Requiem (RP inachevé)

Elle est partie tôt ce matin, tirée du lit par le pâle soleil. Une aube de plus. Insipide. Il est temps d'y mettre fin. Les pieds glacés, elle a atteint le pied des Montagnes. Un bel endroit pour dormir.

Les journées se succèdent, un voile gris tiré dessus. Le soleil n'a plus le même éclat, le vent n'est plus si délectable, la lune ne l'enchante plus, la neige ne l'émerveille plus autant. Sa vie n'est plus celle qu'elle aurait aimé avoir. Et ça la dégoûte. Ca la perturbe. C'est préoccupant...Autant finir cette mélodie discordante sur une note mélodieuse.

Mélodieuse par l'acier, harmonieuse par le tranchant d'un fer. Elle aurait aimé le faire elle-même, mais elle n'a pas d'arme, elle n'est pas devenue guerrière, comme elle le voulait, sinon, c'est sur le fil de son propre sabre que se seraient achevés ses jours.

Le ciel couleur perle annonce l'hiver. Elle a envie de le rejoindre. Tout doit être si beau là haut, si clair, si pur...Ensuite...Ensuite elle ne sait pas, elle tremble, un peu, mais elle est par ailleurs si curieuse...Ce ne sera absolument pas terminé. Ce ne sera que le début. Un début des plus radieux. Elle a hâte...

Elle a grimpé sur quelques mètres, dans les Montagnes, jusqu'à trouver le bon endroit.
Elle s'est assise au pied d'un gros rocher, arrondi, doux, juste comme il faut. Et, de chaque côté, un arbre ploie, chacun vert et vigoureux, magnifique dans les premières plaques de neige de la saison.
Oui, c'est le bon endroit.
C'est ici qu'elle veut dormir.
Au moins, sa mort aura été belle.
Mais il ne manque plus qu'une couleur, pour compléter le vert des feuilles, le blanc de la neige, le gris des troncs.
Le rouge.
Le rouge du sang.

Alors, Silhila attend.
Il ne manque plus que le porteur de sa mort, et tout sera parfait.


Elle est partie tôt ce matin, tirée du lit par le souffle de la mort qui l'appelait. Une aube de plus. Insipide. Bientôt, ce sera fini. Le corps glacé, elle a atteint l'écrin qui accueillera son corps. Un bel endroit où elle dormira bientôt.



Elle a attendu, longtemps, seule, de plus en plus glacée.
Elle a attendu un porteur de sabre, un porteur d’épée et de courage pour la manier jusque dans son cœur, mais il n’est pas venu.
Elle a attendu longtemps, et, par-dessus le goût fade que goûtait son esprit, un autre sentiment s’est éveillé.
Le ressentiment, la rancœur.
Elle n’a rien pu faire.
Il l’a possédée…
Elle n’a plus le courage d’attendre, sinon, elle craquera. Elle se vautrera dans la bassesse de ses gémissements, elle pleurera, elle deviendra folle…Ca, elle refuse.
Elle veut une belle mort.
D’ailleurs, pourquoi attendre un porteur de lame, lame qu’elle n’a jamais eu le droit de tenir entre ses doigts ?
Elle est haute, la place où elle se tient.
Finalement, elle ne dormira pas dans la neige, au creux des bras des arbres jeunes.
Ce sera en bas.
Beaucoup plus bas.
Dans la rivière bouillonnante.
Alors elle se lève, elle marche, mais ce n’est plus le souffle tiède de la vie qui l’anime, mais la détermination glaciale qui précède la mort. Elle n’est qu’un pantin, une marionnette aux fils tirés par Dame la Faucheuse.

La roche est froide, la pierre est sèche. Le vent aussi. Il hurle. Il fait peur.
Si peur…
L’angoisse la saisit. Si elle attend encore quelques secondes avant le saut, elle n’en aura plus le courage. Ses larmes entailleront ses joues blêmes.

Elle fixe les profondeurs. Elle chancelle, une vulgaire poupée de chiffon dans le vent violent.
Au bord de la falaise, elle vacille…
Un pied, d’abord. Le gauche. Qui tâte le vide, puis chute.
Brutalement.
Puis le droit, qui s’enfonce, qui n’a pas le temps si précieux de l’imiter.

Un cri de surprise lui échappe.
Elle n’a pas le temps de détailler la pierre, l’eau tumultueuse se rapproche trop vite.
Chute vertigineuse.
Une seconde après, l’impact de son corps sur les plus bas rochers.

Puis, un choc.
Violent.

L’eau qui déchire.
La roche qui broie.
Le cri étouffé par l’écume.
Et déjà, elle ne se rend plus compte qu’elle ne parvient plus à respirer.
Elle n’est plus.

