Rencontre avec Dolohov Zil' Urain (RP terminé)

Des pas raisonnaient dans les rues d'Al-Poll, il en avait toujours été ainsi.
Le mentaï au cheveu blond imobile dans l'ombre écoutait la vie se dérouler sans lui, comme pour se rappeler son insignifiance, et le but de tous ses sacrifices qu'il avait choisi d'accomplir...

A droite, des pas gourds, lourds, hésitants... Un ivrogne probablement. En face, un frôlement d'étoffe, accompagné du bruit caractéristique des femmes qui portent des talons... noble ou fille de joie?
A l'ouest, plus loin, le tintement d'un grelot, suivit d'une cavalcade... des enfants qui jouaient avec un chien...
Derrière lui, un mur de pierre clair, ni plus haut ni plus solide que les autres, mais entretenu avec soin.
Un parfum de viande mijotant, de tabac et de vin semblait en émaner...
L'auberge du Siffleur, dont Dolohov était un habitué, était le repère le plus exposé de toute la gilde du chaos.
Tenu par un homme à la poigne de faire, issu d'un milieu roturier, dont le regard était sombre, et s'éclairait dès qu'un client montrait qu'il possédait de l'argent. Le mentaï le plus dangereux que Dolohov avait l'honneur de connaître.
Le plus vulnérable, aussi, mais rares étaient les mercenaires qui tentaient quelque chose contre lui: trop de relations, trop d'influence, trop de noms et de visages en sa possession...

Dolohov ferma les yeux, et respira l'air de la nuit.. une odeur iodée, entre douce et amère, entre canivaux bouchés et préparations culinaires... et cette petite nuance... ferreuse...
Les deux yeux gris s'ouvrirent sur la nuit, et son sourire s'effaça comme il était venu. Il n'était pas près d'une forge. Et aucun malfrat n'était en approche. Il inspira à nouveau, sur ses gardes...
Dans la nuit, un parfum de sang. Encore chaud, tout frais... de l'auberge.
Le poignard de sa manche descendit le long de son bras jusqu'à éfleurer le bout de ses doigts. Juste au cas où.
Quelques pas, où il était plus mentaï que nobliaud, mais qu'importait, la rue était déserte.
Un complot? Contre le tenancier? Quelle folie... Qui était l'andouille qui avait oser imaginer un truc pareil?
Il colla son oreille à la porte, et en entendant le cri de frayeur de ce qui devait être un bourgeois, il serra les dents.
Il y aurait des témoins... Ils allaient parler... Et on ne pourrait pas les faire disparaître sans suciter des questions. Saloperie de mercenaires inconscients... Si il y avait meurtre, et c'était le cas, il allait y avoir enquête. Questions. Soupsons. Il entra, hésitant à enfiler sa cagoule... Renonça. Il se ferait passer pour un noble en mal d'aventure sans trop de problèmes.
Ouvrit la porte, assomant un des hommes qui tentait de fuir d'un coup de tête bien placé. Ne pas laisser le moindre témoin lui échapper.
Dolohov constata avec plaisir qu'il n'y avait que deux autres témoins, ormis les cadavres, et surtout, qu'un des deux était tellement saoûl qu'il ne s'était pas réveillé. Le tenancier secouait la tête, une de ses mains crispée sur le comptoir.
Et puis, elle, les yeux fous, les traits délicats, malgrés le sang qui les maculait, la robe bien coupée... rouge de sang, elle aussi.

Le mentaï se redressa, lame à la main. Elle le regardait, le dévisageait, même... Semblait calmée. Regard au tenancier, qui s'aprochait d'elle à son tour... La jeune femme se releva, essuyant machinalement son visage.

-... Slynn? , osa t'il demander après un petit temps à l'observer, autant par curiosité que par envie de distraire l'attention de la meurtrière, au cas où le tenancier tenterait quelque chose.

Slynn... à ce nom, Beitiris fusilla Dolohov du regard et, dans une pulsion meurtrière soudaine, elle projeta sa dague qui manqua de peu le Mentaï. Avec une voix difficilement maîtrisée, elle s'exclama :

- Ne... prononcez jamais son nom! Jamais...

Une profonde démence illuminait son regard. Dans un mouvement d'hystérie, elle renversa la table. Ses mains, crispées sur la poignée de son sabre, étaient agitées de tremblements. Progressivement, elle reprit le contrôle d'elle-même. Son esprit redevenait clair, sa vision perçante et pénétrante. Elle était redevenue la jeune femme intelligente et brillante qu'elle connaissait dans ses moments de lucidité. La psychopathe... Beitiris Ar' Kriss ne le connaissait pas. C'était une autre personne... ce n'était pas elle... ce ne pouvait l'être.

