C'est... mon nouveau chez moi ? [Inachevé]

On peut pas nier qu'ça paraissait sérieux comme établissement. Même si l'idée qu'on puisse apprendre la liberté dans une Académie, même celle ci, m'paraissait bizarre, on peut pas savoir tant qu'on a pas essayé hein? Déjà, y fallait que j'm'installe, que j'm'habitue à vivre dans c't'endroit, chose qui n'me plaisait pas forcemment. Bon, d'un autre côté, comme ça, j'allais pouvoir faire causette avec plein d'gens, rencontrer du monde, tout ça. J'aime bien faire d'nouvelles rencontres en général, j'sais pas pourquoi.

Ma mère m'dit souvent que vu mes origines Faëlles et d'Frontalière, j'devrais déjà être capable de m'débrouiller seule, mais j'ai envie d'essayer la voie des marchombres. Qui sait, ça pourrait p't'être me convenir. Et puis tant qu'on a pas essayé hein, on peut pas vraiment juger. Alors j'essaye et j'me demande bien c'que ça donnera.

J'aimerais bien que Wika puisse me suivre ici. Sans doute qu'la nuit, elle pourra s'faufiler ici sans qu'personne la remarque, mais l'jour, c'est une autre histoire. C'est pas trop grave, elle a des choses à faire ma p'tite louve. C'est plus un bébé. Ca m'fait drôle d'ailleurs de l'constater chaque jour un peu plus. Je sais qu'sa vie est là bas, auprès des siens, dans une meute, mais j'me fais pas à l'idée. Hors, pour l'instant, elle parait pas plus décidée qu'moi à partir. Faut dire aussi qu'elle a d'jà essayé et qu'ça aurait pu mieux s'passer. Wika, une louve du Nord qu'j'ai recueillie alors qu'elle était bébé. Est-c'que les jeunes loups quittent leurs parents au bout d'un moment ou qu'y restent avec eux? J'en sais rien du tout! J'crois qu'ça dépend. Alors voilà, Wika fera comme elle veut. Comme elle l'a toujours fait. Après tout, j'l'ai jamais obligée à rester près d'moi.

C'que j'aimerais, aussi, c'est visiter c't'endroit en tant que panthère, on apprend alors tellement plus de choses! Sauf que voilà, si la nuit est tombée - oui, j'me ballade la nuit, ça vous surprend - ça fait pas assez longtemps pour qu'l'endroit soit désert, donc j'préfère être prudente. J'aime pas trop l'idée qu'on sache que j'peux me transformer, d'autant plus que c'est pas franchement fréquent à ma connaissance. Pas du tout même.

Un bruit de pas, audible depuis déjà pas mal de temps pour mon ouïe aiguisée par ma vie d'explorations, me tire de mes pensées. J'aurais du m'alerter, enfin non, pas m'alerter, a priori y'a pas de danger, mais le remarquer bien avant. Sauf que voilà, je suis d'une inattention à toute épreuve. Mes proches m'disent souvent qu'un guerrier pourrait s'planter d'vant moi et faire "Bouh" que j'serais capable de sursauter tellement j'suis pas attentive. Le pire c'est qu'j'pense qu'c'est vrai. J'le sais, y m'est déjà arrivé des choses semblables. C'est aussi pour ça qu'les marchombres m'intéressent, ils sont très attentifs et réussisent quelque chose qui, quand j'suis pas transformée en once, me paraît exceptionnel : déduire rien qu'en regardant la façon d'être de quelqu'un plein de chose sur lui. Autant dire que pour moi, qui peut mettre une éternité à comprendre quand quelqu'un s'énerve, que ça semble être comme un don. Un don accessible à tous, donc a moi, et qu'mes proches, Frontaliers compris, n'ont pas réussi à m'inculquer jusqu'à maintenant.

J'me retourne juste avant qu'le nouvel arrivant soit visible, curieuse. J'suis souvent curieuse en c'moment j'trouve. Parce que j'me soucis pas toujours des autres y faut dire, des fois j'ai envie d'être seule, mais en c'moment, j'étais plutôt sociable. En espérant qu'cette rencontre serait une rencontre intéressante.

Cela faisait depuis le levé du soleil que Gareth était debout à dénicher de nouveaux volatiles pour la volière. C'est dire que quand il était allé voir pour la première fois les lieux, et bien... ils étaient déserts. La poussière régnait en maître et le silence le succédait de peu. Après le départ incongrue du dernier maître fauconnier, les oiseaux avaient dû se volatiliser en voyant que leur nourriture ne venait plus toute seule. Gareth les comprenait, mais depuis, il n'en avait pas ramené énormément. Il y en avait tout de même quelques uns qui étaient restés, sans doute qu'ils appartenaient à des élèves. Un d'entre eux possédait un petit collier en cuir doux, ce qui confirmait les dires de Gareth. Ceux qui étaient restés avaient des maîtres.
Gareth était sur la trace d'un rapace. D'après les traces laissées par ce dernier, ce devait être un rapace de bas vol, ce devait être une buse. Gareth se tenait sur un muret, les yeux fixés vers le ciel. Mais où pouvait-il bien se cacher ? Les oiseaux de bas vol ne disparaissent pas aussi vite ! Il vit alors un point rouge au bas du muret. Il sauta et attérit avec grâce sur ses deux jambes fléchies. Une plume, une plume rouge. Ses soupçons se confirmaient, il avait bien à faire à une buse à queue rousse. Les traces de pattes étant encore fraiches, elle ne devait pas se trouver bien loin. Le fauconnier se stoppa net, atténua les battements de son cœur et ferma les yeux. Silence. L'ouïe scrutait tous les sons troublant l'harmonie du silence, mais un seul l'attire. Celui d'un petit bec sur le sol, essayant de creuser un trou dans la terre. Gareth bougea soudain et se mouve discrètement jusqu'à l'oiseau prostré au pied d'un arbrisseau. L'oiseau lèva la tête en un soubresaut et le chasseur se stoppa net. Silence. Le volatile se remit à son travail. Gareth approcha lentement, pas à pas, se baissa, puis ouvrit les mains pour prendre délicatement la petite buse entre ses doigts. Elle ne bougeait pas, ne se débatait pas. Elle restait là à contempler les yeux bleus océan du garçon qui chuchota :

- Eh bien voilà, tu vois bien que je n'voulais pas te faire de mal !

Gareth avait toujours eu un don avec les animaux et depuis peu, plus avec les volatiles en tout genre. Il appréciait leur contact, leurs idées simples et vitales. Ils aimait l'idée qu'ils ne se prennent pas la tête pour n'importe quoi et adorait leur vie.
La buse dans les mains, il se leva et partit en direction de la volière. La buse encore sauvage allait directement s'envoler vers les fenêtres du bâtiment, alors Gareth avait mit au point des barreaux en bois sommaires juste le moment de les habituer à leur nouvelle maison. Lorsqu'il aurait retrouvé la plupart des volatiles perdus, il les enlèverait quelques temps après. Il n'aimait pas voir un animal privé de sa liberté, mais savait qu'il était obligé de le faire pour l'instant. S'il voulait garder son poste de maître fauconnier, il devait se montrer à la hauteur et ne voulait surtout pas que les primats apprennent qu'il n'y avait presque plus d'oiseaux dans la volières, car ils ne semblaient pas être au courant. Pour lui, c'était normal que ces personnes l'ignorent, car elles n'utilisent plus que l'Imagination pour envoyer leurs messages. Ces ignorants ne connaissent rien aux oiseaux et ne s'en occupent plus. Pour Gareth, les alaviriens ont oublié la beauté des animaux et de la nature qui les a crée pour le profit d'un endroit irréel et inaccessible à ceux qui n'ont pas le don. Pourquoi alors utiliser les spires si ce ne sont que de rares personnes qui peuvent les visiter ? L'Imagination était pour Gareth comme une fourmi aux pieds d'une goule, invisible. Il n'aimait pas les spires et l'idée que des choses immatérielles puissent apparaitre comme par enchantement. Il n'osait pas l'avouer, mais il en avait un peu peur. Il faut aussi dire qu'il n'avait pas souvent croisé la route de dessinateurs et donc il n'était pas habitué au Dessin. Pour lui, les oiseaux sont plus sûr pour envoyer des messages et ne comprend pas les dessinateurs.

