Mortelle rencontre (RP terminé)

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Une lionne en cage.
Sakura tournait et retournait à travers son dortoir, la respiration saccadée, les nerfs a fleur de peau. Elle ne supportait plus l'enfermement.Les pluies diluviennes qui s'abattaient sans discontinuer sur Gwendalavir avaient obligé le maître Marchombre, Ena Nel'Atan, a donné ses cours à l'interieur. La jeune fille n'avait ainsi plus senti la caresse du vent sur sa peau depuis plusieurs jours et ne pouvait tout simplement plus le supporter. Elle qui avait toujours vecu dehors, gambadant là ou bon lui semblait n'arrivait pas a prendre l'habitude de rester entre quatre murs. Elle jetta un oeil par la fenêtre et s'arreta net, le coeur battant. La pluie! Elle s'etait arreter. Le ciel enfin degager laissait voir un fin croissant de lune qui semblait l'appeller.
Sakura hésita. Elle respectait profondement la marchombre qui l'avait acceuillie ici, à l'Academie et repugnait à la decevoir. Mais elle pourrait comprendre. N'est ce pas?
Sa décision était prise. Il fallait qu'elle prenne l'air. Elle attrapa rapidement de quoi ecrire et griffona:

Instant béni
Besoin d'espace
Excuses.

Elle ouvrit la fenêtre, faisant voleter le mot jusqu'a la porte du dortoir. Elle évalua la distance la séparant du sol. Faisable...Sakura prit le temps de se concentrer. Elle n'etait plus à ça prêt. Puis, elle attaqua sa descente. Elle arriva en bas sans difficulté majeure. Mais cela ne suffisait pas. L'enceinte de l'Académie ne parvenait plus a satisfaire son trop grand besoin d'air. Pas besoin d'aller très loin. Elle avait entendu parler d'une cascade toute proche et connaissait a peu près sa position. Et puis, il était temps de mettre a l'epreuve ses premiers enseignements. Intensifiant encore sa concentration, elle fit peu a peu abstraction des bruits parasites pour ne plus en retenir qu'un. Le clapotis de l'eau. Sakura sourit. Se mit en route. Elle savait ou aller.

En effet, elle arriva rapidement à l'endroit voulu. La beauté environnante lui coupa le souffle. Ca et là, quelques fleurs s'epanouissait a la lueur du clair de lune, refleter mille et une fois par les perles d'eau rejetter par la cascade. Toute entière centrée sur cette magnificience, elle ne sentit la presence derrière elle qu'au tout dernier moment. Elle se retourna doucement, prenant le temps de se composer un visage de repentie. Qui eclata en un instant. Il ne s'agissait ni de Dame Ena, ni d'aucun autre membre de l'Académie. Sakura sentait le danger. Elle luttait contre ses instincts, qui lui hurlaient de s'enfuir. Elle n'en fit rien pour deux raisons: jamais elle ne parviendrait a distancer l'inconnu, c'etait une evidence. Et...elle devait apprendre a lutter contre ce genre de sentiments. L'occasion etait la. La dernière... Elle l'ingorait encore.
Elle contenpla l'ombre, attendant qu'elle prenne la parole.

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[Si j'ai oublié ou passé outre quelque chose, prévenez-moi :s]

L'ombre en question ne se donna pas cette peine.
Elle se contenta de prendre son élan et de se jeter de toute ses forces sur l'apprentie marchombre ; l'éclat de la lune plaqua des reflets argentés sur la lame lorsque celle-ci décrivit un arc de cercle meurtrier avec la main qui la menait pour finir sa course dans le ventre de Sakura.
C'était du moins ce qui était initialement prévu.

Un hasard ? Une erreur de visée ? Un réflexe instinctif de recul ? Toujours est-il que le poignard ne tua pas sa cible sur le coup mais ouvrit une large plaie dans son flanc droit. Une blessure certes sérieuse mais qui aurait pu cicatriser, si on lui en avait laissé le temps..
L'attaquante trébucha, déséquilibrée. Cela ne devait pas se passer comme ça ! Déjà lorsque la proie s'était aperçue trop tôt de sa présence elle avait compris que ce ne serait pas si simple. La fille aurait dû mourir sans même comprendre ; se glisser derrière elle, trancher d'un geste sec la colonne vertébrale..mais non, il avait fallu qu'il en soit autrement.
En duel, elle savait ne pas avoir beaucoup de chances de l'emporter. Si seulement..mais non, trop tard.
De toute façon, que ce soit sous cette lame ou celle de l'homme tapi non loin, la fille allait mourir ce soir.
Et peu importait pourquoi.

Alasa se rétablit de justesse et fit face à l'élève qui commençait juste à se reprendre.
Les chairs ouvertes de son flanc droit l'entraveraient, chaque mouvement appronfondirait davantage la blessure. Juste ce qu'il fallait pour qu'elle ait le dessous.
Le sang carmin dégouttant de la morsure laissée par l'arme scintillait au clair de lune d'une lueur morbide tandis que la cascade à la paisible beauté bruissait sans s'émouvoir.
Alors, avant qu'elle n'aie repris totalement ses esprits, l'attaquante s'élança de nouveau.

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La jeune Corbac aait beau sentir le danger elle ne s'attendait tout de même pas a être attaquée sans chercher un "prétexte". Elle se traita mentalement d'idiote. Comme si on allait la prévenir... Elle tira cependant une conclusion rapide: elle faisait face a un Mercenaire du Chaos. Elle n'eut pas le temps de tergiverser plus. La lame d'un poignard arrivait droit sur elle.

