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| "Don't you wanna sleep my broken darling" [Terminé] | |
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Messages : 73 Inscription le : 09/01/2011 Age IRL : 32
| Sujet: "Don't you wanna sleep my broken darling" [Terminé] Jeu 21 Mar 2013 - 19:20 | | | Des silhouettes. Flous. Tournant autour d'elle dans une brume épaisse. Une brume nacrée qui semblait tout envelopper. Certaines lui étaient vaguement familières. Des personnes croisées au cours de son existence, sans vraiment faire attention. Et puis d'autres. Qu'elle connaissait bien. Soudain la brume se fait plus éparse, un petit garçon blond court en riant. Une jeune femme toute aussi blonde le regarde en souriant et lui tend les bras. C'est étrange, elle a presque l'impression qu'elle les reconnaît. Que ces silhouettes sont celles de son frère et sa mère. Et pourtant elle est sure de ne jamais avoir vu une telle scène. De ne jamais avoir vu sa mère serrer son frère si fortement. Et pourtant tout cela sonne comme un souvenir. Sans qu'elle ne puisse expliquer pourquoi. Mais elle n'a pas le temps de réfléchir que déjà l'image s'estompe. Un autre visage apparaît, masculin. Mais flou. Et bref. La brume change encore. C'est maintenant une femme brune, qui la regarde. Son visage se superpose tout à coup à celui de la jeune femme blonde. Celle-ci ouvre la bouche et murmure... Eiluun...
Le corps allongé sur le lit tressauta imperceptiblement. Lentement, très lentement, un index frémit avant de bouger véritablement et commencer à racler les draps. Avant que les autres ne le rejoignent. Des paupières tremblèrent, tentèrent plusieurs fois de se lever avant d'enfin parvenir à s'ouvrir sur une paire d'yeux rouges sangs.
Ne voyant rien d'autre qu'un épais brouillard sombre, la jeune fille étendue cligna des yeux plusieurs fois sans succès. A l'évidence, elle se trouvait dans le noir. Au lieu de céder à la panique, ce qui ne lui aurait pas ressemblé, elle attendit patiemment que sa vue se fasse à l'obscurité. Elle se trouvait dans une pièce inconnue, de grande taille, comprenant de nombreux lits. Peut-être un dortoir.
La jeune fille étira lentement ses muscles endoloris, avant d'essayer de se lever. Ses jambes tremblèrent, comme si elles n'avaient pas servi depuis longtemps mais tinrent bon. Petit pas après petit pas, elle s'avança dans la pièce et constata que la majorité des lits étaient vides. Ce qui ne collait pas vraiment avec sa théorie du dortoir.
Où donc pouvait-elle être ? Et surtout, comment était-elle arrivée là ? Fatiguée par ses quelques pas elle s'adossa au mur pour réfléchir. Il lui fallait faire le tri dans ses souvenirs. Son départ de Fériane, la caravane, son séjour chez Terra... et son arrivée à l'Académie. Autant le début était clair dans son esprit, autant après, certaines choses devenaient flous. Elle se souvenait de son entretien avec l'intendant qui s'était très bien déroulé. Elle avait même été admise à Felixia. Mais après... Elle se rappelait juste d'une immense douleur. Qui explosait dans tout son corps. Et puis une tignasse brune, dont elle n'arrivait pas a se remémorer le visage. Si ils avaient parlé, elle n'en avait aucune idée.
Et puis elle s'était réveillé là. Faible et fatiguée. Voyant une fenêtre un peu plus loin, elle s'avança jusqu'à elle. D'ici, on pouvait apercevoir un bout de la Cour de la Fontaine, éclairée par un rayon de lune. Tout avait l'air calme. Tellement calme. Elle pouvait voir une autre aile à travers les carreaux, mais aussi l'entrée de l'académie. Ainsi, elle devait donc se trouver dans l'aile Est. La pièce n'était pas très éloignée du sol, elle distinguait trop bien la cCur. Elle devait certainement être au premier ou au second étage. Elle se remémora sa carte de l'académie. Les seules pièces du premier et second étage de l'aile Est pouvant contenir des lits étaient des appartements privés ou l'infirmerie. Et vu le nombre de lit, Eiluun penchait pour la seconde option.
Elle s'était donc réveillée à l'infirmerie. Sans doute qu'elle avait du finir par s'évanouir suite à cette douleur, ou peut-être à cause de la personne à la tignasse brune. Maintenant restait une question. Combien de temps était-elle restée inconsciente ? Quelques heures ? Quelques jours ? Ces seuls indices étaient la nuit au dehors, mais d'un côté, elle ne se souvenait même pas de combien de temps s'était écoulé entre son entrevue avec l'intendant et sa rencontre flou.
Sentant que ses jambes ne la porteraient pas plus longtemps, la jeune fille retourna dans son lit, où elle s'assit. Malgré son immense fatigue, elle savait qu'elle n'arriverait pas à se rendormir. Elle ne saurait expliquer pourquoi mais quelque chose n'allait pas. Et elle n'aimait pas cette sensation nouvelle. Tout était tellement plus simple d'habitude. D'habitude, elle ne se posait pas autant de questions. Il y avait toujours quelqu'un pour lui dire quoi faire. D'une manière où d'une autre. Mais là, elle était vraiment seule. Le Maître n'était pas venu la chercher.
Pourtant Wirus le lui avait promit. Avait-elle fait quelque chose de mal ? Quelque chose qui l'avait déçu ? Peut être parce qu'elle s'était retrouvé chez Terra ? Que celle-ci avait eu une mauvaise influence sur elle ? Mais ce n'était même pas elle qui avait décidé d'y aller ! Non ! Elle ne pouvait y croire ! Le Maître ne pouvait l'avoir abandonné. Elle avait toujours fait ce que son ancien maître lui avait demandé. Elle avait consacré toute sa vie pour se préparer à ce moment unique. Wirus lui avait dit lui même qu'elle serait parfaite pour le Maître. Oui, le Maître allait venir ! Peut être pas tout de suite. Peut être qu'il était occupé pour l'instant. Mais il allait venir. Et elle ne serait plus seule.
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| Sujet: Re: "Don't you wanna sleep my broken darling" [Terminé] Dim 24 Mar 2013 - 20:36 | | | Gwëll avait des allergies. Beaucoup d'allergies. Les yeux gonflés, le nez tout rouge, la gorge qui gratte, éternuements, toux, la totale. Tout ça à cause du printemps et des pollens. Alors ce matin là, quand elle s'était réveillée, quand elle avait ouvert les yeux, elle s'était dit qu'il y avait un problème. Parce qu'elle voyait rien à travers ses paupières qui s'ouvraient pas vraiment. Elle avait pas trop compris, mais elle avait décidé de faire comme si ils se passait rien et elle avait fait comme tous les matins. Mais la douche, ça avait été possible, tellement c'était atroce et ça piquait dans les yeux. Elle avait donc laissé tomber la journée. Plouf, dans le tuyau d'écoulement.
Par contre, elle avait un peu du mal, du coup, pour s'habiller. Elle avait essayé sans forcer sur son regard, mais juste avec les mains, elle peinait un peu. Après avoir essayé trois fois de mettre sa tunique sans réussir à retrouver le chemin du col, elle avait laissé tombé. Elle avait trouvé quelqu'un qu'elle pensait certainement être une fille de son dortoir, puisqu'elle était dans la salle des eaux de cet étage, mais sans certitude. Elle s'était donc retrouvée vêtue et guidée vers l'infirmerie.
À l'infirmerie, la rêveuse en chef l'avait prise en charge, elle l'avait couchée dans un lit, lui avait donné une tasse bien fumante de tisane, et lui avait mis un tissu chaud sur le front. Gwëll avait fermé les yeux et c'était pas dur parce qu'ils étaient pas vraiment ouverts et elle s'était vite endormie.
Il faisait tout noir quand elle avait les yeux fermés et quand elle essayait de les ouvrir. Autour, il n'y avait pas de bruit. Silence complet. Certainement qu'elle avait dormi toute la journée et que c'était la nuit. De toutes manières, elle n'avait rien de plus constructif à faire, puisqu'elle n'y voyait tout bonnement rien. À coté d'elle, ça commença à bouger. Gwëll se retourna vers la source du bruit et, comme elle dormait au bord du lit et qu'à coté d'elle, il n'y avait plus de lit, elle tomba par terre et elle roula un peu. Sa grande chance, c'était qu'elle était complètement enroulée dans la couverture et que donc, ça avait amorti sa chute.
Par contre, elle était complètement engoncée et elle pouvait plus bouger ses bras. Une papillote, immobile. Elle se redressa et sa tête tapa dans un des montants du lit. Elle étouffa un cri et couina péniblement. Elle ne réussirait certainement pas à se sortir de là toute seule, mais elle n'osait pas demander de l'aide. Certes elle avait entendu quelqu'un d'autre, mais elle ne savait pas qui était ce quelqu'un d'autre, alors elle voulait pas le déranger. Puis, soudainement, son nez la gratta. Mais genre terriblement. Une envie atroce d'éternuer. Et pas de mains pour empêcher ça. La pire atrocité du monde, Gwëll détestait éternuer.
S'il... s'il vous plaît ? J'aurais besoin de mains pour pas éternuer, c'est... pressé ?
Un peu de pitié en ce bas monde ? Une ombre apparut un peu loin dans son chant de vision. Étrange. Rose ? Les yeux de Gwëll lui jouaient des tours. Une personne normale ne pouvait décemment pas être aussi rose. Certainement pas. Personne n'avait de cheveux, des yeux, de peau, de vêtements aussi roses. Pas possible, pas possible, pas possible, elle devait rêver.
Vous êtes une fée comme la fée bleue d'Eoliane ?
Amarylis. Qui l'avait soignée une fois, quand le destin l'avait poussée dans le labyrinthe contre son gré. Une fée bleue, une fée rose, c'était certainement une confrérie, Juliet aurait été ravie de voir tout ça. Il adorait les fées, Juliet et puis il aimait tout le monde en général. Gwëll avait complètement oublié son nez avec tout ça et puis, de toutes manières, c'était un syndrome répandu, dites que vous voulez éternuer et vous n'y arriverez jamais. C'est scientifiquement trouvé. Pas encore prouvé, mais ça viendra, chaque chose en son temps.
Bref, elle avait plus besoin de l'ombre et c'était tant mieux parce que l'ombre avait pas l'air très décidée à se lever. Interloquée, peut être ? Pourtant, Gwëll aurait parié que ce n'était pas rare de voir des gens coincés dans leurs couvertures sur le sol de l'infirmerie, sous un lit et avec le nez qui gratte. Pas étonnant quand on la connaissait, mais elle se connaissait alors elle n'était pas objective.
Elle ferma les yeux, mais ça ne faisait pas une grande différence, juste une nuance de rose en moins. À peine moins lumineux, Gwëll n'avait pas les idées claires, à vrai dire. Elle les rouvrit à peine et le rose revint immédiatement. Certainement une fée, c'était sûr, personne n'était aussi rose. À part les gâteaux aux framboises de Raël, mais ça l'aurait étonné qu'il y en ait un à l'infirmerie. Encore moins un qui parlait. Et puis, si il y avait eu un gâteau aux framboises à l'infirmerie, il n'en serait plus resté une seule miette, vu comment la rêveuse elle aimait les gâteaux. Surtout ceux aux framboises, ça se voyait sur ses joues bien roses. |
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| Sujet: Re: "Don't you wanna sleep my broken darling" [Terminé] Lun 25 Mar 2013 - 23:56 | | | Eiluun était assise sur le lit depuis un moment, perdue dans ses pensées. Peut-être pour la première fois de sa vie, elle avait peur. Une peur panique qui commençait à s'insinuer sinueusement dans son petit corps tremblant. Elle se sentait prisonnière. Comme si des murs dans sa tête l'empêchaient de réfléchir, d'avancer. Quelles pensées absurdes ! C'était juste qu'elle n'avait pas à se poser de questions, ce n'était pas son rôle. « La curiosité n'est que le parasite de celui qui veut savoir. Les choses qui doivent se savoir se livrent d'elles-mêmes, chercher à les découvrir c'est les trahir. Je n'ai pas besoin de savoir les détails des choses ou leur fondement car si elles me sont demander alors elles ont leur raison d'être. « Pourquoi » est le maître mot interdit » Récita-t-elle silencieusement.
Néanmoins, elle ne pouvait pas décemment rester là. Il fallait qu'elle bouge, qu'elle fasse quelque chose, qu'elle sorte d'ici. Elle ne pouvait plus rester seule, sans savoir quoi faire. Elle avait réellement besoin d'un guide. D'un maître. Peu importe qui au fond. Juste quelqu'un.
