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 Derniers pas dans l'Ombre (RP terminé)

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Elhya Il'Dune
Elhya Il'Dune

Marchombre
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MessageSujet: Derniers pas dans l'Ombre (RP terminé)   Derniers pas dans l'Ombre (RP terminé) Icon_minitimeLun 29 Sep 2008 - 20:02

Elle sentit enfin sous ses doigts les rides profondes de l’écorce rêche sur laquelle elle déposa un peu de sang.

Le ciel avait cessé de libérer ses larmes depuis plusieurs heures. Les rafales inexistantes, le vent évanouis laissaient l’air humide et froid. Les goutes en suspensions dans l’air pénétraient les vêtements, couvraient la peau. L’eau s’infiltrait dans les couches de l’épiderme, effleuraient les nerfs qui tressaillaient et s’arquaient, gagnaient les veines, diluant le sang. Elle entourait les os, traçait de longues lignes, puis fendait l’os spongieux, semblable au sol boueux. Le froid sur les talons, l’eau parcourait le corps, gelant dans les muscles et ralentissant le mouvement du sang.
Des goutes s’écoulaient parfois des feuilles larges des vieux arbres de la forêt. La lumière avait déserté l’endroit, elle-même touchée par une peur irrationnelle mais envahissante. Le silence trop profond ancrait une angoisse âpre, fichée entre les côtes, dans les poumons, dans le ventre et dans la nuque, faisant suffoquer à la manière de deux mains enserrées sur un cou trop frêle. L’air roide et inégal rendait le souffle saccadé et rauque.

Elle effleura de la main droite un poignard au manche épais et à la lame lourde. Elle hésita, déplaça sa main vers trois couteaux à lancer plus légers, et en saisit un. Elle le fit tourner entre ses doigts sans laisser le bruit du frottement entre la peau et le cuir la trahir. Elle leva enfin le bras, l’arqua et le trait partit, immédiatement suivi d’un second. Si le premier se planta avec un bruit mat dans la boue, le deuxième fit entendre un bruit d’étoffe déchiré puis de chair frottée. Elle estima qu’elle avait du toucher un bras, sans doute un peu au dessus du coude. Donc rien de suffisant à ne serais-ce qu’entraver un mouvement. Elle se décala vers la droite et attendit, la main toujours posée sur le tronc large. Les battements dans sa poitrine, irréguliers, sonnaient à ses oreilles comme des cloches actionnées par un vieillard à la force incongrue. L’eau coulait sur son front et contre ses joue, jusqu’à ses lèvres, à la manière de deux traits de sang glacé. Ses genoux immobiles criaient leur envie de s’affaissait, d’abandonner le corps à la boue, de briser l’effort qui raidissait leurs muscles privés de souplesse. Ils eurent un tremblement puis se figèrent de nouveau. Sa nuque tendue douloureusement, crispée, irradiait dans son dos, le long de sa colonne arquée. Ses épaules raidies reposaient contre le tronc épais, et ses hanches étaient légèrement décalées, l’une surplombant l’autre. Une feuille se détacha au dessus d’elle et descendit lentement, tournant comme dans une chanson de peine, sans qu’elle ne s’en rende compte. La jeune femme s’inclina vers la gauche, afin de se remettre d’aplomb. Quand la pointe de la feuille à l’âme poète effleura sa joue, elle ne put se retenir d’avoir un léger sursaut. Réponse quasi-immédiate à l’imprudence, une lame fine et longue, aiguisée avec soin, transperça sa cheville sans accro, caressant l’os avec envie, et coupant sans doute nerfs et vaisseaux. Elle se retint de laisser échapper un cri, et sa colère, déjà au summum, enfla. Après un long instant, elle tenta de bouger son pied. Il ne lui répondit d’abord pas, puis une douleur lui vrilla la cheville jusqu’au genou. Elle grogna dans sa tête. Elle attendit que la douleur diminue, et quitta la présence presque rassurante de l’arbre et s’éloigna. Elle saisit le dernier petit couteau et attendit. Quand elle saisit enfin un son infimement léger de souffle un peu court, qu’elle cherchait depuis de longues minutes. Elle ne parvint pas à être sûre de l’endroit d’où il provenait. Elle sentit les muscles de ses bras ne dénouer. Elle respira et écouta encore. Le dernier couteau fendit l’air en silence, et heurta un corps. Profitant du grognement sourd, à peine audible, elle se déplaça.

__



Les bougies de l’auberge avaient perdu de leur éclat luisant qui se réverbérait sur les murs et les tables de bois clair, au profit d’une lumière plus sombre et heurtée. Vaincues, la plupart des flammes s’étaient affaiblie petit à petit au fil des longues heures, jusqu’à se transformer en ombre décharnée et de s’éteindre brusquement. La cheminée manquait à la pièce de bois de frêne, à l’exception du bar taillé dans un bois noueux et dur, presque menaçant dans sa posture massive. Rappelant quelques maladresses, des reflets blafards issus des dernières chandelles dansaient sur des éclats de verre au pied d’un tabouret sur lequel un corps aveuli ronflait sans forme. De temps en temps, sa tête tressautait, soulevant une mèche grisâtre tombant sur son front, et son nez flasque se froissait dans un effort pour renifler la morve visqueuse et épaisse qui coulait jusqu’à ses lèvres et son menton. Sa bouche béante pendait misérablement à coté du plan rehaussé. Son coude remua soudain, percuta mollement un verre à moitié plein d’une liqueur rouge sanguin, étrangement lumineux dans l’atmosphère sombre. Le verre tangua un instant et tomba à la renverse, étendant son contenu sur la joue pâteuse et le cou large du pochard. Il roula le long de la planche et termina sa course à l’autre bout du bar, contre une bouteille aux trois quarts vides. Dans la courbure du verre couché subsistait un peu de l’alcool carmin. Une lueur vint danser un instant, imprimant des teintes plus ou moins sombres, avant de s’éteindre à son tour.
Avachie contre le mur, elle attendait depuis des heures, et avait vu se succéder les différentes classes successives de la taverne. Les hommes revenant d’une journée de labeur plus ou moins dur. Des voyageurs louant des chambres, laissant aux abords du village les moins aisés sous les tentes. Des hommes à l’honnêteté douteuse, et au regard noir pour un peu inquiétant. Quelques messages échangés avec une discrétion risible. Puis arrivaient des balafrés, aux entailles neuves chevauchant des plaies plus ou moins anciennes, infectées, crasseuse et noires. Et ceux qui restaient étaient bien incapables de s’en rendre compte. Les trois suppôts de Bacchus, ivres jusqu’à la moelle, aurait eu bien de la peine à montrer leur propre main, et grondaient en cœur.

Ses jambes n’étaient pas encore lavées de la fatigue de la matinée précédente. Ses genoux la tiraient, comme ses mollets endoloris. Mais sa blessure à l’aine la gênait davantage. Elle était lasse, mais résolue. Envahie d’une haine intense et ravageuse, elle avait saigné le jeune mercenaire aux cheveux blonds brûlés sans aucun mal, tout à sa rancune contre ceux qui avaient touchés Ena, sa fille, et Anaïel. Le deuxième avait été tout aussi simple à occire, comme les deux qui suivirent. Et le dernier avait rendu le combat de nouveau égal. Elle s’était crue près du tombeau plus d’une fois, la lame à quelques centimètres de sa gorge ou de son cœur, sans qu’elle ne comprenne ce qui l’avait poussée vers ses derniers instants de vie.
Quand il ne resta que quatre bougies crépitantes à sa droite, elle se décida enfin à bouger. Elle se leva lentement et s’étira avec précaution. Sens en alerte elle quitta l’auberge et ses occupants, une pointe de regret devant le spectacle qu’elle laissait derrière elle. Mais les propos qu’elle avait surpris ce soir ne demandaient qu’à être exploités. Un enfant lui-même aurait pu faire cette chasse au trésor, d’une simplicité empreinte de fadeur.
Elle marcha longtemps. Rien ne troublait le chant nocturnes, le spectacle de la nuit ni son atmosphère glacée. Elle arriva aux abords de la forêt, hésita quelques instants.
Le Néant s’ouvrait devant ses yeux vitreux. Elle fit quelques pas en avant, et s’arrêta de nouveau. Immobile, le froid la pénétrant peu à peu, elle attendit. Les animaux des nuits ne criaient pas, abattus par le froid et l’ombre prenante. Le clapotis lointain d’un ruisseau assurait seul le bruit de la nuit, impassible et régulier. Elle reprit sa marche lente, raccourcissant légèrement ses foulées. Le noir envahissait les alentours de son écharpe de velours, et la jeune femme fut parcourue d’un frisson d’effroi. Elle ne ralentit pourtant pas le pas.

