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 Socially Awkward Pengouin [Inachevé]

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Ambre Naeëlios
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Marchombre
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MessageSujet: Socially Awkward Pengouin [Inachevé]   Socially Awkward Pengouin [Inachevé] Icon_minitimeLun 11 Mar 2013 - 20:34

Shawna avait fait défiler la route plus vite, ramené de très vieux spectres – mais Ambre préférait leur présence aux monstres les plus récents.
Ses pas résonnaient sur les pierres solides, et les échos tout à coup lui apparaissaient sordides. C’était comme marcher chaque pas sur son ombre, s’entendre un peu crier, de l’intérieur. Non plus se combattre soi-même, juste s’écraser, volontairement, pleinement, à chaque pas.

La sensation la dérangeait, c’était étrange. Elle avait déjà reperdu l’habitude, songea-t-elle, baissant la tête en croisant deux rêveurs, qu’elle ne salua pas. De ne plus être dehors, de sentir le vent s’engouffrer plus fort qu’ailleurs dans les couloirs ouverts – comme si lui aussi, à peine engouffré, ne souhaitait que sortir, sortir à toute allure.
Et quoi ?, se demanda Ambre. Se lamenter dehors, à attendre une paix qui ne viendrait jamais ? Il fallait des buts aux voyages, sans quoi, on était plus itinérants, on se transformait en bêtes sauvage, ou pire. Non. Les chemins étaient assez nombreux pour en choisir un.
La voie marchombre basée sur l’auto- dépassement.
L’air gonfla sa cage thoracique, et quelques secondes, elle accéléra le pas.

N’avait-elle pas pensé cela, aussi, face à la porte ?
Avant Merwyn et sa légende, Valen et la première bataille, après avoir quitté les siens, persuadée que sa place n’était pas parmi eux. Elle déglutit. Déjà à l’époque, elle avait trop ragé sur le chemin parcouru pour rebrousser chemin.
Et elle voulait croire que ça valait la peine.
Qu’elle se dépassait à chaque seconde, quand bien même elle était la seule à le voir.
Ici, elle n’aurait de comptes à rendre à personne, avec un peu de chance. Et accès à ces savoirs qui lui manquaient depuis toujours, à chaque départ. C’était pour être utile. C’était pour évoluer vers un mieux, vers ce qu’elle voulait à la fois être et paraître.

Elle songea aux morts que la bande de brigands avait laissé derrière elle, aux blessés qui avaient dû se remettre, bon gré mal gré, ceux qu’on avait pas achevés sur le moment. Ca avait choqué Einar, pas Tifen. Tifen connaissait parfaitement le monde de l’extérieur, le monde de la forêt, ses lois, les seules qu’elle reconnaissait. Tifen lui manquait déjà.
Quant à Einar, aux discussions avec Destan, avec Gord Egon… tout ça, il fallait ne pas y penser. Une chose à la fois.
Elle avait refusé l’escorte, poliment, et simplement demandé qu’on lui indique l’endroit. Les rêveurs semblaient aussi mal à l’aise à la regarder qu’elle à ouïr leur voix humaines et rauques, leur accent du nord.

Et à présent, elle était face à la porte du maître rêveur. Est-ce que sa vie avait été autre chose que ces moments, à faire face à l’impasse, à se persuader d’affronter la suite, et cogner dans le mur. Elle ne connaissait rien d’Amarylis Luinil, qu’une certaine affection qu’elle avait pour les Académiciens.
C’était une femme maître dans une confrérie et un ordre d’hommes- en cela, sans doute, Ambre parvenait à l’admirer. Les voies sont plus fortes que tout obstacle, fut-il le genre. Et on disait qu’Amarilys Luinil était brillante. Trop, peut-être.
Peut-être chanterait-elle ses chansons pour Shawna. Mais pas pour Ambre, qui chassa les rumeurs entendues d’un geste nerveux de la main, avant de serrer le poing. On ne fuit pas devant un adversaire. Son ombre se dessina sur le bois clair de la porte, et trois fois, avec une précision de Marchombre, Ambre l’assassinat en lui cognant la clavicule gauche.
Juste au dessus du cœur.

Le petit moment d’attente fut rempli par l’idée qu’il était impossible de l’appeler Dame, ou encore moins « Maître ». Deux maîtres- et plus jamais.
Lorsque le visage s’encadra dans l’embrasure, avenant, puis surpris, puis avenant de nouveau, quoique moins sincèrement peut-être. C’était le visage de ces femmes que l’âge embellit, striants de toiles leurs plus discrètes expression.  Et ce regard avait vu, trop pour une vie peut-être, trop pour s’émouvoir d’une femme seule à sa porte, fut-elle armée.
Peut-être même que le visage acceuillait plus facilement l’idée que l’étrangère la tue que de l’héberger. Ambre verrait, se demanda à quoi elle ressemblerait, contemplée par ses yeux-là. Ce qu’on voyait de sa route à elle. C’était trop tard pour reculer, se fondre avec les poutres du plafond, lâchement, et sans public.


-Pardonnez-moi de troubler votre quiétude... Amarilys Luinil?

Repasser au vouvoiement, à ce type de formulation rendait l’impression première complètement artificielle. Tout l’être d’Ambre se révulsait contre cette politesse qui était celle de la Cour, de la bienscéance. Mais c’est ainsi qu’on obtient les choses, dans ce monde. On le négocie, en parlant la langue de celui qui a quelque chose à vendre.

Et je désire de tout mon cœur ce que tu peux m’offrir, Luinil.


-Je suis venue pour… nous pourrions dire faire affaires. Puis-je entrer ?

Oh, elle ne s’abaisserait pas à sourire, quand même. On ne fait pas de commerce avec les bonimenteurs, et ce n’était pas être appréciée qu’Ambre recherchait. Elle essayait simplement de ne pas avoir l’air menaçante- n’ayant jamais été très douée pour ça.

[Si tout te va...  ]

Amarylis Luinïl
Amarylis Luinïl

Maître rêveur
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MessageSujet: Re: Socially Awkward Pengouin [Inachevé]   Socially Awkward Pengouin [Inachevé] Icon_minitimeDim 7 Avr 2013 - 11:23

L’eau gicla le visage de la rêveuse avec la violence nécessaire d’une claque. Sa peau réagit au froid en développant les picots de frisson habituels que l’on appelle chair de poule. Les pupilles plus ouvertes que jamais, comme soudainement réveillée d’un long sommeil, se contemplèrent dans le miroir. Elle possédait de mauvaises cernes, bien violacée, et les rides de ses commissures ne cessaient de se développer, envers et contre les crèmes et soins appliqués. Ce n’était pas grand-chose, Amarylis en restait une très belle femme, mais il s’agissait de petits riens qui dérangent et que l’on remarque plus facilement sur un faciès fatigué. Elle avait peu dormi ces derniers jours, partageant son temps entre les cours, la gestion de la confrérie, son rôle de mère pour Gwëll, quelques jeux avec Juliet lorsqu’il revenait de ses aventures, deux ou trois moments intimes avec Jùn, et ses expériences pour Gareth. Elle n’avait pas revu ce dernier depuis un moment, sachant qu’il n’aurait pas d’utilité à assister aux prémisses. Mais elle allait dès ce soir lui faire parvenir une missive pour le revoir. Elle avait une réussite, quelque chose. Un début qu’il lui fallait vérifier avec l’homme-puma. Et cet espoir de renouveau effaçait toute sensation de fatigue. Dommage qu’elle n’efface pas non plus le côté physique du manque de sommeil. Elle se sécha, passant une crème d’herbe sur ses cernes pour tenter de les atténuer.
Après des mois à se reprocher toutes les erreurs du monde, aujourd’hui, Amarylis Luinïl se sentait importante. La tête haute et le buste droit, elle rêvait de plus grand encore, de plus d’interdit, de plus de sensations fortes. Elle voulait les montagnes russes. Quitte à ce que le chariot déraille. Elle allait bientôt pouvoir montrer au monde entier qu’elle avait du pouvoir et n’en avait pas peur de s’en servir. Tout comme elle allait montrer à la justice alavarienne qu’elle méritait la garde de Gwëll.

Un coup sec frappa à sa porte. Un seul coup, pas les trois petits habituels qui caressaient plus la porte que ne la frappait de Jùn ou les petits doigts de l’aequor qui martelaient le bois timidement. Elle eut une légère absence, se demandant bien à qui appartenait cette façon singulière de s’annoncer. Lorsqu’un nouvel invité ou patient arrivait, elle était généralement prévenue par les rêveurs. Ce ne devait donc pas être une simple personne.
Rajustant ses pointes quelque peu humides par la toilette, elle s’avança avec prudence jusqu’à l’entrée, et ouvrit le portique d’une volée, dévoilant d’un seul mouvement l’aspect physique de l’inconnu. Inconnue.
Elle avait affaire à une femme. Et pourtant ce n’était pas le mot femme qui lui venait à l’esprit en la découvrant. Ses cheveux courts et son visage aussi dur que la pierre inspirait une certaine crainte. Ne restaient que ses yeux d’améthyste pour apaiser un peu cela. Et encore aurait-il fallu qu’ils n’expriment pas toute la crispation de se tenir là. De sa posture, et des plis aux coins de ses yeux, Amarylis sut de suite que cette femme avait vécu avec la rugosité d’un homme. Elle tenta néanmoins de garder la tête haute et de ne pas sembler impressionnée. Elle avait certes passé une enfance plus que protégée à Ondiane, mais elle n’était pas pour autant la fleur bleue que son apparence pouvait laisser juger. Plus maintenant.

