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 Raconte-moi. [Terminé]

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Marlyn Til' Asnil
Marlyn Til' Asnil

La Borgne
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MessageSujet: Raconte-moi. [Terminé]   Raconte-moi. [Terminé] Icon_minitimeLun 11 Avr 2011 - 1:18

La haine, c’était absolument grisant.
Cyclonique.
Surtout quand on en sentait seulement les conséquences, les vibrations noires et visqueuses dans les Spires, les réverbérations mentales sans l’aveuglement physique, le vertige sans la chute. Les souvenirs sans les chimères. De la liqueur pure, distillée par la distance et la faiblesse du lien Spire-ituel qu’elle avait maintenu avec l’esprit d’Elio, peut-être à son insu. Elle avait mis des semaines à retrouver l’énergie nécessaire à un tel lien mental, et plusieurs jours encore à rétablir volontairement le contact, répugnant à dépenser son pouvoir nouvellement retrouvé.
Depuis qu’elle était repartie au manoir d’Al-Vor, sa convalescence était longue. Ralentie par la similitude des jours et les murs qui la retenaient prisonnière et sauve, alors qu’elle tournait en rond dans la chambre silencieuse. Sentir chaque jour son corps se raidir à cause de la cicatrisation complète des blessures, les migraines dûes aux traumatismes crâniens s’installer définitivement dans sa tête, avait quelque chose de terrible. Une pétrification lente, à laquelle elle ne pouvait pas remédier tant qu’elle n’avait pas délivré l’enfant. A son soulagement, la courbure de son ventre était encore très modérée, même si ça faisait quatre mois maintenant qu’elle avait quitté définitivement l’Académie. L’étincelle dans sa chair n’était pas encore nuisible. Même si elle lui vampirisait une partie de son énergie à s’agiter, la nuit, quand elle tentait d’apaiser les ombres de ses chimères.
Son corps pouvait être considéré comme guéri, autant qu’il pouvait l’être. Elle avait perdu en souplesse à cause de la peau cicatricielle qui lui épinglait la colonne vertébrale, et son visage était à peine montrable. Une des taillades s’était complètement résorbée, mais les deux autres laissaient une trainée luisante sur la peau, tranchant les anciennes brulures et accentuant la destruction partielle de ses traits. Quelle ironie, d’être obligée de dissimuler maintenant toute une moitié de son visage, et plus juste cet œil vide qui restait d’anciennes tortures. Enfin. Quatre mois maximum à patienter, et elle irait atomiser ça chez les rêveurs. Quatre mois. Une éternité.

Alors elle avait parcouru mentalement le monde pour se raccrocher à la présence d’Elio Thäron, avec lequel elle n’avait plus eu aucun contact depuis sa fuite, et dont elle ne pouvait même pas être sûre s’il était encore en vie. Le premier soir qu’elle voulut établir contact, un tel maelstrom d’émotions négatives et haineuses, perdues, lui emplirent les Spires qu’elle ne put retenir un éclat de rire sombre. Mon dieu, ce tourbillon d’émotions brutes, dirigées contre le monde entier… A quel point c’était similaire. A quel point ça lui rappelait le passé. Et les ténèbres qui en avaient découlés. Après tout, elle avait son âge. Avant. Quand elle pouvait s’identifier aux tornades de haine qui pulsaient de la personne d’Elio quand elle ouvrait son esprit à son existence.
Les faits en eux-même, elle ne pouvait les connaître. Ne pouvait faire que des suppositions. Elera avait échoué, quelque part. Pour qu’un tel abysse se creuse dans la conscience du jeune homme, c’était qu’elle n’avait pas réussi, quelque part sur le chemin, à le ramener du côté harmonieux du monde. Du peu qu’elle avait eu le temps d’apprendre avant sa fuite de l’Académie, la plus grande partie de la détresse de son élève résidait dans sa famille. Sa mère disparue, qu’elle lui avait recréé quelques temps, son père, qu’il évoquait en filigrane dans leurs conversations de l’ombre, et des émotions. Beaucoup d’émotions brutes, que, quand elle se retrouvait seule dans le manoir alors que Dolohov Zil’ Urain s’occupait de son empire à Al-Jeit, elle analysait, perdue dans les Spires. Elle s’en nourrissait presque, même si sa propre haine à l’égard du monde entier avait fini de se consumer.

Ca donnait un peu de flamboyance à son propre état de stagnation. Songer que quatre mois de silence entre elle et Elio avaient suffi à détruire l’équilibre précaire dans lequel il se trouvait, songer qu’elle aurait juste besoin d’ouvrir la main pour que son désespoir la saisisse, et qu’il boive chaque mesure d’oubli qu’elle pouvait lui offrir, si elle le décidait…
Et elle avait besoin de sortir. Les murs, à force, l’oppressaient, quand il s’agissait de les contempler seule. Seuls les marchombres pouvaient trouver une certaine beauté à dormir dehors et à observer le ciel, mais elle ne pouvait plus se cacher qu’elle avait besoin d’air, à force de tourner en rond à combattre vaguement contre son corps raide. Il fallait reconnaitre un côté positif : son Don s’était affiné dans l’intervalle, et si la Volonté lui manquait encore cruellement pour le mettre sous muselière, elle avait gagné en rapidité.
Marlyn avait envoyé un message mental –le premier depuis la reprise de l’Académie- à Elio Thäron, pour lui dire de la retrouver à l’orée des plateaux d’Astariul à une date précise. Elle connaissait l’endroit : à seulement trois heures à cheval d’Al-Poll, cette plaine n’était pas aussi dangereuse que les plateaux eux-mêmes, mais étaient suffisamment reculés pour qu’aucun être humain ne s’y aventure par pur plaisir. Ils n’y seraient pas dérangés, autant par les humains que les monstres. Et il n’aurait pas besoin de s’absenter de l’Académie plusieurs jours. Ce qui, ironiquement, était quelque chose qu’il aurait sûrement fait avec une bonne volonté frénétique. Il avait cependant accepté, trop rapidement pour qu’elle craigne un quelconque piège.

Des mois de silence donnaient soif d’illusions aux esprits tempétueux.

Le jour donné, elle disparut du Manoir au moyen des Spires, vers l’endroit convenu, un renfoncement de la vallée, coincée entre des parois de roches, éloigné de la sente qui menait aux plateaux d’Astariul, suffisamment vaste pour que le vent y souffle, suffisamment éloignée pour que personne n’y passe. Ca faisait longtemps qu’elle n’y était pas allée. Peut-être dix ans, même si elle ne connaissait pas exactement son âge.
Assise dans le creux d’un rocher, elle attendit, le visage à découvert – ce qui était extrêmement rare pour elle qui dissimulait ses traits détruits -, en manipulant distraitement une petite boule de feu dessinée entre ses doigts, d’une paume à l’autre.
Il vint. Maelstrom exquis qu’elle pouvait sentir au bord de son esprit, sentiments dont elle s’était elle-même débarrassés et dont elle savourait à présent les ravages sur un autre. Un esprit jeune. Emotionnel. Quelle douce ivresse que de se savoir assagi, et source d’apaisement grâce au pouvoir qui coulait dans ses veines. Les Spires lui donnaient cette jouissance ultime de pouvoir faire basculer, si elle le voulait, la perdition d’Elio vers la folie, ou vers où elle voulait. Et de pouvoir fuir, disparaître en un battement de paupière, s’il tentait la moindre attaque. Elle croisa son regard.