- Dolohov Zil' Urain, je présume? Je suis celle que l'on nomme la " Dame rouge " et vous me connaîtrez seulement sous cette identité. Ai-je été claire sur ce point?

Beitiris avait repris instinctivement ses manières et son masque d'aristocrate autoritaire et hautaine. Elle ne le cédait devant personne... non, personne. Pas même... Elle! Pourquoi penser à elle déclenchait-il des sentiments aussi dévastateurs? Une fois encore, elle lutta pour garder le contrôle d'elle-même. Elle ne sombrerait pas... elle ne redeviendrait pas cette étrangère!

Ce n'était pas Slynn. Mais "ça" y ressemblait fort.
La femme était plus agressive, ses yeux plus fous, ça beauté tout aussi parfaite que celle de son ex camarade de classe...

Mais ils ne s'entendraient pas. C'était la seule vraie certitude de Dolohov à cet intant où il avait évité le poignard volant de la belle dame à l'expression sauvage. "Ca" était formée au combat, toute sa musculature le démontrait. Etrangement, le tenancier de l'Auberge sorti, et Dolohov entendit nettement le verrou derrière lui.
Formée au combat et dans les petits papiers du tenancier. Ca ne laissait qu'une possibilité: elle était mercenaire.
Qui avait pu être assez fou pour laisser une furie pareille arpenter la voix du chaos?
Quelle folie... Ce maître devait être mort, maintenant, pour son inconscience. Ou vraiment, vraiment très puissant.

Elle n'apréciait pas Slynn, ou du moins, son nom. Ses yeux à cet instant ressemblaient à deux puits noirs et profondes, illuminés d'une hystérie démesurée. La table valsa dans les airs, et l'héritier des Zil'Urain comprit pourquoi le bourgeois avait l'air aussi affolé. La demoiselle était réellement impressionnante...

Elle sembla reprendre le contrôle sur elle même, redressa son dos, laissant les bougies de la taverne éclairer ses traits fins et agréables à regarder, et ses yeux redevenus froids...
Ca, c'était au minimum une noble. Une noble aux crises d'angoisses dévorantes qui la rendaient sanguinaires, et qui, très probablement décuplaient ses forces.
Mentalement, Dolohov remercia son maître de lui avoir appris l'observation et l'art de la déduction de chacun des gestes...

Elle avait un ton froid et supérieur qui attira au mentaï un sourire de pure ironie. Une femme ne surpasserait jamais un homme. Encore moins une femme sans raison.
Cependant elle connaissait son nom. Et ça.. ça risquait de lui coûter la vie dans les plus brefs délais. Dolohov ne pouvait plus s'encombrer d'ennemis dangereux, encore moins d'amis arrivistes. Le tenancier allait lui payer ça.

-Dame Rouge... oh. C'est donc vous... C'est amusant, je vous imaginais plus discrète. Moi noble. Une bouchère comme on en rencontre dans les marchés, nargua t'il.

Il fallait provoquer une autre crise. Ca passerait inaperçu, s'il parlait de légitime défence. Il ne pouvait pas se permettre qu'un autre vivant sache son nom. Surtout pas une mercenaire.

-Vous avez été plus que limpide, mais malheureusement... Je pense que je connais déjà... votre nom de famille tout au moins. L'ironie, c'est que la personne avec qui je vous ai confondue... ne m'a jamais parlé de vous. A croire qu'elle aurait eu honte d'être parente avec une... légende de votre pointure... Qui vous envoie, Dame Ar' Kriss?

Une provocation... subtilement lancée, mais une provocation quand-même. Il s'en fallut de peu pour que Beitiris déchaine toute la puissance de son don sur ce vil serpent, mais elle parvint à se contenir. Sa main crispée sur la poignée de son sabre rengainé ne demandait qu'à décapiter la tête de cet homme tant réputé parmi les Mentaïs. Toutefois, elle sentait que sa maîtrise d'elle-même s'effritait doucement...
Son regard noir, haineux, terrifiant dévisageait Dolohov Zil' Urain. Elle ne devait pas faillir, elle avait une mission à mener à bien :

- Je vois plus clair en vous que ne le penseriez, Dolohov Zil' Urain... En d'autres circonstances, vous seriez mort pour avoir osé parler d'elle. Que votre égo ne vous abuse point, vous seriez bel et bien mort...