Elle ne due ca survie qu'à un prodigieux réflexe qui l'a fit bondir de côté. Pas assez rapidement cependant. La lame entama ses chairs. Profondement. Oubliant un instant la douleur et le flot de sang se deversant sur sa tunique, Sakura profita du fait que l'inconnu chancelait pour lui envoyer vivement son coude dans les côtes et attraper la petite dague qui pendait a sa ceinture. Mais son adversaire s'etait déjà redresser.
Sakura savait qu'elle n'avait strictement aucune chance. Mais elle n'avait pas l'intention de faciliter la tache au mercenaire. Elle mourrait dignement. Une main appuyée sur sa blessure béante, l'autre sérrée sur sa dague, luttant pour oublier la douleur, la Corbac passa a son tour a l'attaque. Visant le cou, elle atteignit finalement le visage, tracant une ligne sanglante de la machoire a l'oeil droit. Une estafilade sans gravité. Et elle était dangereusement proche. Sakura sauta aussi haut que le lui permettait son êtat actuel, evitant de justesse une attaque au jambes. Mais elle retomba lourdement au sol, chancela avant de s'effondrer. La fille, car s'en était visiblement une, s'approcha. Tout dans son atitude clamait son intention d'en finir. Elle n'allait certes pas lui faire ce plaisir...Elle resta cependant a terre, mimant une plus grande douleur qu'elle ne ressentait en réalité, l'incapacité a se relever. A tout dernier moment, d'un même mouvement elle alla sectionner le tendon d'achille tout en roulant de côté pour eviter l'attaque de l'autre. Le poignard emporta la plus folle de ses mèches mais ne la blessa pas plus.

Pour l'instant...

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Cela devait faire trois semaines que l'hiver avait déserté la forêt, emportant avec lui ses larmes floconneuses et son manteau de gel. Les arbres reprenaient peu à peu leurs couleurs et les fleurs repoussaient doucement. Ces demoiselles florales ressuscitant dans la terre humide près de la cascade étaient particulièrement belles: pétales violets, bleus, orangés nourris de gouttes d'eau et de rayons de soleil. Elles en étaient avides, de ce soleil, et chaque matin les voyait dressées vers le ciel dans l'espoir d'en recevoir, de boire sa lumière..
Ce soir-là, au crépuscule, leurs pétales encore ouvertes ne recevaient ni eau, ni lumière, juste quelques gouttes de sang.

La résistance farouche de l'apprentie marchombre était pour le moins étonnante. Elle avait si vite repris ses esprits, malgré son handicap..cependant, quiconque aurait eu le loisir de se pencher sur la plaie aurait vite compris qu'à moins de soins rapides, la jeune fille ne mettrait pas longtemps à décéder.
Et ça, pas question: pour revendiquer sa mort, il faudrait prendre la fatigue de vitesse. Quoique..une volonté étrange semblait maintenant couler dans les veines de l'acculée, feu liquide et dévastateur qui ressemblait bien à l'énergie du désespoir. Avait-elle compris que d'une façon ou d'une autre c'en était fini d'elle ?

Pressée d'accomplir sa mission, Alasa n'imagina pas un seul instant que la corbac put feindre un abattement total; cela lui valut un tendon. Elle effectua un roulé-boulé en grognant sourdement de douleur. Pas le moment de se faire tuer.
Les belligérantes réussirent à se relever et à se faire face de nouveau. Cette fois, ce fut au tour de Sakura d'attaquer; et cette fois, son adversaire parvint à éviter le coup en faisant appel à son nouvel enseignement. Le coup suivant vint d'elle mais il échoua également.
L'apprentie mercenaire devait certes boiter; heureusement, ce n'était rien face à la profonde entaille de son opposante. Même de nuit, on pouvait deviner son teint de plus en plus grisâtre..et plus ses forces semblaient l'abandonner, plus elle se démenait, contraignant bientôt l'attaquante primaire à passer au registre défensif.
Ca tournait mal.
Et la jeune fille soupçonnait fortement (non, était certaine) que le mentaï ne l'aiderait pas si le combat devenait trop dangereux. Dans son esprit, ce qu'il avait présenté comme un exercice se transformait en test qui la jugerait digne ou non d'exister.
Cette constatation lui redonna du répondant.

Elles tournoyèrent de nouveau; ni l'une ni l'autre ne semblaient plus prêter attention à leur handicap respectif. Pas le temps.
Leur joute les conduisit à la limite entre terre et eau. Et que la cascade était belle, sous la lueur de la lune..
Un instant d'inattention et la dague de Sakura entama la chair de l'épaule de son adversaire au moment ou celle-ci jetait tout son poids sur sa proie; même pas un instant pour laisser échapper la douleur: elles basculèrent dans l'eau.
Alasa sentit de nouveau la lame lui mordre la chair au niveau de l'avant-bras, mais elle aussi frappait au hasard et elle sentit bientôt au bout de son poignard le corps de l'adolescente.

Elle sortit la tête de l'eau pourtant peu profonde, haleta et se secoua vivement pour se dégager la vue. Son épaule la lançait, mais elle avait bien touché Sakura. Par contre, elle n'aurait su dire où..
L'attaquée avait elle aussi de l'eau jusqu'au genoux. Son visage était dans l'ombre: impossible d'y voir une quelconque expression, elle aurait même pu être morte.
Mais apparemment, elle ne l'était pas encore.
Alors l'apprentie mercenaire releva son poignard.

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Elles tournoyaient, insaisissables. L’une comme l’autre. Parfois, leurs lames respectives s’entrechoquaient, causait parfois une estafilade sans gravité. Mais Sakura sentait la vie s’échapper de son corps à la même allure que son sang. Vertigineuse. Elle ne passerait pas la nuit.

Mais elle n’avait certes pas l’intention de faciliter la tache à la jeune fille, a peine plus âgée qu’elle, qui lui faisait face. Elle comptait défendre se qui lui restai de sa peau.
Elle ne passerait pas la nuit.

Peu lui importait. Elle allait rejoindre Yué. Déjà, il lui semblait la voir. Sakura sourit a sa mère, qui lui adressa un regard sévère :

-Ne te déconcentre pas petite. Ne te laisse pas faire. Bas toi. Le repos viendra ensuite.