La rêveuse haussa un sourcil aux premiers mots, feignant presque un sourire ironique. Elle ne croyait pas un instant que l’inconnue s’excuse réellement de troubler quelconque quiétude. Sa mâchoire avait tant de mal à décrocher les mots, qu’elle savait déjà que les formules de politesse devaient lui être une torture à formuler. De même qu’elle l’avait nommé par son nom. Chose qu’Amarylis demandait souvent, certes. Mais de la part de ses élèves ou proches. Qu’une anonyme oublie volontairement son titre de « Dame » la gênait. Elle n’allait pas s’en offusquer, sachant bien que provoquer la femme en face d’elle serait la chose la plus inconsciente et stupide à faire. Toutefois elle ne sourit pas, lui montrant bien qu’elle la cernait, et qu’elle n’était donc pas la bienvenue tant qu’elle n’en saurait pas plus. Donnant donnant.


-Demander à entre dans mes appartements alors que je ne connais pas même votre nom est plutôt culotté. Heureusement pour vous, je me fous tout particulièrement des formalités ces derniers temps.

Mais ne crois pas que je plierais à tes yeux tueurs de toute trace de joie ou d’amicalité. On peut me décerner l’oscar de la plus gentille, vanter mes chants et ma douceur naturelle, je reste humaine. Et l’humanité n’est pas faite que de bienveillance.

-Entrez. Et dites-moi en quoi je peux vous…aider ?

La directrice d’Eoliane subodorait qu’elle puisse, ne serait-ce qu’une seconde, admettre avoir besoin d’aide, mais en affaire il s’agit bien de cela. Les hommes disent faire affaire pour se donner une certaine importance. Alors qu’il ne s’agit que d’appels à l’aide masqués derrière de belles phrases.
Tandis qu’elle la laissait prendre place face à son bureau, s’installant elle-même derrière celui-ci, elle continua de la scruter, avec curiosité. Elle lui rappelait un peu Julia, lorsqu’elle était jeune et malade, refusant d’accepter l’aide et l’amitié de sa seule guérisseuse. Julia qui avait finis par aimer un rêveur, et lui faire un enfant. Avant que Mael ne meurt. Elle déglutit légèrement, tentant de garder en tête le simple amusement de l’évolution de l’ancienne lupus et non le décès de son bras droit.


-De quelles affaires veux-tu me parler ?

Invente moi un nom si tu veux cacher le tien, je m’en contre fiche. Mais ne me prend pas pour une faible en m’imposant ton regard hautain et ton hypocrisie de vouvoiement. Jouons franc jeu.


-Et oublions les convenances et jeu de politesse, veux-tu ? Sinon je crains que tu ne te fasses un ulcère à être aussi contractée. Je t’écoute.

Parle avec tes mots, et je parlerais avec les miens. Et seulement alors je te respecterai et te souhaiterai la bienvenue à Eoliane.

Ambre Naeëlios
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Marchombre
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MessageSujet: Re: Socially Awkward Pengouin [Inachevé]   Socially Awkward Pengouin [Inachevé] Icon_minitimeDim 14 Avr 2013 - 20:34

Elle apprécia la douceur un peu rugueuse des propos d’Amarilys, la manière dont sa voix affirmait la femme, ses fragilités, mais surtout ses forces. C’était à ce genre de voix que les guerriers devaient aimer obéir, qui résonnaient bien plus loin dans l’âme qu’un hurlement de barbare quelconque.

Elle avait quelque chose du Grand Maître Marchombre qui l’avait fait passer le test, l’Ahn-Ju. Elle tiqua sur le « fou ». Oui, Amarylis avait de cela aussi.
Bien sûr, elle aurait pu –dû- se présenter, elle l’aurait fait d’entrée de jeu, normalement. Mais la confiance qu’Ambre portait à son nom avait été un peu malmenée, durant son voyage. Elle commençait seulement à concevoir le nombre d’informations qu’il devait présupposer. Peut-être était-ce pour ça que la plupart des marchombres tenaient d’avantage à leur prénom qu’au nom de leur famille. Peut-être qu’un marchombre se désolidarise tellement de tout ce qui n’est pas lui-même qu’on ne peut plus le rattacher à rien, à aucune autre réputation qu’à la sienne propre. A chaque voie ses barrières, et ses tristesses, ses barages, qui vous endiguaient l’être.

Ambre resta statique, marmoréenne comme un certain souvenir, jusqu’à ce qu’Amarylis ordonne d’entrer. Comme à son habitude, droit vers le bureau, vers l’entretien, sans trop oser balader son regard sur le décor.

Les confréries avaient cet aspect cellulaire, qui accorde à chaque micro-détail un poids neuf, plus révélateur, et Ambre ne voulait rien en voir, rien en savoir, ne pas se dire que les murs avaient volé un peu de l’âme de celle qui vivait reclus en eux. Ce serait s’angoisser par avance du poids qu’ils auraient sur ses propres épaules.
Elle gardait les yeux rivés au bureau, puis à ses pieds, à la chaise, à son interlocutrice.
Était-ce parce qu’Amarylis présumait qu’elle avait besoin d’aide qu’elle se permettait de la tutoyer ?

Quelque chose se contracta, petite boule fière dans son estomac, avant de s’étirer, presque paresseusement aux épaules. Elle avait dit « affaires », c’était qu’elle estimait, elle aussi, valoir un prix.Itinérante n’est pas mendiante, pas encore, oh non. Mais l’autre reprit la parole, très vite, et ça déconcerta Ambre. Il y avait quelque chose, dans l’ordre social, dans l’attitude de la Dame Luinil qui évoquait effectivement la noblesse, dont elle ne portait pas la particule pourtant, quelque chose qui forçait au respect, à maintenir une distance, de peur, en s’approchant trop près de ne plus respecter rien. Ou alors c’était Ambre, qui ne voulait plus être atteinte par personne. Quelque chose la dérangeait, dans cet idée de « jeu des politesse », dans l’idée d’avoir l’air à ce point enraidie, même quand elle essayait de faire preuve de correction. Comme si quiconque avait besoin de se faire rappeler qu’elle était une Dame.

Elle déglutit, s’accordant encore un petit silence pour peser ses choix, et ses mots, surtout.


-Alors je ne passerai pas mon temps à m’excuser de ce que je n’ai pas dit ou fait à temps, bien que l’endroit me semble idéal pour commencer ou traiter un ulcère, lança-t-elle avec un sourire oblique.

Petite pause, où ses doigts se posèrent un par un sur le bureau.


-Je m’appelle Ambre, de la famille Naeëlios. Je viens des routes, j’y ai vécu toute ma vie. Presque, enfin, si on considère… oui, on va le considérer. J’ai passé… trois années à l’Académie de Merwyn, jusqu’à ce que ma formation soit achevée. Le sourire s’égratigna un peu. Ce n’était pas vraiment trois années, mais le sens était là, pour qui prétendait avoir des connexions avec ladite Académie, et tait au fait des formations qui y étaient dispensées.

-C’était presque une autre vie, conclut-elle, en reprenant un ton à la fois plus détaché et plus dur. Vous… je présume que vous n’avez jamais vécu sur les routes ? Et quand bien même, si vous l’avez fait, ça n’a pas dû être pareil, puisque justement, vous étiez dans le convoi. La vérité, c’est que les routes sont dangereuses. Les clans engagent de plus en plus de Thülls, ou de gens comme moi pour se protéger d’allez-savoir quoi. Ce n’est pas forcément une mauvaise chose, pas plus que vos murs qui vous protègent, et protègent votre savoir. L’un comme l’autre ont pourtant leurs limites. C’est de ça que je veux discuter avec vous.

Elle prit une longue inspiration, releva les yeux pour croiser droit ceux de la rêveuse, qui les soutint sans difficulté. Elle avait gardé le vous, ne voulait pas plus du « tu » d’Amarylis. Il fallait conserver la distance, en général, pour qu’Ambre conserve l’ombre d’un respect.

