Le Rêve ? [Libre]

Lehya se promenait, enveloppée dans ses vêtements amples afin de cacher un minimum ses mouvements saccadés. Néanmoins, pour quelqu'un qui écoutait tout attentivement, les tintements des bracelets ne cachaient rien. Mais elle ne pouvait se résoudre à les enlever. Elle se promenait, donc, dans la rue marchande. C'était la première fois qu'elle se baladait au milieu de tant de monde, et bien que ses yeux soient invisibles grâce à sa chevelure, elle faisait extrêmement attention à ses mouvements de tête. Il suffisait qu'une mèche lâche, et les pupilles félines seraient tout à fait visibles. Lehya parvenait tout de même à tourner sa tête de tout les côtés pour voir tout ce que les marchands montraient, et en était émerveillée.

Les marchands criaient pour attirer les clients, mettant en valeur les plus belles pièces de ce qu'ils vendaient, et Lehya s'arrêta plusieurs fois devant les étals, curieuse. Une ou deux marchandes lui avaient montré de somptueux tissus, mais elle avait toujours refusé d'acheter : elle ne savait pas coudre. Certains vendeurs avaient tentés de lui vendre de jolis bijoux, mais elle donnait toujours une réponse négative : ceux qu'elle avait lui convenait très bien. Elle se contentait de regarder, d'observer, et d'éviter les chevaux qui semblaient pulluler dans le coin. Les chevaux... Lehya aimait beaucoup cet animal noble, grand et fin. Mais de loin. Très loin. De près, ils ressemblaient à des géants sur le point de l'écraser. Et c'était de cela dont elle avait peur.

Elle rentra dans une personne qui s'éclipsa avant qu'elle ait pu s'excuser. Elle vérifia que ses cheveux cachaient toujours ses yeux, puis elle continua d'avancer. Elle vit une personne courir derrière une petite fille qui riait aux éclats. Lehya la regarda passer et un sourire timide s'esquissa sur son visage. Les enfants devaient être heureux. Les enfants ne devaient pas se soucier d'une réalité qui les briseraient bien assez tôt. Elle soupira. Avait-elle jamais été enfant ? Oui, bien avant qu'elle ne comprenne en quoi ses yeux pouvaient terrifier certaines personnes. Pourtant, d'autres pensaient automatiquement au Dessin. Souvent, c'était les nobles, qui se disaient que parer ainsi ses yeux n'étaient absolument pas dignes de ce rang. Mais elle n'était pas dessinatrice. Tout juste rêveuse.

Rêveuse... Ce mot trotta dans sa tête un instant, cherchant à s'y intégrer totalement. Elle était rêveuse. N'avait jamais Rêvé, toujours confinée dans ses rêves, ses chimères. La différence entre Rêve et rêve était immense. Alors pourquoi ce même mot s'appliquait-il ? Lehya leva les yeux vers le ciel, pensive. C'était étrange. Elle avait peur, toutefois. Peur de la première fois où elle devrait soigner quelque chose. Et si elle n'y parvenait pas ? Puis elle pensa à Ayane. Lorsqu'elle l'avait soigné, elle venait tout juste d'apprendre qu'elle avait son Don, même si elle l'avait déjà utilisé une ou deux fois. Cela sembla un exploit pour la jeune femme qui rêvait d'être comme elle.

* Tu verras, tu n'en reviendras pas ! *

Son poing se ferma tandis qu'un sourire illuminait son visage. Elle avait confiance en elle, pour la première fois de sa vie. Tu verras, Ayane, que je peux devenir une personne qui aide les autres, que je peux devenir une personne qui ne se centre pas que sur elle-même.

Lehya tourna la tête à gauche et à droite, se rendant compte qu'elle avait quelque peu dépassé la rue marchande. Elle y retourna, observant à nouveau ce qu'il s'y vendait. Elle s'arrêta un instant devant ce qu'elle savait être un sculpteur de branche, puis passa son chemin, continuant à traverser la foule pour aller d'un endroit à l'autre, vérifiant de temps en temps si ses cheveux continuaient à cacher ses beaux yeux félins.