Il était trop tard cependant. La fille l’avait fait basculer. Elle se dirigeai droit dans les bras de la cascade. Son assaillante donnait des coups désordonnés, espérant l’atteindre. Ce fut le cas. Ses chairs s’ouvrirent au niveau du bras droit, libérant un flot de sang supplémentaire. Elle évoluait dans un monde de coton, son champ de vision se rétrécissait, sa vue se brouillait :

-Du nerf ma fille ! Compte tu la laisser t’avoir ainsi, en ne lui causant qu’une simple gène dans la démarche.

La chute était interminable. Sakura leva son arme, la lune se reflétant un instant dans le fer taché de sang. L’abattit. Elle le sentit s’enfoncer dans la chair de la fille. Où, elle l’ignorait. Elle retenta l’expérience, échouant à plusieurs reprises. Enfin, elles atteignirent les eaux glacées, coupant le souffle déjà court de la jeune fille. Elle lutta pour remonter a la surface mais y parvint, pour apercevoir l’arme de celle qui était probablement une apprentie Mentaï se diriger droit sur elle.

Effort intense. Elle évita la courbe mortelle de justesse. Fournissant ce qui serait son dernier effort, elle se releva, teintant les flots bouillonnants de rouge. Elle leva une ultime fois sa dague, savourant son contact, la perfection avec laquelle il épousait la moindre courbe de sa main, les pierres précieuses qui l’incrustaient.

Sakura frappa. Atteignit sa cible. Elle traça une blessure semblable à la sienne sur le flan de son assassin, priant de toute son âme pour qu’elle ait la même finalité que pour elle. Elle en doutait fortement. Mais pour autant elle était fière d’elle. Elle s’était battue pour partir dignement. Elle mourrait oui, mais heureuse. Dans son élément. Elle allait enfin rejoindre sa mère. Ses mères. La vraie, sa génitrice qu’elle n’avait pas eu le temps de connaître mais aussi celle qui l’avait élevée, lui avait montré la voie. Sa voie. Elle ne l’aurait pas suivit longtemps. Pas assez pour qu’on la regrette. A part peut être Dame Ena. Elle effleura avec douceur le médaillon que la femme lui avait donné, dessinant du bout des doigts ses motifs. S’effondra.

Froid intense
Souffle infime
Mort…

[bon ca fait 4 fois que je m'y reprend pour avoir une taille et une couleur d'ecriture lisible mais ca fonctionne pas. Donc si une ame charitable pouvait regler ca avant que je m'enerve...merci d'avance!]

Edit By Ena: J'ai édité ton message^^ Pour les couleurs, je te laisse les remettre^^

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Alasa reporta son poids sur sa jambe au tendon indemne, attendit d'être assurée puis se rapprocha de la moribonde, l'arme à la main. Mais sans se presser: Sakura était morte. Bientôt. Dans quelques secondes au grand maximum. Il aurait même suffi d'attendre, de contempler en silence l'écoulement irréel d'un sang sombre glissant entre les eaux de la cascade. De fixer ces lèvres grises jusqu'à ce qu'elles cessent de trembler convulsivement. D'attendre la brise d'au-delà qui d'un coup soufflerait la flamme vacillante de son regard.
Non. L'apprentie mercenaire voulait revendiquer cette mort qu'elle n'avait même pas souhaitée. Besoin de prouver au véritable investigateur de cet assassinat qu'elle était capable d'autre chose que de survivre ? Envie de passer sur un futur cadavre sa frustration de ne pas ressentir de haine à son égard ?

Ca fera toujours une sale humaine en moins, fut tout ce que la jeune fille parvint à penser clairement. Elle fixa longuement le visage de l'ex-apprentie marchombre puis abattit froidement sa lame. Contre toute attente, le coup mortel n'atteignit pas sa cible. Ou plutôt sa cible ne se laissa pas atteindre. Mais qu'importait ? Pour l'éviter il fallait une rapidité féline et un mouvement brutal. Trop brutal pour que les tissus de chairs réouverts durant la chute dans la cascade le suivent..
La sauvageonne ne porta pas d'autre attaque et se contenta de regarder les doigts de Sakura caresser la médaille qui enlaçait son cou. Que voyait-elle, à cet instant ? A quoi pouvait bien penser une morte ? Elle semblait..sereine. Pourquoi ? Elle n'avait pas le droit, elle venait de se faire tuer..
Un léger frisson parcourut l'échine de son assassin lorsque le voile se déchira pour accueillir en son sein une énième âme perdue trop tôt. Il était plus que jamais facile d'imaginer les doigts pâles de la Camarde prendre avec douceur la main de l'adolescente, de voir ses bras squelettiques soutenir son fardeau spirituel. L'ailleurs personnifié avait déjà emporté la fille de Yué que son corps était encore debout ; ses yeux vides à jamais reflétaient l'éclat opalin de la lune.
Puis ses jambes s'effondrèrent sous elle comme une marionette dont on aurait coupé les fils. Et peut-être que cette métaphore transcrivait mieux la vérité que ces miroirs d'apparences reproduits à l'infini qu'étaient si souvent les existences..l'eau s'ouvrit au passage du corps désarticulé, les vagues l'enveloppèrent en un linceul d'écume.
Alasa rangea le poignard offert par Nirvelli mais ne sortit pas immédiatemment de l'eau ; elle aurait dû vérifier que le pouls de sa victime ne battait plus. Seulement un mal de crâne lancinant lui était venu après coup, le genre de douleur qui empêche de réfléchir. Et puis qui aurait osé prétendre que cet amas de chairs ouvertes put encore renfermer la moindre parcelle de vie ?