Le souffle la fit stopper net. Il n’était pas plus loin qu’une trentaine de mètres. Immobile, elle retint sa propre respiration, et attendit en tentant de calmer les battements de son cœur.

Marlyn Til' Asnil
Marlyn Til' Asnil

La Borgne
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MessageSujet: Re: Derniers pas dans l'Ombre (RP terminé)   Derniers pas dans l'Ombre (RP terminé) Icon_minitimeMer 15 Oct 2008 - 20:05

Et ça tapait violemment aux tempes, comme deux marteaux épousant l’enclume en cadence, et ça frappait douloureusement au front, dans la nuque, et ça déchirait les nerfs, elle avait le souffle trop court et la gorge brûlante, mais ce n’était plus motif à s’arrêter, c’était trop tard, il fallait continuer, ne plus s’arrêter, aller au bout du Chaos, aller au bout du massacre, aller au bout de soi-même et de la lame, frapper car la vie en dépendait, le sang en dépendait et l’équilibre en dépendait. Frapper fort et apprendre, frapper fort sans comprendre, frapper et rendre, les coups qui résonnent et traversent, le sang entre les dents, frapper fort et répandre la mort sur un flot de boue comparable à un flot de haine, frapper fort et dépendre ; de cette envie de tuer sans raison ni opinion, par pure haine et se laisser envahir par la colère, la douleur, le mensonge et l’obscurité, devenir..
Irrécupérable, insurmontable, imbattable, indomptable, irréalisable. Charismatique, Chaotique. Celle qu’elle aurait dû être depuis le début. L’être au cœur trop gangréné pour éprouver pitié ou félicité, l’être au corps remodelé et rapiécé, mais si puissant qu’il dégage l’odeur de la mort et de la noirceur loin devant son ombre, si craint qu’il n’est plus murmuré, inégalable.
Des échelons encore trop grands à parcourir, peut-être, des degrés glissants et bossus, mais il fallait se grandir, se saisir et s’évanouir, devenir l’Enfant du Chaos que les rumeurs médisaient, le devenir vraiment et le devenir intégralement, inexorablement.

Marlyn se redressa de toute sa longue silhouette, comme une ombre que l’on déroule entre les arbres. L’empreinte était presque invisible, mais fraîche et la boue autour n’avait pas encore séché. Le cadeau empoisonné d’Ena, cette longue balafre sur la joue droite et la pénombre pour une demi-éternité, révélait enfin sa puissance obscure ; dans les ténèbres, où plus aucune lumière ne brillait pour le commun des bipèdes à deux yeux, sa prunelle s’y complaisait, s’adaptait et réussissait, par un tour de force égalant les maux de crâne, à percevoir les silhouettes vacillantes et à les identifier. La mort, elle l’évita ainsi deux fois, comme témoignait la déchirure de son avant-bras droit, là où elle s’était protégée le cœur d’un mouvement réflexe lorsque l’éclair incisif fusa dans la nuit.
Certes, ça faisait mal. Certes, ça saignait et ça rouvrait d’anciennes plaies et brûlait la peau. Certes, son souffle s’accourcissait et son énergie diminuait. Certes. Mais elle avait vu l’endroit d’où était parti le projectile, elle avait vu l’ennemi défaillir en silence et en cadence, il fallait frapper.. Se jeter dans la boue, éviter une autre lame qui écorcha sa joue d’un mouvement lascif et net, faisant dégringoler le sang-vitriol jusqu’à ses lèvres, dévoilant la partie la plus profonde et la plus dangereuse de son être : l’irrationnelle, la folle, la froide, la calculatrice. La pupille dilatée et les membres tendus furent prémices à cette conversion : la phase Enfant du Chaos.
La phase possédée, diraient certains. La phase folle. La phase chaotique. Démarrée d’adrénaline et d’instinct de survie, mêlée au sang et à la nuit ; ce ne fut plus Marlyn qui se redressa, ce fut Sareyn.
La feuille, compte à rebours, tomba. Un léger cri indiqua la cible : la lame fusa. Et fit mouche, d’après l’ombre de guingois qui suivit, sur la boue de leur terrain de combat. Mêlée de pluie, la silhouette démoniaque de la jeune femme disparut derrière un arbre.
Trop tard ; la réplique fut cinglante. Deux genoux tombèrent au sol, dans la boue, et les mains resserrées sur les entrailles, là où était entrée la vengeance de la cible. Le sang coula un peu, des lèvres, des tripes,des doigts, de la lame, sur la boue. Le cri sourd et faible s’échappa comme une voile déchirée déploie son aile balafrée, et Sareyn se cassa en deux, aveuglée par la douleur, la haine, le chaos et la hargne et la souffrance. Rien n’avait été touché, que le muscle palpitant qui se tordait sous l’acier glacé.
Et puis plus rien. Plus de douleur.
Non, plus de douleur : le visuel suffit, et le corps sans âme se releva lentement, les mains resserrées autour de la boue et de la lame qui lui fendait les entrailles. Claudiqua à un tronc, s’y affaissa. Puis dessina. Et courut. Vite. Sans se soucier du bruit. Comme un animal chasse sa proie..
Car oui, la proie était là, juste à quelques mètres, fluide et pourtant lourde ; le combat avait été longtemps. Leur sang coulait et ternissait la boue.. Ou alors lui donnait-elle un éclat veule à la Lune, celui étincelant du Chaos qui se répandait et se distillait entre les ombres, et les ongles du prédateur, elle courait, dérapant dans la fange, se relevant d’un mouvement et d’une roulade. Et sans cri ni murmure, se jeta sur la silhouette mouvante qui commençait à lui échapper.
Sareyn s’agrippa aux vêtements, déchira un peu de peau, vola loin à cause de son élan ; revint rapidement, sans plus aucune stratégie aucune, plus silence aucun, juste un bras armé du poignard qui plus tôt lui ensanglantait les tripes.
Et fut bien vite surpassée. La femme, la proie, était trop rapide malgré les blessures que la Mercenaire du Chaos lui avait infligées ; plus un coup ne fit mouche, et le combat tourna rapidement au désavantage de la jeune fille dévorée par le feu de sa hargne. Plusieurs fois mise à terre, elle se relevait toujours moins vite, à mesure que le sang se répandait sur la terre détrempée..
Et la pluie décida d’intervenir, arbitre de leur combat à mort. Le terrain fut noyé : le sang fut lavée, les cheveux collés au visage dans une douce anarchie métaphorique de son âme, dégoulinant parfois de gouttes de sang ou d’amertume. La jeune fille ne dessina plus. Pas encore. Trop tôt pour tricher. Même pour une Mercenaire du Chaos. Même pour un Enfant du Chaos. Même pour le Chaos.
Il advint alors que, le dos englué dans le marécage de leur arène clairière, la proie vint la plaquer au sol, un couteau sous la gorge, prête à la tuer. D’une poigne entre désespérée et folle, Sareyn lui prit le poignet, presque à le lui casser. Et cracha, dans la demi-seconde d’arrêt sur image qui suivit la surprise de la situation :


- J’avais dit à Nel’ Atan d’aller aux enfers.. Mais j’y suis ! Meurs et ne souille pas cet enfer qui est le mien, Marchombre !