C'était en pensant à cela que Gareth alla déposer la buse dans la volière. Lorsqu'il rentra, un concert de quelques piaillement lui arriva aux oreilles. Un immense sourire s'étira sur ses lèvres, il observa les quelques oiseaux, puis sortit en refermant la porte derrière lui. Ayant beaucoup travaillé, son estomac lui rappela qu'il était sortit sans manger. Il décida donc de se diriger vers les cuisines. Malheureusement, il n'avait pas encore le plan de l'Académie bien encré dans sa tête. Il fit alors un énorme détour sans s'en rendre compte. Il arriva enfin au rez-de-chaussé de l'aile est. A partir de là, il savait à peu près se repérer. Une odeur peu familière frôla alors ses narines. Quelque chose d'inhabituel ou plutôt quelqu'un, se trouvait juste dans l'angle du couloir. Il s'avança alors, contourna l'angle et se retrouva nez à nez avec une jeune fille plutôt petite, mais la première chose qui le frappa fut ses yeux. Un d'un orange sauvage et l'autre d'un bleu tranquille. Ils brillaient d'une lueur étrange qui attirait les yeux bleu océan du fauconnier, fades aux côtés de ceux de la jeune fille. L'odeur inhabituelle venait d'elle. Une odeur attirante, mais étrangement à moitié animale.
Il se rendit soudain compte que le silence régnait entre eux et entreprit alors de le meubler à sa façon en lui offrant un sourire en prime, histoire de faire bonne figure.

- Salut, t'aurais pas vu un faucon dans les parages ?

Comment on peut apprendre des choses de quelqu'un qu'on connait pas quand on a un sens de l'observation pourri? Aucune idée. Quand j'suis transformée, ça m'pose pas d'problème, un prédateur, c'est naturellement hyper attentif. Moi, j'suis pas une proie, même sans être transformée, mais j'avoue, l'attention, c'est vraiment pas mon truc, j'y peux rien. Allez, un p'tit effort. Déjà, il était plus âgé. Euh... Pas sûr en fait. Bon, p't'être un peu plus âgé qu'moi alors. L'a des yeux bleu. Jolis. J'me vois pas dans un miroir sans arrêt, je sais bien qu'les miens sont plus originaux, tout ça, mais pour moi, les yeux "normaux", sont beau. Pas b'soin d'avoir deux couleurs pour avoir un joli regard.

Ensuite, euh... L'odeur peut-être? Bah, une odeur bizarre, comme toutes. J'suis incapable de faire mieux... Quoique... L'a une odeur d'oiseau. C'est un prof ou un élève lui? Va savoir. J'crois qu'y a des maîtres d'mon âge ici. Enfin non, j'en sais rien, mais j'suis pas sûre du tout qu'y soit un élève, lui. Mais pourquoi il a une odeur d'oiseau sur lui?

- Salut, t'aurais pas vu un faucon dans les parages ?

J'hausse un sourcil, surprise. Un quoi? Un faucon? Ben... D'jà que l'attention c'est pas mon truc, alors savoir distinguer un faucon... J'plaisante, je sais faire quand même, m'enfin j'pensais à autre chose moi. Et puis ça viens aussi près des hommes un faucon?

- Nan, pas vu, désolée. C'est quel genre de faucon?

J'pose la question pour la forme. J'sais qu'il existe plusieurs races de faucon, les pèlerins, les crécelles, tout ça, mais d'toute façon, j'l'ai pas vu. Sur le coup, j'trouve ma question un peu débile, puis finalement, j'me dis que pour faire connaissance, c'est pas plus mal. C'est fou, j'ai du mal à m'comprendre moi-même! Mais oui, c'pour ça que j'pose la question. Pour faire connaissance. Et pour l'prévenir si j'trouve son oiseau. En tout cas, heureusement qu'sa première question me concernait pas, ça aurait été mal parti sinon. J'aime pas qu'on m'pose des questions sur moi. Mais ça, ça va. Enfin... J'crois.

J'sais, je suis bizarre.

Quel genre de faucon ? Il était vrai que les alaviriens ignoraient la multitudes de races d'oiseaux qui existaient, bien plus nombreux que les habitants de l'Académie réunis. Il avait presque oublié ce détails. Mais tout de même, un faucon, ils savaient au moins à quoi ça ressemblait ? Peut-être, peut-être pas.
Quel genre de faucon ? Là, il était pris au dépourvu. Cette phrase était sortit car il ne savait pas quoi dire à une inconnue. Il n'était pas doué pour les rencontres avec les gens, alors il avait tout simplement sortit la première phrase qui lui était venu à l'esprit. Depuis tout jeune, il n'allait que rarement vers les inconnus et ne leurs parlait pas beaucoup. Il attendait de les connaître avant de commencer à se sentir à l'aise, mais il sentait que quelque chose était différent aujourd'hui, avec cette jeune fille. Quelque chose que les autres ne possédaient pas, quelque chose qu'ils avaient en commun. Mais quoi ? Il ne saurait le dire. Ce quelque chose il l'avait déjà vu, ressentit à plusieurs reprises, mais le souvenir lui échappait.
Quel genre de faucon ? Lorsqu'il avait fait, grâce à la liste de l'ancien fauconnier, le ressencement des espèces qui étaient censés se trouver dans la volière, il avait compté l’absence d'environ cinq faucons. Mais quand à savoir quel genre de faucon c'était, il ne pouvait pas le dire et encore moins le deviner, vu qu'il cherchait aucun faucon. Quel idiot. pourquoi avait-il fallu qu'il ouvre la bouche ? Pourquoi n'avait-il pas contourné l'inconnue et s'en était allé ? Malheureusement pour lui, sa curiosité l'emportait toujours sur la raison. Mais à cet instant-ci, il ne pensait pas que se soit la curiosité qui y soit pour quelque chose. Cette fille paraissait unique et surtout, elle paraissait... il ne savait pas comment formuler cette pensée, mais deux mots s'imposaient continuellement à lui, comme si la Dame voulait le lui faire deviner. Deux mots qui ne voulait peut-être rien dire, mais ses deux mots étaient les seuls qui voulaient bien se montrer.
Comme lui. Elle paraissait être comme lui. Il ne savait pas exactement comment, mais elle était comme lui. *Non, mais ça va pas ? Tu peux pas un peu arrêter de t'imaginer des trucs, non ? Espèce d'idiot !!* pensa-t-il lorsqu'il leva les yeux vers le visage de la jeune femme. Belle. Elle était belle, mais pas seulement à cause de ses yeux étranges, mais grâce à l'aura qu'elle dégageait. Une aura unique et sauvage. Une aura qu'il se délectait d'observer.
Il avait envie de mieux la connaître, mais était malgré tout heureux que la conversation ait commencé par une question aussi stupide que la sienne. Finalement, il n'avait pas eu une si mauvaise idée que de tourner l'angle du couloir qui se prolongeait dans son dos.

Il se rendit soudain compte qu'il n'avait toujours pas de réponse à la question de l'inconnue. Plusieurs genres existaient, mais certains étaient beaucoup plus utilisés que d'autres. Le faucon pèlerin, le faucon sacré ou aussi le faucon gerfaut. A sa connaissance, ces trois-là étaient les plus utilisés en Gwendalavir. Mais généralement, le faucon pèlerin était plus apprécié.

- C'est un faucon pèlerin. Mais je crois que maintenant il c'est trop éloigné pour que je le récupère.

Y'a quelque chose d'inhabituel chez lui. J'sais pas quoi. J'vous l'ai déjà dit, le sens de l'observation et moi... Il n'empêche que j'ai l'impression que quelque chose m'échappe. Un peu comme quand je croise quelqu'un que j'ai déjà vu, encore que moi, à moins de lui avoir parlé les deux fois, c'est rare que j'me rende compte qu'il me dit quelque chose. Mais c'est encore différent. Mais comme si j'l'avais déjà rencontré, vous voyez? Plutôt comme si... Nan, c'est idiot, mais... Y'a que ça, c'est comme si on avait un point en commun. M'enfin, lequel? L'a des yeux bleu, d'accord, et j'ai un oeil pareil, m'enfin je doute que se soit ça alors. On est tous les deux dans c't'Académie, d'accord, m'enfin quand j'y ai croisé quelqu'un pour la première fois, j'ai eu aucune impression particulière. Bon, si c'est pas son physique, sa façon d'être alors, de parler. Euh... Alors ça, jamais su décoder. Bon, essayons quand même, si j'me concentre, ça devrait marcher, non?

Alors... Déjà l'a l'air... Gêné, oui, c'est ça. J'ai rien dit de particulier pourtant. Y'a bien plusieurs espèces de faucon, j'suis pas débile quand même, qu'on m'rassures. Ou... nan, c'est p't'être pas ça. Plutôt qu'il a l'air de regretter d'être venu parce qu'y sait pas parler avec les gens. Moi aussi j'suis pas très douée pour ça, c'est pour ça que j'dis que c'qu'y me passe par la tête et que j'ai envie de dire. Rien du tout parfois, et à d'autres moments, ça m'transforme en véritable commère, mais j'vous rassure, c'est rare. Enfin bref, oui, c'est p't'être un point commun, mais j'ai toujours l'impression qu'il y a autre chose. Ou plutôt que c'est carrément pas ça qui m'intéresse.

- C'est un faucon pèlerin. Mais je crois que maintenant il c'est trop éloigné pour que je le récupère.

