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 Skil'Liches Lupi Sunt [Terminé]

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Arro Skil'Liches
Arro Skil'Liches

Maître Marchombre
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MessageSujet: Skil'Liches Lupi Sunt [Terminé]   Skil'Liches Lupi Sunt [Terminé] Icon_minitimeJeu 21 Fév 2013 - 16:00

L'Académie était plongée dans le noir, la nuit douce avait englobé les lieux de son châle sombre. Les élèves dormaient, se remettant des cours de la journée et rêvant des suivants. Tout le bâtiment semblait dormir... Sauf cette silhouette qui montait les escaliers difficilement, épuisée. Elle allumait son chemin à la lueur d'une torche. Dans l'éclat des flammes, son visage d'homme souriait de contentement. Il était couvert de terre, de branche et de feuille. On pouvait voir aussi quelques poils de cheval ici et là. Apparemment, la personne s'était fait surprendre par une pluie de printemps. Mais il avait continué, encore et encore, jusqu'à ce que son plan soit parfait. Il semblait avoir prévue plein de choses pour le lendemain, mais là, il était fatigué et ne pensait qu'à s'endormir dans un lit douillet. S'approchant de ses appartements, il embrassa les lieux des yeux, tombant sur le lit où une silhouette dormait d'un sommeil d'ange. L'homme sourit encore plus en voyant les cheveux rouges qui ressortaient sur les draps blancs. Il lança ses vêtements sales dans un coin et s'installa sur le canapé qui lui servait de couchette dernièrement. Le résident regarda une dernière fois sa femme et en s'endormant, il se dit * Bientôt, bientôt je pourrais dormir avec toi *.
Arro se réveilla le lendemain, les cheveux complètement collé par de la boue sèche. Il passa sa main dans sa crinière et en ressortit avec les doigts couverts d'un mélange de feuille et de crin. Le marchombre se souvint de la soirée éreintante d'hier, des heures passées à préparer son cours et les petits moments d'entrainement personnel. Étant encore dans les vapes, il décida d'aller prendre une bonne douche avant de retrouver son apprentie. Il attrapa une serviette qu'il passa autour de sa taille et chercha dans son armoire des vêtements propres. Il opta pour une bonne vieille chemise en lin et un pantalon en cuire. Il attrapa au passage son manteau fourrée, sa besace, son arc, son carquois et ses bottes puis s'enfuit vers une salle d'eau.
S'étant levé aux aurores, aucun élèves ne croisa son chemin. Sifflotant un petit air guilleret, il poussa la porte en baillant et lança ses vêtements dans les vestiaires avant d'entrée dans la salle où trônaient les douches. Arro laissa l'eau chaude couler sur son corps et enlever la terre infiltrée dans les moindres pores de sa peau. Il s'appuya sur le mur et pensa à la dernière semaine. Une dernière fois, il se remémora ses entraînements de tir à cheval, de la sensation particulière qu'il avait ressentit. Le marchombre n'était pas encore beaucoup expérimenté, sa dextérité à l'arc l'avait beaucoup aidé, mais il n'était pas prêt à dispenser un cours sur cet art. Il réfléchit aussi aux exercices qu'il avait préparés pour son apprentie, tir à l'arc et cours de chasse, cette journée promettaient. Tout ce qu'il espérait, c'était de ne pas se reprendre une saucé comme hier soir.
Il ferma le robinet et l'eau s'arrêta de couler, petit à petit. L'homme sortit doucement, attrapa sa serviette et entrepris de s'essuyer. Le maître terminait de passer la serviette sur son corps en sifflotant un petit air. Il s'habilla rapidement, passa sa besace, vérifia que sa flûte était toujours à sa place, pris son arc et son manteau à la main. Lorsqu'il sortit de la salle d'eau, les élèves n'étaient pas encore levés. Donc son apprentie non plus, Arro se réjouit à cette idée, cela allait lui permettre de faire quelque tir de flèche.
Le marchombre dévala les marches et s'arrêta devant les grandes portes du hall d'entrée. Il passa son manteau sur son dos et son arc en bandoulière. Enfin il était près et il poussa les battants qui s'ouvrirent sur une Académie qui venait d'être baignée dans la rosée.L'homme sourit et s'en alla vers le clôt d'exercice. Un pas après l'autre, il se délectait du spectacle que les gouttes fines sur l'herbe lui offraient. Il s'approcha de la barrière entourant, la sauta et installa son bordel. Besace posée sur le sol, arc à la main, carquois sur le dos. L'homme était près.
Il se mit en position, jambes écartées, pieds en équerre, souple sur les genoux, arc porté à bout de bras, une main tirant le fil jusqu'à la tension parfaite. Arro ferma les yeux, il écouta le vent, son arc tendu à l'extrême, sa flèche frottant contre le bois. Il lâcha, la corde se détendit, la plume frotta contre le bois, le trait siffla et tout s'arrêta par le bruit mat de la cible. Pas besoin d'ouvrir les yeux pour comprendre que son tir était en plein centre, mais pour récupérer sa flèche, c'était plutôt utile. Ses paupières mouvèrent pour laisser la lumière entrer dans son iris.
Il contempla son arc. Cette arme était parfaite, en lien avec lui. Il le garderait toujours... Jamais il ne le changerait... Seul un seul objet pouvait le remplacer. Une relique qui ne pouvait pas être refusée, un objet si miraculeux qu'il était devenu une légende. Le gant d'Ambarinal. Au début, il n'y croyait qu'a moitié. Jusqu'au jour où il croisa la route d'un marchand, enfin plutôt d'un contrebandier. Il cherchait un objet pour Kushumaï et le vendeur possédait de beaux objets, dont certain lui rappelait étrangement l'Académie. Il racontait qu'il avait ''trouver'' ces babioles dans un arbre creux. Surement une cachette de voleur. Ne pouvant rien prouver, Arro n'avait pu que contempler l'étalage.
Il tomba sur les vêtements et au milieu trônait un gant, unique. Demandant pourquoi c'était le seul gant sans paire, il n'eut que pour réponse ''je l'ai trouvé comme ça''. Intrigué, il le passa à sa main et le referma. Il sentit comme un manche. Le marchombre tiqua... Il jeta un regard intéressé au vendeur et lui demanda le prix. L'homme le vendait pour une bouchée de pain. Tâtant ses poches, il avait oublié sa besace. Il promit de revenir le lendemain.
Sauf que l'homme ne se trouva pas au rendez-vous. Cherchant ce marchand, il le retrouva dans une auberge, effrayé, les vêtements pleins de suie. L'homme lui raconta qu'une bande de pillard l'avait braqué et avait emporté tout son butin. Rageant, Arro demanda s'il avait quelque chose de distinctif, un détail pour les retrouver. Le vendeur lui parla d'un signe qu'il avait vu, tatoué, sur le bras d'un des voleurs. Un aigle schématisé, dégoulinant comme s'il avait été peint à l'encre rouge ou pire... Avec du sang. Sachant qu'il n'aurait pas le temps de les retrouver, le marchombre se jura d'un jour récupérer le gant d'Ambarinal. Il s'était engagé dans une quête folle, mais il n'était pas effrayé. L'homme s'avança pour récupérer son trait.
Sortant de ses pensées, il s'avança. D'un mouvement sec du poignet, il sortit la flèche plantée dans la paille. Profitant de la proximité des cibles, il en éloigna une au fond du clos. L'homme s'en alla de l'autre côté. Il était maintenant à une distance plus qu'impressionnante. Le marchombre souffla, cela faisait longtemps qu'il ne s'était pas lancé un défi. Arro banda son arc, mais ne ferma pas ses yeux. Non, il était trop éloigné pour viser seulement à l'oreille. Il ferma un oeil et se concentra. Il ressentit le picotement familier de sa greffe. Cela faisait un moment qu'il ne l'avait pas utilisé. L'image de la cible se rapprocha, restant nette. Cela l'impressionnait toujours, il avait l'impression que la paille était si proche qu'il pouvait la toucher. Il régla un peu son zoom, cherchant à avoir une vision globale.
Sa flèche s'élança, piquant droit vers la cible. Elle se ficha dans la paille, mais très éloigné du centre. Un peu mécontent, il tendit de nouveau son arc. Encore le petit picotement, il observa avec plus de précision. Respirant avec calme, il lâcha sa nouvelle flèche qui siffla et se planta de nouveaux. Il s'était rapproché du centre. Il continua, un trait après l'autre, cherchant à mettre plein centre. Ses habitudes reprenaient peu à peu le dessus et ses gestes étaient précis. Lorsqu'il lâcha son dernier trait qui se ficha -enfin- en plein centre, l'homme remarqua qu'il n'était plus seul.
Ichel était là, l'observant. Depuis quand, il ne savait pas. D'un mouvement de main, il la salua et lui demanda de s'approcher.


-Bien dormis ? J'espère que tu es en forme, car l'entrainement d'aujourd'hui ne va pas être de la patate.

Il avança pour récupérer ses flèches, son apprentie le suivant. Tout en retirant ses traits de la paille, il expliqua le début du cours.

-Tout d'abord, on va voir, han, à quel niveau de tir tu es, hon. Tu vas te mettre à une douzaine de mètre, hun, de la cible. Tu vas, wou celle-là, elle est bien enfoncée. Tu vas tirer dix fois. Hop et voilà. Et je veux que tu atteignes au moins neuf fois le centre. Pas le, hmpf, milieu exact, juste le rond centrale, d'accord ? Et, pffm, tu recommences jusqu'à ce que, aller la dernière... grmph. Jusqu'à ce que tu aies atteint ton cota. Pigé ?

L'homme rangea les flèches dans son carquois et replaça la cible à son premier emplacement.

-Allez, en avant ! N'oublie pas, je te regarde.

Il se gratta la gorge et s'éloigna de son apprentie.

*Montre-moi combien tu t'es amélioré*


Ichel Calwin
Ichel Calwin

La Brute Marchombre
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MessageSujet: Re: Skil'Liches Lupi Sunt [Terminé]   Skil'Liches Lupi Sunt [Terminé] Icon_minitimeDim 10 Mar 2013 - 17:13

Souffle coupé, respiration saccadée. Deux grands yeux s'ouvrant sur des nuages qui filaient droit vers le sud. Un sourire éreinté s'affichait sur le visage de la marchombre, ses forces avaient disparues, seule la fatigue persistait. Ichel était allongée au beau milieu du clos d'exercice. Rien ne bougeait hormis ce léger soulèvement de poitrine qui semblait se calmer de minutes en minutes. Elle se releva avec difficulté, les bras aussi agités que son coeur. Tremblante, elle réussit à se remettre debout, face à cette cible qui la narguait au loin. Une cible criblée de flèches.
Cela faisait depuis plusieurs heures que la kaelem se prêtait à cet exercice. Encocher, viser, entendre, attendre, tirer, observer. Depuis plusieurs heures qu'elle ne lésinait pas sur la cadence, enchaînant les flèches à une vitesse incroyable. Et même si la fatigue la tenaillait, même si ses forces criaient au repos, elle continuait. Sa seule envie, prouver à son maître qu'elle avait progressé. Elle s'entraînait dur depuis son premier cours de tir à l'arc, elle ne tenait plus debout tant le nombre d'heures passées dans cet enclos dépassait l'entendement. Mais le plus effrayant dans tout cela était qu'elle ne délaissait rien dans son entraînement. Elle continuait à effectuer sa gestuelle marchombre, ne ratait jamais une occasion d'entreprendre une petite course, entretenait ses poignets au maniement de la dague. Bien d'autres encore. Il lui arrivait même parfois de retourner à la cascade et de réessayer, encore et encore de se glisser dans l'eau violente. Parfois, quelques lueurs d'espoir. Souvent en vain. Elle se retrouvait bien trop souvent submergée de la tête aux pieds. Malgré cela, Ichel n'abandonnait pas, y retournant toujours avec plus de détermination qu'au début. La marchombre s'entraînait dur. Elle aimait cela. Son corps s'affutait de jour en jour, devenant de plus en plus précis à mesure que le temps s'écoulait. La voie défilait sous ses pieds.

