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| La Cabane du Toujours [Terminé] | |
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Mercenaire du Chaos et Maître de la boutique du Talion Messages : 306 Inscription le : 06/02/2009
| Sujet: La Cabane du Toujours [Terminé] Sam 4 Sep 2010 - 21:59 | | |
Elio n’était pas franchement doué en ce qui concernait les sentiments, vous l’aurez sans doute remarqué. Alors en amour…C’était franchement la pagaille ! On pourrait croire qu’un simple « je t’aime », aussi fort soit-il, puisse suffire et résumer la relation de deux êtres, mais le corbac savait à présent que ce n’était pas aussi facile que cela. Loin de là. Il fallait sans cesse redoubler d’attention, de mots différents des autres, de preuves qui concrétisent l’amour véritable. Pas forcément en cadeaux ou autres. Ne serait-ce qu’un regard qui parle. Mais c’est que qui bloquait Elio. Il n’avait pas l’habitude d’ouvrir son cœur. Et si lors de leurs premières rencontres tout était venu spontanément, ça n’était plus le cas exact. A présent il y avait des non-dits. A présent il avait des secrets. A présent il avait enfin appris à se forger une carapace plus dure que la précédente, qui le protégeait des autres. A présent elle n’était plus la seule femme qu’il admirait. Marlyn était entrée dans sa vie. L’amour d’Elio pour Elera était le même, toujours aussi fort. Peut-être moins aveugle, mais intense et au-delà de tout doute. Toutefois l’apprenti guerrier changeait. Comme tous les autres apprentis de son âge certes. Mais plus rapidement, et en profondeur, comme un lavage complet de l’être humain. C’est son petit cœur qui en pâtissait, plus prisonnier que jamais des grilles devenues briques construites autours de lui. Briques qui contenaient malgré tout des brèches, espoir que la vengeance ne le ronge encore pas complètement.
Alors, aujourd’hui, le jeune homme avait une mission bien particulière. Il voulait la surprendre comme elle savait tant le faire. Prendre des initiatives et cesser d’être juste le petit blondinet qui suit amoureusement sa chère et tendre. Il voulait lui montrer les brèches du mur qu’il se construisait, afin qu’elle puisse toujours trouver le bon chemin pour l’atteindre, lui. Seulement elle pour lui, et personne d’autre. Lorsqu’il avait entendu parler du Bal qui allait se faire prochainement, il avait pris une décision. Si elle le souhaitait, il serait son cavalier. Et il mènerait sa danse. On lui avait chuchoté qu’une éventualité selon laquelle les cavaliers seraient attribués au hasard pour la première danse courrait parmi les responsables du Bal. Qu’importe, elle serait sa princesse pour le reste de la soirée. Il y tenait. Il sourit en songeant à sa rencontre avec la jeune corbac près du lac, se souvenant avoir parlé de conte de fée, de château et de princesse. Il avait sa princesse. Il ne manquait plus que leur château. C’est ce qu’il voulait à présent lui offrir. Plus ou moins.
Mais son parcours était semé d’embuches. La première consistant en le fait de trouver Elera. Qui diable avait eu la stupide idée de faire une Académie aussi grande ? Ainsi, au pas de course, il fouilla le hall d’entrée, la grande salle, les cuisines, les escaliers de l’aile principale, les caves, la bibliothèque, le scriptorium, la salle des loisirs, la salle des eaux de l’aile principale, la salle d’arme, l’armurerie, les escaliers de l’aile ouest, le portique ouest, les anciens cachots –il y resta un temps à méditer sur leur première rencontre, de même que celle de Marlyn- la salle des eaux de l’aile ouest, le théâtre, les escaliers de l’aile est, le portique est, le laboratoire, l’infirmerie, la salle de dessin, la salle des soins, la salle des légendes, la salle des eaux de l’aile est, la volière, la cour de la fontaine, les écuries, la forge, le clos d’exercice, les jardins, les serres, le parc, le lac et la cascade. En vain. Une idée, alors, pourtant évidente et simple, ne lui vint qu’à cet instant. Et dans ses appartements ?
*Mais quel con !*
Pourquoi n’avait-il pas commencé par cet endroit sensé ? Essoufflé il revint au sein de l’Académie, dévalant les escaliers en direction des appartements de la marchombre. Une fois devant la porte, il souffla quelque peu, se recoiffa comme il le put, rajusta son uniforme, s’éclaircit la gorge, puis, enfin, frappa trois coups timides. Elle était là. Tout simplement. Il faillit se frapper le front, mais s’en empêcha de justesse, histoire de ne pas paraitre pour parfait abruti devant la fille qu’il aimait.
-Elera ! Sourit-il niaisement.
Il lui prit la main, lui posa ses lèvres fébriles sur les siennes, si douces. Puis il la tira à l’extérieur.
-Viens avec moi, j’ai une surprise pour toi !
Il frétillait, comme un gamin prêt à partager un fabuleux trésor de pirate avec « sa namoureuse. » Elle semblait agréablement surprise, et elle le suivit, main dans la main, se laissant guider par le jeune blond. Ils sortirent de l’Académie, exposant leurs visages au soleil chaud de la fin de journée. Impatient, il se mit à courir, et elle dut faire de même.
-Tu verras, haleta-t-il, on est bientôt arrivé !
Il jubilait, toutefois anxieux qu’elle refuse, ou n’apprécie pas sa proposition de château temporaire. Enfin ils arrivèrent. Il vit de suite son regard interrogatoire.
-Oui, c’est la Vieille Cabane. Mais ce n’est pas elle qu'il faut regarder. Plus loin.
En effet, non loin de la vieille cabane se dressait, au milieu des arbres, une demeure bien plus modeste. Une cabane de bois également, mais plus petite, et possédant quelques failles.
-Entre…
Il ouvrit la porte de sa main tremblante. Aidé par un forestier, il avait passé des après-midi entières à construire cette cabane. Les rondins de bois formaient des murs épais et la porte possédait un verrou, faible et sujet à être ouvert par n’importe qui, mais…Des ouvertures avaient lieu de fenêtre et un toit en paille recouvrait le tout. Le demi-faël n’avait pu exaucer son rêve de toit ouvert, et s’était donc contenté des propositions du forestier dans cette tache. Il la laissa un instant contempler l’endroit. Et découvrir qu’il l’avait décoré pour elle. Ainsi il avait placé des rideaux bleus, à la couleur des lotras. Faute d’argent, le lit n’était qu’un tas d’herbe et de paille, recouvert d’une couverture noire. Deux buches se prétendaient chaises autours d’un rondin en guise de table, sur laquelle était étendu un bouquet de fleurs violettes. Et, posé près de la fenêtre, une statuette trônait. Statuette en bois, qu’il avait fait sculpter pour elle. Deux êtres qui s’enlaçaient. Une femme et un homme. La femme possédait des ailes. Il la vit prendre la sculpture entre ses fines mains.
-C’est pour toi. C’pas moi qui l’ai faite, mais…
Il s’approcha derrière, prenant sa taille entre ses bras.
-C’est nous. Chuchota-t-il.
Il se dégagea, et désigna de ses bras ouverts la cabane.