Le cadavre, non entièrement satisfait de son cercueil, perça les eaux de son visage. Les yeux opales, les cheveux flottants, on aurait juré l'apparition d'un de ces êtres marins que les enfants nourris de légendes cherchent dans les rivières et dont on dit qu'ils vous entraînent au fond des océans pour vous noyer. Mais le plus fascinant restait le sang, ces volutes légères de sang qui s'épanouissaient en évanescences dans l'élément liquide, ruisselets de sang, fleurs de sang entraînées au gré du courant.
C'était beau.
Les demoiselles de nuit poussant sur la berge s'abreuveraient peut-être de ce fluide, peut-être se pareraient-elles à leur tour de rouge..
Danse, danse du fleuve avec son cavalier carmin. Et un visage d'enfant en suspension au milieu, pris dans l'éternelle immobilité qui lui donnait ce teint diaphane.
Le mal de tête empirait. La jeune fille dut faire un effort pour pencher la tête vers la chaleur qui s'écoulait le long de sa jambe gauche. Ainsi, elle s'était approchée si près de la corbac ? Si près que l'autre l'avait tachée de son fluide vital ?

Rester ici lui parut soudain insupportable. Et elle ne voulait pas laisser le corps: c'était le sien désormais. Sa victime lui appartenait. Qu'importait ce fichu mal de crâne: elle avait survécu. Elle avait gagné.
Danse, danse du fleuve avec son cavalier carmin. Pureté irisée de cascade contre opacité noire. Une opacité qui devenait arc-en-ciel, peinture, magnificence sauvage une fois diluée par les eaux hypnotisantes.
Elle eut du mal à traîner le cadavre sur le rivage et laissa les jambes tremper dans le fleuve ; plus la force. Où pouvait bien se dissimuler le mentaï ? Etait-il là, tout près, à préparer soigneusement son jeu ? S'était-il déjà évaporé dans cette brume dont les marchombres prétendaient être les seuls chevaucheurs ?

Les yeux morts de Sakura regardaient sans le voir le visage de sa tueuse. Ces yeux vides qui évoquaient deux lunes trop laiteuses..deux astres d'une nuit calme ou l'eau se mélangerait au sang. A propos de sang, n'était-ce pas cela qui coulait sur le visage de la macchabée ?
Oui. Goutte à goutte, des petites taches rougeâtres s'étalaient peu à peu sur la peau exsangue. Mais les adolescentes fraîchement tuées ne saignent pas, n'est-ce pas ?
Les deux yeux comme des lunes, les gouttes rouges, le froid de la Faucheuse dans son dos..Alasa comprit enfin, pencha la tête avec effroi et aperçut la large plaie qui barrait désormais son flanc gauche.
Non.
Non ! C'était trop stupide. Quand avait-elle pu. .? Le seul fait de se sentir glisser rendit la vérité plus concrète et la douleur la plia en deux. C'était trop con !
La fille au regard opalin la fixait toujours. La brune la maudit, le goût de ce sang qu'elle avait elle-même fait couler lui emplissait maintenant la bouche..non, non, non. Barre-toi. Barre-toi, la Faucheuse, tu entends ? Je sais que tu es là. Je te sens bien, là, juste derrière moi..elle ne te suffit pas ? Va-t'en. Tu trouveras quelqu'un d'autre à emmener. Mais pas moi, je ne veux pas de toi, je ne t'accepte pas. Casse-toi: je veux vivre. Et rien que pour ça, tu ne m'auras pas, tu entends ? Casse-toi.
Sa vue se brouillait un peu sous l'effet du mal de crâne; ses deux bras compressant la blessure à s'en briser les côtes ne suffisaient pas à garder le précieux liquide.
Non, non, non. Casse-toi.
Elle rampa le plus loin possible de la morte, comme si ce fut sa situation et non son ultime attaque qui risquât d'attirer la Camarde. Ou peut-être pour ne pas avoir à affronter les yeux de lune qui tenaient leur revanche.
En s'adossant à un tronc Alasa parvint à se remettre debout. Et elle resta ainsi, le dos à l'arbre, les bras écarlates en dernières fortifications, un flot de haine, de peur et d'écume rougie aux lèvres.

Sakura n'était pas partie sans combattre.

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La folie, sa vieille compagne, l'avait déserté, du moins temporairement. Beitiris Ar' Kriss savait depuis longtemps à présent qu'elle ne s'en débarrasserait jamais et tentait de profiter de son moment de lucidité à la durée probablement très éphémère. Dans ces moments où son esprit redevenait libre, ces moments où elle était de nouveau elle-même, Beitiris avait tendance à se dégoûter et à vouloir mettre fin à ses jours, en finir avec la folie qui la hantait, mais elle en était incapable. Elle savait ce que ressentirait Slynn si elle venait à mourir...

Malgré tout ce qui s'était passé, leur lien est demeuré parfaitement intact, bien que la distance l'ait émoussé. A chaque fois que Slynn était passé près de la mort, elle l'avait senti au plus profond d'elle-même, elle avait senti son angoisse, elle avait senti sa volonté de vivre la frapper en plein coeur et animer toute la puissance de sa folie pour son impuissance à agir envers sa soeur. Pourtant, elles étaient ennemies... Slynn Ar' Kriss, bénie par les puissances, était devenue une Sentinelle, la plus grande Sentinelle de l'Empire. Il ne pouvait en être qu'ainsi. Elle, maudite de par sa folie, avait offert son pouvoir destructeur au Chaos et elle ne se souvenait même plus pourquoi elle l'avait fait. Qu'est-ce qui l'avait attirée au point d'en venir à épouser la cause du Chaos? Elle ne le savait plus, elle ne le saurait jamais... souvenirs perdus dans les tréfonds de sa mémoire endommagée par sa folie.

Les rumeurs affirmaient que Slynn Ar' Kriss résidait dans cette Académie fondée par Merwyn Ril' Avalon et, ce soir, Beitiris avait décidé de saisir l'opportunité de revoir sa soeur, même s'il ne s'agissait que de l'apercevoir au loin, à travers une fenêtre... ou de ne pas l'apercevoir du tout. Une fois encore, le destin voulut qu'il en soit autrement. Il fallut qu'elle assiste à un assassinat sordide en se faufilant dans les ombres, non loin d'une cascade. Une jeune fille en avait traqué une autre et venait de l'abattre. Des apprentis à voir leur manière de se battre... probablement deux étudiantes de cette fameuse Académie que l'on apercevait au loin. Le destin s'opposait-il à elle, ou lui tendait-il la main?