-Le rêve est cantonné aux murs, tant pis pour les gens qui voyagent, et ne peuvent pas courir assez vite que pour vous implorer de les aider. J’ai vu des femmes mourir sans parvenir à délivrer la vie qu’elles portaient, tellement souvent. J’ai vu des plaies se gangrener, et priver de leur vie des gens honnêtes, qu’on a préféré achever, par amour. Je nous ai vu crever, boîter, perdre des membres loin de tous, et …
Comment vous dire, j’ai trouvé ça honteux, d’être là, de prétendre pouvoir protéger ces gens avec qui je marchais, alors qu’ils crevaient, que la plupart était trop jeune, ou trop faibles. Je vous prie de croire que je ne reproche cela, ni à vous, ni à vos semblables. Mais vous pouvez changer cela, vous avez le savoir nécessaire, juste ici. Il suffirait d’abattre un mur…


Ambre baissa les yeux, alors, parce qu’elle avait l’impression de lire des plaies dans les grands yeux de son interlocutrice- les siennes, entre autre. Mais pourquoi les dessinateurs, leur foutu pas sur le côté auraient la primeur des soins ? Pourquoi d'abord les nobles, toujours? Que gagnait-on d'un savoir qui prenait la poussières, et pourquoi, eux, rêveurs, en feraient meilleur usage qu'elle-même, Marchombre? Qui interdisait qu'on transmette ce savoir, pourquoi, comment? Elle se souvenait de l'ermite, et de sa manière de parler des fils qui tendent le monde. Elle se souvenait de l'Académie de Merwyn corrompue. Elle se souvenait de tous les champs de bataille, au fond, si protégés

-Ou d’ouvrir une fenêtre. Je sais que c’est interdit, mais je ne comprends pas pourquoi vous devez restreindre l’accès de vos bibliothèques aux non-initiés. C’est ça, l’affaire que je veux conclure. Je veux l’accès à vos bibliothèques. Tout ce qui concerne le rêve en soi m’est accessoire, j’en suis profondément dépourvue de toute manière. Mais vous avez les plantes, vous avez certainement les plus gros recueils d’anatomies, vous avez ce qu’il faut pour enseigner l’art de la chirugie , de…
Je pourrais sauver des vies, avec ça, qu'est-ce que vous risqueriez? Je pourrais recopier ça, et transmettre à d’autres, je…


A ce moment-là, c’est bien simple, l’autre l’interrompit.


Amarylis Luinïl
Amarylis Luinïl

Maître rêveur
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MessageSujet: Re: Socially Awkward Pengouin [Inachevé]   Socially Awkward Pengouin [Inachevé] Icon_minitimeJeu 2 Mai 2013 - 15:19

Amarylis aimait la façon dont la jeune femme qui lui faisait face choisissait ses mots. Ils semblaient nombreux, mais chacun avait une utilité bien précise dans l’énonciation. Elle ne s’encombrait pas de superflu, s’axant sur sa volonté à l’était brut. Et si cela paraissait aux yeux du monde arrogant ou irrespectueux, la rêveuse aimait cette marque là. Cette particularité, d’où qu’elle vienne. Elle aurait voulu être aussi forte et grande du regard pour ne pas flancher si souvent. Pour ne pas faire partie des lâches. Et ne pas exister en tant que simple accoucheuse. Elle devait être connue pour bien d’autre chose dans le monde, elle.
Être une de ces femmes qui ne sont plus vraiment femmes. Qui ne dévoilent pas leurs sentiments à quiconque et ne pleurent pas pour un rien. Qui savent se relever sitôt la chute, et ne pas rester à terre à geindre de son propre sort. Celles dont le regard affirme avoir vécu des mauvaises choses, mais qui sont toujours là, plus fortes. Et pas cassée. Pas en équilibre et adepte d’adrénaline pour s’en sortir.

Elle la laissa se présenter, ne la coupant qu’une fois pour lui indiquer qu’elle connaissait la vie sur les routes. Elle n’y mit pas grande conviction, toutefois, dans cette affirmation là. La vie d’aventure datait de son enfance, de sa prétendue famille. Bien trop loin pour considérer qu’elle faisait partie des itinérants. Auparavant elle rêvait de voyages autour du monde, et on la qualifiait même de sauvage à Ondiane. Si têtue et dynamique que tous pensaient qu’elle rejoindrait des caravanes pour assouvir ce besoin tout en respectant sa carrière. Beaucoup furent donc surpris de la voir se ranger à Eoliane.
La flamme s’était bien vite éteinte, soufflée par l’horreur du monde et paralysée par la peur. Et la rêveuse était devenue l’image même de sa caste, calme, sensible et inintéressante.
La directrice grinça silencieusement des dents, ne supportant plus cette image neutre. Le rêve devait retrouver sa couleur. Et elle devait trouver le moyen de se sentir admirée et importante. Vivante. Fougueuse. Courageuse. Intéressante. Source de ragots et d’interrogations.
Il lui fallait mettre ses expériences au grand jour. Le plus vite possible.

Et les mots d’Ambre la touchèrent. Pas comme on touche une personne d’un mot doux ou d’un mot dur. Mais comme un regard qui donne raison, qui donne compassion et tremplin. Sans s’en rendre compte, l’itinérante lui offrait ce dont elle avait besoin. Le dernier coup de pied au derrière pour se lever et crier au scandale. Pour faire plus que de simples expériences sur un seul cas. Défier les règles et les membres du conseil. Il lui faudrait jouer finement, pour ne pas être déchue. Mais elle n’avait que des victoires à son compte. Son absence de neutralité n’avait pas été condamnée. Au contraire. Il existait donc bien une fenêtre possible, qu’elle pourrait agrandir en porte. Si quelqu’un pouvait écarteler les principes du rêve au sein des rêveurs, c’était bien elle. Elle en avait non seulement le pouvoir, mais la capacité.
Et du soutien. Cela commencerait par Ambre. Mais d’autres suivront. Combien d’hommes ou de femmes ont perdu un être aimé, faute de moyens médicaux ? Le taux devait frôler les quatre vingt dix neuf pour cent.

Aussi elle leva une main, en l’air, coupant l’élan de la jeune femme.

-Tais-toi.

Elle laissa un instant le silence peser l’importance des décisions qui allaient écouler de cette entrevue.


-Tais-toi. Tu n’as pas besoin d’en dire plus pour me convaincre. Tu prêches une convertie qui n’avait besoin que d’un élément en plus pour agir.

Elle fixa Ambre, assurément surprise, en pensant à l’absurdité de la vie. Elle était venue se plaindre, crier à l’injustice. Pas offrir sa reconnaissance à Amarylis. Mais aux yeux de la rêveuse, il s’agissait uniquement de cela : de la reconnaissance. La reconnaissance d’un cri muet contre le monde et ses sociétés.
Coude contre son bureau, paumes jointes comme dans une prière, la Maitre Rêveuse réfléchissait, dénouant les possibilités et les espoirs. Elle releva la tête dans une évidence sans nom.


-Plus qu’un accès à une bibliothèque, il nous faut des guerriers médecins. Des hommes et femmes formés aussi bien au combat qu’au soin.

Un frisson lui parcourut, tandis que le souvenir des griefs contre Elisha l’envahissait. Elle avait presque reniée son élève pour avoir participé à un cours de combat. Alors qu’en réalité…elle avait tout juste !
Secouant la tête contre sa bêtise, elle chercha dans les recoins de la pièce un objet sur lequel fixer son regard pour se donner contenance. Son doigt tapotait le bureau, prêt à dénicher un énième déclic pour que les mots deviennent actes.

-Je peux demander au conseil de se réunir, et leur évoquer toutes les blessures du monde. Mais cela ne garantit pas leur accord. Trop de rêveurs n’ont jamais quitté leurs confréries et ne connaissent rien à la cruauté du monde. Et quand bien même, ils pensent qu’il s’agit là de l’équilibre du monde.

Elle se redressa, consciente des difficultés, mais en aucun cas effrayée. Elle ne faisait qu’exposer les risques d’une telle opération à sa patiente, avant d’aborder les démarches possibles.

-Il y a une différence entre prendre part à une bataille voisine, et prendre part aux conflits du monde entier en offrant l’art de soigner à d’autres. Car en partant du principe que l’on peut vous donner cette possibilité, notre code de neutralité inclurait que nous devons donner cette même possibilité à des gens bien moins…à des assassins, mercenaires du chaos ou tout autre malfrat. Voilà pourquoi la médecine reste sectaire. Parce qu’on a prêté serment. Le serment de soigner toute personne quelque soit sa nature. Et jusqu’ici, cela convenait à tout le monde, car on fermait les yeux et on pensait que la justice de la Dame et du Dragon ferait en sorte que les bons s’en sortent plus souvent que les mauvais.

Elle déglutit.

-Une seule seconde de déconcentration dans mon rêve peut suffire à tuer accidentellement une patiente, Ambre. Une opération mal faite, et le patient souffre plus qu’autre chose. En dévoilant notre savoir, on ouvre la porte à une nouvelle forme de torture. Sommes-nous vraiment prêtes pour cela ?

Sa langue passa sur ses lèvres, prête à conclure son plan.


-On pourrait réunir des volontaires. Des personnes comme toi ou comme moi, désirant protéger les démunis. Combiner l’art de la guerre, même si je ne le comprends pas et celui du soin. Il serait plus facile d’obtenir un premier accord pour une formation privée, que pour une ouverture complète de la médecine. Dans un premier temps, du moins…

Il faut y aller pas à pas. Les grandes avancées commencent par des petits compromis. Montrons aux lois ce qu’elles veulent voir, et dupons-les, jusqu’à ce qu’elles acceptent ce qu’elles refusaient au début !