-Et ça, c’est chez nous.
L’émotion lui donnait une voix beaucoup plus rauque qu’il ne l’aurait souhaité.
-Je…j’l’ai faite…avec un forestier…
Il déglutit.
-C’est…
Putain. Pourquoi avait-il tant de mal ? Pourquoi était-ce si dur ?
-…notre Cabane du Toujours…
Il ne lui avait jamais parlé de sa cabane. Pourtant il était persuadé qu’elle comprendrait.
-Si..si un jour tu ne me trouves pas. Plus…
Le si lui faisait déjà une peur bleue, à peine évoquée.
-…Je serais ici.
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| | Messages : 1576 Inscription le : 12/08/2007
| Sujet: Re: La Cabane du Toujours [Terminé] Sam 11 Sep 2010 - 19:08 | | | [Um..Désolée pour le début philo ^^" J'espère que ça va te plaire, sinon ] Elera joua distraitement avec l’une de ses courtes mèches de feu, les yeux perdus quelque part dans un trou d’air entre son visage et le sol. Elle était assise sur sa commode – vide –, le dos contre le mur et l’esprit perdu sur la lune. Le parquet de bois clair avait été bordeaux et rouge carmin, un jour. Il y avait eu des morceaux de verre, et une fenêtre cassée ; des corps, et des mèches de cheveux entortillées. Elle se souvenait du mal de tête, et des sons amplifiés, le lendemain ; et comment après ce jour, elle avait laissé la clé de ses appartements sur la porte, pour que ce soit plus facile d’y entrer. Un clin d’œil pour cet élève de Felixia qu’elle avait été incapable de retrouver, son visage trop flou dans son esprit désincarné, et une manière d’assumer, aussi. Elle se souvenait des rumeurs, des regards des apprentis et de leurs chuchotements, mais aucun n’avait osé poser de questions à la marchombre, et Elera avait laissé parler. Tous les maîtres sont critiqués, et leurs erreurs, amplifiées. Mais d’autres événements avaient eu lieu, d’autres matières à ragots, et ceux sur sa personne avaient finis par se noyer, lentement. De cette nuit de déboire, il ne restait maintenant que ses cheveux courts, et ses souvenirs brumeux. Fracturés.
Et elle, elle fixait le plancher, se demandant comment tant de choses avaient pu être effacées aussi rapidement. Les souvenirs s’estompent, les tâches de vin se lavent, et les cheveux repoussent, à la longue. Comment pouvait-on oublier si facilement ce qui avait été, comment le temps pouvait-il gommer si simplement un présent toujours éclatant de vivacité ? Elle n’arrivait pas à entortiller son esprit autour de ce concept. Tout serait donc éphémère, rien ne laisserait de trace, les effets ne seraient donc que plus ou moins longs, mais jamais éternels ? La présence du Chaos semblait tellement dérisoire, face à la force du temps. La présence de n’importe qui, n’importe où, semblait perdre tellement d’importance, lorsqu’elle ne voulait plus rien dire, et que tous ses gestes s’évanouissaient dans le temps… Comme une montagne qui s’étiole au fil des siècles, un enfant qui mature puis se meurt, une fleur qui éclot puis se fane. On en revenait toujours à ce pétale blanc flétri, froissé par ses doigts fins, incapable de rester ce qu’il avait été.
Et pourtant, l’éternité existait ; elle n’avait qu’à lever les yeux vers le ciel pour se gonfler à nouveau de cette certitude. Il y avait toujours eu le ciel. Bleu limpide, parsemé de moutons blancs, gris pluvieux, paré de minuscules étoiles scintillantes, enflammé sous les rayons de l’aube, de ce violet perle-grise qu’elle aimait tant, noir d’orage alors que tous les astres s’éteignaient sous la colère nocturne ; Toujours, il se revêtait d’une nouvelle nuance, et toujours, il y avait le ciel. Il avait été bien avant qu’elle ne pose les yeux sur lui pour la première fois, et il y serait encore demain, et après demain, et bien après encore que ses yeux ne se soient éteints. C’était là la seule manière dont Elera pouvait envisager le futur, elle qui avait appris à vivre dans le Maintenant, sans jamais ne rien prévoir que de suivre ses besoins et ses envies présentes. Mais le Maintenant aussi était éternel, d’une certaine manière ; peut-être ne restait-il presque rien de son ivresse temporaire, et pourtant, celle-ci avait été bien réelle. Immuable. Elle avait existé et existerait toujours, même si Elera ne la vivait plus, même si tout le monde en oubliait l’existence, comme ces pas qui couraient dans le couloir, comme le cri de cet apprenti dehors, comme…
Elle connaissait ces pas. Sortant doucement de ses pensées, elle tourna délicatement la tête vers la porte, là où les bruits des foulées s’étaient arrêtés.
Elio.
Elle n’avait pas besoin d’ouvrir la porte pour savoir que c’était lui, essoufflé, qui attendait de l’autre côté. Elera se leva, avant même qu’il ne frappe, ses gestes hésitants, alors qu’elle fixait le panneau de bois. Comme toujours lorsqu’il était là, son cœur s’emballait, et elle ne savait plus ce qu’elle ressentait. Elle l’aimait ; aucun doute, aucune question. Mais tout avait été tellement plus simple, au début… Lorsqu’il n’y avait pas eu de silences, et de regards qui se frôlent sans se croiser. Lorsqu’il n’y avait pas eu cette petite graine d’angoisse dont elle n’arrivait pas à se débarrasser. Ces soupçons qu’elle n’osait pas articuler, ses peurs qu’elle ne pouvait pas partager. Ce n’étaient pas tant les secrets, qui la gênait ; elle ne voulait pas savoir ce qu’Elio ne voulait pas qu’elle sache, et elle aussi avait ses mystères, taisant toujours la présence du Chaos lorsqu’elle était avec lui, comme s’il n’existait pas, n’avait jamais existé. Vérité omise, illusion temporaire. Elle ne pouvait pas lui en parler, malgré tout ce qu’elle ressentait pour lui, ou peut-être à cause de tout ce qu’elle ressentait pour lui, même. Non, c’était autre chose qui la gênait ; des rumeurs qu’elle savait véridique, des témoignages qu’elle n’avait pas voulu croire.
Elle se sentait en sécurité, avec lui. Elle savait que jamais il ne lèverait la main sur elle ; l’idée même lui semblait absurde. Mais elle savait qu’il pouvait être violent, parfois, se laissant emporter par sa colère. Et si elle restait calme face à elle, si elle n’avait jamais ressenti une seconde de peur devant les sautes d’humeur d’Elio, ce n’était visiblement pas le cas de tout le monde. Et s’il refusait de lui faire le moindre mal, et avait des remords dès qu’il prononçait un mot qui pourrait lui être blessant, il n’avait pas de scrupules lorsque ce n’était pas Elera qui se tenait devant lui, et s’était fait une réputation peu encourageante dans les différentes Maisons, et même parmi les Corbacs. L’éviter à tout prix pour éviter les ennuis, c’était la règle que s’étaient donnés Lotra et Lupus. Même les Felixias se faisaient moins hargneux à son égard, rangeant parfois temporairement leur fierté dans leur poche pour éviter qu’un conflit n’escalade. Et c’était ça, qui inquiétait Elera. Parce que s’il ne la blesserait jamais… qu’en était-il de ses proches ? De ses amis, et même de figures anonymes qu’elle respectait de loin tout autant que ceux qu’elle connaissait ? Et pourtant elle n’osait pas lui en parler. Qui était-elle, pour lui ordonner d’agir de telle ou telle manière ? Et n’était-ce pas refuser de l’accepter tel qu’il était, que de lui faire des reproches sur ce qu’il était en son absence ? Alors elle se taisait. Douloureusement.