Ah, ouais, un faucon pèlerin. J'souris. J'aime bien les faucons pèlerins, ils sont super rapides en piqués. Se sont d'ailleurs les plus rapides ils me semble. Le Dragon, j'sais pas, je suppose que personne a jamais pensé à m'surer sa vitesse, mais parmi les oiseaux, c'est sûr qu'le faucon pèlerin, c'est un rapide. J'aime ça, la vitesse moi, c'pour ça que j'le sais. Parce que croyez moi, j'm'intéresse pas à tous les oiseaux, loin de là.

- C'est le vôtre?

Encore un truc sorti sans réfléchir, mais si y dit récupérer, c'est que ça doit être le sien, non, ou un truc comme ça. Dans ma voix, ça s'sens un peu que j'compatis. Mais si ça s'trouve, j'me plante. J'me plante si souvent...

Bon, en tout cas, c'qui m'intrigue, j'l'ai toujours pas trouvé. Bon, cherchons l'odeur alors. A part celle d'un oiseau, peut-être son fameux faucon pèlerin, j'remarque... Euh, non pas rien, y'en a des odeurs sur lui, comme sur tout l'monde. Simplement, comme d'habitude, j'y ai pas fait attention. J'suis incapable de savoir quel espèces d'oiseaux il a cotoyé, j'les approches pas d'assez près pour connaître leur odeur - pas envie d'essayer non plus d'ailleurs, c'est dangereux ces bestioles, 'fin pas toutes mais certaines - mais y'a autre chose. Le même quelque chose qui évoque un truc en moi. Le semblable... C'est ça, y sent un peu comme moi. Un truc sauvage, animal. Un peu comme Wika, sauf que c'est différent, dans le sens où c'est pas un loup. Un prédateur peut-être, en tout cas un animal sauvage. Peut-être... Et si c'était un félin, comme moi?

Au pire, j'lui pose la question, comme ça, c'est réglé. Si y m'prend pour une folle, c'pas grave. Après tout, s'transformer en animal, c'pas courant, mais si lui aussi le pouvait? Après tout, j'dois pas être la seule. Non, j'sais pas que ma famille du côté d'mon père peu s'transformer en animal, 'fin comme le reste, j'y fais pas attention. Mais et si lui aussi y s'transformait? J'me concentre. L'es pas loin, j'devrais savoir d'quoi il s'agit, sauf que voilà, mon odorat, y reste meilleur quand j'suis transformée. J'crie pas ma capacité sur tous les toits, mais j'la planque pas non plus, et j'ai fini par comprendre que les gens, ça les choquait légèrement quand y comprennent que j'peux devenir once à ma guise. Bon, parfois, ça fait un peu plus que les choquer, ce qui réussit à m'convaincre d'éviter ça d'vant lui, des fois que j'me serais plantée. Mais ça n'exclue pas d'lui demander, alors j'lui demande. Être ridicule, j'm'en fiche.

- Dis, tu fréquenterais pas des félins par hasard? T'a une odeur de puma sur toi, c'est drôle, on dirait qu't'en es un.

Punaise, pourquoi j'arrive pas à contrôler c'que j'dis? C'est pas du tout ça que j'voulais dire! Bon, tant pis, voyons comment y réagit. Et par pitié, que j'reste concentrée, j'ai pas envie d'passer à côté d'une réaction significative. Y'a que les gens que j'connais bien que j'suis capables de comprendre un minimum sans qu'ils parlent, les autres, euh, pas franchement.

La jeune femme paraissait s'y connaître tout de même un peu question animaux, car une réaction positive se produisit sur son visage. Peut-être en possédait-elle un ? Se pouvait-il que se soit ça leur point commun ? Non, impossible. Il l'aurait su dès le premier regard. Le sien ? Sûrement pas, ce faucon n'existait sans doute même pas. En réalité, il ne possédait même pas d'oiseau. Il avait beau être le maître fauconnier, l'idée d'ôter la liberté à un seul de ces rois des cieux lui donnait envie de vomir. Ils étaient si beaux, là dans leur élément, à glisser sur les vents et se jouer des archers. Majestueuses créatures du néant, mais lorsqu'elles se posaient à terre, on croirait avoir à faire à des empotés. Leurs longues ailes aux plumes légères les empêchaient de marcher, mais lorsque celles-ci se déployaient et que les rois de l'azur se lançaient dans l'air et les vents, alors le regard de l'homme se transformait en admiration intense. Pouvoir aller où bon leur semblait, voilà le propre d'un oiseau. Pourquoi sinon leur offrir des ailes pour atteindre le soleil s'ils ne peuvent ne serais-ce qu'essayer ? Non, Gareth ne voulait pas leur ôter cette chance qu'il n'aurait sûrement jamais.

- Non, ce n'est pas le mien, il appartient à l'Académie. Je suis le maître fauconnier alors je m'en occupe. Il s'est volatilisé et j'aimerais bien le retrouver avant la nuit.

Bien qu'il haïssait le mensonge, Gareth ne pouvait plus faire marche arrière. Mais si on faisait le tour des choses, il ne mentait qu'à moitié, car effectivement, il devait retrouver cinq faucons, seulement il n'était pas en train de les chercher à cet instant précis. Cette idée lui remonta un peu le moral. Mentir, ce n'était pas lui. Il était capable du pire lorsqu'on lui cachait la vérité.
L'inconnue paraissait réfléchir intensément, comme si elle cherchait des réponses qui lui échappaient. Le silence s'installa entre eux. Ils ne savaient que dire, ils ne savaient que faire. Tous deux pensaient et cherchaient des réponses. Soudain, elle parut avoir une idée qu'elle formula en une question. Deux phrases.

- Dis, tu fréquenterais pas des félins par hasard? T'a une odeur de puma sur toi, c'est drôle, on dirait qu't'en es un.

Le cœur de Gareth rata une pulsation. Comment sentait-elle ça ? Comment connaissait-elle l'odeur d'un puma ? Mais surtout, comment pouvait-elle connaître le pouvoir de la métamorphose ?? Très peu de personnes étaient au courant et la plupart du temps, ils se taisaient car ils en avaient peur. A sa connaissance, dans tous les cas, ils n'étaient que très peu à en être capable. Il en connaissait qu'une seule à part lui et se n'était autre que sa propre sœur jumelle. En réalité, il pensait que ce n'était qu'une capacité très rare que possédait les Alines, il ne pensait pas que les alaviriens puissent aussi l'avoir. Son cœur accéléra.
Ses mains devenaient moites, ses doigts tremblaient et s'il parlait, il allait sans doute bégayer. Le fauconnier avait de la peine à parler aux inconnus, encore plus de lui, mais le sujet sur lequel il ne parlait jamais, même pas avec sa sœur, était bien celui-là. Personne ne pouvait le comprendre hormis Tyama, alors il n'en parlait pas. Cela le mettait très mal à l'aise. Sans s'en rendre compte, il avait encore laissé le silence envahir l'espace autour d'eux, ce qui augmenta de plus belle son malaise. Pourquoi n'avait-il pas fait demi-tour ? Bon sang, pourquoi ?
Soudain, un énorme mal de crâne le submergea. *Non, c'est pas possible, pas maintenant !!* cria-t-il dans sa tête pour tenter de couvrir son mal. Mais rien à faire. Ses battements de cœur trottaient presque à présent. Il savait se que cela voulait dire et il voulait à tout prix empêcher cela. Il commença à masser sa tempe droite avec ses doigts même s'il savait que ça ne servait pas à grand chose, mais bon, cela l'occupait. Il savait que ses émotions contrôlaient ses transformations et savait surtout qu'il n'arrivait presque pas à les contrôler. Il n'en pouvait plus, il avait beau se concentrer de toute ses forces, faire de la méditation, il n'arrivait jamais à les empêcher. Son cœur accélérait de plus en plus. Non, il n'y arrivait vraiment pas. Il pouvait déjà sentir sa part féline s'insinuer dans tous ses membres...



[ Si cela ne te va pas, j'édite pas de soucis =) ]

C'est moi ou ma réaction au nom du faucon parut l'intéresser? En tout cas, j'ai eu l'impression de lire quelque chose dans son regard. Bon sang, ce que c'était rageant! Quand je pense à ce que n'importe quel imbécile pouvait déduire d'un regard, alors que moi il me fallait déployer des efforts de concentrations pour arriver à des résultats minables! Mais pourquoi est-ce que j'étais aussi peu attentive, hein? Parce que je m'en fichais? C'était vrai, je n'avais pas envie d'être tous le temps sur mes gardes, mes sens prévenaient toujours les approches, encore mieux depuis que l'once hantait mon être, un once qui était naturellement plus prudent que moi d'ailleurs. Je me demande si je ne devrais pas prendre exemple sur lui, ou plutôt ses instincts des fois - car après tout, on n'est qu'une seule et même personne.

- Non, ce n'est pas le mien, il appartient à l'Académie. Je suis le maître fauconnier alors je m'en occupe. Il s'est volatilisé et j'aimerais bien le retrouver avant la nuit.

