Arrivée de Merwyn et d'Elinia

Merwyn poussa la porte des appartements de la concierge et la guida à l'intérieur. L'endroit était plutôt acceuillant et on y trouvait tout le confort dont on avait besoin. Une petite table basse, quelques fauteuils moelleux et des étagères dans le salon, un double lit une table de nuit et une garde-robe pour la chambre. De surcroît, la concierge disposait également d'une salle de bain personnelle.

Merwyn fit rapidement faire le tour de l'endroit puis l'accompagna vers un fauteuil avant de s'asseoir dans le canapé juste à côté. Il n'avait pas envie de remonter tout de suite vers son bureau, l'administration n'étant pas franchement sa tasse de thé... il préférait un peu papoter avant de se remettre au travail.

- Si je peux me permettre une question indiscrète, commença-t-il joyeusement, Comment es-tu devenue aveugle ? Enfin, si tu ne veux pas me répondre, je n'y verrai rien de mal, bien sûr...

Elinia tatona un peu pour repérer les meubles, et alla s'asseoir dans un fauteuil. Le directeur s'assit en face d'elle.

Si je peux me permettre une question indiscrète, commença-t-il joyeusement, Comment es-tu devenue aveugle ? Enfin, si tu ne veux pas me répondre, je n'y verrai rien de mal, bien sûr...

Elinia grimaca un peu, mais répondit :

Vous avez tout a fait le droit de savoir, je ne vous en voudrais pas.
C'est une longue histoire.

J'ai vécu avec mes parents a Al-Jeit, dans une taverne misérable. Mon pére, un ivrogne sournois, nous envoyait, mes soeurs et moi, dans la rue pour mendier et voler. Il nous battaient sans arrêt.
Le jour de mes cinq ans, je n'ai rien ramené, alors que nous étions très pauvres. Mon père, noyé dans l'alcool, a recommencé a me battre, et est devenu presque fou.
Il a empoigné un couteau qui servait a couper la viande, soul comme une barrique, et a tapé. Il m'a laissé una marque sur le bras, et a réussi a me crever les yeux.
voila, vous savez...

Merwyn fit une grimace en écoutant la jeune fille... Son enfance n'avait pas dû être franchement rose tout les jours.
Quel dommage que des hommes deviennent de pareils monstres sous l'effet de ce poison qu'était l'alcool ! A vrai dire, le Dessinateur se demandais comment diable un père avait-il pu infliger une telle chose à sa fille... Comment pouvait-on blesser ainsi son enfant ?
Cela dépassait le simple entendement !

- Je suis vraiment désolé, dit-il sincèrement. J'espère qu'au moins ici tu pourras reconstruire ta vie sous un jour meilleur ! En tout cas, je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour que ce soit le cas...

Il se tut, ressassant l'histoire de la jeune fille. Il avait du mal à imaginer la scène et à vrai dire, il n'y tenait pas plus que ça.
Un lourd silence s'installa avant que le Directeur ne reprenne la parole.

- Et tes soeurs, que sont-elles devenues ? Interrogea-t-il, inquiet de l'éventuelle réponse.

Vous n'avez pas à être désolé. Vous n'y pouviez rien. Mon père ne nous aimait pas, mes soeurs est moi, il a toujours désiré un garçon, pour assurer la descendance de son nom. Il faut croire que le destin en a décidé autrement.

Elinia sentit l'inquiétude du directeur, quand il lui demanda ce qu'étaient devenues ses soeurs. Elle répondit :

Mes soeurs ? Eh bien...Pour comprendre, il faut connaitre leurs noms. De la plus jeune à la plus agée, mes soeurs s'apellaient Syla, Elio, Merjia, et Mab. Elles étaient agées respectivement de un à quatre ans, quand j'en avais cinq.

