Arrivée à l'Académie [Terminé]

Lyu poussa la porte de la volière d'une main tremblante. Sa vie était ici, à présent. Elle repensa à tout ce qu'elle avait vécu avant. Son enfance, si libre, son départ pour la résidence de son oncle. Ce qu'elle avait appris, découvert, vu. Ce qui l'avait construite, détruite. Ses rares amitiés, ses passions. Tout cela était derrière elle.
Quelque part, sa famille lui manquait. Elle aurait aimé retrouver l'étreinte protectrice des bras de sa mère. Entendre de nouveau la voix de son père. Depuis combien de temps de les avait-elle pas vus ? Il y avait les lettres, bien sûr. Mais cela n'était pas la même chose. Comment tout l'amour que des parents portaient à leur enfant pouvait-il être traduit par quelques mots griffonnés sur une feuille de papier ? Les parents de Lyu ne savaient pas écrire. Ils n'avaient jamais appris. Pour leurs messages, ils faisaient appel à l'analyste du village proche. Ce qui coûtait cher. Et par conséquent, limitait considérablement le nombre de lettre que Lyu recevait chaque année. Et son oncle... Un homme bien mystérieux. Il était un peu bourru et grognon au premier abord, mais au fond, Lyu l'aimait comme un membre de sa famille, et elle savait que c'était réciproque.

La jeune fille pénétra dans la volière en refermant soignesement la porte derrière elle. Aussitôt, elle fut frappée d'admiration : dans toute la pièce, des rapaces l'entouraient, fixant sur elle leurs regards perçant. Jamais elle n'en avait vu autant. Son voisin n'élevait que quelque faucons, et n'en avait jamais possédé plus de cinq ou six. La volière de son oncle, entretenue par des soldats qui maîtrisaient la fauconnerie comme un guerrier de la légion noire le tricot, était un peu plus peuplée, mais sa population n'excédait pas les quinze individus. Là, il lui semblait que des dizaines (peut-être même des centaines) d'oiseaux se tenaient autour d'elle.

Les yeux brillants, elle s'avança encore, la tête levée au risque d'attraper un torticolis. Sa main effleura le plumage d'une sorte d'aigle qui passa en volant au-dessus de sa tête. Elle songea que bientôt, elle serait capable d'appeler chacun de ses oiseaux par leur nom, et de les entrainer. Les entrainer... cette seule pensée suffisait à la ravir. Son rêve allait enfin se réaliser... Elle repensa au fils ainé de son voisin. Il avait dix-huit ans et elle sept. Elle le regardait manipuler ses rapaces avec admiration, et lui lui promettait qu'un jour, elle en ferait autant. Ce qu'elle aurait aimé qu'il soit là en cet instant. Qu'il puisse lui dire « je suis fier de toi, Lyu ». Elle savait qu'il ne pourrait pas. Un courrier de ses parents l'avait prévenu de sa mort, un an après son arrivée chez son oncle.

Émue, elle sortit Plume de sa cage.

- Nous y sommes, Plume... je te l'avais promis, cette fois ça y est. Nous sommes enfin chez nous...

Le faucon ebourriffa ses Plumes et poussa un petit cri. Elle sourit. Il avait bien mérité de se dégourdit un peu les ailes... Ouvrant sa valise, qui, au fond, ne contenait que quelques vêtements et deux ou trois objets qui lui restaient de ses parents, elle sortit son gant en cuir et sa sacoche. Comme cela faisait du bien... Plume lui aussi paraissait impatient. Il se redressa et étendit ses ailes. Lyu recula de quelques mètres -mieux valait commencer par quelque chose de facile- et appela. Plume, après une seconde d'hésitation, prit son envol dans un tourbillon d'air et vint se poser sur le gant. Il était un peu moins rapide et plus lourd qu'à l'accoutumée, mais il n'avait rien perdu.

Oui, elle était définitivement chez elle.

Entendant un bruit derrière elle, Lyu se retourna, pour apercevoir une silhouette masculine.

- Qui est là ? Demanda-t-elle d'un voix incertaine.

(ça va ^^ ?)

[ Excuses moi de ce petit retard, j'ai eu quelques obligations pour les cours ^^' ]


L'hiver. Se que Gareth pouvait bénir cette saison ! Son sang était anormalement chaud et il transpirait comme un boeuf dès les premiers rayons de soleil. Bon, peut-être pas autant, mais l'hiver pour lui était comme le printemps. Il ne portait pratiquement jamais de vestes, il n'avait presque jamais froid. Un feu vivant.
Il se trouvait d'ailleurs sous la douche, glacée bien entendu, afin de se refroidir le corps entier et, accessoirement, les idées. Fermant les yeux, il se délectait de ce moment. Un instant si rare, car étant sans cesse occupé avec ses nombreux protégés, il avait rarement l'occasion de se laver. Il sentait presque continuellement le fauve.
Il sortit enfin de la salle d'eau car il n'avait pas que cela à faire même s'il aurait adoré passer sa journée sous l'eau. Il se sécha sommairement, s'habilla avec une simple chemise et un pantalon en toile. Rien de bien chaud. Après avoir fermé la porte de ses appartements, il dévala en trombe les escaliers qui le séparaient de la grande salle. Un petit pain aux herbes dans une main et une grappe de raisin dans l'autre, il remonta les escaliers toujours à la même allure. Il arriva enfin dans sa volière. Cachant les mets à ses protégés, il débuta sa journée.
Prenant un énorme sac de graine sous le bras comme si cela n'avait rien pesé, il entreprit son tour matinal des volatiles. Aspergeant chaque bol d'une bonne ration, il s'arrêtait parfois afin de caresser certaines des bêtes. La plupart de ces dernières se jetaient avec entrain sur la nourriture sans se préoccuper du fauconnier. Ayant enfin finit sa tournée, il alla dans l'infirmerie qu'il avait aménagé dans un coin. Quelques oiseaux se reposaient là, dans des cages ou non selon leur problème. Gareth recueillait toutes sortes d'oiseaux même ceux qui ne savaient pas voler.
Il avait d'ailleurs retrouvé quelques jours plus tôt un siffleur prit dans une fosse. Il l'avait sauvé et ramené dans la volière car il craignait pour une de ses pattes. Il avait bien eu raison d'ailleurs, car une d'entre elle était bel et bien cassée. Le siffleur était à présent endormit dans un coin de la petite infirmerie. Il attendait là le fauconnier qu'il avait prit d'affection. Gareth s'approcha lentement alors que l'animal levait la tête et le regardait avec ses yeux de volatile. S'accroupissant aux côtés de la bête, il prit avec douceur la patte abîmée. Un sourire.

