Prendre de la hauteur

Ly marchait d'un pas rapide vers la montagne. L'après-midi, elle avait trouvée une missive de Varsgorn, lui demandant de le retrouver là, à la même heure que le cours précédent. Ne sachant combien de temps durerait le voyage, elle était partie assez tôt. Ly avait bien fait, car finalement, elle s'était souvent arrêtée pour ne pas être fatiguée au cours, bien sûr.

Le sourire aux lèvres, elle arriva enfin au pied des montagnes. Elle provoqua un craquement en marchant sur une branche, et aperçut Varsgorn qui lui souriait. Elle s'avança plus rapidement. Le couteau offert était caché dans une de ses bottes. Elle avait trouvé un système pour ne pas se blesser, quand même.

Ly leva son regard sur la montagne. De tout son coeur, elle espérait ne pas avoir à la monter... Espoir qui fut détruit dès qu'elle posa le regard sur les cordes.

- On va grimper ?

Pas qu'elle en avait pas envie, hein. Elle en avait pas envie, c'est tout. Elle était un peu découragée à l'avance. Elle jeta un regard à Varsgorn, puis elle se souvint du cours précédent. L'observation des étoiles, et de la Lune. Ly sourit. Jamais elle ne pourrait être plus près des étoiles qu'un gravissant la montagne. Elle prit son courage à deux mains, et se tourna vers son maître.

- Je suis prête, dit-elle courageusement.

C'était bien Enelye qui se trouvait devant lui. La première chose que Varsgorn fit, ce fut une étude de son apprentie. La dernière fois qu'il l'avait vu, il lui avait offert un couteau. Cette observation attentive allait lui servir à voir s'il portait son arme sur elle ou non. Il ne le vit nulle part. Il n'était pas à sa ceinture mais ça ne voulait rien dire. Varsgorn, lui, avait des couteaux partout. Deux à chaque bottes. Très petit, histoire d'être totalement invisibles. 5 au niveau de son épaule gauche. Etant droitier, il pouvait s'en emparer sans difficulté. Le reste de ses couteaux était sur sa ceinture. Il y en avait exactement 10. Ce qui montait le nombre de ses armes de jet à 17. Il se vantait souvent d'avoir 20 lames sur lui en permanence. Ce n'était pas un mensonge. Il avait trois armes de plus sur lui. Une épée pour les combats au corps à corps ainsi que sa greffe. Les deux lames au creux des poignets. Il était une machine à tuer. Un assassin aux multiples facettes.

- On va grimper ?

La moue sur le visage de la jeune fille fit clairement comprendre au mercenaire qu'elle était moyennement tentée par ce programme. Peu importe ce qu'elle pensait, Varsgorn la pousserait. L'apprentissage servait à aller dans ses derniers retranchements. Repousser ses limites.

- Je suis prête

Cette fois-ci, le courage de la jeune fille avait reprit le dessus. C'était assez incroyable de voir le changement de sentiment. Ca tranchait avec cette moue qui l'avait vu quelques instants auparavant.

- Oui, on va grimper. On recommencera surement la prochaine fois. Au départ, tu auras cette corde pour t'aider et éviter que tu te tombes. J'ai pas envie de perdre une jeune apprentie comme toi.

Il ne parla pas de l'autre exercice. Un nouveau cours de combat avec des batons de bois.

- Allez, en route jeune fille. Il est l'heure de se rapprocher des étoiles.

Il conduisit Enelye vers la corde, qu'il attacha solidement autour de la taille de l'apprentie.

- Passe devant, je te suis.

Enelye avait commencé son escalade. Varsgorn avait attendu un peu avant de la suivre. Il ne voulait surtout pas la gêner dans sa progression. Le mercenaire vit son apprentie monter avec difficulté. Quand elle se retourna, il décida de changer de manière de grimper. Il allait escalader en même temps qu'Enelye, juste à côté d'elle. Il la rejoignit très rapidement.

- Ne regarde pas en bas, tu risques de prendre peur. C'est comme dans la vie, toujours regarder devant, jamais en arrière.