Alors qu'elle se levait, bien décidée à quitter la pièce et partir en exploration, son bras heurta un objet inconnu posé sur la table de chevet. Celui-ci tomba et roula au sol avant de percuter le pied du lit. C'est alors que la jeune fille entendit des bruits, à quelques pas d'elle. Apparemment quelqu'un d'autre été éveillé... A moins que ce ne soit le maître qui soit venu la chercher. Oui, ce ne pouvait être que ca! Enfin !
Elle s'avança, dissimulant mal une excitation grandissante. Elle avait attendu ce moment toute sa vie. Mais elle ne pouvait pas se montrer dans cet état. Non, elle devait restée maître de ses sens comme Wirus le lui avait appris. Après tout ces efforts, ce n'était vraiment pas le moment de décevoir le maître. Heureusement, marcher dans le noir était suffisamment périlleux, pour qu'elle parvienne à se calmer. Ses yeux avaient beau être habitué à l'obscurité, il faisait toujours aussi sombre dans la pièce. La seule lumière disponible était celle de la lune, que des nuages farceurs s'amusaient à dissimuler régulièrement. Alors qu'elle ne savait même plus ou se trouvait sa droite de sa gauche, une voix retenti, la remettant dans le droit chemin. - S'il... s'il vous plaît ? J'aurais besoin de mains pour pas éternuer, c'est... pressé ? C'était une voix féminine, où perlait quelques minuscules éclats de panique. Suffisant néanmoins pour inquiéter la jeune femme. Même si elle n'avait pas tout compris, la voix étant comme étouffée par quelque chose, Eiluun sentait que l'on avait besoin de son aide. Cherchant la source du bruit, elle passa devant la fenêtre, où un rayon de lune l'éclaira vivement, lui montrant du même coup une forme étrange, au pied d'un lit. Une forme vivante, puisqu'elle s'adressa à elle. - Vous êtes une fée comme la fée bleue d'Eoliane ? Lentement, le pas encore mal assuré, Eiluun s'approcha de la silhouette. Petit à petit, elle pouvait distinguer un visage. Et un corps, apparemment coincé dans un étrange carcan. - Je suis désolée, je ne sais pas ce qu'est une fée. Elle s'arrêta quelques secondes, réfléchissant. Eoliane. Dans sa mémoire, il s'agissait d'une confrérie de Rêveurs vivant à proximité de l'Académie. Est-ce que le terme « fée » désignait les habitants de ces confréries ? Les habitants autres que les rêveurs ? Est-ce qu'il s'agissait d'un nom de code pour désigner ceux qui avaient été formé pour le maître ? Cela signifiait-il qu'il y en avait d'autres ? Venant d'autres confréries ? Elle sentit une pointe de jalousie l'envahir à cette idée. Elle voulait être la seule. C'était son destin à elle. Un souvenir de sa mère l'appelant ma petite fée lui traversa soudain l'esprit. Oui, peut importe ce que signifiait ce mot. Habitant d'Eoliane ou enfants formés pour la cause. Peut importe s'il y en avait d'autres. Elle était forcément une fée puisque le maître l'avait appelé ainsi ! - Oui, je me souviens, je suis une fée de Fériane, votre fée. Je ferais tout ce que vous me demanderez maître, ajouta-t-elle Lorsqu'on y regardait de plus prêt, et de ce que la faible lueur de la lune permettait de distinguer, le visage du maître était abîmé. Il avait les yeux gonflés comme si on l'avait frappé, et semblait ficelé dans des draps. Prisonnier. Qui avait osé piéger ainsi son maître. Parce qu'il s'agissait forcément du maître. Inconsciemment, il fallait qu'il soit le maître. Peut importe si en réalité, il ne l'était absolument pas. Paniquée à l'idée que quelqu'un ai pu vouloir du mal à son maître, Eiluun se jeta à genou à ses cotés. Les gestes rendus maladroits par l'angoisse, elle commença à entreprendre de le dégager. Mais les draps étaient sacrément entortillés. Sentant qu'elle n'arriverait à rien en essayant de démêler le tout, elle décida de déchiqueter les draps avec les dents. Après plusieurs essais laborieux, elle parvint à écorcher le tissu. Le déchirer fut ensuite tout aussi ardu. Mais de toute façon, elle n'aurait renoncé pour rien au monde. Elle ne renoncerait jamais. Enfin, le maître était dégagé et elle pouvait le voir dans sa totalité. Le maître était une jeune femme, aux longs cheveux, qui lui paraissait comme immense alors qu'elle n'était même pas debout. Elle avait des yeux doux. Qui avaient un côté apaisant lorsqu'ils se posaient sur elle. Un nuage facétieux passa devant la lune et les plongea à nouveau dans l'obscurité complète. Wirus dans un instant de colère, lui avait dit que son Don n'était qu'un embryon inutile. Mais, il lui avait aussi révélé qu'une fois associé à celui du maître, il ferait de grandes choses. Et une part d'elle même était trop curieuse, sûrement à cause de l'influence de Terra bien entendu. Sinon jamais elle ne se serait permise de telles pensées. Mais elle voulait essayer. Pour se prouver qu'elle l'avait bien trouvé. - Et si nous faisions de la lumière maître ?
[Explication : Eiluun est quasiment incapable de dessiner seule car elle possède un cercle de Volonté quasi inexistant. Par contre, si elle dessine avec quelqu'un (Voir la desmose dans Ewilan), elle peut faire de grande chose parce que son pouvoir et sa créativité sont assez imposants. Du coup, elle devient puissante avec n'importe qui (possédant un minimum de Volonté), et pas seulement le maître comme elle le croit]
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| Sujet: Re: "Don't you wanna sleep my broken darling" [Terminé] Sam 30 Mar 2013 - 19:07 | | | L'ombre bougeait pas trop et, malgré ses yeux gonflés, elle distinguait un peu, dans un rayon de lune, des formes un peu moins floues. Des longs cheveux un peu décolorés, étranges, blancs tirant sur le rose, un visage, pâle, des membres fins, des vêtements amples. On aurait dit qu'elle flottait ou qu'elle nageait. Peut être même que si il y avait eu un courant d'air, on aurait ou croire qu'elle s'envolait.
… Elle savait pas ce que c'était qu'une fée. Gwëll resta bouchée bée quelques secondes tant ça la surprenait. À vrai dire, elle n'avait jamais, certainement, croisé quelqu'un qui ne sache pas ce que c'était. Du coup, elle ne savait plus quoi répondre et l'autre non plus, donc c'était le silence. Et puis la fille rose avait parlé et finalement, elle se souvenait et elle était sûrement étrange, cette fille qui savait pas ce qu'elle était et puis en fait, si, mais Gwëll l'aimait déjà bien.
Donc elle était une fée. La fée rose de Fériane. Sa fée. Là, Gwëll suivait plus trop, parce qu'elle avait pas de fée et qu'en plus, elle savait même pas où était Fériane, donc ça devait certainement être une erreur et elle allait lui dire sauf que la fée de Fériane continuait à parler et que Gwëll aimait pas couper la parole, parce que c'était pas poli et qu'elle était une fille qui se voulait polie. Bref, elle s'apprêtait à lui dire mais un seul et unique mot l'en empêcha. Maître. C'était un terme qu'on ne lui adressait jamais, en temps normal et s'entendre appeler ainsi lui faisait bizarre. Pourquoi lui adresser un tel titre ? En plus, elle était sûre de pas s'être trompée en entendant. Maître.
La fille, soudainement s'était jetée sur elle et elle avait mordu très fort le drap dans lequel Gwëll était saucissonnée. Alors, elle avait eu très peur, peur de se retrouver avec une folle et peur que cette fille lui en veuille. Et l'autre tirait fort avec ses dents et en bougeant la tête dans tous les sens et c'était terriblement effrayant et Gwëll se dit qu'elle allait mourir, là, maintenant et qu'elle pouvait absolument rien y faire. Ses dernières pensées s'envolèrent vers Enelyë et Lya et Ichel et Attalys et toutes ses amies de toujours qui seraient plus jamais avec elle. Et le drap céda et la fille déchira tout et Gwëll fut libre.
Un instant, elle songea à se relever et à fuir très vite tant qu'elle pouvait, mais la fée de Fériane la regardait et elle sentait son regard rose qui ne quittait pas son corps. Gwëll commença à trembler, mais vraiment doucement et elle serra ses bras contre elle, contre son cœur pour le protéger et puis parce qu'en fait, ça lui faisait froid. Et l'ombre de l'appeler maître et de lui demander de dessiner. Enfin, pas de dessiner elle, mais de dessiner ensemble, puisqu'elle disait ''nous''. Et c'était étrange, mais cette idée de dessin à plusieurs éveillait en Gwëll des souvenirs de livres et des idées qu'elle avait toujours voulu expérimenter et, du coup, elle oubliait un peu qu'elle avait peur.
Elle sourit et plongea dans l'imagination pensant y trouver une petite trace rose comme celles qu'elle s'était entraînée à repérer en cours. Mais il n'y avait rien et les spires étaient comme un grand champ désert et avec de l'herbe à perte de vue. Elle ressortit et la fille la regardait toujours comme si elle attendait quelque chose, mais Gwëll ne voyait pas quoi, parce qu'elle pensait qu'on ne pouvait pas prendre les gens par la main pour les mener dans l'imagination.
Tu ne vas pas dans les spires, pour qu'on se rejoigne ?
Et la fille pencha la tête comme si elle ne comprenait pas ou que c'était stupide. C'était certain, l'énoncer comme ça, c'était stupide, parce que c'était comme entendu, pour dessiner, il fallait avant tout se glisser dans les spires et chercher ce que l'on voulait. Mais peut être que dessiner à deux, c'était pas pareil et certainement parce que la fille, elle avait l'air de savoir dessiner à deux, mais pas aller dans les spires et elle en savait certainement plus qu'elle, si elle l'avait déjà fait.
Alors certainement que ce pluri-dessin, c'était un peu différent du vrai dessin et elle était drôlement embêtée, parce que l'autre comptait sur elle et qu'elle trouvait ça nul de lui dire qu'elle savait pas comment faire, qu'elle croyait que c'était que dans les histoires et qu'elle savait même pas comment il fallait s'y prendre.
Tu sais pas comment aller dans l'imagination ?
L'autre fit non de la tête et Gwëll pensa que certainement, elle ne savait même pas ce que c'était, l'imagination. La tâche s'annonçait ardue.
Eh bien, essaye, tu fermes les yeux et tu penses très fort à la lumière que tu veux dessiner, d'accord ? Je vais essayer de te trouver, tu me sentiras peut être, dans ce cas, suis moi !
Elle même ferma les yeux et elle attendit quelques secondes où elle se dit que peut être, elle devrait partir, tout de suite à l'instant parce que l'autre avait les yeux fermés et qu'elle verrait rien. Mais c'était pas gentil et ça correspondait pas du tout à elle. Donc elle se glissa à nouveau dans les spires. La plaine s'étalait encore, vide, devant ses yeux. Pas de présence, pas de trace, rien. Quoique ? Vraiment minuscule, à la limite de l'imperceptible, une emprunte rosée, comme un nuage de couleur, quelques pigments à peine, lancés en l'air.
Elle s'approcha et elle toucha le nuage du bout de la pensée. Puis elle murmura de venir et le nuage l'entoura. Un instant, elle fut prise de peur parce que la brume, dans les livres, c'était toujours un sort terrible ou un mauvais présage. Mais ça passa et elle se lança à l'ascension des spires.
Tu es là ? On va essayer...
