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 L'appel du Sud | Intrigue [Terminé]

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Shawna Djee
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MessageSujet: L'appel du Sud | Intrigue [Terminé]   L'appel du Sud | Intrigue [Terminé] Icon_minitimeLun 18 Fév 2013 - 21:33

[A titre informatif, PNJ de la caravane :
- Trys, le chef - la tête sur les épaules et un rire tonitruant. On le respecte.
Mateo (24 ans), cousin – silencieux, taciturne, toujours avec son père / à aider et pas très agréable.
- Nolan, oncle. Lili, tante.
Keo (16 ans) et Dwelan (15 ans), les cousins saltimbanques et fêtards.
Shëra (12 ans), la cousine. Petite peste qu’on adore quand même.
- Yelana, tante – une herboriste / soigneuse qui veut s’occuper de la planète entière.
- Leyah, mère – un peu oiseau de passage.
Je vous les confie pour le jeu, donc libre à vous de vous faire engueuler par Trys, être bloqué dans une conversation interminable avec Yelana, ou ne pas réussir à vous débarrasser de la petite Shëra ! Very Happy Et pour info, ils ont tous la peau plus ou moins foncée, à part Lili parce que famille par alliance.]

- Keoooooooooooooooooooooooooooo !
- Shawnaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaa !
- J’ai crié plus longtemps que toi !
- N’importe quoi, tricheuse !
- Je ne triche jamais !
- Si, regarde, j’ai un témoin pour le prouver !

Et Keo brandit un escargot sous son nez. Shawna loucha dessus un instant, le temps de comprendre ce que c’était, puis ils éclatèrent tous les deux de rire et tombèrent dans les bras l’un de l’autre.

- Bon sang tu m’as manqué…
- Tu vois, tu triches, et t’es une voleuse en plus, c’était mes mots ça…

Pas le temps de tomber davantage dans les retrouvailles larmoyantes – elle fut soudain soulevée de terre par son oncle, Trys, et il lui fallut pester longtemps avant qu’il accepte de la reposer par terre.

Ça faisait un bien fou de retrouver la famille, d’être de nouveau parmi eux, et d’allumer le feu, le soir, plutôt que de regarder par une fenêtre fermée. La belle vie, celle des routes, s’ouvrait à nouveau à ses pieds…

Elle montra, ensuite, la carte qu’elle avait commencée à Nolan – et il alla fouiller, dans la roulotte, pour lui remplir les mains de cailloux et de coquillages, voir si elle ne voulait pas en piocher là-dedans.

Pendant ce temps-là, Lili était parti s’enquérir en ville – savoir si elle ne pouvait pas mettre la main sur deux ou trois mercenaires qui voudraient les accompagner à travers les Plateaux d’Astariul, vendre leur protection et talents de combattants, parce que c’était quand même vaguement dangereux, ces histoires… Et puis, bien sûr, proposer la sûreté des caravanes aux voyageurs solitaires qui chercheraient à descendre vers le sud. Dans un monde où les routes ne sont pas sûres et où l’Empereur n’a pas eu la bonté de mettre des pavés, l’union faisait la force, et c’était les plus grands groupes qui avaient le plus de chance de survie.

Si les Itinérants étaient extrêmement secrets, avaient leur voie, leurs raccourcis et leurs codes de toute sorte – couleurs, sons, gestes – leur hospitalité était légendaire, et ils hésitaient rarement à partager un bout de pain ou un coin de couverture.

Il y avait toujours, dans les caravanes, un coin pour les voyageurs, pour les accompagnateurs, et deux voyages se faisaient rarement avec la même combinaison de personnes, quoique le cœur des Djee restait souvent le même. La protection des Itinérants n’était pas vraiment gratuite – si les rires volent et ne se capturent pas, la plupart des choses, en ce bas monde, avaient un prix. Mais les Itinérants acceptaient plus souvent les services que les pièces triangulaires, et celui qui savait se rendre utile à la caravane aurait toujours sa place parmi eux. Voyager sous leur Protection, c’était donner un coup de main avec la cuisine, les animaux, le feu, le campement, le combat, l’éclairage. Ceux qui étaient trop prétentieux pour s’abaisser à ces tâches de la communauté, par contre, étaient abandonnés au premier tournant sans la moindre pitié.

Mieux valait réfléchir à deux fois avant de réveiller la colère d’un Itinérant.

- Tu crois qu’ils seront intéressants, nos compagnons, cette fois ? En venant ici, je ne te dis pas… On était avec un guerrier Thül, mais taciturne à un point ! On aurait dit une statue de granit mouvante… Il faisait peur, j’te l’dis, moi, et puis il avait pas du tout, du tout le sens de l’humour…

Mine apitoyée de Keo, et rire incontrôlé de son frère – apparemment, Keo avait dû s’amuser d’un peu trop près et avait eu le droit à une preuve de ce manque d’humour en direct… Shawna sourit, puis leva les yeux ; Lili revenait vers eux, accompagnée de plusieurs silhouettes.

- Vu leur nombre, je doute que vous vous ennuyiez mes amis ! Vous allez même pouvoir leur faire le coup des tigres…

Grimace de Keo.

- Ouais, si Trys les accepte tous en tout cas – parce que bon, il a jamais aimé avoir trop de monde sous sa responsabilité, y a un certain moment où ça devient juste trop ingérable…
- Quoi, il n’a pas appris que plus on est de fous plus on rit ?

Sourires entendus ; puis Shawna se leva, laissant les deux garçons avachis par terre, et se dirigea vers leur mère, pour prendre la relève.

- Bienvenue inconnus ! Moi c’est Shawna, on va probablement passer un bon p’tit bout de temps ensemble, donc j’vais vous faire faire le tour un peu… Vous vous êtes ? Et vous savez faire quoi ? Les combattants, j’vous laisserai voir les détails avec Trys, les autres, si y en a qui s’y connaissent en soupes et potirons faudra voir avec Yelana… Vous allez quelque part de précis, ou vous en avez juste marre du temps pourri d’ici ?

[Edition si nécessaire !]


Halina Nilsan
Halina Nilsan

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Age IRL : 31


MessageSujet: Re: L'appel du Sud | Intrigue [Terminé]   L'appel du Sud | Intrigue [Terminé] Icon_minitimeDim 3 Mar 2013 - 12:18

Halina souriait. Elle réajusta son sac sur ses épaules et plaça son fourreau contenant son épée entre ses omoplates. Elle avait emprunté des dagues à l’armurerie de l’Académie et les avaient mises à sa ceinture sans une poche spéciale. Elle avait amené tout ce qu’elle considérait comme utile : son briquet, sa gourde, des changes, un savon et divers choses. Son sac était plein mais elle se demandait si elle n’en avait pas trop pris. C’était la première fois qu’elle voyageait aussi longtemps avec des Itinérants. Plusieurs fois, elle avait été avec eux pendant quelques jours durant le temps que leurs routes se croisaient. Puis leurs chemins se séparaient à un carrefour. Elle était contente de changer un peu d’horizon. De mêler l’utile à l’agréable. La guerrière avait toujours aimé voyager dans l’Empire seule ou accompagnée, rencontrer du monde et découvrir de nouveaux lieux. Et ce « stage-enquête » était une super occasion de découvrir le monde de vie des Itinérants et d’appendre pleins de choses.


La jeune femme était du genre sociable et accessible, elle n’avait aucun souci à s’intégrer dans un groupe. Son sourire était sincère et communicatif et elle aimait les histoires des Itinérants. Elle salua les autres résidents de son dortoir avec un petit sourire. Elle s'apprêtait à sortir de la salle commune quand une petite tornade vint lui attraper la jambe en pleurant. La guerrière s’accroupit, un peu déséquilibrée par son sac et serra fort le jeune enfant. La gamine était une enfant de domestique de l'Académie et Halina s’était tout de suite attachée à cette petite fille qui lui était un jour rentrée dedans alors qu'elle courrait après un chat qu'elle avait identifié comme celui d'Enelyë. Depuis, elle s'introduisait souvent dans la salle commune des Teylus et certainement dans d'autres maisons aussi. Tout le monde adorait cette petite qui restait souvent en coup de vent avant de retourner aider ses parents ou d'aller embêter d'autres élèves. Les pleurs finirent par s’apaiser puis la fillette leva les yeux larmoyant vers son aînée. Halina lui sourit, rassurante :


-Eh, Jàn, fais pas cette tête, je pars juste quelques semaines, je reviens vite.


-Nan mais tu vas me manquer Hal’, qui va me lire des histoires si t’es pas là ?


-T’auras qu’à demander à n’importe qui choupette. Et puis s’ils sont pas gentils avec toi, je leur mettrai une raclée en revenant. Et puis bon, ils sont tous content que je parte, parce qu'ils vont pouvoir dormir tranquille quand je ne serai pas là !


Cette dernière remarque fit glousser la petite fille et les quelques personnes présentes dans la pièce. La jeune femme en riait de cette histoire même si au fond, ça ne la faisait pas rire du tout. Mais bon, comme lui avait un jour dis une de ses amies, mieux fallait en rire qu’en pleurer. Elle fit un bisous à la puce, se releva, réajusta son sac et déclara avec un grand sourire :


-Bon aller, je dois vous laisser, sinon ils vont partir sans moi ! Soyez sages en mon absence mais continuez d’embêter le Fiel !


Puis elle sortit de la salle commune et remonta les escaliers jusqu’à la sortie, elle salua le garde à l’entrée et se dirigea vers Al-Poll. Elle n’avait pas mis son uniforme mais sa tenue de voyage. Elle était prête et motivée. Arrivée sur le lieu de rendez-vous, elle attendit avec les autres qui partaient. Puis elle reconnue l’ancienne Kaelem du Trio infernal, ce qui la fit sourire. Elle devait être la seule de groupe à se souvenir de cette jeune femme qui n’aimait pas l’autorité. C’était marrant de la voir ici. Elle regarda la personne que Shawna venait de désigner et le se dit immédiatement qu’elle allait l’adorer. Il avait la carrure du Grand Siffleur et souriait déjà. A la série de questions de l’Itinérante, la jeune femme prit la parole en souriant :


-Bonjour, je suis Halina, guerrière… Mais je peux aussi aider à la cuisine et l’entretien. On a été « libérés » par l'Intendant pour poursuivre notre formation. En plus on a plus de Maître d’armes donc ça l’arrange de se débarrasser de nous un moment. M’enfin, c’est une longue histoire qu’on vous racontera avec plaisir.


Elle écouta les autres se présenter, puis elle se dirigea vers celui qui s’appelait Trys qui leur expliqua leurs rôle et leur donna quelques conseils. L’appel de voyage résonnait en elle. Sourire.


Kloa Rwanda
Kloa Rwanda

Acier
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MessageSujet: Re: L'appel du Sud | Intrigue [Terminé]   L'appel du Sud | Intrigue [Terminé] Icon_minitimeSam 9 Mar 2013 - 16:24

Kloa détestait les adieux, et en particulier les adieux effusifs. C'est en majeure partie pour cela qu'elle se confectionna le sac le plus petit possible, contenant le strict minimum, dont plusieurs armes qu'elle avait emprunté à l'armurerie et quelques vêtements de rechange. Tout le reste, à ses yeux, n'était que peccadille, et elle ne s'en était embarrassée qu'avec hésitation. Cependant, elle avait décidé, une fois n'est pas coutume, de se montrer prévoyante. Enfin, le plus prévoyante possible, disons. Elle avait donc essayé de faire, comment dire, un minimum... d'effort. La jeune femme passa machinalement la main dans ses cheveux courts en balayant le dortoir désert du regard. Les lits côte à côte, les affaires scolaires éparpillées sur les couvertures, les oreillers de travers... Ses yeux s'arrêtèrent sur son propre matelas et un sourire se dessina sur ses lèvres à la vue de l'uniforme exécré roulé en boule sous ses draps. Étant pour l'instant encore à l'intérieur de l'Académie, elle savait qu'elle aurait dû le porter, comme tout étudiant qui se respecte, et la sensation de ses habits de toujours, sombres, coupe neutre, pratiques et confortables, ne lui en était que d'autant plus agréable. Enfin, elle tourna les talons, franchissant sans marquer le moindre trouble la porte des dortoirs. Non, elle ne regretterait rien, ici.

Une fois sortie des bâtiments, l'apprentie guerrière leva la tête et inspira l'air frais à pleins poumons. Le ciel était d'un bleu d'azur, ce jour-là, d'un bleu infini, un bleu d'éther et d'éternité. Le coeur et le visage inondés de soleil, elle avait l'impression qu'elle allait éclater. Jamais elle ne s'était sentie aussi heureuse, jamais elle ne s'était sentie aussi libre. Jamais elle ne s'était aussi pleine. Certes, le voyage ne durerait pas bien longtemps - un ou deux mois tout au plus. Mais c'était deux mois d'aventure, deux mois loin d'Aziel et de cette Académie qui, depuis le départ de Jehan et, surtout, la mort d'Hestia, l'oppressait. Deux mois de liberté et de bonheur absolu. Et puis, plus que le fait de s'éloigner d'Al-Poll, plus que le fait de continuer son apprentissage de combattante, plus que le fait de chercher des indices concernant le mystérieux départ - disparition, même, le terme aurait été plus juste - de leur ancien Intendant, il y avait autre chose. Des Itinérants. Ce nom avait dansé dans sa tête lorsqu'il avait été lâché par son interlocuteur, du bout des lèvres. Des Itinérants. Il y avait un temps, cela l'aurait rebuté, sans le moindre doute. Comment, alors qu'elle avait tant œuvré afin de se détacher de cette famille dont le mode de vie l'étouffait, on l'y entraînait de nouveau, et de force, cette fois ! N'avait-elle pas justement quitté la caravane de ses parents pour découvrir de nouvelles saveurs, un nouveau monde ? Mais, à présent, elle ne raisonnait plus de la même manière. Sans se l'avouer entièrement, ils lui manquaient, tous. Son père, sa mère, son frère. Elle n'avait aucune nouvelle d'eux depuis son entrée à l'Académie et, si Kloa n'était guère portée sur la nostalgie ou la mélancolie, elle aurait aimé les revoir, une fois, rien qu'une fois. Savoir où ils étaient, ce qu'ils faisaient, s'ils pensaient à elle, aussi, parfois. Peut-être ces Itinérants-là - les Djee, d'après ce qu'elle avait compris - auraient-ils quelque chose à lui apprendre ? Elle allait prendre le chemin de la ville quand un appel, plus fort que celui du voyage, plus fort que celui de sa famille, résonna en elle. Ses jambes se mirent à se mouvoir d'elles-mêmes et elle changea de direction.




*


L'écurie était plongée dans une sorte de demie-pénombre douce et apaisante, le silence qui y régnait étant à peine troublé par quelques discrets mâchonnements ou renâclements des chevaux assoupis. Un unique hennissement retentit lorsque les pas de la Teylus résonnèrent sur les dalles de pierre, et elle se sentit sourire.

- J'arrive, Bartok,
souffla-t-elle - et le hennissement s'interrompit aussitôt.

