Demande d'emploi : Assistante de la palefrenière

Syliane descendit quatre à quatre les marches qui tournaient autour du bâtiment. Elle avait toujours trouvé cet escalier étrange, et s’étonnait à chaque fois qu’elle le descendait. Pourtant, cette fois-ci, elle n’y prit pas garde ; elle était persuadée d’être en retard, ce qui n’était bien sûr absolument pas le cas. Elle était comme ça, Syliane ; toujours à s’inquiéter pour rien. Quand elle dévala enfin les dernières marches de l’escalier, elle aperçu Danaé qui l’attendait un peu plus loin dans la rue. Elle courue presque à sa rencontre, ne l’ayant pas vue depuis plusieurs jours. Son cousin s’était installé depuis quelques semaines dans son propre logement, au grand désarroi de Syliane et de sa tante.
La jeune fille serra brièvement son frère dans ses bras. Elle l’observa un moment en souriant, tout retard oublié, et lui demanda d’un ton taquin :

" Alors, pas trop le cafard ? "

Danaé la fusilla du regard, même si son sourire joyeux démentait son air outré.

" Et bien non, moi au moins je n’ai pas peur de quitter maman. "

Il avait pris un ton moqueur sur le mot " maman " et Syliane partit d’un grand éclat de rire avant de répliquer :

" Moi, vois-tu, je ne passe pas mon temps à faire des dessins. "

Son frère fit mine de s’énerver, mais avant qu’il ait pu riposter, Syliane le prit par le bras et le mena d’un pas énergique à travers la rue. Le jeune homme se laissa faire à contrecœur et ils cheminèrent ainsi vers l’Académie pendant quelques minutes avant que Danaé ne déclare :

" Tu sais, le dessin est important pour moi, Sylie. "

Il semblait un peu blessé et la jeune fille le prit tout à fait au sérieux. Elle lui adressa un sourire rassurant et lui assura :

" Mais oui, je sais ; c’était pour rire. "

Son frère lui rendit timidement son sourire et ils continuèrent à avancer en silence.
Ils approchaient de l’Académie quand Danaé s’arrêta brusquement. Ils étaient devant une foire aux chevaux et Syliane fut surprise par le regard curieux que son frère posa sur les bêtes. Danaé n’avait jamais été très intéressé par les chevaux, contrairement à sa cousine.
Il demanda du tac au tac :

" Sylie, as-tu déjà pensé à t’en acheter un ?
- De quoi ? Un cheval ?
- Oui.
- Je… Bien sûr. Mais, disons que… je n’ai pas assez d’argent. Alors je m’en passe.
- Je vois. Et tu ne penses pas que si tu étais engagée à l’Académie, tu gagnerais assez ?
- Je n’en sais rien ; peut-être. Mais si c’était possible, ce serait… merveilleux. "

Danaé se tourna ostensiblement vers Syliane et l’observa un instant. Dans ses yeux brillait une lueur curieuse, qu’il n’avait jamais vue auparavant. Sauf peut-être le jour où sa tante lui avait offert un poney. Mais elle était alors toute petite. De plus, un poney n’avait pas le même prix qu’un cheval. Il détourna son attention de sa sœur et ils reprirent leur route en silence.
En arrivant devant l’Académie, Syliane songea qu’elle y entrerait pour la première fois. Elle avait déjà accompagné son frère alors qu’il allait en cours, mais elle s’était toujours arrêtée devant le bâtiment. Sans qu’elle s’y attende, une étrange émotion s’empara d’elle. Elle avait hâte ; elle s’en rendait maintenant compte. L’Académie de Merwin représentait pour elle une véritable découverte. Ses murs, ses couloirs, et…ses salles de cours. Syliane repoussa ses pensées pour prêter attention à ce qui l’entourait. Un grand escalier menait à la porte du bâtiment. Ils commencèrent à grimper les marches, Syliane dévorant des yeux la façade magnifiquement sculptée. Danaé riait doucement de son expression surprise. Quelques autres élèves ou employés montaient vers la porte de l’Académie, et Danaé lâcha le bras de sa sœur, sans même que celle-ci s’en rende compte. Un homme d’âge moyen qui était juste devant eux poussa la porte pour entrer et la leur teint pat la même occasion. Danaé lui adressa un " merci " poli et poussa doucement sa sœur avant d’entrer à son tour.
Alors que Danaé menait Sylie devant une grande porte en chêne massif, il posa une main sur son épaule et lui assura :

" Ne t’inquiètes pas, je suis sûre que tu seras prise…après tout, c’est toi la meilleure cavalière du monde, non ? "

Sylie ne pue s’empêcher de rire, même si l’étau de l’appréhension commençait à se refermer sur elle.

" Si je t’écoutais, Danaé, je deviendrais la meilleure dessinatrice du monde. "

Le jeune homme se mit à sourire jusqu’aux oreilles et répliqua sur un ton malicieux :

" Pour ça, il faudrait déjà me battre…, il prit soudain une expression des plus sérieuses ; bonne chance, Sylie. Je suis sûr que tu vas y arriver, petite sœur. "

Il passa brièvement un bras affectueux autour de son cou puis disparu dans un couloir adjacent.
Syliane soupira. Elle se tourna vers la porte qui représentait tous ses espoirs. Autant celui d’avoir un jour sa propre monture, que celui, bien plus accessible, de pouvoir passer plus de temps auprès de Danaé.
Elle toqua doucement au battant, puis entra en déclarant - ne sachant que dire d’autre :

" Je suis Syliane Demester ; je viens postuler au poste d’assistante de la palefrenière. "