S'adresser ainsi à une simple présence aussi ténue lui semblait étrange, mais elle avait besoin d'être rassurée, d'être sûre que ce nuage rose, c'était bien la fée rose et pas un piège quelconque destiné à la perdre. Elle progressait doucement et son objectif s'approchait à chaque seconde davantage, mais elle ignorait si elle pourrait agir de la même manière que quand elle dessinait seule en travaillant avec la fille. C'était peut être étrange, mais elle sentait qu'elle ne voulait pas la décevoir. Qu'elle ne devait pas la décevoir. |
| | Messages : 73 Inscription le : 09/01/2011 Age IRL : 32
| Sujet: Re: "Don't you wanna sleep my broken darling" [Terminé] Mer 3 Avr 2013 - 14:43 | | | A l'intérieur, Eiluun frémissait d'impatience. D'impatience, d'anticipation, mais aussi un peu d'appréhension. C'était une sorte de test à double tranchants. Si l'autre jeune fille réussissait, alors cela prouverait qu'elle était bien le Maître. Si elle-même réussissait, cela montrerait qu'elle était bien sa Fée, l'élue. Toute à ses sentiments emmêlés, Eiluun ne s'aperçut pas des petites lueurs de doute qui traversaient les yeux noisettes de son vis à vis. Pas plus qu'elle n'avait vu celles de peur lorsqu'elle s'était jetée sur elle. Non, la seule chose qu'elle vit, lorsqu'elle releva la tête, c'était son sourire. Le Maître semblait emballée par l'idée de Dessiner avec elle et c'était l'essentiel. Oui, devant ce sourire, Eiluun ne se sentait plus de joie, et son impatience se fit plus grande encore, tendant chacun de ses muscles. Sauf que rien ne se passa. En réalité, Eiluun n'avait aucune idée de ce qui devait se passer. Elle n'avait jamais Dessiné. Depuis qu'elle était passée sur le banc de l'analyste, Wirus lui avait dit qu'elle ne serait jamais une Dessinatrice. Qu'elle n'était qu'une source de pouvoir. Ce jour là, elle avait sentit dans sa voix combien il était déçu, sans qu'elle ne comprenne vraiment pourquoi. Elle n'avait pourtant pas eu l'impression de faire quelque chose de mal. Néanmoins à partir de ce jour, il avait intensifié son cours d'épée et avait renoncé à lui apprendre le Dessin. Et pourtant, elle était inscrite à l'académie comme élève Dessinatrice. C'était étrange quand on y pensait. Mais c'était peut être parce que Wirus savait pertinemment qu'elle ne resterait pas à l'académie comme élève mais juste comme une arme. Oui, c'était étrange quand on y pensait. Mais après tout Eiluun ne pensait pas. Mais même si elle ne savait pas ce qui devait se passer, elle savait qu'il devait se passer quelque chose. Et pas juste rien.
« Le Maître t'apprendra » lui avait dit Wirus. Et il avait eu raison puisque c'était exactement ce qu'elle allait faire. - Tu ne vas pas dans les spires, pour qu'on se rejoigne ? Les Spires. Eiluun ne savait absolument pas ce que ce mot voulait dire. Oh oui, elle l'avait déjà entendu bien sur. Dans la bouche de Dessinateur de passage à Fériane notamment. Ou même dans celle de Wirus, lorsqu'il ne s'adressait pas à elle. Elle se souvenait même qu'une fois sa mère lui avait parlé des Spires, lorsqu'ils étaient enfants. Mais pour elle ce n'était qu'une histoire. - Tu sais pas comment aller dans l'imagination ? Imagination. Encore un mot presque inconnu. Naturellement, elle savait ce que voulait dire imaginer. Tout le monde imaginait des choses. Surtout le soir avant de dormir ou lorsqu'on s'ennuyait. Mais elle avait l'impression que ce mot dans la bouche du Maître avait un tout autre sens. Lentement, la jeune fille secoua sa tête de gauche à droite. Spires, Imagination... Oui malgré son air assuré Eiluun ne savait absolument pas Dessiner à deux. - Eh bien, essaye, tu fermes les yeux et tu penses très fort à la lumière que tu veux dessiner, d'accord ? Je vais essayer de te trouver, tu me sentiras peut être, dans ce cas, suis moi !
Alors Eiluun obéit. Comme elle savait si bien le faire. C'était son moment. Le Maître allait la guider comme promis. Alors, elle abaissa ses paupières cachant l'éclat rougeâtre de ses yeux. Alors, elle concentra toutes ses pensées sur cette jolie lumière qu'elle voulait Dessiner. Soudain quelque chose d'étrange se passa en elle. Comme si un monde entier s'ouvrait devant elle. Un sentiment d'immense liberté l'envahit. Comme si un milliard de chemin, un milliard de possibilités s'offraient à elle. Pourtant, elle n'était pas particulièrement prisonnière non ? A cette pensée, elle sentit quelque chose la tirer en arrière. Comme si ce monde la rejetait, comme si tous les chemins se fermaient. Elle essaya de vaincre la panique qui l'envahissait à l'idée d'échouer si prêt du but, et se concentra sur la lumière. Juste la lumière. Comme le Maître le lui avait demandé. Et elle était là à nouveau, à l'entrée des chemins. Mais pas plus loin. Comme si quelque chose l'empêchait d'avancer. Comme si elle n'en avait pas la force. Ou la volonté. Soudain, elle sentit une présence à côté d'elle. Une silhouette qu'elle ne pouvait pas vraiment voir mais qu'elle sentait parfaitement. - Tu es là ? On va essayer...
Le maître était là. Avec elle, dans ce monde étrange qu'il appelait Imagination. Il ne l'avait pas abandonné. Il était forcément le Maître. Elle n'en doutait plus maintenant. Il ne lui restait plus qu'a ne pas le décevoir. Oui, elle ne voulait pas la décevoir. Oui, elle ne devait pas la décevoir.
A côté d'elle, la silhouette commença à s'engager sur un des chemin devant eux, une des Spires. Et Eiluun cru mourir de joie lorsqu'elle s'aperçut qu'elle pouvait la suivre sans encombre. Alors qu'elles avançaient, guidés par la silhouette, Eiluun regardait tout autour d'elle tentant de comprendre comment fonctionnait ce monde. Elle ne pouvait pas s'éloigner du Maître, elle avait définitivement besoin de sa présence pour aller de l'avant. Mais lorsqu'il était là, elle avait le sentiment étrange qu'elles pouvaient prendre n'importe quel chemin. Comme si ce qu'elles faisaient n'avait pas de limite. Un peu comme si sa présence faisait sauter des verrous invisibles. Une pensée un peu prétentieuse peut-être, mais c'était réellement ce qu'elle ressentait. Peut-être que Wirus avait raison. Peut-être qu'elle n'était pas une Dessinatrice. Peut-être qu'arpenter les spires était pour elle aussi dangereux et impossible que de marcher sur du verre brisé. Mais peut être qu'elle était belle et bien une source de Pouvoir et de Créativité. Peut-être qu'elle était la clé qui permettrait aux Dessinateurs de sillonner les Spires sans limites. Soudain, Eiluun sentit qu'elles étaient arrivées. Elle fit quelques pas, jusqu'à calquer sa propre conscience sur celle de la silhouette. Elle vit alors une boule de lumière douce apparaître et se glissa à l'intérieur. Elle pouvait en sentir le moindre détail. Et mieux encore, pouvait la modifier à sa convenance. Même dans la plus infinie nuance. Alors, elle sentit comme si quelque chose explosait, et instantanément rouvrit les yeux. Elle était à nouveau dans l'infirmerie. Mais ce n'était pas une simple boule de lumière qu'elles avaient dessiné, mais comme un océan de clarté aux reflets nacrés bleus et roses. Eiluun sourit comme elle n'avait jamais sourit. La preuve était là. Dans cette pièce entièrement éclairée. Elle était le Maître. Et elle était sa Fée.
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| Sujet: Re: "Don't you wanna sleep my broken darling" [Terminé] Ven 5 Avr 2013 - 16:46 | | | C'était à la fois tout pareil et complètement différent. À chaque pas qu'elle faisait sur cette voie qu'elle connaissait, elle découvrait des nouvelles issues, de nouveaux chemins. Étrange paradoxe qui faisait qu'elle découvrait ce qu'elle savait déjà.
Elle évoluait lentement, prenant le temps de regarder bien autour d'elle, s'imprégnant du moindre détail. Elle était à son aise dans les spires, dans ses spires et celles là changeaient peu sa manière de se mouvoir si ce n'était qu'elle devait prendre gare à ne pas perdre la fille rose. Et ce n'était pas une tâche aisée. L'ombre rose ne tenait pas en place. Curieuse de tout, elle volait en tous sens et, parfois, Gwëll avait l'impression de la perdre, quand elle sortait trop longtemps de son champ de vision. Et alors, les spires semblaient perdre en éclat, en possibilités.
Gwëll se demanda un instant si l'imagination avait un visage différent pour chaque personne avec laquelle on dessinait et elle se promis d'essayer avec d'autres pour voir. Les spires étaient elles différentes pour tous ? Dessiner à plusieurs était il la réunion des spires de chacun ? Certainement que la professeur de dessin pourrait lui répondre, mais encore fallait il qu'elle pense à lui demander. Elle songea d'ailleurs qu'ils n'avaient jamais dessiné de cette manière en cours et que c'était tout de même étrange même si pas complètement, puisque ça devait être compliqué à mettre en place pour un groupe aussi grand qu'une classe. C'était d'ailleurs certainement pour cette raison que Myra devait y avoir renoncé pour l'instant. Mais l'heure viendrait certainement.
L'essence de Gwëll s'arrêta et contempla l'idée qui lui faisait face. La fée rose avait parlé de dessiner de la lumière et elle se demanda si son choix était le bon. Elle avait opté pour une sphère de lumière pure et donc une quelconque source telle qu'aurait pu être une flamme. Elle s'approcha, tendit vers la notion. De ses doigts imaginaires, elle la modula. Mais, pour la première fois depuis qu'elle avait commencé à utiliser son don, elle sentit que le dessin lui résistait. Même plus, qu'il allait en sens contraire. Elle relâcha sa pression mentale et l'image se modifia instantanément. Elle l'observa, circonspecte.
Puis elle se souvint qu'elle n’œuvrait pas seule. Elle avait oublié cet aspect des choses et il changeait complètement la donne. Curieuse, elle opposa ses idées à celles de la fée. De rose, la boule vira violette, puis lavande. Tendit vers le bleu. Et redevint brusquement fuchsia. Gwëll fut sidérée. Certainement que, aidée par la situation, elle avait sous estimé l'autre. Mais c'était une erreur car, pour quelqu'un qui n'avait jamais au grand jamais arpenté les spires, la fille était d'une puissance incroyable.
Elle ploya et bascula le dessin dans la réalité. Gigantesque, à l'aura éclatante, la lumière semblait dévorer la pièce jusqu'à ses moindres recoins. Tout, absolument tout était nimbé d'un halo éblouissant. Parfaitement mauve, les rai de lumière se projetaient en toutes directions. Gwëll referma les yeux une seconde et modifia légèrement le dessin, le faisait passer au bleu teinte par teinte.
La couleur s'atténua doucement et l'intensité déclina un peu. À travailler seule, elle n'avait pas retrouvé cette voie royale vers la puissance. Ses yeux s'habituèrent doucement à la lumière et elle se tourna vers l'autre fille.
Tu n'avais vraiment jamais dessiné ?
Maintenant encore elle était étonnée par autant de puissance. Certes elle n'omettait pas le travail à deux, mais l'exploit restait tout de même impressionnant et Gwëll était admirative. Et un peu envieuse, aussi, mais quoi de plus naturel ? |
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| Sujet: Re: "Don't you wanna sleep my broken darling" [Terminé] Sam 6 Avr 2013 - 2:25 | | | Eiluun flottait dans le plus tendre des nuages. Un nuage de lumière rose et bleue. Un nuage de coton et de soie. Un nuage de légèreté et surtout de liberté. Bien sur, en réalité son corps était toujours sur le sol, rivé par les dures lois de la gravité. Mais ses pensées, elles vagabondaient dans l'immense champ des possible qui lui était à présent ouvert. Jamais elle n'aurait imaginé que cela puisse être si magnifique. Jamais elle n'avait ressentit une telle euphorie. Et surtout jamais elle ne se serait permise de ressentir une telle chose avant. Mais justement, il lui semblait que quelque chose en elle venait de changer. Qu'il y avait un avant. Et qu'il y aurait un après. Aussi bien parce qu'elle avait enfin trouvé son maître que parce que celui ci lui avait offert le plus précieux des cadeaux. Et d'ailleurs, à part les bouquets de fleurs sauvages de Kleyran, jamais personne ne lui avait offert de cadeau.
Elle ne comprenait vraiment pas pourquoi Wirus n'avait jamais voulu lui montrer cette merveille. Pour la première fois de sa vie, elle ressentait un peu de rancoeur contre quelqu'un. De la déception même. Mais elle fit vite taire ces pensées malsaines. Wirus l'avait élevé, formé, éduqué. Il avait joué auprès d'elle à la fois le rôle du père et celui de la mère, puisqu'Ambre n'avait jamais cherché à être là pour elle. S'il avait voulu la tenir éloignée des Spires, c'est qu'il avait sans doute d'excellentes raisons. Peut être justement dans le but de la préserver, de la réserver pour le maître. Pour que cette première fois les lient, le maître et elle, à jamais.