Le hongre gris souris l'attendait debout dans son box, les oreilles dressées dans sa direction, et il secoua joyeusement la crinière à sa vue. Kloa ouvrit lentement la porte de la stalle pour pénétrer à l'intérieur.

- Salut, toi, susurra-t-elle en lui flattant l'encolure. J'viens t'annoncer une mauvaise nouvelle. Enfin, très bonne pour moi, mais un peu moins pour toi.

Le cheval tourna la tête afin de plaquer avec affection ses naseaux contre sa paume et elle le laissa faire.

- J'm'en vais. Pas pour très longtemps, mais j'pars quand même. M'en veux pas trop, d'accord ? Quand j'reviendrai, promis, j'commençerai par venir te rendre visite, pour te dire bonjour. Mais en attendant, tu m'verras pas. Ni demain, ni après-demain, ni encore beaucoup de jours. Mais si tu comptes en semaines, ça fait pas trop, encore. J'te promets que ça pass'ra vite.

Bartok avait cessé de mastiquer sa paille et l'observait fixement, immobile, et, une fois encore, elle fut frappée de sa ressemblance avec Destan. L'un était gris, l'autre alezan, mais tous deux possédaient le même regard attentif, la même intelligence au fond des yeux. À cet instant, elle était certaine qu'il avait compris. Alors, elle recula d'un pas, ramassa son sac qu'elle avait déposé à ses pieds et sortit à reculons, lentement, sans pouvoir se résoudre à lui tourner le dos.


- Tu m'attendras, hein ? Et tu f'ras pas trop d'bêtises ?

Au moment même où ces paroles franchissaient ses lèvres, elle se mordit la langue, se rendant soudain compte de l'absurdité qu'elle avait proféré. Et éclata d'un rire clair auquel, lui sembla-t-il, Bartok se joignit avec gaieté.



*


C'était une jeune femme qui vint à eux, avec un sourire fin et un regard franc. Elle avait l'air douce, mais forte, aussi, sous cette réserve apparente. Elle lui faisait un peu penser à sa mère. Aimable, elle leur offrit de les suivre, et leur petit groupe se mit en marche. Kloa avait repéré Halina, dans le lot, qui cheminait en tête, et elle se fit la réflexion qu'elle paraissait contente, vraiment contente - et c'était la première fois qu'elle la voyait vraiment contente depuis l'arrivée d'Aziel. Et puis, au fur et à mesure qu'ils s'approchaient de la caravane, elle se désintéressa de celle-ci tandis que les souvenirs affluaient. Un bruit, une odeur, une couleur... Elle remarqua, dans un coin, deux garçons à peine plus jeunes qu'elle, et l'image de son jumeau envahit son esprit. Il y avait ce regard d'améthyste, si semblable au sien, ce sourire en coin, et puis leurs chamailleries incessantes, aussi, lui si sérieux, elle si téméraire, et la grosse voix de son père qui interrompait momentanément leurs disputes avant que celles-ci ne reprennent de plus belle...

Une jeune fille qu'elle n'avait pas remarquée jusque là prit alors la parole, d'une voix d'où perçait un éclat de rire perpétuel. Elle avait la peau sombre et des yeux flamboyants. Shawna, Trys, Yelana... Ce fut Halina qui lui répondit la première en souriant, d'un sourire qui étonna Kloa. Elle n'avait pas l'habitude de la voir sourire. Enfin, pas de cette manière-là.

Lorsqu'elle referma la bouche, comme personne ne bougeait, elle s'avança à son tour. L'épée qu'elle s'était soigneusement choisie pesait dans son fourreau.

- Moi, c'est Kloa. J'suis de la famille Rwanda - j'sais pas si vous connaissez, des Itinérants, eux aussi. Comme Halina, j'suis une apprentie guerrière, et j'viens ici pour poursuivre ma formation de combattante. Du coup... Elle promena son regard sur la caravane avant de continuer : J'ai l'habitude, j'peux faire pas mal de choses, j'pense. M'occuper des animaux, du feu, du campement, d'la protection... J'sais monter à cheval, aussi, j'pourrai faire partie des éclaireurs si ça vous arrange. Tout sauf la cuisine, en fait. J'ai horreur de préparer à manger.

Grimace, rapidement effacée toutefois. Ses yeux souriaient.

Attalys Til'Ewin
Attalys Til'Ewin

Etincelle
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MessageSujet: Re: L'appel du Sud | Intrigue [Terminé]   L'appel du Sud | Intrigue [Terminé] Icon_minitimeDim 10 Mar 2013 - 9:04

Attalys hésita longtemps pour savoir ce qu'elle allait mettre dans son sac. Des habits, d'abord, bien sûr. Mais quel genre de vêtements ? Elle s'était déjà jointe à une caravane afin de relier Al-Far à Al-Poll mais, alors, le problème ne se posait pas. Bien décidée à quitter son ancienne vie pour entrer à l'Académie de Merwyn, elle s'était chargée de tous ses biens. De toute évidence, il était hors de questions qu'elle s'encombre, cette fois-ci, d'objets inutiles. Elle se résolut finalement pour quelques pantalons d'aspect solides, plusieurs tuniques légères ainsi qu'autant de vestes chaudes ; à cette époque de l'année, elle préférait en effet n'être prise au dépourvue ni par le froid, ni par la chaleur. Elle choisit ensuite divers ustensiles de voyage allant du peigne ou du savon à un livre de légendes et de coutumes anciennes que lui avait conseillé Duncan en passant par les rouleaux de parchemin, les plumes et les flacons d'encre, si elle avait des observations à noter durant le trajet. Elle eut certes un peu de mal à fermer son sac mais s'estima satisfaite lorsque cela fut fait. L'ayant posé à terre, elle entreprit ensuite de se déshabiller, pliant soigneusement son uniforme sur son lit et se vêtant à la place d'une tenue plus adaptée. Elle enfila enfin par-dessus le tout un long manteau de voyage qu'elle avait acheté exprès pour l'occasion, souriant au reflet qu'elle entrevit dans le petit miroir accroché au mur. Avec ses cheveux dénoués sur ses épaules, sa cape et les bagages installés à ses pieds, elle avait l'air d'une aventurière prête à partir à la conquête de territoires inconnus. Et, d'une certaine manière, n'était-ce pas ce qu'elle allait accomplir ? Renouer avec son passé n'était-il pas une sorte d'exploration à l'envers ? Son regard s'échappa par la fenêtre du dortoir, suivant un moment la course d'un nuage opalescent. Combien de temps mettraient-ils pour arriver jusqu'à Al-Chen ? Un instant, elle ferma les yeux, essayant de se remémorer la couleur exacte du lac, l'aspect détaillé de leur maison. Elle fut surprise de ne visionner que des images troubles, floues, imprécises. Combien de fenêtres possédait-elle, au juste ? Trois ? Quatre ? Plus, peut-être ? Et la porte, n'était-elle pas un peu plus large ? Quant au jardinet qui l'entourait, qu'elle était sa taille, déjà ? Ses doigts caressèrent tendrement l’œil-de-tigre qui, retenu par un simple cordon de cuir, se balançait à son cou. C'était sa mère qui lui avait offert ce pendentif, et elle y tenait plus qu'à n'importe quoi d'autre. Sa mère... Un visage envahit soudain son esprit, un visage aux traits délicats rehaussés par des yeux d'un vert brillant chargé d'espoir et d'amour. Sa mère. Un sourire vient effleurer ses lèvres, un sourire très doux, à la fois joyeux et triste. Après tout, qu'importait le lac, qu'importait la maison ? Jamais, elle le savait, Ulira ne s'effacerait de ses souvenirs. Et c'était cela, le plus important.

Rêveuse, elle demeura ainsi un long moment avant de desserrer les paupières. Son regard balaya la pièce, s'attardant sur ses affaires parfaitement ordonnées. Il lui manquait cependant encore quelque chose afin de se mettre en route. La jeune femme esquissa un sourire puis se dirigea à pas lents vers son armoire, qu'elle ouvrit largement. Elle fouilla un instant dans la pile de linge avant de trouver ce qu'elle cherchait. Il s'agissait d'un poignard finement ciselé, de dimension modeste mais au tranchant affuté. Un nouveau sourire illumina son visage tandis qu'un autre nom dansait dans son esprit. Si, depuis sa rencontre avec elle à la cascade, elle n'avait pas eu l'occasion de revoir véritablement Eileen, le petit couteau avait toujours été là pour lui rappeler l'affection qui les liait à présent. L'une brune et vive au passé d'assassin, l'autre à l'épaisse chevelure châtain clair aux aspirations si pacifiques. Deux amies. Deux soeurs. Heureusement, dès leur arrivée à Al-Chen, elles auraient la chance de rattraper tout ce temps perdu. Ce fut sur cette réjouissante pensée qu'Attalys quitta les dortoirs.


Plusieurs Aequors se tenaient dans la salle commune lorsqu'elle y pénétra. Elle échangea quelques poignées de main, embrassa un certain nombre de joues et, après avoir salué ses compagnons, sortit dans le couloir dans lequel elle se mit à marcher d'un pas vif, un peu embarrassée tout de même du poignard qui pendait à sa ceinture. Elle savait qu'il s'agissait plus d'un élément de décoration que d'une arme véritable mais ne pouvait s'empêcher de se sentir mal à l'aise à l'idée qu'elle allait ainsi à l'encontre du Code Merwynien, même si elle espérait que celui-ci ne concernait pas les élèves sur le point du départ. Par chance, elle ne rencontra pratiquement personne dans les corridors, et sortit sans encombre de l'Académie.

Le rendez-vous avait lieu à la cité d'Al-Poll - du moins, c'était ce qu'on lui avait dit. Elle en prit donc la direction, et fut soulagée de retrouver sur la route un petit groupe d'étudiants faisant partie du voyage. Elle se joignit à eux, heureuse de se plonger dans leurs bavardages insouciants. Une fois parvenus au lieu de rencontre, ils n'eurent pas à attendre très longtemps l'arrivée des Itinérants. Ou, plutôt, de l'Itinérante, car ce fut une femme seule qui vint à leur rencontre. Ils reprirent alors leur marche et, au fil d'une conversation saisie au hasard, elle comprit qu'ils allaient devoir traverser les Plateaux d'Astariul, qui hantaient si souvent les contes peuplés de monstres et de créatures imaginaires de son enfance. Elle se sentit blêmir, très légèrement, mais son appréhension s'effaça aussitôt. Car ils venaient d'arriver à proximité de la caravane.


Jamais elle n'avait vu autant de monde rassemblé en un même endroit. Jamais elle n'avait entendu autant de bruit, aussi. Des cris échangés entre deux Itinérants, des rires, parfois, qui rebondissaient longuement avant de s'éteindre, des hennissements, aussi, les renâclements des bêtes. C'était tout une vie qui grouillait là et elle avait l'impression qu'un nouvel univers s'offrait à elle, un univers sonore, un univers coloré, un univers de partage vibrant au rythme de la nature.

La jeune fille fut distraite de ses pensées par une jeune femme s'avançant vers eux d'une démarche dansante. Elle leur souhaita tout d'abord la bienvenue puis se présenta sous le nom de Shawna, leur demandant ensuite ce qu'ils venaient faire ici. Ce fut Halina qui offrit son identité la première, puis une fille qu'elle reconnut comme une des Teylus ayant pris la parole lors de la réunion secrète. Elle les écouta toutes deux en silence avant d'ouvrir la bouche à son tour :

- Enchantée. Je m'appelle Attalys Til'Ewin, je me rends à Al-Chen et... Elle sourit à Shawna, un peu hésitante. Disons que je n'ai pas l'habitude de ce genre de... convoi. Sinon, je peux aider pour la cuisine et pour l'entretien, ou encore si vous avez du linge à laver, à repriser... Enfin, un peu tout ça, quoi. Elle allait s'interrompre quand une pensée lui traversa l'esprit. Oh, et puis je suis apprentie Dessinatrice, aussi. Si ça peut vous être utile...

Elle se tut. Tout ça lui plaisait. Si cela continuait ainsi, elle allait décidément passer un excellent voyage.

Gwëll Yil'Sleil
Gwëll Yil'Sleil

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MessageSujet: Re: L'appel du Sud | Intrigue [Terminé]   L'appel du Sud | Intrigue [Terminé] Icon_minitimeDim 10 Mar 2013 - 15:12

L'échéance approchait depuis le début, elle le savait, mais elle avait pas vraiment eu le temps de s'y préparer. Enfin, si, mais elle l'avait pas pris, en fait.

Sur son lit étaient étalés, par tas presque bien rangés, ses vêtements. Tous ses vêtements. Et à coté du lit, elle avait posé ses fontes et son sac. Mais se posait alors un problème de taille de taille. À vrai dire, le volume de tissu était presque dix fois supérieur au volume des sacs. Pas moyen de tout faire rentrer. Certes, elle le savait, elle n'aurait pas besoin de tout. Mais le soucis, c'était qu'elle ne savait ce dont elle n'aurait pas besoin.
Parce que faire des choix, c'était pas son truc. Et, pour sûr, si elle prenait pas son gros pull noir, il allait faire super froid, et si elle prenait pas son petit haut bleu, elle aurait chaud à en mourir. Et il fallait prendre un parti et, franchement, c'était dur. Surtout que c'était le printemps et les oiseaux qui chantaient, ils s'en fichaient d'avoir trop chaud ou trop froid, parce qu'il y avait toujours soit de l'ombre soit du soleil pour mettre les plumes au mieux et que personne ne leur disait jamais quoi faire et, de toutes manières, la vie était injuste, mais on n'y pouvait rien, tous les grands, ils le répétaient tout le temps.

Elle rouspéta, fusilla l'extérieur du regard, par sa fenêtre et le verre n'explosa pas, parce que c'était juste une impression, mais il trembla un peu quand même, même si c'était certainement un hasard.
Elle saisit le premier vêtement de chaque pile, le fourra avec hargne dans son sac, qu'elle boucla et puis elle mis deux pulls dans une fonte et des gants, un bonnet et une écharpe dans l'autre. Elle se souvint qu'elle y passerait un certain temps, alors elle rajouta une brassée de sous vêtements et tassa le tout avec les pieds. Ça rentrait tout juste, mais ça rentrait.
Sur le lit, il en restait encore plein. Elle soupira, se dévêtit, plis sa chemise de nuit et la fourra dans la fonte avec les gants. Puis elle s'habilla. Là encore, il fallait bourrer à fond. Mais c'était un défi à sa mesure.

Engoncée dans toutes ces épaisseurs, Gwëll avait, il était vrai, un peu de mal à se mouvoir. Mais, pour rien au monde, elle ne l'aurait avoué.
L'attache de sa mante se décrocha alors qu'elle sanglait Jingle et elle ne prit pas la peine de le remettre. De toutes manières, ça fait au moins dix fois qu'il se décrochait depuis qu'elle l'avait mis. Et puis, c'était pas comme si il était indispensable, elle suait à grosses goutte.
Elle fixa les fontes et décida d'enlever un pull. Ce serait mieux, parce qu'elle ne l'aimait pas, de toutes manières, il était bien trop moche et, en plus, il grattait dans le cou, à cause de son col roulé. Une fois enlevé, elle respirait un peu mieux, mais elle décida tout de même d'enlever celui d'en dessous parce que c'était son préféré et qu'elle voulait pas qu'il s'abîme et, comme un convoi c'était risqué, elle tenait pas à prendre le risque.

