Visite de courtoisie (RP inachevé)

Un vent soufflait depuis le Nord vers l'Académie. Un vent qui était puissant et glacial. Cependant, il ne dura que quelques secondes, le temps de plier les branches de quelques arbres, d'agiter la surface du lac et de faire frissonner quelques Académiciennes légèrement vêtues se promenant dans le parc.
Ce mistral s'engouffra par une porte restée entrouverte, et tourna dans le hall. Par un hasard du destin, il n'y avait personne en cet endroit : tout le monde était soit en cours, soit dehors. En effet, ce soir d'été était doux, et même s'il était plus de dix-huit heures, le jour tardait à disparaître. En cela, cette brusque rafale de vent était désarçonnante.

Celle-ci continua à tournoyer dans le hall, créant comme une petite tornade qui, étrangement, ne faisait tomber aucun bibelot, n'ébranlait aucun cadre.
Petit à petit, elle se concentra sur le centre de la salle où tronait un majestueux tapis circulaire, qui ne bougea pas d'un poil. C'est fou ce que c'est bien élevé, un tapis. Surtout rond.
Plus cette tornade se rapetissait, plus elle s'opacifiait, prenant une forme. Bientôt, elle mesura moins de deux mètres de haut, et prit des contours peu communs. Ce fut vite une silhouette humaine qui apparut.
Pour tout dire, elle était assez étrange : cheveux longs et gris foncés, yeux noirs sans fond doublés d'un regard abyssal, membres fins et traits déliés... Des mains aux doigts longs et fins, un teint blanc comme la mort. Une réplique presque parfaite de l'apprenti marchombre Yaemgo. Personne n'était là pour voir cette apparition transparente, ce qui était en somme assez dommage étant donné que l'arrivée de l'apparition en question était de grande classe.

A présent, l'homme qui venait d'apparaître montait les escaliers du hall d'entrée. Il semblait d'ailleurs léviter à quelques centimètres au-dessus du sol plutôt que marcher.
L'apparition déambulait dans les couloirs, comme si elle connaissait parfaitement son chemin. Arrivé dans un cul-de-sac, elle traversa tout simplement le mur pour se retrouver dans un salle de classe dont elle sortit aussi sec par l'autre côté en passant au travers de la porte fermée.
En somme, c'est assez pratique d'être un fantôme.
Puis, enfin, l'homme arriva devant une porte. Fermée. Pas de problème. D'un souffle, il la traversa. Il arriva dans un bureau décoré avec goût, absolument vide.
Tant pis.
Il attendrait.
Il s'assit tranquillement à la chaise qu'occupait d'habitude Valen Til' Lleldoryn et l'attendit. Quelques minutes. Quelques dizaines de minutes. Aucune importance.
L'apparition était, il faut bien le dire, assez fière d'elle. Ce sortilège d'image était absolument fantastique, et son plan était au point. Cette fois-ci, tout était parfait.

Enfin, la porte du bureau s'entrouvrit. Ce moment tant attendu.

- Bonsoir, Valen, lança Lindörm. Assieds-toi, je t'en prie.

Il avait ajouté cela en désignant la chaise sur laquelle s'asseyait d'ordinaire les élèves qui s'apprêtaient à être punis, où s'était auparavant trouvé Yaemgo tant de fois.

- Ne t'inquiète pas, tu ne risques rien, voyons...

Un fin sourire s'étirait sur les lèvres iréelles du démon.

Après une journée bien remplie passée notamment à entraîner ses élèves de manière intensive, Valen revenait tranquillement à ses appartements afin d'y goûter la quiétude d'un bref repos. Déverrouillant la porte de ses appartements, il y entra et fut surpris de voir Lindörm, tranquillement assis sur le siège qu'il avait l'habitude d'occuper... Le demi-Faël aurait préféré croire à une hallucination, mais force était de reconnaître que ce n'en était pas une et que la situation était bien réelle... dans une certaine mesure.

D'après les apparences, l'entité maléfique n'était pas présente physiquement, ou alors c'est que le Maître d'armes ne comprenait à rien à cette apparence translucide inhabituelle chez Lindörm qu'il ne pouvait expliquer de prime abord que par l'emploi du Dessin. S'il se trompait, il le saurait probablement bien assez tôt... bien que cette pensée n'était pas des plus rassurantes. Valen demeurait ainsi aux aguets, en dépit de son apparence tranquille et détendue, car il n'avait qu'une connaissance très limitée et théorique du Dessin et car il fallait s'attendre à tout en présence de Lindörm. L'invitation de l'entité à s'asseoir, alors qu'il se trouvait dans ses propres appartements, était quelque peu offusquante, mais il ne fallait pas s'attendre à ce que l'apparition agisse autrement, si imbue de sa propre puissance... qui était bien réelle.

D'une voix froide, mais détendue, Valen répondit :

- Merci pour l'invitation, mais je suis très bien debout. Que me vaut le * plaisir * de cette visite, Lindörm?

- Que voilà une vaste entreprise, Lindörm. Nous serons évidemment disposés à t'accueillir avec tous les égards dûs à ta personne... en frêne ou en hêtre?

Le ton était ironique et sarcastique, l'attitude était clairement défiante, mais tout cela n'étaient qu'une façade derrière laquelle Valen scellait ses pensées. En vérité, il ne savait que penser des paroles de Lindörm. S'agissait-il d'un avertissement visant à faire régner la peur au sein de l'Académie? Après tout, qui serait suffisamment fou pour prévenir du jour d'une attaque? Lindörm pouvait être suffisamment dément pour cela, bien-sûr, mais c'était dur à croire. Une autre interprétation possible était que Lindörm cherchait à le tromper, à concentrer l'attention de l'Académie dans la préparation d'une attaque de manière à faire diversion et à permettre une quelconque action servant aux desseins de l'entité maléfique.

Il ne restait au demi-Faël qu'à masquer sa surprise derrière une bravade et à agir en conséquence, s'attendre à tout dans les jours à venir. Sur un ton badin, il ajouta :

- Il était très judicieux et courtois de ta part de nous prévenir aujourd'hui, Lindörm. Cela nous laissera suffisamment de temps pour faire l'acquisition de l'essence de bois de ton choix... pour le feu... Tu sais, le joli bûcher funéraire que tu n'as jamais eu et dont nous te ferons cadeau avec le plus grand plaisir!