- Raconte-moi.

Elle était curieuse. De connaître ce qui poussait l’âme du jeune homme dans la même abime que la sienne propre quelques années plutôt, de connaître les différences qui les rendaient semblables, de connaître ce qui avait fait échouer Elera, et gagner la Mentaï. Elle était curieuse d’assister à l’explosion, et de pouvoir l’éteindre, ou la juguler, elle était curieuse de connaître les malheurs qui avaient gravé autant de cicatrices dans l’équilibre mental d’Elio qu’elle n’en avait sur le corps. Elle était curieuse de connaître les effets de quatre mois de silence involontaire.
Et par dessus-tout, elle était curieuse de sentir palpiter la vie, même si elle devait se débattre dans le vide et combattre mille chimères, comme Elio la subissait. Elle voulait la sentir à nouveau sans la subir elle-même, après des jours et des jours à sentir son propre corps se mettre en pause pour l’enfant qu’elle dissimulait au creux de ses hanches.
Elle ouvrit son esprit à celui du jeune homme, sans brusquerie, juste un frôlement de son âme contre la sienne pour lui rappeler que, grâce aux Spires de la Mentaï, il pouvait céder à l’illusion maternelle.
Après.


Elio Tharön
Elio Tharön

Mercenaire du Chaos et Maître de la boutique du Talion
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MessageSujet: Re: Raconte-moi. [Terminé]   Raconte-moi. [Terminé] Icon_minitimeJeu 5 Mai 2011 - 11:53

Quatre mois.
Quatre longs mois étaient passé depuis la disparition de Marlyn, et Elio était plus que perdu.
Le fantôme de son père, marié à celui de sa mère, le hantait chaque nuit, chaque court instant où il tentait de fermer les yeux pour reposer son esprit torturé. Son visage s’était émacié, et il ressemblait à présent à l’image de son cœur : noir et dévoré. Comme un taulard, comme un meurtrier. Même Elera serait incapable de le reconnaitre si elle le croisait à l’instant.
Mais à l’instant ses pas se faisaient soudainement énergiques. Lui, qui avait perdu toute envie de vivre, tout dynamisme, même dans la colère, retrouvait un but.
Marlyn ne l’avait pas abandonné. Elle l’attendait. Et une raison de continuer l’attendait avec elle. Un nouveau but, une nouvelle vengeance s’il en existait. Mais quelque chose. La moindre petite chose qui pourrait combler ce vide béant dans son estomac.

Il arpentait ainsi les plateaux d’Astariul, ayant quitté en douce l’Académie. Personne ne se rendrait compte de son départ. Si les premiers temps il avait fait du bruit, se faisant remarqué par ses crises, il avait vite revêtu l’habit d’un fantôme qu’on ne voyait même plus passer entre les murs. Ses yeux vitreux n’attiraient plus les regards apeurés ou plein de défis, et voilà un moment qu’il ne se battait, ayant préféré se laisser battre. Par ses propres amis.
Il continuait toutefois ses entrainements, plus par habitude et pour occuper ses journées, se vider l’esprit, que par soucis de ne pas perdre ce qu’on lui avait enseigné.

Lorsqu’il atteint le lieu de rendez-vous, il fut plus que surpris d’y trouver cette Marlyn. Pas surpris de la voir elle, mais cette chose en elle. Ce truc qui lui donnait un ventre rond, plus rond qu'à l'ordinaire. Fini le ventre plat et la silhouette filiforme. Un truc poussait en elle. Il en était sûr et ne pouvait en détourner le regard. C'était comme une boule, petite encore, insignifiante, mais...boule tout de même.
Son maitre serait enceinte ?! L’idée était ridicule, elle ne convenait tellement pas à l’image de la femme. Pas qu’elle ne puisse avoir un homme dans sa vie, hein, quoi que. Elio n’aurait pas même été étonné que l’homme en question soit assassiné pour ne pas avoir acheté les bons légumes au marché. Mais Marlyn était une image, une icône même. C’était celle qui détenait le pouvoir, celle qui avait la puissance, la force, l’enseignement le plus dur, la connaissance et l’attirance d’un serpent venimeux. Elle était dangereuse tant elle était prédominante.
Alors, non. Il ne la voyait en aucun cas jouer le rôle de maman poule berçant un gosse, lui chantant des berceuses et lui apprenant ce que l’Académie avait fait d’elle, et de son œil.

Les yeux rivés sur l’enfant qu’elle portait, il réfléchissait. Qu’allait-elle devenir ? Remettre les pieds à l’Académie lui était désormais impossible. Et d’ici quelques mois, elle devrait s’occuper d’un môme ? La vérité lui coutait de l’admettre, mais enceinte, vue ainsi, elle perdait de sa grandeur. Enfanter c’est être humaine. Enfanter c’est devenir deux, et se rendre responsable et aimant de la vie d’un autre. Dépendant.
Ce devait être une erreur, car jamais son maitre n’aurait désiré s’aliéner à une petit chose fragile. Jamais.
Et d’un côté, le môme, même encore dans le ventre de sa mère, faisait déjà peur. Peur par l’enseignement qu’il allait avoir, les idéaux, la vie de bannis. Un monstre. Elle en ferait sans doute un monstre, redoutable, plus redoutable encore qu’elle-même.
L’apprenti guerrier frissonna et se promit de ne jamais se confronter à la future progéniture de cette démone.

Enfin, il détourna ses yeux d’acier, fixant l’unique de son maître. Il s’apprêtait à poser milles questions. Pas sur son état, ce n’était en rien ses affaires. Mais sur la raison de leur entrevue, sur ce qu’il pouvait bien faire à présent. Elle le devança.

- Raconte-moi.

Il déglutit, découvrant qu’il s’était déjà mis à nue. Elle voyait tout, comme si le fait de ne voir que d’un seul œil amplifiait sa vue. Elle savait déjà, plus ou moins. Il était devenu fantôme, et donc presque transparent.
Il hocha toutefois la tête, acceptant de narrer le trou béant qui les séparait depuis quatre mois. Sa main aux longs doigts frotta sa nuque avec force et angoisse. Comment mettre des mots sur tout ce qu’il s’était passé ? Sur tout ce qu’il avait ressenti ? Les mots convenus existaient-ils, au moins ? Il fallait toutefois qu’il essaie.


-Je sais. Trancha-t-il.

Oui. Je sais tout. Toute l’horrible vérité qui m’a été cachée durant toutes ses années. Je suis enfin libre de tout mensonge et de cachotterie.
Libre. C’est un bien grand mot.


-La vérité. Je l’ai.

C’était comme si chaque syllabe restait coincée au fond de sa gorge, et que plus il parlait, plus il avait du mal à avaler sa salive, respirer correctement et se tenir, ainsi, en interrogatoire. Il avait soif. Très soif.
Mais il vit l’œil de son maître le pousser à expliciter. Alors il prit une grande inspiration, et tenta tant bien que mal d’avaler un peu de salive.

-Elera…m’a accompagné à Illuin.
Grogna-t-il au souvenir d’Elera.

Et oui, tu vois, j’ai été faible. Je n’ai pas réussi à quitter Elera en simplicité, et c’est elle qui était avec moi jusqu’à la fin de la mascarade.