Varsgorn marqua une pause.

- Je vais monter à tes côtés. Dès que tu as un problème, dis le moi. Allez, on y va.

Ils recommencèrent leur escalade. Elle dura de longues minutes. Varsgorn s'arrêta plusieurs fois pour observer son apprentie. Elle était concentrée sur son objectif à atteindre. Tant mieux. Ils arrivèrent enfin en haut, seul le ciel étoilé et la lune était au dessus de leur tête.

- Alors contente d'être enfin arrivé? La vue est magnifique, tu ne trouves pas?

Enelye était légèremment essouflé, ça se voyait. Varsgorn ne put s'empecher de sourire. Il avait cherché cet état de fatigue pour passer à l'étape suivante: un petit combat alors que la jeune fille était essouflée. Les bâtons tronaient par terre, c'était impossible qu'elle ne les voit pas.

[désolé, c'est court, j'avais pas trop d'inspiration]

Varsgorn regarda Enelye dans le plus grand des silences. Il écouta ses foudres, la regarda tenter de briser le bois. Quand il la vit s'asseoir au loin et de refuser le combat, il décida d'intervenir. Il déposa son propre bâton et il s'approcha de son apprentie.

- Je n'appelle pas ça un échauffement. Je voulais que tu uses tes forces dans l'escalade. Ce combat fait partit de l'entrainement. Penses-tu qu'un ennemi attendra que tu retrouves tes forces pour se battre contre toi? Au contraire, il fera tout pour que tu sois faible face à lui. Je t'ai promis une chose, c'est de faire de toi une personne puissante. Si tu veux toujours le devenir, tu devras te battre. Ce n'est pas en repoussant les difficultés que tu arriveras à ce but.

Il s'asseya à ses côtés et il reprit la parole:

- L'apprentissage nécessite des sacrifices. Tout le temps que tu me suivras, tu devras repousser tes limites. Ca ne te plaira pas toujours mais c'est ainsi. A la fin de ton apprentissage, tu n'auras plus ce problème. Ton corps sera endurci.

Il marqua une pause avant de reprendre.

- Tu es une dessinatrice, je sais que tu n'es pas porté sur l'art du combat. Le danger est partout, tu le sais. L'attaque des Raïs l'a prouvé. Je peux t'apporter la puissance nécessaire pour te défendre en tout temps. Maintenant, tu peux toujours t'en aller. Je ne te retiens pas.

Enelye s'était ravisée. Varsgorn en fut assez surpris. Il s'était attendu à devoir parlementer encore et encore pour la convaincre de suivre ce qu'il disait. Décidément, cette petite l'étonnait à chacune de ses rencontres. Elle semblait vraiment déterminée et c'était plaisant à voir. Bien, vu qu'elle était décidé, il ne fallait pas traîner. Il se leva et il reprit son bâton.

- Je préfère te voir ainsi, jeune apprentie.

Il se mit face à Enelye avant de reprendre.

- J'espère que tu n'as pas oublié ce que je t'ai appris la dernière fois. Aujourd'hui, pas de nouvelles choses à apprendre. La seule chose que tu vas découvrir, c'est tes limites. Je me doute que ton escalade t'a fatigué. Ainsi, tu vas découvrir ce que c'est de se battre dans un état de fatigue. Dans une guerre, tu affronteras des ennemis sans relâche même après plusieurs minutes de combat intense.

Il défit sa cape pour ne pas être gêné dans son duel.

- Heureusement pour toi, tu es dessinatrice. Les combats se tiendront normalement loin de toi. Ce que je t'enseigne, tu l'utilisera certainement en cas d'extrême nécessité. L'horreur n'a pas besoin de contaminer ta mémoire. Allez, assez palabré, il est temps de combattre. Je te laisse l'opportunité du premier coup.

En retirant sa cape, il avait aussi libéré son visage. Son visage zébré d'une cicatrice au dessus de sa lèvre. Ses cheveux coiffés en petit catogan était aussi offert à la lumière bienfaitrice de la lune. Enelye allait peut-être être étonné de voir le véritable visage de son maître. En le suivant, elle lui avait prouvé sa confiance, il pouvait très bien montrer qui il était vraiment.