Elle tourna la poignée peu après ses trois coups timides à la porte, heureuse de le voir enfin, malgré les questions qui la tourmentaient, et n’eut pas le temps de le regarder en face que déjà, il l’embrassait et la tirait derrière lui. Un grand sourire fendit son visage, et elle se laissa entraînée ; la joie d’Elio était extrêmement communicative. A moins que ce ne soit sa simple présence qui avait cet effet d’ivresse sur elle… Peu importait, au fond. Elle se laissait porter, et elle était heureuse. Main dans la main. Les silhouettes qu’ils croisaient n’avaient plus d’importance, seul lui était réel, sur cette trame qui fuyait de tout côté. Elle courrait aussi vite que possible, et pourtant, elle avait encore l’impression de nourrir son impatience, et de le ralentir dans son exaltation… Elle avait beau être marchombre, sa petite taille ne lui permettrait jamais de courir aussi vite qu’Elio : arrow : Et la course lui donnait de plus en plus envie d’arriver, de savoir ce qui l’excitait autant, et de pouvoir partager son allégresse…
Elle n’eut pas à attendre longtemps. C’était une cabane, posée entre les troncs, se fondant parfaitement dans le paysage forestier. Des rondins de bois, et un toit de paille ; c’était simple mais solide, accueillant sans être imposant. Elio l’invita à entrer, la voix tremblante, et Elera fit un pas à l’intérieur, lentement. Elle sentait l’importance qu’avait l’endroit pour Elio, et elle regarda partout, doucement, tournant au milieu de la salle au ralenti, sans rien dire. Posa finalement ses yeux exercés à l’art de la forge sur la statuette. Attirée, irrémédiablement. Mouvement. Elle la caressa d’abord du bout des doigts, avant de la prendre entre ses mains. Elle n’avait toujours pas prononcé un mot devant toutes ces merveilles, laissant Elio parler, ému. Elle, elle ne trouvait pas les mots, et c’est son corps qui répondait à sa place, ses yeux humides et brillants, son cœur battant la joie, la gratitude, l’amour.
La Cabane du Toujours.
C’était comme s’il avait peur, peur de la perdre, peur de partir. Mais n’avait-il pas conscience de ce qu’elle ressentait ? Alors elle posa la statue, délicatement, pour le rejoindre, poser ses lèvres sur les siennes, et ses mains sur sa peau. Et lorsqu’elle éloigna son visage, ce fut pour prononcer ses premiers mots.
- Merci, Elio. Infiniment.
Et ce n'était pas assez, loin, loin d'être assez. Serait-il capable de sentir la force qu'elle mettait dans ses mots, dans le regard embué qu'elle lui lançait, dans ses mains qui dansaient ?- Elle sera comme le ciel, notre cabane.Etendue infinie, où que tu regardes. Eternelle, quand que tu sois. Toujours, quoique tu fasses.
- Je t’attendrais ici, moi aussi, pour que tu n’ais plus besoin de me chercher partout… Mais tu sais… Je serais toujours capable de te trouver. Où que tu sois.Et avec ça, elle eut un bref éclat de rire, et elle recula, sans donner plus de précisions ; elle s’approcha de la porte, vive, et tourna la tête vers Elio avant de sortir, les doigts crépitant :
- Je reviens ; il manque quelque chose…Et avec un dernier sourire, elle fit quelques pas dans les bois, avant de ramasser une pierre pointue. Revenant, elle rentra à nouveau dans la cabane, ferma doucement la porte derrière elle, et se mit face au battant. Elle resta là, quelques secondes, à regarder la surface de bois, puis elle leva la pierre, pour pouvoir tracer quelques lettres sur l’entrée… Des lettres qui ne seraient visibles que de l’intérieur. Des lettres, destinées à eux seuls ; un poème Marchombre qui, au lieu d’être éphémère, serait figé dans le bois pour toujours…
Il n’y a pas de fin, il n’y a pas de début, il n’y a que la passion infinie de la vie… [Federico Fellini] |
| | Mercenaire du Chaos et Maître de la boutique du Talion Messages : 306 Inscription le : 06/02/2009
| Sujet: Re: La Cabane du Toujours [Terminé] Mar 12 Oct 2010 - 13:31 | | | Il tremblait, et sentait la trace humide que formait la transpiration ses tempes et sur son torse camouflé par sa chemise. Ses petits yeux bleus allaient de gauche à droite, de haut en bas, suivant le moindre mouvement d’Elera, guettant sa réaction.Il suivit ses mains délicates poser la statue à sa place initiale et venir se coller à lui, tandis que ses pétales de rose qui lui tenaient lieu de lèvre l’effleuraient, lui offrant une douce gourmandise, aussitôt retirée, privée, peut-être par peur d’excès. - Merci, Elio. Infiniment. Il fronça les sourcils, tentant de déceler autre chose dans son regard, dans son sourire caché. Son cadeau lui plaisait-il vraiment ? En avait-il trop fait ? Pas assez ? Venait-il de toucher un point trop sensible, dans leur relation ? Infiniment. Ça voulait dire quoi infiniment ? Infini ? Pourquoi remercier à l’infini ? Lui, il la voulait juste maintenant. Pour toujours, aussi, certes. Mais pour l’instant il ne la voulait qu’à l’instant présent. Et au présent, que ressentait-elle ? Pensait-elle qu’il voulait de nouveau l’enfermer ? Il se traita intérieurement d’abruti, soudainement conscient de sa maladresse à ce sujet. Il ne voulait pas la retenir prisonnière, du moins ça n’était pas sa motivation, sa pensée première lors de la construction de la cabane.Il voulait juste lui faire découvrir sa Cabane du Toujours.- Elle sera comme le ciel, notre cabane.Son cœur rata un battement et flancha sur le côté, comme lorsqu’on loupe une marche dans un escalier. C’était comme si elle avait lu dans ses pensées, comme si elle avait vu dans ses yeux sa vision de toit ouvert pour qu’ils puissent dormir sous le ciel étoilé. Alors il sourit, quelque peu rassuré, mais toujours hésitant. Elera semblait heureuse. Semblait. Jamais il ne parvenait à décerner exactement ce qui se passait dans sa tête, et dans son cœur. Et puis aujourd’hui… Aujourd’hui il la sentait lointaine, malgré la proximité de leurs corps. Ses deux joyaux ne rencontraient pas les siens, papillonnant en tous coins. Et puis il y avait cette sale sensation de cachoterie entre eux, qui jurait avec l’amour éternel de cette cabane. Cachoterie.Cachoteries même. Devait-il lui parler de son engagement auprès de Marlyn ?