Elle passa la bride de Jingle par dessus son licol et regarda une dernière fois derrière elle, les écuries, pour être sûre de rien laisser. Elle avait rangé les deux pull et le sur-pantalon, qu'elle avait fini par enlever parce qu'il ne s'accordait pas avec le reste, dans le casier de Clarysse, avec un mot pour lui expliquer et lui demander d'en prendre soin.
Elle mit le pied à l'étrier et songea qu'elle aurait pu enlever une paire de chaussette en même temps que le reste, mais il était trop tard et, matériellement, une paire de chaussette, c'était pas bien gros, ça représentait pas grand chose.

À la caravane, il y avait du monde qui s'activait dans tous les sens et des chariots énormes tirés par des gros chevaux de trait et, même, des fois, des bœufs. Elle reconnut rapidement, à travers la foule, quelques élèves de l'académie, mais il y avait tellement de monde qu'elle pouvait même pas être sûre que c'était eux et pas juste des gens qui leur ressemblaient.
Elle descendit et, le sac à l'épaule, son cheval en main, se dirigea vers un attroupement qui s'était formé en bout de file. Là, elle reconnut vraiment des académiciens, et elle en était sûre puisqu'ils se présentaient. Il y avait, entre autres, Halina, Attalys, Kloa et puis plein d'autres encore.


Moi, je m'appelle Gwëll, je suis aussi de l'académie... En dessin. J'ai été envoyée pour étudier différemment comme les autres. Je pourrait aider pour à peu près tout, je pense, la cuisine, les animaux... Sauf le combat, juste. Enfin, en dessin, potentiellement, mais pas avec des armes, quoi. Sinon, à savoir...

Il y eut quelques gloussements de ceux qui la connaissaient bien et qui voyaient où elle voulait en venir. Il fallait dire qu'elle était très prévisible et que, de toutes manières, il valait quand même mieux que les itinérants soient prévenus.

...Je suis un peu... Maladroite ?

Ses amies lui sourirent et elle leur sourit aussi. Tous ceux qui la connaissaient savaient qu'elle avait un don pour tout faire tomber, pour tomber tout court, aussi d'ailleurs, pour se tromper de chemin et oublier ce qu'on lui avait dit. Elle n'était pas elle même pour rien.
Et puis quelques autres personnes se présentèrent et elle essaya de retenir leur prénoms tout en sachant bien qu'elle s'en souviendrait sans savoir les associer à la bonne personne. C'était toujours comme ça, mais elle essayait de tout faire pour arranger ça.


Joyce Sil'Ellastra
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MessageSujet: Re: L'appel du Sud | Intrigue [Terminé]   L'appel du Sud | Intrigue [Terminé] Icon_minitimeLun 18 Mar 2013 - 22:37

Je fermai la dernière boucle de mon sac. J'étais enfin prête. Après des heures de réflexion, de cogitation, de neux au cerveau pour décider ce que j'allais emmener dans mon proche périple, j'étais enfin prête.

Et oui ! Pour la toute première fois de ma courte vie, j'allais partir en voyage à travers l'Empire. Enfin... Seule est un bien grand mot pour dire que j'allais rejoindre une caravane d'Itinérant avec d'autre élèves de l'Académie pour un voyage pédagogique. Officiellement bien sûr.

Je tirai sur les bords de ma tunique spécialement achetée pour le voyage tout en grimaçant. Je détestais porter des pantalons. Je ne mis sentais pas à l'aise mais une robe n'aurait pas été pratique pour le voyage de deux mois qui m'attendait. J'avais ainsi du revoir toute ma garde-robe.

Je secouai la tête.
Le voyage n'avait même pas encore commencé que je sentais déjà ma résolution faiblir. Je repoussai cette vague de renoncement mais la peur m'envahissait peu à peu
Oui, j'avais peur. Affreusement peur.
Tout allait être nouveau, encore plus nouveau que l'Académie car pendant le voyage je n'aurai qu'un seul livre pour me tenir compagnie, que je n'avais quasiment aucune expérience de la vie sur les routes et chez les itinérants, que tout ce que je savais, je le connaissais par les livres et que cela ne valait pas l'expérience de la vie.

J'essayai de penser aux choses positives que cela pouvait m'apporter : cette expérience qui me manquait tant, de nouvelles connaissances, peut-être de l'assurance.
Mais même en m'énumérant tout cela, une ombre planait toujours : mon père.
Depuis que j'avais reçu la lettre de ma mère - une peur sourde, bien plus forte et vicieuse que celle provoquée par mon voyage imminent - c'était glissée en moi, m'empêchant de dormir le soir et provoquant des cauchemars horribles. Lorsque je serai à Al-Jeit, j'espérais pouvoir rendre visite à mon père malade mais je craignais qu'il ne soit trop tard.

Écartant ces sombres pensées, j'ajustais mon sac sur mon dos puis me dirigeait vers la sortie des dortoirs. Je m'étais si peu lié avec les autres élèves que mes adieux avaient été vite conclus, sous la forme de courtes lettres laissé à l'intention de Dylan et de Soren, même si je doutais qu'il remarque mon départ.

Les couloirs étaient remplis d'élèves mais je me sentais étrangement à part, comme si leurs agitations ne me concernaient pas. Malgré tout, j'eu un pincement au coeur en me disant que je quittais cet endroit pour au moins quatre longs mois. Je m'étais attachée à l'Académie.

J'arrivai devant le portail où le rendez-vous avait été fixé. Des élèves étaient déjà présents, j'en reconnaissais certain. Bientôt, une femme vient nous chercher et une jeune fille à la peau sombre nous accueillit avec chaleur et amabilité. Elle s'appelait Shawna.
Je souris. Finalement cela n'allait peut-être pas être si terrible que ça.
Après s'être présentée, Shawna nous demanda nos identités et nous demanda ce que nous savions faire.
Plusieurs filles prirent la parole avant que je me décide.

-Je me nomme Joyce Sil' Ellastra et je suis dessinatrice, dis-je avec cette maudite voix tremblante. Je ne sais pas me battre mais je pourrais aider pour la cuisine, j'ai quelques connaissances en herboristerie et, bien sûr, si vous avez besoin d'une dessinatrice, je suis disponible. Je cherchais ce que je pourrais ajouter mais mes capacités étaient limitées. Je me sentis rougir. J'ajoutai enfin : C'est mon premier voyage parmi des Itinérants.



Eiluun Kil' Eliam
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MessageSujet: Re: L'appel du Sud | Intrigue [Terminé]   L'appel du Sud | Intrigue [Terminé] Icon_minitimeJeu 25 Avr 2013 - 18:41

Lorsqu'elle avait ouvert les yeux ce matin, la première chose qui l'avait frappé n'était pas le soleil qui perçait à travers les carreaux. Ce n'était pas les lits tous encore occupés par des silhouettes entortillées dans les draps. Ni même l'aspect anormalement rangé du dortoir. Non, ce qui l'avait frappait lorsqu'elle avait ouvert ses yeux carmins, c'était une certitude.
Elle ne pouvait pas laisser Gwëll partir seule.
Devant une telle évidence, Eiluun sauta hors du lit.

Hier, Gwëll était venu la voir pour lui annoncer une terrible nouvelle. Elle partait. En voyage scolaire. Avec d'autres élèves. Sans elle.
Eiluun était certes contente que la jeune fille ai une telle opportunité de voyager, mais elle ne pouvait s'empêcher de se sentir inquiète en la sachant si loin d'elle. Et si quelqu'un cherchait à l'attaquer ? Et si celle qui avait voulu la brûler recommençait ? La jeune fille ne pouvait accepter qu'il arrive quelque chose à son Maître.
Mais elle avait néanmoins essayer de faire taire son appréhension, de laisser la jeune dessinatrice respirer. Elle avait tellement peur de l'étouffer, de la lasser à rester toujours dans son ombre.
Mais ce matin, cette inquiétude s'était mué en autre chose. Comme un refus catégorique.
Elle ne pouvait pas laisser Gwëll partir seule.

Sans se poser plus de questions, elle se précipita sur son sac. Celui-là même qui l'avait accompagné lors de son premier périple, de Fériane à l'académie. Et qu'elle n'avait même pas entièrement défait. Il faut dire que le sac était resté inutilisé pendant sa longue période de sommeil, et ce n'est que tout récemment qu'elle en avait fait usage. Et souvent pour des broutilles puisqu'elle devait porter tous les jours son uniforme.
C'était étrange de quitter l'académie, surtout après y être rester si peu de temps. Enfin c'était un peu plus compliqué. Elle y était restée plus d'un an en réalité, mais elle y avait véritablement vécu que quelques jours. Quelques jours qu'elle avait passé principalement à se remettre, en faisant de longues balades pour réhabituer ses muscles. A suivre quelques cours par-ci par là. Oui, il ne s'était pas passé grand chose en réalité. Juste quelques rencontres. Avec Maître Gwëll tout d'abord. Et puis Monsieur Juliet et Dame Kloa avec qui elle avait combattu. Et puis il y avait eu cette histoire d'héritage et tout ce qui en avait découlé.
Oui, au final, il s'était passé des choses pendant ces quelques jours.
En temps normal, elle aurait strictement refusée de quitter l'académie. Son destin était entre ses murs et elle le savait.
Mais là c'était différent. La vie de Maître Gwëll était en jeu.

Balançant son sac sur l'épaule, elle se précipita hors du dortoir et commença à descendre les escaliers. Elle n'avait aucune idée de l'heure qu'il pouvait être. Ni de l'heure à laquelle le convoi partait. En réalité elle savait tout juste que le rendez-vous était plus ou moins à Al-Poll. Mais cela ne l'arrêta pas pour autant. Elle avait la conviction étrange que si elle continuait à courir, elle arriverait à temps. Et au bon endroit.
Arrivée en bas de l'escalier de l'aile principale, ses jambes cédèrent sous l'effort un peu trop intense et elle trébucha. Pour se relever sans perdre de temps. Aux ts'liches ses jambes, elle devait continuer.

Ses muscles la tiraillaient atrocement, lorsqu'elle parvint enfin dans la cour de l'académie. Mais elle refusait la conception même de cette douleur. Rien ne devait être un obstacle à sa course.

Elle s'encoubla à nouveau. S'étalant dans la boue. La boue qui couvrait la route menant à Al-Poll. Elle avait déjà quitter l'enceinte de l'académie. Sans prévenir personne de son départ. Tant pis. Seul retrouver Gwëll était important. Elle était presque à bout de force, mais elle n'arrivait pas à renoncer.
Heureusement, il fallait croire que la Dame veillait sur elle, un chariot de marchand passait aussi sur ce chemin. Voyant la jeune fille allongée dans la fange, l'un des marchands l'aida à se relever avant de la hisser à ses côtés. Elle les remercia chaudement, ils allaient lui faire gagner un temps précieux.
Et en effet, elle eut à peine le temps de cligner des yeux, qu'elle pouvait déjà apercevoir la caravane au loin.
Dévorée par l'impatience de rejoindre le groupe, elle tenta de sauter souplement par dessus le chariot. C'était sans compter sur ses jambes, ses traîtresses. Elle s'estrabanqua pour une troisième et dernière fois. Chutant à nouveau dans la bourbe.

Elle se relava, chassant la terre de son uniforme d'un geste ample, avant de s'approcher de l'attroupement. Elle pouvait voir un groupe de personne virevoltant autour des caravanes. Ils se ressemblaient beaucoup, aussi Eiluun supposa qu'ils étaient de la même famille. Quoique ca ne voulait pas toujours dire grand chose, elle-même ne ressemblant pas à sa mère ou son frère.
Un autre rassemblement, semblait être celui des élèves de l'académie. Des élèves filles, aucun homme n'était présent parmi elles. Elle reconnu Gwëll, mais aussi Dame Kloa et Attalys, une autre fille qu'elle avait déjà croisée dans la bibliothèque. Celle qui était allergique au pollen. Certaines étaient en uniforme et d'autres dans des vêtements plus adaptés au long voyage qui les attendaient. Elle eut beau regarder, elle ne trouva pas d'élèves de sa maison. Elle était la seule Kaelem pour l'instant.

La jeune fille s'avança, rentrant dans le cercle formée par les jeunes filles. Celles-ci était en train de se présenter, et son tour vint rapidement.
C'était étrange, elle n'avait pas l'habitude de se présenter comme ca, devant plusieurs personnes. Souvent elle ne donnait son nom que lorsqu'on se présentait à elle, ou qu'on le lui demandait explicitement. Mais les élèves lui donnaient l'impression d'attendre sa réponse. Aussi, elle n'eut pas trop le choix.

- Je m'appelle Eiluun. Elle avait laissé tombé le Kil'Eliam depuis sa rencontre avec le Maître. Je suis aussi une dessinatrice de l'académie. Enfin, c'était la version officielle, puisqu'en réalité elle était bien incapable de dessiner seule. En fait je viens juste de sortir du coma, c'est pourquoi vous me connaissais pas trop et j'étais pas vraiment prévu au voyage. Mais je suis contente de venir avec vous. Surtout avec Gwell. Je ne sais pas faire beaucoup de chose, mais j'apprends vite. Alors je suis prête à vous aider.

Elle leur sourit à tous, espérant qu'elle soit acceptée. Même si elle n'était vraiment pas prévu dans le voyage.

Shawna Djee
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MessageSujet: Re: L'appel du Sud | Intrigue [Terminé]   L'appel du Sud | Intrigue [Terminé] Icon_minitimeVen 3 Mai 2013 - 15:02

Shawna ne put s’empêcher de faire une tête de trois pieds de long. Elle avait tellement hâte de voir la tête des nouveaux voyageurs, et se faisait déjà tout un délire sur des guerriers aux techniques étranges et des artisans aux dons intéressants. A la place ? Une bande d’apprentis de l’Académie de Merwyn ! Elle avait déjà une mauvaise image de l’Académie, leur groupe n’avait pas grand-chose pour lui plaire. Le fait qu’ils soient presque tous Dessinateurs nobles, elle qui ne supportait pas ces chères petites créatures incapables de s’abimer les doigts, les mains blanches et les paumes douces. Bon, c’était toujours utile pour allumer des feux, se défendre, et faciliter un peu le voyage, mais un suffisait. Elle reconnaissait la première académicienne, cela dit – Halina avait suivi les cours de combat avec elle et Locktar. Elle lui fit un signe de tête amical, comme pour lui signifier qu’elle se souvenait d’elle. Ca pourrait être sympathique, d’échanger quelques passes avec elle. Shawna leva cependant une mine intéressée en entendant Kloa ; le clan Rwanda… Itinérante elle aussi, et rêvant de savoir se battre aussi. Shawna se dirigea immédiatement vers elle, et la prit par le bras.