Et le coup de poing partit, droit dans la mâchoire, et Sareyn roula de côté, redonnant à la terre tous les caillots de sang qui lui emplissaient les lèvres dans une toux rocailleuse, la main crispée sur son flanc. Et elle se releva, vacillante de haine et de Chaos, et d’un geste ralenti par la fatigue, frappa. Sans savoir où. Sans savoir avec quelle arme.
Et elle cria sous la douleur d’une attaque qu’on lui rendait.

****

Il fallait encore.. Plus vite. Plus loin. Courir. Encore. La nuit cinglait ses bras d’écorchures là où les branches la fouettaient, mais c’était futile ; son œil râclé voyait tout, chaque feuille, chaque rayon de lune, dans des couleurs fantastiques ou fantômatiques, dûs à l’imagination fertile du cerveau malade, et à la mauvaise qualité de sa vision. Plus vite, plus loin, courir, encore.

De jour en jour, la confiance et la puissance prenaient petit à petit place dans son âme, à mesure que le Chaos prenait possession de son être. Chaqye leçon de son Maître lui endurcissait l’esprit et lui formatait les gestes ; plus le temps passait, plus Marlyn disparaissait. Plus Sareyn évoluait et gagnait en résolution, en distance et en impartialité. Du moins, lorsque le Mentaï n’était pas auprès d’elle. Devant lui, elle redevenait l’élève docile et frêle ; mais le masque reprenait parfaitement sa place dans les cicatrices, et l’Enfant du Chaos commençait déjà à signifier son nom. L’époque où l’Académie était un havre de sécurité était désormais bien loin.. Mais c’était le destin, le destin malheureux d’une jeune fille à qui Moïra ne sourit pas, et qui s’accomoda comme elle put des tourments qui la poursuivaient. Et à présent, le compromis était trouvé, l’équilibre était définitivement tombé ; être le tourment, et ne plus le subir, souffrir sans douleur, blessures sans erreurs, tuer saigner égorger vaincre vengeance..
Et elle courait, elle s’endurcissait, son corps prenait l’aspect noueux de muscles amenés à l’extrême, son dessin la cruauté de l’esprit amené à détruire par ordre.. et goût de Chaos.
Brûler ses années de vieillesse dans l’instant présent et parachever les extrêmes, nouer les cassures, se relever et combattre, obéir, tuer. Et se venger. Et qu’enfin, elle pût Le regarder en face avec le sentiment d’être à la hauteur.
Marlyn s’arrêta net. La nuit était troublée : plus d’étoiles, la pluie rendait le terrain dangereux. Le tout était de ne pas se casser le cou stupidement, d’un faux mouvement.. Et puis, il y avait autre chose : ce souffle légèrement fatigué, qui s’était arrêté au même instant qu’elle. Des sens plus aiguisés que les siens l’avaient trouvé.. la Mercenaire du Chaos monta dans les Spires par prudence, ne détecta rien et se tendit. Vingt mètres, peut-être plus. Ennemi, d’après le halo d’Harmonie qui puait jusqu’à ses narines. Impassible, le visage plus marbre que marbre, respirant une confiance malsaine, elle avança, se coulant entre des souches cabossées et torturées. Et s’arrêta. Une intuition lui barrait l’esprit, l’impression que l’Académie était plus proche qu’elle ne le songeait, que l’esprit Marchombre était non plus très loin. Trop près, même. Mais ce n’était pas Elera. Ca ne pouvait pas être Elera. Et puis même, si c’était la Lotra, qu’est-ce que ça changeait dans l’esprit noir ? La nuit lui appartenait et aucune erreur n’était admise dans son entrainement.
Quelques pas et l’ombre les séparèrent. Une épaule plus affaissée que l’autre, blessée ou fatiguée, la proie. Et Marlyn siffla entre les écorces :


- Fantôme, fais attention.

Une étoile de jet siffla vers la cible, à quelques mètres à côté cependant, en une sorte d’avertissement. Marlyn s’avança sur le chemin, le Chaos vibrant au bout des doigts, et reprit :

- Les fantômes n’aiment pas l’Académie. Je doute que tu te souviennes de moi, cependant.


Et c’était bien un visage qu’elle avait croisé dans les couloirs, la Marchombre dont elle n’avait jamais su le nom, et sa future proie, son message à l’Académie de Merwyn..
Marlyn haussa les épaules, et sa voix glaciale, plus froide que la pluie qui tombait dru, résonna :


- Tu dois connaître Ena, alors. Comment va cette chère Dame, depuis le temps ?


[ Je suis absolument désolée pour le retard que j'ai mis pour te répondre. Si quelque chose ne va pas, fais-le moi savoir et j'éditerai à volonté Rolling Eyes ]

Elhya Il'Dune
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Marchombre
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MessageSujet: Re: Derniers pas dans l'Ombre (RP terminé)   Derniers pas dans l'Ombre (RP terminé) Icon_minitimeLun 10 Nov 2008 - 0:20

Une branche griffa son visage sans que même sa conscience ne le lui fasse savoir. Elle posait les pieds avec une lourde délicatesse sur les brindilles et les feuilles, sur la terre et dans la fagne, qui se collait à chaque pas sous ses semelles et alourdissait sa démarche infimement, mais surement. Le poing serré autour du manche fin du couteau, la jeune fille s’était faite assoiffée d’un sang libre, d’un sang résolument du même carmin que celui qui imbibait sa tunique mais infiniment impur à sa voie et à son dessein. La marchombre intégra dès les premiers gestes qu’elle avait confusément sous-estimé son adversaire, qu’elle délesta ainsi de son statut de proie. Gradée au rang de véritable rival, le combat se modifia et ses gestes se firent plus précis et moins nonchalants. La lame de son propre couteau caressa plus d’une fois son bras droit, traçant de grandes griffures parfois plus profonde qu’elle ne l’imaginait. Du sang perla avant de glisser comme une goutte d’eau sur une feuille, pâteuse mais délicate, le long du bras dénudé, fouetté par l’air mis en mouvement. Daeya, son long poignard à lame courbée perça une jambe sans vraiment de gravité, et déchiré un poignet, le droit, inconscient du fait que l’arme était maniée de la main gauche. La marchombre, tentant un mouvement dangereux, vira sur sa cheville, oubliant consciemment sa blessure, et laissa la lame souillée entamer le flanc de la dame chaotique, de l’aisselle à la taille. A gauche, cette fois-ci.

Le froid semblait s’infiltrer dans les plaies ouvertes de son bras et de sa cheville. La nuit elle-même pénétrait son corps et enlaçait ses os. Elle lutta conte l’humidité qui embrassait son corps entier et évita un coup, lancé d’une volonté farouche, qui menaçait son épaule. La lame crissa contre sa clavicule et elle grimaça. Saisissant de la main gauche un petit couteau semblable aux trois premiers, elle atteignit de nouveau la coupure ouverte au flanc, qu’elle approfondit sur quelques centimètres. Le bras tendu, elle ne put éviter le coup qui jaillit en réponse fendit le cuir sur son épaule et omoplate droite, traçant une faille béante d’où le sang jaillit promptement. Elles reculèrent toutes deux, la respiration saccadées et sifflante. Le sang coula entre ses omoplates, et elle le sentit glisser le long de son dos à la manière d’un serpent de feu pour imbiber sa tunique et s’ajouter à la sueur qui poissait entre le cuir et sa peau. Les yeux et les sens rivés sur la silhouette éloignée à quelques mètres, elle passa la main sur son bras et la ramena à elle poisseuse de sang. Le souffle court, elle s’appuya imperceptiblement sur le bouleau jeunot qui se dressait timidement à ses coté, lui ôtant toute innocence en l’aviliant du sang qui coulait encore à flot dans son dos et de celui, crouteux de son bras.