Le soleil touchait presque l'horizon, annonçant l'arrivée de la nuit et de ses suivantes, les astres. Il était temps. Mais avant, un dernier tir. Ichel récupéra son arc et son carquois qu'elle avait posé à côté d'elle.
Son arc. Le sien. Fait de ses propres mains. Elle ne pouvait s'empêcher de le couver du regard. Une belle arme, personnelle. Unique. N'obéissant qu'au bon vouloir de la marchombre. Adaptée à sa force, à son gabarit, à elle. Son maître le lui avait précisé, l'arme qu'ils allaient confectionner ensemble serait la sienne, elle serait taillée pour elle. Leur âme s'emboiteraient parfaitement l'une dans l'autre, ne formant plus qu'un seul et unique trait lancé à pleine vitesse.
La kaelem avait remarqué ce phénomène à plusieurs reprises depuis qu'elle avait achevé son arc. Ses tirs étaient bien plus précis avec cette arme qu'avec celle qu'elle s'était procurée dans l'armurerie. Elle n'avait ni l'impression de porter une arme à bout de bras ni que ce soit du bois. L'arc au bois foncé était le prolongement de son bras, une partie de son corps qu'elle pouvait greffer et ôter à sa guise. Partie intégrante d'elle-même.

La marchombre encocha une flèche, créant une résonance dans le bois. Son souffle saccadé ralentit soudain, prenant presque le silence comme exemple. Sa poitrine ne subissait presque plus aucun mouvement, tranquille. Apaisée. Ses mains tremblotantes ne tardèrent pas à se calmer, ses bras suivant les instructions. Son corps se tranquillisait petit à petit. Provoquant une atmosphère propice à la concentration.
Soudain, un mouvement. Ses bras remontèrent en silence, formant ce prolongement qu'était l'arme à ses mains. Tirant irrésistiblement sur la corde, elle la tendit avant d'atteindre le point de rupture. L’empennage vert de ses flèches venait caresser sa joue alors que ses yeux se perdaient dans la contemplation de la cible tant observée. Ses membres avaient beau souffrir le martyr, elle ne tremblait plus. L'envie de finir sur un bon score la tiraillant de tous côtés.
Inspiration, expiration. Ne pas relâcher son attention, respirer calmement. Respirer tout de même. Le regard noisette d'Ichel ne quittait plus la cible, comme attiré par elle. Son calme était intense, elle ne cillait pas.
Inspiration, expiration. Inspiration, expiration... Elle lâcha la corde. Trait de nuit filant droit vers sa route. Le centre. Bruit sourd, regard en avant, sourire. Victoire. La flèche avait atteint son but. Le centre de la cible.
Des trente-deux traits qu'elle avait tiré depuis l'heure qu'elle occupait cet enclos, seuls treize en avait trouvé leur cible. Demain, elle ferait bien mieux.

La kaelem accrocha son carquois à sa ceinture, mit son arc dans son dos avant de récupérer ses flèches. Première leçon, toujours récupérer ses projectiles. Ils coûtaient bien trop cher pour les gaspiller ainsi. Elle sortit enfin du clos d'exercice alors que les élèves sortaient de leurs salles de cours.
Elle était éreintée. Une bonne douche, un diner plus ou moins calme et un lit douillet. Il fallait qu'elle se repose ou malheureusement, elle ne pourrait tenir la distance le lendemain. Son maître le lui reprocherait sans aucun doute.
La marchombre se faufila alors entre deux élèves et disparut au tournant d'un couloir.

***

Ichel s'étira langoureusement alors que la plupart des élèves dormaient encore profondément. Elle s'habilla en hâte, empoigna son arc et son carquois, attacha ses longs cheveux brun et sortit en douce des dortoirs. Elle croisa Elya, bien matinale, dans la salle commune. Elle s'éclipsa cependant rapidement, ne voulant pas s'arrêter pour discuter avec la jeune dessinatrice. Elle savait pertinemment qu'elle ne pourrait plus la lâcher.
Dévalant ainsi les escaliers, elle avait le sourire aux lèvres. Cette journée promettait. Elle arriva bien vite au clos d'exercice, lieu du rendez-vous donné par Arro. Elle attendait donc devant lorsqu'elle entendit plusieurs bruits sourds à l'intérieur. Elle s'approcha avec discrétion et pénétra dans le clos. Elle eut un sourire lorsqu'elle découvrit la source de ce son. Son maître aux prises avec une cible. Il déplaça soudain une des cibles vers le fond et s'en alla à l'autre bout. Distance impressionnante pour n'importe quel bon archer.
L'apprentie se cala alors dans un coin, curieuse de savoir ce qu'il allait faire. Il banda alors son arc, Ichel retint son souffle. Mais il ne tira pas. Il prenait son temps, bien plus que d'habitude. Que faisait-il ? Elle était certaine qu'il n'hésitait pas. Quelque chose se passait cependant dans son esprit. Quelque chose dont elle n'aurait jamais vent. Soudain, il lâcha prise, donnant tous les droits aux vents, à la gravité et à la flèche. Dans la paille, éloignée. Ichel fut surprise de ce résultat.
Il continua encore et encore, ne s'arrêtant plus, se rapprochant de plus en plus du centre de la cible pour enfin l'atteindre. En plein centre. Ichel n'en croyait pas ses yeux. A une telle distance...

Ichel bougea, grossière erreur. Il avait senti sa présence. Elle sortit alors de son coin et s'avança à pas mesurés vers lui. Il se retourna, la salua et elle fit de même avant qu'il ne lui demande de s'approcher. Il commença alors les explications tout en récupérant ses flèches.
Une douzaine de mètres, dix tirs. Atteindre neuf fois le centre, le rond central. Recommencer jusqu'au cota.
Les consignes étaient loin d'être complexes. A présent, tirer juste. Au centre. Le marchombre plaça la cible à son emplacement habituel, à une douzaine de mètres d'eux. Le maître recula de quelques pas, rappelant au passage à son apprentie qu'il l'observait. Ah, ça, elle ne pouvait pas l'oublier. Cela faisait depuis plusieurs semaines qu'elle attendait le moment de lui montrer ce qu'elle valait à présent, un arc en mains. C'était le bon moment.

Levant son bras en direction de son dos, elle décrocha son arc et l'observa quelques instants. Cet arc qu'elle avait confectionné de ses mains. Brun terre, il se confondait presque avec celle-ci. Un cordage rouge sombre formait le centre. Ce qui attirait cependant son attention n'était pas cela, mais les motifs qu'elle avait gravé sur le bois. Durant des jours et des jours, elle s'était bornée à en déguiser le bois entier. Aucun millimètre n'avait été épargné. Des arabesques toutes plus insoutenables les unes que les autres. Seul un motif dénotait des autres, situé sur la partie supérieure de l'arme. Un oiseau, ailes déployées. La patience était une qualité rare chez la kaelem, mais elle avait réussi à la solliciter pour la confection de son arc. Chaque nervure était gravée. Rien n'avait été laissé en compte.

L'apprentie releva son regard vers la cible, puis se dirigea à nouveau vers son arme. Il était temps de débuter les tirs.
Empoignant une flèche, ses bras se relevèrent avec lenteur pour s'orienter dans un angle droit parfait. Depuis des jours, la marchombre répétait ce geste. Devenu fluide, aussi naturel qu'un souffle.
Un souffle. Ses doigts encochèrent la flèche aux plumes vertes jusqu'à frôler sa joue. Oeil unique pointé vers la cible, tremblements stoppés net, concentration maximale. Inspiration, expiration. Le silence l'entourait, plus rien ne comptait hormis ces dix tirs. Le temps ralentit, ses doigts se détendirent, laissèrent la corde suivre sa courbe.
Tac.
L'apprentie ne prit même pas la peine de jeter un coup d'oeil en direction de la flèche. Tout ce qui importait était ce point rouge au centre de la cible, ce point qu'elle devait atteindre neuf fois sur dix. Elle avait les yeux rivés sur ce cercle pourpre. Ses mains se remirent à fonctionner, survolant le carquois, elles tendirent à nouveau la corde. Ses gestes devenaient bien plus rapides sans pour autant que la précision ne manque.
Tac.
Ses yeux ne quittaient pas ce point rouge, cet éclat qu'elle comptait bien cribler de flèches. Ses mains ne s'arrêtèrent plus. De deux flèches dans la cible, les huit autres ne tardèrent pas à s'y enfoncer à leur tour. Ses yeux contemplèrent enfin la cible dans son ensemble. Trois flèches au centre. Les autres autour. Trois sur dix. Son cota n'était pas atteint. Soupirant, elle alla ramasser ses flèches et revint bien vite se remettre à sa place.
Deuxième essai. Elle ne voulait pas le rater celui-là, mais pour cela, elle devait faire preuve d'une plus grande concentration. Plus grande que durant ses entraînements en solo. Oublier le lieu dans lequel elle se trouvait, ne plus penser qu'à ce point rouge vif dans la paille de la cible.
Ichel ferma les yeux, sa main gauche empoignant son arc terre, l'autre une de ses flèches. Inspiration, expiration. Le silence se fit autour d'elle, son esprit faisant le vide de tout dérangement extérieur. Plus rien ne l'atteignait. Ses bras se levèrent, position parfaite. Ses yeux se rouvrirent, puis sans même prendre le temps d'inspirer, elle tira. Dix fois. Précision, efficacité. Un sourire s'étira sur son visage.
Gagné. Une flèche avait disparue, sans doute derrière la cible, mais les neuf autres étaient toutes dans ce cercle rouge, ce cercle visé avec tant de conviction. Ce cercle visé pour impressionner son maître, pour le rendre fière d'elle. Simplement.
La petite Ichel en avait fait du chemin depuis son arrivée à l'Académie. Depuis le début de son apprentissage auprès de son maître. Elle prenait de moins en moins de temps pour accomplir les exercices donnés, plus rapide que lors de leurs premières leçons. La jeune femme qu'elle était progressait à grands pas.

L'apprentie se dirigea vers la cible, compta le nombre de flèches à haute voix et lorsqu'elle arriva à neuf, elle se retourna. Sourire aux lèvres.


- Eh bien voilà le fruit de nombreuses heures de tirs ici même !

Ramassant les flèches une à une, elle chercha la dixième du regard. Loin derrière la cible, elle s'était fichée dans un tronc de rougeoyeur. Elle se reprit à plusieurs fois avant de réussir à la retirer, avec bien plus de force que les autres. Pourtant, elle ne s'était pas dirigée vers ce tronc. Ichel ne verra jamais ce trou infime qui traversait la cible de paille. Ce trou en plein centre.

Son sourire changea soudain d'expression. Sourire taquineur.


- Vous n'avez pas un défi plus intéressant que celui-ci dans vos manches ? Allez, ne me dites pas que c'est tout.

Taquiner le flûtiste, jamais elle ne s'en lasserait. Et puis il le lui rendait bien.




Arro Skil'Liches
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MessageSujet: Re: Skil'Liches Lupi Sunt [Terminé]   Skil'Liches Lupi Sunt [Terminé] Icon_minitimeVen 22 Mar 2013 - 15:17

Tac. Une flèche touchait une cible. Bruit sourd de la pointe qui rentre dans la paille. Arro aimait ce bruit. Il signifiait la réussite, qu'on faisait mouche, que le trait avait atteint son but. Et surtout, c'était un énorme pied de nez au philosophe-mathématicien du dimanche. Qu'en avait-il à foutre du paradoxe de l'archer ? Ce principe que la flèche n'atteindrait jamais sa cible. Tout ça entouré d'une histoire de temps et de moitié de distance. Mais fichtre, qu'est ce qu'ils veulent montrer. Un trait, c'était fait pour se planter, point à la ligne, pas besoin de tergiverser et d'émettre des suppositions totalement incongrue ! L'arc tire, la flèche touche, la cible reçoit. Que peut-il y avoir de plus simple ?
Le marchombre chassa rapidement ces idées saugrenues de sa tête et se concentra. Il observait chaque mouvement, chaque position, chaque petit détail, tout ce qu'il pouvait trouver était une bonne raison pour piquer Ichel au vif. Provoquer son apprentie, c'était son jeu favoris, surtout lorsqu'elle lui répondait. C'était comme un concours, le gagnant étant celui qui réussissait à clouer le bec de l'autre.
Arro sourit, la marchombre venait de rater la première série, pourtant elle semblait bien engagée, mais la Kaelem ne se laissa pas décourager. Repartie pour retenter l'exercice, elle se plaça en position. L'homme savait qu'elle utilisait tous ses sens, une aura d'harmonie flottait autour d'elle et de son arc.
Intérieurement, il se félicita, il avait tellement eu peur de n'être qu'un maître médiocre. Mais il avait réussi à transmettre son savoir et donner goût à son art. Il avait la preuve dorénavant qu'il avait été un bon professeur. Cela lui mit du baume au coeur.
Le marchombre regarda avec précision le dernier trait. D'un coup la flèche partie rapidement, filant dans l'air, touchant la cible, traversant la paille sans pitié et fonçant dans un rougoyeur. Le pauvre arbre n'avait rien demandé, seulement mal placé.
Toute heureuse, Ichel compta ses traits à haute voix, comme pour appuyer sa victoire. Lorsqu'elle s'arrêta à neuf, Arro compris qu'elle n'avait pas remarqué que sa dixième flèche avait traversé la paille. Score parfait, dix sur dix, l'homme sourit. Elle revint vers lui après avoir terminé de récupérer ses traits et lui lança une pique sur la facilité de l'exercice. L'homme répliqua aussi sec :


-Parce que tu trouves que ce petit échauffement ressemblait à un défi ? Tu ne sais pas ce qui t'attend ma grande ! Allez, passe ton arc sur ton dos, on bouge.