Ly marchait, s'en voulant encore. Mais apparemment, son maître n'avait pas relevé sa façon de parler. Tant mieux. N'empêche qu'elle s'en voulait. Mais elle lui en voulait également. C'était que le deuxième cours ! Elle soupira, créant de la fumée dans l'air froid. Oui, en plus, il faisait froid, et la dessinatrice ne s'était pas du tout préparée à cette éventualité. Elle avait sa cape, bien sûr, roulée en boule un peu plus loin. Mais ses cheveux de la dessinatrice s'étaient libérés, et elle ne comptait pas les rattacher. De toutes façons, elle avait perdu son ruban. Et puis, les cheveux réchauffaient son cou... Le bâton lui entaillait les mains mais cela lui importait peu. Elle regarda son maître.

Varsgorn s'était levé assez vite, pour aller chercher son propre bâton. Il semblait étonné. Ly avait-elle abandonné son idée trop vite, finalement ?
Il lui parla et elle l'écouta, hochant la tête de temps en temps. Et il enleva sa cape.
Ly se mit alors à dévisager son maître. Non, ça ne se fait pas, c'est vrai. Mais que voulez-vous, Ly ne l'a jamais vu... Toutefois, ce qu'elle remarqua tout de suite, ce ne fut ni ses yeux noirs, ni ses cheveux bruns, ce fut la cicatrice qui se trouvait juste au dessus de sa bouche...

- Qu'est-ce que vous avez, là ? dit-elle en désignant l'endroit avec son doigt.

Son étonnement l'avait fait reprendre son vouvoiement. Ce n'était pas volontaire, et elle ne s'en était pas rendue compte sur le moment. Elle ne s'était pas non plus rendue compte qu'elle venait d'interrompre son maître dans son discours, puisqu'elle ne l'avait pas écouté. Elle n'était plus du tout dans le combat. La dessinatrice était concentrée sur la cicatrice de son maître. Elle avait même légèrement froncé ses sourcils.

Comment pouvait-il s'imaginer qu'elle ne s'occupe pas de cette cicatrice? C'était évident qu'elle poserait la question. Que faire maintenant? Mentir? Dire qu'il a cette cicatrice depuis longtemps? Non, il ne pouvait pas ajouter un autre mensonge. Il en avait dit suffisamment depuis qu'il la connaissait. Mais il ne pouvait pas non plus dire toute la vérité. Il s'était battu contre une marchombre. Il perdrait la confiance d'Enelye s'il avouait tout. Bien, il devait la jouer malin.

- Avant de t'en dire plus sur ma cicatrice, j'aimerais te rappeler une chose: tutoie-moi. Je ne suis pas l'un de tes stupides professeurs de l'académie. Recommences et tu peux être sûr que je te ferais suer sang et eau.

Il avait dit cette dernière phrase avec ironie. Il espérait qu'Enelye l'avait compris.

- Pour ma cicatrice, c'est ce qui va t'arriver si tu t'entraines pas assez. Je me suis battu, j'ai récolté cette blessure mais crois-moi que je n'ai pas laisser mon agresseur partir comme ça. Je l'ai blessé et ça grâce à mon entrainement. Maintenant, je te propose une chose, on continue l'entrainement ou tu souhaites encore discuter?

Il lui laissait le choix. Il sentait qu'elle n'avait pas envie de se battre. Le combat en état de fatigue pouvait attendre quelques jours. Après tout, ils allaient être ensemble de nombreux mois, ils auraient le temps de se battre encore et encore.

Enelyë réfléchit un instant, regardant la Lune et les étoiles. Elle hésitait. Combattre lui permettrait de se défouler, mais elle n'en avait pas vraiment envie. Parler, par contre, était plus intéressant.

- J'veux qu'on parle.

Ordre ? Demande ? Un peu des deux, sans doute...
La dessinatrice s'assit, sans cesser de fixer le ciel et ses astres nocturnes. Son observation stellaire lui rappela des souvenirs, des moments magnifiques passés avec son père...

