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Il reste ton futur mari.

Elle refit voler ses boucles, cachant la marque qui ne tarderait plus à ne devenir qu'un mauvais souvenir. Elle se calmait. Peu à peu. Elle arrivait à reprendre contrôle. Mais elle avait mal. Ça la blessait, profondement. Elle continuait à penser que ce ne pouvait être la même personne qui avait tenté de la tuer et qui était le meilleur ami de sa propre cousine. Soit il jouait très bien, dans ce cas il aurait mieux fait de s'engager dans une troupe pour faire du théâtre. Soit elle l'avait rencontré au mauvais moment. Elle ne savait que trop bien à quel point une reflexion, une remarque, un geste, pouvait changé totalement quelqu'un pour peu que le timing soit mauvais. Après tout, c'était ce qu'il s'était passé pour elle.

Parce qu'il l'avait agressé, au mauvais moment, elle était devenue quelqu'un d'autre. Quelqu'un qu'elle ne reconnaissait pas. Quelqu'un qu'elle était en train de redevenir maintenant. Et même si ses réflexes étaient fort rouillés, elle pouvait s'avérer dangereuse. Pour elle même et pour...

C'était son meilleur ami. C'était son futur ami. Et elle devait s'y faire, puisqu'elle n'y pouvait rien. A part se pointer au mariage et tenter de l'assassiner. Elle eut un rire jaune. Rien que de penser à lui la faisait redevenir une autre personne. Elle ne le connaissait pourtant pas. Elle l'avait juste croisé. Il avait juste tenté de la tuer. Après être sorti d'un labyrinthe, avec un groupe de jeunes, qui avaient alors tous l'air plus fous les uns que les autres.

J'espère, vraiment, qu'il n'était juste pas dans son état normal. Comme moi, maintenant. Comme on peut tous le devenir, parfois.
J'espère, vraiment, que tu ne risque plus rien.
Tu n'imagines pas à quel point je m'en voudrais s'il t'arrivait quelque chose à cause de lui.

- Je...

Il fallait qu'elle dise quelque chose. Il fallait qu'elle réagisse. Sa propre cousine, sa seule famille, ne pouvait pas avoir peur d'elle.

- Si... Si tu ne veux plus que je vienne, je comprendrais...

Je t'en prie, ne m'en veux pas. Ne me hais pas.

- Tu... Tu es sure que tu ne risques rien ?

Promets-moi que tu ne risques pas d'être assassinée. Promets-moi qu'il ne risque pas de t'étrangler. Oh, s'il te plait, même si ces promesses sont fausses, promets-le moi.

Elisha bougea, vraisemblablement calmée. Enelyë avait la tête entre les mains, ne sachant pas quoi penser. Est-ce qu'elle devait vraiment s'accrocher ainsi à Elio ? Il avait tenté de tuer sa cousine. Est-ce que l'on peut vraiment pardonner des horreurs aux autres ? Si il avait réussi, elle serait seule à présent. Orpheline de famille. Plus de parents, plus de cousines. Plus qu'un père de substitution et une femme qui se plaisait trop à jouer à être sa mère. Elle les en remerciait, intérieurement, mais ça n'aurait jamais remplacé complètement ce qu'elle aurait perdu.

Des mots hésitants sortirent de la bouche d'Elisha. C'était stupide. Proprement et simplement stupide.

- Je ne risque rien Elisha. Je le connais très bien, plus qu'il ne se connait lui-même, je crois. Elle voulut rire, n'y parvint pas. Tu n'as vraiment pas à t'inquiéter pour ça ...

Ce qu'Elio lui avait dit revenait dans sa tête. « J’ai TOUT fait pour te garder en vie ! Tu sais même pas ce que ça va me coûter de leur avoir tenu tête quand ils ont demander ta mort. Parce que c’est pas fini pour moi, j’le sais ! ». Il l'avait gardé elle en vie, alors que ça lui portait préjudice à lui. Comment pouvait-elle avoir peur de lui en ces circonstances ? Comment pouvait-elle, de toute façon, avoir peur de sa personne ? Il tenait ses promesses envers elle. Il ne l'avait pas abandonnée, il était revenu.