-J’y ai rencontré…ma grand-mère…


Le souvenir de Lys, la vieille femme faëlle circula dans ses idées comme un ruisseau de soulagement. Malgré son acte horrible et démentiel, il savait qu’au pire des cas, il resterait son petit-fils. Car elle savait. A l'instant même où ses yeux avaient viré à l'acier, elle avait su ce qui allait se passer. Il gagnerait peut-être même la reconnaissance de l’autre abruti.

-Ils savaient pas trop c’qui c’était passé. Maman a été assassiné, et ils ont laissé juste le mot : Chose promise, chose due. Adressé à mon père.


Au nom de son géniteur, il cracha à terre, goutant encore la haine de la faute impardonnable de cet homme.

-Il avait fait commerce avec le Chaos, pour…agrandir son commerce.


La raison de son enrôlement dans le Chaos lui donnait envie de vomir. Sacrifier toute une vie, tuer sa propre famille pour un peu plus d’argent. Cet homme était vraiment pitoyable.

-Pour payer ses dettes, il était à leurs services. Lorsqu’il a rencontré Maman, il les a quittés. Fuis, en fait.


Trouillard. Lâche. Tu fuis, et avec ta femme, qui portera ensuite ton enfant. Tu savais que tu la mettais en danger. Cupide. Naïf. Tu croyais vraiment qu’ils allaient passer l’éponge ? Moi non plus, je n’ai pas oublié. Le temps n’efface rien.


-Malgré les menaces, il n’a rien fait, pour ne rien dire à Maman. Pour pas passer pour c’qu’il était. Accusa-t-il avec autant de haine que le premier jour.

Il baissa la tête, s’attendant à pleurer. Mais aucune larme ne vint. Il n’était pas triste. Plus. Il n’était que vide, entièrement vide. Et il n’avait déjà que trop pleuré.


-Maman a payé pour lui.


Il releva la tête, affrontant le regard de son maitre qui attendait la suite. Car suite il y avait.


-Alors je l’ai retrouvé.


Son ton devint grave, très grave, et ses prunelles d’aciers s’assombrirent.


-Et il a payé. Comme il aurait du payer, avant.


Sous la question silencieuse de Marlyn, il hocha la tête.


-Oui. J’ai mis fin à sa misérable vie.


Aloun avait raison. Il aurait du mourir avec Héliane. C’était chose faite à présent.

Marlyn Til' Asnil
Marlyn Til' Asnil

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MessageSujet: Re: Raconte-moi. [Terminé]   Raconte-moi. [Terminé] Icon_minitimeDim 29 Mai 2011 - 20:29

Vraiment, quelle jouissance de voir un visage émacié qui n’était pas le sien. Des trous de douleurs au fond d’yeux qui n’étaient pas les siens. Une blancheur qui n’était pas la sienne. Pour changer. Transfert, j’ai vieilli et me suis assagie, et te voilà dans la tourmente, toi Elio qui est si différent de moi et qui est presque aussi malmené par la vie et par les chimères de ton cerveau. Enfin elle avait devant les yeux l’image même du chaos intérieur qu’elle avait senti et étudié par les Spires, et dont elle pouvait deviner toutes les petites conséquences. Le regard moins brillant du jeune homme, ses épaules d’où l’on sentait pointer les clavicules et les joues creuses disaient tout avant même qu’il ait eu besoin de parler.
Alors que la jeune femme était perdue dans son observatoire de son apprenti, lui debout et elle assise nonchalamment dans le creux de roche, il remarqua le gris de son regard qui restait fixé, interdit, sur son ventre. Elle réprima un grognement, et sa joie extatique de voir tant de haine à sa merci s’évapora en grande partie ; elle se renfrogna. Que l’éclat de ses yeux changeât à l’idée qu’elle fût enceinte était une idée qui l’énervait. Déjà être enceinte était suffisamment pénible en soi, sans qu’en plus, il la déconsidéra pour ce fait. Le visage fermé, elle se leva et se mit à marcher plus ou moins de long en large devant le jeune homme qui se tenait droit. L’œil allant d’un détail à l’autre du paysage, tandis qu’elle caressait des doigts les cicatrices qui pourfendaient son visage par habitude, elle se prépara à son récit ; elle l’avait entendu prendre une respiration pour narrer le début.

Ce qu’elle supposait était donc arrivé. Il avait pris les devants et choisi de découvrir la vérité qui se cachait derrière son passé. Et vu son état, il n’y avait trouvé, ou laissé, que des cendres. C’était exactement la raison pour laquelle elle-même ne cherchait surtout pas à combler le vide de ses dix premières années, ni les morceaux épars des huit qui avaient suivi. Elle voulait laisser ça sombre, et ne surtout rien imaginer. Le passé n’existait pas. Mais Elio avait choisi d’éclaircir le sien. Avec Elera. Ce qui en soi, était plutôt pathétique. Surtout pour la Marchombre. Un souvenir de sourire vint effleurer ses lèvres en songeant à la brave rousse, incapable de discerner ce qui grouillait véritablement dans le cœur de son bien aimé…
Marlyn marchait toujours autour du guerrier raide, alors qu’il continait son histoire. Il ne la fixait pas, et semblait tout à ses souvenirs. Elle observait ses épaules tendues, les gestes qui ponctuaient son récit comme s’il était incapable de garder ses émotions pour lui. Comment pourrait-elle lui enseigner ça ? Etait-ce seulement possible ? Il semblait tellement chargé d’émotions, il en exultait des ondes qui résonnaient jusque dans ses Spires.
Toujours le Chaos. Il était partout. Avait détruit bien des destins, et pourtant, ceux qui pensaient devoir s’en venger.. y sombraient. Elle ne put retenir un bref ricanement devant la contradiction qu’ils étaient tous les deux. Deux êtres tour à tour noyés dans une mare de haine, et qui avaient tous eux juré aveuglement allégeance à qui pourrait leur donner la puissance de continuer : le Chaos. Et même s’ils en étaient détachés maintenant, cette idéologie lui poissait encore les doigts. Et avait irrémédiablement souillé l’équilibre de ses valeurs, s’apprêtait à détruire celui du jeune homme. Elle n’écoutait que distraitement tout ce qui concernait sa mère : la famille était pour elle une constante trop insignifiante pour qu’elle en relève tous les détails. Elle planta son regard estropié dans celui de son élève quand celui-ci releva la tête : il arrivait à la véritable raison de son état.
Elle le devina facilement à l’ombre qui s’accrochait à ses iris. Et les muscles de sa machoire qui saillaient, spasmodiques, sur ses tempes.
Un meurtre. Tout ça pour un meurtre. Ca le valait bien. Marlyn fit un pas d’arrêt. Le patricide était puni en Gwendalavir. Comme tous les meurtres, d’ailleurs, mais celui-là était considéré comme un des plus abjects, et des moins connus. Mais ça, Elio n’en avait sûrement aucune idée. Et elle n’y attachait pas d’importance : seulement à ce que ce meurtre avait coûté au jeune homme. Son image. Sa carrure. Sa couverture. Et sa sanité mentale, pour peu qu’il en ait eu une un jour. Les Spires de la jeune femme se contorsionnaient, avides devant une proie si facile, devant cette haine et ce désespoir qu’elles pouvaient arracher à ce jeune homme en perdition pour s’en nourrir et accroître leur pouvoir. Patience.