- Au départ, je voulais pas intégrer l'Académie. C'est mon père qui m'y a forcé.

Enelyë n'avait jamais parlé de cela, même lorsqu'il lui avait demandé de raconter son histoire. Elle avait volontairement laissé certains passages dans l'ombre.
Pourquoi elle racontait cette histoire maintenant ? Elle n'en savait rien. Elle en avait envie, et cela suffisait...
Elle lui raconta donc pourquoi son père l'avait laissé à l'Académie. A cause d'une plume, d'un dessin. Le "Je te déteste" qui avait fusé sans qu'elle n'ait pu le retenir. Et puis, ce soir-là, après sa discussion, les larmes, le soir où ils s'étaient rencontrés.

Non, pas ce passage-là. La voix de la Corbac resta un instant bloquée dans sa gorge.
Si. Elle reprit. La plume. Une simple plume, qui avait pourtant causé ses larmes. Des larmes qui l'avait empêchée de retourner au dortoir. Une plume qui lui avait fait rencontrer son maître.

- Je n'ai jamais connu ma mère, murmura-t-elle.

Enelyë s'allongea, mettant ses mains derrière sa tête. Elle aimait regarder les étoiles dans cette position. Elle jeta un coup d'oeil à Varsgorn.
Elle soupira puis reprit. Elle savait qu'elle allait se remettre à pleurer, mais tant pis.
Les larmes donc, causées par cette simple plume. La douceur de la plume lui avait probablement rappelé un souvenir, une première et dernière caresse de sa mère avant qu'elle ne meure. Cette mère dont si souvent, elle avait imaginé le visage...
Sa voix dominait les autres sons, du souffle du vent jusqu'aux respirations sifflantes des deux personnes assises en haut de la montagne.

Combien de temps avait-elle passé à parler ? Il lui semblait que tout s'était arrêté, que tout restait en suspens pendant son récit.

- C'est pour ça que j'ai pleuré... Et que je pleure encore, d'ailleurs, remarqua-t-elle.

Elle n'essuya pas ses larmes. Elle sourit. Elle se rassit en tailleur, et regarda Varsgorn. Il ne l'avait pas interrompu une seule fois pendant son histoire.

-J'aimerais bien connaître ton histoire, aussi, dit-elle en souriant toujours.

Oui, il avait gagné sa confiance.

Elle avait choisit de discuter au lieu de s'entraîner. Bien, ça ne posait aucun problème à Varsgorn. En y réfléchissant bien, le mercenaire se disait qu'il avait tort de précipiter les choses. Ils ne se connaissaient que depuis 3 jours, ils avaient largement le temps d'enseigner. Après tout, Varsgorn n'avait pas donné de limite de temps pour cet apprentissage. Enelye s'installa et elle se mit à parler d'elle. Varsgorn ne put dire un seul mot. Il écoutait son apprentie. Elle lui racontait sa vie sans rien omettre, lui avouant même la raison de ses larmes lors de leur première rencontre. Le mercenaire n'en revenait pas. Il n'aurait jamais pensé obtenir la confiance d'Enelye si rapidement. Quand elle lui demanda sa propre histoire, Varsgorn se rapprocha d'elle et il s'installa à ses côtés. Le mercenaire allait lui aussi raconter son histoire en omettant bien entendu le passage de l'Harmonie au Chaos.

- Mon histoire est fort simple. Je suis le fils unique d'une famille noble et fortunée. Je n'ai jamais manqué de rien mais je n'étais pas pleinement heureux. Mon père a tout fait pour que je devienne un marchand capable de prendre sa suite. J'ai tout appris de ce qu'un noble doit savoir. Je sais lire, écrire, compter. J'ai appris à me battre de très bonne heure. Je sais même danser.

Il éclata de rire en prononçant ses derniers mots, mais il se reprit très vite.

