Et les huîtres se saluent... [Terminé]

Chasser des piafs, chasser des piafs, chasser des piafs… Elle en avait de bonnes, Tifen, avec ses ordres un peu bizarres pour lui apprendre à être rapide, silencieux, vif, preste, leste, bref, tout l’attirail du parfait chantelame.
Mais chasser des piafs, tout de même.
Elle se rendait compte à quel point c’était dur à courser dans le parc, un pigeon ? Avec ses grands yeux globuleux, ça vous repérait à des kilomètres et dès que vous commenciez à courir dans leur direction, ça s’envolait en vous rou-rouant à la figure.
Saletés de piafs.

Et puis, après quelques jours à courir dans le parc comme un dératé à la recherche de différentes espèces de moineaux et pigeons, Einar eut une idée brillante comme le soleil d’hiver. Ce qui, il fallait l’avouer, était plutôt rare.
Il allait attraper un des piafs de la volière. Ils étaient dociles, ceux-là. Et son maître chantelame lui avait jamais précisé qu’il avait pas le droit, alors ça serait pas tricher. Ca serait juste se montrer particulièrement ingénieux et retors, et retors et ingénieux. Comme un vrai chantelame. Enfin il croyait. A peu près, quoi.

Et comme Einar Soham était un maudit fainéant, il profita de son excursion à la volière pour y amener les deux-trois lettres pour sa famille qu’il oubliait à chaque fois d’envoyer par distraction, au point qu’il commençait à en recevoir de moins en moins. Mais il n’en voulait pas trop à ses parents. Il avait tellement de frères et sœurs qu’ils devaient avoir oubliés depuis le temps qu’ils en avaient un à l’Académie de Merwyn, et puis avec sa nouvelle petite sœur, ils devaient être un peu occupés.
Bref, pour résumer, il était monté à la volière, il avait choisi un joli piaf, et le captura.
Comme ça, comme un héros.
Enfin il le prit par la patte, quoi.

Et deux minutes plus tard, ses lettres étant parties, il se rendit compte qu’il faudrait en recapturer hein. Bah oui, le piaf était parti avec les lettres. Bruti de bruti tu fais, Einar.
Oh, une élève.
Zut. Il allait pas pouvoir voler un piaf si y’avait une élève. Il pourrait peut-être la persuader de partir de manière roublarde et manipulatrice, comme ça, elle partirait, et il pourrait voler un des oiseaux et repartir.

…
Hé, malpolie !

- Hé, malpolie ! C’toi la chiure de rat mort, d’abord.

Einar afficha une mine boudeuse. Non mais c’est quoi ces nouveaux venus qui se croyaient tout permis, en plus elle était nouvelle à l’Académie, elle aurait du faire profil bas et tout devant les ainés, les vétérans comme lui. Maudit soit sire Hil’ Jildwin de pas leur avoir précisé.

- J’suis ton père.

Il avait lu un conte un jour sur un méchant seigneur qui apprenait au gentil héros au pire moment de l’action qu’il était son père, et il s’était tellement bidonné de l’incongruité de la réplique qu’il la ressortait régulièrement à tous les gens qui lui demandaient qui il était.

- Et toi t’es qui, du coup ? Enfin oui je sais, ma fille du coup, mais tu fais quoi là ? T’as un accent du sud, en plus, tu viens d’où ?

Comment ça, sa barbe avait disparu ?
C’était pas vrai, d’abord !
Fallait juste bien regarder, c’est tout. En même temps, sa fille était en contrejour, comment pouvait-elle voir l’insigne marque de virilité qu’Einar portait fièrement sur le menton depuis qu’il l’avait découverte ? Mais si, regardez bien, quand il tournait la tête un peu à droite, entre le grain de beauté sur la joue et l’oreille gauche, si si.
Il avait un poil.

Il était donc barbu.
Comme un homme.
Cette… Meline Nil’Hatane n’était décidément pas maline. Elle ne voyait même pas qu’il possédait la preuve même qu’il était son père, puisqu’il était barbu ? Pff. Non mais vraiment.