- Je vois que t'as pas pris soin de ton pansement, mon gros, on va devoir le changer pour la sixième fois.

Un bandage plus tard, le siffleur plongeait sa tête dans la nourriture que le fauconnier avait apporté à son attention. Gareth sourit. Un des aspects qu'il aimait dans ce métier était ce genre de situation. Un animal blessé, un sauvetage, des jours peut-être des mois d'efforts sur-humains afin de le soigner et puis enfin le rétablissement. Le plaisir intense d'avoir redonner la vie à un être qui avait besoin d'un coup de pouce.
Pour le moment, ce n'était pas le siffleur qui lui posait problème, c'était l'autre petit animal qui dormait dans une petite cage au loin.
Une petite chouette. Elle s'était fait arrachée une aile par un rapace bien plus gros qu'elle et l'homme était arrivé juste à temps. Il lui manquait une aile. Il lui manquait une partie de son âme. Une partie de tout se qu'elle représentait. Le vol. Elle ne pourrait plus voler. Cette affreuse pensée qu'elle ne pourrait plus jamais touché de ses plumes le coton du ciel. Qu'elle ne pourrait plus titiller les vents et les bourrasques. La petite chouette avait touché Gareth au coeur et il s'était promis de la rétablir quoiqu'il puisse lui en couter. Il voulait à tout prix qu'elle puisse battre encore de ses petites ailes. Enfin... de sa petite aile. L'autre n'était qu'un faible moignon.
Il veillait depuis plusieurs semaines dans la volière car il sentait que la petite bête désespérait. Les oiseaux étaient loin d'être des imbéciles, ils savaient quand leur heure était venue. La chouette savait très bien qu'elle ne pourrait plus voler et elle prévoyait sans doute de se laisser mourir. Elle n'avait rien mangé depuis des jours et Gareth était obligé de lui faire engloutir de force la nourriture qu'il émiettait avec soin. Il faisait tout pour qu'elle survive. Il ferait tout pour qu'elle vole.
Il était resté dans la volière, mais pas à se tourner les pouces. Il avait réfléchit à une alternative et il sentait qu'il parviendrait bientôt à trouver la solution.
Gareth sursauta. Un faucon venait de se poser sur son épaule. Ses yeux l'observaient avec insistance lorsqu'il commença à se gratter sous sa grande aile noire cendre. Il s'envola de nouveau mais calcula mal sa trajectoire. Il se prit un carton entier de cuir dont Gareth se servait afin de confectionner des gants. Il tomba avec un bruit sourd. Le faucon secoua sa petite tête, se questionnant sans doute sur se qui venait de se produire. Le fauconnier ria, puis se dirigea vers le désastre afin de le ranger. Il commença à ramasser les bouts de cuir lorsqu'une idée lui vint à l'esprit. *Mais bien sûr !!* pensa-t-il en rangeant en vitesse les dégâts. Il se leva d'un bond et se lança pour la troisième fois de la journée dans les escaliers. Il n'avait pas fermé la porte de la volière à clé, mais il s'en fichait, il avait trouvé la solution ! Une joie intense le submergea. L'infirmerie était ouverte, ouf. Il allait pas devoir attendre durant des heures afin de mettre son idée en pratique. Il fouilla dans plusieurs tiroirs avant de trouver se qu'il cherchait avec autant d'insistance. Une aiguille et du fil solide. Un sourire victorieux.
Quatrième course dans les escaliers. Lorsqu'il arriva enfin sur la dernière marche il s'arrêta net. Quelque chose clochait. Il se rappelait avoir fermé la porte même si ce n'était pas à double tour. Elle était à présent grande ouverte. Quelqu'un ou quelque chose s'était introduit à l'intérieur. Pourvu qu'aucun de ses protégés ne se soit échappé dans l'Académie, Sir Hil'Jildwin n'aimait pas lorsque ces « vilaines bêtes pleines d'immondes microbes » s'échappaient – c'étaient les mots exacts que l'intendant avait un jour utilisé afin de parler des oiseaux de la volière, autant dire que cela n'avait pas plu à Gareth, mais il n'avait rien pu dire, il n'était que le fauconnier, rien de plus – .
il y avait pourtant quelqu'un qui avait pénétré dans son monde. S'approchant de la porte, il fut surpris de découvrir une jeune fille, de dos, avec un gant en cuir sur la main et un petit volatile qui s'envola jusqu'à sa main. Un oiseau qu'il n'avait jamais vu entre ces murs et une élève étrangement attirée par la volière. Presque personne n'essayait de comprendre sa passion pour ses animaux à plumes et cette fillette le rendait curieux. Qui était-elle ?
Gareth fit un bruit afin qu'elle se rende compte de sa présence. Elle se retourna, surprise de ne pas être seule.

- Se ne serait pas plutôt à moi de te demander se qui t'amènes ici jeune fille ?

Il se souvint soudain que l'Intendant avait émit, une journée plus tôt, dans une discussion banale l'arrivée d'une élève qui voulait se plonger dans tout sauf les enseignements proposés par l'Académie. Elle voulait devenir l'apprentie du fauconnier. Son apprentie. Gareth ne s'était jamais préparé à enseigner sa voie, il n'y avait à vrai dire jamais pensé. Peut-être était-ce cette jeune fille ? Il ne l'avait jamais croisé dans les couloirs et elle avait l'air de la personne qui venait de débarquer dans un nouveau lieu et qui ne savait plus où elle en était. Oui, c'était elle, il n'y avait pas de doutes.

- Et ne serais-tu pas d'ailleurs l'apprentie qui vient de loin afin d'apprendre dans cette modeste volière tout l'art si subtile de la fauconnerie ?

(aucun problème ^^ prend ton temps
Juste une question : tu nourris tes rapaces avec... du grain ? :?: )

- Ce serai plutôt à vous de me dire ce que vous faîtes là, jeune fille...