Ces histoires lui prenaient la tête.

- Quant au mariage ... Je pense que c'est à toi de choisir. J'aimerais vraiment, vraiment, que tu viennes. Mais si tu as peur ... si tu ne veux pas venir, parce que c'est trop dur pour toi ... Je comprendrais.

Elle voulait partir. Se réfugier auprès de ses racines plantées tout prêt de l'ancienne cabane du maître Forestier. Réfléchir, y penser à tête reposée. Ne plus avoir à parler, rester seule.

- Rentrons. C'est bientôt l'heure du déjeuner.

Elle s'était levée, un peu brutalement. Cependant, tête baissée, elle avait pris le bras d'Elisha avec douceur. Oh, comme elle aurait voulu s'accrocher aux bribes d'Imagination qui lui tendaient les bras ! Et elles furent de retour à Eoliane, au milieu des framboisiers. Elle offrit un sourire, mi-figue mi-raisin, à Elisha. Elle n'avait pas le droit de s'enfuir comme ça, mais par la Dame qu'elle le voulait.

Elle viendrait. Elle assisterait au mariage. Parce qu'elle était sa cousine. Parce qu'elle voulait être là, pour elle. Mais elle se ferait discrète. Pour ne pas risquer qu'Elio l'apperçoive et tente... à nouveau... Elle n'arrivait même pas à finir sa pensée. Elle viendrait parce qu'Enelyë avait le droit à un véritable mariage. Un mariage où sa famille serait là. Pour elle. Et sa famille maintenant, sa famille de sang, ne se réduisait plus qu'à une seule personne. Alors elle viendrait. Parce qu'elle avait envie de la voir une dernière fois avant qu'elle ne parte aussi. Qu'elle avait envie de la revoir dans cette magnifique robe.

Mais là, maintenant, elle avait envie de rentrer. De voir Jun pour qu'il lui remette sa main en place. Il lui poserait des questions, elle pouvait en être sure, mais toujours moins qu'Eliott. Et après elle irait se balader avec Eliott, parce qu'elle lui avait promis, après tout. Elle avait envie de rentrer chez elle. La beauté du paysage lui laissait un gout amer dans la bouche. Cette vue risquait d'être entachée à jamais par l'annonce de cette nouvelle. Elle espérait de tout coeur que ça n'allait pas être la même chose concernant sa relation avec sa cousine. Elle ne voulait pas perdre la seule famille qui lui restait.

Elle lui avait promis. Elle ne risquait rien. Elle avait envie de la croire. Elle la croyait. Elle ne risquait rien. Comme Eliott n'aurait jamais rien risqué aux côtés d'Elisha.

Elle lui attrappa le bras, comme si elle avait lu dans ses pensées. Et avant qu'elle n'ait eut le temps de cligner des yeux, elles étaient de nouveau près des framboisiers d'Eoliane. Sa cousine lui sourit, d'un sourire à peine convaincant.

Elle la retint.
Un instant.
Une seconde.

- Ene... Je viendrai.

Elle tenta de sourire. Y arriva à peine. Pitoyable.

- Je me ferai discrète.

Au cas-où.

- Si... Si tu veux retourner faire les magasins, des conseils pour les fleurs, ou quelque chose... N'hésite pas. Vraiment.

Ne t'éloigne pas. Ne m'ignore pas.

- On garde contact, hein ?

La jeune femme acquiesça, l'éclat de son regard un peu plus éteint que lorsqu'elles étaient innocement en train de manger des framboises. Elle la regarda sans aller, sans un mot... Lorsqu'elle ne la vit plus, elle se releva. Chercher Jun. La journée commençait à peine. Et elle s'annonçait belle. Elle devrait en profiter.

[FIN]