- Mais c’est génial, ça. Dis, les tiens n’ont pas fait d’histoire pour que tu deviennes combattante ? Je sais que ça dépend des familles, mais mon père est fou à l’idée que je puisse être guerrière aussi. En même temps, il n’est pas Itinérant, et le combat sur les routes, bon, il a jamais été super content de nous savoir sur les routes, et il ne comprend pas, même s’il nous laisse partir, parce qu’ils nous adorent et sait qu’on en a besoin.

Kloa allait certainement être la plus utile du lot – mais il allait aussi falloir faire attention. Les Itinérants avaient certes leurs points communs, leur culture, qu’il partageait, mais chaque famille avait aussi des secrets bien gardés, et il ne faudrait pas que Kloa puisse aller reverser ceux des Djee entre les mains des Rwanda. Certaines familles étaient plus fourbes que d’autres, et Shawna ne connaissait pas la sienne. Certains chemins étaient partagés par tous – d’autres connus de peu. Il allait falloir qu’elle glisse un mot à Trys. Elle se tourna vers Ichel, l’autre à avoir dit être combattante.

- T’as qu’à aller avec Halina voir Trys, faudrait qu’il choisisse qui part en éclaireur avec Mateo. Fin non en fait, on vous accompagne, attendez.

Les autres elle ne les identifia pas, se contenta de jeter un regard global à leur lot.

- Bon, les autres, allez voir Yelana, c’est la femme là-bas avec des herbes dans les cheveux, qu’est-ce qu’elle a foutu encore… Elle vous expliquera, pour la cuisine, le campement et tout.


Elle se tourna vers la grande blonde qui avait dit être maladroite.

- Toi, tu l’évites, par contre, elle aime pas les incompétents. T’as qu’à t’occuper des bêtes, et puis, essaie de pas te perdre ou de t’éloigner du convoi.

Et c’était parti. Les routes, les roues sur les cailloux, apprendre à prendre son rôle. Ca marchait décidément bien, finalement. Shëra était collée en permanence à Joyce, et passait son temps à lui demander de lui raconter des histoires – quelle chieuse. Et Keo n’était visiblement pas aveugle aux charmes d’Attalys, et faisait son intéressant dès qu’elle était dans son champ de vision, sans pour autant réussir à lui parler. Dwëlan en était apparemment mort de rire. Pauvre petit… et Leyah, Leyah l’oiseau libre, qui s’était mis dans la tête d’apprendre tout un tas de choses à celles qui n’avaient pas l’habitude des voyages, qui racontait les étoiles et les vents à tous, pour leurs apprendre à s’orienter. Shawna écoutait la voix de sa mère, à l’écart, les yeux fixés sur les points lumineux. Ils lui semblaient tellement lointains, ces guides célestes – et puis elle baissa les yeux sur ses pieds, ces pieds qui tambourinaient sans cesse la poussière, avant de regarder sa mère, et la liberté qui vibrait dans tous ses gestes.

*

Le feu brillait, doucement, au centre du campement. Gwëll s’était éloignée un peu ; Shawna, en la voyant partir, la suivit, absolument certaine que la Dessinatrice allait tomber dans le noir et ne plus retrouver son chemin.

- Eh, tu vas où comme ça ?

Gwëll au grand cœur avait, apparemment, entendu les gémissements d’un animal, et pas réfléchi trente secondes au fait qu’il pouvait être dangereux. Chance pour elles d’eux, ce n’était qu’une chèvre, dont la patte s’était coincée dans les fougères. Gwëll l’aida à se dépêtrer, sous les railleries de Shawna, puis, voyant qu’elle n’était pas blessée, elles repartirent toutes deux vers le campement.

La chèvre les suivit.

Ou plutôt, suivit Shawna.

- Mais c’est pas juste, j’ai rien demandé moi, je l’ai même pas aidée !


C’était bien dommage, parce que trois jours après, la chèvre était encore là, et avait été nommée Djali par elle ne savait plus qui.

*

- Dites, elle est où, Eiluun ?

Dwëlan avait l’air plutôt inquiet, en lui demandant ça – ce qui ne lui ressemblait pas…

- Trouve Gwëll et tu trouveras Eiluun, elles sont toujours fourrées ensemble.
- Ben, en fait, je cherche Gwëll, à la base, c’est pour ça que je cherchais Eiluun.
- Je sais pas, alors, mais elles ne doivent pas être bien loin.
- Ben justement, j’commence à me demander, ça fait quand même un moment que je les cherche et la caravane est pas si grande que ça…
- Elle a dû partir sauver une autre chèvre pour m’embêter, alors.

Shawna lança un regard noir audit animal, qui décidément ne la quittait plus d’une semelle. Et Shawna qui prend les choses en main – découvre assez rapidement que Dwëlan a raison et qu’elles ne sont nulle part, à moins de s’être enfermées dans un coffre ou empêtrées dans les tissus à vendre, ce qui au fond n’étonnerait pas Shawna plus que ça – Gwëll était en effet très maladroite, et l’exaspérait au plus haut point… Ichel aussi avait disparu, d'ailleurs, mais elle était débrouillarde et partait parfois comme ça. Elle savait retrouver son chemin, et personne ne s'inquiétait de son absence. Trys une fois mis au courant, leva les yeux sur la troupe.

- Kloa, ça te dérange d’aller voir si tu les trouves ?

Kloa étant Itinérante, Shawna ne s’inquiétait pas pour elle loin de la caravane, et Ichel était elle aussi débrouillarde. Elles sauraient sûrement pister les deux filles.

- Et puis rendez-vous à Al Chen, on arrive dans deux jours, vous nous rejoindrez sans mal ; la zone n’est plus vraiment dangereuse, mais faites quand même attention, des fois qu’il y ait des bandits avant les portes.


Le groupe semblait soudain beaucoup plus vide. Shawna remplaça Mateo à l’éclairage et y rejoignit Halina. Elles observaient en silence, puis Shawna ouvrit la bouche, sèche :

- Dites, j’veux bien que le voyage vous forme, mais après, qu’est-ce que vous allez foutre à Al Chen ?


Halina Nilsan
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MessageSujet: Re: L'appel du Sud | Intrigue [Terminé]   L'appel du Sud | Intrigue [Terminé] Icon_minitimeDim 5 Mai 2013 - 21:39

Halina sourit à la présentation de Kloa, franche et directe comme d’habitude. La jeune femme ne savait pas que c’était une fille issue d’une famille d’Itinérants. En même temps, c’était normal que l’autre ne lui en ai pas parlé, vu qu’elle ne parlait pas beaucoup toutes les deux. Elles avaient beau avoir des amis en commun, papoter en groupe ou se retrouver en cours ou à table, il n’empêchait pas qu’elles ne s’étaient jamais parlées en tête à tête. Pas comme elle pouvait parler avec Astra ou Einar de tout et de rien en même temps pendant des heures. Elles n’avaient pas ce feeling toutes les deux. Mais bon, qui sait, peut-être que ce voyage les rapprocherait et qu’elles arriveraient à s’entendre un peu mieux. En fait, elle rappelait à Halina la Lya de leur première rencontre. Revêche et sûre d’elle, parfois trop. Mais bon, tout le monde avait son petit caractère. Peut-être que Kloa avait du mal avec sa façons de se comporter ou de parler. Halina ne savait pas, mais elle se disait qu’elle se lierait certainement un peu plus à Kloa.


Il y eut ensuite Attalys, qui prit la parole. Dessinatrice blonde mignonne et volontaire. Puis, Gwëll, qui se présenta puis avoua sa maladresse, les faisant tous sourire. Halina se promit de la surveiller pour pas qu’elle se blesse durant le convoi. Elle avait l’impression de pouvoir être sa grande sœur. Peut-être surprotectrice. Il y eut ensuite Joyce, une Aequor qui avait participé à la réunion et que la guerrière ne connaissait pas du tout. Et Eiluun, une fille aux cheveux roses, au regard naïf et qui suivait Gwëll dans l’Académie comme son ombre depuis quelques jours maintenant. Enfin, Ichel se présenta comme guerrière, mais la jeune femme ne comprit pas pourquoi elle ne disait pas la vérité… Elle se demandait ce que ça allait donner ce groupe complètement hétéroclite et bigarré. Et puis bon, est-ce que les Itinérants allaient vouloir les emmener avec eux, parce que bon, ils étaient bien différents et ne connaissaient pas les règles de caravanes. M’enfin, c’était cool de voir les gens hors de leur contexte et le voyage promettait bien des surprises.


Halina se dirigea avec Ichel, Kloa et Shawna pour voir Trys juste après que l’Itinérante eut donné les consignes. Il désigna les éclaireurs, Ichel et Kloa se relaieraient auprès Mateo un garçon, taciturne mais volontaire et habituer à partir en éclaireur. Halina ne s’était pas portée volontaire pour ça, elle savait que vu qu’elle ne pouvait pas monter à cheval, elle serait un poids pour eux en avant. Après coup, elle se dit qu’elle aurait pu courir devant vu son endurance et vu que la caravane avancerait au pas des bêtes qui tiraient les chariots, mais bon, comme ça, on ne la dérangerait pas trop avec ça. Elle avait du mal à avouer qu’elle avait peur de ces canassons, alors plus tard, à une question de Trys, elle déclara, qu’elle ne pouvait pas monter à cause de son genou mais bon, elle se douta qu’il n’était pas dupe. Et comme elle ne rechignait pas la tâche et tenait le rythme, il n’en dit pas plus. Mais elle se dit qu’à un moment, elle ne pourrait plus échapper à la discussion.

* * *

Le voyage se déroulait sans encombre majeure. Quelques escarmouches de bandits téméraires et quelques bêtes sauvages. Rien de bien marquant. Les jours passaient, Eiluun ne quittait jamais Gwëll, qui semblait faire de son mieux pour ne rien casser ou ne pas se blesser. De cette fçon, elle évitait les remontrances de Yelana. Mais bon, comme elle participait beaucoup et qu’elle était trop mignonne, elle s’était bien intégrée. De même que Joyce qui avait été adoptée par Shëra la petite fille qui réclamait plein d’histoire et qui embêtait son monde à l’heure de se coucher. Attalys semblait avoir tapé taper dans l’œil du cousin Keo, qui ne lui faisait pas trop de blagues du coup. Sinon, Halina devait parfois courir après Keo ou Dwelan pour récupérer sa chaussure le matin ou bien son sac. Mais bon, elle les attrapait toujours. Elle leur apprenait parfois quelques techniques avec des bâtons de bois qu’elle taillait à côté du feu durant les arrêts. Ça lui permettait de ne pas se ramollir et faisait de l’animation le soir au grand dam des cuisinières qui auraient préférer un peu de calme. La guerrière mettait toujours la main à la pâte, pour aller chercher du bois, aider à remplacer une roue, éplucher les légumes ou encore chasser quand c’était nécessaire.

* * *

Halina se retrouva coincé sur le chariot de Yelana ce jour-là, parce qu’elle n’était pas éclaireuse et que c’était de ce chariot là qu’elle pouvait descendre le plus vite en cas de problème. Et puis bon, aussi parce que Trys lui avait dit de se mettre là. Alors elle était là. Epée entre les omoplates, dagues à la ceinture et bâton dans les mains en cours de taillage. Celui-ci était plus petit, parce que Shëran en avait réclamé un, pour faire comme les grands, du coup, la jeune femme le taillait et le polissait pour lui éviter des échardes. Pendant ce temps-là, la femme à la peau sombre parlait, encore et toujours. Elle avait bien vu le regard rieur de Shawna quand elle s’était installée là ce matin mais elle ne se doutait pas que c’était à ce point. Du coup, elle écoutait d’une oreille distraite :

-… et donc je lui ai dit, tu prends une décoction d’écorces de saule pour soulager tes rhumatismes, comme je te le dis à chaque fois. Et l’autre bécasse elle m’a répondu qu’elle avait essayé, que ça marchait pas, que j’étais pas une bonne herboriste, que je pourrai jamais avoir ma clientèle si je mentais comme ça et que de toutes façons, les Itinérants c’étaient tous des arnaqueurs. Du coup,… Eh tu m’écoutes là ?

-Evidemment ! Vous avez fait quoi pour finir ? Elle vous a payé au moins ?

-Combien de fois, vais-je devoir te répéter de me tutoyer ? Tu es une sacrée tête de mule toi. Où en étais-je ? Oui, et bien, je lui ai dit que si elle était pas contente, je n’accoucherai pas sa fille et qu’elle pouvait bien aller voir qui elle voulait, c’était ici qu’elle aurait la meilleure qualité. Elle a payé sa décoction habituelle et elle est partie en ronchonnant. Elle n’est pas venue pendant un moment et après elle e réapparu comme une fleur pour racheter mes herbes pour sa fille. La soigneuse qui l’avait accouché avait mal fait son travail et elle avait perdu son bébé.

-Comme quoi l’orgueil fait faire des mauvais choix.

-Ouais…


Il y eut pour la première fois depuis qu’elle était sur le chariot un silence. Il sembla durer une éternité mais Yelana le combla bien vite :


-Mais en fait, c’est la première fois que j’entends parler d’une blessure d’ours élastique au genou qui permet de courir et se battre mais pas de monter à cheval. Qui t’a raconté ça ?


Halina se retrouva un peu dos au mur, elle savait que la femme s’y connaissait vraiment en blessures et qu’elle savait quand on mentait. Trys savait. Ichel savait. Mais bon, les autres non, elle n’évitait pas non plus trop les chevaux, elle ne les approchait juste pas de trop près. Elle pouvait leur apporter leur nourriture mais pas les brosser ou encore moins les monter. Elle n'en était pas terrifiée. Mais elle avait peur, et comme elle n'était pas habituée, elle ne faisait pas le premier pas. Du coup, elle leva la tête de son travail et observa la femme qui regardait droit devant elle en guidant les bœufs du chariot. Enfin, elle déclara :


-Ben, en fait, c’est pas mon genou qui m’empêche de chevaucher. C’est moi. J’aime pas ça les chevaux. Y m’font peur…


Yelana, la regarda, avec cet air mi-maternel mi contrit. Comme quand on a la confirmation de nos doutes. Elle eut aussi ce petit sourire rassurant qui fit à la fois peur et plaisir à Halina. Parce qu’elle pouvait se reposer sur une adulte qui comprenait mais aussi parce qu’elle ne voulait pas que tout le monde le sache. M’enfin, elle remarqua ensuite, qu’elle avait dû en parler à Leyah, parce que cette dernière intégra à ses histoires, certaines sur des fiers destriers ou des chevaliers à la monture infatigable. Et ses talents de conteuse transportaient Halina à chaque fois. Et sa peur perdait un peu de substance parfois.