Elle toisa la jeune fille, suivant ses gestes avec exactitude. Sa prétention primaire s’était évanouie, meurtrie et mutilée par les échanges fraternels de sang écarlate. Leurs respirations désordonnées résonnaient en crissant dans la forêt silencieuse endormie. Un oiseaux poussa un cri et s’envola à tir d’aile, effrayé par le spectacle qui s’offrait à lui, là, au travers des arbres serrés. Le vent que les mouvements trop brusques avaient éveillé faisait doucement balancer les feuilles et les branches légères dans un rythme lent et suave. Leurs yeux se frôlaient sans oser se croiser, leurs sens se côtoyaient sans oser se rapprocher mais incapable de diverger totalement, à la manière d’electrons ralliés à un noyau. La main serrée autour du manque de Daeya, la marchombre sentait fondre petit à petit son aplomb, au profit d’une peur indicible et irrévérencieuse qu’elle aurait de loin préféré avoir abandonné de longues années auparavant, lorsqu’il en était encore temps.

L’ombre avait-elle encore peur ?

__


Les mots sonnaient tranquillement à son oreille, à la manière d’une mélodie enfantine fredonnée à un enfant aux abords du sommeil. Ils s’infiltraient langoureusement dans son esprit, caressant délicatement ses nerfs, se jouant de ses muscles tendus. Une musique lente qui se bloqua subitement dans sa nuque. L’allusion à l’Académie, puis à Ena tournèrent, sans daigner s’éclairer. L’onde glaciale des paroles envenimées perça la peau suave et la respiration profonde s’assoupit. La marchombre laissa glisser son regard sur ce qu’elle apercevait de la silhouette aux mots factices et la langue trop souple. Rien, dans la position de ses jambes, dans le maintien de sa tête, dans les courbes de sa taille ou de ses bras, dans les traits immobiles et rêches de son visage n’éveillait en elle quelques élans du passé que ce soit. L’Académie en cet instant restait ce Havre lointain, utopique et illusionné qu’elle avait rallié dans son accès éperdu suite à l’envol d’Anaïel. Elle siffla les souvenirs avec tendresse puis force, avec tiédeur puis froideur, sans qu’aucunes prémices de reflet, aussi fugace soit-ils, âme oubliée dans son esprit ne revienne effleurer la surface de ses pensées. Mais l’idée intangible qui s’était inscrite dans son esprit avait tout autant d’importance et lui suffisait amplement. L’Enfant du Chaos, l’âme noire de l’Académie, cette sentinelle déchue dont on ne parlait pas mais qui imprégnait chaque mot de son essence viciée. Elle devait se souvenir de son nom, mais celui-ci ne revêtait guère d’intérêt et elle ne le chercha pas davantage que nécessaire. Alors c’était ainsi, l’esprit détruit et enflammé. Avec la certitude d’avoir en face d’elle la bête noire, victime d’un effacement défectueux, fragmentaire, qui avait gravé son souvenir en lettre de feu dans chaque esprit, naquit l’ambition suffisante de venir à bout de ce mal incrusté dans le passé. Elle serra les lèvres. L’image d’Ena se dessina dans son esprit. La jeune femme avait été un partage sans pareil, et la quitter pour se jeter sur les routes à la recherche du chaos soulevé des hésitations. Mais peu importait…Elle murmura quelques mots, écho plus que réponse aux obsolètes propos de l’ange noir. Sa voix ne tremblait pas, et l’image des bougies flageolantes de la taverne quittée quelques heures avant revinrent à son esprit.

- L’Académie est lointaine et futile…

Son regard sa tourna subrepticement dans la direction de ladite bâtisse, avant de se reposer incessamment sur la silhouette sombre. Une dame dont le désir effectif semblait à quiquonque indiscernable mais dont la vie ne tenait qu’au fil prétentieux d’une des étoiles d’Elhya. Elle se laissa encore quelques instants à contempler avidement la forme des bras, du torse et de la taille de la jeune fille, avant de laisser brûler les mots qui fouraillaient dans son esprit depuis de longues minutes.

- Ena marche et crie comme une enfant, rien de plus.

Elle retint une prémices de sourire. La relation amère entre Anael et sa mère étaient loin d’être un secret pour elle. Si l’amour, cet ange étrange, nourrissait le lien dur et embrasé qui les unissait, leurs mains semblaient ne pas vouloir se lier et leurs yeux se tourner vers un même but. Elles étaient dans deux vies établies sur différents plans, qui avaient été tracées pour ne pas se croiser, et qu’elles seules pourraient sans doute courber à leurs désirs pour enfin vivre un élan commun vers un lieu, quel qu’il soit, de leur choix, nourries par leurs envies et leurs forces. Peut-être que si Nathaël revenait ? La sensation acide qu’avait allumée en elle la nouvelle de la relation d’Ena et Valen lui revint après cette pensée, avant qu’elle ne la renvoie brusquement. Ces yeux n’avaient pas quitté la fille-démon. Elle nota, dans un palpitement rance, qu'il manquait un oeil à la jeune femme. Un oeil. Et les marques brulantes d'une greffe qu'elle connaissait.
Son oeil et les siens se croisèrent. Et les flammes d’un brasier ardent et ravageur brûlaient sauvagement à l’intérieur, dans un feu-follet miroitant. Sa prunelle incandescente rencontra les yeux froids et doux de la jeune femme et dans un instant irréel, une guerre furtive et fuyante s’engagea dans un silence de marbre et le son cisaillant de la forêt nocturne. Elles rompirent le contact brutal et inflexible. Le lien rogue malgré son invisibilité sembla durer encore quelques secondes, velléitaire et inconsistant, puis s’éteignit comme les flammes incertaines des bougies de la salle de bois. La marchombre haleta un bref instant, comme si le combat silencieux et illusoire avait pompé de son énergie propre. Elle laissa sa main descendre délicatement sur sa hanche et ses doigts flatter un poignard court et léger à la lame légèrement recourbée. Puis, d’une voix légère et tirant sur le guilleret, en restant froid et placide, elle lança quelque mots à la silhouette.


- L’Ange du Chaos a rejoint son Empire fallacieux?

Elle étreignit délicatement le manque entouré d’un fin cordon de cuir clair et frôla du bout de l’index la fente délicate qui s’ouvrait dans le manche juste au bord de la lame.
Il est des personnes favorables une fois mortes plutôt que vives…

Marlyn Til' Asnil
Marlyn Til' Asnil

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MessageSujet: Re: Derniers pas dans l'Ombre (RP terminé)   Derniers pas dans l'Ombre (RP terminé) Icon_minitimeDim 7 Déc 2008 - 6:34