Tant de choix s’offraient à elle. Le tourmenter encore plus, soulever les contradictions de son être, ou encore lui montrer le trou béant qu’il avait fait dans son propre cœur en tuant sa famille. Ou bien lui montrer sa mère. Tout à la fois, dans un maelström d’émotions qu’elle ne déclenchait plus chez elle. Ses Spires se déployèrent sans bruit, alors qu’elle revenait devant lui, en le toisant, en regardant l’avidité dans les yeux du jeune homme qui attendait une réaction de sa part. L’Imagination l’entoura, d’ondes calmes. D’une senteur connue : fragrance des souvenirs d’Elio, qu’il associait à sa mère. Très tenue. Elle soutint le regard devenu interrogateur. Il était un peu plus petit qu’elle, et elle se servait de cette légère différence pour asseoir le fossé qui les séparait, alors que les meurtres, le sang, et la colère les réunissaient dans le même Chaos. D’autres impressions s’ajoutèrent au souvenir qu’elle tirait d’Elio, et les Spires lui offraient de quoi concrétiser cette ambiance du passé. Elle était proche de lui. Un rictus sur les lèvres.

- Et que dirait ta mère, Elio… que dirait Héliane, en sachant que son fils est un meurtrier, un patricide à cause d’elle ? Comme elle serait fière…

Elle avait murmuré la dernière phrase, le sourire toujours sur les lèvres, observant avec délice les émotions violentes qui s’entrechoquaient dans l’esprit d’Elio. Ah, il doutait. Il était encore trop jeune pour assumer complètement d’être un assassin, un monstre. Mais s’il ne s’effondrait pas avant, alors il apprendrait à vivre avec. Et il pourrait reconstruire son image avant de terminer comme elle, tellement défiguré qu’il n’y a plus besoin de masque pour cacher son identité. Quatre mois avaient séparé leurs routes, et elles se recroisaient alors que celle d’Elio était tâchée de sang, et qu’il s’y embourbait. Laisse-moi me nourrir de ton sang, Elio, et tu verras comme le monde sera soudain plus clair. Elle saisit son poignet, et le forca à regarder sa propre paume :

- Le sang que tu as sur la peau est le même que celui qui coule en dessous. Quelle contradiction, de venger ta mère en te comportant exactement comme ton père… Tu la sens, la haine contre toi-même ? Tu la sens, l’épine dans ton cœur ? Tu n’es pas encore un meurtrier, Elio. Tu as juste tué ton sang.

Elle le relâcha. La colère qui vibrait dans l’être en face d’elle était juste exquise. Elle l’entourait toujours de ses Spires, en puisant dans les Souvenirs qu’elle lui avait dérobés, et des échos de voix retentirent entre eux. La voix indistincte de sa mère, la voix de son père, de sa grand-mère, d’Elera, des mots incompréhensibles qui retraçaient ce qu’il était devenu. Un pas en arrière, pour contempler la rage. Et les émotions. Elle sentait le regard gris de son élève glisser sur son corps et s’arrêter encore sur son ventre, comme attiré irrémédiablement par l’idée qu’elle pût y abriter un futur être humain.

- Et si on remonte, c’est le Chaos qui a tué ta mère. Et tu as juré obéissance aveuglément au Chaos, avant de comprendre que je n’en faisais plus partie. Il n’y a aucune réponse logique à ce problème. Toi et moi en sommes la preuve. Tu dois apprendre à vivre avec. Tout comme tu dois apprendre à vivre avec la conscience d’être un patricide.

Et il ne se doutait pas à quel point c’était vrai… Un passé qu’elle ne connaissait pas, et d’où elle avait tiré sa haine violente pour les Mercenaires du Chaos, qui l’avaient maltraitée. Et puis l’Académie, et l’allégeance. Non. Le monde n’a aucune logique. Nous en sommes les deux preuves.
Son regard était toujours fixé, hébété, sur elle. Son rictus se changea en tic énervé, et ses épaules se raidirent quand elle le gifla, pour lui faire changer de regard, en crachant :

- Et arrête de me regarder comme ça. Tu crois que j’ai le choix ? C’est la seule manière de m’assurer un toit, et une protection. C’est le prix à payer pour être Fugitif de l’Empire.

Elle avait prononcé amèrement les derniers mots, tout en sachant que tout n’était pas entièrement vrai. L’enfant était ce qui la rattachait définitivement à Dolohov, et certes, ça entrainait une grande protection ainsi que l’assurance d’être toujours logée et vêtue, mais c’était surtout à l’homme qu’elle songeait. A l’allégeance qu’elle lui portait. Quand bien même elle dut souffrir d’avoir à porter un enfant pendant presque un an.


Elio Tharön
Elio Tharön

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MessageSujet: Re: Raconte-moi. [Terminé]   Raconte-moi. [Terminé] Icon_minitimeMar 7 Juin 2011 - 18:38

A peine eut-il fini de déverser à nouveau sa haine qu’il sentit la présence de sa mère à ses côtés. Il savait très bien d’où venait cette illusion magnifique : des pouvoirs de Marlyn.
Toutefois il s’y laissa prendre, trop avide de cette sensation pour protester contre son rôle de jouet aux yeux de son maître.
Les effluves de baies rouges et d’agrumes mélangés à l’herbe fraiche s’infiltrèrent dans ses narines tandis que ses épaules s’affaissaient sous l’enlacement invisible de sa matrice.
Mais cette fois-ci, Héliane n’était pas seule, des fragments de souvenirs l’accompagnaient comme des flashs sans continuité, sans véracité. Des jeux, des courses sur les rochers d’Illuin, des histoires, de l’amour.
Il s’efforça de se contenir, de ne pas verser de larmes, et il se rendit compte que cela était étrangement bien plus facile qu’auparavant. Il n’avait pas même besoin de s’efforcer en fait. Il ne pleurait plus.
L’illusion était bien là, source de drogue et de plaisir. Mais les sentiments s’étaient estompés, pris par l’habitude et le passé qui s’éloignait.


- Et que dirait ta mère, Elio… que dirait Héliane, en sachant que son fils est un meurtrier, un patricide à cause d’elle ? Comme elle serait fière…

Le sang d’Elio se figea. Elle ne serait pas fière, oh non. Et cela il l’avait découvert tantôt, il y a à peine quelques semaines.
« Et jamais de ton arc tu n’ôteras le cœur de ton propre sang. »
Il ne regrettait pas son geste. Ou peut-être que si, il ne savait que trop.
Perdu dans les opinions inconnues de celles et ceux qu’il pouvait aimer, il ne savait où détourner ses yeux d’acier.

La poigne de son maître le força à baisser les yeux vers sa propre paume, tandis qu’elle lui crachait l’horrible vérité qui devait le ramener sur le bon chemin. Enfin, le bon. Celui qu’il avait choisi en donnant allégeance.
Et la fameuse épine dans son cœur le comprimait. Il n’avait cessé de clamer qu’il n’était pas son père. Mais en réalité il avait effectué exactement le même chemin que lui. Le Chaos, Elera, qui aurait pu finir comme sa mère si tout ne s’était pas fini avant, le meurtre, la faiblesse de n’être qu’un simple instrument.
Il n’était pas faël. Il n’était qu’une putain d’humain, un homme perdu. Un Tharön, et non un Cÿa’Wel. Et admettre cela lui donnait des nausées.