Lyu se fit la plus petite possible. Elle avait sorti Plume sans même chercher à savoir s'il y avait quelqu'un où si elle était seule. Elle espérait ne pas avoir commis d'impair... Où au moins, rien d'irréparable. Se mettre un professeur de l'Académie à dos le premier jour de son apprentissage n'était peut-être pas une solution idéale...
À propos de professeur...
Lyu fit volte face pour dévisager l'homme qui se tenait derrière elle. Des cheveux sombres, des yeux bleus... et un étrange tatouage sur le cou, que la jeune fille détailla avec attention. Elle nota qu'il ne portait qu'une chemise et un pantalon léger, et que, comme elle, il ne devait pas être bien frileux. Lyu, qui n'avait sur elle qu'un simple haut et qu'un pantalon mis-long (elle avait fait l'effort de mettre une paire de chaussures), sentit ses joues rosir. Elle n'aimait pas être au centre de l'attention. Le mot était peut-être un peu fort, puisqu'ils n'étaient que deux, mais toujours était qu'on la regardait, et que ce regard pesait sur elle comme des millions de braises ardentes.
Elle baissa les yeux, ne sachant que dire. Elle ne savait même pas qui était cet homme, ne connaissait ni son prénom, ni son âge, ni même son titre. La parole n'avait jamais été son fort, et les mots lui manquaient pour s'expliquer. Que pouvait-elle dire ? « Je m'appelle Lyu » ? « Je suis la nouvelle apprentie du fauconnier » ? Mais les mots refusaient de franchir ses lèvres.
Heureusement, l'homme lui vint en aide.

- Et ne serais-tu pas d'ailleurs l'apprentie qui vient de loin afin d'apprendre dans cette modeste volière tout l'art si subtile de la fauconnerie ?


- Si, c'est moi, murmura Lyu sans relever la tête.

Dans ce cas, il serait... son maître ? Et comment était-elle censée se conporter avec lui. Plume serré contre son cœur qui battait à tout rompre, elle osa enfin se redresser.

- Je suis... Appellez-moi...

« Je m'appelle Lyu ». Une phrase si simple qui, pour elle, en devenait presque insurmontable. Elle n'était pourtant pas si timide d'habitude. Mais avant son arrivée ici, ses contacts avec l'exterieur avaient été plus que mince... Son enfance sauvage, suivie de son adolescence chez son oncle. Durant toutes ses années, elle avait été choyée, d'abord par ses parents, puis par l'entourage de son oncle. Peut-être avait-elle peur d'être rejetté ? De ne pas être aimée...
Et puis zut ! Si on ne l'apréciait pas, il lui resterait toujours Plume, ses parents, et les autres oiseaux...

- Je m'appelle Lyu, réussit-elle enfin à dire. Lyu Wenynn, mais appelez-moi Lyu.

Ses joues toujours roses, elle caressa gentiment le ventre de son faucon.

- Et voici Plume. C'est un faucon crécerelle. Je m'entraine avec lui depuis presque deux ans...

Elle osa enfin affronter le regard de son maître.

- Vous êtes Gareth Wilth, non ? Le maître fauconnier...

« Je ne sais depuis combien de jours je rêve de vous rencontrer, aurait-elle pu ajouter ». Une fois de plus les mots lui manquèrent. Comment était-elle censée se comporter avec son maître ?
Elle inclina la tête, retrouvant assez d'assurance pour aligner deux ou trois mots cohérents.

- Je suis effectivement votre nouvelle élève. Je viens de la chaîne du Poll, où j'ai commencé à apprendre la fauconnerie. C'est là que j'ai rencontré Plume... Il était trop petit pour réellement devenir un oiseau de chasse, alors mon oncle me l'a offert. J'y tiens beaucoup...

L'inquiêtude lui noua de nouveau le ventre.

- Vous acceptez que je le garde ? Il ne prend pas beaucoup de place, ne mange quasiment rien et il est très sage.

- Raak !

- Enfin, presque toujours très sage...

Elle passa machinalement une main dans ses cheveux, et son regard fut attiré par une petite chouette posée sur un perchoir non loin de là. Retrouvant les gestes et les attitudes d'une enfant, elle s'approcha.

- Comme elle est belle... Comment-est-ce qu'elle s'appelle ?

Elle tendit une main pour la caresser et fut surprise pour le moins... déplorable de son plumage.

- Oh ! S'exclama-t-elle. Mais... Il lui manque une aile !

La chouette poussa un petit cri plaintif, comme pour confirmer ses dires.

[ Ouuuuups --' J'ai honte... On va dire que c'est un fauconnier étrange et que ceci était leur plat de résistance ]



La langue de la jeune fille se délia enfin et elle osa offrir son nom à Gareth. Lyu Wenynn. Elle avait l'air d'être mal à l'aise et de ne plus savoir où se mettre. Ses joues étaient plus roses qu'une tomate en plein soleil et le fauconnier se surprit à sourire. Elle était amusante et il sentait qu'il ne risquait pas de s'ennuyer avec la jeune fille qui se tenait devant lui. Il n'avait peut-être pas prévu le coup, mais des idées le submergeait tout en l'écoutant parler. La jeune fille prenait de l'assurance petit à petit. Gareth était aussi un homme timide, il lui fallait du temps afin de donner sa confiance entre les mains d'une personne. Enormément de temps.
La-dite Lyu lui montra le petit faucon crécerelle qu'elle serrait dans ses bras. Si elle continuait à cette allure là, elle risquait de l'achever. Il retint un rire car elle était apparemment très stressée de le rencontrer. De rencontrer son nouveau maître. Il ne revenait pas de voir la façon dont elle se comportait et il arrivait surtout pas à imaginer les tonnes de scénarios que la jeune fille s'était faite dans sa tête. Elle avait dû se faire la scène des millions et des millions de fois, et comme toujours aucune de ses scènes étaient la bonne. Celle qu'elle vivait à l'instant était unique et jamais elle n'y avait pensé. Comme la vie pouvait être passionnante. Le hasard. Quel mot si mystérieux.
Elle leva enfin les yeux vers lui. Deux ans qu'elle s'entraînait avec lui... Intéressant.
Lyu s'était sentie timide au départ, mais à présent tout avait changé. Elle était devenue un véritable moulin à parole. Plus rien ne semblait pouvoir stopper les mots qui sortaient continuellement de ses lèvres et Gareth peinait à ne pas lui dire de se la fermer afin qu'il puisse en placer une. Heureusement pour elle qu'il était d'une patiente infinie. Ou presque.
La Chaîne du Poll. Ce n'était pas très loin en comparaison avec sa ville à lui d'origine. Lors de son arrivée il avait été plus que dépaysé. Habitué au soleil d'été presque toute l'année, il avait dû s'habituer à la neige qu'il avait vu que rarement dans sa vie. Par contre, il ne se plaignait pas de la température, pour une fois il ne transpirait pas continuellement comme un boeuf. Il lui arrivait même parfois d'avoir froid.
Trop petit pour devenir un oiseau de chasse ? Peut-être mais pas trop petit pour chasser. Gareth avait vu en un clin d'oeil les incroyables qualités du petit être qu'elle tenait entre ses mains. Bien plus qu'un compagnon de voyage. Un faucon crécerelle. Dans ce nom se trouve le mot faucon, un rapace aux qualités de chasseur incroyables. Il allait avoir du boulot avec cette petite. Peut-être étudiait-elle depuis deux ans, mais elle ne savait pas le quart de la moitié du savoir fauconnier.
L'homme se surprit à sourire des événements. Il ne pensait pas avoir aussi hâte d'offrir à quelqu'un sa passion et son savoir. Il aimait tant son travail, il se jetait tant tête baissée dans ses obligations qu'il ne voyait pas les quelconques personnes qui s’intéressaient à se qu'il faisait. En réalité, il ne faisait pas réellement attention aux gens qui l'entouraient. C'était sans doute pour cela qu'il ne connaissait presque personne à l'Académie.
La jeune fille émit enfin un temps de pause durant lequel le fauconnier pu s'exprimer.