Car ce qu'elle avait accompli, non ce qu'elles avaient accomplies, dépassait tout ce qu'elle aurait pu un jour concevoir. Dessiner. Maintenant ce mot ne sonnait plus comme un but en soi, une simple mission formelle, non. Il résonnait contre ses oreilles comme le nom de la plus douce des friandises. Comme la saveur du plus moelleux des clafoutis sur ses papilles. Et elle n'espérait qu'une chose. Plus que tout au monde. Que le maître lui permette de recommencer aussi souvent que possible.
Parce qu'elle savait que sans son accord, sans sa présence même, elle ne pourrait revoir ce monde. Elle senti alors grandir en elle une petite frustration. Ce qu'elle avait accompli, elle ne l'avait pas fait seule. Elle ne le ferait jamais seule. Elle n'en avait pas la capacité. Pas la Volonté. Il lui faudrait toujours quelqu'un avec elle dans les Spires. D'une certaine manière, elle ne serait jamais entièrement libre, même pas dans ce merveilleux monde. Désormais il lui faudrait toujours un guide, un Maître. Sur terre comme dans les Spires. - Tu n'avais vraiment jamais dessiné ? Demanda la voix de la jeune femme.
Eiluun se tourna vers celle qui serait dorénavant son Maître et lui sourit. Après tout, qui était elle pour prétendre vouloir se passer du maître. Elle avait été élevé dans le but de le servir et c'est à ses côtés qu'elle devait se sentir libre. Car c'est ce qu'elle était, et ce qu'elle avait toujours été, libre. La lumière diffusait toujours dans la pièce et elle pouvait la voir jouer entre ses mèches redevenus presque blanches. Jouer avec leurs reflets roses, restes de teintures, restes de cet avant. Ce n'était qu'une simple lumière après tout. Et pourtant, il lui semblait ne jamais avoir rien vu de plus beau. Alors qu'adviendrait-il lorsqu'elle Dessinerait quelque chose de plus complexe ? Apprendre. Soudain, elle en mourrait d'envie. De suivre les cours, d'explorer les Spires dans tous leurs recoins, tous leurs méandres. Elle regrettait même de ne pas avoir déjà commencé, de s'être trouvée mal dans ce couloir et d'être restée endormie dans cette infirmerie. Mais elle savait qu'on ne pouvait changer les choses. Mieux encore, que toute chose avait un fondement, qui se livrait de lui même lorsqu'était venu l'heure. Et c'était exactement ce qu'il était arrivé. En se réveillant ici, elle avait trouvé son Maître. Et le Maître l'avait trouvé. Et d'elles était née cette fabuleuse lumière. - Non... Je n'avais jamais dessiné... Jamais... murmura-t-elle.
Elle se redressa lentement sur ses jambes encore un peu fragiles. - Et je n'aurais jamais pu sans vous Maître... Jamais.
Elle ferma les yeux, dans un ultime espoir, tentant de replonger dans son pays des merveilles. Mais, à nouveau, elle se retrouva coincé à l'entrée. Comme une damnée devant les grilles du paradis. Elle le savait pourtant, mais n'avait pu s'empêcher de vouloir essayer. Et elle avait la certitude que quelque chose, au fond d'elle même, la pousserait à essayer de nouveau. Jusqu'à ce qu'un jour, elle y parvienne. Peut être. Elle l'espérait sans vraiment y croire. Et à l'instant, même sans le vouloir vraiment. Parce que d'un côté, l'idée de repartir la bas, seule, avait un petit quelque chose d'effrayant. Elle n'aimait tellement pas être seule.
Pour lors, le Maître était donc sa propre clé. Sa clé des champs, sa clé du paradis. Soudain une pensée terrifiante lui traversa l'esprit. Et si... Et s'il la refusait ? Si il l'a rejetait ? Si elle n'était pas assez bien pour lui ? Eiluun ne savait pas si elle supporterait de vivre sans jamais plus pouvoir dessiner. Sans parler du fait de vivre sans son Maître. Elle rouvrit les yeux et les plongea dans ceux de la jeune fille. - Et maintenant... est ce que vous acceptez que je sois votre fée... ?
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| Sujet: Re: "Don't you wanna sleep my broken darling" [Terminé] Sam 13 Avr 2013 - 19:19 | | | Gwëll tentait de se rappeler comment était la vie avant le dessin. Étonnement, dans chacun des souvenirs qu'elle parvenait à faire remonter de sa mémoire, le dessin était présent. Comme si il avait toujours été là, toujours été en elle. À croire qu'elle l'avait toujours utilisé. Pourtant, elle le savait qu'il était apparu relativement tard, récemment, même.
Paraît il que les souvenirs peuvent changer. À vrai dire, ils ne changent pas dans leur matière ni dans leur histoire, mais ce sont des petits détails qui se modifient. Ils se modifient imperceptiblement, en fait et c'est parce que c'est progressif qu'on ne s'en rend pas compte. C'est pourquoi, petit à petit, notre mémoire évolue. Et à la fin, elle n'est plus du tout pareil et pourtant, elle nous semble ne pas avoir bougé. Paraît il qu'on peut inventer des souvenirs. Est ce que ce sont seulement encore des souvenirs, si on les invente ? On ne peut tangiblement pas se souvenir de quelque chose qui ne s'est pas passé. Mais peut on se souvenir de quelque chose que l'on a pensé très fort et qui a fini par devenir une vérité ? Certainement, puisqu'on se souvient de choses qu'on a pensées ou dites, la mémoire n'est pas uniquement visuelle ou sensitive.
Gwëll s'interrogeait. En réalité, elle avait entendu parler, récemment de maladies du cerveau et de la mémoire et de gens qui devenaient fous et qui racontaient n'importe quoi. Et elle s'inquiétait de ne se souvenir de rien qui ne retrace sa vie avant le dessin, uniquement de ce qui était après ou, du moins, que ça mémoire avait classé comme après. Elle rangea l'idée dans un coin de son esprit. Ce n'était pas le moment de penser à cela.
Elle fixa son regard encore bien inefficace sur la fille et se fit la réflexion qu'elle semblait étrange. En fait, elle ne savait pas dire quoi, mais il y avait quelque chose chez cette fille qui la dérangeait. Non qu'elle soit désagréable ou qu'elle la dérange, loin s'en faut, mais elle avait une sorte de quelque chose qui était déstabilisant. Peut être dans sa manière de se déplacer qui était peu assurée ou alors les mots qu'elle employait entre lesquels semblait se passer un monde. Elle butait beaucoup. Sur les mots dans ses phrases, sur des meubles invisibles dans ses gestes.
Et puis, il y avait ce terme. Maître. Terriblement angoissant et à la fois valorisant. Gwëll ignorait ce qu'il signifiant réellement, dans le fond et se demandait ce qui lui valait un tel titre. Avait elle fait quelque chose de particulier ? Et puis cette sorte de culte qu'elle lui voyait qui la gênait un peu. C'était ce vouvoiement, cette manière de sous entendre qu'elle était dépendante. Elle arrivait presque à en avoir peur. S'était elle engagée dans une voie de responsabilités ? Enfin la question. Le coup de grâce. Elle hésitait à répondre que non. Que personne ne l'avait jamais lié à aucune fée et que jamais elle ne serait maître puisque déjà elle ne savait pas se gérer elle même. Mais d'un coté, elle était attendrie par cette douceur, cette naïveté chez cette fille et elle se retrouvait un peu en elle. Elle avait peur pour elle, en s'engageant mais elle avait peur pour l'autre en refusant. Elle était si fragile, en fait qu'il semblait qu'une désillusion telle que celle que serait un refus la briserait à tout jamais.
Tu peux m'appeler Gwëll, tu sais. Et puis me tutoyer, aussi, on doit avoir le même âge, je pense.
Et elle voulait se mordre les doigts. Devait elle accepter ou refuser ? Montrer son hésitation, peut être ? Mais ce serait déjà une forme de refus, pour sûr. On n'hésite que quand on n'est pas sûr de vouloir. Et quand on n'est pas sûr de vouloir, c'est comme si on ne voulait pas à moitié.
Tu es déjà la fée de quelqu'un ?
Serais-je la première ? D'autres ont ils refusé ? Je ne sais pas m'engager pour moi alors pour les autres, imagine seulement... |
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| Sujet: Re: "Don't you wanna sleep my broken darling" [Terminé] Lun 15 Avr 2013 - 19:48 | | | Gwell. C'était d'abord moelleux en bouche, comme un bonbon tout sucré, une guimauve tendre, un caramel hypocoristique. Et puis après c'était l'envol. Un son aérien qui appelait au rêve. Gwell, Gwell, Gwell. Dame ! Qu'elle aimait ce prénom ! Comme elle avait envie de le répéter, de le murmurer, de le susurrer comme une litanie. Mais aussi de le crier sur tous les toits comme une requête. Oui, elle adorait ce nom. Véritablement. Elle le trouvait si doux en comparaison du sien, plus sourd et plus dur. Oui, ce prénom lui plaisait. Et pas seulement parce que c'était celui du Maître. Toute à ces délicieuses pensées, elle ne réalisa pas tout de suite ce que venait de lui dire la jeune femme. Et lorsque l'information parvint à son cerveau, se faufilant entre les neurones saturés de Gwellitude, toutes ses pensées se turent d'un coup. C'est simple, si elle avait laissé transparaître ses émotions, elle aurait été littéralement bouche bée. Mais heureusement son étonnement tout comme sa dévotion au prénom du Maître n'étaient presque pas visibles sur son visage. Elle lui avait demandé de la tutoyer. De la tutoyer ! Jamais Wirus ne le lui avait proposé. Même si l'homme usait continuellement du « tu » à son égard, jamais l'inverse n'avait été vrai. Et pourtant, ils avaient vécu ensemble pendant près de 15 ans. Et elle, cette jeune femme, son véritable maître, elle lui donnait directement l'autorisation. Presque comme un ordre. Le plus doux des ordres.
Eiluun sentit son coeur louper un battement, peut être deux même, avant de reprendre son rythme régulier et monotone. Elle se sentait étrange. Elle avait chaud à l'intérieur d'elle-même et pourtant, elle n'était pas fiévreuse. Pas comme lorsqu'elle s'était effondré dans le couloir. Oui, un feu était né dans son ventre. Pas un feu brûlant et dévorant, mais un feu réconfortant. Elle se sentait presque pousser des ailes. Un peu comme lorsqu'elles avaient Dessiné tout à l'heure. Comme si le maître et elle était véritablement en train d'entrer en communion. Si c'était vraiment le cas, la sensation était au delà de tout ce qu'elle avait pu imaginer. Jamais elle n'avait eu une telle chaleur en elle, lorsqu'elle se trouvait avec Wirus. Seul Ambre ou Kleyran avait pu parfois provoquer cela. Mais c'était il y a tellement longtemps... Une famille. Ce mot était tellement flou pour la jeune fille. Ambre, Kleyran, Wirus, tous avaient fait partis de sa famille. Elle ne savait pas vraiment ce que cela signifiait ou impliquait, mais c'était comme cela qu'on lui avait présenter les choses. Mais est-ce que Maître Gwell pouvait faire partie de cette famille ? Est ce que ce feu était un signe que cela devait se faire ? Mais alors Wirus ne devait pas faire partie de cette famille, or il l'avait élevé. Tout ce mélangeait dans sa tête, et elle n'en avait vraiment pas l'habitude. Elle comprenait mieux pourquoi Wirus lui avait toujours répété de ne pas se poser de questions, de laisser les choses s'expliquer d'elles-mêmes. C'était beaucoup trop compliqué pour elle de s'interroger sur tout cela. C'était mieux finalement que cela ne soit pas son rôle. Après tout, peut-être que c'était juste leur lumière qui avait réchauffé l'atmosphère de la pièce et que toutes ses élucubrations n'avaient absolument pas lieu d'être. Oui, elles n'avaient absolument pas lieu d'être. Son rôle à elle, c'était de répondre au Maître. - Je m'appelle Eiluun...
Soudain, elle réalisa que le maître lui avait juste donné son prénom. Juste le prénom. Comme si elles étaient égales. Comme si... Peut être qu'après tout c'était normal. Peut être que la relation qu'elle pourrait avoir avec la jeune femme serait différente de celle qu'elle avait pu avoir avec Wirus ? Peut être que c'était cela le rôle du véritable maître. Alors elle aussi, elle serait juste Eiluun. Tant pis pour le Kil'Eliam. Après tout, elle ne savait pas vraiment ce qu'il signifiait. Juste que Kleyran et Ambre le portaient aussi. Mais pas Wirus. Wirus lui, lui avait dit qu'il lui ouvrirait des portes. Mais aucune de celles qui la menait à Gwell ne semblait fermée. Au contraire. Lorsqu'elles avaient dessiné ensemble, Gwell était venu la chercher. Et elle-même lui avait ouvert des chemins. Elle était sa propre clé. Elles étaient chacune la clé de l'autre. - J'ai 19 ans... Et v... toi ?