Alors qu’elle le relâchait, l’apprenti guerrier percevait des éclats de différentes voix par le biais du dessin de la mercenaire. Mais seulement des éclats, en milliers de minuscules morceaux de façon qu’aucune phrase ne devienne compréhensible pour le garçon.
Il savait juste qu’il y avait sa mère, son père, Elera, sa grand-mère, et d’autres peut-être.
Des mots pêle-mêle, insensés et pourtant traçant le fil de l’homme qu’il devenait.
Des mots qui mériteraient d’être crachés à la figure d’autres, juste histoire de se défouler, juste histoire de se défaire de toute culpabilité. De vivre en âme et conscience d’être l’inverse de ce qu’on l’on attend de nous.
Mais après tout, qui attend quoi, et quoi attend qui ?

Les idées s’éclaircissaient dans son crâne malmené au fur et à mesure que la non logique des choses se faisait de plus en plus évidente. La vie n’est pas faite pour être logique. Après tout, les pièces de théâtre ne sont pas forcément logiques. Des personnages meurent, puis reviennent. D’autres naissent, puis meurent. Certains se font passer pour d’honnêtes citoyens et ne sont que vils fripouilles. Et d’autres condamnent le Chaos alors qu’ils leur ont prêté allégeance.
Certains vengent en devenant la cause même de la vengeance.
Il s’était bien trop longtemps retiré de la scène. Les coulisses n’avaient aucune gloire, aucune saveur autre que la mort.

La gifle de Marlyn lui secoua violemment sa tête de taulard blond. Il cligna de ses yeux bleus, réalisant tout juste que ces derniers ne cessaient tout au long de la conversation de fixer le ventre légèrement arrondi de son maître.
Toutefois les justifications crachées de la mercenaire rassurèrent Elio. Il souffla dans un petit sourire, retrouvant son maitre dans toute sa splendeur. Il avait eu tort de penser qu’elle perdait de sa valeur avec une minuscule personne dans son ventre.
Elle ne voulait pas être mère. Elle cherchait juste un moyen de survivre. Tout comme il cherchait le sien depuis quatre mois, même s’il n’était pas banni de l’empire.

Se redressant, le dos droit, les muscles dessinés en avant, il fit craquer les os de son corps, ayant comme l’impression de renaitre.
Puis, il désigna d’un signe de tête le rejeton de son maître, le sourire aux lèvres.

-Sacré bouée d’survie, quand même.

Il réprima un petit rire, puis se fit plus sérieux.


-Il faut qu’on remonte sur scène, Marlyn. J’aime pas du tout les figurants cachés en coulisse. Ils n’ont aucun intérêt.

Je reviens.
Cette fois-ci je reviens.
Je n’ai peut-être plus aucun but. Mais j’en trouverais un, grâce à toi.
Je veux briller de ma noirceur si c’est cela qui me tient debout.

Son visage se transforma en une mimique à la fois déterminée et d’appel au secours.

-Donne-moi un masque.

Le « je t’en supplie » failli franchir le portail de ses lèvres, mais il se tut.
Le Dragon pouvait bien emporter tout sentiment, il n’en voulait plus. La pitié et la demande d’aide en faisait parti.

On doit continuer. Même dans l’ombre.
Surtout dans l’ombre.


Marlyn Til' Asnil
Marlyn Til' Asnil

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MessageSujet: Re: Raconte-moi. [Terminé]   Raconte-moi. [Terminé] Icon_minitimeLun 4 Juil 2011 - 21:23

- Cette bouée serait encore plus ridicule si c’est toi qui devait porter l’enfant d’un autre pour assurer ta survie.

Les coins de la bouche cicatricée de Marlyn se soulevèrent légèrement. Elle aimait bien cet aspect-là du jeune homme, cette brutalité à peine dégrossie dans leurs propos, une sorte de camaraderie franche et abrupte, un langage simple et dépourvu des moindres fioritures : celui qu’utilisent les êtres humains qui ont toujours vécu dans la fange. Et pas dans des manoirs. En cela, ils étaient pareils. Ils n’avaient pas été éduqués par la haute, et possédaient cette brutalité des gens du commun. Pouvoir laisser aller ce côté qui avait été le sien pendant toute sa vie, c’était absolument extatique. Retrouver une attitude dépouillée de manières et de politesses…
Elio avait grandi en l’espace de quelques minutes. Il avait réussi à se débarasser du mélodrame de la jeunesse et de la nostalgie qu’entrainaient les tragédies. Il avait compris qu’on ne pouvait survivre, quand on avait décidé de jouer parmi les ombres, qu’en avançant sans jamais se retourner sur les sillons de sang qu’on laissait derrière soi. On ne pouvait survivre qu’en détruisant. Ou en se détruisant soi-même quand il n’y avait rien à embraser à portée de main. Le tout était d’arriver à maintenir l’équilibre dans la destruction, ce qu’elle avait été incapable de faire de nombreuses fois.

Ce qui avait mené à l’enfermement dans ce corps couturé de cicatrices, et plus bon à rien.

Elle ne souhaitait ce sort à personne. Pas même à Elio, malgré cette envie viciée qu’elle éprouvait de voir quelqu’un souffrir autant qu’elle avait souffert au même âge. Un instant, son regard atrophié s’assombrit ; il s’en sortirait mieux qu’elle. Parce qu’il semblait comprendre comment maitriser sa propre colère, ses chimères, et les aspirer dans le trou de sang qui lui servait de cœur pour les empêcher de rôder autour de lui. Il n’avait pas besoin de côtoyer la mort à plusieurs reprises pour comprendre à quel point il était vital de continuer à avancer sans s’appesantir sur le passé.

- Je ne peux pas, Elio. Je ne peux pas remonter sur scène, pas maintenant.

L’amertume suintait dans ses paroles, alors qu’elle s’éloignait du jeune homme en lui tournant le dos. Elle s’humecta les lèvres à la gourde qui était attachée à son sac, et se rassit à l’endroit où elle avait attendu l’arrivée le jeune homme pendant plusieurs dizaines de minutes. Bien sûr que non elle ne pourrait pas retourner sur scène. On n’utilise pas une marionnette cassée et rafistolée à la va-vite pour donner un spectacle à l’échelle de l’Empire. Et cet enfant qui était vissé dans son ventre l’obligeait à rester une arme inutile pendant encore plusieurs mois. Elle laissa échapper un sifflement réprobateur.

- Je ne suis d’aucune utilité à ceux qui décident de la pièce qui va se jouer. Ca sera comme ça tant que je serai blessée.

Bien sûr, il ne pouvait pas savoir à quel point elle était estropiée. Incapable de courir, de se défendre, de combattre correctement, incapable du moindre effort soutenu. Dépendante entièrement des Spires et de leurs armes mentales ; si Elio avait amené un Gommeur pour la piéger, elle ne serait même pas capable de se défendre contre lui. Mais ça, il ne devait pas le savoir ; il était trop dépendant de son pouvoir pour se rendre compte de ses faiblesses. Du moins, elle l’espérait. Elio se rapprocha d’elle pour percevoir ses dernières paroles, et Marlyn voulut ramener ses jambes en tailleur, avant de se rappeler qu’elle ne pouvait plus, que les cicatrices la tiraillaient trop pour être confortable dans cette position. Je ne peux pas te donner de but pour l’instant, Elio, alors que je suis incapable d’en créer un pour moi-même.

- Si je te donnais un masque, il ne t’irait pas. Il t’étoufferait, et t’asphyxierait jusqu’à ce que tu t’en dépouilles devant les autres de manière incontrôlable. Il te suffit de regarder mon visage pour constater que je n’ai jamais réussi à maintenir les miens très longtemps, par colère. Mais je peux t’aider à te forger le tien propre.