* * *

Ils se trouvaient à quelques jours d’Al-Chen quand elle se retrouva seule avec Shawna pour la première fois. En même temps, elle ne faisait pas souvent l’éclaireur. Elles marchèrent en silence un moment suivies par le bruit des sabots de la chèvre qui ne quittait plus l’Itinérante d’une semelle à son grand déplaisir. Cette situation faisait bien rire les deux cousins qui n’hésitaient pas à se moquer d’elle. Puis, l’ancienne Kaelem prit la parole. Posant la question qui devait lui bruler les lèvres depuis le début du voyage. Halina l’attendait cette question mais ce trouva quand même un peu bête, parce qu’elle ne savait pas trop quoi dire. Devait-elle la mettre dans la confidence au risque d’elle prévienne quelqu’un ? Même si elle avait toujours été contre l’autorité, allait-elle les dénoncer et du coup ruiner toute l’opération ? Ou allait-elle les aider ? De toute façon, la jeune femme ne pouvait pas prendre la décision seule. Du coup, elle dit :


-Bah, depuis Aziel, pleins de trucs ont changé. Avec lui c’est uniforme obligatoire, pas d’accessoires, pas de bazars dans les couloirs, pas de portes ouvertes, l’appel tous les matins… Et j’t’en passe.


Elle eut un petit soupir désabusé avant de continuer :


-Autant te dire qu’on a tous besoin de changement en c’moment.


Un petit sous-entendu. Shawna était intelligente, elle le releverait peut-être. Et sinon, tant pis, elle n’était pas sûre de vouloir lui en parler de toutes façons. Il n’était pas du tout certain que la jeune femme les aiderait si elle lui disait la vérité. Même si elle pourrait être hyper utile dans cette recherche d’indices mais bon. Ils seraient bientôt à Al-Chen et pourraient se concentrer sur leur plan. En plus avec Ichel la marchombre dans leurs rangs, récupérer discrètement les infos serait bien plus facile. Elle ajouta, avec un grand sourire :


-En plus, le Trio Infernal n’est plus là pour embêter tout le monde, se battre dans les escaliers et faire rager l’Maître d’armes !


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MessageSujet: Re: L'appel du Sud | Intrigue [Terminé]   L'appel du Sud | Intrigue [Terminé] Icon_minitimeMer 8 Mai 2013 - 8:43

Kloa écouta les autres se présenter en silence – il y eut trois Aequors, d'abord, Gwëll ainsi que deux autres filles qui étaient présentes à la réunion mais dont elle ne connaissait jusqu'alors pas les prénoms, puis Eiluun, celle qu'elle avait rencontré durant son entraînement à la Cour de la Fontaine. Quatre apprenties Dessinatrices, quatre nobles aussi – et elle aperçut du coin de l'œil la grimace de Shawna. Cependant, lorsque tous se furent tus, cette dernière se dirigea vers elle pour la saisir par l'épaule, prenant la parole sur un ton enjoué. La combattante se laissa faire, souriant malgré elle, haussa les épaules à la question de la jeune femme.

- En fait, j'crois pas leur avoir laissé vraiment le choix.

Toutes deux se jetèrent un long regard, puis éclatèrent de rire en même temps. Cette Shawna, décidément, lui plaisait bien, surtout s'il s'avérait en effet qu'elle était également une guerrière. Elle les conduisit ensuite – Halina, Ichel et elle – auprès de Trys, le chef du convoi, afin qu'il puisse choisir les éclaireurs. Kloa aurait bien aimé être désignée en compagnie de la Teylus, mais celle-ci ne se porta pas volontaire en raison de son genou qui, expliqua-t-elle, l'empêchait de monter à cheval. Si cela la surprit un peu – elle ne s'était jamais rendue compte qu'une gêne quelconque la handicapait pendant leurs entraînements – elle ne réagit pas, se contentant de lui lancer tout au plus un regard légèrement étonné. Il fut donc décidé qu'Ichel et elle se relaieraient auprès de Mateo, un jeune homme taciturne et pas des plus aimables. Pourtant, cela ne l'importuna pas, elle-même appréciant le silence et n'étant pas toujours une compagne extrêmement agréable.

Et le voyage commença. Relativement calme, si l'on exceptait quelques bêtes sauvages qu'il ne fut guère compliqué de détourner de la caravane et des petits groupes de bandits esseulés. Les élèves de l'Académie aussi s'intégraient bien. Gwëll semblait faire de réels efforts contre sa maladresse et n'avait pas encore commis d'accidents même si elle dénicha une chèvre sur le bord de la route, chèvre qui était toujours là le lendemain et ne quittait pas Shawna d'une semelle – un peu comme Eiluun avec Gwëll, en fait. Devant leur impuissance à la chasser du convoi, quelqu'un finit par l'appeler Djali et on n'en parla plus – si l'on faisait fi de l'Itinérante qui, parfois, l'observait d'un œil si noir que Kloa se demandait par quel miracle elle ne terminait pas en brochettes. Joyce, elle, avait été littéralement adoptée par la petite Shëra, laquelle avait le don de l'exaspérer par ses bouderies et ses caprices incessants, qui ne cessait de lui réclamer des histoires que l'autre paraissait lui fournir d'assez bonne grâce. Attalys ne semblait pas laisser Keo indifférent ; quant à Halina et à Ichel, elles paraissaient se plaire, ici.

Et, de fait, la vie au sein de la caravane s'organisa plutôt rapidement. Pendant la journée, Kloa faisait partie des éclaireurs et, durant les haltes, s'occupait des bêtes, aidait à la préparation du campement, allait chercher du bois pour le feu, réparait les chariots abimés ou veillait à protection du groupe, retrouvant avec un naturel stupéfiant tous ces gestes qu'elle avait cru enfouis et oubliés à jamais. On lui avait attribué une petite jument rouan, vive et nerveuse, répondant au doux nom de Clochette mais qu'elle eut tôt fait de rebaptiser Chioné dans le plus grand des secrets. Ce n'était pas la même chose qu'avec Destan ou Bartok, bien sûr, mais elle aimait sentir le vent lui fouetter le visage et voir le paysage défiler à ses côtés quand elle était sur son dos. Parfois, elle pensait à Halina, qui ne pouvait bénéficier de tout cela, et éprouvait à son égard un mélange de tristesse et de compassion. Bien sûr, il y avait bien Keo et Dwelan, dont les farces n'étaient pas toujours de très bon goût. Heureusement, après un certain nombre d'incidents malheureux, elle leur fit clairement comprendre que ce genre d'aventures n'avait pas intérêt à se reproduire, du moins envers elle. Par chance, ils eurent l'air de saisir tous les deux le message et la laissèrent tranquille à partir de ce moment – du moins ce que l'on pouvait appeler tranquille quand on avait à faire aux deux frères. Il faut dire qu'elle pouvait devenir assez menaçante, lorsqu'elle le voulait. Le soir, ils se retrouvaient tous autour d'un feu de camp généreux pour manger et discuter. Halina se chargeait de l'animation en apprenant aux cousins quelques techniques sur des bâtons de bois qu'elle taillait quand elle avait un peu de temps libre – Kloa se joignait parfois à eux, pas souvent. Ensuite, c'était au tour de Leyah de prendre la parole, pour leur raconter les vents et les étoiles, le soleil et la lune, la pluie et les nuages. Elle l'écoutait avec les autres, d'une oreille un peu distraite, se laissant bercer par la voix douce et chaude de la conteuse, si apaisante, tandis que ses deux vies, son passé et son présent, sa famille et celle des Djee, se confondaient dans son esprit.

Et puis, un jour, Trys vint les trouver, Ichel et elle, alors qu'elles allaient prendre leur place devant la troupe en tant qu'éclaireurs. Apparemment, ils avaient perdu Gwëll et Eiluun. Ou, plutôt, Gwëll et Eiluun les avaient perdus. Kloa n'avait pas remarqué leur absence – mais, en même temps, cela était relativement normal puisqu'elles passaient le plus clair de leur temps à l'intérieur des chariots tirés par les bœufs alors qu'elle-même, ne supportant pas d'être enfermée, se trouvait toujours dehors à chevaucher. Enfin, bref. Les deux Dessinatrices s'étaient donc perdues et il leur demandait si elles pouvaient aller à leur recherche, leur donnant rendez-vous à Al-Chen dans deux jours. La jeune femme fronça les sourcils, réfléchit un instant. Des armes, une gourde d'eau, des vivres, un peu d'argent... Si les Itinérants ne s'étaient rendu compte que maintenant que leur caravane comptait deux personnes de moins, elles ne devaient pas se trouver encore trop loin. Deux jours seraient largement suffisants. Alors, elle leva la tête, planta ses yeux dans le regard de l'homme qui lui faisait face et acquiesça gravement.

- Pas de problème. On vous rejoint à Al-Chen.

Si elle avait su...

Attalys Til'Ewin
Attalys Til'Ewin

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MessageSujet: Re: L'appel du Sud | Intrigue [Terminé]   L'appel du Sud | Intrigue [Terminé] Icon_minitimeMar 14 Mai 2013 - 19:14

Lorsqu'Attalys se tut, ce fut au tour de Gwëll de se présenter. Elle était accompagnée d'un cheval bai brun – le sien, apparemment – aux grands yeux doux et dont le regard vif démentait son allure placide. Quand la jeune fille avoua être légèrement maladroite, il y eut quelques rires dans le groupe d'étudiants. Elle-même se contenta de lui sourire de ce sourire spécial qu'elle ne réservait qu'à elle, et l'autre le lui rendit en retour. Puis Joyce prit la parole de sa voix un peu tremblante qui déraillait sur certains mots et à la fin des phrases, aussitôt suivie d'Eiluun. À sa vue, la jeune femme ne put s'empêcher de hausser un sourcil. Elle participait donc au voyage ? Alors, elle se souvint que Gwëll et elle étaient pratiquement inséparables depuis qu'elle était sortie du coma ou, plutôt, que la Kaelem était littéralement devenue l'ombre de la Dessinatrice. Une jolie ombre d'un joli rose, avec un beau sourire lorsqu'elle était de bonne humeur et une belle famille de papier.

Quand tout le monde eut terminé de se présenter à Shawna, celle-ci les dévisagea un instant d'un regard global avant de les remettre aux mains d'une certaine Yelena. Elle allait se détourner, mais elle sembla se raviser brutalement et jeta un coup d'œil à Gwëll, qui caressait son cheval en lui chuchotant quelque chose à l'oreille, pour lui apprendre que la dame en question n'appréciait pas les incompétents, et qu'elle ferait mieux d'aller s'occuper des animaux. Ça ne lui plut pas beaucoup, la manière dont elle le dit, « les incompétents », de ce ton dur et coupant, sec, cassant. Comme si l'Aequor était une imbécile qui n'était pas capable de se servir de ses dix doigts. Heureusement, cette dernière ne parut pas s'en formaliser et s'éloigna en tenant sa monture par la bride en direction des bêtes – des bœufs à l'air paisible et quelques autres chevaux qui avaient interrompu leur repas pour examiner les nouveaux arrivants avec curiosité. Durant plusieurs secondes, Eiluun demeura immobile, confrontée à un cruel dilemme. Qui choisir, de Gwëll ou de Yelena ? Valait-il mieux suivre la jeune fille ou obéir à Shawna ? Attalys n'eut pas le temps de découvrir ce à quoi elle dut finalement se résoudre car Joyce, à ses côtés, s'était mise en marche vers la jeune femme. Après un dernier regard à ses deux amies, elle lui emboîta le pas.

*

- En fait, c'est très simple, tu vois. Tu rajoutes un peu d'eau, tu mélanges bien et, ensuite, tu laisses macérer. Et puis, une fois que ça commence à prendre cette teinte, là, que ça passe du vert au violet, ça veut dire que c'est prêt à la consommation ! Vraiment pas compliqué du tout, ça demande juste de la patience et un sou d'jugeote !

Attalys se trouvait à l'intérieur d'un chariot et avait interrompu sa corvée cuisine quotidienne – en l'occurrence, épluchage de pommes de terre et écossage de fèves – pour écouter Yelena qui, un couteau dans la main droite et une carotte dans l'autre, avait entrepris de lui raconter en détail la fabrication d'une potion dont elle n'avait pas retenu le nom. Profitant de ce court répit pour se saisir d'une gousse, elle demanda en souriant :

- Et... ça sert à quoi, exactement ?

L'herboriste écarquilla les yeux.

- À quoi ça sert ? Mais... à tout, ou presque ! Maux de tête, d'estomac, rhumatismes... Enfin, à condition que cela soit bien préparé, bien sûr ! Il suffit d'une imprécision, d'une étourderie, pour avoir tout à recommencer ! D'ailleurs, je t'ai déjà dit que...

Attalys essaya de demeurer attentive mais, bien vite, le flot de paroles ininterrompu la perdit complètement et elle se résolut à se consacrer à ses pommes de terre. Pourtant, elle aimait bien Yelena, vraiment. Certes, elle était extrêmement bavarde, mais son cœur était si grand qu'on aurait pu y loger une famille entière de tigres des plaines sans qu'ils aient même à se serrer. De plus, elle possédait des connaissances dans de nombreux domaines – des plantes aromatiques pour la cuisine aux herbes médicinales en passant par toutes les sortes de simples et d'épices – et l'apprentie Dessinatrice l'admirait pour cela – comme pour tout le reste d'ailleurs. Et comme elle admirait pratiquement chacun des membres de la caravane.

*

- Attalys !

La jeune fille se retourna juste à temps pour voir une fillette à la peau sombre et aux tresses noires volant au vent la rejoindre en courant, à peine essoufflée. Shëra.

- Dis, interrogea la petite dès qu'elle fut à sa hauteur, tu saurais pas où est Joyce ? Elle m'a promis une histoire, ce matin.
Elle réfléchit un instant tandis que l'autre la fixait d'un regard empli d'espoir.
- Sans doute dans l'un des chariots à aider pour le repas. Mais tu ne voudrais pas attendre qu'elle ait terminé pour...

Trop tard. La petite fille n'avait même pas attendu la fin de sa phrase et, déjà, se dirigeait en trottinant vers la carriole la plus proche. Lorsque la jeune femme la rattrapa à l'intérieur, ce fut pour apercevoir une Joyce en train de couper des rondelles de légumes pour la soupe au-dessus d'un large récipient qui, de toute évidence troublée, n'osait sans doute pas demander à l'enfant de revenir plus tard. En l'entendant entrer, elle releva les yeux, lui lançant un regard si implorant qu'Attalys prit sa décision en un quart de seconde.

- Viens, Shëra, proposa-t-elle d'un ton ferme en lui présentant sa main. Joyce te racontera une histoire plus tard – demain ou cet après-midi. Pas maintenant, tu vois bien qu'elle est occupée.

Comme elle se retournait lentement vers elle, elle ajouta en souriant :

- Aujourd'hui, c'est moi qui vais t'en faire partager une, d'accord ?

La fillette hésita encore un moment avant de se saisir de la main tendue, entremêlant ses doigts aux siens.

- D'accord.