L'homme récupéra sa besace, son carquois et son arme. Doucement, il sortit du clos, suivi par son apprentie. Ses pas les emmenèrent près du bois, semblant savoir exactement où il devait aller. Ils arrivèrent près d'un arbre creux, plutôt grand. Derrière, il semblait y avoir une sorte de sentier, tout du moins ce qu'il en restait. La nature avait repris ses droits peu à peu, les racines avaient poussé en travers. Seul détail d'un passage récent, l'herbe était basse et les mauvaises herbes avaient été arrachées, permettant un passage plus aisé.
Arro monta à l'arbre, semblant chercher quelque chose en son sein, il en ressortit chargé d'un sac. On pouvait apercevoir le manche d'une poêle en sortir, stabiliser par deux grosses couvertures. L'homme arriva sur la terre, le passa sur son dos et expliqua la situation à son apprentie.


-Bon, on a tout. Tu dois te demander à quoi va servir ce sac, on risque de rester plus qu'un jour dans cette forêt, donc j'ai prévu de quoi dormir et préparer à manger. Pour l'instant, tu ne dois pas t'inquiéter de la longueur de l'entrainement, mais plutôt de ce chemin.

L'homme désigna le passage en friche de son doigt en souriant.

-Enfin pas exactement celui-là, je t'explique d'abord, tu vas comprendre. Tu vois, tirer sur une cible fixe, dans un endroit calme, c'est simple. Faire mouche dans le feu de l'action, là, ça devient complexe. C'est ce que je vais t'apprendre avec cet exercice. Mais pour le moment, on va échanger nos rôles, je parcours ce sentier, toi tu m'observes en me suivant dans les branches. Plus loin, il débouche sur une clairière et là, un chemin t'attendra. Ce que je veux que tu fasses pendant la première partie, c'est juste regarder. Tu ne mémorises pas mes mouvements, ça ne te servirait à rien. Tu essayes juste de comprendre la façon dont je m'en sors, observe comment je rentre en harmonie avec la forêt. Toujours attentive, les yeux grands ouverts et les oreilles à l'affût.

Il remarqua l'air perplexe de l'apprentie, se demandant en quoi consistait le défi.

-Ne t'inquiète pas. Tu vas bientôt comprendre en quoi se balader sur ce chemin est un exercice. Aller grimpe et attend mon signal pour partir, je te préviens, ça va être rapide !

L'homme tendit le sac de provision à Ichel, pris son arc dans sa main et positionna son carquois. Il se fit craquer le cou et les mains, soufflant pour se détendre. Le marchombre n'avait pas matière à être stressé, il connaissait le chemin par coeur pour l'avoir construit pièce par pièce, passer des heures à le parcourir, perfectionnant chaque détail pour son propre entrainement. Il savait tout.
Lorsque son apprentie disparut dans les feuillages, Arro commença à courir, tout doucement d'abord, puis de plus en plus vite. Il se remémora l'architecture du passage. Quinze mannequins dont dix dans le chemin même.
Première flèche dans l'arc. Il aperçut la cible numéro un, un énorme sac rempli de paille avec trois ronds peint en rouge dessus. Il pendait à une branche, retenu par une simple corde. Sans ralentir, le maitre tira. Touché. L'homme continuait, sans se préoccuper de sa réussite, un seul mouvement, un seul souffle, tel était la façon d'avancer des marchombres. Il continuait à courir, préparant une autre flèche. Son torse semblait totalement indépendant des jambes, ses bras mouvaient avec une aisance impressionnante, pendant que ses pieds martelaient le sol.
Deuxième flèche armée, son oeil avait aperçu le second sac, accroché à un arbre, légèrement sur le côté. Bandant l'arc, le trait fusa, ses jambes continuaient de courir. Prochaine cible, numéro trois, attaché à une branche, en hauteur, un peu plus difficile, la flèche toucha le sac. L'homme continuait de courir, inlassablement, continuellement, son visage était concentré, ses yeux fixaient loin devant lui, alerte à tout ce qui pouvait représenter une cible.
La difficulté allait en grandissant, au loin Arro aperçu le prochain sac, accroché à un arbre, facile à atteindre. Sauf qu'avant, il y avait un tronc en plein milieu de la route, obstacle simple à passer par un saut. Le marchombre tira sa flèche, sauta par-dessus l'arbre abattu. Juste après, il y avait une fosse. Profonde de quelque mètre, elle restait invisible tant qu'on n'avait pas passé le tronc.
Il remarqua une autre cible en bas de la fosse, sur le mur d'en face. L'homme roula sur le sol, se releva et tira une nouvelle flèche. D'un coup d'oeil, il repéra une autre cible, derrière lui, attaché un peu plus bas que le tronc. Il continua sur le chemin, ne s'arrêtant pas. Le mur qu'il avait en face de lui était composé de terre et de pierre. Trois de ces rochers sortait un peu, laissant une sorte d'échelle. Deux à gauche, une à droite, à intervalle régulier.
Ses pieds sautèrent sur la première marche, gauche, droite, gauche. Arriver au dernier saut, l'homme prit une belle impulsion et son torse se tordit vers la droite. De cette manière, son arc pouvait atteindre la cible derrière lui. Il tira.
Rapidement, Arro se remit droit, amortie le choc du sol et continua sur le chemin qui s'étendait encore devant lui. Six de fait, plus que neuf. La course continuait, un virage, un deuxième, puis vint la septième cible. Pendu, simplement, au-dessus d'un autre tronc. Cette fois-ci l'obstacle était bien trop haut pour être sauté. Par contre, un petit passage de boue s'étendait en dessous. Cela signifiait « glissade obligatoire ». Il tira une flèche et sauta, étrangement, il ne se laissa glisser, pied en avant, il tomba, l'épaule vers le tronc.
Cet étrange comportement s'expliquait par le fait qu'une autre cible était peinte au dos du sac. Glissant sur l'épaule, il se permettait un champ libre pour viser. Lorsqu'il dépassa enfin le tronc, la flèche fusa. Laissant son trait atteindre son but, il se servit de l'élan pour faire une roulade arrière. Se retrouvant ainsi face au tronc, il dut se retourner et reprendre son rythme de course. Bientôt, le nombre d'arbre diminua, le bois s'éclaircissant. Une clairière pouvait être aperçu dans l'encadrement de la lisière. Et juste à ce niveau, deux nouvelles cibles éloignée l'une de l'autre, de chaque côté de la sortie. Arro posa deux flèches sur son arc à l'horizontale, il les positionna en V banda l'arc et tira.
Courant à en perdre haleine, il arriva enfin dans la petite clairière. Son regard se porta sur les cinq cibles disposées en cercle, tout autour de lui. Il prépara une nouvelle flèche, freina et lorsque la vitesse fut acceptable, pivota sur son pied gauche. Il donnait de petites impulsions avec sa jambe droite, devenant une sorte de tornade plutôt lente. Cinq flèches furent tirées, chacune toucha leur but.
Arro continua de tourner un petit instant, laissant sa vitesse diminuée. Lorsque, enfin, il fut totalement arrêté, il s'écroula sur le sol, allonger. Il haletait, mais il était heureux. Ce n'était pas une réussite parfaite, chaque flèche n'avait pas atteint le centre, mais elles étaient aux moins plantées dans le sac. Sentant son apprentie s'approcher, il leva sa main, fermant son poing, laissant juste un pouce en l'air.


-Tout va bien, laisse-moi juste le temps de souffler un peu.

Après quelque seconde, il se releva pour être assis. Tentant de calmer un peu sa respiration, il regarda Ichel.

-Ne t'inquiète surtout pas, tu ne devras pas le faire aussi rapidement que moi. Il m'a bien fallu le passer une centaine de fois avant d'atteindre ce résultat. J'avais l'habitude.

Il se leva, ses jambes tremblotaient légèrement. Le maître fit signe à la Kaelem de le suivre. Ils traversèrent la clairière pour arriver à une souche, derrière lequel on pouvait remarquer un autre chemin.

-Voilà le tient. Tu feras juste un passage aujourd'hui, car notre emploi-du-temps reste chargé. Mais rien ne t'empêche de le refaire plus tard.

Arro s'arrêta trente secondes pour ralentir sa respiration.

-Tu y va à l'aveugle, donc pas la peine de courir, sauter tout le tralala. Je ne te demande même pas de tirer en plein centre, ça, il faut devenir plus qu'expert pour réussir. Ce que je souhaite, c'est de ne pas prendre de temps pour viser, tu dois tirer à l'instinct, imagine ces cibles comme des ennemis potentiels qui t'attaqueraient. Le plus rapide l'emporte et aujourd'hui, il faut que ce soit toi. Juste faire mouche.

Il étira son dos puis ses jambes. L'homme continua :

-Quinze cibles, le chemin se termine au lac. Je monte dans un arbre et je te donne le signal. Aller prépare toi ! Et n'oublie pas, je t'observe.

Il lança un regard suspicieux, planta son index et son majeur en face de ses yeux et fit un mouvement rapide de mains allant de la tête d'Ichel à la sienne. Puis il s'enfuit dans les arbres, grimpant rapidement. Le marchombre l'observa se mettre en position. Sa voix retentit d'entre les feuilles :

-Attention, prête ? PARTEZ !


Ichel Calwin
Ichel Calwin

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MessageSujet: Re: Skil'Liches Lupi Sunt [Terminé]   Skil'Liches Lupi Sunt [Terminé] Icon_minitimeDim 31 Mar 2013 - 19:04

Ichel ne fut pas surprise lorsque son maître renchérit sur une pique supplémentaire. Soudain, ils bougèrent. Elle passa son arc sur son épaule, son carquois dans son dos et ils s'en allèrent. Elle le suivit de près, laissant ses pensées s'échapper. La kaelem était bien curieuse de savoir ce qu'il lui avait préparé. Ils arrivèrent bien vite près du bois. Le marchombre semblait savoir exactement où ils se dirigeaient. Le bois était vaste, il devait avoir trouvé un lieu parfait pour leur entrainement du jour. Ichel le suivait encore quelques mètres lorsqu'il s'arrêta net devant un arbre creux. Ichel pencha la tête afin de percevoir ce qu'il trafiquait et aperçut quelque chose qui pouvait ressembler à un sentier. De loin. Seules les herbes écrasées marquaient les traces d'un passage.
Elle tourna la tête et ne vit plus son maître. Puis, alertée par un son, son regard se leva et elle le retrouva, perché dans l'arbre. Il en descendit les bras chargés d'un sac plutôt bien garni. En quoi ? Elle ne pouvait qu’apercevoir le manche d'une poêle et une couverture. Rien de plus. Mais ces quelques éléments avaient déjà le don de titiller sa curiosité. Cette dernière étant facile à activer.
Il se tourna vers elle et lui expliqua la suite du programme. Ou plutôt le début, vu les jours en perspectives qu'il venait de lui annoncer. Oh, ce n'était pas la longueur de l'entrainement qui lui faisait peur, ni le sentier caché. Elle se demandait plutôt ce qu'il allait lui faire accomplir par ce doux temps printanier.
Explications.
L'exercice lui plaisait bien. Atteindre des cibles en mouvements était peut-être la seule grosse difficulté de l'exercice. Elle qui quelques mois plus tôt était une bille un arc en mains, elle ne risquait pas de faire mouche immédiatement. Certes, elle s'était entrainée d'arrache pied, mais ce n'était pas suffisant. A présent, il fallait entrer dans le feu de l'action. Le seul soucis – ce qui laissait l'apprentie un peu muette – était qu'elle ne comprenait pas le défi dans tout cela. Oui, tirer dans le feu de l'action était compliqué. Mais pourquoi ce sentier ? Qu'attendait-il d'elle ? Dans tous les cas, elle avait hâte d'observer l'exemple qu'il allait lui offrir.