Elle réfléchissait. Qu’est-ce qui servirait de liant au masque d’Elio ? Il était beaucoup trop impulsif, et le nourrir de colère ne serait bon qu’à le rendre berserk dès qu’il serait dans une situation un peu difficile. La nostalgie de sa mère, et la fierté d’être comme elle ? Non. De ce qu’elle avait fouillé dans l’esprit du jeune homme, il n’en gardait que des souvenirs diffus, et absolument idéalisés, bien trop brouillons pour se bâtir une personnalité de surface. Qu’est-ce qui pourrait calmer le jeune homme calme, et l’empêcher d’exploser de fureur en toutes occasions, comme il avait fait ces derniers mois ? Quel but donner à cette colère pour qu’elle se canalise sans le consumer ? Raah, c’était des questions bien trop difficiles pour elle.
La menace du châtiment ? Blesse-toi en faisant déborder ta colère, et je te blesserai au centuple ? C’était le moyen le plus sûr de le retourner contre elle, dans une période où elle n’était pas sûre de pouvoir le contenir.

- Approche, s’il te plait.

Difficile de savoir si cette solution allait marcher. Elle déganta ses mains, laissa l’air froid des plateaux d’Astariul sinuer entre les veines et les brûlures, et tendit la main gauche vers Elio. Sa voix n’avait plus rien d’autoritaire, et était dénuée de toute amertume. Son esprit partit loin dans les Spires, loin de toutes les difficultés respiratoires et des tiraillements de l’épiderme. Elle ôta le bandeau qui dissimulait la moitié déchirée de son visage, pour se mettre à égalité avec lui.

- Je peux t’aider à bâtir un masque d’amour. Je peux faire remonter tes souvenirs, et les instiller dans ton esprit pour que dans toutes les situations, tu aies une zone de calme et de sérénité dans laquelle te retrancher, et étouffer ta colère. Je peux t’aider à bâtir un masque de mépris. Tu détesteras le monde entier, mais tu n’en souffriras pas. Je peux t’aider à bâtir un masque de peur. Je te montre la souffrance, je t’imprègne de la proximité de la mort, je te fais ressentir tout ce que j’ai subi, et ta colère sera à jamais soufflée par la peur de souffrir et de mourir. Je peux t'aider à construire beaucoup d'autres possibilités. Je peux faire un mélange, je peux changer ton masque. Nous pouvons tout faire ensemble, Elio Thäron. Mais c’est toi qui doit choisir dans quelle direction nous allons, impérativement. C’est toi qui dois choisir ce que tu souhaites devenir. C’est toi qui dois choisir ce que nous ferons de ta colère.


Elio Tharön
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MessageSujet: Re: Raconte-moi. [Terminé]   Raconte-moi. [Terminé] Icon_minitimeJeu 25 Aoû 2011 - 11:38

L’espace d’un instant Elio s’imagina enceinte…enceinte ! Et il dut se mordre le poing pour ne pas exploser de rire face à la tirade amusée de Marlyn.
Il était plutôt insolite de rire ainsi avec son maître, et pourtant à travers tout le respect et la vénération qu’il lui desservait, il régnait une relation brute de franche camaraderie, comme deux reclus de la société s’aidant dans leur vagabondage de l’interdit.

Le refus de Marlyn à remonter sur scène le paralysa, lui coupa le souffle tant la déception lui enserra le cœur. Des semaines qu’il attendait de ses nouvelles en vain, qu’il l’attendait elle. Parce qu’il ne lui restait plus qu’elle. Plus qu’elle pour lui dire où marcher, quel pied mettre en premier devant l’autre, et à quel but s’accrocher, de quelle boisson d’espoir s’assoiffer. Et puis pour revoir sa mère. Parce que même s’il la savait bel et bien morte, le besoin de la voir ainsi, même en fantôme était devenu aussi vital et absorbant qu’une drogue. Ses nerfs, à vifs, venaient de se détendre, acceptant que le sang coule à nouveau entre elle depuis qu’il avait pu sentir sa présence.
Bien sûr il avait Kylian à présent. Mais le garçon vagabondait, n’ouvrait pas son cœur et l’amitié transformée lui faisait peur. A tous deux. Kylian était aussi perdu que lui. Il lui fallait un mentor, certain de ses choix, certain du chemin à parcourir et du masque à porter pour continuer.
Il lui fallait Marlyn.

Elle lui tourna le dos, retournant vers la pierre sur laquelle elle l’avait attendu. Figé, la mâchoire serré à l’en faire mal, Elio ne savait que répondre à ce refus inattendu.

*Et maintenant, j’fais quoi ?*


Par blessée, elle voulait dire enceinte, ou affaiblie par ailleurs ? Son maitre était tellement secret, et performait tant dans la qualité de cacher ses faiblesses, qu’il ne pouvait affirmer quelconque pensée. Et il ne pouvait se résoudre à qualifier Marlyn « d’aucune utilité », ce n’était pas même envisageable !

*S’il te plait, ne me laisse pas seul.*

Les toits une fois. Pas deux. Pas deux loupés en tous cas.
Un guerrier ne rate jamais deux fois.
La première est l’erreur qui arrive à tout le monde. La deuxième n’est que de l’incompétence.

Pas de masque. L’apprenti guerrier déglutit. Comment pourrait-il continuer sans masque ? Il ne le pourrait pas. Les derniers jours et évènements l’avaient prouvé.
Etait-ce alors mieux ainsi ?

*Non.*

Maman elle-même disait que la vie n’était qu’un théâtre.
Et dans une pièce de théâtre, on porte un masque.
Marlyn ne pouvait pas l’abandonner à ce stade. Pas encore. Il n’était pas prêt à se construire lui-même. Pas encore, bordel !

La suite des paroles de son maître le rassurèrent. Le premier visage n’avait pas tenu longtemps, il l’avait bouffé, jusqu’à laissé des cicatrices de vérité sur sa peau d’origine.
On ne peut pas être n’importe qui.
Mais on peut toujours être autre. Il faut juste trouver le bon autre. Le bon hôte.

Il s’approcha de Marlyn, avec la flamme dansant dans son cœur le besoin de renouveau. Le besoin d’un nouvel hôte pour expulser tous ses sentiments et de par là sa fragilité.
Elle lui tendit une main, qu’il n’osa prendre. Elle était son mentor, celle qui lui montrait la voie, son professeur en quelque sorte. Elle était intouchable, trop respectueuse, trop puissante face au petit qu’il était.

Il fut surpris de la voir se mettre à nue de telle sorte en ôtant le bandeau qui couvrait son œil mort. Etait-ce parce qu’à présent lui aussi n’était que nudité ?
Qu’elle se mette à égalité avec lui le gênait horriblement, et à la fois lui enserrait le cœur de gratitude.

*Je ne suis pas seul. Nous sommes deux.*

« Je peux t’aider ». La proposition sonna comme une énorme bouffée d’air dans les poumons d’Elio. Il émergea enfin de son état dépressif, se redressant, l’espoir pleurant dans ses pupilles.

A moi de choisir.

Le masque d’amour semblait doux, et facile à porter. Apaisant, de souvenirs et d’images fantomatiques.
Mais le souvenir de ce qu’était devenu l’amour aux côtés d’Elera le fit rebrousser chemin. L’amour est parfois plus meurtrier que la haine elle-même. La haine est amour. Le masque de l’amour ne fait donc qu’un avec celui de la haine.
Le masque du mépris était précisément celui qu’il avait essayé de porter ces dernières années. Et pourtant il s’était accroché, sans le vouloir, et il en avait souffert. D’Elera. De Kylian. D’Enelÿe, même.
Il doutait que le masque de le peur ne soit vraiment efficace. Pas de suite du moins. La peur de la mort alors qu’il venait de s’y jeter, la peur de souffrir alors qu’il ne cessait de se faire du mal ? Paradoxe complet.