- Je t’attendrais ici, moi aussi, pour que tu n’ais plus besoin de me chercher partout… Mais tu sais… Je serais toujours capable de te trouver. Où que tu sois.Elio ne doutait en rien de la capacité de sa marchombre à le retrouver. Oui, elle en était capable et le serait toujours. Mais le souhaiterait-elle toujours ? En aurait-elle l’envie de le retrouver ? Où qu’il soit ? Fronçant ses sourcils fins, il riva ses pupilles sur le sol, soucieux. Le retrouverait-elle dans la voie qu’il venait d’emprunter, pour le meilleur et pour le pire ? Voudrait-elle le rejoindre aux côtés de Marlyn ? Dans sa vengeance ? Cela, il en doutait énormément, connaissant de mieux en mieux Elera. Et il avait peur. Peur de devoir un jour ou l’autre faire un choix. Car choix il y aurait, il ne pouvait se voiler cette évidence plus longtemps. En s’alliant à la Mercenaire du Chaos, il avait comme signé de son propre sang sa séparation, avec tous les idéaux, trop optimistes pour être vrai, des marchombres. Et d’Elera.Et il ne pouvait plus faire demi-tour. D’ailleurs il n’en avait aucune envie. Depuis son arrivée à l’Académie, dans le but même de retrouver son passé et sa mère, il n’avait jamais autant avancé que depuis sa rencontre avec la femme borgne. Il devenait fort. Puissant. Son corps ne ressemblait plus à celui de l’adolescent chétif. Il devenait homme, et constatait avec joie les similitudes qu’il prenait avec le peuple faël, restant à son regret toutefois très humain. Son don pour l’arc atteignait un niveau très poussé, et il se délectait des défis gagnés contre les élèves trop prétentieux. Son apprentissage de guerrier se perfectionnait au jour le jour, avec toujours cette même faiblesse pour les armes massives. Grâce à Marlyn, il gagnait en discrétion et souplesse, et surtout en manipulation, se transformant en détecteur de failles. Il apprenait à devenir autre, derrière un masque sans cesse différent. A devenir illusion, ombre. Finirait-il par n’être vraiment plus qu’une ombre, qui hanterait l’amour d’Elera et la fera fuir, tel un oisillon face à un corbeau ?La jeune femme aux cheveux de feu sortit un instant. Sortant quelque peu de ses pensées, il la laissa revenir, tentant de discerner ce qu’elle ramenait. Une pierre. Voulait-elle le frapper ?! Ou pire, détruire cette cabane ? Non. Elle ne fit rien de tout cela. Plantée devant la porte, elle s’appliqua à tracer des mots. Il n’y a pas de fin, il n’y a pas de début, il n’y a que la passion infinie de la vie… De la poésie marchombre. Lors d’une soirée en compagnie de sa bien-aimée, cette dernière lui avait en bref expliqué le principe selon lequel ces mots sacrés ne devaient jamais être lu à haute voix. Il s’appliqua donc à ne pas les prononcer, évitant de ce fait une dispute inutile. Jamais elle ne lui avait écrit quoi que ce soit et cette attention le toucha, transportant son cœur au bord de ses lèvres fébriles.
De ses doigts il effleura les lettres gravées, puis caressa le visage d’Elera, parcourant son front, ses tempes, ses yeux, l’arrête de son nez, et enfin ses lèvres. Il l’enlaça, serrant sa silhouette tentatrice contre son torse qui vibrait sous les coups martelant de son cœur. La paume de sa main s’appuya contre son dos, et partit à la conquête de son corps, s’arrêtant au bas des reins, pour remonter jusqu’à la nuque, l’empoignant avec la force d’un amoureux transi. Elle lui rendit cette étreinte, passionnée et cette fois-ci exempte de toute privation de gourmandise. A ce retour, il sentit ses poils se hérisser le long de l’échine dorsale, aussi infimes soient-ils. Ses membres se contractèrent et un frisson le parcouru, tandis qu’il déglutit, ardent. Ses lèvres se posèrent sur l’oreille de celle qu’il aimait, pour le pire et le meilleur :-Je t’aime, Elera. Acc…Acceptes-tu… d’être ma…princesse pour le Bal de…l’Ac.. l’Académie ? Sa voix ne suivait plus. De même que ses pensées. Il était perdu, entièrement perdu en elle. Et là, saurait-elle le retrouver ? |
| | Messages : 1576 Inscription le : 12/08/2007
| Sujet: Re: La Cabane du Toujours [Terminé] Dim 14 Nov 2010 - 17:16 | | | [Désolée pour le retard, et édition à volonté, c'est vraiment un post triste ><] « Viens avec moi, j’ai une surprise pour toi ! »
Et c’était exactement ce qui s’était passé. Elle était venue avec lui, il la menait de surprise en surprise, et tout ça, pour elle. Cette cabane, c’était comme un refuge lorsqu’ils ne voulaient plus suivre le chemin de la vie, un endroit où figer le temps, l’espace d’un instant, une parenthèse de bonheur, où il n’y avait plus de questions, plus de secrets, plus de peur pour le futur. Parce qu’ils avaient peur, tous les deux ; elle avait senti la peur qu’elle parte dans les mots trébuchants d’Elio, elle ressentait la crainte lorsqu’il regardait ailleurs ou disparaissait des jours entiers sans la voir, et s’enfermant dans un silence taciturne dès que la conversation se dirigeait vers ce qu’il pouvait bien faire pendant ces longues disparitions.
« Some things we don’t talk about, rather do without and just hold the smile »
Mais cela n’avait aucune importance. Aucune, parce que malgré tout ce qu’ils ne se disaient pas, malgré leurs doutes, c’était ensemble qu’ils aimaient être, et ensemble qu’ils étaient. Quelle importance, qu’il soit irascible avec ses camarades, lorsqu’il lui construisait un château et l’invitait à être sa princesse ? Ils étaient, chacun avec leurs qualités et leurs défauts, leurs rêves et leurs chimères, et même s’ils étaient différents, et que leurs esprits ne concorderaient jamais entièrement, leurs visions des choses plutôt contradictoires, elle comprenait sa colère et ne le condamnait pas, il comprenait sa fragilité et ne la brisait pas. Ils seraient là l’un pour l’autre, pour faire face à la vie, ensemble.