Ichel ne se fit pas prier lorsqu'il lui demanda de grimper. Après avoir récupéré le sac qu'il lui tendit, un saut effectué, quelques prises, et elle se retrouvait juchée sur une branche à plusieurs mètres du sol, attendant le signal de départ.
Il commença à courir. Lentement au départ, puis l'allure accéléra gentiment. La cadence augmenta bien plus rapidement que ce qu'elle n'aurait cru, mais elle arrivait toujours à suivre. Le sac bien accroché dans son dos, rien ne la gênait et elle évoluait dans les branches avec aisance. Les yeux rivés sur son maître. Ce dernier n'était qu'un souffle, qu'un temps. Arro ne faisait qu'un avec ce qui l’entourait, le bois et lui n'étaient qu'une entité unique.
Elle n'eut qu'à peine le temps de voir ses flèches fuser, qu'à peine le temps de le suivre, qu'il avait terminé le parcours.
Un sourire aux lèvres, elle avait compris. Ses yeux brillaient d'admiration, elle n'en revenait toujours pas. Ce parcours... Impossible à triompher de toutes ces cibles. Elle n'en revenait toujours pas... Les cibles étaient disposées de façon à hurler de terreur, mais il les avait toutes atteintes. Sans exception. Comment avait-il pu ?
Son coeur battait la chamade, ses tempes palpitaient. Son corps entier attendait l'instant où il pourrait enfin s'essayer à l'exercice.

La kaelem sauta de son perchoir et s'approcha. Couché sur le sol, il était essoufflé. Comment voulait-il qu'elle y parvienne si même lui n'en pouvait plus à la fin ? Peut-être l'en croyait-il capable... Ichel, elle, en doutait. Mais bon. Elle avait aussi douté de pouvoir un jour utiliser un arc, donc tout restait possible.
Il s'assit, reprenant son souffle, et put enfin parler. Il la rassura ; elle ne le fera pas à la même vitesse. C'était donc lui, ces traces de passages répétitifs. Il se leva, toujours à bout de souffle. Elle le suivit. Il arrivèrent près d'une souche derrière laquelle se trouvait un autre chemin. Elle était un peu rassurée de ne pas avoir le même parcours à effectuer. Elle n'aurait jamais réussi un tel exploit. Mais ce chemin-là, elle espérait pouvoir le dompter.

Comptez sur moi pour le refaire milles et une fois... Comme la cascade, qui me donne d'ailleurs du fil à retordre. J'y retournerait plus tard d'ailleurs.

Elle devait faire mouche. Simplement. Être rapide, tant pis. Tirer vite, mais pas précis. Faire mouche. Tuer ou se faire tuer. Comme si ces cibles étaient de potentiels ennemis. Toucher. Simplement. Quinze cibles, le sentier débouchant sur le lac.
Il lui fit un petit geste signifiant "je t'observe, fais gaffe". La kaelem eut juste le temps de lui lancer un regard à sa sauce avant qu'il ne s'éclipse. Disparut dans les feuillages, elle ne prit plus attention à lui. Sa concentration se fixa sur le sentier qui l'attendait, sur les obstacles que le marchombre ne s'était sans doute pas refusé. Après avoir posé le sac, elle se mit en place. Arc en main, carquois dans un angle parfait. Départ.

La terre se souleva sous la pression de ses pieds, le souffle du vent refroidissait son visage. Plus pour longtemps. Ichel trottait ; elle ne voulait manquer aucun sac. Première cible. Facile, à la bonne hauteur contre un tronc. Sans réfléchir, elle tira. Sans faute. En plein dans le mille. Elle ne put s'empêcher de sourire. Elle accéléra un peu la cadence histoire de créer un petit challenge.
Le sentier continuait dans une légère descente, un virage, un deuxième. Dans chaque angle, une cible. A quelques mètres du sol. D'un mouvement de buste, elle se mit face à la première. Et tira. Sans plus s'attarder dessus, elle se retourna pour tirer sur la deuxième. Faire mouche. Peut-être le faisait-elle, peut-être pas. Elle visait, tirait, mais ne regardait pas si les flèches atteignaient leur but. Elle entendait le son commun des flèches qui se plantent dans les sacs.
La marchombre ne se faisait pas d'illusion, tout le parcours ne pouvait être aussi aisé que ces trois premières cibles. Elle verrait bien.
Le sentier remontait. Il déboucha sur deux directions. Aucun indice sur le sol ni contre les troncs. Un éclat attira soudain son oeil, un bout de métal dans les branches. Elle prit cette direction. Tout en continuant sa petite course, elle releva la tête et trouva la source de cet éclat. Une cible était suspendue dans les branches, dissimulée. Presque invisible, mais Arro avait eu l'idée de disposer un morceau de métal afin d'attirer les rayons du soleil. Elle sortit une flèche, ajusta et tira. Quelques secondes. Le son du métal du projectile contre le bois résonna encore alors qu'elle était loin.
Le bois se resserrait de plus en plus, les troncs se touchant presque. Elle contourna un gros rocher et se retrouva soudainement face à trois mannequin. Surprise, elle sauta de côté, tira la flèche déjà encochée et se prit un arbre de plein fouet. Cela ne l'arrêta pas. Retirant deux autres flèches de son carquois dans la seconde, elle toucha les deux autres.
Elle sortit une nouvelle flèche, continuant sa route. Un tronc, elle sauta. Elle ne vit pas la marre de boue. La pluie s'était évertuée à inonder les environs la veille, l'eau n'avait pas eu totalement le temps de disparaître. Plusieurs endroits en était imprégné. Comme derrière ce tronc. Elle perdit l'équilibre et glissa sur plusieurs bons mètres. Elle vit la fin de la marre de boue arriver, mais ne put faire autrement que de se jeter à terre et d'effectuer une roulade. Deux minutes s'écoulèrent alors qu'elle reprenait ses esprits. Elle releva son regard et aperçut deux sacs suspendus l'un derrière l'autre. Impossible de les avoir tous les deux d'un seul coup. D'un geste, elle repartit. Une flèche transperça le premier sac. Elle contourna le tronc et tira à nouveau.
Neuf cibles. Il lui en restait six.
Le sentier se dégagea et le soleil vint frapper Ichel. Eblouie, elle ne vit pas l'énorme arbuste qui se dressait devant elle et lorsque ses yeux s'habituèrent enfin à la luminosité, elle dû improviser. Dans un seul élan, elle effectua un saut et se crocha à une branche à l'aide de ses jambes. De là, elle put découvrir trois cibles placées en contrebas d'une falaise. Elle tira. Trois fois.
Plus que trois.
La kaelem descendit de son perchoir et suivit à nouveau le sentier. Descendue dans la petite falaise, elle passa en coup de vent devant les trois cibles touchées. Le sentier se dégageait de plus en plus, l'apprentie pouvait percevoir le roulis du lac. Elle était bientôt arrivée.
Continuant sa course, elle croisa une seule cible sur sa route. Au sommet d'un arbre, un peu incliné, elle ne pouvait l'atteindre sur le sol. Il lui fallait acquérir de la hauteur. Prenant appui sur une pierre, elle put sauter, arc en main, sur une branche basse d'un rougeoyeur. La jeune femme se ramassa sur elle-même et sauta dans les airs. Trouver le bon moment pour tirer. L'instant où elle pourrait viser un minimum. Là. Elle tira. La gravité la rattrapa et elle se ramassa au sol. La course pouvait continuer.
Le murmure de l'eau se faisait de plus en plus insistant ; elle n'allait pas tarder à sortir des bois. Elle avait raison. Quelques mètres plus loin, le soleil l'éblouie à nouveau. Mais cette fois-ci, elle s'y attendait. Ses yeux s'habituèrent plus rapidement. Elle déboula près du lac. Sur ce dernier se trouvaient deux mannequins qui suivaient le roulis des eaux. La marchombre comprenait à présent ce que son maître voulait dire lorsqu'il parlait de cibles en mouvement. Ces deux-là étaient sur un lac, elles bougeaient à son rythme. En plus de cela, elle-même était en pleine course. Double difficulté. Elle ne réfléchit pas plus longtemps. Calant son rythme à celui du lac, elle attendit le moment où le vent n'agirait plus. Une ouverture dans les temps. Et elle tira. Deux fois. Quelques secondes s'étaient écoulées.
Les quinze cibles avaient été trouvées.

Ichel, emportée par son élan, ne put que s'écrouler qu'à quelques mètres du lac. Son arc encore en main, elle soufflait comme un boeuf. Sa respiration peinait à revenir. A peine avait-elle couru, elle n'en pouvait plus. Cet exercice était éreintant. Combiner la course et le tir était plus fatiguant que ce qu'elle n'aurait cru. Allongée, elle ferma les yeux afin de reprendre ses esprits et de calmer les battements de son coeur.
La kaelem sentit soudain la présence de son maître. Elle n'avait prêté aucune attention à lui lors du parcours. Se relevant avec peine, elle s'assit et rangea son arc dans son dos. Elle offrit un grand sourire – comme elle put – à l'homme.


- Eh bah, c'est pas facile.

Elle se mit sur ses deux jambes tremblotantes et s'étira quelques minutes. Elle arborait un sourire qui s'étendait jusqu'à ses oreilles. Infatigable bonne humeur.



Arro Skil'Liches
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Maître Marchombre
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MessageSujet: Re: Skil'Liches Lupi Sunt [Terminé]   Skil'Liches Lupi Sunt [Terminé] Icon_minitimeMer 3 Avr 2013 - 0:44

Arro sautait de branche en branche. Il suivait l'avance de son apprentie d'un oeil expert. Ses jambes le faisaient affreusement souffrir à chaque réception, elles tremblaient lorsqu'elles se pliaient pour s'élancer sur un autre arbre. Sa course l'avait fortement fatigué et il avait hâte de pouvoir se reposer. L'homme se posa trente secondes pour voir Ichel tirer une flèche. Bien, la cible avait été touchée et la course continua. Le maître marchombre sauta une nouvelle fois sur l'arbre en face, puis descendit de quelque mètre pour sauter et s'agripper à une autre branche. Tel un singe, il avançait, toujours le regard tourner vers les exploits de sa jeune apprentie. Lorsqu'il atteint un nouveau promontoire, il entendit un sifflement. Il se laissa tomber et leva la tête pour voir une flèche ratée qui avait manquée de le tuer. Il sourit, normal que le parcours ne soit pas parfait, même s'il avait faillit mourir. Bientôt, le bruit de l'eau se fit entendre, Arro accéléra un peu. Il avait envie d'en finir rapidement et de retrouver un sol stable. Enfin, le lac apparut entre les feuilles. L'homme descendit des hauteurs pour finir les quelques mètres à pieds. Lorsqu'enfin, il retrouva la Kaelem allongée qui commençait à se relever pour se retrouver assise. Elle lui avoua que ce ne fut pas facile, le marchombre sourit et la laissa se relever.

-Je t'avais prévenu que tu ne savais pas ce qui t'attendait.

Il tapota l'épaule de la jeune femme, demanda à la demoiselle de le suivre et continua à suivre les bords du lac. Bientôt, ils arrivèrent sur une petite plage de sable fin. L'homme s'y installa et déballa le contenu de son sac. Il y avait à l'intérieur quelques provisions, rien de bien grandiose, juste de quoi tenir un repas, mais pas plus. L'homme sortit une miche de pain, un bocal de pâté de termite et un couteau.

-Allez, on fait une petite pause, histoire de se reposer. Je vois que tu es aussi fatigué que moi. On mange et on va en profiter pour méditer, ça marche ?