Y'en a qui se seraient rendu compte qu'il mentait. Peut-être que si j'avais été transformée, j'aurais eu un doute, mais là, rien. Moi, on peut me gueuler dessus et je comprend pas encore que la personne est en colère. Je sais, je suis spéciale, mais je l'ai déjà dit je crois, et puis vous avez pas besoin de moi pour le comprendre.

J'ai fini par lui en parler franchement. Je sais que la sincérité n'est pas toujours une bonne idée. Là... Je sais pas. Il faisait pas mine de répondre. Il changeait ses expressions je crois aussi. Je me concentrais à nouveau pour tenter de comprendre pourquoi il ne répondait pas. Je crois qu'il était gêné, comme si le sujet était tabou. Qu'il avait mal à la tête aussi. En fait, c'était plutôt son odeur qui me mettait sur la piste, plutôt que ce que je voyais. Décidemment, l'odorat d'un once, c'est plus fiable que la vue, surtout en ce qui me concerne!

Tiens... Il se passait quelque chose avec le maître fauconnier. Hein, quel maître fauconnier? Mais lui banane, il vient de te le dire! Bon sang, je suis vraiment un cas, je commence à ne plus écouter les réponses à mes questions. Dire que je me demandais à l'instant si il était un élève... J'ai ma réponse maintenant, et finalement, je m'en doutais qu'il n'en était pas un, va savoir pourquoi ou comment. J'avais raison. Enfin bref, pour en revenir à, euh, ce que je disais, il se passe quelque chose. L'odeur se précise. C'était bien un puma, comme quoi, je parle peut-être sans réfléchir, mais je dis pas forcemment de conneries. Je crois qu'il perd un peu le contrôle de ses actes. Je ne comprend pas. Je suis curieuse de rencontrer quelqu'un comme moi mais son manque de contrôle me surprend. Moi, j'ai toujours su comment m'accorder à ma partie animale, c'est moi qui décide de me transformer, pas mes émotions. Enfin, je décide d'attendre pour voir. Je crois que le silence le gêne, moi, il me plaît bien, au contraire, même si pour échanger et faire connaissance, dans mon cas, parler est nettement mieux.

Se contrôler, il lui fallait se contrôler. Gareth n'avait pas fait tout ce chemin pour rien, il n'avait pas fait tout ce chemin pour se faire haïr de tous à cause de sa différence. Tant de temps passé dans la ferme de son oncle à se prostré caché dans la grange de peur de se métamorphoser à tout moment. Il était parti afin d'apprendre à se contrôler et surtout pour apprendre à éviter de refaire les mêmes erreurs. Il avait pourtant bien commencé, aucun dégâts n'étaient survenus alors qu'il était entouré des habitants de l'Académie durant chaque repas ou encore dans les couloirs.
Se contrôler. Il croyait encore entendre la douce voix de sa mère le lui répéter. Souvenirs heureux, souvenirs douloureux.

***

Une main s'était posée sur son épaule. Le petit garçon pleurait à cause de la douleur lancinante qu'il ressentait au niveau de sa poitrine. La main lui fit relever la tête et un sourire apparut sur son visage d'enfant. Demi-sourire. Il plongea ses yeux océans dans ceux, identiques, de sa mère. Il y puisa tout le réconfort qu'il cherchait depuis que le mal le chassait, mais celui-ci semblait persister encore et toujours. Il se jeta dans les bras protecteurs de sa mère, mais se retira très vite sentant la bête venir en force prendre possession de son corps et de sa tête. A genoux, les mains sur les tempes, il poussait des cris rauques qui ressemblaient de plus en plus à des miaulements. Mais soudain, une voix apaisante s'éleva devant lui. Douce. Sa mère lui prit alors la main et lui chuchota quelques mots.

- Calmes-toi, mon cœur. Inspire, expire. Voilà, comme ça.

Elle le prit dans ses bras et commença à lui caresser les cheveux tout en murmurant quelques mots. Ses pleurs s'étaient stoppés tout comme son cœur qui ralentissait. Calmé, le petit garçon sentait le fauve se rétracté et se reculer dans un coin de son âme. Dans les bras de sa mère, il se sentait en sécurité et bailla de sommeil.

- Là, c'est fini. Souviens-toi mon coeur, respires fort lorsqu'il vient. Il est toi et tu es lui. Vous ne formez qu'un.

***

Gareth se raccrocha à ses souvenirs et le fait de penser à sa mère bienveillante calma aussitôt ses émotions. Il ferma les yeux une minute, sentit son coeur revenir à la normal, l'adrénaline se ranger dans un coin et le calme revint en son fort intérieur. Son mal de crâne était encore peu présent, mais toujours là. Il allait bientôt disparaître. Aujourd'hui il avait gagné, grâce au souvenir de sa mère. Mais qu'en sera-t-il des jours suivants ? Il ne pouvait pas se permettre de se métamorphoser en public. Mais ce n'était pas le problème le plus urgent. Comment allait-il expliquer ce soudain mal de tête étrange ? Et surtout qu'allait-il répondre à la jeune femme ? Après avoir ôté sa main de sa tempe, il regarda l'inconnue. Une explication, vite, sinon le silence allait parler à sa place.

- Parce que j'ai l'allure d'un puma ? J'avais pas vu que je possédais une queue, merci de me l'avoir fait remarquer !! Non mais parce que d'après les dernières nouvelles, je suis un être humain, sans queue touffue ni oreilles poilues.

Réponse ironique. Allait-elle le prendre bien ou au contraire plutôt mal ?

L'odeur finit par refluer. J'essayais de comprendre ce qui se passait mais décidemment, c'était dur. Et ça n'avait pas l'air de venir avec l'habitude, contrairement à ce que je croyais. Je soupirais intérieurement mais me concentrais quand même. Bon, il avait l'air... Oh et puis zut! J'ai un bon odorat sous cette forme, autant en profiter. Alors oui, il est stressé, mais si mon odorat est bon même comme ça, ce n'est pas sous cette forme que c'est le meilleur. Et je sais pas pourquoi pas ça réaction m'donne pas du tout envie d'me transformer, alors que d'habitude, c'est pas la présence des autres qui m'gêne. Je sais pas. C'est sans doute son attitude, c'est comme... Mais bien sûr! L'es comme moi, y doit pouvoir se transformer, en puma lui, et y veut pas, et y lutte. Je sais bien qu'tout l'monde réagit pas comme moi, mais vous savez, quand on a du mal à saisir les sentiments des autres, on s'en souvient pas toujours.

Finalement, y s'calme. L'a l'air gêné, il s'empresse d'parler.

- Parce que j'ai l'allure d'un puma ? J'avais pas vu que je possédais une queue, merci de me l'avoir fait remarquer !! Non mais parce que d'après les dernières nouvelles, je suis un être humain, sans queue touffue ni oreilles poilues.

J'hausse un sourcil. C'est fou toutes les infos qu'on peut avoir quand on est attentif finalement. J'devrais vraiment essayer ça plus souvent, mais y m'semble qu'y a quelque chose de bizarre dans sa façon d'parler. Quelque chose qu'y prouverait qu'il est pas à l'aise. J'sais bien que quelqu'un d'autre l'aurait sans doute remarqué sans besoin d'analyser ses paroles, mais moi, j'connais mieux quelqu'un en lui parlant qu'en l'observant. J'suis comme ça et puis voilà. Changer, on verra plus tard. J'réfléchis un moment puis j'décide d'être honnête.

- Nan, pour l'instant, t'es humain, mais j'croyais que c'était de ceux qui pouvaient s'transformer en animal.

Aucun reproche dans son ton, pas comme si l'idée qu'on puisse se transformer en animal l'avait repoussée, au contraire, elle aurait aimé rencontré quelqu'un dans ce cas. Sans doute que n'importe qui plus doué qu'elle dans l'analyse du ton et des attitudes s'en rendrait compte. Après tout, même si elle avait souvent l'air blasée ou indifférente, elle n'avait pas l'habitude de cacher ses sentiments quand elle en avait. Et elle n'avait pas toujours vraiment compris l'impact que pouvait avoir la franchise sur certaines personnes. Elle hocha les épaules et continua sans lui laisser le temps de répondre.

- 'fin si t'a pas envie d'en parler, c'pas grave, j'comprend. Tu t'appelles comment?

Ben oui, quand j'rencontre quelqu'un, faut bien que j'en sache un peu sur lui. Surtout si l'es bel et bien comme moi! Y le prendra comme y veut, après tout, j'veux pas le bouffer moi.

Un haussement de sourcils de la part de la jeune femme et alors Gareth compris. Il avait beau faire comme si de rien n'était, elle savait. Sans savoir comment ni pourquoi, il était certain qu'elle le savait. Comment l'avait-elle deviné ? Personne ne pouvait le deviner ! C'était impossible, à moins de... oui, c'était cela, à moins de posséder d'étranges facultés. Cela se pouvait-il vraiment ? Cette odeur si étrange qu'il avait senti un peu plus tôt qui émanait d'elle, cela ne se pouvait. Mais à bien y réfléchir, depuis qu'ils avaient commencés à parler, il sentait que quelque chose les liaient, comme une chose qu'ils posséderaient que eux deux. Uniques. Depuis petit, le fauconnier était très observateur. Il avait appris, lors de ses escapades dans les forêts des archipels Alines, à décoder les sentiments des animaux, à trouver leur point faible ou leur moments de bonheur, de malheur, de sommeil. Il avait réussit à apprendre comment en savoir plus sur un animal ou même une personne seulement en l'observant. Et il l'avouait, il adorait cela.