Je suis restée en contact avec la plus agée, qui était de un an ma cadette, grâce à un chuchoteur, que j'ai acheté, malheureusement, avec de l'argent volé.
Elle m'envoyait des nouvelles. Depuis mon départ, rien n'avait changé. Elles étaient envoyées mendier et voler, toujours battues en rentrant.
Un jour, ma soeur m'a appris la mort de la benjamine,Syla, morte de faim. Ce fut un choc pour moi. Elle ne méritait pas cela. Elle était destinée a être dessinatrice de talent.
La correspondance s'est espacée. Je recevais de moins en moins de nouvelles. Mab m'a annoncée encore une mort, Merjia. D'aprés elle, Merjia aurait sauté d'un pont, à cause de la faim et de la misère.
Le dernier message que j'ai recu datait de mes douze ans. Le chuchoteur est revenu blessé, portant un message de Kerkan, mon père. Il disait :

Ne t'approche plus de Elio et Mab. Disparais.

C'est a ce moment la que je suis partie de Al-Jeit.

Elinia avait parlé froidement, mais on entendait une pointe de tristese dans sa voix.

Merwyn déglutit difficilement. Il avait du mal à croire qu'un père puisse être cruel à ce point ! Comment pouvait-il avoir non seulement crevé les yeux à une pauvre gamine sans défense, mais en plus être responsable de la mort de deux autres fillettes !
Quant aux deux qui restaient, mieux ne valait même pas y songer. Quel calvaire elle devaient endurer... si elle vivaient encore !
Kerkan...
Le nom s'était gravé dans l'esprit de Merwyn et il ne manquerait pas de faire sentir sa colère au bonhomme si jamais il venait à le croiser.
Cette loque monstrueuse ne valait même pas qu'on lui prête attention, si ce n'est pour lui faire rendre ce qu'il avait fait subir à ses malheureuses filles !

Tentant un faible sourire, même s'il n'était pas très convainquant, Merwyn essaya de réconforter la jeune fille.
Avant de se rappeler qu'elle était aveugle et qu'un sourire ne devait pas signifier grand chose pour elle dans la mesure où elle n'était pas capable de le voir.

- Tu sais, je crois que même si la vie est injuste, ce genre d'individus sont toujours punis pour leur attitude. Un jour ou l'autre, ton père payera pour ce qu'il vous a fait subir.

Tu sais, je crois que même si la vie est injuste, ce genre d'individus sont toujours punis pour leur attitude. Un jour ou l'autre, ton père payera pour ce qu'il vous a fait subir.[/size]

Elinia avait bien senti que Merwyn essayait de sourire et elle lui rendit un faible sourire à son tour. Elle répondit au directeur :

Vous devez avoir raison, mmonsieur. Mais vuoloir tuer un homme, froidement, comme vous le dites, ne revient-il pas à s'abaisser à son niveau, à devenir comme lui ? Même si j'en avais la possibilté, je n'essayerais pas de le tuer. Trop de gens sont morts par sa faute, une de plus ne ferait qu'assombrir son lourd tribut.
Mais je vous remercie pour votre appui.

Elinia mit sa main sur son coeur, et poursuivit :

Un jour, je vous redonnerais ce que vous m'avez donné, je vous le jure.Vous m'avez permis de me attraper de mes fautes, de ne plus avoir à voler pour survivre

Merwyn réfléchi quelques instants aux paroles de la jeune fille. En silence, il pesa le pour et le contre de ce que pourrait coûter la vie d'un tel homme.

- Huum, dit-il, songeur, je peux comprendre que toi-même ne veuille pas le tuer. Après tout, c'est ton père et moralement, mettre fin aux jours de son géniteur ne doit pas être évident, quoiqu'il vous ait fait. Mais croit-tu réellement que ce soit une bonne chose pour l'humanité de le laisser continuer ses crimes sous prétexte qu'il ne faut pas nuire à la vie d'autrui ? Combien de personnes sont déjà mortes par sa faute ? Et combien d'autres personnes devront encore mourir avant qu'il ne s'arrête ?

Il s'interrompit, conscient de la violence de ses propos. Certes Merwyn était un bonhomme jovial et pas violent du tout d'habitude, mais il avait vu dans sa vie des choses qui incitaient à penser ainsi.
La gueurre ne laissait personne indifférent et elle changeait parfois complètement des hommes qui ne s'en remettaient jamais vraiment.