Arro se coupa une grosse tranche de pain et étala une bonne dose de pâté dessus. Il croqua dedans avec grand plaisir. Manger lui faisait du bien, la terrine était juste assez épicé et glissait dans son estomac avec douceur. Dame, qu'il aimait le pâté de termite ! C'était succulent et revigorant à la fois. Une fois qu'ils eurent terminé leurs encas, le maître rangea le pain bien entamé et le bocal quasi finit. Il s'installa en tailleurs, posa ses mains sur ses genoux et ferma les yeux pour respirer tout doucement. Le marchombre savait qu'Ichel l'imitait. L'endroit était parfait pour écouter un peu la nature et laisser vagabonder son esprit. Fermer les yeux et seulement écouter les éléments, cela permettait de se calmer, se reposer, se revigorer. L'eau glougloutait doucement dans le lac, la cascade étant loin, son bruit assourdissant n'était qu'un vague hurlement lointain. Un doux vent sifflait dans la forêt, faisant danser les feuilles et les branches. L'environnement appelait à se coucher sur le sable légèrement chauffer par le soleil et se laisser bercer par les différents bruits qu'offrait le lac. Arro bailla et s'étira, il continua à écouter doucement les sons. C'était vraiment agréable, le marchombre soupira de contentement. Il ouvrit les yeux et s'étendit avec délectation sur le sable. C'était plaisant de se reposer un peu. Bientôt, il allait reprendre le cours, mais la démonstration de ce matin l'avait vraiment fatigué. Après plusieurs minutes, il pourrait repartir. Mais d'abord un petit somme, oui juste de quoi recharger ses batteries. L'homme tomba dans les bras de Morphée. Doucement, il rêva de sa nouvelle vie, de Kushumaï et de grands champs de différentes plantes. En se réveillant, le marchombre s'assit et soupira, il s'ébouriffa les cheveux et bailla encore. Ce qu'il ne savait pas, c'était qu'il avait malencontreusement murmurer le nom de sa femme en rêvant. L'homme se leva et s'étira avec le plus grand plaisir. Il tapota doucement l'épaule d'Ichel.

-Aller ma grande, il est temps d'y aller, j'ai dormi un peu trop longtemps.

Il entraîna la demoiselle au bord de la forêt et détacha son arc.

-Bon, jusqu'à la fin de la soirée, je vais t'apprendre quelque chose d'assez important : la survie. Donc je vais te montrer des plantes utiles, comment les utiliser, comment chasser et préparer le fruit de ta chasse. On va faire ça jusqu'au soir et on mangera ce qu'on a tué aujourd'hui ! Aller, arc au poing, on commence.

L'homme entra dans la forêt en douceur. Il avançait tranquillement son apprentie à ses côtés.

-Déjà pour chasser, il faut être silencieux, se fondre dans la forêt. Je crois que tu sais comment faire.

Le marchombre ferma les yeux, respira lentement et souffla. Il avança à pas de loup et écoutait chaque bruit.

-Toujours rester attentif à la moindre trace, le moindre bruit.

Soudain Arro s'arrêta et se baissa.

-Ah, ça c'est intéressant, de la bardane. Une plante bien pratique. Quand tu as de la fièvre, suce sa racine et elle tombera en quelques heures. Et le suc de ses feuilles permet d'éliminer la plupart des venins de serpents ou des piqûres d'insectes.

L'homme déracina doucement la plante et la garda dans sa besace. Le cours continua. Arro montrait différentes plantes à la jeune femme, avec des utilités différentes, allant du cicatrisant au désinfectant. Dès qu'il trouvait quelques choses d'intéressant, il les montrait à son apprentie et avait une petite pensée pour sa femme. À un moment, il murmura un merci à Kushumaï de lui avoir montré l'Alchémille dont les feuilles sont cicatrisantes et anti-inflammatoires. À chaque nouvelle plante utile, il les ramassait pour les utiliser plus tard. C'était autant instructif pour Ichel que c'était bénéfique pour Arro. D'un coup, l'homme arrêta son cours de plante et stoppa la Kaelem pour lui montrer le sol.

-Là, juste là, une trace de siffleur.

Il toucha l'empreinte du doigt.

-Hm, c'est frais, l'animal doit être passé là il n'y a pas si longtemps.

L'homme observa les alentours, pour repérer d'autre éventuelle indice et il en vit une. Une crotte un peu plus loin attira son attention.

-Bien, il est parti par là, connaissant les Siffleurs, il a dû se poser quelques mètres plus loin.

Ce qui, effectivement, était vrai, une fourrure marron sortait d'un fourré. L'homme sortit une flèche et visa. L'animal couina lorsque le trait le tua. Rapidement, le marchombre s'approcha.

-Une dernière chose, importante pour ma conscience, toujours remercier le gibier.

Le marchombre posa une main sur le corps inerte du Siffleur et souffla un repose en paix.

-Toujours remercier la nature pour ce qu'elle t'offre. Et elle te le rendra toujours. C'est peut-être nian nian, mais cela permet de me sentir bien avec la forêt. De plus, c'est ce que mon père et mon maître m'a toujours appris.

Arro sortit une ficelle de sa besace et accrocha les pattes du siffleur pour ensuite le fixer à sa besace.

-Autre technique du chasseur, quand tu as tué ta première proie et que cela ne te suffit pas, toujours chercher le sens du vent et marcher à contre-courant. Cela évite d'effrayer les animaux par l'odeur du sang. Après, il faut rester vigilant, il y a toujours des prédateurs qui rodent. Maintenant, à toi de chasser. Je reste derrière toi et je te regarde.


Ichel Calwin
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MessageSujet: Re: Skil'Liches Lupi Sunt [Terminé]   Skil'Liches Lupi Sunt [Terminé] Icon_minitimeVen 19 Avr 2013 - 11:21

Il la tapauta à l'épaule, simplement. Elle sourit ; il s'était toujours comporté ainsi avec elle, il ne disait jamais rien. Aucun semblant de compliment, juste de petits tapotements d'épaules. Elle s'y était faite et avait appris à voir la fierté dans son regard. Elle le savait, il le savait. Ca leur suffisait.
Elle le suivit donc, sans qu'un seul mot de plus ne filtre d'entre ses lèvres. Les bords du lac défilèrent à leurs côtés et une plage de sable se présenta à eux. Son maître s'assit, elle l'imita. Il commença alors à fouiller dans le sac qu'il avait sorti du tronc. De l'intérieur, il en prit du pain et du pâté de termite. Ils commencèrent à manger. Une tranche de pain, du pâté. Rien de tel après l'effort. Il était vrai que la jeune femme était éreintée, elle n'en pouvait plus. Poursuivre la journée ainsi allait être difficile si elle ne reprenait pas des forces. La première bouchée fut salvatrice. Leur déjeuné se passa vite, bien trop peut-être à son goût. Lorsque son maître eut enfin rangé leur encas, ils se mirent en tailleur. Méditer. Il n'y avait que cela pour redonner du punch.
Il ferma les yeux, elle fit de même. Leurs respirations se calmèrent, devenant presque silence. Ecouter simplement. Ecouter et laisser son esprit s'échapper à travers ces sons qui s'offraient à elle. Ichel fit abstraction de ses autres sens. La vue, l'odorat, le toucher, le goût. Tous oubliés comme si l'ouïe était seule maître dans ce corps.
Sa respiration d'abord, puis celle de son maître. Elles se turent petit à petit, ne formant plus qu'un avec les autres accords qui s'évaporaient de la nature. Les bruits que faisaient le marchombre ne parvenaient plus à elle, elle ne se rendit même pas compte qu'il avait fini par s'allonger sur le sol. Elle était perdue dans ce duel symphonique entre les bois et la cascade. Les oiseaux s'en mêlaient parfois, s'égosillant avec légèreté. Les minutes passaient, mais elle ne les voyait pas. Seule sa respiration et ce concert l'obnubilaient. Elle ne perçut qu'à peine un nom murmuré entre deux souffles. S'en souviendrait-elle un jour ? Peut-être...

Soudain, une main sur son épaule. Elle ouvrit lentement ses yeux, à contre-coeur. Arro avait dormi ? La kaelem ne s'en était même pas rendue compte. Sans qu'elle ne puisse s'étonner plus longtemps, il l'entraina au bord de la forêt. Les explications fusèrent. Enfin.
La survie. Des plantes utiles, chasser, préparer cette chasse. Elle ne put retenir un sourire. L'allégresse l'envahissait, elle n'avait qu'une seule hâte, commencer la leçon. Elle s'exécuta à la fin du speech de son maître et dégaina son arc. Elle entra dans la forêt à sa suite. Se positionnant à ses côtés, elle ne faisait aucun bruit à l'instar du marchombre. Leurs pas légers ne craquaient que très rarement sous les brindilles et les herbes. Deux ombres de silence, les sens aux aguets.
Une voix s'éleva à ses côtés, elle ne la regarda pas. Bien sûr. Se fondre dans la forêt, elle le faisait déjà. Devenir membre intégrant des bois, ne faire qu'un avec lui. Bouger dans son temps. Elle prenait alors conscience que son ouïe était son principal atout. Ecouter, toujours.
Ses yeux vrillaient de tous côtés, cherchant le moindre signe d'un quelconque passage animal. Elle n'eut pas le temps de trouver quelque chose qu'elle vit la silhouette de l'homme disparaître de ses côtés. Elle se retourna et le vit, concentré, à quelques mètres du sol. Le rejoignant, elle vrilla ses yeux vers sa trouvaille. De la bardane ? Contre la fièvre, élimine la plupart des venins de serpents ou piqûres d'insectes. Le notant dans un coin de sa tête, elle observa avec attention la plante. C'était bien de savoir à quoi elle servait, mais mieux de connaître sa forme. Pour la retrouver, c'était bien plus pratique. Ichel observa avec intérêt la méthode du marchombre pour récupérer la fameuse plante.
Ils se remirent en route. Il trouva plusieurs autres plantes qu'il présenta à son apprentie. Des feuilles courbes, jaunes, rouges, des fleurs violettes aux bords fuselés, de la mousse poudrée et bien d'autres encore. Chacune possédant une utilité particulière. La kaelem était pendue aux lèvres de l'homme et avait les yeux qui brillaient. Voilà ce qu'elle aimait. Apprendre avec lui, non dans une salle de cours ennuyante. Ses professeurs de l'Académie étaient gentils, mais ne valaient pas son maître. Ses yeux ne brillaient pas ainsi durant ses cours à l'Académie. Mais cela, elle ne l'avouerait pas. Et puis il fallait avouer que c'était bien dur de ne pas s'en rendre compte. Ichel était un livre ouvert pour Arro.

La jeune femme ne vit pas l'homme s'arrêter et faillit lui rentrer dedans. L'évitant d'un souple mouvement du buste, elle se retrouva devant lui. Entre eux deux, une trace qu'il lui pointait du doigt. Un siffleur. La touchant du doigt, il en déduisit rapidement qu'elle était fraiche. Elle remarqua un changement de comportement ; son attention était décuplée. Le marchombre repéra apparemment un second indice. Une crotte. Fraiche elle aussi. Déduisant que le siffleur n'était pas loin, sa théorie fut confirmée quelques minutes plus tard. Sans que la jeune femme ne s'en rende compte, il sortit une flèche de son carquois et tua l'animal dans le même temps. Elle n'eut le temps de dire un seul mot.
Il s'approcha de l'animal, elle le suivit. Sa phrase la laissa sans voix. Remercier le gibier ? Pour quoi faire ? Il était mort après tout, il n'entendait plus rien. Pourquoi donc alors le remercier ?
Aucune question ne fut prononcée, elle comprit en observant l'attitude de son maître. Pour l'âme du siffleur. Pour la nature. Il lui offrit tout de même quelques explications. Remercier la nature, elle le lui rendra toujours. Nian nian ? Non, pas spécialement. Les rituels étaient propres à chacun, aux autres de les respecter.

Arro ficela la bête à sa sacoche avant de se tourner vers l'apprentie. Ce dernier conseil était bien utile et n'était sans doute pas uniquement applicable pour les animaux. Les derniers mots qu'il prononça la laissèrent muette. A elle de chasser ? Maintenant ? Jamais elle n'avait fait cela et il ne le lui avait montré qu'une unique fois. Cette fois-ci. Comment pourrait-elle s'en sortir ? Elle n'avait pas à discuter. Et elle ne le faisait pas.
Sans un regard vers le marchombre, elle fixa toute son attention sur tout ce qui l'environnait. Chaque détail, chaque parcelle d'indice. Mais rien ne faisait tilt à son esprit, aucun indice.
Ses pas lents la menant contre le vent, elle soupirait de frustration. Elle doutait d'y arriver. Renoncer n'était pas dans ses habitudes et pourtant, là, elle ne savait pas quoi faire. Elle se tourna vers Arro et croisa son regard. Elle ne pouvait pas abandonner.