19 ans, enfin peut être. Lorsqu'elle avait quitté le bureau de l'Intendant, elle en avait 19. Et elle n'avait sûrement dormi que quelques semaines. Un ou deux mois tout au plus. Elle pensa à Kleyran tout à coup. Le jeune homme venait toujours la voir pour leur anniversaire. Elle ne comprenait pas toujours en quoi c'était si important comme jour, mais cela faisait plaisir à Kleyran. Souvent Maître Wirus ne le laissait pas rester trop longtemps, il n'aimait pas beaucoup qu'elle soit avec lui. Depuis que son frère avait quitté Fériane, il lui envoyait un petit mot. Alors elle l'aurait sûrement su si elle avait dormi si longtemps.
- Tu es déjà la fée de quelqu'un ?
Face à la question de son Maître, Eiluun prit quelques secondes pour réfléchir. Les choses n'étaient clairement pas aussi simples et il lui fallait du temps pour trouver comment les formuler de la meilleure manière. - Je n'ai pas vraiment été la fée de quelqu'un. Mais j'ai déjà eu un Maître. C'est lui qui m'a élevé. Mais je n'étais pas vraiment sa fée. Il me préparait pour qu'un jour, je puisse être vot... ta fée.
Eiluun réalisa qu'elle n'avait jamais été aussi bavarde jusqu'à maintenant. Avait-elle bien fait ? N'était-ce pas sortir de son rôle ? Mais après tout, c'était la jeune femme elle-même qui l'avait interrogée. Qui s'était intéressée à elle ! Alors ce n'était pas égoïste de vouloir lui expliquer. Juste naturel. Et puis la jeune fille semblait si gentille, si ouverte. Comme s'il n'y avait vraiment pas de barrière entre elle. Aucune barrière, même pas la plus fine et la plus transparente qui soit. Alors, pour la première fois de sa vie, elle avait tellement envie de parler. De lui parler.
- Tu es à Lotra non ? Vu ton uniforme bleu ? C'est bizarre, Jehan m'a dit que le dortoir avait été détruit. C'est pour ca qu'il m'a mise à Felixia.
Oui, envie de parler. Pour tout et ne rien dire. Sans aller trop loin tout de même. Parler, d'elle, d'elles. Juste pour crever cette bulle. Cette bulle de règles et de silence. Cette bulle d'absences.
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| Sujet: Re: "Don't you wanna sleep my broken darling" [Terminé] Mer 24 Avr 2013 - 0:28 | | | C'était une sensation étrange qui l'avait prise. Un impression d'importance, comme si elle découvrait qu'elle pouvait servir à quelque chose et que d'un coup, sa vie s'éclairait. Parce que c'était un peu ça, jusque là, elle avait su aider, réconforter, parler, écouter, exister pour elle même, mais jamais elle n'avait vraiment compté autant pour quelqu'un. Certes, il y avait Juliet et puis les Aequor pour qui elle était un peu importante, mais on ne la considérait pas d'un telle manière et surtout, personne n'avait cette lueur dans les yeux en la regardant. Une lueur, oui, celle là, jamais.
Gwëll se redressa un peu et elle s'adossa à la commode derrière elle. Elle ramena ses genoux contre elle et regarda la lueur décliner doucement avant de disparaître. Dans ses yeux, c'était un peu comme ces fois où elle regardait le soleil décliner sur l'horizon et puis disparaître. Quand la nuit tombait et qu'il n'y avait plus un seul rayon de soleil, les étoiles dansaient encore un peu devant ses yeux en un ballet plein de couleurs vives et puis juste après, le noir le plus complet. Elle sentit la fille bouger, mais certainement pas plus qu'avant, c'était juste qu'elle y voyait absolument plus rien du tout. Un semblant de clair de lune revint et la fille lui dit son nom.
Eiluun, c'était un nom de douceur et de gentillesse et ça faisait irrémédiablement penser à Gwëll à une clairière baignée par la lumière de la lune et elle avait aucune idée de pourquoi, même si elle n'excluait pas l'hypothèse que ça pouvait être lié au fait que c'était la nuit et que la seule lumière qui éclairait la scène devant elle provenait des étoiles. Elle ferma les yeux quelques secondes le temps de laisser son esprit s'imprégner de la dénomination. Parce qu'elle avait toujours du mal, avec les noms et que se concentrer comme ça, un peu, ça lui faisait du bien et ça l'aider à fixer un peu mieux tout ça.
Eiluun avait dix-neuf ans et ça faisait bizarre, pour Gwëll, de se dire que cette fille qui l'appelait maître était plus âgée qu'elle. Significativement plus âgée, d'ailleurs. Enfin, il n'était question que de deux ans, mais pour Gwëll, c'était les deux années les plus importantes, au même titre que deux enfants de un et trois ans ont beaucoup de différence.
J'en ai dix-sept, moi.
La fée sembla s'en accommoder aisément et elle ne rajouta rien. Alors Gwëll l'interrogea un peu plus sur elle, ce qu'elle était et ce que racontait son passé. Elle était curieuse d'en savoir plus par rapport à cette histoire de fées et elle aurait aimé que la jeune fille lui raconte tout depuis le début, mais certainement que pour elle c'était entendu, alors elle ne s'étendit pas trop en détails.
Tu l'avais rencontré où, ton maître ? Je veux dire, c'est venu comme c'est venu pour nous deux ?
Parce que maintenant, elle le ressentait, ce lien entre elles, cette impression de satisfaction quand elles échangeaient. Ce devait être ça qui faisait d'elle ce maître et de cette fille cette fée. D'ailleurs, y avait il une hiérarchie, entre elles ? Il lui semblait bien, parce que le ton qu'elle mettait dans ses mots, quand elle l'appelait maître ou la lumière dans ses yeux quand la lune les laissait paraître voulait dire bien des choses et parfois, Gwëll avait un peu peur que ça aille loin, tout ça, trop loin. Parce qu'être maître ne la gênait pas directement, mais l'idée d'avoir une quelconque autorité sur quelqu'un la dérangeait. Elle avait toujours vécu à la même hauteur que les autres, s'élevant ou se rabaissant au besoin et elle craignait de devoir prendre l'ascendant sur une âme quelle qu'elle soit.
Eiluun la sortit de ses pensées en lui faisant remarquer qu'elle portait l'uniforme bleu de Lotra. Certes c'était vrai, d'une certaine vérité, puisqu'elle avait récupéré en entrant à Aequor son uniforme de Lotra, mais d'un coté, ce ne pouvait être l'entière vérité, à sa grande tristesse puisque Lotra n'était plus. Elle songea que ce pouvait être un choc, pour la fille, d'apprendre que ce qu'elle connaissait n'existait plus, alors elle choisit d'y aller doucement. Elle s'agenouilla, saisit doucement les mains de sa fée et l'invita à se lever. Puis elle s'assit sur le lit le plus proche et fit signe à Eiluun de s'asseoir à coté d'elle. Et puis elle lui lâcha les mains et elle se remit dans sa position de base, les jambes contre la poitrine, les bras autour des genoux.
Tu sais, je suis pas à Lotra parce que le dortoir a vraiment brûlé. Mais il n'y a plus non plus ni Felixia ni Corbac ni Lupus. En fait, ces maisons là n'existent plus, parce qu'il y en a de nouvelles. Maintenant, je suis à Aequor. Vu que tu étais à Felixia et qu'on ne t'a rien dit, je pense que tu es à Kaelem, maintenant.
Dans la pénombre, elle distinguait mal les mouvements d'Eiluun, mais elle ressentait son trouble. Et elle la comprenait. Elle ne savait pourquoi, cette fille avait été projetée du passé vers le présent et cette chute devait, lui semblait il être violente pour un être aussi sensible.
Comment se fait il que tu ne saches pas ça, au juste ? Le dortoir de Lotra a brûlé il y a un peu longtemps, quand même, le soir où tout le monde s'est battu.
Elle s'en souvenait, d'ailleurs, de ce soir là, même si elle aurait bien préféré ne pas le savoir, certains jours, parce qu'il arrivait que ce soit lourd à porter et qu'elle avait de bien frêles épaules, d'ailleurs, c'était pour ça qu'elle était pas guerrière. Et puis parce qu'elle avait peur du sang, aussi, mais c'était une autre histoire, ça.
D'ailleurs, je pense que je sais qui l'a fait brûler... C'était une fille horrible, avec des cicatrices et des yeux qui lançaient des éclairs. Elle a aussi essayé de me faire brûler...
L'avantage qu'avait Gwëll vis à vis de certains de ses camarades, c'était sa mémoire. Car, certes elle ne se souvenait pas de toutes les leçons et elle oubliait pas mal les prénoms, mais au moins, certains jours, cela allégeait a charge qu'elle portait. Parce que si elle y pensait, parfois, souvent elle n'y pensait plus et son esprit en était d'autant plus léger. D'ailleurs, vu sa sensibilité, si elle avait du porter ses souvenirs chaque jour autant, ses épaules n'auraient certainement pas tenu. La nature l'avait bien faite, sensible, mais pas cérébrale.
Elle m'a enfermée dans les écuries et puis... Et puis elle y a mis le feu...
Sa voix était prise de sanglots discontinus qu'elle parvenait encore à contenir, mais serait ce seulement pour longtemps ? Elle ne voulait pas se laisser aller à pleurer devant la fille parce qu'elle ne la connaissait pas assez, déjà, mais aussi parce qu'elle avait l'étrange impression que si elle se mettait à pleurer, l'autre en irait aussi de ses larmes. Et si l'infirmière les trouvait dans cet état là, ça n'irait pas bien du tout pour elle. Alors elle serrait les paupières et elle se concentrait sur la boule dans sa gorge.
Dis, tu veux bien me parler un peu de toi, s'il te plait ?
Penser à autre chose, vite, ça devenait urgent.
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| Sujet: Re: "Don't you wanna sleep my broken darling" [Terminé] Mer 24 Avr 2013 - 16:59 | | | La nuit était retombée, petit à petit. Teinte après teinte le bleu avait cédé sa place au gris et le rose au noir. L'obscurité avait repris ses droits, chassant la lueur qu'elles avaient crée. Eiluun ressentit une pointe de nostalgie l'envahir, voyant que son tout premier dessin prenait déjà fin. Elle avait beau savoir que chacun d'entre eux n'était qu'éphémère, cela était surprenant lorsqu'on en voyait un disparaître pour la toute première fois. Un peu comme une preuve que chaque chose finissait par revenir à sa place. Que rien n'était définitivement modifiable. Que la volonté humaine ne pouvait au final rien changer. Que seul le soleil pouvait parvenir à vaincre la nuit. Son avancée dans les spires lui avaient pourtant paru sans limites. La chute était dure, mais n'altérait en rien son envie de dessiner. Peut importe que rien ne soit permanent, peut importe qu'il faille à nouveau recommencer et ce à chaque fois. Ce qu'elles avaient partagés était unique. Même si ce n'était que pendant un court instant, déjouer les règles logiques de ce monde était suffisamment magique pour valoir le coup. Et même si aucune de leurs créations ne restaient ancrées dans la réalité, leurs conséquences, elles, pouvaient perdurer des siècles. Et cela suffisait à donner à Eiluun, un sentiment de puissance. Comme si rien ne lui était désormais impossible. (Impossible is nothing) Face au retour de l'obscurité, la jeune fille hésita à proposer au Maître de dessiner à nouveau. Mais étonnamment, elle n'osa pas. Comme si l'atmosphère présente était propice à autre chose. La lumière leur avait permis de se voir, mieux même, de se lier. Mais désormais autre chose était en route. Comme une découverte de l'autre, à la seule lumière de leurs mots. Et puis curieusement, l'obscurité était moins oppressante qu'au début. Après une telle lumière, elle se faisait intime, complice. Comme une amie, témoin de leur conversation. Et puis le noir n'était pas absolu, la lune et les étoiles étaient toujours là, les éclairant par intermittence. Dansant dans ses mèches roses et sur l'uniforme bleu de Gwëll. Comme pour les rassurer, leur dire que leur dessin n'était pas tout à fait mort.