Tu me proposes milles possibilités. Milles chemins. Milles guérisons à cette vengeance qui m’a vaincu plus que je ne l’ai vaincu.
Mais c’est à moi de choisir.

Ma colère…Je veux pouvoir l’exploiter, la contrôler comme une bête qui ne se plie qu’à son maître.
Je veux être l’ombre de la bête, qui se tapit, prêt à attaquer, si frêle et invisible, mais plus dangereuse que la bête même. L’ombre qui échappe à son maitre.
Je veux pouvoir jouer de mes sentiments, pour instrumenter ceux des autres.


-Je veux le masque d’amour.

Sa réponse l’étonna lui-même.

-Je veux être amour et haine à la fois.

Parce que c’est ce que je suis. Et que si je porte un masque trop différent de ma nature, je m’étoufferais. C’est toi qui me l’as appris.

-Je veux être l’ombre de mon père.

Il s’approcha de Marlyn, la voix chevrotante.

-Je distribuerais des masques pour étrangler les mensonges des autres. Et je criblerais de flèches ceux qui croient pouvoir se jouer de l’amour et de la haine mieux que nous. Ceux qui mettent en pièce des familles pour quelque argent de plus.

Il réfléchit un instant, puis planta ses yeux bleus dans l’œil unique de son maitre.

-Tu as fait parti d’eux, comme moi de toi. Qui sont ceux qui ont tué ma mère ?

Je les tuerais sans regret. Ils ont pourri mon père, comme l’argent a pourri l’homme.

Tremblant, il osa poser sa main sur le bras de la jeune femme. Intouchable…et pourtant blessée.


-Qui t’as fait ça ? Qui t’as éjecté en dehors de la scène ?

Je l’éjecterais à ma manière de ce qu’il croit être son théâtre.

Avec toi, il n’y a pas de fin de partie.

Marlyn Til' Asnil
Marlyn Til' Asnil

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MessageSujet: Re: Raconte-moi. [Terminé]   Raconte-moi. [Terminé] Icon_minitimeJeu 27 Oct 2011 - 14:10

[En raison du temps de réponse, je te propose de terminer ce Rp ici, vu l’avancement respectif de nos deux personnages, et on en lance un directement après avec le nouveau contexte ? =) ]

La fin du sablier approchait.
Elle le sentait. Son sang charriait les derniers grains de sable, et déjà le vide se faisait sentir dans ses poumons. Elle allait devoir quitter –fuir- Elio rapidement avant d’être complètement à bout de force. Ce n’était pas une attaque brusque, une crise corporelle, juste un poids constant sur ses épaules : celui de la fatigue, l’épuisement progressif de son corps à cause du passé et de l’enfant.
Marlyn inspira.
Elle devait absolument faire abstraction de tout ce qui ne concernait pas Elio. De tout ce qui ne concernait pas ces masséters qui se contractaient de frustration, ses milliers de questions, de doutes et de désespoir qui éclaboussaient ses iris. Bien sûr qu’Elio souffrait de ne pas avoir de directives pour le futur proche : son esprit cognait contre son corps et hurlait son trop-plein d’énergie. Il allait devoir faire avec ; ce ne pouvait pas être autrement pour le moment. Elle lui promettrait le monde quand elle serait sûre d’en faire encore partie demain. Et elle voyait à travers les mèches blondes qu’il comprenait petit à petit, et qu’il comprendrait complètement quand il aurait eu le temps d’y réfléchir au calme. On ne peut pas toujours être sur scène, ou les spots finissent par vous consumer.

Au contact de la main d’Elio, Marlyn sentit son esprit se fendre délicieusement. Le contact physique favorisait terriblement le contact mental que ses Spires pouvaient grappiller dans l’esprit en charpie de son élève-victime.Et l’esprit du jeune homme ne se contentait pas de s’ouvrir à son pouvoir : il s’y immolait. L’énergie fuyait les veines de la jeune femme et se consumait dans son esprit ; elle devait absolument faire attention à ne pas céder à la tentation de plonger tout de suite dans les Spires.

Un masque d’amour et de haine. Deux gemmes aussi brillantes et anguleuses l’une que l’autre, deux gemmes comme les deux saphirs qui s’étaient fixés dans le regard de la Mentaï. Rien ne pouvait mieux définir Elio Thäron. Une dichotomie extrêmisée, un Dieu Janus dans son âme : il fonctionnait par choc des énergies, et avançait sur cette contradiction, il ne pouvait fonctionner autrement. Ce masque se fondrait avec sa peau jusqu’à ce qu’il soit, soit complètement dissolu, soit complètement absorbé. Et si ce n’était pas le cas… Et bien, il brûlerait. Comme elle s’était brûlée.
Les Spires chantaient : Elio avait approfondi le contact, mental et physique, son ton s’était fait plus doux, et sa main s’était posé sur le bras, et même sur l’épaule de la jeune femme. Ses questions avaient changé de ton, et s’il était toujours brûlant, il l’était maintenant pour elle.

La tristese voila un instant le regard mutilé de la Mentaï. Si elle voulait répondre à ses questions, elle devait absolument rompre le contact avec lui, et s’occuper de son masque après. Même si elle se le cachait, elle savait en son for intérieur que l’effort nécessaire pour falsifier les émotions d’Elio grâce aux Spires et aux discours la laisserait exsangue, au mieux. Sa main arachnéene se posa sur celle d’Elio, et la retira avec douceur et regret de son bras, pour freiner ses ardeurs et lui faire comprendre qu’elle était faillible. Elle devait absolument fournir une réponse aux questions d’Elio d’une façon qui puisse servir de mortier à son masque. Peu importait la vérité ; elle l’avait oubliée, et elle n’existait pas. Patience. Elle ne rompit pas le contact oculaire, et posa elle-même la main sur la joue d’Elio, à l’endroit où, sur son propre visage,il y avait plusieurs cicatrices blafardes qui tranchaient la peau d’albâtre.

- Le monde, Elio. C’est le monde qui m’a fait ça. C’est le monde qui m’a éjecté de la scène, et ta mère avant moi. C’est le monde qui l’a tuée. Le monde est empoisonné jusqu’à la moëlle, et nous n’en sommes que les instruments les plus gangrénés. Le monde a créé des individus comme ceux qui ont tué ta mère, et le monde a créé ton père, par perfidie. Le monde a créé ma haine, ta haine, et la haine des autres, et ce sont les résidus de cette guerre des haines qui apparaissent sur mon corps, et qui auraient pu apparaître sur le tien.

Respiration. On a tous besoin de grands mots et de belles phrases. On aurait tort de ne pas s’y complaire.

- N’importe qui aurait pu tuer ta mère. Même la plus harmonieuse des marchombres, même le plus innocent des enfants. N’importe qui, du moment qu’il a été détourné et pourri par la cruauté du monde et du reste de ses semblables. Peu de gens le croiraient, si je leur disais que j’ai été mutilée par les marchombres et les guerriers les plus appréciés. Valen Til’LLeldoryn. Ena Nel’ Atan. Et Anaïel. Peu de gens oublieront cependant les gens que j’ai tués. Nous sommes tous des monstres. A nous d’être de meilleurs monstres qu’eux.

