mima, son regard rivé au sien, le geste d'une lente caresse sur la joue, sans arrogance, sans perversion, sans rien d'autre que cette foutue tendresse apocalyptique qui lui bouffait le visage jusqu'aux tréfonds.

Il articula d'une voix chargée, violente de douceur :


- Le prix n'est pas un problème.

Je t'offrirais le ciel, je t'offrirais la fuite, je t'offrirais le sel ou encore son azurite.
Provoque moi, j'adore ça.




[ Avec énormément de retard, j'en suis vraiment désolée, en plus la longueur n'est pas franchement là =/ Mais j'espère que ça te plaira tout de même ! I love you ]

Ambre Naeëlios
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MessageSujet: Re: Les crimes des vainqueurs ne sont jamais punis [Terminé]   Les crimes des vainqueurs ne sont jamais punis [Terminé] Icon_minitimeMar 10 Jan 2012 - 19:17

La vérité absolue, c'était que rien n'était entre leurs mains. Ambre était devenue marchombre par mal être; et mercenaire pour les mêmes raisons. C'était l'absolue incertitude de l'être, au même titre que les lectures, que les rencontres, que les possibles.

La voix de Lev était rêveuse, elle croyait entendre dans ses silences ceux qui jadis la retenaient. Mais c'était déjà une affirmation positive qui lui revenait; le venin s'épanouit au coin des lèvres, au porte des iris, aux pupilles dilatées.
Les comme-toi se laissent toujours tenter; n'est-ce pas, Lev Mil' Sha? Même par le vent.

Dire qu'elle avait cette sorte d'humains dans le sang, elle aussi. Peut-être était-ce à cause de sa mère; qui tenait à la faire lire, qui avait tout transgressé en conservant l'honneur intact qu'elle était marchombre, ou du chaos, suivant les fois.
Le vent aussi lui avait farci la tête; elle avait payé Nel' Atan par 4 années de servitude, elle avait payé en abandonnant son clan, ses codes, la vie nomade pour les murs de l'Académie, les jupes pour les pantalons de cuir, et les comptes pour les bibliothèques.
Le fait était qu'à cet instant, Ambre était d'un calme olympien, à peu de choses près, au centre de son maëlstrom personnel; c'était comme aboutir à une conclusion... vendre le vent, vendre la famille, et garder très haut pour elle la majorité des concepts; à un stade puriste et inaccessible, un stade où aucune main humaine ne pourrait les fouler.

La violence, ensuite, latente dans ses mots ranima l'intérêt de l'itinérante. C'était des paroles d'enfant, prononcées avec un voix d'homme, au-delà de toutes les limites. Paradoxal, ses yeux où brillait l'éclat malade du pouvoir et la volonté inflexible... paradoxal, ce fantôme qui glissait sur les iris, et bleuissait l'âme de son interlocuteur.
Oh, bien sûr, il pouvait mentir, il pouvait être un de ceux qui courraient après Marlyn Til' Asnil pour de mauvaises raisons... Le spectre dans ses yeux pouvait bien être vengeur, Ambre ne se souciait d'aucune conséquence qui lui était étrangère.
Rien à négocier.

Ambre crispa la paume- le vit-il?
Elle se souvenait du matin sur la montagne, des couleurs qui allumaient le monde, et de l'ombre de la montagne, infinie et grise, que les éclats rongeaient. C'était aux portes d'une forêt de doute, et l'Autre avait cru l'y mener, alors qu'elle y régnait.
Elle ne se souvenait plus des mots exacts, ni les siens, ni ceux qu'elle avait formulé. Elle se souvenait des feuilles mortes, qui lui brûlèrent la paume. Elle se souvenait du vent qui chassait la brume, et d'avoir pensé: Et bien, voilà, je n'aurai qu'à chevaucher le vent.
Rien à perdre, tout à offrir.
Sa bouche s'entrouvrit, ironique et confuse. Ramenée tant de temps en arrière, par moins qu'un serment, en effet- juste une certitude.

Et il s'approcha; en cela, le rituel variait. Son propre regard se fit avertissement: cette fois, je te casserais les deux bras; mais l'attitude de Lev, plus ambigüe que jamais, n'avait pourtant rien d'une véritable agression.
La jeune femme laissa faire, moins troublée que distante- la proximité des êtres lui accorderait au moins cela. Son visage était mu par quelque chose bien loin des mots, et que seuls les gestes peuvent retranscrire. C'était un acte d'amour, aussi bizarre put-il être.
La seule chose qu'un mercenaire peut offrir, c'est lui-même, chacun à sa façon.


Tous les rôles étaient convenus, et assurément, Lev n'était dupe de rien, pas plus qu'elle ne l'avait été. Mais chacun le prétendrait, par soucis de confort.
Ambre avait offert sa morgue, son ironie et son idéalisme.
Lev offrait l'adulation pure- raz-de-marée d'affection.
La jeune femme, cependant, eut l'intuition que ce n'était pas encore à elle qu'il le cédait, mais bien à l'image de Marlyn, qui miroitait entre eux.
Troublée, certes, qui ne le serait pas face à ces yeux-là, elle n'en restait pas moins murée dans son honneur, dans ses jugements de famille.

Elle hocha la tête, replaçant à son oreille une mèche de cheveu. A quoi bon s'encombrer d'un égratiniure sanglante au bras?

-Ne me cherche plus. C'est moi qui ferai appel à toi, le moment venu.

Et ne crois pas que je m'abaisserais à l'Imagination. Tu guetteras, comme j'ai guetté, le moindre signe. Tu nous chercheras, à présent, ta soeur et moi, partout où tu iras. Plus rien dans ton monde ne semblera de la même couleur; rien cependant n'aura changé. Que toi.

Moi j'irai à la Mer, vagabonder le temps qu'il me reste sur les dernières écumes de mes rêves, composer ma voie, puisqu'elle n'appartient qu'à moi. Puisque tu ne négocies rien, pour être à moi, à quoi bon te blâmer. Pas même mon nom, mais tu pourras l'obtenir sans aide, auprès de n'importe qui. Et si j'ai le temps, je considèrerai la possibilité d'accomplir le petit exploit de vous mettre en contact, Marlyn et toi.
Mais pas trop vite... c'est par espoir que tu tiens à moi.


-A mon retour, je veux que tu sois en bon termes avec Ciléa Ril' Morienval - que tu dois dékjà connaître. Essaye de t'attirer ses faveurs, voir son intérêt

Que je voie si je peux me fier à ton sens pratique, à ta discrétion, et à la tenacité que je lis jusque dans ton sourire.
La patience, la tenacité et le sens pratique... que fallait-il d'autre à un bon marchand de rêve?

Elle fit un signe de tête, en réintégrant les rangs des élèves en mouvement, comme une vague retourne à la mer, après avoir laissé sur la plage une trace qui s'évapore.


[C'est un peu maigre, mais je me suis dit que ça pouvait clore le rp? Sauf objection, bien sûr! ]

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Les crimes des vainqueurs ne sont jamais punis [Terminé]
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