Et voilà qu’elle l’accusait de tous les maux, maintenant ! Il y avait fort à parier que dans trois minutes, elle l’accuserait d’avoir réduit l’humanité en esclavage et imposé un verrou dans les Spires pour empêcher toute rébellion contre sa toute puissance. Tant qu’on y était.
Bon, elle avait un joli sourire. Ca compensait un peu. Et pour confirmer cette approbation mentale du jeune homme, ses magnifiques oreilles d’adolescent se mirent à rougir de leur plus beau rouge, d’un rouge aussi rouge que la bague de Kaelem que la nouvelle venue portait au doigt.
Chut, maudites oreilles, j’essaie d’avoir un peu d’autorité, là.

- Euhhh.. J’ai rien à prouver à ma fille. J’ai des plumes dans la main si je veux, d’abord. C’est pas un crime d’avoir des plumes dans la main, que je sache ?

Bon, ok, il y connaissait rien en droit alavirien, mais chut. Il avait fait combat deuxième langue, pas droit deuxième langue.

- Oh, et moi c’est Einar-ton-père. Einar Soham. Enfin, non, Einar Nil’Hatane, du coup, logiquement. Mais j’ai pas envie d’être une saleté de noble, oh !... Bon, laisse tomber, moi c’est juste Einar, et j’ai un secret.

Il se pencha à son oreille.

- En fait, j’suis pas ton père.

Une œillade malicieuse plus tard, il s’’écarta d’un bond pour éviter d’être frappé –pas qu’il craignit d’être frappé par une fille, mais on ne sait jamais, la conjoncture de ces dernières semaines, la crise, toussa…

- D’abord, je sors les gens de leurs rêves si je veux, ok ? J’suis plus vieux que toi, enfin j’crois, en tout cas j’suis là depuis plus longtemps. Et puis tu m’as insulté la première. Tu veux une plume ?

Il lui tendit une des rémiges du piaf qu’il avait attrapé en premier, en titre de compensation, et plaça celles qui restaient dans ses cheveux en bataille, comme un indien.

- T’envoyais une lettre à quiiiii ? termina-t-il d’un ton gamin et parfaitement indiscret, pour le simple plaisir de la narguer.

- Je te pardonne, mon enfant.

Ah, oui, envoyer une lettre à ses parents, ça semblait logique en fait. Enfin c’était plutôt rare. Les académiciens qui possédaient encore leurs deux parents et qui s’entendaient bien avec étaient une espèce plutôt rare dans les parages. Il avait aussi la chance d’en faire partie, et manifestement, Meline n’était pas une orpheline au passé triste et au destin vengeur comme la plupart des fous-malades qui peuplaient les dortoirs dans les dix lieues alentour.
Wow. C’était une marchombre elle ou quoi ? D’où elle était au courant de sa mission chantelame top secrète d’entrainement d’arcanes sacrés du codex disparu d’un Maître légendaire disparu, elle ? Et puis il attrapait pas spécifiquement des pigeons, d’abord. Tifen avait pas précisé quel genre d’oiseau il devait lui rapporter, alors des faucons, des pigeons, des moineaux, des tourterelles ou des grands ducs, hein… il prendrait ce qu’il attraperait.
… Note qu’elle avait pas précisé qu’il devait être vivant. Les cadavres de pigeons, ça devait pas manquer à Al-Poll. Illumination ! Ouais mais c’était un peu dégueulasse quand même. BREF.

Ah, l’esquive parfaite.

- Euh, ben.. à mes parents aussi, en fait. C’est drôle comme coïncidence hein ? Enfin mes parents et puis aussi une à Sylar, une à Dytar et Mogar et Peklar et une pour ma dernière petite sœur en date quand elle saura lire, en fait. Enfin voilà quoi, en fait.

Il venait de se rendre compte que Sylar et Dytar et Mogar et Peklar elle pouvait pas savoir que c’était ses frères, du coup sa phrase lui parut complètement stupide. Bah, ça changerait pas trop, non.. ? Profitant de ce que la jeune fille s’était levée pour lui faire face, le jeune garçon bondit dans le fauteuil laissé vacant et s’y installa avec un soupir d’aise exagéré.

- Pas étonnant que t’aies piqué un roupillon là dedans, il est grave agréable ce fauteuil !