Ichel se concentra à nouveau, ferma les yeux quelques instants. Sentir la forêt, entrer en elle. Devenir elle à un moindre degré. Le silence de la nature l'entoura, elle rouvrit les yeux pour les planter sur le sol. Un cri se fit entendre vers la droite. Un animal. La marchombre sourit. Peut-être qu'après tout, elle pourrait débusquer un siffleur. Il lui suffisait de faire comme lui. Le cri estompé, comment savoir dans quelle direction l'ongulé se déplacerait. Les indices. Comme tout à l'heure, la crotte et la trace. Ichel n'attendit plus longtemps avant de se mettre en route. Perdant toute notion du temps, elle contournait chaque obstacle, observant le moindre détail avec minutie, mais toujours rien. Tout ce qu'elle faisait, était de suivre la direction de ce son et de rester à contre-courant. Soudain, un détail. Une branche cassée. Certes, une branche cassée ordinaire n'aurait donné aucune indication sur une bestiole en particulier, mais celle-ci oui. Un brin de poils était resté croché dessus. Sourire aux lèvres, elle se baissa pour observer sa découverte. Les poils étaient encore chauds et ne se trouvaient pas au soleil. Le passage de l'ongulé était récent. Quelques pas lui suffirent à trouver une trace fraiche de sa route. Plusieurs mètres lui furent nécessaire pour enfin débusquer le siffleur. Il était là, seul, à brouter dans une clairière calme.
Ichel l'observa quelques instants, savourant ces nouvelles sensations qui l'envahissaient. Arc en main, elle dégaina une flèche qu'elle mit en joue. Elle s'apprêtait à tirer lorsque la tête du siffleur se raidie. Quelque chose venait de l'alerter. Il tourna sa tête dans leur direction. La marchombre n'hésita plus et tira. Son trait fusa vers l'animal, précis. Manqué. La bête fut plus rapide et détala. La jeune femme poussa un juron avant de percevoir un mouvement à ses côtés. Lorsqu'elle tourna le regard, elle vit son maître prêt à tirer.


- Non !

Sa voix fut sans appel, il ne tira pas. Plantant ses yeux verts dans ceux de son élève, il attendait sans doute une explication pour leur avoir fait perdre leur proie. Sa proie.

- Vous l'avez dit, c'est à moi de chasser. Et j'm'en fiche du programme de la journée, je veux y arriver. Sans votre aide, quoique vous en dites.

La cascade, elle n'avait pu en triompher. Cette chasse lui tenait à coeur. Sans plus prêter attention à son maître, elle se concentra à nouveau, rentrant dans ce nouvel univers qu'était la forêt. Contournant la clairière à contre-courant, elle marchait plus sûrement qu'avant. Elle savait ce qu'il fallait faire. Plusieurs minutes s'écoulèrent avant qu'ils n'atteignent l'autre bout de la clairière. Là, une trace. Etant donné sa direction, le siffleur s'était échappé à l'est. Elle s'élança à sa poursuite.
Des traces, elle en trouvait. Le siffleur était pressé, il s'enfuyait. Il ne pensait plus, rien que sa survie comptait à présent. Ichel lui collait au train plus sûrement qu'une sangsue. Soudain, il se stoppa. Elle aussi. Cachée derrière un rocher, elle vit ce qui l'arrêta.
Un fauve. Grand, élancé, beige. Ses immenses pattes frôlaient le sol à pas lents, il ne semblait pas avoir remarqué leur présence. Ou peut-être les considérait-il sans intérêts. Sa longue queue se balançait d'avant en arrière alors que la jeune femme retenait son souffle. D'autres prédateurs. Elle ne pensait pas qu'il en existait des aussi gros aux abords de l'Académie.
La bête beige passa sa route, calme, tranquille. Le vent seul faisait du bruit, rien ne bougeait hormis le félin. Il disparut.

Ichel, troublée, tourna le regard vers le siffleur, toujours immobile. Tira. En plein dans le mille. Elle avait réussit. Se faufilant un passage derrière le rocher pour atteindre l'animal, elle vérifia tout de même que le prédateur ne soit pas revenu sur ses pas sur un coup de tête. Ou de faim. Mais rien. Elle avait disparu comme elle était apparu. Aussi discrètement qu'une ombre.
La marchombre se baissa vers l'ongulé mort pour le remercier lui et la nature. Comme son maître auparavant. Elle laissa ce dernier se charger de l'animal.
Il l'entraina à nouveau dans la forêt, plus loin encore. Mais jusqu'où allaient ils aller ? Ichel ne soupçonnait pas ces bois aussi grands. Plusieurs dizaines de minutes s'écoulèrent avant qu'ils ne se posent dans une carrière de pierres. Ils s'assirent. Pendant qu'il détachait le fruit de leur chasse, elle l'observait avec une attention toute particulière.


- Cou... Chouchoutons ces petites bêtes, tu veux !

Une étincelle explosa dans l'esprit de Ichel. Elle ne releva pas la blague de son maître, les deux premières syllabes de sa phrase résonnant encore en son esprit. Couchou... Kushu... maï. Cette femme qu'elle avait rencontré quelques jours plus tôt, femme étrange et enfantine en même temps. Une seconde explosion eut lieu en elle. Son nom de famille... Elle tourna un regard curieux vers son maître affairé sur les proies, parlant à haute voix. Ichel n'hésita pas une seconde. Se faufilant à ses côtés, elle attendit qu'il pose ce couteau qu'il avait sorti. Les mains dans le dos, observant ses gestes, elle parla sans gêne.

- J'ai rencontré quelqu'un l'autre jour, une femme très gentille. Peut-être un peu étrange, mais radieuse. Kushumaï qu'elle s'appelle.

Elle sentit le corps entier de son maître se raidir.





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MessageSujet: Re: Skil'Liches Lupi Sunt [Terminé]   Skil'Liches Lupi Sunt [Terminé] Icon_minitimeMar 23 Avr 2013 - 1:59

L'homme suivait son apprentie du bout des yeux. Il aimait beaucoup l'observer mettre en pratique ses instructions, la voir comprendre ce qu'elle devait faire. Pas de loup après pas de loup, les deux marchombres avançaient à la recherche de gibier. Un seul cri les alerta. Ils marchèrent immédiatement dans cette direction jusqu'à enfin trouver des traces visibles. Les indices furent rare, ils trouvèrent seulement des poils accrochés à une branche et d'autre petit passage d'un autre siffleur.
Etrangement, Arro se sentait observé. C'était génant, car à chaque fois, il n'y avait rien, il n'entendait rien, il ne voyait rien. Mais ce putain de sentiment d'avoir une paire d'yeux braqués sur eux revenait. Ils continuèrent la route et tombèrent sur une clairière où le Siffleur était là, comme s'il les attendait. Mais il dut comme le maître sentir cette étrange présence. Il tourna directement la tête vers eux. L'apprentie tira et manqua de peu la cible qui s'enfuyait. Arro dégaina son arme, visa et trouva le temps du Siffleur. Un cri simple l'empêcha de tirer. Non... Comment ça, non ? Il baissa l'arc et regarda l'apprentie, vert contre marron, bouteille contre noisette. Elle lui expliqua pourquoi elle laissait fuir le gibier. C'était SA chasse, rien qu'à elle et à personne d'autre.
Sans grogner, le marchombre suivit l'apprentie sur les traces du fuyard. Maintenant, il laissait plein d'indice derrière lui, la peur lui obstruant ses sens de survit. Il fallait dorénavant courir plus vite que l'ongulé, être plus malin que lui, prendre des raccourcis. Plusieurs minutes passèrent avant qu'ils ne le rattrapent. L'animal était étrangement stoïque, pourquoi ? Arro sentit encore cette présence, il resta aux aguets. Ses sens exacerbé par son anxiété captèrent des petits bouts de la chose qui était là. Une odeur musquée parvint à son nez... Un animal, le siffleur ? Non, l'ongulé avait l'odeur de peur. Ses oreilles entendirent des pas feutrés... Oh, merde, un prédateur. Sa déduction fut confirmée par l'apparition du félin. Arro ne dégaina pas son arc, cela n'aurait servit à rien s'il les attaquait. L'homme attrapa sa première dague et posa son autre main sur le manche de la suivante. Près à réagir au moindre mouvement du puma, il défendrait cher sa peau et protégerait jusqu'au bout son apprentie. Crispée, près à bondir, le marchombre était à deux doigts de feulé quand le félin s'en alla, comme si rien ne l'intéressait ici.
Sans vraiment comprendre ce qui se passait, le maître entendit le trait d'Ichel se planter dans le siffleur. Il tourna vers la bête et l'attacha comme la précédente. Il apprécia le calme qui était revenu et observa les frondaisons. Arro se repéra rapidement, il savait où il voulait aller. Les deux personnes courir à travers les bois pour finalement atteindre une carrière de pierre. Le marchombre installa un peu le campement, jetant son sac a terre et détachant les Siffleurs. Ils étaient plutôt jeunes et suffiraient pour tenir jusqu'à demain matin. Sortant un couteau, il lança à Ichel :

-Cou... Chouchoutons ces petites bêtes, tu veux !

Le marchombre frissonna, décidément, Kushumaï était partout, dans sa vie, dans sa tête, dans les moindres ports de sa peau. Un peu troublé par ce qu'il venait de dire. L'homme découpa pourtant avec dextérité la peau. Il montrait en même temps ses mouvements pour que Ichel puissent les intégrer facilement. Doucement, il découpa et vida le premier siffleur. Il posa la chair à vif sur la peau. Rapidement, il fit de même au deuxième siffleur. L'homme posa le couteau et se prépara pour se lever. Ce fut à ce moment que la jeune femme qui le suivait lança une phrase qui changea du tout au tout l'attitude du maître. Son corps se raidit, il était loin de se douter que son apprentie avait rencontré sa femme... L'homme avait tellement voulu cacher sa vie privé et la dissocier de son travail de maître, qu'il ne savait pas comment réagir. Au début, vint la colère... Quel droit avait-elle de prononcer ce nom si sacré, si important à ses yeux. Le maître se leva, debout, ses yeux vert-bouteille étaient sombres. Il n'arrivait pas à garder le contrôle quand il s'agissait de sa femme et de tout ce qui était lié. L'homme gronda :

-Va plutôt chercher du bois, au lieu de fouiner dans la vie de maître.

Il avait été plus brusque qu'il ne l'aurait souhaité. Sa voix était forte et claquante, comme un fouet. Il était devenu en quelque minute un être remplie de rage, une bête blessée à qui on réouvrait les plaies. C'est alors que son apprentie s'enfuit dans les bois, le visage comprimé par une colère d'incompréhension. C'est seulement alors que son ventre fut broyé par le remord. Pourquoi avait-il été aussi méchant ? PARCEQUEEEEE. Lui avait déjà du mal à parler de son passé, voilà que son apprentie arrivait et détruisait d'un coup la carapace qu'il s'était créé... Qui n'aurait pas réagis ainsi ?
De dépit, l'homme se laissa tomber sur le sol. Maintenant, assis, il frotta ses yeux. Tout ça été arrivé parce qu'il n'avait jamais voulu exposer son apprentie à l'horreur qu'avait déjà vécu son maître. Mais elle s'était ouverte à lui, parlant de son frère... Ne méritait-elle pas quelques explications ? Remuant tout ça dans sa tête, il réfléchissait. Oui, Ichel devait savoir, savoir pourquoi l'homme avait disparu plusieurs mois sans explication, savoir qui était cette personne qui partageait la vie de son maître.
L'homme regarda la forêt. Allait-elle revenir ? Surement, la question était plutôt, dans combien de temps ? Laissant la jeune femme ruminer sa propre colère, Arro prépara le foyer, il trouva quelques pierres rondes et les plaça en rond. Maintenant, il n'avait plus rien à faire. Grommelant, il attendait son apprentie. Il pensa un peu à Kushumaî, revoyant la chevelure flamboyante de la jeune femme. Dame, oui, il en était amoureux.
Un petit bruit de pas ferme attira ses oreilles. Son apprentie revenait. Il la laissa s'approcher les bras chargés de brindilles et de bûches. Elle les déposa violemment au pied de son maître qui se recroquevilla sous l'attaque. Il attendit que la jeune fille s'assit et plongea son regard dans celui d'Arro. Déglutissant, le maître attrapa le bois et le plaça pour entamer le feu. En sortant son briquet à amadou, Arro débuta ses excuses :


-Je te dois quelques explications. Tout d'abord, je suis désolé. J'ai réagi vraiment violemment. Bon certes, tu as un peu mit les deux pieds dans mon jardin secret, ça ne fait jamais plaisir, mais je n'aurais pas dû te répondre ainsi.

L'homme déglutit, le feu partit. Il embrocha les siffleurs et les plaça au-dessus du feu. Il sortit sa poêle et la plaça juste en dessous de l'animal.