Ambre Naeëlios
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Marchombre
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MessageSujet: Re: Socially Awkward Pengouin [Inachevé]   Socially Awkward Pengouin [Inachevé] Icon_minitimeDim 26 Mai 2013 - 16:44

Ambre s’était attendue à devoir marchander, à devoir supplier, à devoir mordre, peut-être, inciser, amener des preuves. Elle s’était attendue à être reconduite paisiblement hors les murs, là où était sa place, et à devoir intriguer par désespoir pour accéder à la bibliothèque. Elle s’était même attendu à devoir s’infiltrer, tricher, et dérober tout ce qui lui tomberait sous la main et qui lui aurait permis d’apprendre.

Elle avait toujours eu cette habitude des situations impossible, où l’on brasse le vent inutilement, et dans un but qu’on est seuls à reconnaître. L’utopie flirtait avec son esprit depuis toujours.
Jamais on ne lui avait donné le moyen de la réaliser – de la détruire, toujours.
Un instant, elle fut effarée, effarée comme elle l’avait été devant la mer, seulement.
Où faire aller la colère, s’il n’y avait aucune résistance ? Était-ce possible, qu’un projet soit finalement réalisable, sans délais, juste avec des convictions, une initiative et la certitude d’agir pour le plus grand nombre, en faveur de l’harmonie ?

L’adolescent qu’elle était y avait cru, et y avait laissé davantage que bien d’autres, parmi ses frères de maîtres. Ce qu’il en restait, Ambre s’acharnait à le réduire à moins que rien, à le tourner à la plus profonde dérision. Que naisse le marchombre de l’éclat de rire. C’était la seule manière de continuer d’exister, de se porter, fière encore, et de ne pas subir le véritable coût des choses. Nous sommes trop vieux pour mourir jeunes, et que ça semble grandiose, n’est-ce pas ? Qui nous regarderait, pour qui aurait-ce un impact ?
Si aux yeux du monde elle devait passer pour guerrière seulement, ce n’était pas si grave. Peu, même parmi les marchombres comprenaient vraiment les tenants et les aboutissants du mot.

Il ne fallait pas croire, jamais. Croire, c’était s’affranchir de la liberté pour tomber dans le confort.
La jeune femme déglutit, pendant qu’Amarylis poursuivait, allant plus loin encore.
Jamais, jamais encore, elle n’avait approuvé quelqu’un, les mots de quelqu’un, comme une extension de son propre langage. Quelques secondes, cela fut fait, et elle aurait voulu croiser le regard d’Amarylis, pour tester la profondeur de cette connexion qui s’établissait entre elle, comme jadis, elle avait tant de fois cherché le regard d’Ena.

C’était le fait de ne pas pouvoir plonger dans les grands yeux clairs de la rêveuse qui propulsa Ambre bien profondément à l’intérieur d’elle-même, là où dormaient de leur sommeil léger les colères les plus noires, les déceptions profonde, là où l’amertume devenait corrosive et lui rongeait les os, lascinante comme une musique populaire. Son pied se mit à danser sous le bureau, d’impatience, pendant que l’incrédulité faisait place à la méfiance la plus profonde.

Lutter contre ça était aussi impossible pour elle que ne pas voir la faille dans le discours d’en face, de ne pas en analyser le ton de la manière la plus vicieuse possible- mieux valait voir trop de mal, et être surprise en bien.
Et bien sûr, l’appui d’une seule rêveuse, fut –elle Amarylis Luinil, n’assurait en rien que les choses se fassent. La seule véritable incidence, songea Ambre, c’était que ce ne serait plus entre ses mains à elle. C’était un transfert de pouvoir, que l’autre envisageait. Et l’itinérante n’était plus prêt à déléguer quoique ce soit de ses propres mains.


-Madame, répondit-elle après un temps de silence mesuré, et le son de sa voix la surprit elle-même, tant il semblait dissonant, vous allez sans doute me prendre pour plus rustre que ce que je suis, mais un rêveur même sympathique à la cause que vous faites déjà vôtre ne saurait la défendre… réellement.

Elle se mordit l’intérieur de la joue. C’était du dépit, et sans doute des restes d’enfance qui s’accrochaient entre ses lèvres, qu’elle aurait voulu pouvoir mordre aussi, mais il n’était plus temps pour les malaises évidents que montrent les adolescentes et les nobliaux.

-Votre enfermement et vos connaissances vous feront tous voir des circonvolutions qui n’existent pas. Hors les murs, il n’y a pas d’art de la guerre, ou de la mort qui tienne. La mort fait partie de nos vies, certains des miens préfèrent la donner que de perpétuer leur propre sang. La torture que vous évoquez existe déjà, lorsque deux parents se regardent, et jaugent s’il convient de prier pour le salut de leur enfant, ou d’abréger ses souffrances. Il subsiste toujours le doute de ce qu’il faut faire.

Elle repoussa derrière son oreille ses mèches courtes, sans hésiter, pour sa part à croiser les iris d’Amarylis. Plus pour l’écraser, cette fois, ni même pour faire étalage de quoique ce soit.

-Si vous avez le pouvoir de faire changer les choses durablement, et de former un grand nombre de personnes… faites-le, et faites-le avec vos armes, vous pourrez sans doute accomplir plus tous ensemble que moi, seule. Mais j'ai les miennes. Je serai plus rapide. Je pourrai instiller les bases d’un savoir bien plus rapidement que vous ne saurez instaurer un ordre à la fois compétent et fiable… et une fois cela fait, il faudra encore que cet ordre gagne la confiance, ou personne ne se laissera soigner. Je suis des leurs, vous comprenez?

C’était vrai. Il avait fallu à ses ancêtres toute leur fierté pour partir sur les routes, toute leur force pour creuser les mines du Dragon et en extraire son or et ses opales, et des années durant ces hommes et femmes avaient vécu ne compter que sur eux-mêmes, leur discernement, la chance, et la rapidité de leur course. L’art du rêve répugnaient à nombre d’entre eux, qui craignaient de s’en voir affaiblis sur le long terme, dans leur volonté et dans leur force. Ambre partageait leur crainte, quelque part.

-Je ne sais pas à quel point ça vous semblera inconcevable, comme peut l’être votre vie pour moi, mais je ne peux m’abdiquer à une collectivité quelconque. J’ai appris à ne compter que sur moi, en toutes circonstances. Je ne saurais… je ne pourrais pas faire plus que transmettre moi-même et vous adresser différentes personnes. Quand bien même je le désirerais.

Son pied s’était arrêté de danser, ses yeux avaient cessé de voir, et de regarder le monde au dehors d’elle. La vérité était bien simple. Ambre donnait des coup de pied dans les tours pour les voir s’effondrer. Elle ne lèverait jamais d’armée pour le faire. Elle ne se voyait que comme le détonnateur. Trop de colères et de haine pour se livrer encore éperdument à une seule cause. Non. Tout ça, c’était des moyens, des moyens d’ébranler le plus d’esprits et de monuments possibles. Le reste, d’autres s’en chargeraient, des meilleurs, ceux qui avaient encore en eux assez d’idéalisme à suicider, et de temps à perdre.


-Je regrette. Je ne demande que l’accès aux bibliothèques, à titre individuel, et la liberté d'apprendre, acheva-t-elle, d’une voix blanche.

Amarylis Luinïl
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MessageSujet: Re: Socially Awkward Pengouin [Inachevé]   Socially Awkward Pengouin [Inachevé] Icon_minitimeSam 1 Juin 2013 - 14:17

Amarylis attendait avec le sourire d’un enfant qui attend de déballer son cadeau d’anniversaire. Elle sentait la connexion profonde qui pouvait résulter de cet échange et la nouvelle adrénaline que lui offrait Ambre avec cette opportunité. A toutes les deux elles pouvaient rendre le monde plus beau, moins cruel. Elles pourraient apporter la connaissance et prouver au monde entier que les rêveurs ne se bornent pas qu’à rester cloitrer dans leurs confréries. Et que rêve et combat ne sont pas nécessairement des ennemis. Elisha avait raison en allant à ce cours. Elle avait raison ! Et Amarylis mourait d’envie de courir le lui dire.
Elle ne s’attendait donc pas à prendre une douche froide, glaçant tous ses espoirs de quelques mots.

Selon Ambre aucun rêveur ne pourrait défendre la cause. Et de là déjà elle faisait erreur. Elle criait contre les stéréotypes et contre les mœurs qui imposaient aux rêveurs de garder leurs savoirs. Et ensuite elle venait calmement annoncer qu’un rêveur n’était pas capable de faire avancer les choses ? Elle se contredisait, et parvenait même à faire naitre une pointe de vexation chez la femme aux cheveux bleus. Pensait-elle réellement que ses semblables étaient tous pleutres et incapables ? Qu’ils étaient pour la mort, ou en faisaient le commerce ? Leur seul défaut résidait dans le moule qui les enfermait depuis des décennies. Il suffisait de briser ce moule.