- Ce n'était pas ce que j'avais choisit. Je suivais ces cours pour faire plaisir à mon père. Nous étions tellement proche qu'il s'en ai rendu compte. Un soir de pleine lune, alors que nous étions assis face à l'astre de la nuit, il m'a annoncé qu'il m'avait inscrit à l'académie de Merwyn. J'avais 16 ans. J'ai ensuite suivi l'enseignement marchombre. Un jour, j'ai faillit périr. On m'a laissé pour mort, on a même annoncé ma mort à mon père. Il ne l'a pas supporté et il s'est suicidé.

Les larmes commencèrent à perler autour de ses yeux. Le souvenir de la mort de son père était encore douloureux. Il voulait tout de même continuer son récit. Dans la vérité, il était devenu mercenaire suite à ce jour. Il devait taire cette partie sans mentir.

- J'ai rejeté l'Harmonie et j'ai continué mon entraînement seul. Aujourd'hui, j'ai 32 ans et j'honore mon père tous les jours. Je continue de gérer son empire commercial pour lui.

Il regarda son apprentie dans les yeux pour continuer.

- Ton père t'a peut être forcé de venir ici mais ne le déteste pas. J'ai montré à mon père que je l'aimais mais je regrette aujourd'hui tous les jours où je l'ai déçu. En plus, regarde le bon côté des choses. Si tu n'étais pas venu ici, on ne se serait pas connu et tu ne serais pas devenu mon apprentie.

En parlant d'apprentie, Varsgorn repensa à ce qu'il avait promis l'après-midi même. Enelye n'était plus son unique apprentie. Il y avait aussi Yhuri. Il n'allait pas le dire tout de suite. Il ne savait pas comment la Corbac réagirait. Il voulait que cette discussion se prolonge avant de subir ses foudres si jamais elles venaient.

[Si jamais tu n'as pas d'idées pour la suite et que tu veux que je pose une question, préviens moi j'éditerais]

Enelyë pensait. Dans son champ de vision se trouvait un de ses pieds et l'un de ceux de Varsgorn. Elle l'avait attentivement écouté, mais elle avait retenu une de ses phrases : " J'ai rejeté l'Harmonie ". Qu'est-ce qu'elle voulait dire, cette phrase ? Pour elle, rejetter l'Harmonie, c'était tomber dans le Chaos. Mais elle n'avait peut-être pas compris ?
Oui, elle pensait, avec le regard fixé sur deux pieds.

Ses douces boucles noires cachaient partiellement son visage. Ses yeux noisettes étaient perdus dans un vague qu'elle était seule à apercevoir... Un vague, flou, avec toutes sortes de formes, de couleurs. Qui passaient devant ses yeux sans s'arrêter, qui passaient dans son cerveau sans s'y accrocher... Une phase de lucidité s'imposa et elle répondit.

- Je ne déteste pas mon père. Bien au contraire.

Elle aurait pu chuchoter comme crier cette phrase. Ses oreilles bourdonnaient, et son menton était toujours posé sur son genoux. Elle était passé du stade " je pense à ce qu'on vient de me dire " au stade "je m'accroche à un mot ".
Et elle pensait à lui. Ses yeux gris qui transperçaient chaque personne mais qui portaient en eux une infinie douceur. Ses cheveux noirs mi-longs, bouclés comme les siens. Il lui manquait infiniment, et elle ne s'en rendait compte que maintenant. Elle compléta sa première phrase.

- Il est certainement la personne que j'aime le plus au monde.

Et sur cette phrase, elle s'arracha à la vision des deux pieds, pour lancer un regard sur son maître, puis sur le ciel nocturne magnifique. Il était tard, mais la dessinatrice n'était pas fatiguée. Elle était en quelque sorte dans un état second. Un état de réflexion.
A quoi réfléchissait-elle, exactement ? Elle-même ne le savait pas vraiment. Des images se formaient dans sa tête, sans qu'elle ne puisse réellement voir de quoi il s'agissait.
C'est le vent qui revenait qui l'arracha à son état. Elle regarda Varsgorn qui lui-même regardait les étoiles.

- Tu aimes beaucoup les étoiles, non ? demanda-t-elle avec un grand sourire.