Puis elle entendit à nouveau la voix du Maître. Elle avait 17 ans. L'age juste avant d'être adulte lui avait dit Kleyran lorsqu'ils avaient fêté leur anniversaire. L'age où l'on est pas encore sérieux. Mais Eiluun ne savait pas trop ce que signifiait être adulte. Ni être sérieux. Et elle n'avait pas l'impression que quelque chose se soit passé en elle lorsqu'elle avait atteint les 18 ans. Ni les 19 ans. Alors peut être que toutes ces histoires d'age n'était que des paroles en l'air. Que ca ne voulait strictement rien dire. Après tout Ambre avait été maman avant d'avoir était adulte et c'était bien la preuve que tout n'était qu'un grand n'importe quoi. Même si ca ne voulait pas dire grand chose, c'était rassurant, d'un côté, d'avoir un Maître de son age. Peut être qu'elles pourraient faire des choses ensembles. Qu'elles auraient envie de dessiner les mêmes choses. Peut être même qu'elle pourrait mieux comprendre ses attentes. Parfois, lorsqu'elle était plus jeune, elle ne comprenait pas tout ce que Maître Wirus lui demandait. Et souvent il s'énervait à cause de cela. Ils ne faisait pas grand chose ensemble, pas grand chose d'autres qu'étudier. Et encore il était le professeur et elle l'élève. Et pour le combat elle avait un autre enseignant. Jamais il n'avait voulu faire des colliers de fleurs avec elle ou Kleyran. Ou même jouer à cache cache dans les couloirs de Fériane. Même si aujourd'hui elle n'avait plus trop envie de jouer à cache cache ou à l'ours élastique, il lui arrivait parfois d'avoir envie de partager des choses avec quelqu'un de son age. Étudier ensemble, se raconter sa journée, s'entraîner à l'épée. Dès choses qu'elle n'avait partager jusque lors qu'avec son frère. Peut être que parce que Maître Gwëll avait son age, elle pourrait faire ca ensemble. Peut être parce que Maître Gwëll avait son age, elle comprendrait mieux ses désirs. Et elle pourrait mieux les assouvir. Et ainsi la jeune fille ne s'énerverait pas contre elle. Car Eiluun n'avait vraiment vraiment pas envie de voir de la colère sur le doux visage de la jeune fille. Étrangement, Eiluun avait juste envie de la voir sourire. Pour toujours. Et elle se promit qu'elle ferait tout pour ca.
Elle parla alors un peu de Maître Wirus tentant d'expliquer qu'il était son Maître sans être Le Maître. Elle sentit alors que tout n'était pas très clair, puisque la jeune fille voulu en savoir plus. Mais un détail lui revint en mémoire, un détail qu'elle avait remarqué lorsqu'elles étaient encore éclairées. Un détail qui lui fit oublier la question de son maître. L'uniforme bleu qu'elle portait lui rappelait celui des Lotra. Elle en avait déjà vu un dans la garde robe de sa mère. Un qu'elle gardait précieusement, souvenir d'un passé où elle avait été heureuse. Ainsi Gwëll faisait aussi partie de la maison de l'eau. Pourtant l'intendant lui avait dit qu'elle n'était plus, la plaçant à Felixia. Curieuse, elle interrogea la jeune fille.
Sans qu'elle s'y attende, celle ci s'agenouilla devant elle, et lui saisi les mains. Eiluun réalisa que c'était la première fois qu'elles se touchaient vraiment, enfin si l'on exceptait le moment où elle l'avait tiré de son piège. Oui, c'était la première fois que Gwëll venait d'elle-même la toucher. Et Eiluun s'en sentit particulièrement flattée. Elle n'avait pas l'habitude des grandes effusions et ce simple contact lui paraissait déjà magique. La jeune fille avait les mains plus grandes qu'elle, des mains chaleureuse dont elle pouvait sentir les rigoles. Et puis Gwëll l'invita à se lever et à s'asseoir sur le lit. A ses côtés. Comme deux proches. Deux personnes intimes. Jamais Maître Wirus ne lui avait proposé de s'asseoir à ses côtés. Pas comme Ambre et Kleyran, lorsque dans un moment de lucidité, la jeune femme leurs lisaient une histoire. Et puis, les mains s'éloignèrent, et malgré l'obscurité Eiluun put distinguer que la jeune fille se recroquevillait sur elle même. Alors Eiluun compris que l'histoire que Gwëll allait raconter ne serait pas tendre et innocente. Pas un de ses contes que Ambre affectionnait. Plutôt un de ces récits sombres dont Maître Wirus aimait tirer des morales. Eiluun sentit alors l'atmosphère se tendre comme la corde d'un arc. L'obscurité devint plus insidieuse, plus étouffante. Eiluun tenta de se glisser dans les spires comme pour s'échapper. Rallumer la lumière, si prompte à chasser les cauchemars. Sans succès. Quoi qu'ai la jeune fille à lui dire, aussi terrible que soit le conte, elle n'y échapperait pas.
Alors l'histoire commença. Lotra avait bien été détruit comme le lui avait dit l'intendant, mais cela ne s'arrêtait pas là. Lupus, Felixia et Corbac n'étaient plus. Dissous et rebâtit. Tout ses repères étaient... partis. Envolés. Disparus. Elle réalisa que pour le coup, elle ne saurait même pas rentrer à son dortoir. Elle qui connaissait si bien les moindres recoins de l'académie, elle se trouvait perdu. Incapable de retrouver ce qui devait être son chez elle. Elle était passé de Felixia à Kaelem. Kaelem. Elle fit rouler le nom sur le bout de sa langue pour en tester la saveur. C'était plutôt doux et aérien. Dur au commencement puis mou ensuite. Mais Eiluun n'arrivait pas à se sentir entièrement conquise. Et il lui faudrait sans doute du temps pour s'habituer à un tel changement. Du temps ? Dame, mais si tout cela c'était passé dans son sommeil, combien de temps avait-elle dormi ? Un sentiment de panique l'envahit à cette idée. Mais elle ne le laissa pas sortir, trop perturbée par ce qu'il se passait à côté d'elle. Gwëll racontait son histoire. Son histoire d'horreur. A travers la voix de la jeune fille, elle pouvait presque sentir l'odeur de la chair brûlée et du souffre. Elle avait l'impression de voir la fumée autour d'elle, de la ressentir s'insinuant dans ses poumons cherchant à l'étouffer. Et ce monstre. Ce monstre qui avait voulu faire du mal à Maître Gwëll...
A côté d'elle, la jeune fille tremblait. Elle pouvait deviner les larmes se précipitant aux bords de ses paupières tendis qu'elle les retenait férocement. Pris au coeur par un sentiment inconnu, Eiluun resserra ses bras autour de son Maître. Espérant qu'elle en lui en tiendrait pas rigueur. Elle resserra ses bras autour d'elle, maladroitement, comme Kleyran le faisait quand elle était petite. A l'époque où il lui arrivait encore d'avoir de gros chagrin. Espérant que cela l'apaise un peu. Essayant de transmettre ce sentiment dont elle ne percevait pas vraiment l'essence.
- Dis, tu veux bien me parler un peu de toi, s'il te plait ?
Oui, pour apaiser le Maître, elle était prête à parler de tout et n'importe quoi. A parler de soi, à tout lui livrer. Et puis pourquoi pas lui parler de Maître Wirus, elle le lui avait demandé après tout avant qu'elles ne parlent des dortoirs disparus. Avant que les souvenirs deviennent des cauchemars. Elle ne pu s'empêcher de se tendre à nouveau. Oui ! Vite ! Parler d'autre chose ! Et Eiluun commença à se raconter.
- Maître Wirus est venu me chercher quand j'avais 3 ans. Enfin il était déjà à Fériane avant, mais il était pas encore venu pour moi. En fait, il est venu parce que ma mère ne pouvait pas vraiment s'occuper de moi. C'est un peu dur à comprendre, mais elle est là et en même temps pas là, dans sa tête.
Elle fit une pause essayant de voir si Gwëll comprenait. Ce qui n'était pas forcément évident. Elle même ne concevait pas toujours tout. C'est un peu comme si il y avait deux Ambre. Celle qui était sa mère et qu'elle ne voyait pas très souvent et celle qui était une Lotra et n'avait jamais quitté l'académie. Celle là, elle était souvent présente en Ambre, et la jeune fille pouvait passé des heures assiss à rêver. A prendre les gens qui passaient pour des élèves ou des professeurs. Mais Eiluun n'avait pas beaucoup vécu aux côtés d'Ambre, mais aux côtés de Maître Wirus, alors c'était surtout Kleyran qui lui avait raconté tout ca. Maître Wirus lui disait que Ambre était folle et une mauvaise mère et qu'il valait mieux qu'elle reste avec lui. Et il avait sûrement raison. Il avait toujours raison. Revenons donc à Maître Wirus :
- Alors c'est Maître Wirus qui s'est occupé de moi, et qui m'a élevé, pour que je devienne la fée parfaite pour toi. J'ai aussi un frère qui s'appelle Kleyran, mais Maître Wirus voulait pas trop que je le vois. Parce que Kleyran me déconcentrait beaucoup. Mais moi j'aimais beaucoup Kleyran. Et je l'aime toujours beaucoup.
Eiluun s'arrêta à nouveau. C'était étrange mais Kleyran lui manquait. Même si avant, elle ne le voyait pas souvent, elle savait où il était si elle avait besoin de lui. Maintenant, c'est lui qui ne savait pas où elle était. Et elle ne le retrouverait peut être jamais. Même si Maître Wirus lui avait dit que sa famille ne se souciait pas d'elle, elle restait persuadé, au fond d'elle même qu'elle comptait aux yeux de Kleyran. Parce qu'elle ne voulait pas que toutes les attentions qu'il avait eu pour elle soit un mensonge. Kleyran lui avait dit un jour, qu'il l'aimerait toujours. Pour ce qu'elle était. Quoiqu'elle fasse, quoiqu'elle devienne. Et même si elle ne percevait pas tout ce que cela impliquait, elle voulait y croire. Croire que Kleyran dirait toujours la vérité.
- Et puis un jour Maître Wirus m'a dit que je devais venir ici, à l'académie parce que c'était là bas que mon Maître m'attendait. Alors j'ai fait un long voyage où j'ai été très malade. Du coup, une femme m'a recueilli et soigné quelques temps. C'est elle qui a voulu que j'ai les cheveux roses, même si maintenant ils sont plus très roses.
Au souvenir de Terra, elle eu un petit sourire. Terra lui avait appris beaucoup de choses, notamment comment teindre ses cheveux. La jeune femme avait des idées bizarres mais elle avait été gentille avec Eiluun. Et elle l'avait amené à l'académie une fois guérie, alors qu'elle semblait ne pas du tout aimé cet endroit. Eiluun se demanda si elle reverrait Terra un jour. Peut être, lorsqu'elle serait grande elle aussi. La jeune fille frissonna. Étonnement, elle ne se voyait jamais grandir et quitter l'académie. Après tout, elle avait été formé pour ca. Comment imaginer quelque chose après.
- Et puis après je suis venu ici, Monsieur Hil'Jildwin m'a accueilli et après je me souviens plus trop. J'étais dans les couloirs avec quelqu'un et je me suis évanoui. Après je me suis réveillé ici et je t'ai vu. Et j'ai compris que c'était toi que je cherchais.
Eiluun sourit à son nouveau Maître. Elle n'était pas sur d'avoir vraiment le droit de tout dire, de parler de Wirus, de Terra, d'Ambre et de Kleyran. Mais si elle n'en parlait pas au Maître à qui pourrait-elle en parler ? Gwëll était bien la seule personne à laquelle elle avait le droit de tout dire, alors qu'elle en profite.
Elle saisi les mains de la jeune fille lui chuchota à l'oreille. -Je te promets que je ne laisserais plus jamais personne te faire du mal. Et celle qui t'a fait ca brûlera à son tour.
A la suite de ses quelques mots, elle lança le plus rayonnant des sourires. Comme si l'affaire était close. - Et toi, Mai... Gwëll, tu as déjà eu d'autres fées ? Tu as une famille ?
Oui, retourner à une conversation légère. Tourner la page. C'était ce qu'il y avait de mieux pour le Maître. Même si elle ne comprenait pas tout au mot famille, elle voulait vraiment en savoir plus sur les proches de son nouveau Maître. Et vérifier, un peu jalouse, qu'elle était bien la seule à lui être ainsi dévoué.
Et puis quelque chose d'autre la chiffonnait. Un autre petit détail qui la tourmentait toujours. - Et ca fait combien de temps que les maisons ont disparu ?