Elle avait parlé doucement, et pourtant c’est la haine que charriaient ses propos. Pas de flammes, et beaucoup de glace. Elio devait comprendre où diriger sa haine et où concentrer son amour. Elle ne pouvait rien dire de plus pour lui permettre de comprendre le monde comme elle le voyait. Ce n’était peut-être pas la vision de la majorité des alaviriens. Juste la vision des parias. Les mains de Marlyn se crispèrent de chaque côté des tempes du jeune homme qui avait fixé ses yeux dans le sien. Comme si ses doigts scindaient directement son esprit. Il s’y laissait aller, ou sinon elle aurait du redoubler d’effort pour transmettre les images soigneusement amalgamées, les sons auxquels elle donnait écho, les émotions dont elle n’était que l’amplificateur.

Des ombres, projetées, sa mère, qui s’entrechoquait à celle d’inconnus. Le visage du père –qu’elle venait d’extraire des souvenirs d’Elio. Les deux ensemble. Les difformités des visages de chaque être humain, les vices cachés derrière chaque poésie, chaque belle parole. Beaucoup de gestes, glanés ça et là dans les souvenirs de la Mentaï, de la violence, et quelques perfidies. Sa mère à nouveau, Marlyn guidait les pensées d’Elio plus qu’elle ne les distordait ; et il l’avait sublimée. Oui, le monde avait une odeur de monstre, un visage de monstre, une âme de monstre. C’est pourquoi on devait mettre des masques d’amour sur certains monstres, et en faire une vérité en soi. Il s’accrochait aux sons qu’il se rappelait de sa mère, et refusait qu’elle dessine dans son esprit les centaines de profils déformés et déshumanisés qui s’aggloméraient dans l’esprit de la Mentaï. Les Spires de la jeune femme se tordirent, et manquèrent de se rétracter. Elle posa le front contre celui de son élève, ses mains toujours accrochées comme des serres à ses tempes ; elle sentait les doigts du garçon sur ses poignets, pour la faire lâcher. Elle n’avait pas fini. Il devait absolument comprendre.

Ils se ressemblaient suffisamment pour qu’elle puisse se permettre de lui montrer leurs propres faciès de monstres, sous les cicatrices et l’uniforme de l’Académie. Et particulièrement, construire un dessin, une idée, une impression : la jalousie / haine de l’amour. Lui montrer que si elle-même était capable de lui en vouloir d’avoir d’aussi jolis souvenirs, le reste du monde pouvait en faire autant. Lui montrer qu’on pouvait haïr quelqu’un parce qu’il est heureux, ou pour son passé. Il devait comprendre que haine et amour se tenaient la main, et qu’il ne pouvait pas renier sa haine pour s’aggriper aux jupes de sa mère, ni renier sa mère pour tuer tout ce qui bougeait. Il devait aller au-delà de ça, et trouver un autre horizon auquel s’accrocher.

Grandis, Elio.

Ils rouvrirent les yeux. Son corps criait pour de l’air et du repos. Elle devait rester debout. Ne pas s’appuyer sur lui. Vertige, expiration, plainte. S’il la voyait faiblir.. Elle ne pouvait pas se permettre d’être autre chose qu’un roc inébranlable, pour lui. Même s’ils étaient sur un pied d’égalité, et qu’ils étaient unis par leur colère, leur passé de violence, leur statut de paria.
Tout ce qu’il fallait espérer, c’était que l’esprit d’Elio soit suffisamment bouleversé par leur lien bref par les Spires, et les idées qu’il venait d’appréhender, et les images de sa mère, pour faire attention à sa faiblesse. Marlyn prit une petite flasque de métal d’une des sacoches qu’elle avait laissées sur le rocher biscornu. L’eau était saturée par l’odeur âcre et émétique des plantes qu’elle avait dû y faire infuser. Le vertige perdit en violence, et elle sentit une énergie artificielle lui ressouder la colonne vertébrale ; Elio avait encore besoin de sa lucidité pendant au moins quelques minutes avant qu’elle ne dût disparaître.
Elle retourna vers lui, et, l’œil fixé dans le sien, lui parla d’une voix sans colère, pour qu’il ne se méprenne pas sur ses intentions :

- J’aimerais avoir plus de temps pour te montrer les choses sans avoir recours à des moyens aussi bruts et aussi douloureux.

Son esprit cria grâce quand elle retourna sur les bas Chemins, mais elle savait ce qu’elle venait chercher. L’image se construisit lentement dans son esprit ; c’était un exercice auquel elle n’était pas habitée, et qui demandait plus de minutie que de pouvoir. Et même lorsqu’il s’agit de faire basculer le petit objet de son esprit à sa paume, ça lui coûta plus de temps que d’effort. Et le temps, c’était justement ce qui leur manquait à tous les deux, cruellement. Marlyn prit la main d’Elio, et y déposa une petite plaque de métal.
Rien n’avait plus d’impact que les objets tangibles, elle s’en rendait bien compte, et même les coups de butoir mentaux ne pourraient pas amener Elio à la compréhension comme pourrait le faire un symbole, somme toute assez grossier, mais qui avait le mérite d’avoir une réalité matérielle. Elle avait gravé sur le métal le visage des deux parents d’Elio, comme l’esprit du jeune homme les représentait. La lumière sourde des plateaux d’Astariul se reflétait tantôt dans le relief de l’un, tantôt dans les traits en creux de l’autre. Les lignes se croisaient ; les deux visages se fondaient l’un dans l’autre, et quand on contemplait l’image dans son ensemble, ça donnait des contours monstrueux, difformes, à ce qui était en filigrane deux visages humains aimés.
Mais il n’était pas obligé de l’interpréter ainsi. Ni même de le garder.

- Fais-en ce que tu veux, c’est à toi d’y accorder de l’importance ou pas.

Le temps pressait. Ca se sentait. Elle n’aurait bientôt plus la force de faire un pas sur le côté, même faire un endroit dégagé du manoir, comme elle avait prévu. Le masque de force et de stabilité fondait à vue d’œil devant la difformité de la malade. Elle étouffa une plainte de fatigue.

- Je ne peux plus rester, Elio. Le temps m’est compté, plus qu’à d’autres. Il se peut que plusieurs mois s’écoulent. Ne te détruis pas entre temps. C’est le monde qu’il faut haïr et aimer, et le monde a décidé que nous n’étions pas des leurs. C’est le public de la scène qui doit subir ta vengeance, pas les autres acteurs. Et surtout pas toi-même. Même depuis les coulisses, je te regarderai.

Promesse d’un à-bientôt ? Qu’il se sente observé en permanence par son Imagination de Mentaï, si ça devait le rassurer ou le réfréner dans ses émotions. Elle sourit, autant qu’il était possible, et flanqua une bourrade franche et camarade sur l’épaule du jeune homme.

- Nous détruirons le monde, Elio.

Ses mains désormais tremblantes ramassèrent ses affaires, elle ceignit son sac de peau autour de son torse. Pas la peine de remettre le masque qui couvrait sa cicatrice ; là où elle allait, elle serait seule. Un dernier regard.

- … Mais plus tard.

Disparition, silence.
Solitude des deux côtés.

[Si tu veux poster ton propre post de fin à la suite, avec les réactions d'Elio, fais-toi plaiz, je te lirai avec grand plaisir ]

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