La meurtrière était apparemment blessée et se réfugia contre le tronc d'un arbre proche. Une opportunité à saisir, se servir de cette meurtrière qui méritait la mort pour approcher Slynn! La malédiction de Beitiris voulait certainement que ses " yeux " et son messager ne soient rien de moins qu'une meurtrière. Il ne restait qu'à imposer sa volonté... Silencieusement, son visage dissimulé par la capuche de sa cape noire, elle s'avança vers la jeune inconnue. Au moment où cette dernière s'aperçut de sa présence, Beitiris eut le temps de la désarmer d'une frappe du tranchant de la main et de la saisir à la gorge pour la soulever. Cette meurtrière ne pesait rien pour elle...

- La prochaine fois que tu voudras assassiner quelqu'un, arrange-toi pour qu'il n'y ait pas de témoin! Si jamais tu vis encore pour commettre un deuxième meurtre après que j'en aie fini avec toi... meurtrière.

Messages : 474 Inscription le : 21/04/2007 Age IRL : 94

Le sol terreux de la clairière possédait une consistance sablonneuse au grain fin et brun. Peu d'herbe y poussait alors que la cascade n'écoulait ses eaux que quelques mètres plus loin.
Alasa n'appréciait pas le contact de ce sol sous ses pieds nus et pourtant, il était d'une texture aussi accueillante que n'importe quel terrain, sinon un peu plus. Mais ce sang, ce sang qui gouttait par intermittence, qui réchauffait ses jambes encore mouillées de cette baignade meurtrière, ce sang était le sien. Ce foutu sol serait peut-être le dernier qu'elle foulerait, il finirait par s'amonceller et devenir son linceul, comme l'eau avait été durant quelques minutes celui de Sakura.
La terre buvant son sang..quelle ironie. Cela aurait presque mérité le qualificatif de métaphore ou de quelque chose s'en approchant. Le destin pouvait donc lui aussi faire preuve de cynisme ?
Mais contempler chaque grain de poussière l'aidait finalement à se concentrer sur quelque chose; à ignorer le mal de tête qui résonnait comme un glas pour qu'enfin, il s'éloigne. Et la Faucheuse avec. Oh, elle restait proche, mais sa main glacée se retirait.

Prise dans ses angoisses la jeune fille n'entendit pas l'ombre s'approcher et ne lâcha pas un seul cri de surprise lorsqu'elle se sentit brutalement soulevée par une main puissante.
Une femme. Qu'est-ce que..? Il ne devait y avoir personne..cette voix. Où avait-elle déjà entendu cette voix ?
Se sentant étouffer sous la poigne étonnamment ferme de l'inconnue, la sauvageonne agrippa le poignet de sa main droite. Pas pour causer du tort à son agresseuse (qui aurait tout aussi bien pu lui briser les vertèbres cervicales, pendant qu'elle y était) mais dans l'espoir futile de desserrer cet étau.
Cette voix..Slynn ! Slynn Ar' quelque chose, la sentinelle !
Alasa ne put retenir un rictus horrifié: elle, ici ! C'était trop con. Personne ne devait voir et celle qui voyait finalement faisait partie des dirigeants de l'académie..à cet instant l'adolescente regretta d'avoir tué l'apprentie marchombre. Mais juste à cet instant.
Où était le mentaï ?
Elle l'imaginait bien au beau milieu de la plaine, cheminant d'un pas vif en direction d'All-Poll et de complots finement contrôlés. Oui, bien sûr, il n'avait jamais eu l'intention de l'entraîner au moyen de cet « exercice »; il s'était tout simplement débarassée d'elle en alertant sans se démasquer l'un des bras droits de Merwyn.
Je le tuerai, pensa la jeune fille tout en se rendant compte que cette idée n'avait aucun sens, je partirai à sa recherche dès que cette garce m'aura lâchée.
Plus facile à dire qu'à faire.
Seulement, elle finit par s'apercevoir que celle qui lui faisait face n'était pas Slynn: elle ne s'exprimait pas en enseignante venant d'assister à l'assassinat d'une de ses élèves. Sa voix était pourtant si semblable à..non. Il existait bien des gens au timbre semblable. Surtout lorsqu'on ne distinguait pas leur visage.

Bon, ce n'était pas la sentinelle, et après ? Pour ce que ça arrangeait. Autant mourir maintenant alors. Ce n'est pas dans son état que la brune allait refuser cette prise de droit à l'inconnue.
Mais l'inconnue en question ne la tuait toujours pas.
Une colère froide était venue s'ajouter à la peur de glisser; avec des difficultés qu'expliquaient facilement la large plaie et la main sur sa gorge, Alasa parvint à interroger, un mépris à peine contenu plein la voix:

- Qu'est-ce que..tu..veux ?

Cette imbécile allait bien finir par l'étrangler. Serrant de toutes ses forces son bras gauche contre son flanc ensanglanté, la jeune fille enfonça les ongles de sa main droite autour du poignet de la femme. Qu'importait que cela lui plaise ou non, elle allait défaillir si l'oxygène ne parvenait pas bientôt à ses poumons.

Lâche-moi, lâche-moi, lâche-moi.

Finalement, le contact du sol n'aurait pas été si désagréable.

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- Je vois que tu sais te montrer raisonnable, c'est une qualité... mais ne t'avise plus jamais de tutoyer une noble de mon rang...

Beitiris venait de relâcher la pression et de reposer Alasa sur le sol, mais elle conserva tout de même son emprise sur la gorge de la jeune fille afin qu'elle comprenne qu'elle était entièrement en son pouvoir. De la main droite, elle abaissa alors la capuche de sa cape, révélant à la lueur de la lune un visage qu'elle n'avait plus montré depuis fort longtemps. Quand elle vit l'expression de la peur sur le visage d'Alasa, elle eut un sourire indéfinissable et étrange.