« Falling in and out of love, ashamed and proud of, together all the while »
Et un jour, ils se sépareraient, ou pas. Pourquoi avait-elle si peur ? Elle n’avait jamais eu peur de perdre sa sœur, jamais eu peur de perdre son maître, non plus, jamais eu peur de perdre les autres ; elle profitait, pendant qu’elle était avec eux, simplement, sans y penser. La certitude qu’ils resteraient était profondément enracinée en elle ; et même s’ils partaient, pourquoi ne les laisserait-elle pas partir ? Ils avaient chacun leur chemin, chacun leur liberté, et elle voulait qu’ils puissent aller où ils le souhaitaient, faire ce qu’ils désiraient, même si pour cela ils devaient la laisser en arrière. Rencontrer d’autres personnes, allumer d’autres étincelles, poser les yeux sur d’autres paysages. Mais lui, elle avait peur, peur de l’éphémère à en cauchemarder, et elle ne savait pas qu’en penser, ne comprenait pas pourquoi. Ne comprenait pas si cela venait d’elle, ou de lui. A moins que ce ne soit encore une plaie laissée par Marlyn, elle qui était partie sans regarder en arrière alors qu'Elera l'attendait encore, et qui n'était pas encore complètement guérie. Peur qu'il fasse comme elle, et s'en aille alors qu'elle s'attendait à ce qu'il reste à ses côtés. Qu'il la laisse seule avec l'absence et ses souvenirs, pour se tourner vers elle et lui dire que tous ses beaux souvenirs ne voulaient rien dire pour lui... Elle essayait de repousser les doutes, mais se mélangeaient le présent, l’éphémère, le toujours, le maintenant, et tous ces ensemble, ces solitudes, et elle ne savait pas de quoi était fait le futur.
« You can never say never while we don’t know when, but time and time again »
Encore et encore tournaient les questions, et elle se sentait toute petite, enfantine, comme à cette époque où elle ne savait rien, voulait tout savoir, et n’avait personne pour lui répondre. Si les autres s’étaient posés les mêmes questions, pourquoi ne savaient-ils toujours pas la réponse, pourquoi ne voulaient-ils pas les lui donner ? « Tu comprendras, quand tu seras plus grande. » Alors pourquoi avait-elle l’impression d’avoir plus de questions maintenant qu’à l’époque ? Et pourquoi doutait-elle davantage maintenant qu’Elio lui prouvait combien il tenait à elle que quand il n’était pas là ?
« Younger now than we were before »
Elle s’accrochait à lui d’autant plus, retardant sa réponse d’un baiser passionné. Comme si elle fuyait, sans savoir ce qu’elle fuyait. Elle voulait être avec lui. Vraiment. Véritablement. Et avait l'impression que ce n'était pas le cas, même au coeur de leur Cabane, même réfugiée dans ses bras. Tout ce qu’ils faisaient l’un pour l’autre, pour se prouver qu’ils s’aimaient, semblait prendre une teinte mensongère, un air superficiel, un masque cachant elle ne savait trop quoi. Comme si chaque preuve d’amour était devenue nécessaire – mais avaient-ils véritablement quelque chose à se prouver ? Elio n’avait pas besoin de lui construire des cabanes pour qu’elle l’aime ; et elle ne devrait pas avoir besoin de l’accompagner au bal pour qu’il l’aime. Pourquoi mettaient-ils tant d’importance dans tout ce qu’ils faisaient, pourquoi se forgeaient-ils des symboles pour se rassurer, alors qu’ils auraient pu simplement s’aimer, sans douter, sans mentir, sans cacher ce qui pesait véritablement sur leur cœur ? Il lui prouvait qu’il tenait à elle, et elle avait l’impression qu’il la lâchait.
« Don’t let me go »
- Je suis déjà ta princesse. Pour le Bal et pour le reste.
Elle l’avait murmuré à son oreille, un sourire flottant sur le visage alors qu’elle prononçait ces mots avec toute sa conviction, tout son cœur. Et en lui prouvant qu’elle tenait à lui, elle avait l’impression de le lâcher.
Ils ne devraient pas avoir besoin de s’accrocher. Ils ne devraient pas avoir besoin de se taire pour être ensemble. Ils ne devraient pas avoir peur de ce qu’ils pensaient l’un de l’autre, mais s’accepter, pour ce qu’ils étaient, ne pas avoir peur de dire ce qu’ils ressentaient, de prononcer autre chose que des mots rassurants, et ne pas se braquer de leurs différences…
- Fais-moi confiance, s’il te plait. Cela avait été comme un gémissement plaintif, à peine prononcé, malgré elle, et c’était toutes ses incertitudes qui perçaient dans cette seule demande. Une demande de casser les murs, de tuer les doutes de l’un en chassant ceux de l’autre. Et pourtant, elle n'était même pas sûre qu'il l'ait entendue. Me fais-tu confiance, Elio ? Tu m’aimes, tu veux être avec moi, tu as peur que je parte, je le sais, et moi aussi - mais me fais-tu confiance ?
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| Sujet: Re: La Cabane du Toujours [Terminé] Jeu 2 Déc 2010 - 17:11 | | | [ça tourne au vinaigre ^^ Si tu veux que je rajoute quelque chose ou que je modifie quoi que ce soit, n'hésite pas ] Il régnait une sale ambiance dans cette cabane. Une ambiance complètement contraire à celle souhaitée et envisagée par Elio.Lui voulait une cabane du Toujours. Dans laquelle ils s’aimeraient, s’embrasseraient, se retrouveraient, s’uniraient. Elle l’embrassait certes. Mais plus elle mettait ses lèvres sur les siennes et plus il la sentait partir, se détacher de lui.Ces retrouvailles avaient un arrière goût d’au revoir, de fatalité amoureuse. - Je suis déjà ta princesse. Pour le Bal et pour le reste.Elle m’aime. Et je l’aime.Alors qu’est-ce qui cloche?