Il laissa pendre ses jambes de l’accoudoir. Elle tenait toujours la plume à la main. Sur le ton de la cachoterie, il finit par lui faire signe d’approcher et lui murmura :

- Le dis à personne hein, mais en fait j’suis en mission secrète hyper importante pour mon Ordre…

C’est vrai qu’il était confortable, ce fauteuil… En plus, comme Méline y était assise depuis un moment, il était encore tout chaud et le fond était creusé parfaitement là où elle s’était assise. N’était pour les piou piou incessants des piafs et les potentiels projectiles qu’ils pouvaient larguer sur leurs ennemis jurés qu’étaient les humains, il y serait presque resté des heures.
Mais en oiseaux point n’a confiance un Soham.
C’était pas leur devise, mais cette phrase claquait assez pour le devenir. Faudrait qu’il le propose à Papa dans une lettre… Enfin sauf qu’il venait d’en envoyer trois d’un coup, là, et puis Papa ne savait pas lire, c’est toujours Maman qui lisait ses lettres à voix haute. Voire Sylar quand il y passait, il lisait beaucoup mieux que tous les autres Soham réunis. Même Grand-mamie Joska, mais…
Mais bref, en fait. S’il se mettait à faire son arbre généalogique, il était pas rendu.

- Une mission genre ultra top importan—

L’apprenti Chantelame sursauta tellement fort qu’il tomba lourdement du fauteuil. Mais ni une ni deux, il s’était redressé, et cette fois en garde, et son sabre, sorti du fourreau, pointait en direction de celle qui venait d’éclater du rire le plus terrifiant de l’univers. L’extrémité de son sabre tremblait imperceptiblement. Son visage avait perdu toute trace d’amusement. Désormais s’y lisait une expression mi-terrifiée mi-téméraire.
Il avait découvert un Mercenaire du Chaos en couverture à l’Académie de Merwyn alors qu’on était en temps de paix et que le Chaos avait été éradiqué d’entre ces murs depuis des mois.
Il savait pas trop quoi en faire.
Et puis c’était un peu bête de la part de cette Mercenaire du Chaos de dévoiler ses plans aussi facilement, non ? Plutôt que de rassurer Einar, cela le rendit deux fois plus paranoïaque. Si ça se trouvait, elle était maître de tous ces oiseaux, avec ses pouvoirs obscurs et ténébreux, et elle le considérait comme trop faible pour être un danger, avec son armée de pigeons à la botte.

- Me.. M’approche pas ! Reste où tu es !

Il devait faire quoi ? Courir et aller prévenir n’importe qui ? D’abord maitriser l’ennemie, la blesser, ou la tuer et aller poser son scalp sur le bureau de Jehan Hil’ Jildwin, comme preuve de son courage ? Il resserra les mains sur la poignée de son magnifique Bomon et reprit d’un ton qu’il voulait menaçant :

- J’étais là quand on vous a bouté hors de l’Académie, toi et les sbires de ton espèce, j’ai pas peur de toi !

En crabe, il se mit entre elle et la sortie. Elle devrait lui passer sur le corps pour s’enfuir. Il mourrait seul, et sur un sol plein de fientes, mais il mourrait en héros s’il le fallait.

- T’envoyais un message codé à tes acolytes c’est ça ? Des informations vitales pour préparer une nouvelle attaque sur l’Académie ? Avoue, maintenant, j’ai un sabre et je sais presque m’en servir !

Deux secondes et quatre dixièmes.
S’il n’avait tenu son sabre à deux mains, Einar aurait compté sur ses doigts pour savoir exactement combien faisaient deux secondes et quatre dixièmes. Deux secondes et quatre dixièmes, c’est le temps qu’il mettait à dégainer son sabre dans un mouvement de tranchage d’entrailles dans ses meilleurs temps, quand Tifen lui apprenait à dégainer son sabre rapidement pour tuer un ennemi du premier coup. Encore qu’il n’avait encore jamais tué d’ennemis avec cette technique.
Méline pouvait être la première

Elle était encore plus vile que méchante, elle l’avait dit elle-même, et elle était encore plus puissante que les Mercenaires du Chaos, elle venait de le dire aussi. Le problème, c’est qu’on avait toujours enseigné à Einar, et monsieur Cil’ Eternit le premier, qu’il n’y avait rien de plus vil et méchant que les mercenaires du Chaos.
Bon, à part les Ts’liches, mais Méline n’avait pas la peau verte, donc ne pouvait pas être un Ts’lich, CQFD. Heureusement pour lui, d’ailleurs. Il s’était encore jamais battu contre un Ts’lich, et il doutait sincèrement d’en réchapper vivement, et son corps serait mangé par les pigeons.
L’air féroce (ou pas) Einar brandit son fidèle sabre avec plus d’assurance, la pointe tremblait un peu moins.