- Non, je ne suis pas celle à qui tu penses... Slynn Ar' Kriss, ma soeur. En revanche, si ce " hasard " te sauve en ce moment, mon visage sera le dernier visage que tu verras en ce monde si jamais tu avais l'idée très malvenue de parler de moi. Et ne t'y trompe pas, je le saurai!

La mercenaire accentua alors subitement la pression sur la gorge d'Alasa, presque au point de la briser, mais la relâcha aussitôt, se contentant simplement d'accentuer le poids de ses paroles. Sur le choc, Alasa qui s'était arc boutée contre le tronc de l'arbre, s'affaissa aussistôt, ayant perdu le " soutien " de la main gauche de Beitiris. La Dame rouge s'agenouilla alors et redressa la tête de la jeune fille avec sa main gauche, la regardant droit dans les yeux.

- J'imagine que tu as parfaitement compris... n'est-ce pas? Ta vie n'est plus entre tes mains de toute manière. Doucement, elle s'éteint, à mesure que le sang s'écoule hors de ton corps. Serais-tu prête à passer un pacte avec moi pour la sauver? Une vie pour une vie...

Beitiris s'était exprimée d'une voix aussi douce et ferme que si la Mort s'était exprimée en personne. Cette jeune fille voulait vivre, cela, elle le percevait dans ses yeux. Elle percevait également sa colère, elle sentait la haine qu'elle lui vouait à l'instant. Cela était aussi bien, les gens qui vous haïssent sont les meilleurs des ennemis.

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Encore cette histoire de tutoiement, à croire que cela revêtait une importance véritable aux yeux de la plupart des gens. Et bien soit, ce serait le vouvoiement. Le vouvoiement méprisant qu'on réserve d'ordinaire aux petites gens qui se croient suffisamment importants pour mériter cette..marque de respect. Et puis non: la prétendue noble risquait fort de ne pas apprécier le ton employé. Autant s'arranger pour éviter de s'adresser directement à elle, de marmonner peut-être deux ou trois mots sans s'étendre sur la personne arbitrairement choisie.
Alasa sentait battre quelque part au niveau de son ventre une vague de colère s'enflant ou allant décroissante au gré de pulsions à peines contrôlées. Cette main, cette sale main inconnue sur sa gorge représentait un contact insupportable, et pas seulement parce qu'elle pouvait signifier la mort.
Mais il convenait de garder profil bas. Pour l'instant.

- Quel intérêt aurais-je à parler de..ça ?

C'était plus un acquiescement qu'une question. D'ailleurs, l'inconnue ne s'y tromperait pas.
La jeune fille l'observa plus en détail: oui, exactement le même visage que Slynn, les mêmes traits fins, la même bouche au pli cruel, le même regard profond et sans détour. Sa soeur ? Et qui était au courant ? Valen ? Merwyn ? Rien de moins sûr. Une certitude: les buts de cette femme paraissaient nettement moins avouables que ceux de la sentinelle, si détestable fut-elle..l'apprentie mercenaire tenta d'ignorer son mal de crâne persistant pour saisir au plus vite les implications de cette scène: la présence ici de la deuxième Ar'Kriss, si proche de l'Académie ou résidait sa jumelle, son apparent état d'illégalité..le pourquoi du comment devait tourner autour de ça.
Mais Alasa se fichait bien de savoir ou non ce qui amenait ce mystérieux personnage non prévu au programme des complots dont la célèbre école était victime à apparaître en cette nuit sordide aux abords d'une cascade, elle voulait simplement ramper dans le fourré le plus proche et trouver n'importe quel morceau d'écorce pour stopper l'hémorragie. Oui, son sang continuait à s'infiltrer entre les dérisoires barrières formées par ses bras serrés, oui, la Faucheuse promenait son souffle alangui juste quelques mètres en arrière; qu'importe, elle survivrait. Si on lui en laissait le temps.
Là se posait le problème. Elle doutait fortement que la femme lui accorde plus de trois minutes de réflexion. Quoi qu'elle veuille, mieux valait lui céder.
Bien évidemment c'était une idée intolérable. Quelle arrogance, cette..

La jeune fille réalisa finalement avec amertume que les options se restreignaient vite. Tant pis pour sa fierté, elle passerait un..pacte avec la garce et s'arrangerait pour s'esquiver à la moindre occasion. Lorsqu'elle serait de nouveau en état d'avancer le poignard à la main. Par exemple.
Oh, bien sûr, il restait un risque minime..elle jeta un coup d'oeil suspicieux à la Dame rouge. Quel genre de pacte ? Sous la lueur de la lune, le reflet un rien étrange qui enflammait l'oeil droit de la femme inspirait tout sauf le moindre soupçon de confiance.
Mais il ne s'agissait justement pas d'une histoire de confiance.
Tant pis. Une promesse se brise.

Alasa tenta de parler mais fut brutalement secouée par un haut le coeur et ne parvint qu'à tousser un filet de sang noirâtre, qui coula le long de son menton jusque sur la main pâle de Beitiris. Peut-être était-ce mieux ainsi: la brune ne gardait plus aucune certitude sur le ton des paroles qui lui auraient échappé. Elle se contenta donc de hocher lentement la tête en signe d'assentiment.
Sous la lune, l'ombre élancée de Slynn se paraît de teintes fantomatiques; plus loin, le cadavre de Sakura continuait de les regarder de ses yeux morts, opalins.

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- Ne crois pas que tes pensées m'échappent... ton regard te trahit, ton regard avoue ton envie de te débarrasser de moi une fois que tu auras la vie sauve.

Beitiris se releva alors en toisant Alasa avec dédain :

- Il te reste encore beaucoup à apprendre et peut-être si peu de temps pour y arriver...

La Dame Rouge dégaina alors lentement son sabre de la main gauche et en pointa la lame vers le cou d'Alasa. Avant d'énoncer son pacte, elle réfléchissait vivement... mais, plus elle avançait dans ses réflexions, plus elle ressentait le trouble de la folie. Sa lucidité allait bientôt basculer dans sa folie profonde... ce moment angoissant qu'elle aimerait tant oublier, qu'elle aimerait tant ne plus ressentir. Un jour... un jour, elle agirait pour connaître l'oubli définitif.