En l'observant elle, il voyait au premier abord ses yeux d'une étrangeté envoutante. Mais, il le savait, cela n'avait rien à voir avec ses impressions. Elle était de petite taille et ses oreilles légèrement pointues laissaient pensées qu'elle avait du sang faël dans ses gènes. Elle n'avait pas l'air de sortir du commun des alaviriens, à part sans aucuns doutes grâce à ses yeux. Mais un détail le taraudait. Elle avait fait allusion à son odorat en lui disant qu'il avait une odeur de puma. Pourquoi l'odorat ? Généralement, les humains ne sentent pas les odeurs aussi puissantes que celle d'un fauve ! Comment pouvait-elle sentir une odeur qu'il n'avait pas porté depuis avant son départ de chez son oncle ? Depuis plus d'un mois qu'il ne s'était pas transformer, mais cette fille arrivait tout de même à sentir son odeur féline. Comment cela se pouvait-il ?
Un éclair le frappa de plein fouet. Et si,... Non, pas possible. Mais pourtant, c'était la seule solution qu'il réussissait à trouver pour expliquer tout se qui se déroulait. Elle avait sentit son odeur alors qu'elle n'aurait pas dû n'en respirer une seule partie, elle avait une aura étrange et surtout, cette odeur qu'il respirait aussi... Il se concentra intensément et soudain, comme la foudre en plein cœur, il su quelle senteur c'était. Un once. Comment ça un once ?? Il regarda rapidement autour de lui. Rien. Pas la moindre trace d'un seul poil, d'une seule griffe. L'odeur provenait réellement de la jeune femme qui se tenait devant lui. Mais comment ?

Elle répondit à la question de Gareth. Elle pensait bien, la fille. Oui, il en était sûr à présent. Si elle n'en était pas un, elle aurait eu peur et n'aurait sûrement pas deviné la vrai nature du fauconnier. Il le savait, il le sentait, elle était métamorphe. Comme lui. Son cœur fit un bond. Ils n'étaient donc pas les seuls, sa sœur et lui ?! Il sentit le soulagement s'insinuer dans son corps. Cette fois-ci le silence ne dura pas. Elle enchaîna avec une phrase qui mit Gareth à l'aise rien qu'à entendre les mots prononcés, même si une gène vivait encore.

- Je m'appelle Gareth. Et toi ?

Dans sa précipitation, il avait oublié de se présenter, tant le stresse avait prit le dessus sur ses bonnes manières. Il attendait la réponse de la jeune femme, mais il sentait un poids sur sa conscience, comme s'il lui manquait un détail. Oui, il fallait qu'il sache. Il fallait qu'elle le lui confirme. Il baissa la tête et murmura alors :

- Comment le sais-tu ?

Soudain, il parut s'affoler, puis me regarda. Est-c'qu'il a compris ce que j'pense avoir deviné? Evidemment, j'suis pas sûre de moi. J'le suis jamais. Quand on a un aussi mauvais sens d'l'observation qu'moi, on peut jamais être sûr de rien, nos déductions nous viennent toujours d'notre façon de voir le monde, alors comme j'suis pas très attentive au monde... Pourtant, mes sens sont excellents comparé à ceux des humains, j'ai fini par l'comprendre, mais y'a quelque chose qu'y bloque, j'sais pas quoi. Faut absolument qu'j'arrange ça, que j'trouve de quoi y s'agit.

Le gars s'est détendut. Oui, je crois qu'il a comprit, ou qu'il s'en doute. L'a pas l'air de vouloir en parler directement, mais j'le comprend. C'est pas parce que j'suis curieuse que j'respecte pas les secrets des autres, j'refuse tellement souvent d'parler d'moi! A la moindre question personnelle, je...

- Je m'appelle Gareth. Et toi ?

Bon sang, pourquoi est-ce qu'y se sentent tous obligés de rajouter une question à leur présentation? J'sais bien que la politesse, c'est d'se présenter quand quelqu'un d'autre le fait! Et j'y manque jamais d'ailleurs, quand on rajoute pas c'te maudite question. Je sais, si tous l'monde était aussi allergique aux questions que moi, ça s'rait pas facile, mais ça s'rait pas aussi impossible que vous le croyez d'obtenir des réponses. Moi aussi j'peux être très bavarde, simplement, c'est pas la bonne manière.

- Comment le sais-tu ?

Ah! J'crois que cette question est importante pour lui. J'aime définitivement pas les questions, mais là, j'ai envie d'faire un effort. Après tout, c'est la première fois que j'rencontre quelqu'un comme moi. Enfin, que j'ai conscience de rencontrer quelqu'un comme moi. J'décide de pas insister, comme j'aurais pu le faire, parce qu'après tout, j'avais raison.

- Ben moi aussi. Enfin, pas en puma, en once, mais j'crois que tu as fini par l'comprendre tout seul.

C'est un truc assez marrant ça, que j'ai fini par remarquer : on a souvent besoin d'se voir confirmer quelque chose qu'on sait déjà, et c'est valable pour de bonnes comme de mauvaises nouvelles. Et parfois, c'est des choses qui sont pas vraiment bonnes ou mauvaises. Je crois que c'est son cas, mais j'avoue que moi aussi j'ai soudain besoin d'être sur. J'lui proposerais bien de sortir pour faire une chasse ensemble, transformés, mais j'sais que d'habitude, les félins sont solitaires. A la place, j'dis autre chose. Quelque chose que d'ordinaire, dans ces conditions, j'aurais jamais dit, mais ce Gareth est un cas particulier.

- Ah, et j'm'appelle Alphéa

Elle parut ne pas apprécier la question toute naturelle de Gareth : "et toi ?". C'était pourtant logique qu'il lui demande son nom. Pour que deux personnes se parlent et surtout se connaissent, il faut connaître le nom de cette dite personne. Sinon cela ne vaudrait pas la peine de se parler. Imaginez un peu se que cela donnerait : "ah oui, j'ai rencontré lui hier. ah bon ? Lui était gentil ?". Étrange non ? C'est sûr que ce ne serait pas pratique du tout.

Bizarrement, elle prit les question dans le sens contraire. Le plus important avant le futile. Il avait donc bien deviné. C'était donc ça leur point commun, ils étaient tous deux des êtres à part. Ils étaient différents. Métamorphes, tous deux prédateurs. Elle un once blanc neige, lui un puma beige sable.
Il se surpris à sourire. Il ne serait donc pas le seul dans cette Académie. Cela le réconfortait un peu de savoir que quelqu'un pouvait comprendre ce qu'il ressentait, car sans sa sœur, il n'avait plus personne avec qui parler de cela. Son sourire s'intensifia lorsqu'il réalisa comment il avait deviné la nature de la jeune fille. Grâce à son odorat en tout premier lieu. Alors même lorsqu'il n'était pas sous sa forme féline, il avait quelques capacités que les alaviriens ne possédaient pas. Il l'avait remarqué récemment, mais pas à une telle intensité. Il avait sentit l'odeur d'un once, la seconde odeur de l'inconnue. Intéressant. Jusqu'où ses sens pouvaient-ils aller ? Il était curieux de les tester une fois qu'il serait seul. Il avait aussi remarqué récemment que avec quelques petits détails, il arrivait à en dire beaucoup sur une personne qu'il n'avait jamais rencontré auparavant. Il n'avait fait que des suppositions grâce à quelques détails et ces suppositions se sont vus justifiées par la suite. Jamais il n'avait fait attention à se qu'il pouvait détecter chez quelqu'un rien qu'en l'observant. Subjugué, il souriait alors que rien n'était amusant. Des larmes de rire lui chatouillaient les yeux, il se trouvait presque ridicule, car il souriait alors que la discussion était sérieuse. Deux inconnus se rencontrent au tournant d'un couloir, comme si la Dame elle-même le voulait, s'observent durant un long moment et finissent par se rendre compte que leur grande différence avec les gens de ce monde, ils la possèdent tout les deux. Il y avait de quoi rire. La première chose qu'ils ont appris sur l'autre, c'était la seule chose, le seul détail, qu'ils n'auraient jamais cru trouver chez une autre personne. A part peut-être leur famille. Improbable, hilarant.
Mais ce n'était pas la seule raison qui le poussait à sourire. L'autre, qui était tout aussi importante, lui faisait presque froid dans le dos. Comment pouvait-il être aussi différent avec une inconnue, alors qu'habituellement il n'aurait jamais fait ce qu'il était en train de faire ? Lorsque le fauconnier rencontrait un inconnu, il passait son chemin. C'était dans sa nature, dans ses gènes. Peut-être un héritage de sa double facette, le puma. Comme lui, il n'aimait pas être à plusieurs. Avec elle, étrangement, il avait seulement pensé à s'enfuir, mais à aucun moment il l'avait voulu. Une petite voix au fond de lui l'insitait à rester, cette voix lui disait qu'il n'avait rien à craindre et que cette fille pouvait le comprendre. Son instinct l'avait fait rester là, avec elle. Il aurait très bien pu passer sa route, mais non. Il s'était stoppé devant elle, il lui avait parlé. Sa timidité avait disparu en la voyant.