Concentration. Il lui fallait se concentrer sur sa mission. Le Maître serait mécontent si elle le tuait. Ne pas céder à la colère, ne pas sombrer dans la folie. Elle se vengerait de cet homme plus tard. Oui, plus tard...

- Vous le connaissez, Zil' Urain. Vous le connaissez même assez bien. Il n'aime pas les rumeurs qu'il entend à votre sujet, il n'aime pas vos plans qu'il devine. Vous allez devoir répondre de vos actes, Zil' Urain, et je suis là pour assurer que vous le fassiez.

Dolohov se mit à rire. Haut et fort, il fallait qu'elle craque. Elle l'avait repéré, et c'était vraiment dangereux. Ca signifiait qu'une alliance de maître était rompue, qu'il faudrait remodeler son réseau d'indicateurs, peut-être faire le ménage parmi les anciens, et surtout, surtout, faire pendre haut et court celui qui lui cherchait des crosses. Qui qu'il soit.

-C'est ça, Femme. Je serais mort. Et bien, je les attends, les autres circonstances, je suis sûre que Slynn me sera grée de répendre ton sang. On fêterait ça comme il se doit, acheva t'il avec un sourire carnassier.

Il s'approcha, fanfaron faussement démuni, conservant son sourire. Ah, elle résistait, la demoiselle... Il se retrouva face à elle, à moins d'un mètre, la défiant du regard.

-Qu'il vienne, Ar Kriss, je l'attends. Je ne crains personne. Quant à mes actes, je pense pouvoir affirmer qu'étant sain de corps et d'esprit, Moi, je peux agir librement. Libre à lui de me suivre ou pas... Le chaos a tant de voie en son sain. S'il souhaite rester dans l'ombre, mais qu'il fasse. Ou qu'il me rencontre, je saurais le convaincre. Excusez d'avance ma cavalerie, mais, je préfère que mes mots ne soient pas travesti par une vulgaire exécutante.

Il crut la voir lutter avec plus d'acharnement sous les insultes, et ne put qu'admirer ce maître, qui était parvenu à la charmer au point qu'elle contrôle ses pulsions les plus primitives.

-Quant à mes actes, je peux te promettre que si j'agissais, ou avais déà agi, tu en serais ravie... Allons, pi des plaisanteries vaseuses. De quoi espère t'il me faire répondre, l'Idiot? Il ne souhaite quand même pas se fâcher avec le Puissant?

En dépit de toutes ses provocations, Beitiris voyait clair dans le jeu de Dolohov et cela l'aidait beaucoup à rester lucide et à se concentrer sur sa mission, telle qu'elle en était capable jadis. Comme Slynn, Beitiris avait une intelligence acérée et des années passées au service des mercenaires du Chaos l'avaient rendue particulièrement retorse. Elle avait un don puissant, mais elle ne raisonnait pas comme une dessinatrice. Elle ne s'était jamais sentie être une dessinatrice... sa folie et l'amertume qui en avait résulté lui avait enlevé tout ce que pouvait ressentir une dessinatrice en se plongeant dans les Spires. Son don n'était qu'un outil... jamais elle n'atteindrait la puissance et la plénitude de Slynn dans le Dessin.

C'était une chose qu'elle avait apprise il y a longtemps. Beitiris était devenue la main de son maître, l'épée qu'il employait pour servir sa haine et la noirceur de ses plans. Beitiris n'était plus qu'une âme torturée depuis fort longtemps... un outil idéal. Sa folie était une arme redoutable, de même que sa redoutable intelligence lorsqu'elle était lucide. Sa beauté et ses manières aristocratiques forçaient le respect... quand sa folie ne répandait pas la terreur. Son maîtrei, si mauvais soit-il, lui avait donné une chance de vivre telle qu'elle était et elle défendrait ses intérêts jusqu'à la mort. Et quand Dolohov insulta son maître, Beitiris libéra ses pulsions...

Elle frappa. Dolohov s'y attendait, et elle le savait. Il bloqua l'attaque, mais elle s'était approchée suffisamment pour frapper vive comme un serpent avec son genoux. L'enseignement de Valen Til' Lleldoryn, si incomplet fut-il, portait encore ses fruits : une première attaque pour distraire, une deuxième pour frapper. Elle amorça une manchette et frappa le Mentaï à la tête. Profitant de son flottement passager, elle exécuta un pas sur le côté pour l'amener devant son maître. Elle ne l'avait emporté que par chance, et elle le savait... mais sa mission était remplie. Dolohov Zil' Urain rencontrerait son maître.

==> Les marais d'Ankaï