La Corbac pouvait comprendre cet amour. Pour elle, les étoiles représentaient un innaccessible qu'elle s'était juré d'atteindre. Elle voulait comprendre. Et elle pensait que, certainement, les étoiles gardaient des secrets sur des choses qu'elle ne connaissait pas encore.

- Je suis persuadée qu'elles sont vivantes et qu'elles savent.

Sa phrase n'avait pas vraiment de sens. Mais elle se comprenait. Son maître n'avait pas besoin de comprendre, de toutes façons. Peut-être devenait-elle folle, à se parler toute seule. Peu importait. Elle était heureuse, elle était bien. Elle se sentait à sa place. Elle se savait protégée.

Varsgorn s'était perdu dans la contemplation des étoiles. Amies de la première heure et amies fidèles. Oui, il les aimait et pour lui aussi, elles étaient vivantes. Quand il était encore un jeune marchombre, il leur parlait pour se rassurer, exposait ses peines et ses tourments ou les regardait tout simplement. A chaque fois, il en avait été apaisé. Il avait bravé plus d'une fois le couvre feu académique pour pouvoir satisfaire son besoin de voir les étoiles. Avec ses talents de marchombre, il avait plus d'une fois évité les gardes mais malheureusement, son ancienne maison, Lotra, avait perdu quelques dizaines de points par sa faute.

- J'adore les étoiles. La plupart des nuits, je les observe. Quoi de mieux que la nuit. Le jour, le soleil agresse nos yeux et il est impossible de voir le magnifique ciel qui surplombe nos têtes. La lune, elle, nous offre sa beauté sans aucun complexe. Pour moi aussi les étoiles sont vivantes. Je leur parlais souvent quand j'étais jeune et j'en étais très appaisé.

Alors que Varsgorn se laissait aller à une nouvelle contemplation des étoiles, la rencontre avec Yhuri lui revient une nouvelle fois à l'esprit. Il était temps d'en parler. Cet aveu gacherait peut etre ce doux moment mais il ne pouvait le cacher plus longtemps.

- Je dois t'avouer une chose, Enelye. J'ai fait une rencontre intéressante cet après-midi. Une jeune femme du nom de Yhuri. On s'est baigné ensemble et nous avons discuté. Je lui ai fait les mêmes propositions qu'à toi. Elle a elle aussi accepté. Elle est devenu ma deuxième apprentie. Elle sera présente lors de notre prochain cours.

Le mercenaire tourna son regard vers la Corbac.

- J'espère que tu ne m'en veux pas et que tu continueras à me suivre.

Varsgorn ne connaissait pas Enelye depuis assez longtemps pour prévoir sa réaction vis-à-vis de cette nouvelle. Il espérait surtout qu'elle n'entre pas dans une colère noire.

Enelyë resta calme. Elle ne pouvait pas s'énerver, c'était impossible. Tout de même, l'atmosphère changea légèrement. Elle ne tenait pas particulièrement à partager SON maître, d'abord. En fait, la dessinatrice se rendit compte qu'elle pouvait tout à fait s'énerver. Mais elle savait que ça ne changerait rien. Elle soupira.

- Yhuri, hein ? Ton calme, mais avec un soupçon de mépris.

La Corbac avait décidé de se graver le nom de cette jeune femme dans la tête, histoire de la rencontrer avant le prochain cours. Peut-être qu'elle pourrait lui expliquer sa façon de penser. Non, Enelyë n'était ni possessive, ni jalouse, voyons. Mais elle n'aimait pas être avec beaucoup de personnes. Beaucoup, à cet instant précis, c'était deux personnes plus elle.

- Je suis sûre que c'est ni une Corbac, ni une dessinatrice.

Ni une Corbac, parce qu'elle n'avait vu personne de la salle commune s'appeller ainsi. Ni une dessinatrice, parce que si elle venait d'arriver, elle aurait été avec Enelyë au cours avec dame Ril'Otrin.

Elle se mordait la lèvre. Elle réfléchissait à toute allure. Puis elle regarda Varsgorn.