Alphéa. Un joli prénom. Il posa ses yeux sur l'uniforme qu'elle portait. Aequor. C'était donc une élève, elle avait presque le même âge que lui. Peut-être la croiserait-il dans la salle d'arme ? Non, elle n'avait pas l'air d'être combattante comme lui. Dessinatrice non plus. Marchombre ? Peut-être, sa nature d'once pouvait très bien la poussée vers cette voie. Il n'y avait pas beaucoup de chance pour qu'il croise une marchombre dans la salle d'arme, mais pas si peu que ça. Il avait entendu parler d'un cours où deux-trois marchombres avaient participé. Même si les marchombres se voulaient libre et apprenaient entre maître et élève.

- C'est étrange, mais cela me fait plaisir de rencontrer quelqu'un qui se sent comme moi.

Gareth ressentait quelque chose de différent que d'ordinaire. Pour la première fois de sa vie, il aimait sa double facette. Pour la première fois de sa vie, il avait une réelle envie de se transformer.

Si y'a quelque chose que je perçois sans avoir besoin d'me forcer, c'est bien les émotions positives. J'ai lu le rire dans ses yeux avant que n'apparaissent ses premières larmes, et si je ne comprenait pas mieux pourquoi il se marrait, j'étais contente aussi. Qui se ressemble s'assemble, que j'ai entendu je sais plus où. Dans notre cas, c'est vrai. Bon, d'accord, on peut trouver plus asociale que moi, n'empêche que quand j'ai envie d'être seule, j'suis aussi difficile à approcher qu'l'once qui partage mon être. Après, les onces sont pas franchement sociables, donc j'sais pas d'où m'vient cette curiosité des autres. Va savoir, mais ça m'gêne pas du tout.

N'empêche, c'est drôle, vous trouvez pas? J'parle pas de Gareth qui se marre, quoi qu'il a réussit à m'faire sourire du coup, mais j'veux dire, j'suis archi nulle pour tout c'qui concerne la lecture des corps, des postures, du ton - bon sang, j'oublie toujours qu'y a tant d'indices pouvant renseigner sur une personne - et que j'vois si vite quand une personne se marre.

- C'est étrange, mais cela me fait plaisir de rencontrer quelqu'un qui se sent comme moi.

J'hausse un sourcil. Pourquoi s'serait bizarre d'être content d'rencontrer quelqu'un comme soit? Moi j'suis contente aussi, et j'pense que si j'rencontrais une autre Demi-Faëlle, je serais encore plus curieuse qu'd'habitude. C'normal, non?

- C'pas bizarre, moi aussi j'en suis contente.

Voilà, exemple parfait de la façon de fonctionner d'Alphéa. Avant d'entendre la question, elle avait dit c'quelle pensait sur le sujet. Bon, d'un autre côté, fallait bien avouer qu'elle prenait pas si souvent qu'ça la parole, elle avait en général besoin d'connaître déjà un peu la personne. Pas toujours, mais souvent. Là, par exemple, elle s'ouvrait. Elle s'ouvrait même vite par rapport à d'autres fois, sans doute parce qu'elle savait qu'ils avaient un point commun. Un gros point commun, rare aussi.

J'ai d'ces envies d'me transformer, d'voir Gareth faire pareil et d'l'inviter pour une chasse nocturne. J'sais, pour des félins, ça peut être bizarre, mais c'est possible. J'ai été habituée avec Wika. J'sais pas si ça l'tenterais, mais pourquoi pas, ça m'coûte rien d'essayer.

- Ca te dit, une p'tite chasse à deux? J'me suis jamais transformée avec quelqu'un comme moi, mais ça doit être sympa à faire. Enfin, si t'en a envie.

Clairement, j'aurais jamais, au grand jamais proposé ça à un autre. Je propose ça à Gareth parce que son caractère me plaît, et enfin et surtout parce que comme moi, il se transforme. Parce que chasser avec un humain, j'vois pas l'intérêt, c'est même handicapant!

Au cours de la conversation, Gareth oublia la faim qui le tiraillait depuis le matin. Il avait même oublié ce qu'il voulait faire de sa journée ; retrouver les rapaces perdus. Alphéa l'obsédait. Il n'arrêtait pas de se dire qu'il rêvait, que cela ne se pouvait pas, qu'il allait se réveiller tôt ou tard. Mais non. A chaque fois qu'il se le répétait, il sentait l'odeur féline émaner de la jeune femme, les cris des oiseaux et le vent sur sa peau. C'était réel.
Les paroles d'Alphéa rappela alors sa faim au rapport.

- Ca te dit, une p'tite chasse à deux? J'me suis jamais transformée avec quelqu'un comme moi, mais ça doit être sympa à faire. Enfin, si t'en a envie.

Aïe. Problème. La chasse ? Il n'avait jamais essayé en tant qu'humain et encore moins en tant que puma. Mais le problème n'était pas là, son instinct de chasseur se réveillerait sans doute. Gareth était végétarien. Il ne supportait pas l'idée de manger un être vivant, un être qui vivait là, sous son nez. Selon lui, il existait des millions, même des milliards d'univers. Le monde des oiseaux, des carnivores, des animaux. Il parlaient entre eux, sans comprendre les humains, mais parlaient. Lorsqu'il était petit et qu'il se promenait dans la forêt pour comprendre les bêtes, il avait petit à petit vu une âme dans chacun de ses petits êtres à poiles, plumes et écailles. Pour lui, c'était comme manger un humain, impossible. C'était comme manger l'un des siens. Humain et puma. Deux êtres à part entière de deux mondes différents, incompris l'un de l'autre.
Mais il avait une envie irrésistible de se transformer et de partir avec elle, peut-être pas pour chasser. Peut-être pour courir, simplement pour courir dans les plaines, les montagnes ou les forêts. Courir avec quelqu'un qui lui ressemble. Admirer la lune sur son pelage blanc et n'être plus seul.

- S'serait avec joie, mais pas pour la chasse. J'suis végétarien. En revanche, je ferais volontier un tour dehors avec toi.

Sur ses paroles, ayant auparavant deviné qu'Alphéa n'aimait guère les questions ni les grandes paroles, il se recula de quelques pas et respira profondément. Sa concentration faite, sa silhouette se brouilla et quelques secondes plus tard, un puma beige-or se tenait à la place du fauconnier. Il s'ébroua avant de plonger son regard toujours océan dans les yeux intenses d'Alphéa.
Gareth se fit plus rapidement à son nouveau corps. Habituellement, il mettait quelques minutes pour s'y faire. Ce jour-là, étrangement, il n'eut aucune difficultés. Les odeurs arrivaient à son museau plus précisément. Fleurs, murs, animaux, hommes. Il reconnaissait toutes les senteurs. Il se délectait à chaque fois de ces merveilleux parfums qui émanaient des choses qui l'entouraient. Les sons les plus infimes pénétraient dans ses oreilles poilues, peut-être entendaient-elles le son du silence. Les images aussi, plus nettes que jamais. Pour la première fois, il était réellement heureux d'être là, d'être puma. Aucun regret.

Il attendit de voir un sourire apparaître sur le visage de la jeune femme, puis enfin d'observer sa silhouette se tasser, s'allonger pour laisser apparaître un magnifique once. Gareth ne pu s'empêcher de s'approcher délicatement vers elle. Jamais il n'avait vu quelqu'un d'autre à part lui et Tyama faire une chose pareille. Ses yeux brillaient de plaisir. Un ronronnement intense sortit de sa gueule lorsqu'il passa à côté d'Alphéa. Sa queue touffue alla heurter en douceur le museau blanc de l'once. Le ronronnement se métamorphosa comme une sorte de rire, puis il la regarda une dernière fois avant de partir à grande vitesse. Il avait juste eu le temps de voir Alphéa se jeter à ses trousses. Son instinct lui dictait de sortir d'entre ses murs à tout prix. Il tourna en direction de la volière afin de passer par la porte de derrière, car il n'avait pas envie de faire de mauvaise rencontre en cours de route. Le félin courait tout son soul et pouvait sentir le souffle chaud de son amie juste derrière lui. Lorsqu'il sortirent enfin de l'enceinte de l'Académie, le puma s'encoubla sur un objet non-identifié et roula à terre...
Bonheur.