Elles cherchèrent un endroit ombragé, à quelques pas de la caravane. Finalement, Attalys prit place sur une souche et la petite fille s'installa en tailleur sur un gros rocher face à elle. Quand elle se fut parfaitement immobilisée, la jeune femme ouvrit la bouche pour commencer d'une voix douce :

- Il était une fois, dans un petit village au pied des montagnes de l'Est, un homme et une femme qui vivaient ensemble. Ils s'aimaient et avaient tout pour être heureux. Seulement, voilà... Elle laissa planer un silence emprunt de mystère. Ils n'avaient pas d'enfant. Pause. Or, cet homme était bûcheron. Un jour qu'il allait couper du bois dans une forêt toute proche, il remarqua un arbre – sans doute le plus grand et le plus gros du bois. Cinq hommes n'auraient pas réussi à faire le tour de son tronc en s'accrochant par les bras, et sa cime montait si haut qu'on ne pouvait la distinguer même en levant la tête. Elle sourit en remarquant que l'enfant était suspendue à ses lèvres. A sa vue, l'homme se dit qu'il en tirerait assez d'argent pour que sa femme et lui vivent tout à fait correctement durant de nombreuses semaines, peut-être même des mois. Seulement voilà : dans cet arbre habitait un oiseau, qui y avait construit son nid et y couvait à présent ses œufs. En comprenant ce que le bûcheron s'apprêtait à faire, il s'envola à tire d'ailes dans sa direction et, alors qu'il allait donner son premier coup de hache, l'apostropha par ces termes :
- Je t'en prie, le supplia-t-il, ne coupe pas mon arbre. J'y suis installé et y ai fait mon nid. Cependant, si je peux en bâtir un nouveau dans n'importe quel autre lieu qui voudra bien m'accueillir, rien ne pourra remplacer mes œufs si tu abats cet arbre. Désirerais-tu donc te sentir coupable de la mort de mes oisillons ?
» L'homme se sentit ému du plaidoyer de l'oiseau et, après avoir réfléchi un instant, baissa sa hache, prêt à tourner les talons. Pourtant, l'autre le retint et voleta jusqu'à son nid où il choisit le plus rond et le plus brillant de ses œufs. Puis il revint jusqu'à lui et le lui remit en lui faisant promettre qu'il en prendrait le plus grand soin. Le bûcheron jura et retourna chez lui, où il conta son étrange aventure à sa femme. Celle-ci posa alors le présent de l'oiseau sur un coussin douillet et moelleux, juste en face de la fenêtre, et veilla à ce que rien de fâcheux ne lui arrive. Quelques jours plus tard, ils entendirent soudain un craquement et, comme ils se précipitaient dans sa direction, la coquille se fendilla pour laisser la place, non pas à un oisillon comme ils s'y attendaient, mais à un petit garçon qui faisait à peine la taille de leur petit doigt. Stupéfaits et ravis, il s'en occupèrent avec amour et se rendirent compte que le garçonnet grandissait bien plus vite que les autres enfants de son âge. Ainsi, à cinq ans, il avait la même taille que tous les autres garçonnets, et ses parents le nommèrent Hegazti, en hommage à l'oiseau qui le leur avait offert.
» Hegazti était un garçon gentil et rieur, mais également intelligent et courageux. À dix ans, nul ne pouvait le battre à la course, et il n'avait pas son pareil pour escalader les arbres et les montagnes car il était à la fois adroit, leste et agile. Il faisait le bonheur de ses parents ainsi que de tous les villageois. Cependant, Hegazti avait un rêve : il souhaitait voler. Ni sa mère ni son père ne l'avait mis en courant du secret de son origine et, quand il leur posa la question, ils répondirent tous deux que les hommes n'étaient pas capable de voler, car ils ne possédaient ni ailes ni plumes comme les oiseaux. Pourtant, celui-ci y pensait de plus en plus et ce vœu ne lui laissait nul répit, peuplant ses rêves la nuit et hantant son esprit pendant la journée. Finalement, un jour, il n'y tint plus : sans prévenir personne de son départ, il prit le chemin de la plus haute montagne qu'il connaissait et s'y engagea sans se retourner.
» Il marcha longtemps, très longtemps. A plusieurs reprises, il fut tenté d'abandonner mais, à chaque fois, il observait le pic enneigé qui se rapprochait un peu plus à chaque pas et reprenait sa route. Il eut soif, il eut faim, il fut fatigué, mais il continua de cheminer sans faiblir. Et puis, enfin, il arriva : il avait atteint le sommet de la montagne. Tout d'abord, il ne sut pas trop quoi faire et décida de se rapprocher du bord, pour contempler le paysage. Il vit le village, loin, si loin en bas, et la maison de ses parents, et même la forêt qui lui parut toute petite. Ensuite, il se redressa, releva la tête, et comprit qu'au-dessus de lui, il n'y avait plus que les nuages et le ciel. Alors, tout à coup, il se sentit rapetisser, plus vite, de plus en plus vite ; il voulut parler, mais ce fut un bec qui s'ouvrit ; baissant le regard, ses yeux se posèrent sur des serres qui piétinaient nerveusement la neige ; enfin, il écarta les bras, et ses ailes se déployèrent.
» Lorsqu'il s'envola, on raconte qu'un arc-en-ciel est apparu au-dessus du village, et que son ancienne maison en était le centre.

Attalys se tut et garda le silence un long moment, un sourire étrange dessiné sur ses lèvres. Ce fut la petite Shëra qui la tira de ses songes de sa voix claire :

- Et les parents... qu'est-ce qu'ils sont devenus ?

Elle lui sourit, comme on sourit au sortir d'un rêve :

- Ses parents ? Eh bien, ils n'ont jamais su ce qu'était devenu leur fils. Mais peut-être s'en doutaient-ils, au plus profond de leur cœur. Et quand, parfois, ils voyaient un point noir tournoyer, là-haut, tout là-haut dans le ciel si bleu, ils souriaient et se sentaient heureux, sans comprendre pourquoi.

Un instant, la fillette demeura muette, elle aussi, le front plissé, avant de conclure :

- Elle est triste, ton histoire. Mais je l'aime bien. Elle est jolie, aussi.

Attalys haussa les épaules.

- Peut-être que les histoires tristes sont toujours très belles. Ou que les histoires belles sont toujours un peu tristes.

*

- Mais arrête, Keo, elle a moins dix-huit ans, quoi. J'te jure, elle est beaucoup trop vieille pour toi !
- Ben quoi ? C'est rien, deux ans ! En plus, j'fais plus que mon âge, tout l'monde le dit ! C'est sûr que c'est pas à toi qu'ça arriv'rait, Dwelan, m'enfin, essaie quand même de comprendre...
- Pour l'instant, c'est surtout une espèce de pauv'gringalet aussi mature qu'un rat d'égout que j'vois en face de moi !
S'ensuivit un bruit de lutte – Dwelan avait dû esquiver la bourrade de son frère en roulant à terre et l'entraîner dans sa chute. Puis, après un silence qui sembla interminable, une cascade de rires retentit dans l'atmosphère moite de ce début d'après-midi ensoleillé, et Attalys jugea qu'il s'agissait du moment adéquat pour sortir du chariot dans lequel elle s'était réfugiée un instant, gênée par la chaleur qui ne cessait de s'intensifier au fur et à mesure que la caravane descendait vers le sud. Les deux garçons étaient encore présents, à moitié avachis sur le sol, mais Keo sauta sur ses pieds dès qu'il l'aperçut en passant une main fébrile dans ses cheveux en bataille – vaine tentative pour les recoiffer ? espoir de paraître plus à l'aise qu'il ne l'était en réalité ? – en esquissant un sourire un peu gêné que la jeune fille lui rendit tout en les saluant d'un geste de la main. Son cadet, qui s'était redressé à ses côtés, pouffa légèrement tandis que l'autre s'empourprait de plus bel – enfin, autant qu'elle pouvait en juger sur son visage à la peau délicieusement chocolat.

Attalys n'aurait su dire depuis combien de temps exactement Keo s'intéressait à elle, mais elle-même s'en était rendue compte assez rapidement. Il fallait dire que les gloussements de Dwelan à chaque fois qu'elle se trouvait dans les parages avaient grandement facilité ses déductions. De son côté, elle devait bien avouer que le sourire charmeur du jeune homme ainsi que son regard pétillant de malice et d'intelligence ne la laissaient pas tout à fait indifférente non plus, mais elle ne ressentait à son égard qu'une jolie amitié – rien de plus. Il aurait pu être son petit frère. Elle aurait pu être sa sœur. Cependant, ceci possédait au moins l'avantage de la mettre relativement à l'abri des facéties des deux frères.

- Ah, Attalys !

La voix qui la tira de ses pensées était grave et profonde. Quand elle releva les yeux, elle n'éprouva donc aucune surprise de voir plantées juste devant elle la haute stature et la silhouette massive de Trys, le chef du convoi, accompagné de son fils, Mateo, qui ne la quittait pratiquement jamais.

- Tiens tu tombes bien : puisque tu es là, tu vas nous aider à remettre la bâche de l'un des chariots ; une des roues s'est décrochée en passant dans une ornière et cette dernière a failli s'envoler. La bâche, hein, pas la roue. Clin d'œil complice. J'te montre, tu r'gardes bien et après t'essaies de faire du mieux possible, d'accord ?

Attalys acquiesça et le suivit jusqu'au chariot en question, trottinant presque pour rester à sa hauteur. Une fois arrivée, elle l'observa s'exécuter d'un regard concentré, admirant ses gestes précis, sûrs, pratiquement instinctifs. Enfin, il se tourna vers elle dans une invitation muette et elle le rejoignit, légèrement hésitante.

- J'te laisse sous la garde de Mateo, on m'attend ailleurs. Veille bien sur elle, hein, mon garçon ? ajouta-t-il à l'intention de celui-ci, qui se contenta d'un simple hochement de tête.

Attalys attendit qu'il soit hors de vue avant de commencer son travail. Tout d'abord un peu maladroite, parfois indécise, elle fut heureuse de constater que ses mouvements devenaient d'eux-mêmes de plus en plus fluides. En quelques jours à peine de vie au grand air, ses membres avaient forci et, lorsqu'elle se tourna enfin en direction du jeune homme, son visage était illuminé d'un large sourire. Ce dernier s'avança d'un ou deux pas afin d'examiner son ouvrage d'un air critique avant de lui adresser l'un de ses rares sourires.

- C'est du bon boulot. Pour une première fois, tu t'es plutôt pas mal débrouillée.

Il tourna ensuite les talons, sans un mot de plus, mais ces deux phrases réchauffèrent le cœur d'Attalys pendant tout le reste de l'après-midi.

*

La jeune femme était en train de cueillir des fleurs lorsqu'elle vit pour la première fois la chèvre. Yelena l'avait chargée de lui ramener des plantes qu'elle lui avait auparavant soigneusement décrites et, comme la commande ne pressait pas, elle avait décidé de composer le plus gros bouquet de fleurs de toute sa vie en remarquant la beauté de la campagne alentour. Et puis, après avoir admiré les pétales colorés, les corolles épanouies et les tiges si vertes qui montaient vers le ciel, elle s'était dit que ça serait vraiment trop dommage de toutes les cueillir et s'était résolue à ne prélever que de modestes échantillons pour chaque espèce différente. Ainsi, elles enjoliveraient à la fois la nature et la caravane.

Et elle avait commencé. Le bleu tendre des myosotis, le rose pastel des primevères, le jaune éclatant des boutons d'or, le rouge vif des coquelicots, le blanc délicatement pailleté des narcisses... Tantôt ciel d'été, peau veloutée, rayon de soleil, sang encore chaud ou ivoire étincelant, elle les humait longuement avant de les couper très délicatement, juste à la base, en faisant bien attention à ne pas emporter les racines avec. Et toutes ces odeurs lui montaient à la tête – parfum de rires et de printemps – tandis qu'un véritable arc-en-ciel naissait entre ses doigts barbouillés de terre, dans ses mains déjà pleines, myriade multicolore, palette pastel, kaléidoscope sans cesse renouvelé.

Enfin, Attalys se décida à reprendre le chemin du campement – il commençait à se faire tard, et l'après-midi avait filé sans qu'elle ne s'en rende compte. Elle avait déjà marché durant quelques minutes quand elle entendit tout à coup un bêlement. Elle se figea aussitôt alors que des voix résonnaient à leur tour, puis se détendit imperceptiblement à reconnaissant le timbre carillonnant de Shawna et celui, plus doux, de Gwëll. Se fiant entièrement à son ouïe, elle eut tôt fait de les retrouver sur la route menant au camp, elles aussi. Sauf que derrière elles, il y avait... une chèvre. Ou, plutôt, derrière l'Itinérante, dont la mine renfrognée ne lui échappa pas. Comme elle s'approchait, son bouquet arc-en-ciel à la main, Gwëll l'aperçut et lui sourit. A sa demande, elle lui raconta en quelques phrases la manière dont elles avaient trouvé l'animal, coincé dans les broussailles, et Attalys sourit à son tour. Ça lui ressemblait tellement... Elle songea ensuite que la chèvre, sans doute, après avoir passé la nuit auprès d'eux, repartirait d'où elle était venue. Sauf qu'elle se trompait. Le lendemain, elle était toujours là, et les jours suivants aussi. En désespoir de cause, on la nomma Djali et, si l'on exceptait Shawna qui se retournai parfois pour la toiser avec une moue irritée sous les yeux hilares de ses cousins et le regard amusé de sa mère, tout le monde finit par s'attacher à elle.

*

C'était le soir, et la petite troupe, qui s'était arrêtée une ou deux heures plus tôt, venait de de terminer de dresser le campement pour la nuit. Le feu rougeoyait à l'intérieur du cercle formé par les chariots tandis que le crépuscule teintait le paysage d'une brume sombre, un peu fantomatique, rehaussée par la clarté lointaine que diffusait la lune, loin, si loin au-dessus de leur tête. Attalys, le visage dressé vers la voute où s'allumaient déjà les premières étoiles, assise dans l'herbe qui ondulait lentement sous la brise fraîche qui s'était levée en fin d'après-midi, se faisait la réflexion qu'elle paraissait sourire, cette face d'argent, lorsqu'un bruissement troubla le silence à côté d'elle. C'était Gwëll qui, à cet instant, semblait aussi heureuse et apaisée qu'elle-même. Il avait fallu nourrir les bêtes, d'abord, leur donner à boire, veiller à ce qu'elles soient bien attachées et ne manquent de rien, avant de pouvoir envisager de se reposer. Mais le labeur, en soi, n'était pas si pénible, et les bœufs qu'elle avait trouvés si imposants lors de son arrivée à la caravane ne l'impressionnaient même plus. La jeune fille s'était installée près d'elle sur une sorte de tapis de mousse et, muette, était à présent parfaitement immobile. Attalys se demanda un moment à quoi elle pensait, puis se dit finalement qu'elle préférait ne pas le savoir. Elle baissa la tête et, tout à coup, son attention fut attirée par un point écarlate qui filait à travers les brindilles. Plissant les paupières, elle parvint finalement à réaliser qu'il s'agissait d'une coccinelle et tendit un doigt en travers de son chemin, lui barrant le passage. Le petit insecte hésita avant de se résoudre à escalader l'obstacle et se retrouva bientôt dans sa paume, qu'elle porta alors à hauteur de son visage afin de mieux le contempler. Gwëll s'étant tournée vers elle, celle-ci lui présenta sa trouvaille, sans parler. Et toutes deux restèrent là, sans un bruit, à admirer la coccinelle, jusqu'à ce que cette dernière décrète que c'était assez et ne prenne soudainement son envol, en direction de la voie lactée.