Le sang coulait à nouveau. Comme avant, comme lors de joutes d’honneur avec des gens de son âge, comme lorsqu’il fallait fuir, se battre, survivre, résister à la torture, résister à la mort, au froid, résister aux entraînements trop sévères, aux nuits d’hiver trop dures. Comme lorsqu’elle jouait sa vie. Comme ici. La différence était que le défi était trop grand. Que la proie à quelques mètres, qui respirait lourdement et avec difficulté, était une Marchombre aux gestes traîtres et inaudibles. Que la jeune fille avait largement sous-estimé le combat. Que cette nuit, elle avait trouvé quelqu’un pour repousser ses limites. Physiques. Mentales. Stratégiques. Bestiales. Tout allait se jouer sur celle qui tiendrait debout le plus longtemps.. Séparées, les deux fauves bipèdes, par les quelques mètres de fange, là où traînaient déjà les flaques du premier sang, le sang échangé lors d’affrontements erratiques et mal calculés ; là où trainaient déjà leurs empreintes déchirées, les dérapages, les morceaux de tuniques arrachés d’une lame encroûtée, ou tout simplement, ces entrelacs évanescents et hallucinés d’ouate noire, qui se mêlaient à l’ombre de la nuit : leur haine. Elles avaient craché au sol toute leur amertume adverse, et maintenant, se trouvaient séparées par cet amalgame sang et boue, pas infranchissable, mais symbolique. Marlyn haletait, la main gauche crispée sur le flanc qui déversait sa douleur, le bras droit inutile ramené contre le corps, le corps de guingois, reposant sur une jambe plus ou moins valide. Quant à la lame qui lui servait de décision, elle avait disparu dans l’humus crasseux depuis quelques minutes déjà. Elle avait crispé les lèvres, tremblante et livide, car la douleur revenait, incisive ; Au moins, la trêve se prolongeait. De l’autre côté, chez l’ennemi, les dégâts semblaient s’être aggravés aussi. Ni l’une ni l’autre n’était plus en état de tuer l’autre tout de suite. Profitant du status quo qui s’était subitement installé, Sareyn ferma les yeux, la tête penchée en avant : ses genoux heurtèrent lourdement le sol, elle se plia en deux et cracha un peu d’embruns rougis, retenant un épanchement trop grand de sang. Elle avait fait beaucoup d’erreurs..
Beaucoup trop. Sous-estimé l’adversaire. Laissé ses émotions et sa rage prendre le dessus. Laissé la haine l’aveugler et la faire combattre sans aucune stratégie. Combattu comme une bête sauvage sans faire attention aux blessures que cela occasionnerait si le combat se prolongeait. Car lorsque deux bêtes se battent, aucune des deux ne s’arrête tant que le cœur ennemi bat.. Or, elles s’étaient arrêtées. Le front de la Mercenaire frôlait la terre gluante, elle calmait difficilement sa respiration, sentait son cœur cogner contre ses tempes, sa nuque, toutes les parties de son corps.
L’apprentie Mentaï se releva, tant bien que mal. Et, au lieu de chercher le contact léthal, tourna douloureusement les talons, et disparut dans les frondaisons, ramassant de sa main poisseuse une besace boueuse, qui était tombée de sa ceinture durant le combat. Le silence reprit place. Elle avait choisi la retraite. Mais l’autre allait voir.. Elle allait lui prouver qu’elle était devenue autre chose qu’une machine à tuer. Oui, elle allait lui prouver qu’elle savait tuer froidement, aussi froidement que la pierre qui frappe le diamant. Elle allait lui prouver qu’elle était bien plus fourbe que de prime abord.

Adossée au tronc rugueux d’un tilleul millénaire, la jeune femme grimaçait. Des dents et des ongles, elle tirait sur le fil de suture, rapprochant les deux bords infectés de la plaie béante qui s’était ouverte sur son flanc. Après un an auprès d’un rêveur, elle avait appris à soigner ses blessures.. Aussi, le fil fendait la peau de part en part, en zig-zags serrés, ne laissant aucun centimètre déverser le moindre sang. Cette blessure, si pas trop malmenée, se cicatriserait relativement facilement. D’un geste tremblant, l’esprit embrouillé par la douleur et le début d’infection qu’avait amenée la boue, Marlyn dévida la moitié de sa gourde sur l’endroit suturé, enlevant grossièrement la crasse qui la recouvrait. Sans se soucier du froid qui lui glaçait l’échine, elle ôta ta tunique déchirée, et s’appliqua à passer des bandes propres autour de son torse, là où les entailles étaient les plus grosses, et aussi pour recouvrir l’endroit soigné. Après cette opération délicate et souffreteuse, la jeune fille ôta difficilement de son poignet l’éclat de métal qui y était resté fiché, des dents. Un cri douloureux dut effaroucher un pinson, car il s’envola ; l’être chaotique banda son poignet droit extrêmement serré, de sorte qu’il put continuer à servir un peu. Les entailles sur le reste de son corps lui importaient peu, elle ne fit que les nettoyer. Ce qui finit de l’inquiéter cependant, ce fut sa jambe. La blessure était superficielle, mais la lame avait tourné, et les bords crasseux étaient boursouflés..Si elle ne se soignait pas rapidement, cette infection pouvait tourner à la gangrène. Rien que d’y songer, un spasme parcourut l’élève. Aussi, d’un geste prompt, elle dévida l’eau qui lui restait, s’appliquant, même si la douleur était insoutenable, à laver complètement la chair tuméfiée et déchirée. Des bandes vinrent enserrer le muscle mis à vif, après qu’elle eut aseptisé vaguement le tout de poudres nettoyantes. Le mieux, songea-t-elle, aurait été de faire une atelle, mais elle n’avait plus le temps.
Cette fuite provisoire lui avait permis de retrouver le fil de ses pensées et de redevenir humaine, mais elle n’était que provisoire. Le combat allait bientôt reprendre.. et elle aurait l’avantage, cette fois. Parce qu’elle n’était pas gênée par ses blessures, que de solides bandes retenaient prisonnières, parce qu’elle avait trouvé un défi qui la faisait danser sur le fil de la mort.. et qu’elle avait décidé de gagner. Et s’il le fallait, elle userait du dessin pour en finir.
D’un pas vif et redevenu énergique, elle reprit le chemin de la clairière. Il avait recommencé à pleuvoir ; elle ne voyait plus son ennemie. Mais elle n’était sans doute pas loin.. Restant dans les fourrés obscurs à l’orée du trou de verdure, elle siffla :


- Où te caches-tu, sale Marchombre ? Montre-toi, et combat, montre-moi que ta race n’est pas une race de lâches et de faibles ! Viens te battre, je t’attends ! Je n’attends que ça..


______
______

Oh , non, ce n’est pas moi qui détournerai le regard la première..
Je peux mettre deux fois plus de force que toi, car ma prunelle n’est plus divisée, fait étrange que certains qualifieraient de démoniaque. Il est tout simplement.. phénoménal. J’ai l’impression que mon cerveau s’enflamme, que toute la partie gauche de mon visage ne brûle que dans le but de te faire savoir à quel point je ne supporte plus d’entendre les mots maudits dans mon esprit.. A quel point je rêverais de voir ces mêmes flammes ravager les planchers, murs, couloirs et corps de cette maudite Académie. Oui, viens, suis des yeux la marque tout le long de ma joue, je sais que tu la reconnais. Je sais que tu as reconnu en cet acte putride la marque de la greffe, la marque des Marchombres.
Nous avons brisé le contact en même temps.. Tu es forte, marchombre.

La jeune fille à l’esprit malade contempla encore un instant celle qu’elle appelait déjà son ennemie, sa proie, son défi. Quelque chose clochait. On l’avait déjà blessée, déjà fatiguée. Des Mercenaires, peut-être.. On pouvait sentir l’angoissante âpreté du Chaos envahir l’atmosphère à mesure que le cœur de l’élève maudite battait. Tout allait trop lentement. La lune serait sûrement rouge, dans quelques heures, mais qu’importait, tant qu’elle portait l’étendard du Chaos..


- Il n’est d’Empire qu’à partir du moment où il y a un Royaume.. Et le seul Royaume qui est le mien, c’est la peur qui bientôt vous glacera tous jusqu’à la Mort.. Votre Royaume laissera place au nôtre.

Pause courte. Il fallait réfléchir.. Qui était exactement cette femme ? Ses mots laissaient songer qu’elle n’appartenait pas complètement à l’Académie, on y percevait une pointe d’indifférence, peut-être de l’amertume couplée à l’espérance de jours autres. Sans faire attention à la menace d’un couteau qui luisait à la cuisse de la Marchombre, Marlyn se rapprocha. D’un pas. Les bras écartés en dehors, les paumes tournées vers l’extérieur et les doigts dépliés. Les armes étaient toujours dissimulées la tunique ou dans leurs carcans de cuir, et ne sortiraient pas encore.. Tant que menace n’avait pas été clairement proférée des lèvres viles de la Marchombre.
Et dire qu’il y a seulement trois ans de cela, elle aurait voulu apprendre à connaître la paix de son esprit trop fragile et trop instable, grâce à la voie et aux techniques marchombres enseignées à l’Académie..
Il est des destins que l’on tord à la naissance, qui croissent vers la lumière, du plus droit qui peuvent ; et finissent par se briser l’échine, et aller ramper au sol, à l’ombre, dans les ténèbres..