- Eh bien enchanté Lyu, je suis en effet la personne que tu cherches, Gareth Wilth.

Il observa le petit faucon crécerelle. Comment pouvait-on dire de ce petit être incroyable qu'il n'avait pas les capacités d'un faucon de chasse. Il était bien plus performant que se que ce pseudo-fauconnier de bas étage avait dit à la jeune fille. Gareth allait devoir remédier à ce manque d'éducation et il comptait s'y prendre le plus tôt possible. Et aujourd'hui lui semblait être un jour propice. Il avouait s'embêter un peu ces derniers temps, alors la jeune académicienne tombait à pic.

- Bien sûr que tu peux garder ton faucon, d'ailleurs si tu veux apprendre avec moi toutes les ficelles du métier il te faudra un compagnon de route et... je crois que ton petit Plume est tout indiqué...

Un silence s'installa lorsqu'il remarqua se qui faisait à présent l'objet du regard de Lyu. Elle regardait la petite chouette. Etrangement, elle n'avait pas encore vu le membre atrophié du petit oiseau. Ah ! Un petit cri étouffé de stupeur coupa net la réflexion de Gareth. Oui, elle venait à peine de le remarquer. Elle s'était approché et caressait le plumage de l'oiseau. Le fauconnier s'avança à son tour.

- Oui, cette pauvre chouette s'est retrouvée dans une mauvaise posture. C'est mon rôle de lui redonner sa forme d'antan, mais je crois que cela va être un peu plus compliqué avec elle. Tu vois se que je veux dire...

Il sortit le fil et l'aiguille de sa poche et les posa sur le comptoir un peu plus loin. Il alla prendre la boite de cuir et la posa au même endroit. Papier, crayon, tout était là. Il avait hâte de se mettre au boulot, mais il ne pouvait le faire tant que la jeune fille était là. Ma fois, il fallait bien l'avouer, il n'avait pas vraiment envie qu'elle parte. Cette petite l'interloquait au plus haut point. Et il voulait par dessus tout voir de ses propres yeux de se dont elle était capable avec les animaux qui l'entouraient. A vrai dire, il n'avait pas envie d'une tire aux flancs comme apprentie, alors il allait tout de suite commencer par un petit test de bienvenue. Enfin... Par un petit test d'entrée. Le fauconnier ne savait pas comment fonctionnaient les autres professeurs, mais lui, il allait trouver sa méthode personnelle et pour l'instant, il était temps de la tester.
Il alla prendre un tabouret et se posa devant sa table de travail. Il prit un bout de cuir et commença à le travailler. Il ne leva pas les yeux de son travail alors qu'il recommença à parler avec la jeune fille.

- Bien, tu dis que tu as étudier durant deux ans avec ton faucon. Montrez-moi se dont vous êtes capables !

Il releva les yeux au moment où elle le fit s'envoler. Sans se retourner, il prit un couteau aiguisé à souhait et débuta la coupe du cuir. Les yeux rivés sur Lyu.

(aucun problème ^^ c'est toi le professeur Si quoi que ce soit ne va pas dans mon texte, dis-le !)

Gareth prit enfin la parole :

- Je suis en effet la personne que tu cherches. Gareth Wilth.

Lyu se rendit alors compte qu'elle parlait sans discontinuer depuis plus de deux minutes, sans laisser son maître en placer une. Elle le vit se tendre légèrement et cru un instant qu'il allait l'envoyer paître, mais Gareth resta muet. Lyu mit ses deux mains sur sa bouche et baissa de nouveau le tête.

- Excusez-moi... je... je ne voulais pas...

Elle rougit de nouveau et se mordit la lèvre. Quoi qu'elle fasse, cela finissait mal. Arriverait-elle un jour à n'importuner personne ? Elle en doutait. Avec elle, les conversations se déroulaient toujours de la même manière. D'abord, une timidité débordante, puis elle prenait de l'assurance, et ne laissait plus à son interlocuteur la possibilité de s'exprimer. Peut-être parce qu'enfant, elle n'avait le droit que de se taire et d'écouter. Parler sans arrêt lui permettait de rattraper le temps perdu.
Elle fit de nouveau face à son maître, qui s'installait derrière un bureau. Sans le connaître profondément, il lui inspirait confiance. Bon, d'accord, elle avait une légère tendance à accorder sa confiance rapidement (comme la fois où elle s'était fait embobiner par un marchand d'étoffes qui lui avait fait payer le double de ce qu'elle aurait dû), mais cette fois-ci, il lui inspirait réellement confiance. Enfin presque... Elle le détailla de nouveau, en penchant légèrement la tête. Bon, elle n'y arriverait pas. Il lui faudrait voir à l'usure... Le fauconnier s'assit sur un tabouret et commença à découper son cuir. Lyu l'observait avec une curiosité non dissimulée, avide de savoir ce qu'il avait en tête.

- Bien, tu dis t'être entrainée pendant deux ans avec ton faucon... Montrez moi ce dont vous êtes capables...

Lyu, surprise, sursauta. Gareth n'avait pas relevé la tête, et elle doûta un instant qu'il lui ait réellement demandé. Plume s'agita sur le gant. Le vol de tout à l'heure semblait l'avoir éveillé. Il devait être aussi impatient qu'elle de se remettre au travail et de voler de nouveau.
Elle recula un peu, mais avant de commencer, posa une autre question :

- Excusez-moi.. mais je... comment dois-je vous appeler ?