Elle lui reprochait de ne pas savoir alors qu’elle-même ne savait pas. Elle ne connaissait pas le secret du rêve, celui dont on n’acquiert la connaissance qu’au septième cercle. La connaissance. Pas le pouvoir. Le pouvoir est donc bien présent avant. Dès le début, même. Mais à ne pas le connaitre, on ne peut l’utiliser. Même par erreur on ne pourrait pas le mettre en œuvre car tout rêveur est profondément bon de nature. Il est formé comme tel, et ne passe pas l’épreuve du second cercle s’il n’en montre pas les particularités essentielles.
Mais en ouvrant la connaissance de la médecine, on aura alors affaire à des personnes qui n’ont pas ce bien fondé. Certes elles ne disposeront pas du don. Mais nul besoin de don pour avoir le pouvoir de tuer. Elle appelait torture celle des parents face à l’enfant qui se meurt. Amarylis était loin de le nier. Mais la torture physique qu’engendrait de donner l’occasion à n’importe qui d’ouvrir des gens, d’explorer leurs organes, n’était en rien comparable. Un homme suffisamment intelligent pourrait prétendre guérir tout en faisant le mal. Il pourrait garder sa proie en vie tout en lui faisant sentir la mort à chaque souffrance.
Et les rêveurs. Il en serait une telle ouverture pour les rêveurs que certains perdraient toute notion de bien et de mal. Et développerait ce dangereux pouvoir enfoui en eux.
Mais à elle, Ambre. Malgré toute sa bonne volonté, comment savoir à qui elle transmettrait les savoirs appris dans la bibliothèque des rêveurs ?

« Je suis des leurs, vous comprenez ? »

Non, justement. Je ne comprends pas.
Si tu étais réellement des leurs, tu voudrais le changement. Et tu servirais à tous, pas qu’à toi. Tu fais preuve d’un individualisme qui rend ta demande égoïste. Ta bonne intention ne devient que prétexte. Tu nous prends pour incapables sans savoir qui nous sommes. Tu penses pouvoir apprendre plus vite que nous ? Alors pourquoi refuser de nous apprendre ? Pour garder la fierté de te croire supérieure ? Mais tu n’es pas supérieure. Car tu demandes de l’aide. A tout changement il faut un temps d’adaptation, de confiance.
Mais en parlant de confiance. Crois-tu réellement qu’on te fera plus confiance à toi, inconnue prétendant avoir des bases de soin, qu’à un ordre créée et dirigé par un rêveur ?
Tu n’es pas des leurs. Tu es des tiens. Tu veux sauver ceux que tu aimes, connais, croise. Mais tu te fous du reste du monde. Et en cela, tu me dégoutes.

La Directrice d’Eoliane dévisagea sa visiteuse tandis qu’elle mettait les mots sur son individualisme. Comment lui accepter désormais l’apprentissage ? On donnait soin à toute personne, quelque soit ses origines, convictions ou appartenances au bien ou mal. Et cette même conviction lui dictait de ne pas lui refuser l’accès aux bibliothèques juste parce qu’elle faisait preuve d’un égoïsme sans égal.
Mais à la fois il s’agissait déjà de rompre les convictions des rêveurs. Comment lui faire suffisamment confiance pour qu’elle n’apprenne pas mal et aux mauvaises personnes ? Rien ne lui certifierait jamais. Absolument rien.


-Comment te faire confiance, Ambre ? Comment te faire confiance si tu ne fais pas confiance aux rêveurs ?

Le mot confiance fonctionne par paire. Car il n’existe pas s’il n’est pas réciproque.
Amarylis soupira, se levant, tous les paumes à plat sur son bureau.


-Je suis désolée, mais je ne peux accepter de te donner libre accès aux bibliothèques.

Elle sentait déjà les protestations et insultes venir de la jeune femme, aussi leva-t-elle la main et lui coupa la parole.

-Du moins pas seule. La confiance se gagne, et tu ne viens absolument pas de gagner la mienne avec ton comportement. Néanmoins tu n’es pas venue pour être jugée et je garderai mes sermons pour moi.

Si tu peux vivre avec tant d’altruisme, tant mieux.

-Je t’accompagnerai, et je t’apprendrai ce que tu veux bien apprendre de moi.

Auras-tu assez d’humilité pour accepter le savoir d’incapables comme nous ?


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MessageSujet: Re: Socially Awkward Pengouin [Inachevé]   Socially Awkward Pengouin [Inachevé] Icon_minitimeDim 2 Juin 2013 - 16:37

La voix était blanche, comme souvent lorsqu’elle savait que les mots la condamneraient. Ils n’étaient pourtant que lumière, dans son propre cœur.
C’était souvent ainsi, quand elle énonçait sa vérité, non pas comme les autres, sur la pointe des pieds. Ambre avait cette brutalité, cette violence, cette manière d’être poliment crue, et ses mots aveuglaient trop souvent ses interlocuteurs de colère. Elle le savait. Le plus souvent, ça l’arrangeait. Les mots trop lisses de ses interlocuteurs accentuaient toujours ses propres démons, et sans pierres d’achoppement les discussions n’avançaient pas, personne n’évoluait.
Le monde pourrissait d’habitudes, et ses moisissures, à force d’être respirées par l’humanité, tapissaient les propos de tous.
Dame Luinil, vous qui prenez soin des corps, qui consacrez votre existence aux blessures de toutes sortes, ne pouvez-vous réellement diagnostiquer celles de l’âme ?

Je parle comme on tousse, je crache comme on saigne, j’expose à tous les regards ce qui dérange…
Mais c’est vrai, les brèches de vos murs où le vent s’engouffrent doivent troubler le repos de vos patients, vos méditations sourdes, votre sommeil de rêveur.
Peut-être est-ce ce non-éveil au monde qui vous permet de recréer les tissus, de cicatriser les plaies, comme vous l’idéalisez, comme vous le voyez ? Comment voyez-vous le monde, Rêveuse ? se demandait la jeune femme, redevenue mutique. Vous avez dû en contempler tant d’horreurs, tant de chairs, tant de vies, je ne crois pas en la naïveté, ou l’aveuglement. Serait-il possible que tout soit pour vous l’égal d’un conte ancien, où l’horreur confronte le plus grand bien général ?

C’était sans doute pour ça que les rêveurs abdiquaient une existence individuelle conjugale- ne pas avoir de vie propre devait les tenir écartés des soucis et des distractions quotidiennes, loin des égoïsmes, des jalousies, des possessivités. Ca ne voulait pas dire qu’ils n’aimaient jamais, sans doute.
Le son de la voix, face à elle, était celui de quelqu’un qui aime. Qui aime et qui protège.
Ambre faisait face. Ce n’était pas grave, de ne pas être comprise, même quand elle essayait. Ce n’était pas grave, si elle-même se méprenait totalement sur la rêveuse. Seul comptait le résultat.

Elle aurait voulu continuer de parler. Il y avait des dizaines de raisons pour lesquelles l’autre aurait dû lui faire confiance :
Elle avait demandé.
Elle s’était présentée.
Elle était franche, elle le resterait malgré elle jusqu’au bout.
Elle aurait pu éviter les trois premières étapes.
Elle pourrait être en train de lire en ce moment même.
Elle n’avait pas menacé. Elle n’avait pas triché. Elle n’était pas passée par le moindre argument d’affectivité ou de fédération à l’Académie. Elle n’avait pas prétendu accepter quelque chose pour lequel son engagement n’aurait pas été véritable.

Mais rien de cela ne suffisait jamais, à personne, même avec un contrat, se remémorra-t-elle, en soupirant à son tour, lorsque tomba la sentence. Le « Non » était tombé, déjà. On jouait la scène habituelle, mais dans le désordre, donc ? Ses sourcils se froncèrent, mais Amarilys garda la parole. Foutu pouvoir.
« Son comportement ». Elle se demanda ce qu’il pouvait avoir, son comportement, pour déranger tout le monde aussi facilement, pour que tout le monde se permette des attentes en particuliers sur elle. Le mariage avec un fils, quand elle promettait la défense d’un convoi, sa dévotion à un ordre même pas encore créé, quand elle demandait la connaissance. Et leur comportement, alors ? Pourquoi ne dérangeait-il qu’elle ?
Elle avait cependant le réflexe bienheureux de garder ses « sermons » par devers elle. Elle n’était pas son maître, elle n’avait effectivement rien à lui dire. Elle n’était personne pour croire que son jugement affecterait quoique ce soit.

La dernière réplique lui fait avaler ses insultes.
Elle se devait de reconnaître que le marché était honnête : Amarilys non plus n’arrivait et ne désirait pas à déléguer sur quiconque les responsabilités de ses actes. Sans doute, si Eoliane était attaquée, se tiendrait-elle droite pour défendre ce que sa confrérie renfermait de plus précieux.