Pour l'heure, elle avait une jeune fille à marquer...

- Le pacte est le suivant. Appartiens-moi corps et âme, voue-moi ton existence, et je sauverai ta vie. Un jour, tu retrouveras ta liberté... si tu en es digne. Refuse-moi cette pleine et entière appartenance, la mort délivrera ta conscience de ton crime. Que choisis-tu?

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Jamais l'adolescente n'avait eu l'intention, sinon la possibilité de dissimuler la colère éprouvée à l'encontre de cette femme. Et de toute façon, aucun sentiment n'eut été dans cette situation plus indiqué et légitime. Légitime, légitime..en tout cas naturel. La légitimité prend parfois des allures très extensibles, en Gwendalavir ou ailleurs. Que ce soit dans les murmures, les postures, les figures le mensonge est partout. Simple abstraction facile à assimiler mais vitale. Tout se brise, le silence, les promesses, les pactes. La soeur de Slynn en avait forcément conscience, alors pourquoi ? Se voyait-elle suffisamment intimidante pour passer à quiconque l'envie de risquer sa fureur ?

Alasa retint un vomissement sanglant pour éviter de finir embrochée sur la lame luisante qui lui caressait désormais le cou. Finalement, ç'aurait été un départ moins humiliant qu'une agonie sur le sol d'une clairière en attendant poliment qu'une inconnue gênante finisse de s'exprimer. Cela aurait même un côté ironiquement héroïque: mourir pour ne pas céder à l'oppresseur. Et puis quoi encore ? Si l'orgueil était un sentiment connu et en permanence éprouvé par la jeune fille, elle ne possédait pas non plus un QI suffisamment sous-développé pour ne pas savoir le brider de temps en temps. A bien y réfléchir, cette situation pouvait même se révéler fructueuse..elle tenta de rassembler les éléments de la mésaventure malgré son lancinant mal de crâne. Cette femme, probablement une ennemie de l'académie et peut-être même une disciple du chaos, était la jumelle de la sentinelle Slynn Ar'Kriss, qui d'après les quelques racontars récoltés du temps ou l'académie s'affichait encore comme un lieu sûr était décédée des années plus tôt. Cette morte officielle avait apparemment besoin d'un intermédiaire pour une raison quelconque, chose étrange puisqu'en l'observant quelques minutes, on supputait logiquement qu'elle occupait une place de choix parmi ceux qui traitent leurs basses ou morbides besognes sans avoir recours à une armée de sous-fifres. Cet état des choses créait une relation étroite avec l'académie, mais l'adolescente se sentait à présent trop faible pour lier les deux pistes. Allons bon, ça paraissait si logique..elle se morigéna et continua sur sa lancée, laissant un instant de côtés les premières hypothèses. La Dame Rouge ignorait en principe que sa proie avait pour maître un mentaï influent. Pour l'heure, cela ne changeait rien à la donne mais plus tard, quand elle arriverait à penser normalement..si la mort se décidait à glisser vers d'autres moribonds. Car dans le cas ou la femme changeait d'avis et la laissait expirer, plus tard se changerait en jamais. Alors que certaines pièces du miroir brisé promettaient tant de bénéfice.

La jeune fille acquiesça de nouveau au phrasé impérieux de Beitiris, dans un état de semi-évanouissement qu'elle n'avait pas besoin de feindre. Pourvu que la deuxième Ar'Kriss l'interprète comme un assentiment et tienne parole. L'éclat étrange enflammait ses yeux par intermittence et cette fois la lune n'y était pour rien. D'ailleurs le long sabre coruscant sous le même astre vespéral appuyait sur la gorge de l'apprentie mercenaire au même rythme convulsif que ces lueurs de mauvais augure et elle ne pouvait s'empêcher d'en frissonner presque autant que sous l'effet du froid létal qui la brûlait, entendait sous la lame battre sa jugulaire et craignait à tout moment de sentir le métal inciser soudainement la veine. Cette prédatrice n'allait pas céder à son bras, pas maintenant ! Pourquoi le ferait-elle, d'ailleurs ? Par quel illogisme ? Mais que le pourquoi soit de mise ou non fut une polémique vite écartée. Plus tard, plus tard et par le sang des raïs faites qu'elle se contrôle. Face à l'immobilité menaçante de la femme, Alasa craignit de n'avoir pas hoché la tête en un mouvement suffisamment clair et, jugeant plus prudent de ne pas titiller l'arme de son menton déclara avec componction:

- J'accepte.

Du moins ce fut ce que ses muscles labiaux tentèrent d'exprimer. Que le sens en ait été compris ou pas relevait maintenant de Beitiris, elle ne possédait plus la force requise pour esquisser d'autres mots. Il ne restait plus qu'à espérer que l'irisation inquiétante diparaîtrait vite du regard de cette espèce de sale fille de ts'liche.

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Un sourire étrange éclaira les traits de Beitiris lorsqu'elle entendit la réponse à peine audible d'Alasa. Elle rengaina alors son sabre et s'exprima d'une voix étrangement douce :

- Alors, il en sera ainsi... une vie pour une vie.

Elle luttait toujours pour conserver sa lucidité, mais le simple fait qu'Alasa ait cessé de résister lui rendait les choses plus aisées. Fouillant la besace qu'elle portait au côté, elle sortit son nécessaire pour les soins d'urgence. Depuis qu'elle était devenue mercenaire, elle ne s'en séparait jamais : un mercenaire du Chaos devait être capable de se soigner, ce qui restait dans la logique d'autonomie des mercenaires du Chaos. Sa voir accomplir une mission sans aide extérieure... tout comme il fallait savoir mener efficacement des missions en groupe. Sans la moindre douceur, elle déchira donc la tunique de l'Alasa et entreprit de nettoyer la blessure pour mieux l'examiner.