De quoi une proposition alléchante ? Et ça voulait dire quoi alléchant d’ailleurs ? Elle allait le lêcher, c’est ça ? En tant que vile vilaine, elle avait sûrement de la bave empoisonnée, comme les serpents d’Hulm avec leurs crocs fluorescents.
Travailler pour elle ? Non mais ça allait pas la tête ? Et puis quoi encore ? Il avait une tête de méchant lui peut-être ? Imaginez un instant Einar en tant que plus-méchant-qu’un-mercenaire-du-Chaos. Voilà, vous êtes en train de rigoler, vous aussi. Sauf que lui, il rigolait pas. C’était dangereux de pas accepter le marché de gens qui voulaient détruire Gwendalavir, parce que généralement, quand vous refusiez, ils commençaient leur destruction par vous, ou vos parents.

Et lui, comme un bétassou, il lui avait donné le nom de tous ses frères et de ses parents. Elle pourrait aller les tuer après l’avoir tué lui, s’il acceptait pas.
Un filet de sueur coula le long de sa tempe.
Il aurait moins de deux secondes et quatre dixièmes pour tenter une manœuvre d’évasion s’il devait vraiment s’enfuir, et il était pas sûr de courir assez rapidement.

Et en plus, elle lui proposait de l’argent. Le truc, c’est les pièces, Einar allait pas cracher dessus complètement, ses parents étaient pas très très riches et parfois ils avaient du mal avec l’auberge, parce qu’Al-far c’était pas la destination la plus touristique de Gwendalavir. Sylar envoyait régulièrement de l’argent aussi depuis Al-Jeit, et il se sentait mal de pas pouvoir en envoyer autant que Sylar, du coup c’est sûr que la proposition de Méline pouvait aider.

Einar recula d’un pas quand elle avança, la main tendue. C’était un piège. Par les cornes du Dragon, c’était forcément un piège !

- Approche pas davantage ! dit-il nerveusement.

Il commençait à devenir sérieux. La situation devenait vraiment, vraiment grave, là, et il était de plus en plus convaincu des propos de Méline. Du coup, grâce à l’allonge de son sabre, il approcha la pointe tranchante jusque sous la gorge de la jeune femme, histoire de paraître menaçant. Il ne tremblait presque plus, même s’il avait encore manifestement très peur. Au moins, si elle essayait quoi que ce soit, il mettrait moins de deux secondes quatre dixièmes à lui pourfendre sa gorge tapissée de mensonges.
Le truc, c’est qu’Einar avait jamais tué personne, et il voulait pas commencer aujourd’hui.
Mais il le ferait, pour protéger l’académie. Son innocence était moins importante que la survie de sa famille et de l’Académie.

- C’est quoi comme genre de travail ? commença-t-il d’un ton extrêmement suspect. Et ça paie combien ?

Pas qu’il songeat sérieusement à la rejoindre, mais il valait mieux faire semblant d’être intéressé pour pouvoir aller la dénoncer à M’sieur Hil’ Jildwin dès qu’il pourrait, peut-être même accumuler des preuves accablantes entre temps. Ouais, c’était un plan génial, ça.

- J’te serrerai pas la main de toute manière, t’as très bien pu y planquer un crochet à poison ou je sais pas quoi, où t’en profiteras pour me désarmer, j’suis pas si bête que ça ! fit-il d’une voix pas très assurée.

Il pourrait aussi profiter de son avantage pour lui soutirer discrètement (ou pas) des informations. Comme ça, si elle le tuait, Jehan retrouverait son corps moribond, et il lui glisserait à l’oreille des informations cruciales, comme les vrais héros dans les contes.

- Et j’veux savoir c’est quoi exactement ton organisation ? Si j’dois travailler pour toi, vaut mieux que je sache pour qui je bosse, non ? Vous voulez quoi à Gwendalavir ? Et c’est quoi vos buts ? Et vos effectifs ? Et c’est qui qui t’a entrainée comme ça, pour égorger les gens en deux secondes et quatre dixièmes ? J’sais trancher des gorges en deux secondes et trois dixièmes, alors t’as pas intérêt à me mentir !

Pauvre petit, sa nervosité escaladait, et il semblait sur le point de faire une crise de nerfs. C’est pas tout les jours qu’on attrape des gens encre plus dangereux que des mercenaires du Chaos à soi tout seul, faut dire.
Et il avait le bout de Bomon qui touchait la gorge de l’ennemie. C’était suffisant, non ?
Elle pourrait pas s’échapper, hein ?
N’est-ce pas ?