-En me présentant devant vous, je me suis soumise à votre jugement et à vos règles, en toute connaissance de cause, répondit-elle après un long moment de réflexion. J’ai choisi de discuter pour comprendre et que l’on fixe les limites. J’accepte les vôtres.

Elle s’était elle aussi redressée lentement, rétablissant nonchalament l’égalité entre elles, maintenant que le bureau ne les séparait plus, elles n’étaient plus que deux femmes. Deux voix différentes. L'une

-Je veux aussi que vous acceptiez les miennes. Je rendrai grâce à l’alliée qui partagerait ses connaissances et m’apporterait son aide, et voudrait partager avec moi. Cependant, jamais je ne l’appellerai ni ne la considérerai comme Maître, sur aucun point de vue.

As-tu assez d’humilité pour accepter qu’on te respecte simplement sans contrainte, parce que nous désirons la même chose, différemment ? As-tu la faculté de laisser faire, comme tu laisses vivre ?

-Je pourrai en contre-partie partager mon propre savoir. Le maniement du bâton, même si ce n’est pas une arme propre. Le corps à corps, à ceux qui le désireraient, toute la durée de mon séjour.

Elle tendit la main, simplement, signe que ces points ne seraient pas négociables, pas plus que la surveillance d’Amarylis. A conclure, ou exclure, comme toujours depuis la nuit des temps. Ce n'était pas exclu d'être exclue. Mais elle aurait essayé, de son mieux

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MessageSujet: Re: Socially Awkward Pengouin [Inachevé]   Socially Awkward Pengouin [Inachevé] Icon_minitimeJeu 13 Juin 2013 - 14:18

Amarylis restait droite et fière, capable d’affronter les éventuelles insultes qu’engendrait son expression de non confiance. Il suffisait d’être toujours la bonne poire de tous, trop gentille et trop conciliante. A force de vouloir dire oui à tout et de sourire à tout bout de champ, on l’avait qualifié de naïve, faible, fragile. La femme qui n’en était pas une et sur qui on pouvait facilement marcher sans même qu’elle hurle ou proteste. L’Amarylis s’était fanée depuis. S’était faite écrasée par la mort et un puma. N’en était ressorti que le poison permettant d’abréger les souffrances de quiconque. Elle sentait le pouvoir du septième cercle prendre dangereusement possession de son sang, de cette nouvelle adrénaline insufflée par les récents évènements. Et si cela pouvait aux yeux des autres la rendre trop confiante, tant mieux. On n’attaque pas ceux qui exhibe leur confiance et qui peuvent se révéler dangereux. Bien entendu jamais personne ne penserait qu’un rêveur puisse faire de mal à une mouche. Mais si ce rêveur se montrait puissant, puissant dans le rêve et dans une certaine transgression des règles, il en devenait respectueux et fort. Pas faible. Pas la première cible à attaquer sans réfléchir. Et si l’on savait que tout rêveur pouvait aussi bien tuer que guérir, là, alors seulement là, le monde se mettrait à trembler du pouvoir des rêveurs. Et au fond de son cœur avant-gardiste, la jeune femme avait un peu envie de cela. D’être grande, respectée, voire crainte. Car ceux qui sont craints ne sont pas des proies, et ne souffrent pas de la mort de la même manière. Et Eoliane avait suffisamment souffert ainsi.

Ambre se redressa, s’affirmant elle aussi. Elles étaient deux femmes égales en négociation. Deux êtres forts qui ne plient pas, mais se courbent légèrement pour signer des compromis. En affaire. Amarylis n’avait jamais réellement fait cela, des affaires. Et il fallait dire que cela lui plaisait bien plus qu’elle ne l’aurait pensé. Parce qu’en affaire, il ne suffisait pas d’user de son don et de sourire pour rassurer les patients. Non, il fallait autre chose de plus constructif et plus compliqué à appliquer : de l’assurance. De l’estime de soi, n’était-il pas temps d’en avoir, ici ? Que tout rêveur se sente important aux yeux du monde entier ?
L’étrangère ne s’en rendait peut-être pas compte, mais elle amenait à ce jour du renouveau chez les rêveurs. Elle amenait une âme de leader à la directrice de la Confrérie, un brin de rébellion en plus qui concernait bien plus que le rêve en lui-même. En posant son regard et ses mots emplis de pitié pour les rêveurs, elle venait de déclencher l’indigestion de patience et de compassion propre à la caste. Amarylis refuserait à présent que quiconque puisse les qualifier d’incompétents.

La poitrine de la rêveuse gonfla légèrement lorsque la visiteuse accepta ses conditions. Elle pouvait donc réellement faire preuve d’autorité. Elle n’avait pas fait semblant, elle avait réussi. Et il lui semblait presque voir moins de mépris dans les pupilles de son interlocutrice. Toutefois cette dernière voulut apporter sa part de compromis au contrat. Elle faillit rire à la première condition. Quelle idée. Quelle idée de croire qu’elle lui demanderait de l’appeler maître ? Maître avait un sens bien trop important, bien trop intime pour qu’elle se permette de l’utiliser à la légère avec une étrangère de passage. Etonnamment il n’y eut pas d’autres conditions. Et même si elle était entièrement d’accord avec la question de l’appellation, elle fit mine de réfléchir un moment, afin de ne pas la satisfaire trop vite.


- Tu n’es pas plus digne à nos yeux d’être notre élève que tu ne nous considère digne d’être ton maître. N’ai donc crainte de cela.
 
Le ton était sans appel. Peut-être légèrement trop froid. Amarylis s’en voulut presque, mais ne s’excusa pas, et préféra compléter sa pensée.
 
-Cela n’empêche toutefois pas que tu es la bienvenue à Eoliane, aussi longtemps que tu le souhaites, et que nous bénéficierons avec plaisir du savoir que tu peux nous apporter.
 
Les rêveurs ne rejetaient personne,  même s’ils l’appréciaient peu. Pour ce qui était d’Ambre, Amarylis ne savait pas dire l’impression qu’elle se faisait d’elle. Il y avait tout autant de l’admiration que de la méfiance. Elles se dévisagèrent ainsi quelques secondes, puis la directrice ouvrit le passage en se dirigeant vers la porte.
 
-Je n’ai pas de cours aujourd’hui, je peux donc dès à présent t’amener à la bibliothèque. Cela te convient-il ?
 
Elle supposait que l’itinérante n’était pas du genre à remettre les choses au lendemain. Et tant mieux, car elle non plus.
 
-Pour ce qui est du maniement du bâton, il conviendra, justement car ce n’est pas une arme à proprement parler. Un rêveur n’a pas à apprendre à combattre. Il pourrait être radié de l’ordre rêveur pour cela. Toutefois les règles précisent que l’enseignement du combat armé est proscrit. Celui du bâton est donc par définition autorisé.
 
Avant qu’elles ne sortent de l’appartement, elle préféra ajouter un détail crucial à cela.

-Cependant, je préfère m’entretenir de cela avec mes rêveurs avant que tu ne leur offre quelconque cours. Un quiproquo pourrait amener Eoliane à ne plus exister, et l’Académie ne serait pas la seule victime de cela.
 
Elle espérait donc de tout cœur que l’intention d’Ambre soit suffisamment bonne pour ne pas user de cette occasion pour nuire au rêve. Elle voulait protéger ses rêveurs, et leur offrir de quoi se défendre un minimum en cas de situation dangereuse. Et pour cela, elle allait devoir négocier avec plus gros qu’elle, alors qu’elle commençait tout juste à parler affaires.
Cette Ambre pourrait être source d’un vent bien trop fort pour cette petite bâtisse, si elle ne parvenait pas à le contrôler.


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MessageSujet: Re: Socially Awkward Pengouin [Inachevé]   Socially Awkward Pengouin [Inachevé] Icon_minitimeDim 7 Juil 2013 - 15:24

Tendre la main, dans la tête et le cœur d’Ambre, n’avait rien à avoir avec de l’aide. C’était déjà se compromettre, mais, il est vrai, une prise de pouvoir- si prendre les devants était prendre le pouvoir.
Il lui semblait que cette discussion n’avait que trop duré, et qu’il convenait d’en finir.
Elle n’avait pas envie d’être surprise ainsi, à supplier encore, n’aspirait qu’aux livres, au savoir des livres, et aux changements que leur connaissance entraînerait en elle.


L’oscillation du ton, la différence d’avec les négociations précédentes mettait à mal son assurance et sa détermination. Plutôt que de la réjouir, l’étrange place qu’elle occupait dans le débat la privait de ses armes de prédilection, la laissant bien trop fragile à son goût.

Il y eut un silence, quelque chose de très bref et de très long à la fois, quand bien même Ambre ne retenait pas son souffle.
Et les mots tombèrent, verdict indéfectible. 


Le souffle d’Amarylis les porta jusqu’à sa peau, c’était comme un parfum de fleur et de douceur, tiède, qui contrastaient avec le ton, la nature même de la voix : qui veut briser.