Peut-être son ton résigné, ses yeux baissés qui trahissaient le malaise, le doute. Ou encore le tremblement de ses lèvres, comme si chaque mot qui s’en échappait n’était pas le bon. Ou peut-être lui.Ses maintes moites qui parlaient pour lui, avouant sa peur. Ses yeux bleus, qui viraient au gris sous le silence, les non-dits, les secrets se transformant en mensonges. Et sa voix, rauque, qui tremblait tant par le manque d’assurance de ces dires. Image si contrastée par rapport à celle qu’il offrait aux autres. Avec Elera il n’était pas le même. Il était autre qu’Elio. Lequel était alors le vrai ?Se fourvoyait-il lui-même auprès de celle qu’il aimait ?Il ne pouvait continuer ainsi à marcher sur le fil de la dualité. Il faudrait bien un moment qu’il tombe. D’un côté ou de l’autre. La question murmurée, à peine prononcée désarçonna le jeune homme, qui failli bien tomber sur les fesses.Avait-il bien entendu ?Il ouvrit de grands yeux effarés, fixant le regard fuyant d’Elera. *Non. Tu ne peux pas me demander ça.* Elle leva ses améthystes, répondant à sa question silencieuse.Si, elle le pouvait.Elle l'osait, même. *Où en sommes-nous pour en arriver là ?* Le guerrier était dépassé. Complètement perdu. Et le pire, le plus affligeant dans cette situation de merde, était qu’il ne pouvait répondre à la question fatale.Non, il ne le pouvait pas. Il déglutit, s’apprêtant à bredouiller un « oui » pour arranger la situation. Sans succès.Plongeant son visage ravagé par l’embarras sans ses mains, il se tourna, faisant quelques pas pour s’éloigner de la jeune fille. Jeune femme, pour être plus juste. *Dis-lui quelque chose, putain !* Mais quoi ? Oui ? Ce serait mentir.Non ? Ce serait inexact.Il avait appris à ne faire confiance à personne, pas même aux plus proches, pas même à la famille. Ne l’avait-il pas constaté avec son père ? *Mais c’est Elera !* Et Marlyn l’avait mis en garde contre elle. Il lui avait déjà grandement désobéi en gardant contact, en ne l’oubliant pas, en restant auprès d’elle-même ! Si son maitre ne lui avait rien dit, il savait que tôt ou tard il aurait à faire un choix, et qu’il regretterait d’avoir fait la sourde oreille au départ.C’était au départ qu’il fallait faire un choix. La voie de la vengeance et de la vérité ou Elera.Il avait voulu les deux, espérant plus que croyant que cela était possible.Elle était Harmonie. Il devenait Chaos. Cela ne pouvait pas fonctionner.Mais le Chaos n’était qu’une voie de passage, il n’en ferait pas partie, pas vraiment. Il ne serait que fidèle à Marlyn.Et non à Elera ?Il ne devait pas lui faire confiance. Il n’avait pas le droit de donner sa confiance s’il voulait parvenir à ses fins. S’il voulait vivre. Et gagner.*Mais c’est Elera, bordel !* Elle demeurait un risque pour lui. Un risque énorme. Elle était sa faiblesse, sa faille dans le mur qu’il se construisait. Alors qu’il gagnait en puissance, en force et en manipulation, le plus bête des abrutis serait capable de l’anéantir grâce à Elera. Il lui suffirait alors de quelques mots. Et tout serait fini.Elle le mettait en danger par son amour. Lui donner son entière confiance serait se perdre.S’il devait un jour, bientôt, plus tôt que prévu peut-être, se séparer d’elle et continuer sans elle, se battant contre son propre amour…Y parviendrait-il seulement ? *Je l’aime.* Et justement.Mais quel con d’être tombé amoureux !Des larmes se noyèrent au creux de ses mains, tandis qu’il sentait l’agitation de la marchombre derrière lui. Les non-dits le rattrapaient bien plus vite qu’il ne le pensait. Les rattrapaient. Il respira un grand coup, séchant ses larmes et se raclant la gorge. Il ne pouvait pas la laisser ainsi, dans le silence. Mais alors que lui dire ? Pourquoi ne se contentait-elle pas de ce qu’il lui offrait ?Cette cabane.La statuette.Son amour. Certes particulier, spécial, mais qu’importe, son amour tout de même.Pourquoi, par la Dame, fallait-il qu’elle complique toujours tout ? Appuyer sur les cordes sensibles ? Le remettre en question ? Le questionner sur ses activités, même silencieusement ?Et après elle parlait de confiance. Mais lui faisait-elle confiance, elle ? -Tu compliques toujours tout.
Premier reproche. Premier reproche à voix haute. Le temps du mielleux était révolu. Elio reprochait à Elera.Ce n’était pas rien.
Tu ne comprends pas.Je n’essaie pas de te retenir.J’essaie de me retenir à toi. Comme une ancre. Tant qu’elle est encore là.Car bientôt tu auras beau être tout près de moi, je ne pourrais plus te serrer dans mes bras, t’embrasser ou te dire que je t’aime. Je n’ai pas peur que tu fuis.J’ai peur de ma fuite prochaine.Et ça, tu ne peux pas le comprendre. Car je ne peux pas te le dire.J’ai tout raté. Ma preuve d’amour est un adieu. J’ai tout gâché.Il se tourna, osant enfin affronter son regard, malgré la trace encore apparente de ses larmes récentes. -Toujours. Ce mot avait-il encore ne serait-ce que de la valeur ? |
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| Sujet: Re: La Cabane du Toujours [Terminé] Dim 12 Déc 2010 - 13:50 | | | Ils ne devraient pas besoin d’avoir à s’accrocher, pas besoin de se taire, et d’avoir peur de la réaction de l’autre. Et pourtant, c’était ce qu’ils faisaient. Il lui construisait des cabanes, elle lui écrivait des poèmes, ils s’embrassaient ; mais se connaissaient-ils seulement ?
Visiblement pas.
Incapable, seulement, de lui murmurer un oui. Incapable de la rassurer, de lui parler, de partager sa vie. Il ne lui parlait plus de sa mère depuis longtemps, ni de ce qu’elle pensait être important pour lui, se contentant de réponses vagues quand elle ne restait pas silencieuse. Il se contentait de lui dire qu’il l’aimait. Et malgré les preuves, malgré les cadeaux, la cabane, la statue, les envies, elle ne savait pas si elle devait encore y croire. Parce que oui, il le lui disait, il le lui montrait, beaucoup plus qu’elle d’ailleurs – mais il y avait l’absence, et les secrets. Comment pouvait-il l’aimer sans lui faire confiance, comment pouvait-il l’aimer alors qu’il disparaissait parfois des jours entiers et n’en parlait jamais ? Ils avaient chacun une vie, lorsqu’ils n’étaient pas ensemble, et ça elle le comprenait parfaitement – alors pourquoi ne pouvait-elle pas se satisfaire de ce qu’il lui donnait lorsqu’il était là ? Pourquoi avait-elle l’impression que chaque preuve d’amour n’était qu’un moyen de la garder sans le vouloir vraiment, comme si cette cabane avait été construite pour lui faire croire que tout était vrai, sans que ce ne soit le cas ? Une manière de contrebalancer tout ce qu’il ne disait pas, de se faire pardonner de ne pas pouvoir lui faire confiance. Mais elle n’avait pas besoin d’une cabane pour le retrouver ; elle avait seulement besoin qu’il veuille bien être cherché. Et pas seulement lorsqu’il n’avait rien à cacher.
Mais comment pouvait-elle se plaindre du fait qu’il ne puisse pas répondre à sa question ? Elle aussi, elle avait été incapable de continuer les faux-semblants, de lui faire croire que tout allait bien, incapable de ravaler cette simple demande à laquelle il ne pouvait pas répondre. Et maintenant, il cachait ses larmes dans ses mains, et elle, la gorge serrée, n’osait même pas s’approcher, poser une main sur son épaule, le rassurer à son tour en lui demandant d’oublier ce qu’elle venait de dire, que ce n’était pas grave. Parce que si, c’était grave. Lui n’était pas capable de comprendre son besoin de liberté, malgré tous les efforts qu’il faisait en ce sens, et avait peur qu’elle parte ; mais elle non plus ne comprenait pas. Elle n’était pas capable de comprendre pourquoi il s’englobait dans une carapace de silences et de secrets, comprendre son refus de lui faire confiance, incapable de comprendre pourquoi ils n’arrivaient pas à communiquer par les mots, alors qu’elle en avait tant envie…
Elle lui demandait de lui faire confiance, mais elle-même n’aurait pas pu trouver les mots pour lui répondre, s’il avait formulé la même demande. Elle ne pouvait pas lui faire confiance, elle non plus. Pas capable de lui faire confiance pour ne pas blesser ceux en qui elle tenait, pas capable de lui parler de la résistance, pas capable de mentionner le Chaos, pas capable de lui parler de son passé. Elle avait beau se répéter que c’était trop dangereux, ce ne pouvait pas être la vraie raison – elle avait osé en parler à Khelia, à Silind, à Lya, à Duncan… Alors pourquoi pas lui ? Pourquoi ne pouvait-elle pas lui faire confiance, à lui ? Parce que ce n’était pas réciproque ? Mais s’il l’attendait, et qu’elle l’attendait, chacun campés sur leur position à une distance respective l’un de l’autre, comment pourraient-ils jamais se rapprocher ?