Oui combien de temps ai-je dormi ?
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| Sujet: Re: "Don't you wanna sleep my broken darling" [Terminé] Sam 18 Mai 2013 - 18:08 | | | Tous les mots se mélangeaient dans sa tête, dans sa gorge et dans sa bouche. Ça faisait une sorte de grosse boule indigeste qui empêchait l'air de passer et ça voulait pas ni rentrer ni sortir. C'était entre les deux et ça lui faisait mal, comme si elle avait envie de pleurer, mais plus de larmes ou faim mais plus de place dans le ventre. Étrange et douloureux à la fois. Pas un bon mélange, en somme. Elle ferma les yeux sur son dernier mot et c'était pire qu'avec les yeux ouverts. Elle chercha à s'enfuir dans les spires mais, angoissée, elle restait bloquée au début, bloquée par un mur de peur. Pas loin, il y avait Eiluun, elle le sentait. La fille rose avait certainement essayé de faire pareil qu'elle et elle était bloquée, aussi, mais elle, c'était habituel. Ce devait être horrible, au quotidien.
Dans sa réalité matérielle, elle sentit un contact chaud au niveau de ses épaules et ça se refermait sur elle comme un four, mais étonnement, c'était pas angoissant comme elle aurait pu croire, parce que ça faisait comme un four à gâteau, doux et pas trop fort, bien différent du feu pour les grillades de viande. Elle voulait plus jamais penser qu'elle était un morceau de chair qu'on faisait cuire doucement. Elle voulait pas être mangée et personne ne le voulait, parce que c'était pas le but, de naître pour se faire manger. Chez les animaux non plus, à vrai dire, mais elle essayait de ne pas y penser, quand elle mangeait un bout de viande, parce que ça ressemblait pas à quelque chose de vivant qui était mort et qu'on lui avait toujours dit qu'il fallait manger de tout pour être en bonne santé.
La fée commença à parler et elle sentit ses muscles se détendre un à un. Elle lui raconta sa rencontre avec son maître qu'elle avait connu à Fériane quand elle était super jeune et elle expliqua quelque chose sur sa maman que Gwëll ne comprit pas. Être là et pas là en même temps, ça semblait compliqué, mais dans sa tête, elle voyait pas comment elle pouvait y être, parce que c'était pas grand, quand même, une tête, pas de quoi faire rentrer un adulte, et sa maman, c'était un adulte, pour sûr, vu son âge à elle. Eiluun s'était arrêtée, le temps que tout lui rentre bien dans la tête et donne un tout relativement cohérent et quand ce fut fait, elle reprit. Elle parla d'un frère qui s'appelait Kleyran et Gwëll se demanda si il avait les cheveux rose, mais c'était un peu dur à croire, quand même, pour un garçon.
Et puis elle continua son histoire et comme elle avait l'air très concentrée, même pendant les pauses, Gwëll osait pas trop lui poser de questions ou même parler ou respirer trop fort. Alors elle écoutait juste et elle essayait de retenir pour pas lui demander plein de fois, parce que c'était un peu indélicat, toujours, ce genre de choses. Les cheveux roses, c'était parce qu'une fille l'avait soignée, elle expliqua, et c'était étrange, comme remède, des cheveux roses, mais Gwëll s'y connaissait pas alors elle disait trop rien. Et puis, elle dit que c'était Jehan qui l'avait répartie et Gwëll eut un pincement au cœur en se souvenant de lui. Elle espérait qu'il reviendrait, quand même, parce qu'Aziel, il était pas trop méchant, dans le fond, sûrement, mais quand même, il était pas non plus trop gentil.
Eiluun conclut par le présent et elle lui sourit. Gwëll lui rendit et elle songea qu'elle voulait lui parler de son frère. Mais elle eut pas le temps de réfléchir à la moindre question que sa fée lui avait attrapé les mains et lui parlait dans l'oreille. Et ce qu'elle y dit lui glaça les sangs. À l'instant même, il lui avait semblé déceler une nette impression de danger et de la peur qui était dans l'air mais qui venait pas de l'autre. Elle pouvait pas faire ça.
On brûle pas les gens comme ça.
Sa voix était un peu étranglée et si elle avait lutté pour ne pas laisser la peur prendre le dessus, ça avait été une lutte inégale et elle avait perdu. Elle ne pouvait décemment pas laisser cette jeune fille faire une chose pareille, c'était cruel et terriblement dangereux. Eiluun lui sourit comme si elle avait dit la chose la plus adorable du monde et l'éclat de ses dents éblouit Gwëll à travers ses yeux gonflés. L'inquiétude crispa ses muscles et sa mâchoire se serra. Et elle lui demanda innocemment, comme si il ne s'était rien dit, des choses sur elle.
J'ai... jamais eu... d'autres fées. Je n'ai pas... de... famille...
L'émotion retenait ses mots, elle ne parvenait plus à parler normalement. Et parmi tout ça, elle avait choisi de mentir. Elle n'aimait pas, en soi, mentir, mais il lui avait semblé, une seconde, que si elle disait à Eiluun que sa famille ne lui adressait plus la parole, Eiluun risquait de s'en prendre à elle, comme elle voulait s'en prendre à la fille du feu. Et, en soi, elle ne tenait pas particulièrement à ce que du mal soit fait à sa famille, quand bien même il y avait eu dispute.
Sept mois. Enfin, je crois... Un peu plus, peut être.
Ses yeux peinaient à retrouver leur forme normale. Même enflés, ils étaient particulièrement ouverts, exorbités. Il fallait dire que la révélation précédente était un peu comme un grand seau d'eau froide.
Tu sais... Vraiment, tu devrais pas voir cette fille. C'est pas normal de brûler les gens, hein ? Elle, elle était folle, toi non. Faut pas rentrer dans leur jeu, à ces gens là.
Eiluun hochait la tête, gentiment, mais elle semblait ne pas comprendre le moindre mot. À croire qu'elle acquiesçait pour lui faire plaisir.
Tu me promets, hein ?
Malgré le grand sourire, elle doutait encore un peu. Cette fille était elle un peu folle, dans un coin ? Au premier abord, il ne lui semblait pas, mais, il lui semblait rarement, aux premiers abords. |
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| Sujet: Re: "Don't you wanna sleep my broken darling" [Terminé] Mar 11 Juin 2013 - 13:03 | | | Une promesse. Pour certains, ce n'était que des mots. Envolés, lyriques. Des mots en l'air, sans importance, sans poids. Des mots légers qui au final ne retombent pas sur terre. Ne s'ancrent jamais. Et puis pour d'autres, les promesses étaient comme des pierres. On ne pouvait négliger leurs masses, leurs impacts. Comme des pierres précieuses, elles étaient fragiles et les protéger n'était pas toujours aisé. Mais les voir briller était la plus belle des récompenses. Oui, pour certains, les promesses étaient comme des plantes. Qui s'enracinaient en vous comme dans le sol le plus tendre. Mais qui vous permettaient aussi d'atteindre le ciel. Eiluun Kil'Eliam faisait clairement partie de la seconde catégorie. Lorsqu'elle promettait à Gwëll de brûler la femme qui lui avait fait du mal, elle était sérieuse. On ne peut plus sérieuse. Peut importe le moyen employé, elle le ferait. D'un seul coup, par un puissant Dessin de feu follet. Ou lentement, centimètre par centimètre à la flamme d'une allumette. Oui, peut importe comment, elle le ferait. Ou du moins mourrait en essayant de le faire. Parce que Eiluun Kil'Eliam savait tenir une promesse.
Mais peut-on annuler une promesse ? Est-ce qu'une nouvelle peut remplacer l'ancienne ? Ou alors faut-il transformer la première ? La transformer comme le Dessinateur peut modifier son oeuvre même lorsqu'elle est déjà apparue dans la réalité. Mais peut-on réellement assimiler promesse et Dessin ? Normalement non, ce sont deux choses qui n'ont rien à voir Sans liens. Sans points communs. Sauf ici. Parce qu'ici, dans l'obscurité de l'infirmerie, dans cette nouvelle « amitié », deux choses lient ces deux jeunes filles. Un Dessin et une promesse. Le Dessin d'une lumière. Simple. Pure. Teintée de rose et de bleu. Des couleurs de deux âmes. La promesse d'une relation étrange, d'une protection. Et peut être un jour d'une amitié. En attendant une promesse de Maître à Fée et de Fée à Maître. Car même si les mots n'avaient jamais été dits, même si Gwëll n'avait pas véritablement donné son accord, les choses étaient là. Dans les silhouettes de deux jeunes filles. Deux jeunes filles qui ne se ressemblaient pas vraiment, qui n'avaient rien à voir. Sans liens. Sans points communs. Deux jeunes filles que l'on ne penserait pas forcément voir ensemble. Qui ne le seraient sans doute pas... si elles ne s'étaient pas tout simplement trouvées toutes deux au même moment au même endroit. Oui, deux jeunes filles unies par le hasard. Par une promesse. Par un Dessin.
- Je suis désolée pour ta famille. Je n'ai jamais vraiment su ce qu'était une famille, mais lorsque je pense à Kleyran, il me manque. Je crois qu'une famille, c'est savoir qu'il y aura toujours quelqu'un quelque part pour t'attendre. Après je sais pas si c'est important qu'il y ait des liens du sang. Je ne pense pas. Je suis sure que tu trouveras des liens du coeur qui t'offriront une famille.
Eiluun fit une pause. Elle sentait son corps s'enfoncer lentement dans le lit de Gwëll tandis qu'elle lui souriait toujours, tenant ses mains entre les siennes comme un précieux trésor. Elle commençait à sentir la fatigue qui s'insinuait lentement en elle, maintenant que ses muscles se relâchaient un à un.
- Je veux bien en faire partie. De ta famille.
Une promesse à demi-mot. Une de plus. Ou toujours la même peut être. Celle de rester près de Gwëll. Celle de la protéger. De faire attention à ce que personne ne lui fasse du mal. Celle d'éloigner tous ceux qui pourraient la blesser. De les éloigner définitivement. Mais aussi de défendre les gens qu'elle aime ou aimera. Ses amis, sa nouvelle famille. Car Eiluun sait qu'elle n'est pas la seule dans sa vie. Qu'il y en a eu d'autres avant elle et qu'il y en aura d'autres. Et même si au fond d'elle-même, elle aurait voulu être l'unique, elle sait que la réalité est plus compliquée. Elle appartient à Gwëll, mais celle-ci ne lui appartient pas. Alors, parce que c'est aussi son rôle, parce qu'elle ne veut rien voir d'autre qu'un sourire sur les lèvres de son Maître, à eux aussi elle leur promet. De les servir. De les aider. Du mieux qu'elle peut. Mais la véritable promesse, c'est à Gwëll qu'elle l'a faite. Alors c'est à elle qu'ira la priorité. Ses désirs qui prévaudront sur tous ceux des autres. Sa vie qui sera la pierre précieuse à protéger. Et ce peut importe le coût. Parce qu'Eiluun sait que beaucoup de choses se payent. Mais à cet instant, la vie de Gwëll n'a pas de prix. Et elle mettra tout en oeuvre pour la préserver. Tout. C'est ainsi qu'Eiluun est heureuse. Lorsqu'elle devient l'ombre, l'amie qui vous veut du bien.
Dans l'infirmerie, les ténèbres revinrent soudain. Pourtant, ses yeux s'étaient habitués à l'obscurité. Et à cette distance, elle voyait Gwëll presque comme lorsque leur lumière les éclairait encore. Mais cette obscurité là était différente. Comme si elle n'était pas dans la pièce mais devant ses yeux. Ou même dans sa tête. Sept mois. « Un peu plus peut être ». Presque un an. Comment pouvait-on dormir un an ? Juste être là, étendue, presque sans bouger, sans jamais ouvrir les yeux. Un an sur huitante années de vie. Eiluun ne pu s'empêcher de déglutir bruyamment. Elle avait l'impression que sa salive avait collé sa langue contre sa mâchoire. Que son muscle devenu pâteux pesait une tonne. Elle se sentait étrange, un pan entier de sa vie venait de lui échapper. Était devenu poussière, et s'était écoulé entre ses doigts sans qu'elle puisse le retenir. Lorsqu'elle s'était endormie, elle avait 19 ans, venait d'arriver à l'académie où Jehan Hil'Jildwin l'avait répartie à Felixia. Et maintenant qu'elle était enfin éveillé, l'intendant était parti, Felixia dissoute. Et... et elle avait 20 ans. Sa deuxième dizaine s'envolant comme la fumée de bougies qu'elle ne soufflerait jamais. Pour leur dix ans, Kleyran les avait fait s'époumoner sur la flamme vacillante d'un cierge de soin qu'ils avaient « empruntés » aux rêveurs. Et même si pour Eiluun, cela n'avait pas voulu pas dire grand chose, elle se souvenait de leurs rires alors que les flammèches redoublaient d'éclats sous leurs souffles. Et à cet instant, elle aurait voulu que Kleyran l'ait réveillé, en ce jour si spécial. Tenant dans ses mains un nouveau flambeau. Ils ne s'étaient rien promis, mais elle avait toujours été persuadée qu'elle aurait de ses nouvelles à chaque anniversaire. Et elle ne pouvait s'empêcher d'être inquiète pour lui. Quoi qu'ait jamais dit Maître Wirus, Kleyran ne l'aurait jamais abandonné. Que lui était-il arrivé pour qu'il ne soit pas venu ? Parce qu'il n'était pas venu, et elle avait continué à dormir. Et ses 19 printemps s'étaient éteints comme un feu de forêt sous la mousson.