- Que vas-tu faire ? Me tuer ? En quoi ton orgueil sera satisfait par ma mort ? Tu tuerais une fille de dix-neuf ans, qui aurait l’âge d’avoir été engendré par ton corps, désarmée.. Mais tu ne le feras pas, n’est-ce pas ? Pourtant, c’est si simple, tu n’as qu’à faire un simple petit geste du bras. Pourquoi me tuer, marchombre ? Pourquoi tuer quelqu’un qui, deux ans plus tôt, était une foutue élève prometteuse, dont on disait qu’elle allait faire une grande Sentinelle, dont on disait qu’elle irait loin ?! Mais je suis allée loin.. trop loin, n’est-ce pas ? Tue-moi, si la conscience t’en pèse.

Elhya Il'Dune
Elhya Il'Dune

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MessageSujet: Re: Derniers pas dans l'Ombre (RP terminé)   Derniers pas dans l'Ombre (RP terminé) Icon_minitimeMar 10 Mar 2009 - 21:12

[Si les attaques ne te conviennent pas, je peux modifier - Tout autre modif' est possible, par ailleurs. J'ai sous-entendu Yew: Le rp s'éternise un peu. Désolée pour le retard, et merci pour ce rp, que j'ai - en dépit du fait qu'il s'agit de la mort d'un personnage - beaucoup aimé.]

L’écorce griffa son dos alors qu’elle glissait le long du tronc d’un large murier, traçant de belles estafilades dans le cuir de sa tunique. Son souffle était rendu intermittent et guttural par l’effort, mais aussi par l’angoisse. Peu à peu, elle perdait pied, semblait se noyer dans son sang qui se répandait sur le sol, souillant la nature chaste et immaculée, vierge de la violence des hommes en cette profondeur. Elle sentait vaguement que son adversaire se mouvait, plus loin. Hors d’atteinte. Elle respira en hoquetant, étira ses jambes pour les délasser, brièvement. Ses bras étaient parcourus d’entailles sans gravité. Sa cheville percée la tiraillait à chaque mouvement de sa jambe. Le plus important restait son épaule. Si la douleur s’était estompée lentement, le sang continuait de se déverser de la fosse profonde, emportant avec lui un peu du souffle de vie de la jeune femme.
En s’appuyant sur l’arbre, victime candide du Chant de Mort sur lequel dansaient les deux folies, elle se dressa, ses sens flétris, diminués, tendus vers l’Ange Chaotique, qui semblait avoir elle aussi abandonné l’état de trêve. Elle contourna le murier, centenaire peut-être, grimaçant lâchement, profitant de l’ombre qui la protégeait pour exprimer sa douleur, lorsque son pied s’appuya sur le sol. Une brindille craqua, son corps se raidit brutalement, lui assénant une crampe au mollet. Mais l’ombre ne réagit pas. Etait-elle déjà certaine de remporter la partie ? Elle saisit le manche tendre et velouté d’Isyla. Un poignard de taille moyenne, à la lame large mais fine, marqué d’une raie précise jusqu’à la pointe incisive. Elle prit quelques instants, peut-être un peu trop, pour cerner la jeune femme. Trois petites lames, semblables à la première qu’elle avait utilisée s’échappèrent de sa main gauche et volèrent, parallèle, décalées de quelques millièmes de seconde. Un très bref instant après, Isyla quitta sa paume et déchira l’air, silencieuse. Elle prit une légère courbe vers la gauche, et sa pointe se posa sur la gorge de la jeune femme.
Et le poignard disparut. Il s’évanouit, pas lentement, comme s’il se perdait dans le sommeil, pas comme la fuite d’un rêve lorsque le monde alentour reprends vaguement consistance. Il perdit brutalement sa consistance et sa réalité. Le dessin. Voila qu’elle affrontait une lâche incapable de mener un combat loyal, sans en venir à son atout ? Pourtant, la jeune femme percevait chez son adversaire une pointe de surprise. Ce n’était pas elle qui avait effacé le poignard. Cernée. Prise en Etau. Piégée. Quelque chose – Le destin, peut-être – apportait son soutien à l’ange noir. Elle écouta, peinant à ignorer le bruit assourdissant et rogue de sa propre respiration. Aucune présence ne se révélait à ses sens. Quelqu’un de fort. De très fort. Assurément. Son pied se décollant de la boue huileuse produit un chuintement, alors qu’elle cherchait vainement à sentir, ne serait-ce qu’une infime chaleur. L’autre ne saisit pas cette nouvelle occasion, peut-être elle aussi occupée à chercher le dessinateur invisible. Toujours est-il qu’une tierce personne s’était infiltrée dans leur combat. Et cette personne n’était pas de son côté…Lui revinrent brusquement des mots, d’abord dispersés, en désordre, qui avait été prononcés, des années plus tôt, par son Maître, Enayha.
« Lorsque tu auras perdu Isyla, tu mourras…pas avant. Et Isyla ne te quitteras pas. Je le sais. »
Quelle niaiserie. Mais le poison des mots s’était infiltré en elle, brouillant un instant ses pensées. Elle allait mourir. Mais pas tout seule, se promit t’elle.
Elle quitta l’endroit où elle se trouvait, se rapprochant de sa proie, sans plus autrement chercher à se faire discrète, à sa faire marchombre. Elle s’immobilisa à moins de trois mètres de l’ombre, qui la fixait de son unique œil rouge, de haine et de sang. Elle soutint son regard, le menton fier et droit, le front clair et franc. Dans cet œil, il y avait la douleur et l’orgueil, le désir et le pouvoir, l’envie obsessionnelle du sang et de la victoire. Cette fois-ci, elle rompit le contact, brutalement, lâchement. Elle saisit entre ses doigts un ultime couteau, autour duquel ses jointures craquèrent, aligna ses deux pieds, ne marquant aucun rictus en s’appuyant sur sa jambe blessée.

« Je vais te tuer. »

