-SALE TRAÎTRESSE !
Lyu hurlait comme une possédée depuis un bon quart d'heure. La colère si longtemps contenue se déversait hors d'elle par tous les moyens possibles. Et ce n'était pas très beau à voir.
-TU VAS ME LE PAYER ! TU AS ABUSÉ MA CONFIANCE, INGRATE, SCÉLÉRATE, FÉLONNE !
La kaelem n'en avait jamais autant voulu à une amie. Lyu n'attendait pas grand chose de la part de ses amis. Simplement qu'ils lui soient un tant soit peu fidèle, et qu'elle puisse pleurer sur leur épaule quand ça n'allait pas.
- COMMENT, COMMENT AS-TU OSÉ ? EST-CE QUE TU TE RENDS COMPTE DE CE QUE TU AS FAIT ? JE TE PROMETS QUE TU VAS LE REGRETTER !
Le pauvre accusée, ramassée sur elle-même, ne savait pas où se mettre. Elle ouvrait grands les yeux, baissait parfois la tête, un peu honteuse.
- TU POURRAIS AU MOINS AVOIR LA GENTILLESSE DE T'EXCUSER ? ALLEZ, J'ATTENDS ! - Raaak ? - C'est déjà mieux. Et maintenant, explique-moi comment ça a pu arriver ? - Raïk ! - Ah d'accord, tu le prends comme ça ? Et bien très bien, tu vas voir de quel bois je me chauffe... Myrtille !
Debout devant la table, dans le bureau de Gareth, Lyu ne pouvait que se rendre à l'évidence. Myrtille avait grossi. Beaucoup. Et comme jamais Gareth ne se serait laissé aller en nourrissant à outrance ses oiseaux, il n'y avait qu'une seule explication possible...
-N'essaie même pas de me mentir ! Plume et toi êtent les deux seuls hobereaux de la volière. Tu ne m'auras pas ! - Piaïk ? - Et puis quoi, encore ? Tu avais le droit de draguer tous les oiseaux de cette volière, mais TU N'AVAIS PAS LE DROIT DE TOUCHER À PLUME !
Lyu était atterée. Oui, attérée, il n'y avait pas d'autres mots. Elle qui était devenue la mère d'adoption de Plume à douze ans, voilà qu'elle allait passer grand-mère à quinze ans ! Quelle horeur ! Avec le printemps, des couples se rapaces se formaient petit à petit -il fallait d'ailleurs être particulirement vigilant, parce qu'on assistait parfois à de violentes batailles entre les oiseaux. La jeune fille posa ses mains sur la table, et pris Mytille entre quatre yeux.
Écoute, je vais être très claire. Raï ! Laisse les Raïs en dehors de tout ça, je te prie. C'est une affaire entre toi et moi. Tu as fait une erreur, nous sommes bien d'accord là dessus. Mais je suis prête à passer l'éponge. Piaï ! Oui, tu m'as bien entendue. Maintenant, il va falloir assumer ta bêtise, entendu ? Tu portes les petits de Plume, alors tu as intérêt à ce qu'il soient beau, d'accord ?
Lyu sourit à l'idée qu'elle allait bientôt devoir élever trois ou quatre mini-Plumes. Et la volière pourrait enfin se vanter de posséder une véritable famille de faucons hobereaux. C'était plutôt rare, dans la région, parce que, trop petits, ils n'étaient pas adapté à la chasse au sol. En revanche, leur aérodynamique parfaite leur permettait de voyager sur de longues distances, et donc de porter les messages. L'oncle de Lyu en possédait, avant de s'en débarrasser parce qu'ils étaient trop coûteux.
- Tu m'as bien entendue, Myrtille ? Je veux de magnifiques petits. Essaie de te montrer digne de Plume !
À cet instant, un bruit attira l'attention de Lyu, qui se retourna et quitta le bureau de Gareth, Myrtille sur le poing. Il s'agissait d'un jeune homme, qui devait être nouveau parce que Lyu ne l'avait jamais vu ici. Un coup d'œil à sa bague lui apprit qu'il s'agissait d'un élève d'Aequor. La jeune fille fit rapidement le tour des caisses, histoire de vérifier que Hook était bien enfermé. Depuis qu'il avait sauvagement attaqué la dernière personne qui avait tenté de l'utiliser comme messager, il restait le plus souvent en quarantaine, attendant la seule personne qui avait encore un semblant d'autorité sur lui -autrement dit Gareth. Lyu avait bien essayé de le faire voler, une fois, puis avait renoncé après avoir failli perdre un œil dans la bataille. Hook mis à part, la plupart des oiseaux étaient tout à fait sociables. Il y avait bien sûr les plus impressionnant, les aigles, les vautours, les grands-duc, qui restaient pour la plupart dans de grandes volières personnelles, ou suffisamment haut pour être hors d'atteinte. Et puis Aziel leur avait fait cadeau d'une visite surprise, où il avait passé dix minutes à se plaindre de la saleté, alors que la volière était tout de même assez propre ce jour là, et où il s'était plaint que l'Académie utilisait bien trop d'argent pour nourrir ces oiseaux, et qu'il fallait que ça change. Depuis, Lyu était tout de même un peu inquiète.
- Bonjour, fit-elle d'une voix chantante. Je peux t'aider ? Tu veux peut-être envoyer une lettre ? Où alors tu visites simplement ? Tu es nouveaux ? Tu aimes bien l'Académie ? Tu suis quoi comme formation ?
Beaucoup de questions en une seule fois. Mais Lyu n'allait tout de même pas laisser dans l'embarras un élève à l'air si sympathique !
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