- J'ai... J'ai... J'ai 20 ans..
Voilà, les mots étaient dits. Lâchés presque à contre-coeur. De toute façon, elle ne pouvait rien y faire maintenant. Ni pour son âge, ni pour ses mois perdus. Pas plus que pour faire revenir Jehan, restaurer Felixia ou retrouver Kleyran. Demain, elle irait voir Aziel Ril'Krysant, le nouvel intendant pour lui dire qu'elle s'était réveillé. Et pour qu'il l'a répartisse une nouvelle fois. Comme si sa première entrée à l'académie n'avait jamais eu lieu. Comme si elle prenait un nouveau départ. Recommençait tout depuis le début. Mais en attendant, elle était presque bien là près de Gwëll. Lui offrant toujours son plus beau sourire. L'obscurité était toujours présente bien sur. Elle ne pouvait pas oublier qu'elle venait de perdre tout ses repères. Ni ignorer son inquiétude pour Kleyran. Mais à cet instant, elle ne pouvait rien y changer. Alors elle essayait lentement de chasser son mal être. De se rassurer à travers la chaleur des mains de Gwëll.
Mais les flammes dont parlait la jeune fille, elles, ne la réchauffaient pas. Et la question qu'elle se posait lui revint en tête. Pouvait-elle annuler une promesse ? Ou devait-elle la modifier ? Mais ce coup-ci, elle avait sa réponse. Oui, une promesse pouvait en devenir une autre. Elle pouvait rectifier sa première promesse, comme Gwëll avait changé de nuance leur lumière. Dessin et promesse.
- Je ne la brûlerais pas. Je ne lui ferais aucun mal. Je te le promets. Mais tu ne pourras m'empêcher de te protéger s'il elle s'en prend de nouveau à toi.
Oui, Eiluun ne voulait pas que Gwëll la voit comme une folle. Elle n'était pas folle. Elle ne voulait pas l'être. Elle savait très bien ce que tout le monde disait d'Ambre derrière son dos, et elle ne souhaitait pas que les mêmes soient dits derrière le sien. Alors elle ferait tout pour que ces mots ne soient plus jamais associés à son prénom dans la bouche de son Maître. Elle n'était pas folle. Tout ce qu'elle voulait, c'était veiller sur elle. Pour toujours. Alors elle faisait là son ultime promesse alors que ses yeux commençaient à papillonner. Elle avait presque dormi un an, mais elle était toujours aussi fatiguée. Il faut dire que ses quelques pas après une si longue inactivité, sa conversation riche en émotion avec Gwëll et son premier Dessin avaient eu raison de son énergie. Elle tenta de rouvrir les yeux, mais il faisait trop sombre maintenant qu'elle les avait clos une fois. Leur lumière lui manquait et elle languissait déjà de leur prochain Dessin.
- Tu sais pourquoi les Dessins ne durent jamais longtemps... ?
La seule différence peut être entre Dessin et promesse. La durée. Car le premier était éphémère. Instable éclat, si facile à dissiper. Fragile comme les ailes d'un papillon. La seconde, elle, était éternelle. Comme une rose prise dans la glace. Comme les Dessins de Merwyn Ril'Avalon. Pour cet homme, la différence entre promesse et Dessin s'estompait jusqu'à disparaître. Et c'était pour cela qu'il était devenu une légende. L'Alavirien le plus puissant que Gwendalavir n'ait jamais connu. Leur sauveur à tous. Eiluun, elle, n'avait pas son cercle noir. Le sien tournait plus vers le vert Lupus, dans lequel il fallait chercher une petite tache rouge. Oui, Eiluun n'était pas Merwyn Ril'Avalon et sa lumière s'était évanouie presque aussi vite qu'elle était apparue. Oui Eiluun n'était pas Merwyn. Mais comme lui, elle savait la valeur d'une promesse...
- Dis Gwëll... un bâillement... tu veux bien que je sois ta fée finalement hein ?
Et ses yeux se fermèrent dans un dernier battement de cil. Comme un papillon refermant ses ailes sur la fleur qu'il butine. Serrée inconsciemment contre le corps de son Maître, dont elle n'avait pas entièrement libéré la main, Eiluun s'endormit sans entendre sa réponse. Qu'importe, l'ultime promesse était déjà faite.
[Editable bien sur si cette conclusion ne te convient pas. Je te laisse faire une réponse et on clot le RP?]
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| Sujet: Re: "Don't you wanna sleep my broken darling" [Terminé] Lun 15 Juil 2013 - 17:59 | | | Soudainement, il lui semblait que l'atmosphère était moite et elle avait chaud comme si elle étouffait de l'intérieur. Et c'était certainement les pensées de la fille rose qui sortaient de sa tête et qui venaient tourner autour de la sienne. Gwëll refusait qu'on brûle les gens et apparemment, l'autre ne comprenait pas le problème. D'ailleurs, peut être qu'il n'y en avait pas vraiment et que ça venait uniquement d'elle. Mais elle n'arrivait pas à s'y faire, c'était contre-nature, contre sa nature, même. Elle pensa une seconde que la fille qui avait essayé de la brûler vive, qui n'avait certainement pas eu les mêmes considérations, mais justement, elle ne voulait pas ressembler à ce genre d'énergumène et, en particulier, elle ne voulait pas pouvoir tolérer la notion de vengeance.
Eiluun hésita quelques instants et la pression se resserra autour de la cage thoracique de Gwëll. En aucun cas elle n'avait envie d'être à l'origine d'un incident aussi dramatique même si, en soi, elle aurait préféré que cette fille ne soit plus en circulation parce qu'elle représentait un danger considérable. Enfin, de toutes manières, elle se rendait bien compte, malgré ses yeux boursouflés que cette fille en face d'elle ne tiendrait certainement pas bien longtemps face à une folle comme celle de la bataille et que l'envoyer au combat, c'était un peu comme l'envoyer vers une mort certaine.
Et puis elle revint sur son engagement et Gwëll put souffler. Elle demandait juste le droit de la protéger et là, elle ne pouvait pas dire non, parce que ce n'était pas dangereux en soi et puis que, de toutes façons si il y avait un danger, elle risquait sa vie rien qu'en restant à coté. D'ailleurs, même sans danger, elle risquait à sa vie en restant à coté d'elle. Et ça, elle l'inventait pas, c'était ses camarades de dortoir qui lui avaient dit. Bon, après, c'était pas faux du tout, vu comment elle était maladroite et la chance qu'elle avait avec les choses qu'elle faisait tomber et elle même qui tombait et tout ça. Mais bon, après tout, elle ne pouvait pas non plus décider pour les autres et si les autres décidaient de rester auprès d'elle, c'était qu'ils avaient la pleine mesure du danger qu'ils courraient en agissant de la sorte.
La main d'Eiluun était fébrile, dans la sienne et il lui semblait qu'elle attendait une réponse explicite. Mais Gwëll ignorait complètement de quelle sorte de réponse il s'agissait. D'ailleurs, quand bien même elle aurait su, elle n'était pas certaine de savoir formuler correctement ses sentiments.
Je... Bien sûr, chacun est libre de ses actes, tu sais, je ne peux pas décider pour toi ce que tu dois faire. Mais je veux pas que tu le ressentes comme un devoir, tu vois ?
Il n'y eut aucune réponse et elle se demanda si elle en avait même jamais attendue une. Il n'y avait juste absolument rien à redire. Une petite brise passa par la fenêtre et vint faire voler leurs cheveux. Dans ce silence doux, elles ne bougeaient ni l'une ni l'autre et l'heure tardive prenait doucement emprise sur elles. Elle ferma les yeux et elle se sentit partir en arrière, attirée par la gravité et peut être un peu de sommeil, aussi. Elle se redressa un peu et elle osa un regard vers l'autre. Mais elle ne voyait pas grand chose, avec ses yeux bouffis, même si il lui semblait que rien n'avait bougé de ce coté là.
Je crois... Les dessins sont des bouts de nous qu'on projette dans la réalité, sous la forme d'un objet. Quand je dessine une lumière, tu vois, c'est une partie de moi que je donne à mon idée pour qu'elle devienne quelque chose que je peux voir ou sentir ou toucher. C'est pour ça qu'on ne peut pas trop dessiner de choses en même temps et que ça fatigue beaucoup, le dessin.
Elle bâilla, c'était vrai que le dessin était épuisant.
Alors, tu vois, quand le dessin est un peu vieux, le bout de nous, à l'intérieur commence à se sentir seul. Enfin, il veut revenir vers nous, pour être avec le reste de nous. Donc le dessin disparaît.
Elle avait jamais trop pensé à ça, mais maintenant qu'elle essayait, ça lui semblait parfaitement logique.
Je me demande comment Merwyn a dessiné autant de choses aussi grandes, en fait... Tu crois qu'il était immense ? De l'intérieur, je veux dire...
Elle ne sentit pas la moindre réaction à coté d'elle ni le moindre frémissement dans la main qu'elle tenait. À vrai dire, elle avait un peu l'impression que la fille était une sorte de poupée en tissu. Complètement amorphe. Et puis elle bougea et elle posa une question. La question. Maintenant, il n'y avait plus moyen de tergiverser, elle attendait une réponse et claire. Nette. Précise. Il lui fallait un oui ou un non, mais il semblait que c'était surtout un oui, dans ce cas précis.
Eiluun bâilla et Gwëll sentit les derniers de ses muscles se relâcher doucement et elle sombra. Lentement, comme si elle décomposait son mouvement en phases, elle glissa le long de son épaule et s'affaissa sur ses jambes. Elle serrait toujours sa main dans les siennes et Gwëll n'osa pas l'en déloger, un peu mal à l'aise. Elle demeura de longue secondes à la regarder. Ce n'était pas réellement qu'elle hésitait, mais c'était tout de même une grosse décision à prendre et elle avait peur d'aller trop vite et de commettre une erreur. Parce que cette fille avait dit qu'un maître l'attendait à l'Académie et elle n'était pas ce maître. Elle refusait de prendre la place de quelqu'un d'autre, d'autant plus qu'elle ignorait encore quasiment tout de cette fille et parce qu'en faisait cela, elle faisait preuve d'imposture vis à vis d'elle.
Oui, Gwëll était bien trop honnête pour agir de la sorte, mais d'un autre coté, dans le récit que la fille lui avait fait, il lui avait paru qu'il y avait comme un problème, comme si il manquait quelque chose et que ce quelque chose, c'était à elle de la remplacer. À vrai dire, c'était cette histoire de maître qui l'attendait qui la gênait. Ce n'était pas un système très courant à l'académie et elle n'avait jamais entendu parler d'une personne qui attendait une élève. Alors elle hésitait quand même. Laisser cette pauvre fille comme ça, c'était pas très correct surtout maintenant qu'elles avaient dessiné ensemble et qu'il y avait eu cette sorte de lien entre elles qui s'était créé.
Elle allongea son dos sur le lit, en faisant bien attention à ne pas trop bouger pour ne pas perturber le sommeil d'Eiluun. En même temps le problème méritait de prendre le temps de la réaction, en même temps, c'était une de ces choses qu'on décide sans réfléchir, parce que ce sont des choses du cœur.
Comment pourrais-je refuser, Eiluun ? Tu le sais bien, que je ne suis pas cruelle.
À l'instant même, elle n'avait absolument aucune idée de ce dans quoi elle se lançait, mais cela ne faisait aucun doute que ce serait gratifiant. Un frisson parcourut son dos. Non, ça ne faisait aucun doute que toute cette histoire serait merveilleuse. |
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