Une voix rogue, roidie par la peur, inhumaine, si loin de la voix d’acier froid de la jeune femme. Elle lança alors la danse. Elle fit un saut en avant, sentit sa cheville se dérober, répartit son équilibre sur l’autre pied, se sauvegardant d’une lame qui caressa sa taille. Elle tourna sur son pied valide, fit trois tentatives infructueuses. Son bras n’allait plus assez loin, n’allait plus assez vite, n’allait plus assez fort. Ses doigts étaient trop raides, son poignet manquait de souplesse. Un coup vint la cueillir dans le creux du coude gauche, elle jura intérieurement, s’appliqua. Soit l’air, soit le temps, soit ton ennemi et soit ta lame. Soit tout et avance. Elle s’appliqua à faire de sa lame un sixième doigt. Elle avisa enfin que le corps devant le sien avait été bandé, primairement, mais efficacement. Alors que les coups vains pleuvaient, d’un côté comme de l’autre, elle guettait l’instant où l’invisible entrerait dans le jeu. Pourtant, celui-ci ne paraissait pas impatient de participer. Ses membres s’alourdissaient, elle sentait la fatigue s’imprimer dans ses muscles à chaque geste. A chacun de leur pas, la boue giclait, le sol se faisait plus glissant, des racines se révélaient, insidieuses, dans la boue. Elle traça plusieurs estafilades superficielles le long des cuisses de son adversaire. Sa tête s’alourdissait, mal irriguée, son cou émit un craquement quand un coup vint la cueillir sous le menton. Ses gestes avaient perdu leur union et se suivaient, s’enlaçait dans une désharmonie navrante. Elle frappait comme un diable, presque de toute part, sans aucune construction. Une idée vint à l’esprit de la marchombre, comme une lueur de lucidité, qui se baissa. De sa main gauche, elle saisit une poignée de boue, gluante et lourde. S’appuyant un bref instant sur sa cheville handicapée, elle s’approcha de la jeune femme, effleura son bras et lança la boue dans l’œil unique du démon. Alors que celui-ci perdait un bref instant le fil, elle lui offrit un bel abîme dans le bas du dos. La dame se cambra mais ne cria pas. La jeune femme tenta de reculer, son pied valide se heurta à une racine sardonique, et la tranche d’une main vint l’aplatir au sol. L’ange du chaos avait réagit promptement. Son visage se retrouva dans la vase, infiltrant ses narines. Elle tint résolument ses lèvres closes. La lassitude l’avachissait. Ses yeux peinaient à rester ouverts, encrassés, le sang dans son corps semblait avoir ralenti sa course. Ou alors n’en restait-il plus assez. Ses cheveux, alourdis par la terre mouillée qui s’y était accrochée pendaient piteusement de chaque côté de son visage. La douleur de sa cheville enflait, parcourant toute sa jambe, explosant dans sa hanche. Elle eut la sensation, un bref instant, d’avoir été mutilée. En dépit de la fatigue qui se hissait sur ses épaules et l’enfonçait dans l’ignoble bourbier, elle se releva, fatidiquement.
La pointe d’une lame, incandescente, éclatante, étincelante, était posée juste à la base de son cou, entre les deux clavicules. En une seule demi-seconde, la lame s’enfonça jusqu’à la garde dans la chair blafarde. Les deux yeux de la marchombre étaient perdus dans celui de la dame chaotique. La froid se propagea dans ton son corps. Elle s’accrocha aux yeux brûlant de la femme, tenta un mouvement, vainement.
On dit souvent qu’à l’instant de mourir, toute notre vie défile en accéléré devant nos yeux. Je ne vois rien. Juste le visage crasseux où perce un œil, un brasier. Je ne vois que l’enfer qui s’ouvre à moi. Je vacille, un spasme me parcourt. J’ai perdu. J’ai du sang dans la bouche, un soubresaut, je m’étouffe. Le sang dégouline, souille chaque partie de mon corps. L’air s’absente, se refuse à irriguer mes poumons. On dirait que la vie s’évapore. Je m’atrophie, progressivement. Mon corps s’avachie lentement, comme un ballon percé par un gamin insouciant. Je crache du sang. Ma tête se renverse, mes cheveux collés sur ma peau laiteuse, pouilleux. J’ai perdu. Je me sens attirée par le dos, en arrière. Elle ne lâche pas le manche de son couteau, elle ne rompt pas notre échange de regard. Elle savoure un instant, ne se privant pas de me faire partager sa jubilation maladive. Je ne peux pas regarder ailleurs. Le sang glougloute dans mon cou. J’avale du sang. J’ai perdu. J’ai perdu. J’essaye de me souvenir des visages. Mes parents, Ena, Winry, Tifen, Valen, Vivyan, Yaemgo, aussi. Ils ne me reviennent pas. Un seul visage se dessine enfin dans mon esprit.

« Anaïel… »

J’ai fait mon ultime erreur. Désormais, Marlyn, oui, c’est son nom, c’est cela, connaît l’existence de mon apprentie, et le danger qu’elle représente potentiellement. J’ai perdu. J’ai perdu. J’ai perdu. Je tombe. Je tombe. Vite. Vite. Je tombe. J’ai perdu. Le sol. Je tombe. Abysse. J’ai perdu.

« J’ai perdu. »


__


« Je ne crains ni la mort ni la désuétude. Je ne veux qu’élaguer de cet univers l’ombre de la haine et du chaos. »


Et elle croyait encore à ce qu’elle disait. Alors que ses propres mots suintaient de haine rance, elle croyait encore mener un combat pour « Le bien », notion tellement friable et depuis si longtemps vidée de sens que le mot aurait du avoir déjà disparu. Le corps qui se déhanchait devant ses yeux semblait si piètrement inoffensif, si plein d’innocence. La marchombre ne s’attacha pas à l’idée que les paroles crachées par la jeune fille avaient pour but de dissimuler sa peur et son angoisse. Naïve et aveuglée, mais lucide face à cette chair irriguée de Chaos, inondée de haine.

« Tu étais une jeune fille prometteuse. Tu ne l’es plus. »


Bien évidemment, les temps avaient tellement changé. L’Académie n’était plus qu’une vague stère de bois rongée de mites, s’effritant chaque matin davantage. Les dirigeants n’abritaient plus que des esprits détruits, et ne songeaient plus qu’à passer des élèves par les fenêtres maintenir une fausse cohésion chancelante et à assurer une protection rendue imbécile par tant d’inexistence. Les élèves s’embourbaient, ou dans leur prétention puérile et exaspérante, ou dans leur peur grandissante.

« Oui, je vais te tuer. Et cela ne servira pas mon orgueil. »

On aurait dit que les mots ne parvenaient à son esprit que l’un après l’autre, sans ordre. Elle ajouta, pour elle-même, avec une conviction déplorable.

« Je n’ai pas d’orgueil »

L’homme sait si bien se mentir à lui-même. Surtout quand il ne se rend pas compte de sa promiscuité avec celui qu’il méprise, de sa ressemblance aveuglée, quand il ne voit plus qu’il est ce qu’il hait. Trop la classe, le jeu de mot Very Happy Qu’il ne fait que se regarder dans un miroir. La jeune femme aurait été bien en peine de s’avouer que son désir de vengeance et d’accomplissement l’avait mené aux portes du Chaos, juste sur l’arrête de la falaise, au dessus du précipice. Elle se laissait ronger par la haine, par sa douleur passé et son amour détruit. Elle répéta, dans un sifflement rauque qui ne lui appartenait plus.

« Oui, je vais te tuer. »


Aurait-elle simplement pu imaginer qu’elle allait y laisser son souffle.
Mais je ne suis pas une traitre, je veux un véritable combat. Je recule, je m’éloigne un peu, je veux te laisser le temps. J’évite les racines, je glisse dans l’ombre. Mes doigts serrent un peu trop fort le manche humide du couteau.
Son esprit sembla s’éveiller lorsque la jeune femme fut hors de sa vue. La rage et sa fierté avaient ravagé son esprit, juste quelques minutes, suffisante pour empêcher ses idées de s’ordonner, ses pensées de s’agencer, son esprit de construire un raisonnement sensé. Juste le temps qu’elle court au suicide. Suicide, avec un léger coup de main.
Était-elle réellement à la hauteur de ce qu’elle entreprenait ? Retournée dans les ténèbres froides et humides, sa belle assurance, exubérante, qui lui donnait maintenant la nausée, s’était faite moins ardente. Plus mesurée. Elle s’appliqua à repérer où se situait la silhouette, reposa le couteau dans son étui, et saisit une petite lame sans manche, qu’elle dirigea sur la présence. Déclaration de Duel.
Occupée à tenter de saisir le son de la lame déchirant de la chair, ou, à défaut, heurtant une feuille ou se fichant dans la terre, elle ne la vit pas revenir, presque directement, et tracer une trace dans la paume de sa main. Première Erreur. Une vague d’angoisse se propagea, sensuelle, impudique, sinueuse. Elle se déplaça, dans la voie de son art, sans qu’un seul bruissement de vent ne se fasse entendre, tentant de rejoindre un arbre proche, les mains tendues dans son dos.
Elle marchait sur le bord de sa tombe.

Elle sentit enfin sous ses doigts les rides profondes de l’écorce rêche sur laquelle elle déposa un peu de sang.