À part son oncle, son père et sa mère, Lyu avait toujours appelé les gents par leur prénom. Et personne ne l'avait appelée autrement que « Lyu ». Mais son oncle l'avait prévenue qu'une fois à l'Académie, elle devrait veiller à appeler les professeurs « monsieur » et « madame », voire même « sire » si leur titre l'exigeait. Si elle en croyait le nom de son professeur, il n'était pas un noble, mais elle se voyait tout de même mal l'appeler « mon ami Gary ». Autant demander avant qu'elle ne fasse une autre bavure.
Lyu recula, et retira la sangle qui maintenait Plume accroché au gant. L'oiseau étira ses ailes et ses pattes. La jeune fille inspira un grand coup. Ce n'était pas le moment de se planter. Elle avisa un perchoir non loin de là, assez vaste pour que Plume s'y pose sans problèmes. Elle l'y déposa, s'éloigna et leva son gant.

- Allez, Plume, allez !

Le petit oiseau prit son envol dans un tourbillon de plumes pour revenir sur le gant de Lyu, qui le récompensa d'un morceau de viande et d'une légère caresse sur le ventre. Bon, déjà, elle avait réussi un exercice basique. C'était déjà pas si mal. Tremblante, elle passa à la suite.
Levant sa main gantée le plus haut possible, elle déséquilibra Plume, qui se mit à battre des ailes pour ne pas tomber.

- Yap !

Elle retira sa main aussitôt, laissant Plume sans point d'appui. Comme elle venait de lui demander par son ordre, le petit oiseau continua d'agiter ses ailes, et passa en un vol stationnaire propre à sa race. Elle était assez fière de ce petit tour, qui lui avait demandé près d'un an et demi de préparation. C'était elle qui en avait eu l'idée, puis un des soldats les plus à l'aise en fauconnerie l'avait aidée à le mettre en application. Plume n'y parvenait pas à chaque fois, mais elle pouvait espérer qu'il y réussisse une fois sur deux.
Lyu fit claquer sa langue, ordonnant ainsi à Plume de cesser son vol pour retourner au sol. Cet ordre valait normalement pour n'importe quelle position, qu'il soit posé où en vol. Une fois le rapace au sol, Lyu le fit revenir uns fois de plus sur son gant. Elle était on ne peut plus fière de ce résultat. Certains jour, elle n'arrivait à rien, d'autres, comme cette fois-ci, tout semblait lui sourire.

- c'est bien, mon amour, chuchota Lyu en récompensant l'oiseau d'un énième bout de viande.

C'était du siffleur, et il avait l'air d'apprécier. Lyu, fière de ses exploîts, poursuivis par un simple rappel au gant d'un perchoir un peu plus éloigné, puis grisé par son succès, laissa Plume évoluer à son aise dans la volière. Après une dizaine de secondes, elle le rappela. Plume continua de tourner sans se préoccuper d'elle. Lyu réitéra son ordre plusieurs fois sans succès, puis se décida à se rapprocher pour voir ce qui l'interessait tant. Son rapace venait de se poser sur le rebord d'une cage et tentait de passer sa tête entre les barreaux. Dans la cage, un autre rapace s'agitait. Un autre faucon. Femelle.
Lyu serra les dents. Un des principes de base de la fauconnerie était que l'oiseau ne devait jamais détourner son attention de son dresseur. Il fallait lui apprendre à ne pas être distraits par les proies ou les autres personnes... Ou les femelles, en l'occurrence !
Après un énième échec, Lyu se résolut à retourner elle même chercher Plume. Elle escalada une petite table en bois et réussis à lui attraper une patte, pour le ramener sur son gant. Puis elle inspira profondément. Les rapaces n'étaient pas des chiens. Le plus souvent, ils ne comprenaient lorsque leur maître se mettait en colère. Les gronder ne servait donc à rien. Il fallait prendre son mal en patience et recommencer.
Lyu termina sa prestation par un dernier vol suivi d'un rappel au gant. Rien de très compliqué. Puis elle récompensa Plume, et se tourna vers son professeur.

- Voilà, fit-elle, presque en s'excusant. C'est tout ce qu'on sait faire. Le rappel au gant, le vol libre, le retour au sol, et le vol en sur place. Je n'ai pas appris la chasse. Mon oncle disais que Plume était trop petit pour prendre des proies intéressantes, et il refusait que je lui emprunte des oiseaux plus gros.

Elle leva vers Gareth un regard empli d'espoir. C'est d'une voix presque enfantine qu'elle demanda :

- Est-ce que c'est bien ?

[ Mais t'inquiète pas, tu peux faire se que tu désires dans tes posts ^^ à part peut-être assassiner de sang froid mon Gareth ]