Lirys courait dans les montagnes, cherchant à se ressourcer de ces quelques émotions. Elle en avait eut ces derniers temps...

Elle s'approcha d'une corniche et entama la descente de la paroi. Elle s'arrêta sur un renfoncement et observa le paysage. Des monts enneigés à perte de vue offraient un panorama idyllique. Des chants d'oiseaux et d'animaux des montagnes résonaient dans les crevasses multiples. De la joie et du bonheur partout. Quelle horreur.
Détournant rapidement la tête, la jeune fille continua sa descente. Arrivée à une dizaine de mètre, elle plongea dans une rivière glacée, à un endroit où l'eau était plus profonde. Alors qu'elle nageait lentement dans les profondeurs obscures, une chose étrange vint à ses pupilles. Elle remonta rapidement sur la berge et observa ses vêtements. Ils étaient devenus bordeaux, et l'eau avait une étrange teinte rouge.

Elle s'approcha donc du rivage et plongea de nouveau dans ce liquide rouge et étrangement âpre.

***

Remontant quelques minutes plus tard, elle portait quelque chose dans ses bras. Revenant en urgence à l'Académie, elle entra dans l'infirmerie et déposa le corps de la jeune fille sur un lit...

.

L'âme de Lindörm volait dans le ciel, simple concentré de lumière noire en suspension. Une âme pure...
Sachez-le bien. Une âme de démon est pure...
Purement démoniaque, purement noire, purement maléfique.
La pureté n'existe pas réellement, elle n'est que l'apogée d'un des deux côtés...
Ainsi donc, dans le ciel crépusculaire, une âme volait. Le Démon avait l'habitude de ce genre de pratique, et avait déjà de l'expérience dans la projection et le maniement de son esprit pur.
Il pensait être le seul à pouvoir faire une chose pareille, le seul à pouvoir se déplacer ainsi, et explorer des horizons inconnus à ce jour par le commun des mortels, des immortels et des morts.
Quelle ne fut pas sa surprise, alors, de voir l'âme d'une jeune fille, intacte, s'avançant vers l'immensité du firmament.
Sa vue de Démon lui permit de voir un corps disloqué, en bas, dans l'eau d'une cascade.
Ses yeux s'ouvrirent en grand, passant du corps mort à l'âme en train de s'élever.
Et son âme était intacte ? Elle était morte dans des conditions pareilles, et son âme n'avait pas changée d'un pouce ? Il avait vu de nombreux mortels se diriger vers lui, dans les bras de Thanatos...
Mais jamais, jamais dans un état pareil, aussi bien "conservé.
Une idée germa dans son esprit... Noire comme la mort, vicieuse comme le poison...
Quelques centièmes de secondes, et déjà il était à côté de l'âme s'élevant, invisible. Simplement démoniaque, une voix glaciale vibrant et s'infliltrant dans l'esprit de l'esprit.

* Viens... *

La progression de l'esprit de la jeune fille en fut ralentie, mais pas stoppée pour autant. Invisible aura, le démon la suivait.

* Viens... Je te montrerai la voie... *

Léger ralentissement dans la progression, à nouveau.

* La Mort... La vraie Mort, celle que tu connais, celle qui est contée dans les livres... Ce n'est pas ce que tu crois... *

Les mots s'enchaînaient, glissant dans l'esprit même de la jeune fille.

* Une étendue noire et infinie, de souffrance, d'immobilité et d'ennui... *

Il se concentra sur le corps et l'âme de la jeune fille, faisant défiler sa vie.
Une fin de vie troublante... Cette jeune fille semblait se nommer Silhila. Bon à savoir. Apparemment, sur un coup de tête, plus rien ne l'émervellait, ce qui était pour le moins singulier. De plus, elle avait longtemps combattu la Mort, avant de s'y abandonner...
Une âme puissante, suffisament troublée pour être manipulée sans aucun problème...

* Tu ne sais pas dans quoi tu es partie... Je t'offre une dernière chance, Silhila. Rejoins-moi, et tu pourras vivre à nouveau. Le pouvoir, la richesse et la gloire s'offriront à toi... Tu ne seras plus jamais une misérable gamine, simple jouet entre les mains de directeurs ou de Maîtres plus puissants que toi... Je te ferais surpasser les Maîtres, soulever les montagnes, vider les fleuves... Je te ferai revivre, si tu t'abandonnes à moi... *

Sa voix, s'inflitrant dans l'âme, tel un poison doux-amer dans le sang d'une future victime...

[ PS : pour ceux qui savent regarder, ce message est bourré d'allusions Trichelieuses, plus ou moins voulues. Je vous demanderai donc d'en faire abstraction pour tout message pouvant donner suite à celui-ci, et ne prendre tout ça qu'au premier degré ! ]