*

Les flammes crépitaient face à elle, montant dans l'obscurité qui avait tôt fait de remplacer la pénombre avant de retomber en feulant sur les braises rougeoyantes, à la manière d'un chat sauvage. Tantôt dorées ou orangées, elles ne cessaient de changer de forme et de couleur dans une danse hypnotique et, malgré elle, Attalys sentait ses paupières s'alourdirent de minute en minute. Avant le repas, Halina s'était levée, aussitôt suivie de Keo et Dwelan, auxquels elle avait remis de longs bâtons taillés par ses soins. Deux ou trois jours plus tôt, elle avait fini par céder à leurs instances et avait accepté de leur apprendre quelques techniques de combat. Les deux garçons s'étaient vite débrouillés et, à présent, préféraient se battre entre eux. Aucun ne prenait l'avantage sur l'autre lorsque Keo avait croisé son regard et avait soudain désarmé son frère avec une facilité presque insultante – celui-ci, d'ailleurs, avait lâché un juron sonore très peu distingué et était allé rechercher son bâton en traînant les pieds. Puis ils s'étaient mis à table, avaient mangé en bavardant, racontant tour à tour des anecdotes ou discutant de la manière dont se déroulerait la prochaine journée. Apparemment, ils n'étaient plus très loin d'Al-Chen et la jeune femme avait senti son cœur se serrer. Certes, elle mourrait d'envie et d'impatience mêlées à l'idée de retrouver l'endroit où elle avait grandi, mais se sentait en même temps triste de quitter les Itinérants. Ils allaient lui manquer, cela était certain. Ensuite, Leyah avait pris le relais avec sa voix captivante de conteuse, les empoignant tous par la main pour les emmener dans des contrées sauvages et lointaines, des régions inconnues, des terres inexplorées peuplées de vie, de merveilles et de dangers. Enfin, peu à peu, tout le monde était parti se coucher et elle était restée seule, ou presque, en face du feu en train de s'éteindre. Elle l'avait ranimé à l'aide d'un Dessin léger, pratiquement imperceptible, mais sans pouvoir se résoudre à quitter sa place, toutefois. Ses yeux se tournèrent pour la dernière fois vers le ciel étoilé – elle repéra la Petite et la Grande Ourses, ainsi qu'encore plusieurs constellations dont elle avait oublié les noms. Un sourire fleurit alors sur ses lèvres. Sans doute la Dame et le Dragon devaient-ils veiller sur eux depuis l'éther, eux aussi, à la manière de tous ces astres, si nombreux qu'on ne pouvait les compter. Peut-être même sa mère était-elle là haut, sur l'un d'eux, et lui faisait des signes de la main, seulement elle était trop loin pour les distinguer. Et peut-être qu'elle aussi, un jour, atteindrait les étoiles. Qui sait ?

*

« Parfois, j'aimerais être un ange. Pas à une fée, mais un ange. Pour rendre heureux tous les gens du monde. Pour sécher les larmes de tous les petits garçons. »

- Qu'est-ce que tu fais, dis ?

Attalys tressaillit et ferma son petit carnet d'un coup sec. Sa conversation avec Gwëll, dans le parc, avant le voyage, lui était revenue en mémoire sans qu'elle ne s'en rende compte, et elle éprouvait à présent le besoin de s'épancher, se vider de la peine et de la mélancolie qui l'avaient envahie sans qu'elle comprenne pourquoi. Soupir – infime. Puis elle se retourna vers Shëra, qui s'était approchée d'elle à pas de loup alors qu'elle était en train d'écrire, et esquissa un sourire.

- J'écrivais, tu vois, fit-elle en désignant sa plume au bout trempé d'encre violette.

La petite écarquilla les yeux.

- Tu écrivais quoi ? C'est secret ? Comme un journal intime ?

Attalys réfléchit avant de lui répondre.

- En... en quelque sorte, oui. Et j'écris... de tout. Des poèmes, des choses sans importance qui me passent par la tête avant que je ne les oublie, des souvenirs, des observations. Mes rêves, parfois. Quand je m'en souviens.

La fillette braqua son regard vif et lumineux sur son visage, et elle sut qu'elles pensaient toutes les deux à la même chose.

Une latte de bois craqua et la Dessinatrice se figea aussitôt, retenant son souffle malgré l'air qui dilatait ses poumons. Quelqu'un bougea dans son sommeil en marmonnant quelque chose qu'elle ne comprit pas, mais tout demeura calme. Personne ne se réveilla. Fausse alerte. Elle était trop tendue, c'était là que résidait le véritable problème. Et, de fait, elle se sentait tellement crispée qu'elle s'étonnait presque d'être encore capable de se déplacer à peu près normalement et de réfléchir d'une manière plus ou moins cohérente. Tout allait bien, se répéta-t-elle jusqu'à ce que ses membres cèdent un à un. Tout allait bien. Ce qu'elle pouvait faire de pire était bien de céder à la panique. Alors, tout serait perdu, et elle n'aurait plus qu'à aller se recoucher. D'ailleurs, n'était-ce pas ce qu'elle avait de mieux à faire ? Une fraction de seconde, elle fut tentée de tout laisser tomber et d'essayer de se rendormir sans histoire. Une fraction de seconde seulement. Car les ténèbres, au dehors, l'appelaient, l'attiraient irrésistiblement. Pour cette fois, au moins, elle se devait d'être courageuse.

Elle était presque arrivée à l'extrémité du chariot dans lequel ils passaient la nuit lorsque, tout à coup, un chuchotement se fit entendre, à peine audible. Elle le comprit néanmoins à la perfection dans le silence pratiquement absolu qui régnait à l'intérieur de la carriole.

- Tu vas où ?

Elle se retourna lentement. Deux yeux brillaient dans le noir. Un regard alerte qu'elle identifia aussitôt. C'était Shëra. Partagée entre le doute et le soulagement, elle hésita. Devait-elle lui dire la vérité ? Ou ne pouvait-elle pas, plutôt, lui faire croire qu'elle avait simplement un besoin pressant ? Mais, sans savoir pourquoi, elle répugnait à mentir à cette enfant si attachante pour laquelle elle éprouvait une affection qui ne cessait de croître au fur et à mesure du voyage. Elle choisit donc de ne rien lui cacher.

- Je... je n'arrivais pas à m'endormir, murmura-t-elle à son tour. Alors, je me suis dit que... ça pourrait peut-être être agréable d'aller coucher dehors. Il ne fait pas froid, et... j'avais envie, c'est tout.

Le silence qui suivit fut si oppressant qu'elle sentit ses oreilles siffler. Qu'allait faire la petite fille ? Allait-elle la dénoncer à ses parents ? La réprimander ? Après tout, il s'agissait d'une Itinérante, pas elle. Elle connaissait mieux qu'elle tous les dangers auxquels ils étaient exposés dès le soir tombé – les animaux sauvages, les bandits, et tout le reste. Ainsi, sa surprise fut vive quand elle l'entendit annoncer d'une voix d'où ne perçait pas la moindre crainte :

- Je t'accompagne.

Shëra la rejoignit avec une aisance stupéfiante pour son jeune âge, puis elles se glissèrent sans un bruit à l'extérieur. Malgré l'affirmation d'Attalys, il ne faisait pas si chaud, et l'air frais lui piqua la peau. Elle frissonna en constatant qu'elle n'avait pas pensé à prendre de couverture. La fillette, à ses côtés, attendait, immobile, qu'elle décide où elles allaient s'installer, et elle s'allongea finalement sous le couvert d'arbustes qui prenaient des allures fantomatiques de squelettes décharnés dans les ombres nocturnes. Elle frémit, une nouvelle fois – et ce n'était pas à cause du froid. Elle réalisa que les cendres, à quelques pas sur sa gauche, fumaient encore, tandis que la petite s'étendait à sa droite, si près d'elle qu'elle entendait sa respiration, paisible, gonfler sa poitrine. La lune, dans le ciel, luisait faiblement, à moitié dissimulée par une chape de nuages grisâtres qui s'effilochaient en longs filaments de brume.

- J'ai toujours rêvé de dormir à la belle étoile, tu sais, souffla-t-elle, comme on confie un secret.

Shëra ne répondit pas. Peut-être sommeillait-elle déjà ? Alors, elle laissa la fatigue de la journée s'abattre peu à peu sur son être, les pulsations de son cœur ralentir, ses paupières se fermer d'elles-mêmes. Il lui sembla percevoir un bruissement à quelques mètres d'elles alors qu'un visage apparaissait brièvement à sa vue – des traits délicats encadrés par de longs cheveux roses. Eiluun ? La dernière chose qu'elle se dit fut qu'elle aurait bien aimé voir une étoile filante. Et puis, elle sentit un petit corps se blottir contre le sien, un petit corps chaud, si chaud qu'elle s'endormit instantanément.

*

Attalys discutait avec Ichel de la manière dont elles organiseraient les éléments une fois arrivées à Al-Chen quand elles furent interrompues par une Gwëll essoufflée et dont le visage habituellement extraordinairement serein avait été remplacé par un masque préoccupant qui ne lui ressemblait pas. Comme elle leur demandait, entre deux halètements, si l'une d'elles ne savait pas où se trouvait Eiluun et que la Kaelem répondait par la négative, la jeune fille, prête à secouer la tête en adoptant un air désolé de circonstance, retint son geste. Des bribes de souvenirs lui revinrent soudain, accompagnées d'un regard qui, malgré l'obscurité, rougeoyait distinctement. Elle se mordilla la lèvre. Comme ne se l'était-elle pas rappelée plus tôt ?

- Eiluun, je... je crois que je l'ai vue. Cette nuit. À l'extérieur. Elle réfléchit un peu, tentant de se remémorer le maximum d'éléments qui pourraient aider l'Aequor dans sa recherche. C'était assez confus, mais il me semble qu'elle se dirigeait vers l'orée de la forêt.

Ses deux amies la dévisagèrent un instant, légèrement étonnée pour la première, plutôt reconnaissante pour la seconde. Puis, après avoir balbutié un rapide merci, Gwëll tourna aussitôt les talons, disparaissant derrière une paire de bœufs. Les jeunes femmes restèrent coites durant un long moment avant qu'Attalys ne se détourne avec un petit rire qui se voulait insouciant.
- J'espère qu'elle ne va pas faire de bêtises, remarqua-t-elle simplement d'une voix dont elle ne parvint pas à chasser toute trace d'inquiétude.

*

Kloa et Ichel avait été chargées par Trys de ramener Gwëll et Eiluun, mystérieusement disparues et qui, de l'avis général, s'étaient certainement perdues en s'éloignant du convoi, et, depuis leur départ, la caravane lui paraissait curieusement vide et, surtout, étrangement silencieuse. Ça ne faisait que quatre personnes, pourtant – sans compter Jingle qui, ayant bien évidemment suivi sa maîtresse, manquait également à l'appel. Il fallait croire que, quatre personnes, cela faisait déjà beaucoup. Trop, même. Et puis, Attalys ne parvenait pas à se départir du sentiment de culpabilité qui l'étreignait désagréablement, revenant à la charge dès qu'elle croyait sans être débarrassé. Elle savait bien que ce n'était pas entièrement sa faute mais, en même temps, ne pouvait s'empêcher de penser que c'était elle qui avait révélé à Gwëll où était partie Eiluun – même si elle était loin de se douter qu'elle les quitterait pour s'enfoncer dans les bois tout de go, seule et sans la moindre protection. Certes, elle aurait sans doute bien fini par aller à sa recherche, même sans aucune indication. Mais tout de même. Il n'y avait plus qu'à espérer que les deux guerrières accompliraient rapidement leur mission et reviennent entières avec les deux filles – saines et sauves, si possible.

En proie à ses idées noires, Attalys tournait entre les chariots, désœuvrée, ne sachant que faire pour se rendre utile. Elle avait déjà rempli toutes ses tâches et personne ne lui avait donné d'indications supplémentaires. L'apprentie s'était finalement résolue à aller voir Joyce mais, après une bonne demi-heure de recherches infructueuses, avait décidé de laisser tomber. Ça aussi. Décidément, il n'allait pas falloir que ça devienne une manie.

Elle en était donc là de ses réflexions lorsque, tout à coup, elle fut la chanceuse victime d'une illumination subite. Puisqu'elle ne réussissait pas à trouver Joyce, pourquoi n'allait-elle pas tenir compagnie à Halina ? Ichel et Kloa n'étant plus ici pour assurer le poste d'éclaireur, c'était à la combattante qu'était revenue cette charge. Elle ignorait à combien de temps elle se trouvait de la caravane, mais elle-même se sentait assez reposée pour courir un peu. C'est ainsi que, un petit quart d'heure plus tard, elle arriva en vue de la Teylus, qui marchait d'un bon pas sur le chemin. Sauf qu'elle n'était pas seule. À ses côtés se tenait une silhouette féminine suivie d'une chèvre qui gambadait joyeusement autour d'elle, s'arrêtant parfois pour brouter quelques brins d'herbe. Si Djali était ici, cela ne pouvait signifier qu'une chose : la deuxième personne n'était autre que Shawna. Attalys accéléra un peu le pas afin de parvenir à leur hauteur et les salua en souriant :

- Bonjour ! Cela vous dérange si je me joins à vous ?

Djali trottina jusqu'à elle afin qu'elle lui caresse le haut de la tête, et elle s'exécuta de bonne grâce.

Halina Nilsan
Halina Nilsan

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MessageSujet: Re: L'appel du Sud | Intrigue [Terminé]   L'appel du Sud | Intrigue [Terminé] Icon_minitimeSam 13 Juil 2013 - 23:18

Halina vit Shawna sourire à son allusion à l’époque où elle était encore à l’Académie. C’était vrai qu’elle avait marqué l’histoire de l’école avec son insolence et son imprudence mais aussi par ses idées bien tranchées et sa motivation. Halina l’avait vu essayer de suivre une consigne de Grand Siffleur, galérer un moment avant de faire preuve d’impertinence. Cette fille était impressionnante de courage et puis, elle chantait bien et jouait bien de la musique donc c’était un bon argument en faveur de sa classe impériale. Oui oui, la guerrière trouvait vraiment l’Itinérante vraiment vraiment cool depuis qu’elle avait tapé sur Locktar et sur Kylian en même temps. De toute façon, toutes les personnes qui frappaient le garde devenaient automatiquement l’idole d’Halina. On se demande bien pourquoi… Elle eut un petit sourire à l’idée mais ne le dit pas à haute voix parce qu’elle n’avait pas envie de déballer sa vie devant la fille aux foulards. Celle-ci était connue pour se moquer des gens et de leurs idées alors elle ne voulait pas trop s’y frotter et s’exposer. Peut-être que ça viendrait un jour leur amitié entre elles deux mais pas pour l’instant.