Lorsque l'oiseau se posa pour la première fois sur le gant, Gareth se replongea dans la confection de son cuir. Se qui l'intéressait n'était pas la vision de se qu'elle savait faire. On pouvait dire que c'était un fauconnier qui fonctionnait à l'ouïe et au ressenti. Il aimait entendre le battement des ailes, il savourait chaque bruissement d'air et oubliait se qu'il faisait lorsque le plumage d'un oiseau glissait sur les vents. Entendre ces plumes se frotter à l'élément du ciel était un bonheur intense pour lui, il avait toujours rêvé de pouvoir un jour survoler les plaines. Mais cela restait qu'un simple rêve. A moins qu'il trouve le moyen de se greffer des ailes, mais il ne voyait pas comment.
Lorsque le fauconnier faisait s'envoler ses oiseaux, il ne faisait qu'un avec eux. Il ressentait tout se qu'ils ressentaient, il voyait tout se qu'ils voyaient, il sentait tout se qu'ils sentaient. Lorsqu'il recueillait un volatile, il ne pouvait s'empêcher de tisser des liens bien plus fort que se qu'il devrait. Il aimait tant ces petites bêtes que les premiers temps, afin qu'elles s'habituent à lui, il passait plus de deux semaines avec eux, continuellement. Et cela fonctionnait la plupart du temps. Les liens qu'il avait avec eux étaient solides car le respect se trouvait des deux côtés. Il n'y avait pas de maître, il n'y avait pas de soumis. Gareth traitait les rapaces comme des êtres à part entière. Egaux en tout points.
Les yeux plongés dans son travail, il écoutait avec grande attention Lyu et son faucon.
L'homme avait fini le travail du cuir et prenant le couteau à pleine main, commença à trouer le tissu minutieusement. Un travail qu'il n'avait jamais accompli auparavant. Cette idée nouvelle faisait naître des sensations inconnues en lui. Inventant un remède pour la chouette, il se trouvait du plaisir pour cet art. L'invention.
Divagant, il fixa son attention sur la jeune fille.
Elle connaissait les bases, c'était déjà cela. Même si elle peinait quelques fois à se faire entendre par son faucon, elle savait se débrouiller. Une chose en moins à lui apprendre et ils pourraient donc passer à quelque chose de plus intéressant que des rappels ou des vols libres. Quelque chose dont Gareth avait horreur.
Les trous finis, il prit la solide ficelle qu'il avait pris à l'infirmière et commença à confectionner l'objet. Il prenait enfin la forme qu'il avait depuis quelques heures dans la tête.
Des bruissements, des battements, des respirations. Il pouvait sentir jusqu'ici la tension dans les muscles de la jeune fille. Elle voulait à tout prix impressionner son futur maître, si toutefois il décidait de lui accorder cette joie. Il sentait le stress qui avait grimpé d'un seul coup lorsque son faucon ne voulut plus l'écouter, lorsqu'il écouta enfin son instinct. Mais comment le lui reprocher ? Autant au faucon qu'à la jeune fille. L'un désirait faire plus ample connaissance et l'autre désirait par dessus tout rentrer dans cette Académie en tant qu'apprentie du maître fauconnier. L'un comme l'autre étaient capable de tout pour impressionner l'objet de leur désir, n'importe lequel soit-il.
Elle finit sa démonstration par un dernier vol. Se retournant vers l'homme et après quelques explications, elle attendait un quelconque signe. N'importe lequel.
Il tira un bon coup sur le fil sans pour autant se dépêcher. Terminant son oeuvre avec délicatesse et précision, il la posa sur sa table de travail. C'était du solide et il avait hâte de voir se que cela allait donner.
Se levant de son tabouret, il en prit un autre qu'il offrit à la jeune fille. Il s'assit de nouveau, en face d'elle.

- Bon, eh bien tout d'abord tu peux m'appeler Gareth, cela ne me dérange pas. Ensuite...

Il ne savait quoi lui dire, car il ne s'était jamais confronté à une telle situation. Il n'avait jamais été le professeur de personne et n'avait d'ailleurs lui même jamais eu d'apprentissages. Il s'était formé seul dans les bois surplombant sa maison d'enfance. Il avait tout fait lui même alors donner son avis sur une quelconque performance était compliqué. Il devait réfléchir quelques instants.

- Ensuite, tu connais bien les bases, tu les appliques avec soin même si parfois Plume ne semble pas réellement être attentif. Il te manque peut-être un peu plus de conviction et d'assurance, mais pour une future apprentie, tu en sais déjà pas mal. Mais je serais honnête en te disant qu'il te reste énormément à apprendre avant de pouvoir te dire fauconnier. Mais bon, les cours sont fait pour apprendre et tu n'es pas venue ici pour rien.

Le fauconnier sentait qu'elle avait cette envie en elle, cette flamme que lui même avait découvert lorsqu'il était jeune. Une flamme encore minuscule qui ne demandait que l'aide d'une lumière qui voudrait bien l'alimenter jusqu'à se qu'il devienne brasier. Il la voyait cette petite lueur, mais était-elle réellement certaine de le vouloir ? Il ne voulait pas perdre son temps avec une gamine qui ne prenait pas ce métier au sérieux.
Ses yeux océans se durcirent et la fixaient d'un regard d'acier.

- Avant toute chose, je n'aimerais pas que tu te leurres sur cet apprentissage que tu es venue demander. Je ne suis pas là pour montrer la voie à quelques élèves que se soit. Je suis là avant tout pour les bêtes que tu vois là, pour tous ces êtres incompris. Je veux te prévenir, avant que tu ne prennes ta décision finale, que si par pur hasard tu décidais de continuer malgré mes avertissements, je ne te laisserais pas souffler une seconde. Qu'il fasse grand soleil, pleine lune, vent, pluie, grêle, soleil, bourrasque ou je ne sais quoi d'autre encore, je te ferais trimer. Tu ne devras pas râler ou mettre en doute mes exercices, tu ne devras pas remettre en cause mon enseignement et encore moins mes paroles. Certes, il m'arrive d'avoir tord, mais très rarement sur ce sujet là. Si tu veux toujours devenir mon apprentie, il te faudra m'écouter et m'obéir au doigt et à l'oeil peu importe mes demandes ou mes ordres. Ce ne sera pas une promenade de santé, très loin de là.

Il ne la quittait pas des yeux. Il voulait être sûr. A cent pourcents.

- Toujours d'accord pour en être ?

(ne t'inquiête pas ^^ vu l'habilité légendaire de Lyu au couteau, il faudrait que Gareth soit déjà salement amoché pour que Lyu puisse le tuer... Et encore ^^)