Marlyn Til' Asnil
Marlyn Til' Asnil

La Borgne
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MessageSujet: Re: Derniers pas dans l'Ombre (RP terminé)   Derniers pas dans l'Ombre (RP terminé) Icon_minitimeMar 10 Mar 2009 - 22:31

[ Tout me convient, je clos sommairement de mon côté :roll : Le Rp est considéré comme terminé, j’te remercie également Wink ]

Les bandages noirâtres de la glaise amassée des chutes consécutives au sifflement qui s’était fait annonciateur de mort, la jeune femme arrêta de respirer. Elle la tenait enfin, à une longueur de bras, l’ultime attaque pouvait être portée d’une acrobatie, tâchant d’encre incandescente les écorces râpées. La Marchombre n’avait plus que son couteau en main. Le couteau dernier, celui à la force paranormale et dangereuse, qu’un mouvement de poignet pouvait déclencher sur le bipède chaotique tapi à quelques pas de là. Une luminescence amorça le compte à rebours. Les feuilles, dans la courbe léthale déclenchée, se fendirent net, délimitant les derniers centimètres, où il faudrait allumer la mécanique musculaire, pour venir jouer sur le fil de leur échange de morts.
Mais l’ombre fit barrage. Une ombre à l’aura sombre égale, sinon plus vaste et mûre que celle de la jeune fille bloquée d’instinct. L’adrénaline explosa dans ses tempes, un cran de retard qui aurait du marquer l’arrêt du cœur de la femme ; l’ombre disparut d’une seconde immobile, emportant dans ses volutes inconnues l’arme scintillante et le dernier aplomb de son adversaire. Marlyn de même ne bougea pas, étonnée qu’un tiers interférât dans sa lutte, suspecte quant à son identité, paniquée pour sa propre vie, angoissée sur la localisation de l’autre ennemi. Un Mentaï ; pas son maître, la signature du dessin n’était pas la même que l’homme aux cheveux blonds : ce qui signifiait qu’il pouvait très bien la tuer elle-également après l’avoir laissé s’occuper de la basse besogne. Enervée, les sens tendus dans toutes les directions pour chasser l’intrus de ses priorités, Marlyn manqua d’une seconde l’attention de la Marchombre. Elle avança, brisant leur attente à toute les deux dangereuse. Il n’était pas parti, il ne partirait peut-être qu’une fois un cœur ensanglant ; son aura avait –ostensiblement- diminué : il lui laissait sa proie initiale. C’était parfait, suffisant. Leur distance combative diminua de seconde en seconde, les tempes de Marlyn épousaient le rythme de ses veines, celles qui tapaient dans les bras, le long des doigts, du torse, le sang qui irriguait l’œil se transforma en flou ; catharsis de l’état haineux profond qui maintenait ses muscles en mouvement et brûlaient la fatigue. La joute oculaire fut l’avant-garde de leurs attaques, Sareyn laissa seulement l’œil gris immerger le sien rouge de noir, n’écoutant plus qu’un bref chuintement de lame futur. Choix de l’arme, discrète et piêtre auxiliaire ; le rituel s’acheva.
Les premières secondes furent tourbillon où la sueur valsait au bras des gouttes brûlées qui s’échappaient de la peau par des failles charnelles. L’équilibre se rompait, d’une cheville brisée ou d’un bandage brûlant, de froissements d’étoffe et de coups portés. L’échauffement tournait presque à sa fin, déjà des plaintes exhalaient de l’un des corps, excitant l’autre de la promesse de la mise à mort future. D’avalanches boueuses en dérapades rattrapées, le terrain se bâtissait pour l’éxécution. L’adrénaline évacuée dans les bestiales premières, Marlyn ménagea ses muscles, les blessures l’entravant et lui liant les mouvements les plus évasifs. Les rigoles d’hémoglobines que forgeait l’ennemi dans la chair du Chaos déversaient les émotions par paquets –non, caillots. Une froideur mortelle s’emparait des membres et des neurones affamés de Marlyn, elle sentait venir le moment d’ultime régal.
La nuit s’obscurcit, acide et liquide, venant suinter le long du globe oculaire, aveuglant complètement le démon féminin le temps d’un instant. Instant qui suffit pour que la douleur perce à nouveau, d’une traitrise givrée, d’une précision cruelle ; le système nerveux entra en ébullition et explosa le long de ses membres, la gorge de la mercenaire palpita sans bruit, elle hurla en silence l’ultime barrière franchie pour la victoire. Le froid qui régissait ses mouvements prit le nom de Chaos, et la glaise essuyée d’un revers de main déjà boueuse laissa percer la lumière de manière occulte ; le démon réagit à l’adrénaline fluide de sa déraison, elle frappa d’un tranchant la mise à pied de son adversaire. La nature donnait raison au Chaos qui l’engendra premièrement : Elhya fut mise au sol. Car la traitrise devait être repayée d’un gouffre égal, Sareyn laissa sa lame trancher d’une amère douceur la chair tendre de la jambe, dans de grandes entailles où le sang fuyait allègrement. Car la douleur serait renvoyée lentement, comme un poison, elle retira sa lame, et attendit, reflétant sûrement un visage empreint d’une noirceur et d’une impersonnalité profonde. Ce fut comme si ses traits se figeaient en la souffrance qu’elle crachait. La condamnée s’amena d’elle-même à l’échafaud, son buste remonta. Juste assez. Avec une lenteur décuplée par un désir de la saigner au plus vite, Marlyn investit l’Imagination voilée de son cortex, et accéda à l’arme de la sentence. Un couteau, sans âme, pour une tâche déshumanisée. Avec la légèreté d’une plume, Marlyn plaça la lame sans brusquerie contre la carotide, sentant par intermittence battre sa dernière proie contre l’acier immaculé.
Car le Chaos dicte sa propre temporalité, un désir de sang immense écourta le procès. Le poignard, prolongeant la mercenaire en transe devant ce sang, devant cette chair consumée par sa main, devant la vie au cou brisé par sa poigne, découpa les artères. Le compte à rebours recommença : il restait à Marlyn une minute, deux peut-être, pour dérober les prunelles d’Elhya en une domination oculaire intense… et sienne. Une main se crispa veinement sur la tunique noire, retenant ainsi la chute que Marlyn, un bras enlacé autour des épaules de sa proie, retenait. Les dents s’embrasent, je te tiens enfin à moi. Tu ne vois que moi, je le sais dans ton regard, Marchombre. Tu ne verras plus que moi. Ton cou rougit et deux rivières creusent tes joues. Crache tant que tu peux, j’aspirerai tes mots comme ton sang, qui m’entête, comme ton âme, que j’étête. Ton poids se laisse aller dans mes bras, mais je ne te lâcherai plus. Tu es à moi, je sens ta chair battre, là sur le manche que je détiens. Elle battra encore quelques secondes parce que je le décide. J’aime te voir mourir, toi qui pour la première fois croise mon chemin. Non, ne penche pas la tête, pas en arrière car c’est ma main qui te retiendra. Regarde-moi. Regarde-moi ! J’ai tout perdu sauf la victoire, je suis devenu le démon que vous avez empêché d’engendrer. Tu vas me tuer ? Je t’ai tuée. Mon corps n’est plus qu’une réseau de nerfs électrisés, gorgées de ta mort comme une outre pleine d’eau. Partage ma jouissance, cadavre. Les flammes de mon regard, elles illuminent ton visage ; le sang que tu m’as ôté, le sens-tu encore couler sur ta peau, par mes lèvres ? Savoure l’unique goût du sang, savoure…
Tu es morte. Le dernier mot que tu me donnes, je le happe, il se brise dans mes dents, il sera pour plus tard, le nom de celle que tu viens de m’aider à tuer. Elle mourra par ta faute, et tu fuis déjà dans la mort.. Non, c’est trop court, reviens, je veux te retuer. Chair puante, bois le mélange de nos vies, bois maintenant la boue, ton refuge. Pour l’instant. J’aimais tellement le contact de ta peau moite sur la mienne, parce qu’elle se consumait sur mon Chaos, et que tu consumais mes nerfs. J’aime ça. Vraiment. Ton apprentie mourra encore plus lentement que toi, tu verras, elle saura toute la vérité sur tes derniers moments, dans mes bras, en me livrant son sang. Comme toi.

Les tempes de Marlyn reprirent leur frénésie. La jeune fille ausculta les ténèbres, ne sentit plus rien. Partit, semant sur son passage le sang noir qui s’échappait de son dos, comme une cape, une promesse de destruction à venir.


__


Et ça tapait violemment dans les tempes…


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Derniers pas dans l'Ombre (RP terminé)
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