La phrase se brisa à ses oreilles, et elle ne réagit d’abord pas, comme si elle n’avait pas compris ce qu’il avait dit. Mais elle avait bien compris, et le mot suivant le lui confirma, ou plutôt, le ton sans équivoque fit éclater ses moindres doutes. Elle sentit ses yeux s’embuer, mais battit rapidement des cils en tournant la tête ; il ne devait pas le voir. Il s’en voudrait, comme elle s’en voulait d’avoir parlé, et elle ne voulait pas de regrets. Elle réussit, et lorsqu’elle le regarda à nouveau, ces yeux étaient un peu plus brillants que d’habitude, mais aucune larme ne coulait sur ses joues. Elle compliquait tout. Et peut-être avait-il raison. Il l’aimait, à sa façon ; pourquoi ne pouvait-elle pas accepter ce qu’il lui offrait, pourquoi cherchait-elle plus loin ? Il ne lui aurait pas construit une cabane, s’il n’avait pas voulu être avec elle, il n’aurait pas voulu l’éternité. Elle se posait trop de questions, et le simple fait qu’elle lui demande s’il lui faisait confiance prouvait qu’elle ne le croyait pas. Il lui suffisait de le croire. D’accepter son absence, d’accepter les silences, et de s’en accommoder ; après tout, avaient-ils vraiment besoin de parler ?
Mais comment pourraient-ils continuer, s’ils n’étaient pas capables de s’ouvrir l’un à l’autre ?
*Tais-toi. Tais-toi. Plus de questions.*
- Excuse-moi. Tu as raison.
Mais la croirait-il seulement ? Il ne lui faisait pas confiance, pourquoi croirait-il en ses mots ?
Mieux valait se taire.
Et continuer à sombrer dans la spirale des non-dits ? Comment pourraient-ils remonter, si elle ne disait rien ? Mieux valait tomber maintenant, la chute n’en serait que moins longue. Mais que dire, exactement ? Qu’elle lui en voulait de ses silences ? Qu’elle ne lui en voulait pas ? Elle n’était pas certaine de la réponse. Qu’elle acceptait ses secrets, qu’il n’avait pas à s’inquiéter, qu’elle ne chercherait pas à savoir ce qu’il voulait lui cacher ? Qu’ils n’avaient pas à se comprendre ou à se connaître, qu’ils leurs suffisaient de s’aimer, et que c’était suffisant ? Qu’elle avait peur qu’ils s’éloignent ? Qu’elle serait là pour lui s’il la cherchait, qu’elle l’attendrait ? Elle n’en était pas sûre. N’était déjà pas là pour lui, maintenant, alors qu’ils étaient dans la même pièce ; mais enfermés chacun dans leur esprit, comme si un mur les séparait. Qu’elle lui faisait confiance, qu’elle devait lui parler de quelque chose, lui parler du Chaos ? Non ; il pourrait réagir trop brutalement, et les trahir tous. Alors quoi ? Je t’aime ? Pour ce que tu es ? …Je veux te faire confiance ?
- …Lya m’attend. Pour un cours marchombre. J’allais la rejoindre quand tu es arrivé.
Elera avait envie de se frapper la tête contre un mur. N’avait-elle rien trouvé de mieux que la fuite ? Avait-elle si peur de la vérité, celle qu’il cherchait tant, la vérité qui dérange, qui se cache, qui s’insinue derrière tous les semblants de mensonges ? Avait-elle vraiment envie d’éviter sa présence, maintenant ?
Non, pas sa présence ; son absence, son absence même lorsqu’il était là, ou leur absence, plutôt, celle d’Elio autant que la sienne. Absence mutuelle. C'était le conflit, qu'elle cherchait à tout prix à éviter. Parce qu'elle ne voulait pas se disputer avec lui. Ne voulait pas le perdre. Partir pour ne pas le perdre, parce que rester pourrait tout éclater. N'était-ce pas paradoxal, de rechercher l'absence pour éviter l'absence ? Elle avala sa salive, difficilement.
- Mais je suis contente d’avoir pu te croiser avant.
Te croiser. C’était tout ce qu’ils faisaient, à présent, se croiser. Ils étaient devenus des étapes entre leurs vies, au lieu d'être leur destination. Elle avait envie de vomir. Elle s’approcha, l’embrassa au coin des lèvres.
- A bientôt ?
Et là aussi, c’était une question, plus qu’un au revoir. Parce que le temps était devenu tout relatif… Suivi d’une autre, un filet d’espoir. Parce qu’elle voulait bien faire un effort, un effort pour réparer les non-dits, pour ficeler l’absence, et la remplacer par autre chose. Parce qu’elle voulait bien croire qu’il la choisirait, peut-être…
- On se retrouve ici, ce soir ?
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| Sujet: Re: La Cabane du Toujours [Terminé] Ven 7 Jan 2011 - 10:57 | | |
*Parle.*
Le silence se faisait plus que pesant. Véritablement étouffant. Comment ne plus pouvoir respirer dans un nid d’amour en dix leçons.
*Mais parle, bordel !*
Une réponse. Une accusation. Une gifle. Mais quelque chose ! Regarde-moi. Ose me regarder en face, cesse de baisser tes beaux yeux améthystes, je n’en vaux pas la peine. Sois droite et juste, comme tu l’es toujours. Dis-le. Dis-le que je suis un monstre, un meurtrier et indigne de ta confiance, et plus encore de ton amour.
*Dis-le putain !*
- Excuse-moi. Tu as raison.
Il leva les mains, s’apprêtant à hurler, lui cracher sa colère, sa frustration de cette lâcheté, de ce manque d’assurance, de ce mensonge ! Puis la rabaissa, les laissant balloter, frottant ses hanches. Raison. Mais aucune personne sensée ne dirait dans ce cas qu’Elio avait raison ! Elle n’y croyait pas même elle ! Elle savait pertinemment qu’il était en tort. Que c’était lui qui lui cachait mille et une choses, qu’il partait durant des temps qui devaient lui paraitre bien long, sans aucune explication ! Et après c’était à elle de s’excuser ? Sûrement pas !
Pourquoi t’abaisses-tu, jolie marchombre ? Pourquoi baisser ces yeux, d’habitude si perçants ? Me crains-tu ? As-tu entendu parler de mes actes ? De mon meurtre ? Et des éventuels, voire fort possibles prochains ? Sais-tu qui je suis ? Et à qui je me suis lié ? Non. Car dans ce cas, il y aurait bien longtemps que tu serais partie.
Elio souffla. Si seulement il pouvait tout lui expliquer. Mais il ne le pouvait. Par risque de trahison. Même un être aimé et qui aime en retour pouvait trahir. Et par peur qu’elle ne prenne peur, qu’elle s’enfuit et le déteste, comme tous les autres.