[ Si ça te va pas, mp et j'édite ^^ ]

[J'avoue que je préfèrerais que tu évites de jouer mon perso comme tu l'as fait, mais bon, c'est compréhensible alors pour une fois, je vais pas râler Profite de cet honneur qui t'es fait xD]


Nouvelle pause. J'aime bien c'Gareth. Oui, je sais, y met souvent plusieurs minutes à répondre - de mon point de vue, c'est plutôt plusieurs minutes à réagir - mais j'aime bien les gens qui prennent leur temps. Y montrent ainsi qu'le temps comme l'silence les effraient pas, parce qu'y en a qui n'aiment pas voir des silences dans des conversations. J'sais, j'suis sensée être pas observatrice, m'enfin quand c'est lié à quelqu'chose qu'est important pour moi, j'suis plus attentive quand même! Et je sais qu'y en a qu'aiment pas perdre leur temps, qui comprennent pas la valeur d'un silence.

Enfin, qu'est-c'qu'il a alors? J'crois qu'il est gêné. J'crois hein, j'suis pas sûre du tout. Déjà que j'trouve que j'ai été assez observatrice sur c'coup là, faut pas demander des miracles non plus, c'est déjà pas mal j'trouve c'qui s'passe là. Vous vous rendez compte quand même d'la chance qu'j'ai d'rencontrer quelqu'un qui s'transforme comme moi? C'est cool!

- S'serait avec joie, mais pas pour la chasse. J'suis végétarien. En revanche, je ferais volontier un tour dehors avec toi.

Oh, c'est ça alors. J'ai jamais trop compris les végétariens. C'est vrai qu'on peu respecter la vie, aucun problème, j'suis même d'accord, mais manger pour se nourir, pour survivre, c'est pas un crime. Enfin j'avoue que sauf quand je chasse, transformée, et avec Wika, je mange presque jamais d'viande. Ca m'fait faire des économies, ha ha! 'fin bref, si l'a pas envie, j'vais pas l'forcer hein, c'pas mon style.

- Ah, désolée. T'fait comme tu veux.

Evidemment qu'y fait c'qui veut, c'quoi cette phrase à la con? Bon, d'un autre côté, j'ai remarqué qu'tous les Alaviriens étaient pas indépendants, loin de là, encore moins libres, donc bon, des fois, j'ressens quand même l'besoin d'être précise, sinon j'ai l'impression qu'j'vais bloquer quelqu'chose. M'demandez pas quoi, c'est une perception plutôt floue, j'me demande même d'où ça sort.

La silhouette d'Gareth s'brouille soudain et m'ramène définitivement à la réalité. A la place, y'a un puma. V'pouvez pas savoir à quel point ça m'fait plaisir d'voir ça. Oui, plaisir. Ca m'fait bizarre aussi, c'la première fois qu'vois quelqu'un s'transformer. Mais en même temps... J'sais pas comment expliquer ça, c'est un sentiment vraiment profond, mais oui, ça m'fait plaisir d'voir ça. V'savez, souvent, on m'prend pour quelqu'un d'indifférente à c'qui s'passe autour d'moi, mais c'est faux. C'vrai qu'les Faëls tiennent pas vraiment les humains en haute estime et comme j'suis en partie Faëlle... Et puis bon, c'vrai que si parfois j'suis bavarde, j'montre rarement mes émotions, surtout avec les gens que j'connais pas, donc on a souvent l'impression qu'j'suis blasée ou j'sais pas quoi.

J'souris donc, pour marquer c't'émotion, quelle qu'elle soit, et puis j'me transforme à mon tour. A chaque fois, même si j'me transforme assez souvent, je reste pantoise devant les sensations. Même les Faëls y sont rien face aux capacités et aux sens des félins. C'juste waouh! J'ai l'impression qu'on m'a débouché oreilles et narines et enlevé des lunettes, c'top génial. Le sens du toucher aussi, l'es pas pareil. Sans parler de la façon de se tenir de l'once, très différente de celle des humains, sa souplesse, sa vivacité, sa force, tout ça que je sens en moi maintenant... Et c'est loin d'être tout, mais si j'devais donner tous c'qu'y est mieux en étant once et les différences avec quand j'suis pas transformée, on y passerait des heures, alors j'm'arrête là, j'pense c'est mieux. D'toute façon, c'pas possible d'd'écrire comment ça fait d'être once, eux y emploient pas un laguage comme les humains ou les Faëls. Y'a pas de mots assez forts, assez justes pour décrire ça.

Gareth transformé en puma s'approche de moi et s'met à ronronner. J'l'imite sans réfléchir, j'le titille, comme deux félins qui s'connaissent de longue date et qui s'amusent comme des chatons. J'sais qu'dans la nature, on r'trouve c'comportement plutôt en famille, genre frère et soeur, ou quand deux félins y s'accouplent, mais nous, c'pas pareil, on est pas seulement des félins. Et même si lui l'est puma et moi once, on est pareils.

Et ça, c'est super.

L'puma s'est mit à courir. J'suppose que, comme moi et comme l'instinct d'l'once me l'dictait, l'avait qu'une envie, c'était d'sortir d'ici, d'aller dans la nature, chez nous, pour courir, pour explorer. J'sais qu'on coura pas bien longtemps, les félins sont plus sprinters qu'endurants, mais j'm'en fiche. J'me lance à sa suite, mon pelage blanc tacheté de noir n'doit pas passer inaperçut, mais on est tellement rapides qu'on dirait plutôt deux flèches qui filent côtes à côtes vers le même but. J'aime bien c't'idée.

D'vant nous, une porte est ouverte. Génial. J'dépasse Gareth et j'm'y engouffre, le vent d'la nuit fouette mes sens, ma queue, démeusurée par rapport à celle du puma, battant l'air derrière moi, j'cours vers la forêt, vers chez moi. J'sais qu'y a pass d'humains dans les parages, assez proche pour nous voir j'veux dire, mon odorat, tout comme ma vue et mon ouïe, sont formels là dessus. Alors j'profite, tout simplement. J'sais que Gareth cours avec moi, j'le sens, j'le sais tout près. L'monde nous tend les bras, sauvage, même avec les hommes pour tenter vainement d'le domestiquer, et y'a les étoiles là-haut, qui nous surveillent toujours.

La vie est belle.

[ Oups désolé ^^' promis j'essayerais de ne pas recommencer =) ]


Gareth sentit l'once le dépasser lorsqu'il s'était encoublé. Il la regarda s'éloigner, mais se releva presque instantanément pour la poursuivre. Sa démarche, souple et légère, lui rappelait celle de sa soeur. Sûr d'elle et de sa différence. Tout le contraire de lui. Lui qui arrivait à peine à contrôler ses métamorphoses qui se déclenchaient la plupart du temps en échos à ses émotions, lui qui avait peur de rester fauve en écoutant les propositions alléchantes de son instinct de puma. Mais pour l'instant présent, il était fauve et n'écoutait presque plus ses pensées, mais les odeurs, les sons, les images. L'instinct.
Gareth rattrapa avec une aisance déconcertante Alphéa qui n'avait apparemment pas remarqué son absence. Tant mieux, il n'avait pas envie de lui donner une mauvaise image de son autre lui. Ils couraient côte à côte, comme deux traits d'énergie lancés à pleine vitesse. On croirait impossible de pouvoir un jour stopper leur course folle. Comme hypnotisés par l'appel de la forêt et des grandes étendues, ils couraient tout en essayant de rattraper le vent à coup de pattes sur le sol terreux. La brise légère de la nuit se faufilant à travers leur pelage d'hiver, le puma ne se souciait guère du froid pénétrant sur sa chaire. A plusieurs reprises, il avait failli reprendre les devants, mais la queue blanche de l'once lui barrait sans cesse le passage. Ils déboulèrent bien vite dans une forêt. La nuit devint encore plus sombre et Gareth aurait eu de la peine à se retrouver dans ses bois sombres s'il avait été sous sa forme humaine. En tant que puma, les sons et les odeurs lui indiquaient le chemin à suivre. Et il adorait cela. Le hululement d'une chouette lointaine le fit soudain lever la tête et il pu apercevoir les rayons de la lune filtrer à travers les feuillages des arbres centenaires. Elle était loin d'être pleine, mais était tout de même magnifique. Jamais aux yeux du fauconnier, la lune ne serait pas belle. La douce odeur d'un hêtre ou celle d'une marre à trodd. Il réussit à éviter de tomber dans l'une et de se heurter à l'autre grâce à son museau si performant. Gareth jubilait de plaisir face à cette nouvelle expérience, car les sorties nocturnes sous sa forme féline n'étaient jamais arrivées. Il n'avait jamais pensé à tester ce genre de chose. Pour le fauconnier, avoir rencontrer Alphéa avait sans aucun doute chamboulé sa vie et ses opinions. A présent qu'il savait ne plus être le seul à l'Académie, il était plus serein. Il allait sans doute moins faire attention et essayer de plus amples choses.