-Le plus simple est que je commence depuis le début, histoire que tu comprennes l'origine de ma colère. Tu te souviens de la prise de l'Académie, quand elle était aux mains des mercenaires ?

Le marchombre observa les yeux de son apprentie. Elle était étonnée, Arro ne parlait que peu de cette période.

-Oui, tu t'en souviens. Tu vois, le problème de la guilde du Chaos était les entités libres qui chercherait à se rebeller dès le débuts... En d'autres termes, la plupart des marchombres. Pour empêcher cela, ils emprisonnèrent des proches. Je ne sais pas si quelqu'un en a déjà parlé, mais vois-tu, parmi ces prisonniers, il y avait ma femme.

Il remarqua que les yeux de son apprentie s'écarquillait.

-Tu l'as compris, Kushumaî est ma femme... Ce qu'il ne savait pas, c'est que contrôlé les professeurs et les marchombres ne suffisaient pas. C'est des élèves que vint la résistance... Et cela ne leur plurent pas. Ils torturèrent leurs prisonniers. Le pire fut pour ma femme, tu vois, elle était enceinte. Ce que je sais, c'est qu'elle a perdu notre enfant lors de cette torture. J'ai perdu ma foi en l'Académie à ce moment. Pour l'aider au mieux, pour sauver ma pauvre Kushumaï, j'ai commis l'irréparable. J'ai... Trahis l'Académie. Je donnais des informations à propos de la résistance. C'est pour cela que je restais assez éloigné. Je ne voulais pas les compromettre totalement, mais parfois, j'y étais obligé, par amour, parce que j'aime Kushumaï plus que tout.

Le marchombre se recroquevillait au fur et à mesure de son récit. Ses jambes étaient maintenant contre son torse, les visions de sa femme dans sa cellule lui revenaient encore et encore. Il attrapa un bâton et tâta la viande. La graisse coulait doucement dans la poële. Il remua un peu les braises et continua :

-Lors de la reprise par la résistance, ce fut le coup de grâce, j'ai retrouvé ma femme dans un état de choc, évanouie. Je l'ai emmené à Ondiane. Lorsqu'elle se réveilla, elle était comme folle. Elle avait totalement changé. C'était innommable.

L'homme se souvint de Kushumaï pale, les jointures en sang. Il frissonna. Son bâton allait mollement de la chaire au braise.

-Pendant les mois où j'ai disparu, j'étais à Ondiane, restant à ces côtés. Les rêveurs n'ont trouvé qu'une seule solution pour la sauver. Lui effacer tous ses souvenirs. C'est pour cela qu'elle semble si enfantine. Elle n'a plus aucune idée de toutes les convenances, de toutes les notions qu'on apprend au fur et à mesure de la vie. Maintenant, le moindre souvenir de son ancienne vie peut la faire rechuter et cela pour toujours.

La viande était quasi cuite. Machinalement, Arro sortit des racines comestibles, les éplucha puis les tailla en tranche pour les mettre dans la poële pleine de graisse. Rapidement, les légumes s'imprégnèrent de la graisse, prenant une belle couleur. Il remua doucement avec le bout de bois. A la fin, il rajouta un peu d'eau et touilla. Cela forma une sorte de ragoût de racine. D'un ton un peu brisée, l'homme ajouta :

-Nous avons chacun notre part de peine dans la vie. La plupart des gens souhaitent la laisser cacher. Mais un fardeau est toujours plus léger quand on le partage, hein ?

Le marchombre sortit deux assiettes de son sac et découpa un morceaux de viande puis en déposa un bout dans chaque plats, il rajouta un petit peu de ragoût bizarre. Le maître tendit une assiette à Ichel.

-Maintenant que tu as un peu compris, je te propose de manger un bout. Il va bientôt faire nuit. Nous allons nous reposer et reprendre demain. Cela te va ?

L'homme avala avec difficulté son plat. Il n'arrivait pas à savourer sa chasse. C'était affreux de repenser à ces évènement sinistres. Le soir tomba rapidement, les englobants, ne laissant que les braises pour les éclairer. Arro tendit une couverture chaude à son apprentie.

-Dormons, demain est un autre jour.

L'homme décrocha sa viande et l'emballa dans les deux peaux de siffleurs. Il la rangea dans son sac puis s'emmitoufla dans sa propre couette et s'allongea. Il ne savait pas s'il allait arriver à dormir. Les souvenirs de Kushumaï revenait dans son esprit. Le marchombre s'en voudrait toujours de ne pas avoir été là pour elle. Frissonnant, il ferma les yeux, espérant que tout ceci ne reviendrait pas le hanter encore une fois.

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Ichel Calwin
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MessageSujet: Re: Skil'Liches Lupi Sunt [Terminé]   Skil'Liches Lupi Sunt [Terminé] Icon_minitimeDim 28 Avr 2013 - 13:45

Le marchombre se leva, en colère. Son regard n'avait jamais été aussi glacial, tout en lui émanait la rage. Il gronda, hurlant presque. Fouiner dans la vie de son maître ? Voulait-il à ce point cacher l'identité de cette femme à son élève pour lui hurler dessus ainsi ? Ce n'était qu'une femme après tout, pourquoi se mettre ainsi en colère ? Claquant, il ne lui laissait pas le choix. Ou elle se taisait, ou elle partait. Aucune autre alternative. Brusque. Sa rage était ressortie en quelques secondes, rien qu'en entendant le prénom de la grande rousse. Pourquoi ?
Il ne voulait pas répondre et l'envoyait chercher du bois.
Sans demander son reste, elle se détourna violemment et parti, tête haute. Que croyait-il, qu'il pouvait lui hurler dessus comme ça ? La colère consumait son esprit. Pourquoi se comportait-il ainsi avec elle ? Après tout, elle était son apprentie. Elle lui avait confié sa vie, il pouvait lui confier certains détails. Comme qui était cette femme qu'elle avait rencontré quelques jours plus tôt. Après tout, elle n'avait rien fait de mal. Simplement fait connaissance et il était bien normal que des questions se bousculent dans sa tête. Il n'avait aucune raison de se mettre dans une telle rage.

Courant dans les bois, elle tentait de contenir sa rage. Elle n'y arrivait pas. La seule chose dont elle avait envie ; frapper contre quelque chose. Fort. Très fort. Jusqu'à s'en faire saigner les phalanges. Pourquoi se mettre dans une telle colère ? Lui, elle n'en savait rien. Elle, parce qu'elle ne comprenait pas. Elle n'avait rien fait de mal et la voilà qui était prise pour la pire des fientes de raï.
La marchombre ne voulait pas retourner vers lui, elle était bien trop en colère. La colère de son maître envers elle était injuste, il ne s'en rendait même pas compte. Elle n'avait aucune envie de continuer à discuter avec lui. Plutôt mourir que de retourner vers lui. Ce n'était pas à elle de formuler des excuses et s'il le souhaitait, c'était à lui de venir la retrouver. Elle ne ferait pas demi-tour. Jamais.
Courant encore et encore, elle ne savait pas où elle allait. Ne pas savoir ne voulait pas dire que le but n'était pas. Tout ce qu'elle voulait était se défouler. Loin de lui et de ses colères infondées. Elle ne pouvait plus se contenir.
Un arbre se présenta devant elle, son poing fini sa course en son sein. La douleur violente l'assaillit, elle ne flancha pas. Encaissant la chaleur intense qui la parcourut instantanément. Un deuxième coup, de l'autre poing. Deuxième douleur. Ses poings étaient en feu. Elle ne s'arrêta pourtant pas. Frappant encore et encore, elle évacuait. Le sang perlait, ses jointures souffraient. Mais plus rien ne pouvait l'arrêter. A chaque coup porté, une onde de douleur la parcourait. A chaque cri de rage, sa colère se dissipait.
Dernier coup, la main droite prostrée contre le bois. Le temps s'arrêta. Ichel ne bougeait plus, elle ne pensait plus. Seul son souffle venait troubler cette bulle qu'elle s'était construite autour d'elle. Le sang coulait des plaies ouvertes. Ses mains tremblaient de douleur. Son corps était calmé. Son esprit encore secoué.

Un bruit alerta la marchombre. A sa droite, dans les arbustes. Ichel se retourna, se figea. Deux immenses yeux étaient plantés sur elle. Jaune vif. Ce regard la transperçait de part en part. Le noisette rivalisait contre cet or indicible.
Il était là, devant lui. Ce félin beige. Il ne bougeait pas, l'observait. La marchombre sentait encore le sang chaud sur ses jointures, c'était sans doute cela qui avait attiré le fauve. Elle n'en avait jamais vu de pareil. Qu'était-ce comme félin ? Ce n'était pas un tigre des prairies. Non. Ni un chat sauvage, il était bien trop gros pour en être un. Même plus imposant qu'un tigre. Qu'était-il ? Cela n'importait en soit pas réellement, la seule chose qui devait être comprise était le danger qu'il inspirait.
Ses crocs capables de broyer même le métal le plus résistant, ses pattes bien plus grandes que les battoirs qui servaient de mains aux Thüls, son corps musculeux qui réagissait à la moindre détente de sa part. Une bête dangereuse. La seule option qu'il valait mieux prendre : la fuite.
Les deux êtres se fixaient, aucun ne semblait vouloir lâcher l'affaire. La marchombre savait qu'elle ne pouvait que prendre la fuite face à un félin, mais celui-ci, n'était pas comme les autres. Bien plus gros, bien plus fort. Sa main bougea imperceptiblement jusqu'à son dos. Doucement, elle retira sa dague. Son corps se mouva lentement, position de combat. Le fauve ne bougea pas. Il ne semblait pas vouloir l'attaquer. Peut-être n'avait-il pas faim ? Non. Ce n'était pas cela. Son regard. Il était différent de celui d'un fauve habituel. Plus profond. Humain peut-être. Non, c'était stupide. Comment un animal pouvait posséder un regard humain ? Ichel délirait. Ce devait être à cause de la colère qui grondait encore en elle. Aucune autre possibilité.

Le félin bougea. Sa queue fouettait l'air, sa gueule s'entre-ouvrit. Il bailla. Il bailla ? La marchombre n'en croyait pas ses yeux. Le fauve baillait devant elle et ne l'attaquait pas. Aucun grognement, aucun rugissement. Il n'était décidément pas comme les autres.
Les pattes du fauve se mirent en mouvement. Dans le sens opposé à la kaelem. Il s'en allait, tranquille. Comme devant le siffleur. La queue beige du fauve disparut derrière un arbre, plus aucun bruit. Le chant de la forêt reprit ses droits et la marchombre s'affaissa. Les mains sur les genoux, la tête en arrière, chacun de ses membres tremblaient. La colère était passée, l'adrénaline l'avait remplacée. Elle resta plantée là plusieurs longues minutes. Trente peut-être. Elle ne voyait plus le temps passer. Ses pensées fonctionnaient à toute allure, elle ne savait plus quoi faire.
De ses mains, elle aida soudain son corps à se remettre debout. Ses pieds se mirent en route, vers la cascade. Tout sauf envie de retourner vers lui, vers son humeur massacrante. Sauf qu'elle n'avait aucune envie de lui donner raison. Et sa colère était à demi-passée. Elle voulait voir sa tête lorsqu'elle reviendrait, les bras chargés de bois.
Elle ramassa donc en chemin brindilles et bûches, tout ce qu'elle pouvait trouver. Les bras chargés jusqu'à n'en plus pouvoir, elle perçut enfin le son familier de l'eau.