- Et si j'ai pas envie de continuer, on fait comment ?

Evidemment, elle désirait vraiment continuer. Là, c'était juste histoire de voir les conséquences éventuelles d'un départ. Ou peut-être, souhait inconscient de voir si Varsgorn la voulait vraiment comme apprentie.

Elle se remit à comtempler les étoiles, attendant la réponse de son maître. Si il ne savait pas encore que la dessinatrice pouvait être jalouse et possessive, il devait maintenant s'en être rendu compte.

La réaction d'Enelye avait été mesurée mais Varsgorn avait sentit qu'elle était en colère. Elle était très peu partageuse donc. Au moins, l'arrivée de Yhuri lui apprendrait peut être à être moins possessive.

- Tu as raison, Yhuri n'est ni une Corbac ni une dessinatrice. Elle appartient à la maison Lupus et, même si elle possède le Don du dessin, elle se tourne plutot vers les armes.

- Et si j'ai pas envie de continuer, on fait comment ?

Là, ça posait problème. Varsgorn s'était attaché à cette jeune fille. Il ne se connaissait pas depuis longtemps mais le mercenaire la considérait comme une soeur, lui le fils unique d'une famille riche. Si elle désirait partir, il tenterait de la faire changer d'avis mais jamais il ne la forcerait. Si elle voulait partir, il la laisserait faire. Lui, il n'interviendrait pas. Malheureusement, il y en aurait d'autres qui s'occuperait d'elle. Varsgorn en avait trop dit, trop fait et le Chaos n'apprécierait certainement pas qu'une jeune fille connaisse leur secret. On demanderait à un autre assassin de mettre fin à la vie d'Enelye. Non, la Corbac ne pouvait pas quitter Varsgorn. Sous l'aile du mercenaire, elle était en sécurité. Si elle s'éloignait, c'était la mort assurée.

- Tu regretterais amèrement ton choix si jamais tu décidais de t'éloigner de mon apprentissage. On se connait depuis peu mais je t'apprécie énormément. Je ne suis pas là pour te forcer à me suivre. Tu as le choix mais réfléchis bien avant de choisir. Si tu t'éloignes de moi, je ne pourrais plus te protéger. Le danger est partout et je ne supporterais pas que tu meures.

Varsgorn se releva, attrapa sa cape qu'il remit sur ses épaules. Il se tourna vers Enelye.

- Comme je te l'ai dit, le choix t'appartient. Maintenant, il est tard. Il est temps que tu retournes te coucher. Je te ferais passer un autre message pour le prochain cours. Si tu décides de refuser mon apprentissage, ne viens pas et je comprendrais.

Le mercenaire rabattit sa capuche sur sa tête et il ajouta:

- Allez, debout, je vais t'aider à descendre, histoire que tu ne passes pas la nuit sur cette montagne.

-... je ne supporterais pas que tu meures.

Mort. Le mot résonna dans la tête de la dessinatrice. Un choix tel qu'arrêter un apprentissage pouvait donc avoir de si violentes conséquences ? Enelyë sentait de plus en plus le froid qui la transperçait. Les étoiles semblaient s'être assombries.

Peur. D'un coup. Comme... un poignard qui entrerait dans son coeur, en un coup mortel.

Non, elle n'avait jamais posé cette question. Ce n'était que son imagination qui lui jouait des tours. Ce n'était pas comme si son maître était un mercenaire. Ou alors...

Varsgorn se leva et remit sa cape, et la Corbac le regardait. Se pouvait-il qu'il fasse partie de la Guilde du Chaos ?

Elle l'entendait mais elle ne l'écoutait pas. C'est lorsqu'il s'avança vers la montagne qu'elle comprit qu'elle devait se lever. Elle s'avança au bord de la montagne. Eu un vertige en regardant vers le bas mais se rattrapa.

Varsgorn l'aida à descendre, et seule dans le noir, elle retourna à l'Académie. Ses interrogations tournaient dans sa tête. Puis elle n'y pensa plus.

=> RP terminé.