Les deux sprinters couraient encore, toujours sans but apparent. Gareth, qui commençait soudain à se lacer du sol boueux de l'automne, eut une idée qui le fit rugir de malice. Après avoir effectué quelques calculs mal assurés dans sa tête et après avoir repéré l'endroit approprié, il se jeta droit sur un arbre raide. Il laissa Alphéa continuer sa route alors que lui grimpait à une vitesse phénoménale l'écorce de l'arbre. Une fois arrivé en haut, il contempla le spectacle. Il leva sa grosse tête touffue vers les étoiles et rugit de nouveau, mais cette fois de bonheur. Il était heureux, tout simplement heureux. S'apercevant qu'il trainait, il commença sa nouvelle expérience qu'il voulait tenter cette nuit-là. Il jaugea la distance d'un rapide coup d'oeil et s'élança. D'un bond, net et précis, il atterrit sur la branche d'un arbre voisin. Le premier saut étant un test, il se stoppa après. Mais les seconds s'enchaînèrent rapidement. Ses pattes avaient instantanément pris leurs marques. En sautant de branches en branches, d'arbres en arbres, il arriva bien vite à la hauteur d'Alphéa et sans crier gare, il sauta devant elle pour stopper sa course. Les quatre pattes bien écartées, la tête plus basse que les épaules, il avait l'allure d'un chaton qui avait envie de jouer.

Les félins n'étaient pas des félins endurants, loin de là. C'était des sprinters, rapides, certes, mais pas endurants. Pourtant, il existait des choses plus fortes que de simples douleurs passagèrent et encore trop discrètes pour réellement gêner, voir même être perçues.

V's'avez déjà couru en étant humain, très très vite, et en être heureux? J'suppose que oui, tous l'monde a déjà essayé ça, surtout p'tit. Ben nous, on faisait pareil, mais en mieux. Oui, j'sais de quoi de parle, j'ai couru moi aussi quand j'étais p'tite, beaucoup même. Mais courir en étant félin, c'est pas pareil. C'pas comparable. J'étais heureuse au-delà de ce que vous pouvez imaginer. C'était une autre façon de ressentir le bonheur, mais c'en était quand même. Parce que je sentais ma force, mes capacités, parce que mes sens étaient merveilleux et m'offraient des informations captivantes, parce qu'un félin sait apprécier l'ivresse de la vitesse, parce que la forêt était mon chez moi, tout simplement. Et des raisons d'être heureuse, je peux encore vous en trouver. J'étais envie, j'étais avec un ami, mieux, quelqu'un comme moi même s'il était puma et moi once. De vrais animaux ne se seraient pas bien entendu vu cette différence d'espèce, mais moi, je savais. Le puma aussi savait, c'était l'essentiel pour que nos parties animales prennent le dessus et s'accordent à la perfection.

Courir dans la forêt, c'différent d'courir à découvert, mais j'préfère, même si l'idéal, c'est d'être sur un terrain en pente. En montagne. Ici, c'chez moi quand même. Le froid m'fait rien du tout, ma fourrure peut supporter des températures tellement plus basses! J'ai même chaud à force de courir. J'sens qu'Gareth est revenu à mon niveau. Grâce à mes sens, à ma vision aussi, j'me déplace sans problème entre les arbres. L'obscurité? Quelle obscurité? Les ombres n'en sont pas pour les félins. Aussi, lorsque le puma m'fausse compagnie, j'le remarque tout d'suite. J'le remarque, mais j'ralenti pas. J'le sais, j'le sens, y va revenir. Et puis j'l'ai entendu monter, j'ai entendi ses griffes faire gémir l'écorce, et puis j'l'ai entendu sauter. C't'une drôle d'idée, mais ça doit être sympa, surtout qu'les pumas comme les onces vivent dans l'même milieu, quoiqu'pas tout à fait à la même altitude. Donc on saute super bien. Alors que j'entends un rugissement derrière moi, j'décide d'essayer. Quand Gareth saute d'vant moi, je saute par-dessus lui. D't'façon, c'était soit ça, soit lui rentrer dedans, parce qu'l'était trop près pour que j'puisse m'arrêter ou l'éviter. Donc j'saute, haut, très haut. J'ai même pas besoin d'utilise les troncs, j'suis déjà sur une branche basse, et j'continue, plus loin, plus haut. J'ronronne aussi, pour lui dire que j'aime ça, que j'adore, que c'est une bonne idée. Les félins sentent la peur vous savez? Grâce à des hormones qu'on sécrètent à des endroits différents selon l'message à faire passer. Donc même sans exprimer oralement mon état d'esprit - et pensez pas qu'on a un vocabulaire limite, j'me débrouille mieux avec l'language félin et j'le comprend mieux que c'lui des humains - Gareth pouvait savoir.

J'baissais la tête pour voir si y m'suivait, et puis l'manque d'endurance des félins m'a rattrapé. C'dommage. J'ai l'habitude de courir, même transformée, et les humains, eux, y sont endurants. Mais trop, c'trop. J'choisi un arbre immense, l'identifie aussitôt comme étant un cèdre - énorme comme l'est aussi, y'avait pas beaucoup d'possibilités - et j'y grimpe encore plus haut avant d'm'arrêter. J'y peux rien, même avant d'découvrir ma partie animale, j'aimais les endroits en hauteur, et les prédateurs aussi. Et puis, c'l'idéal pour voir où est passé mon puma d'compagnon.

L'once sauta au dessus de Gareth. Ce dernier eut à peine le temps de tourner sa grosse tête qu'Alphéa était déjà sur la branche de l'arbre suivant. Son bond était impressionnant. N'ayant pas été souvent sous sa forme féline, il ne se contrôlait pas encore totalement. Chaque choc pouvait déclencher une transformation et il n'aurait jamais été capable d'effectuer un bond pareil. Il n'était pas assez sûr de ses pattes plus grosses, de sa queue qui l'encombrait et de sa nouvelle corpulence. Son équilibre n'était pas parfaitement maitrisé. La regarder se mouvoir ainsi, aussi naturellement, lui donnait envie de se surpasser. D'apprendre aussi. Apprendre comment se tenir, comment bondir, se mouver, courir, rugir. Un sentiment nouveau s'était insinué dans le cœur de Gareth, un sentiment qu'il n'avait jamais ressentit. Cette envie si intense de lui demander comment, cette envie d'être félin, d'être puma. Jamais ce sentiment ne l'avait envahit d'une telle intensité. Pourquoi aujourd'hui ? Pourquoi commençait-il à apprécier son autre part seulement aujourd'hui ? La regarder s'éloigner de plus en plus intensifiait son envie. Si intense. Si brulante. Était-ce à cause d'elle ? De leur rencontre ? De leur point commun ? Peut-être. Sûrement. Mais sous sa forme animale, les questions et réponses n'étaient pas importante. La seule chose dont le puma avait envie était de s'élancer à la poursuite de son amie.

Il n'avait pas bougé depuis sa descente de l'arbre et avait fini par perdre la trace de sa compagne d'once. Il humecta l'air lorsqu'il réussit enfin à repérer l'odeur féline qu'il recherchait, alors il s’élança à toute patte. La terre humide le ralentissait un peu. Il essaya donc une seconde fois de passer par la voie des airs, celle qu'il appréciait par dessus toutes. Il tenta de faire pareil qu'Alphéa, en un seul bond. Mauvaise pioche. Ses pattes, pas assez musclées, ne l’emmenèrent pas jusqu'à son but. Il rata la branche de peu et retomba au sol les quatre pattes en l'air. Un râle sortit de sa gorge lorsqu'il sentit son dos craquer sous le choc. Il resta là durant quelques secondes, puis se retourna d'un geste vif. Après quelques vérifications, le puma décida qu'il n'avait rien de casser, mais que le lendemain, il avait de bonne chance pour se taper de gros bleus dans son dos. Son tatouage allait se coltiner quelques couleurs.
Gareth n'allait pas baisser les bras aussi facilement, mais il ne retenterait pas l'expérience le même jour. Ce n'était pas le moment de se casser quelque chose. Vérifiant sa piste grâce à son odorat, il sauta sur l'arbre et de ses griffes acérées, il se hissa sur l'une de ses branches. De bond en bond, il suivait la trace de l'once. Elle était allée plus loin que se qu'il s'imaginait, car quelques minutes passèrent, mais toujours rien. Aucune trace de son amie. Et les choses n'allaient pas pour lui facilité la tâche, car l'odeur diminuait de plus en plus qu'il avançait dans les arbres. Quelques minutes passèrent et celle-ci avait complétement disparue. Il revint alors sur ses pas et la sentie de nouveau. Étrange. Où était-elle ? Il descendit de l'arbre en douceur et regarda aux alentours. Rien. Pas la moindre trace de son passage. L'odeur était encore présente, plus qu'autre part. Lorsqu'il compris qu'il n'y avait qu'un seul moyen de la retrouver, il rugit si fort qu'un couple de siffleurs s'enfuit d'un bosquet. Il espérait qu'elle allait l'entendre.