 

Shawna commença à dire quelque chose à la Teylus mais fut interrompue par Attalys qui vint leur tenir compagnie. Elle caressa la tête de Djali-la-chèvre-collante en leur demandant si elle les importunait en venant marcher avec elles. Halina sourit et dit :
 

-Pas de soucis, on papotait juste du bon vieux temps Jehanien.
 

Elles marchèrent en silence quelques temps en observant devant elles et dans les fourrés à côté de la route. Elles faisaient leur boulot quoi. La guerrière avait la main sur la poignée de son épée comme à son habitude et restait vigilante. Elles se mirent à parler des petits potins de la caravane, se moquèrent un peu de l’attrait de Keo pour Attalys et de Djali qui énervait pour de faux l’Itinérante. Mais elles évitaient le sujet qui tracassait cette dernière. Si la jeune femme voulait plus d’informations elle n’aurait qu’à demander franchement ou à s’intéresser à leur expédition. Du coup, Halina se lança :
 

-Bon alors, trois éclaireuses pour la caravane, je pense qu’on est vraiment à l’abri de toutes surprises !
 

Elle prit ses deux copines par les épaules, fit un grand sourire et déclara, morte de rire :
 

-On fait une bonne équipe, les filles !
 

***

Ils arrivèrent enfin à Al-Chen à la nuit tombée juste avant que les portes de la ville se ferment. Ils purent s’installer sur une des places de la cité comme ils le faisaient à chaque fois qu’ils venaient vendre leurs produits. Halina mit la main à la patte et aida le groupe. Un peu fébrile de se lancer enfin dans sa mission et d’être enfin à destination. Elle n’avait qu’une envie, interroger tout le monde au sujet de ce qu’elle croyait avoir comme indices et se jeter à fond pour tenter de comprendre le dilemme. Elle avait l’impression d’être un peu trop hystérique et avait peur que quelqu’un le remarque. Elle jetait des petits coups d’œil à Attalys et Joyce, guettant la petite lueur d’excitation de l’aventure  chez elles aussi. Elle envisageait d'aller voir sa belle-famille pour leur demander ce qu'il connaissaient de l'auberge en question ou des personnes sur la liste mais ne savait pas trop comment si prendre. Alors elle mit cette idée dans un coin de sa tête. Une fois la caravane installée, le groupe se réunit en parlant par petits groupes. Trys les calma d’un regard, les engloba du regard et déclara de sa voix forte et sûre :
 

-Bon, les jeunes, cette nuit, je vous conseille de dormir avec nous sauf si quelqu’un vous attend ici. Demain, on aura besoin d’un coup de main le matin pour la vente mais l’après-midi vous aurez quartier libre. On restera ici une semaine, Kloa et Ichel pourront nous retrouver facilement.
 

Il leur sourit et passa en mode préparation de la nuit en organisant les tours de garde pour qu’on ne leur vole pas leurs marchandises. Chacun suivit son rôle, ils papotèrent ensemble avant de se coucher puis Trys déclara l’heure de se coucher car ils allaient avoir du boulot le lendemain. Halina dormit bien cette nuit-là, peut-être à cause de la mission ou de l’ambiance de leur arrivée.  Le lendemain, la caravane se réveilla aux aurores et prépara la journée. Le commerce fut florissant, tout le monde courait partout pour récupérer les marchandises demandées par les clients et ceux de la caravane qui vendaient. Finalement, ils mangèrent ensemble quand le flux de produits se calma et Trys les libéra en leur donnant rendez-vous le soir. La Teylus attendit un peu que le groupe se dissipe avant de se diriger vers Attalys et Joyce qui discutaient dans un coin de la place. Elle leur sourit et demanda : 
 

-Bon, on commence par quoi ? Z’avez une idée ?

Attalys Til'Ewin
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MessageSujet: Re: L'appel du Sud | Intrigue [Terminé]   L'appel du Sud | Intrigue [Terminé] Icon_minitimeVen 19 Juil 2013 - 9:42

Tout sourire, Halina l'invita à se joindre à leur conversation, ce qu'Attalys exécuta avec bonheur. Après un silence de plusieurs minutes, les langues finirent par se délier à nouveau et, même si elle n'était pas d'un naturel moqueur, la jeune fille rit de bonne grâce aux plaisanteries des deux autres jeunes femmes - essayant de ne pas paraître trop mal à l'aise lorsque leur conversation dévia sur Keo et elle. Heureusement, Halina enchaîna sur Djali et la pauvre Shawna, et la chèvre, comme si elle comprenait que l'on parlait d'elle, bêla joyeusement tout en se frottant contre la cuisse de l'Itinérante - laquelle la renvoya sèchement. L'Aequor, elle, souriait, incroyablement légère et détendue. Jamais encore elle n'avait ressenti une telle sensation d'insouciance depuis le départ de Jehan. L'atmosphère lourde, oppressante, presque menaçante, qui régnait au sein de l'Académie depuis l'arrivée d'Aziel lui avait véritablement pesé, elle s'en rendait compte à présent, et accueillait cet échappatoire avec d'autant plus de gratitude et de soulagement. S'occuper les mains pour mieux se reposer l'esprit, découvrir des horizons différents, rencontrer de nouvelles personnes... Même la marche, elle qui n'avait jamais été très sportive, ne la contraignait plus autant - et, au fur et à mesure que les jours s'écoulaient, elle sentait les muscles de ses jambes se durcir et son endurance croître insensiblement. Certes, quatre élèves manquaient à l'appel, Gwëll et Eiluun ainsi qu'Ichel et Kloa parties à leur recherche, mais cela ne l'inquiétait pas réellement. Les Dessinatrices n'étaient sans doute pas parties bien loin et les deux autres les trouveraient certainement dans une petite clairière, auprès d'une source ou sur le bord d'un sentier, en train d'examiner telle fleure ou tel insecte énigmatique. À cet instant, Halina, qui n'avait cessé de parler, les prit tout à coup chacune par les épaules en riant et Attalys, bien qu'un peu intriguée, se laissa faire. On fait une bonne équipe, les filles ! Shawna acquiesça vigoureusement et l'apprentie Dessinatrice, amusée, sourit. Elle connaissait mal la Teylus mais se promit de tout faire afin de tenter de se rapprocher d'elle durant le temps qu'il leur restait. Cela présageait peut-être une belle amitié, qui sait ?


*

Les derniers jours précédant leur arrivée à Al-Chen furent à la fois les plus tranquilles pour la caravane et, paradoxalement, les plus angoissants pour elle. Alors que l'annonce de la ville bordant le lac se faisait de plus en plus pressante, voire imminente, leurs chances de tomber dans un quelconque guet-apens ou sur une troupe de bandits mal dégrossis se raréfiaient. Cependant, parallèlement, les doutes et l'anxiété d'Attalys augmentaient à chaque kilomètre franchi. L'air se chargeait progressivement de l'odeur trop familière de chaleur et d'humidité et les villages de pêcheurs étaient de plus en plus nombreux au fil de leur progression. Ils ne s'arrêtaient jamais, ce qui n'empêchait pas les enfants des villageois de courir à leur rencontre avant de s'arrêter, les bras ballants, sans doute impressionnés par la taille du convoi. Parfois, la jeune femme offrait à certains quelques menus objets qu'elle avait fabriqués dans des moments d'attente ou d'ennui - une poupée de tissus, une balle en mousse ou bien une petite figurine de bois qu'elle avait sculptée en suivant les conseils de Yelana. Le sourire émerveillé qui naissait alors sur ces visages ronds et déjà burinés par le soleil était, pour elle, la plus jolie des récompenses. Néanmoins, même cette distraction et la confection de présents ne parvenaient pas à la distraire des pensées qui s'agitaient sous son crâne. Il y avait Gwëll, Eiluun, Kloa et Ichel, d'abord, qui n'étaient toujours pas revenues, malgré les affirmations de Trys selon lesquelles ils s'étaient donnés rendez-vous à Al-Chen même. Et puis, plus le temps passait et plus elle ressentait une sorte de peur panique à l'idée de revoir la ville où elle avait passé toute son enfance et, surtout, le lac qui avait signifié et signifiait toujours tant de choses, pour elle. Reverrait-elle la maison où elle était née et où elle avait vécu avec sa mère ? Sa mère. Là était le véritable problème. Elle craignait que le spectre d'Ulira hantât les ruelles de la cité de Chen tout comme elle craignait que le remord et la culpabilité étouffants qu'elle avait connus après sa mort ne reviennent l'écraser à l'émergence de tant de souvenirs. Si Gwëll avait été présente, sans doute se serait-elle ouverte à elle, lui confiant tout ce qui lui pesait sur le coeur et entravait ses gestes et ses pensées. Elle aurait aimé partagé avec elle quelques anecdotes oubliées la concernant, redécouvrir le lac Chen à ses côtés, guetter la Dame en entendant son souffle se mêler à la brise. Seulement voilà, Gwëll était partie, et personne ne savait exactement quand elle reviendrait. Et si Ichel et Kloa ne les retrouvaient jamais ?


*

Enfin, ils y furent. La nuit tombait lorsqu'ils franchirent les portes d'Al-Chen et l'obscurité permit à Attalys de ne pas trop s'attarder sur cette cité qu'elle connaissait si bien. Ils s'installèrent à l'une des places de la ville et entreprirent aussitôt de décharger leurs marchandises. La jeune fille, à présent habituée grâce à leurs fréquents arrêts dans des fermes, dans lesquelles ils en profitaient bien souvent pour passer la nuit, se plongea corps et âme dans ces mouvements devenus automatiques pour elle. Le visage fermé, elle ne remarqua pas les singeries de Keo et Dwelan à quelques pas d'elle et faillit foncer tête baissée dans Mateo, qui esquiva au dernier moment. Confuse, elle s'excusa en s'empourprant sous son regard courroucé et aurait certainement fini par éclater en sanglot si Leyah, arrivée sur ces entrefaites, n'avait arrangé la situation grâce à son sourire lumineux et à sa voix apaisante. Reconnaissante, Attalys la remercia puis se détourna, sans pouvoir empêcher toutefois ses yeux de se remplir de larmes. Que lui arrivait-il ? Elle, d'ordinaire toujours de bonne humeur, qui se mettait pleurer au moindre désagrément, les nerfs à fleur de peau ? La voix de stentor de Trys résonna alors dans le crépuscule, enjoignant les étudiants de rester dormir en leur compagnie. Proposition qui fut bien évidemment acceptée. Puis il passa aux préparatifs du coucher, répartissant les tours de garde, et, après avoir bavardé ensemble quelques minutes, tous finirent par se séparer afin d'aller dormir qui dans un chariot, qui à l'air libre. Une fois n'était pas coutume, Attalys eut du mal à trouver le sommeil, dérangée par de légers ronflements et les pensées pernicieuses qui s'emmêlaient dans son cerveau. Le visage de Gwëll se mélangea à celui de sa mère et lorsque, bercée par le chant d'Ulira, elle finit par sombrer, ce fut pour se retrouver au beau milieu de cauchemars qui s'enchaînaient sans que, jamais, elle ne parvienne à s'en extraire. Elle vit le lac en feu, elle vit la Dame échouée sur le sable et, autour d'elle, un groupe de jeunes pêcheurs riant à gorge déployée, elle vit les ruines de son ancienne maison, elle vit le petit jardin envahi par les ronces, les orties et les mauvaises herbes, elle vit Eiluun courir puis trébucher sur une racine, elle vit Kloa et Ichel poignarder Halina, elle vit la petite Shëra perdue dans la forêt, elle vit Jingle cerné par les loups, elle vit Jehan agoniser dans la neige, elle vit le sourire carnassier d'Aziel, elle vit Gwëll agenouillée à leurs côtés mais comprit, en s'approchant, qu'il ne s'agissait que d'une statue de glace, elle vit Ulira disparaître en hurlant dans un tourbillon de flammes et de fumée, elle vit l'eau s'abattre sur Al-Chen et emporter tout, tout, les grands et les petits, les vieux et les jeunes, les gens et les animaux, les rues et les maisons, les rires et les cris.


*

Les larges cernes qu'elle se découvrit le lendemain matin ne la surprirent pas, tout comme l'excitation et la fébrilité qu'elle percevait autour d'elle ne l'étonnèrent pas outre mesure. Elle aida les Itinérants du mieux qu'elle put, souriante à l'extérieur mais le cerveau encore embrumé de ses mauvais rêves de la nuit. À midi, elle rejoignit le petit groupe à la manière d'une somnambule, ne touchant quasiment pas à sa nourriture et se joignant le moins possible à la conversation, perdue dans une songerie mélancolique. Elle remarqua bien que Leyah et Yelana échangeaient des coups d'oeil soucieux ou préoccupés par-dessus son épaule mais décida de ne pas réagir. Si clairvoyantes fussent-elles, pourtant, elle ne se sentait pas prête à leur expliquer ce qui la troublait ainsi. À sa grande stupéfaction, cependant, ce fut Shëra qui la rejoignit après le repas afin de lui demander ce qui n'allait pas. Après une légère hésitation, Attalys se résolut à ne lui révéler qu'une partie de la vérité :

- C'est que je suis un peu triste de vous quitter, tu comprends ? J'ai vraiment passé des moments formidables en votre compagnie, et...

La petite fille l'interrompit.

- Mais vous revenez ce soir, non ? interrogea la fillette en fronçant les sourcils. Et y'a encore le retour, après...

Comme la Dessinatrice ne lui répondait pas, se contentant d'un long soupir, elle entoura sa taille de ses petits bras et se blottit contre. La jeune fille lui rendit aussitôt son étreinte - et, cette fois, la boule qui se forma dans sa gorge n'était due ni à la peine ni à la nostalgie.



*


Assise dans un coin de la place, à l'ombre d'une porte cochère, Attalys discutait avec Joyce lorsque Halina les rejoignit. La jeune femme les engloba du regard avant de les questionner sur le début de leurs recherches et l'Aequor, se retenant de hausser les épaules, réfléchit un instant en silence.


- Pourquoi pas l'auberge ? proposa-t-elle finalement. On pourrait peut-être demander à des gens s'ils savent où elle se situe, non ? Vous connaissez quelqu'un, un habitant par exemple, qui serait capable de nous renseigner ?

Et, ce faisant, elle ne pouvait s'empêcher de penser à sa mère. Elle lui manquait tellement. Alors qu'elles se dirigeaient vers le centre-ville d'Al-Chen, elle effleura l'oeil-de-tigre qui pendait à son cou puis, afin de se donner du courage, sa main s'attarda sur le manche du poignard d'Eileen accroché à sa ceinture. Dans le sac passé en bandoulière dissimulé par son manteau de voyage, une simple bourse en cuir contenant toutes ses économies ainsi qu'une plume, une petite bouteille d'encre et son carnet. Il s'agissait pratiquement, hormis un nombre plutôt restreint de vêtements qu'elle avait laissés à la caravane, de tout ce qu'elle possédait.


J'ai pas beaucoup fait avancer tout ça, donc j'édite sans problème. La prochaine pourrait peut-être poster à Al-Chen même, non ?



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