Sans doute possible pour la Dame Rouge, elle devait être recousue, et ce au plus tôt. Elle installa alors Alasa de manière à pouvoir la recoudre plus aisément et se mit aussitôt à l'ouvrage. Un rêveur aurait assurément fait mieux, mais elle était suffisamment compétente pour ce genre de blessures. Eut-elle été plus grave que Beitiris n'aurait rien su faire sans l'intervention d'un rêveur. Une fois qu'elle eut fini son travail, elle examina de manière critique son intervention avant de s'estimer satisfaite : elle vivrait. Elle se releva alors et toisa sa nouvelle protégée...

- Tu es chanceuse, tu vivras. Cependant, réfléchis à une histoire plausible pour justifier cette blessure parce qu'il y a de grandes chances pour que tu ne saches pas la dissimuler... tout dépend de ta constitution. Tu vas retourner à l'Académie... et tu viendras me retrouver ici de manière irrégulière pour ne pas éveiller les soupçons. Tu me rapporteras tout ce qui se passe à l'Académie, même les faits les plus insignifiants. Ton nom?

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Si son esprit ne glissait pas déjà dans la spirale glacée de l'oubli, la jeune fille aurait peut-être choisi de mourir vainement plutôt que de laisser la mercenaire la toucher, d'autant plus que cette personnalité affirmée et impulsive ne plaidait pas en faveur de la qualité d'hypothétiques notions médicales. Heureusement pour la vie de l'une et les exigences de l'autre la blessée ne bougeait que sporadiquement, lorsque l'aiguille pénétrait trop violemment son flanc lacéré. Mais cette douleur-là paraissait moindre confrontée à celle de la plaie en elle-même, lancinante, sourde, tellement présente que toutes les chairs finissaient par s'engourdir et le réel se confondre avec l'illusoire. Dans l'agaçant vortex de faiblesse l'entraînant inexorablement, une seule notion claire occupait encore son esprit: le regret. Oh, pas celui d'avoir tué une élève anonyme. Le regret égoïste mais légitime d'être venue, d'avoir ce soir-là exécuté des consignes déstabilisantes en s'obligeant à ne pas suivre ses impulsions. Voilà où tout cela l'avait conduite et même le coup de dague traîtreusement assené par Sakura en un dernier sursaut d'orgueil paraissait moindre comparé à la venue impromptue de cette femme.

Il lui fallut quelques minutes pour prendre conscience que son sang n'abreuvait plus la terre et que la femme en question parlait. Encore un peu à la dérive, l'adolescente saisit pourtant l'essentiel des phrases entachées de mépris. Elle parvint à se redresser de manière à ne pas trop devoir lever la tête pour répondre, contempla son buste dénudé et la grossière cicatrice barrant désormais son flanc gauche. La jumelle Ar'Kriss connaissait-elle le blond mentaï ? Serait-il intéressé de savoir que tous les évènements se déroulant à l'Académie revêtaient une certaine importance aux yeux de la Dame Rouge ? Certaines possibilités commençaient à se faire entendre et Alasa se rendit compte, l'humiliation passée, des avantages recelés par cet apparent asservissement. Et la détestable sentinelle, que lui inspirerait la présence de sa soeur si proche du célèbre bastion ? L'éventail de possibilités s'ouvrant à la jeune fille tempéra sa haine en une froideur purement calculatrice. Bien sûr, l'art de la réthorique et de la manipulation lui étaient encore trop étrangers pour s'engager dans si précaire, mais l'occasion ne pouvait être écartée ainsi. Elle n'avait jamais eu l'intention de se cantonner à ce rôle d'esclave aimablement "proposé" par l'inconnue; la vésanie apparente de cette dernière ne manquait d'ailleurs pas de l'inquiéter. Devait-elle lui avouer qu'il lui était impossible de retourner tranquillement à l'Académie après des mois d'absence et une sempiternelle attitude d'hostilité viscérale ? Bien sûr que non: Beitiris se rendrait compte de l'inutilité d'une telle situation et l'achèverait sans doute. Opiner à tout ce qu'elle dirait, donc, puis s'éloigner et aviser après quelques jours de repos.

L'apprentie mercenaire se releva en s'appuyant à l'arbre -se retenant de grimacer lorsque les muscles de son abdomen protestèrent- puis ficha son regard dans celui toujours un peu inquiétant de la femme que la lune éclairait toujours, d'un halo sinistre qui ne faisait que renforcer l'impression de malveillance accrue transsudant de tout son être, de son port étonnamment altier à son maintien rigide. Malveillance, certes, mais une malveillance entrelacée à la noblesse de son nom..

- Emna.

Après quelques secondes de silence, elle ajouta, non sans l'ironie amère d'une perdante:

- Puis-je rejoindre l'Académie, maintenant ?

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Emna... Beitiris trouvait ce nom bizarre et incomplet. Mais il se pouvait que ce soit véritablement le nom de la jeune inconnue, tout comme cela ne pouvait pas l'être. Toujours est-il, Beitiris ne pouvait creuser la question, sa lucidité lui échappait de minutes en minutes. Son regard froid de ses instants de lucidité redevenait ce regard fou et dément de l'aliénée qui n'était pas elle. De toute manière, elle savait qu'elle devrait surveiller sa petite espionne : un mercenaire du Chaos devait toujours être sur ses gardes et se montrer méfiant. Même Beitiris ne dérogeait pas à cette règle.

- Oui, va à présent. Rejoins l'Académie et ne me trompe pas... Emna... où ma vengeance sera plus terrible que tous les tourments que l'on pourrait pu t'infliger au cours de ta misérable vie.

Sans plus adresser le moindre regard à sa nouvelle petite protégée, la mercenaire du Chaos se détourna d'Alasa et s'en fut dans l'obscurité. Il était temps, Beitiris avait du mal à conserver sa maîtrise d'elle-mmême. Toutefois, sa voix retentit une dernière fois en provenance des ombres... sentencieuse et menaçante.

- Sois présente en ce lieu lors de la prochaine pleine lune...

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