Parler de ce que pouvait ressentir Ambre, à ce moment-là, c’est comme parler de la victoire d’un peuple sur un autre. Il y avait un fond de triomphe que les faits réels occulteraient d’en un premier temps, la confrontation du regard extérieur, qui penserait « Elle a eu ce qu’elle voulait, pour une fois » avec les échos que toutes ses précédentes défaites faisait planer en elle : tout cela y ressemblait tellement.

Il y avait sa main qu’elle ne pouvait rétracter,  pas sans perdre toute sa crédibilité, mais qui fut secouée par l’envie, l’impulsion de se plaquer sur cette bouche, d’en enfermer le souffle et les sons, d’imprimer par le bleu ce savoir :la dignité n’avait rien à voir là-dedans.


C’était sa propre rage qu’elle devrait toujours ravaler, soumise et abrutie par leurs foutues murailles, leurs plein-pouvoir indiscutable. Ne plus accepter, c’était se compromettre, se contraindre à devenir une paria, ou ici, une voleuse – et pour une itinérante, quoi de moins envisageable ?


C’était le regard d’Ena, qu’elle affrontait, qui se superposait au regard d’Amarylis. La rêveuse valait mieux, parce qu’elle avait osé dire les mots que l’autre avait pensé froidement, en lui volant trois ans, en se faisant « son maître ».  C’était cette même froideur qui ciselait leurs mots, cette même supériorité, et déjà le regret d’avoir toutes les cartes en main.
Cette foutue main qu’Ambre ne pouvait pas reprendre, et qui attendait de pouvoir serrer l’autre, à lui briser toutes ses foutues articulations.




Venait ensuite les mots de « Bienvenue », comme jadis, on l’avait acceuillie à l’Académie. L’érudition était à ce prix. Les mots de Gord Egon et de son fils revinrent également la hanter, comme pour la rassurer : tout avait un prix.
Le marchombre ne subit pas les forces qui régissent le monde, il profite d’elles. S’opposer aux forces n’était pas le plus sûr moyen de les contourner, d’arriver à l’Harmonie originelle.
Ambre le savait, elle l’avait lu, elle l’avait entendu, elle l’avait vécu, tant dans les combats que lors d’entrainements. Ce n’était pas pour autant que l’exercice lui était moins difficile, ou plus naturel.


L’appel des livres aida à la garder neutre. C’était comme un signe de bonne volonté de son interlocutrice- bien mieux que des excuses, que, de toutes façons, Ambre n’aurait pas acceptées pleinement. Ses yeux la suivirent vers la porte.


Sa foutue main tendue n’irait pas jusque là.

Mais l’autre reprit, détaillant tous les aspects des « enseignements » qu’Ambre avait à transmettre, selon elle.
Le sourcil de la jeune femme se souleva, fort heureusement, cela pouvait être interprété comme de la surprise par rapport au fait que les rêveurs n’avaient pas le droit d’apprendre à se défense…
Or, ce n’était absolument pas ça qui interloquait Ambre.
C’était la vision du bâton.

Elle dût se retenir de sourire à son tour, tant Amarylis corroborait les faits qu’Ambre avait voulu exprimer plus hauts. Les rêveurs n’étaient REELLEMENT pas capables de comprendre le monde des guerriers, ou les réalités d’un combat…


Lorsqu’Ambre avait parlé d’arme « propre » elle avait envisagé cela au sens d’arme-qui-donne-une-mort-propre. Le bâton brisait, cassait, écrabouillait, étranglait, cognait. En aucun cas il ne « coupait ».
Le spectacle d’un combat au bâton, où le combattant désirait sauver sa vie et prendre celle de la personne qui lui faisait face, était d’une brutalité féroce.




C’était une arme.
Une arme qui exigeait un entrainement, et une maîtrise. Comme toute arme, le bâton pouvait être léthal.


Ambre se mit à avancer, emboitant le pas à la rêveuse, qui n’avait toujours pas bouclé leur contrat, mue par les mots qui continuaient de couleur entre les lèvres de la rêveuse, comme le flot de sang qu’Ambre se prenait à fantasmer.

Le savoir était aussi une arme.
Comme tout arme, il exigeait entrainement et maîtrise, et pouvait être mortel.
La dernière phrase d’Amarylis plongea Ambre dans un abysse de tentations.

Elle ne cherchait aucun mal à la Confrérie, en y entrant, pas plus qu’elle ne cherchait à se venger de l’Académie. Elle ne cherchait pas de maître, seulement un savoir qui lui permettrait d’être enfin respectée des siens, d’améliorer les conditions de vie des siens, de réduire l’écart trop grand d’avec les dessinateurs, ou la noblesse.

Mais la perspective nouvelle faisait rugir son sang du désir de vengeance toujours maîtrisé, et l’orgueil pulsait dans ses battements de cœur… de joie sourde.
Elle hocha la tête, acquiesçant, invisible, aux tenants et aboutissants de tout ce que suggérait Amarylis.
La main tendue vint se poser sur l’épaule de celle-ci.


-Je comprends et respecte cela, commença-t-elle. Et je ne ferai rien que vous ou vos rêveurs réprouveriez. Mais un accord n’est scellé que lorsque deux mains se rencontrent. Je ne veux pas de mots, les mots ne sont que du vent.

Elle tendit la main, à nouveau, l’air toujours grave. Oh, oui, il lui en coûterait… mais elle pouvait payer le prix.

Amarylis eut un petit regard de surprise, puis, comme une hésitation avant de saisir la paume de la marchombre, dans un demi-sourire-soupir.  Comme si c’était une formalité vaguement superstitieuse de roturiers…

La poigne était douce et ferme, sa main incroyablement soyeuse, comme il sied aux Dames.
Ambre pour sa part, savait sa main ferme, calleuse- mais refusa de se laisser aller à la moindre brutalité.  Il fallait aller avec les forces du monde, et non contre elles.
Tout prenait un sens beaucoup plus concret, maintenant.


*

Lorsqu’elle entra dans la bibliothèque, Ambre s’abîma dans la contemplation du lieu; elle avait beau savoir que le maître rêveur l’observait, rien n’y fit.
Un sourire s’épanouit sur ses traits trop durs, quelque chose du respect, et du « bonjour » qu’on adressait à de la famille jamais rencontrée jusqu’alors.


Elle était face aux véritables résidents d’Eoliane, prisonniers tout comme elle du bon vouloir des rêveurs, et de l’empereur. Elle se sentit accueillie par le silence du lieu, l’odeur lourde, les poussières que rendaient visibles les vitraux délicats des fenêtres. Tout était une invitation au recueillement.

Elle était face aux seuls résidents d’Eoliane dont elle désirait connaître quoique ce soit, les seuls qui auraient quelque chose à lui offrir. Ils étaient innombrables et millénaires, ni bons, ni mauvais : tels le marchombre, ils étaient, en toute simplicité. Mais un seul regard lancé par un inconnu quelconque suffisait biaiser leur valeur pour toujours.

Comme on touche un idole, la jeune femme aurait voulu en caresser un, au hasard, l’ouvrir, y plonger simplement le nez.
Tout cela lui avait terriblement manqué. Tout cela risquait de lui manquer toujours.
Elle songea au livre sur les Alines qui était encore enfoui dans son sac, et qu’elle refusait d’ouvrir- c’était devenu comme un dernier recours, la dose d’une drogue trop dure, celle qui serait de trop, fatale.


S’arrachant aux rayonnages autant qu’à ses pensées, elle revint à Amarylis, qui semblait satisfaite, mais ben loin de la sérénité.
Elle lui emboîta le pas, sous son invitation, en toute bonne fois, impatiente de découvrir les richesses qu’on acceptait de partager avec elle.




Ses yeux se promenaient sur les rouleaux de parchemin,  puis les titres des quelques reliures, calligraphiées avec soin. Elle en ignorait tout, jusqu’ici, mais chacun accentuait son désir de transgression, boulimie de connaissances. En son temps, se répétait-elle, il ne fallait rien brusquer.

-J’ai lu ceux qu’on trouve à l’Académie, intervint-elle, sans douceur ni agressivité excessive, comme on énonce un fait, en voyant la rêveuse se saisir d’un premier volume, dont le titre lui était très familier. Et je me souviens de celui-là… même si  je ne doute pas que votre éclairage à son sujet pourrait m’être précieux.

Elle l’avait ajouté très rapidement, comme on se reprend devant les enfants d’un juron lancé par l’habitude. Ambre, faute d’avoir jamais confronté son point de vue à celui de l’ermite, qui n’était que silences,  ni estimé celui d’Ena, ne concevait pas spontanément que la discussion d’une lecture puisse apporter quoique ce soit, que son unique point de vue puisse être suffisant.
Elle pouvait cependant continuer d’espérer que ce serait différent.