Lyu attendait l'avis de Gareth, puisque c'était ainsi qu'il voulait qu'elle l'appelle, en tremblant de tous ses muscles. C'était comme si un courant d'air glacé s'obstinait à remonter lentement le long de son échine, la paralysant de peur et de froid. Plus que jamais, elle avait peur de décevoir. Peur d'être renvoyée, qu'on lui dise « tu ne pourras jamais apprendre ». Chez son oncle, elle n'avait pas la réputation d'être une élève facile. Ses professeurs de Dessin, d'armes et d'équitation en avaient fait les frais. Mais elle ne s'était jamais réellement intéressée à leurs cours. Elle se contentait d'écouter d'une oreille distraite et d'appliquer les consignes comme elle l'entendait. Mais là... Si Gareth la rejetai, elle n'aurait plus rien. Elle avait tout abandonné pour venir jusqu'ici. Sa famille, ses amis... bon, ses rares amis, mais tout de même. Elle avait tout délaissé pour la fauconnerie. Et elle savait que tout allait se jouer dans les minutes qui suivraient. Un « oui » ou un « non ». Lyu savait qu'il n'y aurait pas de « peut-être » ou de « non, mais ». Il n'y avait pas de demi-mesure dans la fauconnerie. Ce n'était pas un loisir, et encore moins un passe temps. C'était une passion, une vie.
Aussi attendait-elle le verdict avec une appréhension compréhensible.
Mais le maître fauconnier prenait son temps. Non en savourant l'inquiétude de la jeune fille, comme l'avait fait le sire Hil'Jildwin un peu plus tôt dans la journée, et qui avait pris un malin plaisir à lui faire croire qu'il ne pouvait l'accepter au sein de l'Académie. Gareth était plongé dans son travail, et on sentait qu'il n'avait pas l'intention de s'interrompre tant qu'il n'aurait pas terminé. Bon ou mauvais présage ? Lyu n'aurait pas su le dire. Après un moment qui lui sembla durer une éternité, l'homme reposa le cuir qu'il venait le coudre et le considéra avec attention. Il parut satisfait de son œuvre, et se leva pour apporter un tabouret à Lyu. Aussi étrange que cela puisse paraître, la jeune fille fut soulagée de constater qu'il s'agissait d'un simple siège de bois, et non d'un fauteuil aux ornements compliqués qui trônaient dans la plupart des pièces. Lyu n'aimait pas la richesse. Elle ne pouvait s'empêcher de penser à ceux, qui, en hiver, peinaient pour obtenir de quoi se réchauffer, tandis que d'autres les regardaient du haut de leurs donjons sans lever le petit doigt. Alors qu'elle n'avait que huit ans, lors d'un hiver particulièrement rigoureux, ses parents avaient dû abattre la plupart des siffleurs de leurs élevage. Dont une jeune femelle née dans l'année à laquelle Lyu était très attachée. Et ce même hiver, son voisin avait relâché deux des quatre faucons de sa volière. Il n'avait plus d'argent pour payer leur nourriture.
La jeune fille s'installa donc sur le tabouret, et releva ses jambes, qu'elle replia contre son menton, comme pour prendre le moins de place possible. Où pour se protéger. Inconsciemment ou non, le réflexe de se mettre en position fœtale lorsqu'ils étaient en danger était propre à la majorité des gens. C'était une manière de retrouver une étreinte protectrice, même imaginaire. Une manière d'échapper à la réalité pour une fraction de seconde.
Lorsque Lyu releva la tête, Gareth était sur le point de lui parler. Il paraissait hésitant, comme s'il n'était pas sûr de ce qu'il allait lui dire. Le maître fauconnier commença par faire le point sur sa prestation, prenant le soin de pointer ses défauts comme ses qualités, en concluant qu'il lui restait à apprendre et qu'elle ferait une bonne élève. Lyu aurait pu lui répondre qu'il ferait un bon professeur, mais elle choisit de se taire. Même elle, si bavarde d'habitude, pouvait comprendre lorsque ce n'était pas le moment de parler. L'acier glacé des yeux du maître suffisaient à lui faire garder le silence.
Puis Gareth parla des conditions.
Lyu l'écouta jusqu'au bout, se recroquevillant peu à peu. Elle comprenait les exigences de son maître. Et elle se savait capable de les suivre. Toutefois, elle attendit un long moment avant de répondre.

- Quand je vivais chez mon oncle, commença-t-elle d'une voix douce, à peine audible. il me considérait presque comme sa fille. Il ne me forçait jamais à travailler. Jamais. Pourtant, c'est chez lui que j'ai le plus appris. Je ne travaillais pas parce qu'on me forçait à le faire. Ni pour les récompenses. Je travaillais parce que ce travail devait être fait. Là où j'ai grandi, j'ai appris à vivre dans le froid. À me lever avant l'aube pour mettre la moindre minute à profit. À ne pas me plaindre.

Le regard de la jeune fille se perdit dans les nuages. Elle se mit debout pour continuer.

- Avant de venir ici, j'ai longuement réfléchi. Je me doutai qu'il faudrait obéir à mon professeur. Personne ne m'a forcé à venir ici. C'est ce que j'ai choisi. Vivre avec les oiseaux, ce n'est pas une envie. C'est un rêve. C'est pourquoi, oui, je suis prête à vous suivre. À n'importe quelle condition.

Lyu resta un instant debout, droite, fière de sa tirade. Puis son visage reprit l'expression enfantine dont il était emprunt, et un sourire l'illumina.

- Par quoi on commence ?

(au fait, est-ce que mes post sont assez longs ?)

[ Si c'est assez long ? Hehe ben si tu t'en tiens au règlement du forum tu dois avoir bien une cinquantaine de lignes au-dessus du nombre minimum donc... oui ton post est assez long ]


Gareth ne fut pas surpris d'avoir une longue tirade en réponse à la sienne. Il ne s'attendait en revanche pas à avoir un rapport complet sur la vie de la jeune fille, il s'en contenta toutefois. Après tout c'était pas mal aussi de savoir quelques petites choses sur les personnes que l'on laissait entrer dans sa vie comme cela. Cette petite n'était vraiment pas comme les autres. Le simple fait de parler de son futur apprentissage éclairait son visage et lui donnait confiance en elle. A cet instant précis, elle ne ressemblait plus à la jeune fille qu'il avait surpris quelques minutes plus tôt dans sa volière. De timide et gênée, elle était devenue pipelette et sûre d'elle.
Travailler. Ce verbe ne s'associait que très mal avec le mot fauconnerie. Ce dernier était une passion, un art ancestral qui existait bien avant la naissance du premier dessinateur. Ces foutus voyageurs des spires. C'était bien de leur faute si les fauconniers étaient devenus aussi invisibles aux yeux du monde. Aussi inutiles. Pourquoi des oiseaux messagers lorsqu'il était devenu bien plus rapide de communiquer par l'imagination ? Un art qui en détruisait un autre.
Se qu'il pouvait détester ces pseudos-magiciens ! Oui, il s'émerveillait comme tout le monde devant leurs performances détruisant toute physique, il aimerait bien savoir à quoi ressemblaient les spires, comme tout alavirien. Mais il n'était pas alavirien. Son sang chaud du Sud, son sang d'Alines l'empêchait de vouloir être comme eux. Cet héritage était bien plus solide que n'importe quel dessin éternel et son père lui avait toujours appris à respecter les traditions. On pouvait dire que c'était un truc d'Alines.
Voyager grâce à un pas sur le côté ? Jamais.
Envoyer un message aussi important soit-il grâce à l'Imagination ? Jamais.
Allumer un simple feu grâce aux spires ? Jamais.
Plutôt mourir que de souiller les leçons de son père. Un modèle pour lui. C'était un pirate et donc un mauvais idéal ? Et alors ?! C'était un homme de bien qui tentait contre tout ras de marée de faire vivre sa famille convenablement. Il avait élevé quatre enfants avec une femme merveilleuse. Possédant un navire, il écumait les mers du Sud avec conviction qu'un jour il puisse emmener toute sa famille et partir loin, très loin. Pour ne plus jamais revenir. C'était un homme de traditions et son fils suivait ses traces. Enfin... pour se qui était des traditions, le reste on pouvait en discuter longuement. Tout le reste ne ressemblait pas à la vie qu'il avait mené.