Ichel entra dans la carrière de pierre et le simple fait de voir son maître eut pour effet de raviver sa colère. Marchant à pas décidés, elle lâcha violemment le tas de bois aux pieds de l'homme. Elle s'assit en face de lui et plongea son regard dans le sien. Il avait changé. Son attitude n'était plus la même, sa rage semblait s'être estompée. Il regrettait peut-être ? S'était-il rendu compte que sa fureur n'était en rien légitime ?
La marchombre fut surprise lorsqu'il commença à lui adresser des excuses. Elle ne répondit rien. Attendant ces fameuses explications, pour savoir pourquoi avait-elle été la victime de ses ruminations.
Mis les pieds dans son jardin secret ? Et lui alors ! Bon, d'accord, il était son maître. Mais il s'était tout de même permis de lui demander ce qui n'allait pas, elle lui avait alors offert ses pensées les plus profondes, celles concernant son frère. Personne. Elle n'en avait parlé à personne. Même ses plus proches amis ignoraient qu'elle avait un frère. Et lui, il venait lui parler d'intrusion dans son jardin secret ? Il ne manquait pas de culot.
Il continua dans sa lancée, plus lentement qu'à l'habituel. Sans doute choisissait-il ses mots avec précaution.
La prise de l'Académie ? Pourquoi parlait-il de cela maintenant, jamais il n'en avait fait allusion. Alors pourquoi maintenant ? Elle écoutait, sans broncher. Oui, elle savait tout cela. Les prisonniers, les mercenaires. Pourquoi le lui rabâcher ? Ce ne fut que lorsqu'il prononça le dernier mot qu'elle comprit.
Sa... femme.
Les yeux de l'apprentie s'écarquillèrent. Elle s'était préparée à tous les scénarios sauf à celui-ci. A vrai dire, elle n'y avait même pas songé de près ou de loin. Sa femme... Autrement dit, Kushumaï. Cette grande rousse était sa femme, celle qu'il aimait. Elle n'arrivait pas à le concevoir. Jamais elle n'avait vu son maître comme un mari, il était ce drôle de joueur de flûte qui se prenait pour un singe, cet homme rieur, libre. Un mari... Elle ne se l'imaginait pas.
Il reprit en confirmant les pensées de son apprentie.
La torture. Une pensée fila vers son amie. Oui, elle savait encore tout cela. Elle n'écoutait plus qu'à demi, encore sous le choc de la nouvelle. Elle releva cependant son regard lorsqu'il parla de sa femme. Elle aussi, comme les autres.
Enceinte ? Ichel voyait son maître pâlir de plus en plus, elle le voyait se recroqueviller sur lui-même. Sa colère n'était plus, son corps entier hurlait à l'aide. La tristesse seule embrasait son esprit. Des mots résonnèrent.
Trahis l'Académie...
Ichel n'en croyait pas ses oreilles. Ces mots dans sa bouche n'étaient jamais sortis, non, cela ne pouvait être possible. Il n'aurait jamais fait une chose pareille. C'était tout simplement impossible. Les informations qui filtraient... c'était lui. Son maître. C'était donc cela, ce retrait. Non. Elle ne pouvait le concevoir. Il lui mentait, ce n'était pas possible autrement. Sauf que son regard disait bien la vérité. Il l'avait fait. C'était lui. Tout ce qu'elle lui racontait, tout ce qu'elle lui disait, il le leur rapportait. Tout ce qu'il entendait, tout ce qui filtrait. C'était lui...
Il s'était donné pour celle qu'il aimait.

Aucun son ne sortait d'entre les lèvres d'Ichel. Comme si la parole lui avait été instantanément ôtée. Il l'avait fait pour elle, pour son amour. La marchombre eut un pincement au coeur. Pendant tout ce temps, il souffrait, son esprit n'était qu'un champ de bataille entre l'Académie et son aimée. Et elle, elle n'avait rien vu. Elle n'avait pu l'aider. Comme Halina.
Son frère...
Kushumaï, folle. La marchombre se souvenait parfaitement de ces longs mois où elle avait dû l'attendre pour tel ou tel raison. Encore pour elle. Son amour n'avait aucune limite. Et elle n'avait rien vu.
Amnésique. C'était donc pour cela qu'elle semblait si naïve, qu'elle ressemblait tant à une enfant. Aucun souvenir de son ancienne vie ne devait arriver jusqu'à elle.
Il reprit, mal en point. Ichel se rendait compte de la nature de sa colère. La sienne n'était plus, remplacée par un désir de réconfort. Elle aurait voulu lui parler, lui donner ces mots qui apaisaient parfois la souffrance. Elle n'y arrivait pas.

Arro sortit soudain deux assiettes, les remplit du repas qu'il venait de faire et en tendit une à la kaelem. Elle la prit et la déposa sur ses genoux. Son maître avait fini, il ne parlerait plus. Elle le connaissait bien trop. Ce sujet ne serait plus jamais abordé.
Le souper se passa dans un silence presque complet, chacun laissant ses pensées s'échapper. Sans doute vers le même sujet. Parfois quelques discussions, mais pas plus. Le soir tomba net, il lui tendit une couverture, annonçant l'heure de dormir. Elle ne se fit pas prier. Jetant un dernier regard à son maître alors qu'il s'emmitouflait dans une deuxième couverture, elle se coucha. S'endormit, pensant aux cauchemars de son maître.
La nuit prit ses aises.

***

Le soleil darda ses rayons dans la carrière, se réverbérant sur le visage de la jeune femme. Elle se leva, s'étira. Arro s'affairait déjà devant le feu. L'éteignant et rangeant la chasse de la veille dans son sac. Il ne l'avait pas vue. Ichel ne put s'empêcher de penser à leur discussion de la veille. Ce pincement au coeur, il ne l'avait pas quitté de la nuit. Elle se leva, se dirigea vers Arro toujours de dos et l'entoura de ses bras. Tout se stoppa net. Le temps perdit son emprise sur la carrière, les deux marchombres ne bougeaient plus. Quelques minutes s'écoulèrent dans un silence parfait.

Je serai toujours là.

Ce ne fut que lorsqu'un oiseau brisa le temps que la jeune femme relâcha son emprise. vLe temps reprit son cours.
Faisant un salto digne de ceux que sa mère lui avait enseigné, elle se ramassa sur une pierre devant son maître. A croupie, elle lui offrait un de ses sourires légendaires.


- Alors, quel est le programme du jour ? ... Une petite course ? Ok, chef !

La kaelem n'attendit pas plus longtemps et se lança dans un petit footing matinal.



Arro Skil'Liches
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Maître Marchombre
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MessageSujet: Re: Skil'Liches Lupi Sunt [Terminé]   Skil'Liches Lupi Sunt [Terminé] Icon_minitimeSam 11 Mai 2013 - 2:00

Sombre, tout était sombre. Une porte en bois s'ouvrit en grinçant, un bruit strident, vous saignant les oreilles. À l'intérieur, du noir, du néant, juste une silhouette au fond, une ombre tachée de roux et de rouge, qui le regardait sans le voir. L'ombre prit une forme de brume, souvenir d'un passé qu'il souhaitait oublié. Le brouillard devint consistant, un corps ensanglanté, vide de raison. La bouche s'ouvrit en grand, hurlant de partir. Deux faibles poings apparurent qui le tapait, le repoussait, alors qu'il ne demandait qu'à la rassurer. Pourquoi elle ne le reconnaissait pas ? Pourquoi cette silhouette se transformait petit à petit en monstre gigantesque qui l'engloutit dans sa gueule hurlant un message qui fit mouche, qui s'ancra dans son coeur :

-Tous est ta faute.

Et Arro se réveilla en sueur, gardant son propre cri dans sa gorge. Il n'arrivait pas à dormir. Cela faisait trois fois qu'il tentait, en vain. À chaque fois, il voyait une scène avec sa femme, sa Kushumaï, des images de torture, des hurlements, des cris, des pleurs, puis tout ce terminait de la même manière. « Tous est ta faute ». Était-ce vraiment la réalité ? Que ce qui était arrivé à son amour était entièrement sa responsabilité ? Cela l'effrayait, énormément, on ajoutait à cela ses remords venant de sa trahison. S'il n'avait pas été aussi égoïste, peut être que la résistance aurait pu agir avant, peut être que tout cela aurait pu finir avant. C'était vraiment infernal de vivre avec autant de mal être. Même si tout allait mieux depuis que la jeune femme était revenue d'entre les morts, ces images sombres de l'Académie en perdition, de son propre amour passant proche de la mort, revenaient. La présence de la botaniste le calmait, mais actuellement, il était tout seul. Enfin, il y avait son apprentie, mais le marchombre n'allait pas se blottir contre elle pour s'endormir plus facilement. Du coup, l'homme se leva, raviva un peu le feu en jetant quelques branches. Les braises crépitèrent avant de lécher le bois nouveau.
Arro se réchauffa les mains et les frotta, paume contre paume. Il avait froid, mais pas physiquement. C'était un froid mental, qui vous englobe quand vous déprimé. L'homme grelotta, il passa sa couverture, souffla dans ses mains. Ses yeux se posèrent sur le ciel sombre, étoilé. Il observa la lune, blanche, pâle. Étrangement, il ne se sentait pas réellement attirer par cet astre. Il la trouvait trop froide, trop triste. Même si sa famille était affiliée au loup, lui préférait le soleil, chaud, rieur, piquant. Certes, la nuit offrait la discrétion, rendant toute situation propice aux marchombres, mais lui aimait dire que la meilleure façon d'être invisible, c'est de se montrer au grand jour. Le nombre de personne qu'il avait trompé en faisant le pitre. Qui irait s'imaginer qu'un idiot, un rigolo, un babouin serait un marchombre. Du coup, personne ne faisait attention à lui, ce qui rendait ses tâches bien plus simple. Faudra qu'un jour, il explique ça à Ichel. Oui, ce serait amusant de la voir se ridiculiser en public. L'homme sourit à cette idée, cela lui rappelait quand il l'avait amenée à la bibliothèque... C'était assez plaisant de mettre son apprentie dans des situations plus que saugrenues. Le prochain cours, il lui fera un autre comme ça.
Une brise s'engouffra dans ses vêtements. Quand est-ce que ce putain de soleil va se lever ? Grommelant contre une puissance qui n'avait rien à se reprocher, il se leva et marcha un peu. Plongeant dans la forêt, il grimpa à un arbre et s'installa, assis sur une branche. D'un oeil fatigué, l'homme observa les bois, c'était son terrain, son monde, son univers. Un endroit de plénitude pour lui. Son coeur s'envola à travers les feuilles et s'assoupit doucement pour un sommeil sans rêve.

Le soleil lui caressa le visage pour l'éveiller. C'était une douce chaleur qui lui réchauffait le corps. L'homme s'étira, plus ou moins reposé. Il descendit rapidement et regarda le camp. Ichel ronronnait dans sa couette. Attendant qu'elle se réveille, l'homme rangea les affaires environnantes. Il éteignit le feu avec un peu de terre. L'homme attrapa son butin de viande, emballé dans les peaux. Il les fourras rapidement dans son sac et se demanda ce qu'il allait pouvoir faire maintenant que tout était rangé. Ce fut à ce moment qu'il sentit quelque chose l'enlacé... Était-ce un ennemi ? Un autre cauchemar ? Quand il allait se retourner il trouverait le monstre de ses cauchemars et qu'il lui hurlerait encore un « Tous est ta faute ». Non c'était Ichel, lui murmurant un mot dans le silence le plus total. « Je serai toujours là ». Oui, toujours, comme une apprentie est liée à son maître. Comme une amie. L'homme sourit et tout redevint normal.
Une journée banale de marchombre. La jeune femme lui proposa une petite course. Avec plaisir, oui, il avait besoin de se dégourdir les jambes, de penser à autre chose. La voyant partir ainsi dans les bois, Arro la suivit, rattrapant rapidement son apprentie. Ses pieds flottaient au-dessus de la végétation, posant légèrement leurs plantes sur le sol, volant presque à quelques centimètres du sol. Courir, quoi de mieux pour oublier, pour faire partir les idées noires. L'homme était juste à côté d'Ichel. La jeune gamine qu'il avait rencontré avait bien changé, il lui sourit.
Avec un naturel bien à lui, le marchombre loucha des yeux, tira la langue et accéléra. Il dépassa la jeune Kaelem, sauta sur un tronc, pris appuie et s'élança sur un autre. Ainsi, d'arbre en arbre, il monta et accrocha une branche. L'homme s'élança encore. Courant dans les hauteurs, il se sentait bien. C'était son monde, rien ne pouvait lui arriver ici. Dans les bois, il était libre, il était marchombre.
Bientôt, ils atteignirent une clairière. Arro sauta souplement et roula sur le sol. Stop. Un petit souffle. Spontanément ses mains s'étaient rejointes, ses pieds doucement glissèrent sur le sol, créant un cercle imaginaire. Ses bras doucement s'étirèrent, tournèrent. Un mouvement qui s'accélère, puis ralenti. Son apprentie était là aussi, prenant les mêmes postures, jouant avec le vent et la terre. Torsion du buste, bras qui se plient. Les deux personnages étaient un seul tempo, un seul souffle, un seul mouvement, une seule gestuelle. Harmonie.
Baissant doucement les bras vers le sol. L'homme murmura un seul mot :


-Merci.


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Skil'Liches Lupi Sunt [Terminé]
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