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MessageSujet: Re: Socially Awkward Pengouin [Inachevé]   Socially Awkward Pengouin [Inachevé] Icon_minitimeLun 5 Aoû 2013 - 13:23

La Maitre Rêveuse fut soulager que l’étrangère confirme à voix haute qu’elle n’avait nul désir de détruire la Confrérie. Non pas que mettre à néant des rêveurs était fréquent, mais en tant de crise, les victimes les plus nombreuses sont toujours les désarmées qui n’ont rien demandées. Et avec toutes ces rumeurs d’empereur mort assassiné par Jehan, Amarylis prenait peur. Et pas que pour elle. La politique n’était en rien son domaine, bien au contraire. Elle s’était toujours appliquée à tendre l’oreille ailleurs lorsque ses professeurs abordaient le sujet, trouvant tout cela à la fois trop complexe et trop stupide. Mais elle n’aurait jamais imaginé Jehan en meurtrier. Ça non. A ses yeux il était rêveur de conviction faute de l’être de vocation.
Ce fut la cause de son hésitation lorsqu’elle découvrit la main tendue d’Ambre. A qui faire confiance ? Qui peut prétendre mieux qu’un autre être inoffensif ? Quel élément pouvait lui certifier que la roturière ne cherchait pas, par cette poignée, à l’attaquer, ou lui jouer un mauvais tour ? Aucun. Personne. Rien. Toute confiance est nulle et non advenu dans ce monde tant que le doute n’est pas mort. Et osez dire qu’il existe des personnes qui ne doutent pas.
Néanmoins elle accepta de sceller l’accord ainsi, devinant bien qu’il serait plus dangereux pour sa confrérie et elle de refuser cette marque que de prendre le risque de l’accepter. Elle se félicita de son choix en découvrant qu’elle était toujours vivante après avoir serré la paume de la combattante. Pour l’instant.


**

Rentrer dans la bibliothèque fut comme une bouffée de souvenirs qui éclate au visage. Le lieu lui était pourtant quotidien, mais le fait de songer à l’incertitude de son avenir lui rappelait le passé. Ici elle était revenue, à moitié morte, sauvée par ses élèves et Locktar. Ici elle avait rencontré Lehya. Ici elle avait enseigné à Maël. Ici elle avait étudié pour ses nouvelles expériences. Ici comme ailleurs était une ancre de sa vie, un peu d’elle-même semée par mégarde. Et plus que jamais elle voulait que ce peu devienne grand. Le temps ne se faisait que trop sentir. Ce matin, par exemple, elle avait aperçu une vilaine tâche de vieillesse au creux de sa paume droite, comme en écho avec cette tâche rougeâtre sur sa tempe. Ewen devait s’en occuper. Devait. Ce n’était qu’une sorte d’hématome éternel, mais combien de chose devait-il faire ? Combien d’actes avait-il manqué en mourant ? Elle ne voulait en perdre aucun.
Ambre parcourait déjà les rayons, avec dans ses gestes une certaine fascination évidente pour les livres. Il était vrai que leur couleur, texture et odeur rendaient ce lieu comme intouchable, un cocon de retrouvaille à l’abri des craintes de l’extérieur. Amarylis resta silencieuse, laissant à son invité le plaisir de ce moment de quiétude. Elle aurait voulut profiter de ce moment pour réfléchir à ce dont elle pourrait bien lui apprendre, pour commencer, mais son cerveau refusait toute concentration. Il débordait de trop de choses sérieuses à penser, organiser, calculer, et il n’aurait pas étonné à la rêveuse qu’il finisse par exploser. Loué soit les simples d’esprit.


Lorsque l’étrangère revint à ses côtés, elle lui offrit un pâle sourire et l’invita à s’assoir près d’une table qui jouxtait les rayonnages qui pourraient leur être utiles. Tandis qu’elle s’installait, la femme aux cheveux bleus laissa ses yeux parcourir les titres de sa collection sur les débuts du soin. Elle ne connaissait pas le niveau d’Ambre, aussi prit-elle en main le tout premier, bible indispensable des premiers savoirs à assimiler. Mais à peine le lui avait-elle amené qu’elle fut coupé. Poliment, néanmoins, avec dans la voix comme une petite crainte de paraitre vexante. La directrice acquiesça, et rangea le livre avec soin.

-Dans ce cas, si tu l’as déjà lu, nous allons directement passer au niveau suivant. Il est vrai que j’en avais mis un exemplaire à l’Académie, mais j’étais loin de me douter que des élèves auraient l’envie de l’ouvrir.

Sur ces mots, elle tira un deuxième grimoire, bien plus lourd, et bien plus vieux, dont certaines pages ressortaient, comme si elles tentaient de s’enfuir. En enluminure dorée, sur la couverture marron, on pouvait lire « Vivre ou mourir : faites la différence ». Amarylis le posa avec le plus de douceur possible malgré son poids sur leur table et s’assit aux côtés de la jeune femme.

-Celui-ci, tu ne risques pas de l’avoir lu. Et je pense qu’il pourra t’offrir de solides connaissances utiles sur le terrain.

Elle l’ouvrit pour elle, la laissant découvrir la table des matières.

-On va commencer par les blessures qu’on ne peut pas soigner. Ça parait affreusement défaitiste, comme position, mais même avec le plus puissant des rêveurs certaines maladies ou plaies sont incurables. Alors sans rêveur… Ainsi tu sauras reconnaitre si soigner une personne est vain ou non. Cela te fera gagner un temps malheureusement précieux en cas de nombreux blessés. Ensuite nous passerons aux différents types de plaies, et comment les traiter. Autant finir par ce qu’on peut sauver, plutôt que l’inverse.

Elle chercha donc du doigt la catégorie « Reconnaitre la mort », et put y lire la numérotation de la première page traitant de ce macabre sujet. Elle tourna avec soin les pages abimées et jaunies qui dégageaient une odeur loin d’être désagréable, à vrai dire. Le premier article de la section s’intitulait « L’insondable est incurable ».

-Le cerveau. Traduit-elle avant même qu’Ambre ne puisse lire les paragraphes associés. A nos jours, aucun rêveur n’a réussi à sonder le cerveau de façon suffisamment précise pour le soigner. De fait, toute personne présentant des symptômes de délires trop importants pour être simplement calmés par une plante, et surtout si c’est à long terme ne pourra être soignée.

Elle n’avait pas pu faire revenir la mémoire à Kushumaï, et ne le pourrait pas.

-De même, une personne dont le sang s’écoule des oreilles est un mort en sursis. Ce sang provient du cerveau, on ne sait si c’est une fuite, un défaut ou je ne sais quoi d’autre, mais l’hémorragie ne peut être arrêtée. Par contre, du sang provenant de la bouche, par crachas, est tout autre.

Ce qui l’amena au deuxième article « le rhume de poitrine ».

-De nos études, ce sang vient de la poitrine, et plus particulière d’un organe qui s’y situe : le poumon. Hélas tout aussi incurable. Du moins lorsqu’il s’agit d’un rhume de poitrine. J’ai déjà vu un combattant cracher du sang suite à une déchirure interne de son poumon. Déchirure que j’ai pu soigner car bénigne. Le rhume de poitrine est différent. Il s’agit d’une infection encore inconnue qui survient sans causes définies.

Elle se racla la gorge, se préparant à faire une sorte de synthèse pour ne pas embrouiller Ambre.

-Donc en cas de crachas de sang : si c’est suite à un affrontement ou autre situation similaire, il s’agit probablement d’une déchirure. Il faut alors emmener le patient le plus rapidement près d’un rêveur. Les plaies intérieures, celles des organes, ne peuvent être soignées sans rêve. En ouvrant une personne, tu la tuerais, et pas suffisamment rapidement pour qu’elle ne souffre pas. L’urgence de trouver le rêveur réside dans le fait qu’à chaque respiration la déchirure s’étend, et peut en créer d’autres. Et entrainer la mort. Lorsqu’on verra les plantes et les plaies, je te désignerai celles qui t’aideront à garder cette personne en vie le temps de trouver une confrérie. Il n’y a malheureusement aucune garantie.

Voici la fatalité de la vie, Ambre. Je peux t’apprendre tous les rudiments des soins, sans don du rêve, tu ne pourras tous les sauver. Voilà pourquoi il faut passer à une nouvelle ère où les rêveurs pourraient accompagner les voyageurs sans craindre de mourir dans la première seconde d’une éventuelle attaque.

-Par contre, si le crachas de sang est dû à une maladie, accompagné de fièvre, tremblements, toux et autres symptômes plus ou moins grave selon l’avancé du rhume…Tu pourras remuer terre et ciel, tout ce que l’on pourra faire pour cette pauvre personne est de prier pour que ses souffrances s'achèvent au plus vite.

Un certain silence tomba. Le rhume de poitrine était assez fréquent, particulièrement chez les femmes et en devenait donc une peur irrationnelle pour elles. Amarylis elle-même craignait de mourir de la sorte. Le premier chapitre de cette leçon était loin d’être terminé et déjà les quelques oreilles qui s’étaient attardées sur l’échange pâlissaient de l’impuissance de l’homme. La maître rêveuse, elle, sentait son cœur battra la chamade de la rage de vaincre cette impuissance.

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Socially Awkward Pengouin [Inachevé]
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