Gareth sortit violemment de sa rêverie lorsque Lyu se leva. Elle continua à parler, mais cette fois pour répondre à la question de l'homme. Son argumentation était intéressante même si un simple oui lui aurait suffit, mais le fauconnier n'avait pas besoin de toutes ces combinaisons de mots pour savoir. Il avait trouvé se qu'il cherchait. Elle l'avait en elle. Dans sa voix, dans ses gestes, jusque dans ses battements de coeur. Il le sentait. Elle avait cette passion en elle. Elle avait le vol en rêve. Sa tirade à lui était plus une sorte d'avertissement qu'une réelle question. Mais à présent il savait.
Le sourire qui apparut sur le visage de Lyu eut pour effet d'attirer celui du fauconnier autant que les quelques mots qui suivirent.
Par quoi commencer ? Elle le prenait de court, il n'en avait absolument aucune idée. Un vide sidéral lui servait de tête à cet instant précis. Rien ne s'y produisait. Un blanc interminable.
Commencer...
le regard de Gareth se posa soudain sur la petite chouette et il ne tarda pas à observer l'objet qu'il avait confectionné quelques minutes plus tôt. Sourire. Il avait une idée. Enfin.
Les cris habituels des oiseaux s'intensifièrent soudain et cela lui rappela un léger détail qu'il avait omis jusque là. Il avait totalement oublié de leur donner leur plat de résistance et avec la kaelem dans les parages il ne pouvait décemment pas chasser comme d'habitude. Attendre qu'elle parte ? Non se serait beaucoup trop long. La mettre dehors ? C'était encore la meilleure solution... Ah mais non ! Il se souvint soudain qu'il lui restait un peu de viande de la veille quelque part derrière. Cela ferait l'affaire pour l'instant. Il irait chasser plus tard dans la soirée, là au moins il sera sûr d'être le seul dans les montagnes à part le gibier, cela valait de soi.
Il se leva et alla chercher la-dite nourriture. Sans aucune préventions, il donna une partie du met à Lyu.

- On va tout d'abord finir de nourrir ces monstres, sinon il vont attaquer les visiteurs.

Il adressa un sourire à sa nouvelle... apprentie. Aaah que ce mot était étrange dans son vocabulaire. Un mot auquel il devra à présent s'habituer. Un mot qu'il n'arrivait toutefois pas encore trop à distinguer.
Le fauconnier observa deux secondes les alentours, fit quelques calculs rapides et précis avant de désigner un endroit à la jeune fille.

- Occupes-toi de ceux-là, je me charge des autres et essaye de répartir tout ça équitablement. A nous deux on aura vite finit.

Cela fut exact. Quelques instants plus tard, ils se retrouvèrent les mains vide et la volière tout aussi démunie de bruit d'ailes et d'oiseaux. Un seul des rapaces ne voulait toujours rien avaler. La petite chouette. Gareth s'inquiétait énormément pour la petite bête. Il s'approcha d'elle et la prit dans ses bras avant d'enfouir l'objet en cuir et la cordelette dans sa sacoche. Cette dernière remplie de tout se qu'un fauconnier pourrait bien avoir besoin. Tiens, voilà un truc à faire. Un deuxième projet de cours prit naissance dans son esprit sans qu'il ne le demande.
Il avait donc sa sacoche en bandoulière et la chouette bien nichée entre ses bras. Il se retourna et s'adressa à la kaelem.

- Tu peux laisser ton Plume ici avec un bout de viande. Tu te débrouille bien avec lui, mais j'aimerais voir se qu'il en est avec un autre rapace dont tu ne connais rien du tout, à peine le nom. Prends en seulement un qui vient de finir de manger, je ne voudrais pas que tu perde un doigt dès ton premier cours.

Il lui fit un clin d'oeil et attendit qu'elle revienne avec un rapace. Sans plus aucuns mots, ils descendirent les marches menant à la volière. La porte bien fermée à clé cette fois-ci, ils partirent en direction des plaines. Rien de tel que le plein air pour un entraînement et une remise en plume. Ils contournèrent plusieurs parties des jardins avant d'arriver en vue des plateaux verdoyants. Aaah la liberté ! Gareth continua à marcher durant quelques minutes, Lyu à ses côtés. La petite chouette, blottie dans les bras du fauconnier, paraissait ne pas réagir au changement de décor. Rien. Une indifférence incroyable inondait ses deux grands yeux.
Le fauconnier s'arrêta soudain en plein milieu d'une colline. S'asseyant à terre, il posa la petite chouette sur ses genoux. Toujours aussi impassible, elle semblait ne même plus voir où elle se trouvait. Gareth avait énormément de peine pour elle. Avoir connu cette sensation intense qu'était le vol et d'un seul coup se voir couper de ce plaisir. Une aile en moins. Et un moignon sur lequel plus aucune plume ne voudrait venir fleurir. Un bien triste sort.
Il leva les yeux et vit que Lyu s'était assise à côté de lui.

- Tu vois cette petite chouette ? C'est une chevêche... Dis moi se que tu sais à propos d'elle ? Et des chouettes en général ?

Tout en l'écoutant attentivement, il prit l'objet en cuir qu'il voulait terminé définitivement, car il manquait encore quelque chose d'important. Un squelette. Il sortit une armature en métal qu'il commença à déformer. Et oui, il n'avait pas seulement un sang étonnement chaud, il avait aussi une force insoupçonnée. Les barres prit soudain une forme arrondie et une fois qu'il eut enfin finit de les modelé suivant le modèle choisit, il les inséra dans l'espèce de petit gant de cuir avec certes des doigts un peu étranges. L'objet avait une ouverture unique qui faisait penser à un tout petit fourreau dédié à une dague et sur un seul de ses flancs se trouvait un espèce d'éventail de cuir. Il avait enfilé les fines barres de métal dans ce tissu-ci. Il finit par coudre une sorte de mini-ceinture sur l'autre côté. Un sourire apparut alors sur son visage. Enfin, il avait finit. Il regarda la chevêche avec un regard compatissant.
Lyu parlait toujours. Il l'écoutait avec attention.



[ Tu peux aller poster la suite dans le parc histoire qu'on soit au bon endroit =D ]

Suite postée, mon professeur

Elle se trouve donc dans "parc", et je l'ai appelée "premier vol" Est-ce que le titre va ?