- Tu sais, si nous avions eu un système d'emprisonnement efficace, j'aurais sans aucun doute dit qu'il méritait de passer sa vie en prison. C'est d'ailleurs une punition bien plus valable que la mort à mon sens... mais chacun sait qu'il suffit d'engager un Marchombre compétent ou même un Mercenaire du Chaos pour qu'il vous sorte de là... C'est ça qui m'incite à dire que ton père mérite la mort. Je ne voudrais pas qu'il continue à semer le désastre et le malheur sous ses pas !

Il fixa la jeune fille, imperturbable dans ses arguments.
Mais bon, de toute façon, il était impensable qu'il le rencontre un jour, il n'aurait donc sans doute jamais l'occasion de mettre en pratique ses paroles, même s'il n'hésiterait pas si cela était nécessaire.

- En tout cas, je suis heureux d'avoir pu t'aider. Saches que tu n'es pour rien à propos de la situation dans laquelle tu te trouves. Voler n'est un crime que s'il ne sert qu'à s'enrichir. Dans ton cas, il s'agissait plutôt de survivre, tu ne dois pas t'en blâmer.

Sur ce, il se leva et se dirigea vers la porte. Il avait encore de nombreuses choses à faire dans son bureau et qui ne pouvaient attendre plus longtemps.

- Sur ce, jeune fille, je te souhaite une bonne journée. Si jamais tu as besoin de quoi que ce soit, n'hésite pas à venir me trouver !

Merwyn, attendez !

Elinia avait haussé le ton, et éspéra que Merwyn l'entendrait.

Je...je sais ou se trouve mon père, vous pouvez le trouver.
Emmenez moi, si vous allez le voir.

Elinia avait parlé avec son coeur. Elle se mit a douter de sa volonté a voir son père vivre. Ele voulait le voir mourir, et revoir ses soeurs...

Merwyn se retourna brusquement lorsqu'il entendit la jeune fille parler.
Apparemment, elle tenait beaucoup à revoir ses soeurs, pour oser affronter l'homme qui lui avait fait tant de mal.

- Et bien... si tu m'indique où trouver ce fameux bonhomme, je ne vois aucun inconvénient aller le trouver avec toi. Mais je n'irait pas tout de suite. Je ne voudrais brusquer les choses et j'estime que tu dois avoir un temps de réflexion pour être entièrement sûre de ce qu'il conviendra de faire... saches que je ne ferai rien sans ton accord. Cette histoire te concerne. Je ne suis qu'un vague intermédiaire...

Non, monsieur.Vous êtes plus concerné que vous ne le pensez. J'ai placé ma confiance en vous, et je ne verrais aucun mal a lui faire quelque chose sans me le dire.

Elinia se leva, et se mit a marcher, en rond, sans rien bousculer.

Mon père tenait beaucoup à l'auberge. Il ne l'aurait quittée pour rien au Monde. Il y est toujours. C'est une petite auberge dans un quartier insalubre d'Al-Far. Cette auberge se nomme " le Marcheur brisé"
Je tiens vraiemnt a cela, Monsieur, aussi aimerais-je y aller sans tarder. Peut-être pas aujourd'hui, mais dans les jours qui suivent...

Merwyn sourit malgré lui... la jeune fille avait certainement raison, il était plus impliqué qu'il ne voulait bien le reconnaître, même si ça ne l'enchantait pas vraiment...
Il l'écouta attentivement l'aveugle lui dire où se situait l'endroit, tentant de se remémorer s'il avait déjà mis les pieds dans l'endroit.
Mais il avait beau fouiller sa mémoire, cela ne lui disait vraiment rien, ils devraient donc marcher un petit pour aller jusque là.
Hochant la tête pour lui-même, car il n'y avait aucune chance pour Elinia ne le voie, il prit enfin la parole.

- Bien, passe me voir demain matin dans mon bureau, nous partirons en direction d'Al-Far. Pour l'instant, j'ai vraiment des choses urgentes à faire et je me trouve dans l'obligation de te laisser là, mais si jamais tu as d'autres choses à me convier, n'hésite pas à passer dans mon bureau avant demain.