- Hein- où ça, quoi ?!

Einar se retourna précipitamment, croyant à une attaque secrète, fourbe et subtile de la part de cette fille extrêmement dangereuse. Si ça se trouve, elle le distrayait depuis tout à l’heure tandis qu’un de ses complices vils et pas beaux escaladait la volière et pénétrait par la fenêtre pour venir le tuer par derrière, comme un vieux vicelard.
Mais il n’était pas dupe ! Ahh non non, point du tout, sire ! Un œil fixé sur la fenêtre, et un œil fixé sur Méline, Einar darda Bomon vers la-dite fenêtre, prêt à découper en rondelles de saucisson tout ce qui aurait l’outrecuidance d’entrer sans son autorisation expresse.

Oui sauf que, et bah, en fait, euh.
Noir.

Escaliers, aussi. Genre escaliers contre la tête, contre le dos, contre les fesses, contre les chevilles.
Et genre, ben, des escaliers à l’envers. Comme s’il marchait au plafond, ou qu’il flottait dans l’espace, quelque chose comme ça. C’était assez bizarre, surtout qu’il avait mal au crâne comme si on lui avait fendu à coup de hache, et qu’il était probablement en train de répandre sa cervelle dans l’escalier… Oui non, mais s’il marchait au plafond, alors sa cervelle devait tomber au plafond, mais le truc, c’est qu’il ne voyait pas de neurones courir au plafond.
Il en déduit donc brillamment qu’il n’avait pas le cerveau fêlé.

Avec toute la grâce d’un siffleur unijambiste, Einar roula sur lui-même pour se remettre dans le bon sens, à savoir les pieds en bas et la tête en haut. Il n’avait strictement aucun souvenir de ce qui s’était passé, ni de comment il s’était retrouvé dans l’escalier. Il avait vaguement le souvenir qu’il devait aller faire quelque chose à la volière, quelque chose de super important qui avait un rapport crucial avec son entrainement chantelame et qui pourrait déterminer le courant de sa vie, quelque chose comme ça.
Ou alors c’était pour envoyer des lettres à ses parents ? Pourtant, il avait aucune lettre dans ses poches, et il avait le vague souvenir qu’il en avait déjà envoyé récemment.

Mince, il devait faire quoi, déjà ?
Bah, en entrant dans la volière, peut-être que ça lui reviendrait. Il poussa la porte en se massant le crâne, où une bosse commençait à se former.
Sauf qu’il y avait déjà quelqu’un dans la volière, assis dans le fauteuil. C’était un peu bizarre, un fauteuil dans une volière, quand on y repensait, d’ailleurs, mais ce n’était pas le plus important.

- Salut… commença-t-il d’un ton circonspect. Il était pas sûr que la nouvelle venue soit réveillée ou pas.

Et puis elle tourna son visage vers lui, et il fronça un sourcil encore plus que l’autre.

- J’te connais, non ? On se serait pas déjà croisés ? Pt’être au cours de M’sieur Eternit ou dans la grande salle ?

Elle lui disait manifestement quelque chose. Elle devait être relativement nouvelle, mais il avait du la croiser une fois ou deux dans les couloirs à ses heures perdues. Pas qu’il traine beaucoup dans les couloirs en général, mais bon. Pt’être à la bibliothèque, aussi, il était souvent à la bibliothèque. Ou alors dans la volière, c’est très possible. S’il était allé envoyer des lettres à ses parents, il l’avait peut-être croisé là y’a quelques jours.

- J’suis censé faire quelque chose ici… murmura-t-il en tournant sur lui-même pour tenter de trouver l’inspiration pour cette tâche importante qu’il devait accomplir. Ah ! je sais !

Et il bondit sur une des estrades, saisissant à deux mains un pigeon en plein sommeil. Le dit pigeon se débattit avec force roucoulements et cris perçants, et ses ailes battirent contre les bras d’Einar jusqu’à ce que le jeune homme parvienne à emprisonner ses deux ailes dans ses mains. Il poussa un cri triomphal, auquel le pigeon répondit par un « Rourou » maussade.

- Euh… t’aurais pas une cage, ou un truc comme ça, où j’puisse le mettre ?