Et maintenant ? Et après ? Et avant ? Avant tout était parfait. C’était l’amour passion, le début, sa première histoire, première rencontre, dans les anciens cachots…Là où il avait également rencontré Marlyn. Là où tout avait basculé. Et maintenant ?
*Elera…*
Et après ?
*Que fait-on ?*
- …Lya m’attend. Pour un cours marchombre. J’allais la rejoindre quand tu es arrivé.
Fuite. Depuis quand Elera le fuyait-elle? A cet instant, Elio lui en voulait. Enormément. Pas de l’accuser, ni de compliquer les choses. De toutes façons elles étaient déjà compliquées ces choses-là, bien avant Elera. Non. Il lui en voulait de ne pas affronter le problème et de prendre la fuite ainsi. Certes il ne fournissait pas de réponses, mais de là à se soumettre et à prétexter un cours marchombre pour l’éviter, lui... Elle le détestait. Elle devait bien le détester, éprouver un quelconque sentiment de dégout, de gêne, de honte pour le fuir.
Pourquoi ? Mais pourquoi cela tournait-il ainsi ? N’avait-il pas droit au bonheur et à l’amour ? Devait-il accepter cette putain de fatalité à la con qu’était qu’Elera n’était pas pour lui. Ou plutôt qu’il n’était pas pour Elera. Et qu’il ne serait pour personne. Car Elera ou une autre, cela représenterait toujours une faille dans son illusion.
A nouveau ses yeux se mouillèrent de larmes, et il dut serrer dents et poings pour ne pas se mettre à pleurer, en parfait petit chialeur. Et lui qui critiquait Enelÿe… - Mais je suis contente d’avoir pu te croiser avant.
Te croiser ? Alors ce n’était que cela pour elle ? Cette cabane ? La Cabane du Toujours, ce n’était qu’un simple lieu pour se « croiser », vulgairement ? Un vague de rage parcouru le corps du jeune homme, se bloquant dans sa gorge en feu. Elle était « contente ». De l’avoir « croiser ». Que devait-il comprendre ? Qu’à présent ils ne seraient que des amis, contents de se croiser à l’occasion dans les couloirs ? Non. Elle ne rompait pas. Pas encore. Elle ne savait pas. Et elle rêvait éveillée, si elle croyait qu’il serait juste content de la voir dans un couloir si tout devait se terminer. Elle était tout pour lui. Et ce tout le détruisait à petit feu tandis qu’il arpentait sa nouvelle voie. Elle s’approcha et posa ses douces lèvres sur les siennes, tremblantes. Il lui rendit tout juste son baiser, trop frustré, trop raide, trop dans toute sa splendeur. En trop, aussi.
- A bientôt ?
Il grogna, comme un animal non content, incapable de répondre une phrase intelligible tant la boule de tension était encore présente et trop proche d’exploser hors de sa bouche. Elle s’éloigna, prenant sa réponse comme un oui. Du moins, il l’espérait.
- On se retrouve ici, ce soir ?
C’était le mot de trop. Elio explosa.
-Se retrouver ou se croiser ? Répliqua-t-il sèchement.
Elera se retourna, surprise, et visiblement blessée. Ses jambes s’apprêtaient à fléchir, mais le jeune blond tentait tant bien que mal de se contenir. Voilà longtemps qu’il n’avait plus fait de crise ainsi devant Elera. Elle avait eu le don de le calmer, de l’apaiser. Avait eu. Il grinçait des dents, se faisant un mal fou à la mâchoire, tandis qu’à son habitude il enfonçait ses ongles dans ses paumes.
-Regarde-moi Elera ! Regarde-moi, putain !
Un ordre. Après les accusations, Elio émettait des ordres à Elera. Mais où allait le monde ? Bien bas, apparemment.
-Alors c’est ça notre histoire ? Fuir et se croiser ?
La voix du garçon déraillait, rauque et entravée par les sanglots et son envie de cracher, vomir.
-Tu fuis qui ? Moi ? Quoi ? Le monstre que je suis ?
Elera restait silencieuse. Ou du moins elle aurait pu répondre quelque chose, que le demi-faël aurait été sourd, tant sa rage prenait le dessus. Il tourna en rond dans la cabane, cherchant une phrase. Il trouva un mur à taper. Son poing se fit bien plus violent que dans les souvenirs de sa chère et tendre, et la frêle cabane trembla de cette haine d’amour. La respiration haletante il la fusilla des yeux.
-Dégage.
Il ne cilla pas, luttant contre le regret et les larmes à flot. Il répéta entre ses dents.
-Dégage. Va rejoindre ton élève. Lui apprendre l’Harmonie.
Le mot « Harmonie » sonna avec ironie entre ses lèvres. Dégout. -Parce que tu la connais, toi, l’harmonie, hein ? Tu sais ce que sait. Et tu l’apprends. Tu n’es qu’harmonie.
Il rit jaune et ouvrit grand les bras, désignant l’ensemble de la scène d’horreur qu’ils vivaient.
-Alors c’est ça ta putain d’harmonie ?
*Je lui fais du mal…*
-Et tout ce que tu as vécu était un pays des poneys roses ? Les batailles ? Les morts ? Ta famille ?
Comment peux-tu prétendre croire à l’Harmonie alors que ce monde tombe en miette ?
-N’as-tu pas eu assez mal ?!
Il déglutit.
-Ou es-tu simplement encore trop naïve ?
L’Harmonie n’existe pas, Elera. Il lui tourna le dos, résigné, et abattu de sa propre colère.
-Allez, va. Va lui apprendre ce que tu crois savoir.
Déserte.
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| | Messages : 1576 Inscription le : 12/08/2007
| Sujet: Re: La Cabane du Toujours [Terminé] Jeu 13 Jan 2011 - 19:12 | | | Elera sursauta. Croisa son regard pour la première fois depuis sa question murmurée, électrisée. Parce qu’il pensait à la même chose qu’elle, elle qui essayait tant de cacher ses doutes, fuyait et se noyait dans les non-dits, pensant qu’il y était aveugle, qu’il ne savait pas toutes les questions qui tournoyaient telles des vautours dans un ciel orageux. Alors qu’il avait les mêmes en tête. Comment pouvaient-ils penser à la même chose, et laisser tant de distance entre eux ? Pourquoi les silences ? Elle aussi, elle voulait le retrouver. Etait-ce sa faute s’ils ne faisaient que se croiser ? Etait-ce sa faute s’ils s’évitaient, s’ils ne pouvaient pas partager ce qu’ils avaient sur le cœur ? Ses mots étaient comme arrachés, pointes venimeuses, reproches crachés, et elle aurait dû se sentir mal, regretter la colère dans sa voix. Et pourtant, elle ne pouvait pas s’empêcher de ressentir comme une sorte de… soulagement. Piqué de culpabilité, certes, mais un soulagement tout de même. Parce que colère ou pas, il y avait des mots, il y avait un échange, il y avait une présence, et c’était plus qu’ils n’en avaient dits ces derniers temps…
Elle le regarda. Droit dans les yeux.
Acceptant enfin de lui faire face.
Elle ne voulait pas se disputer avec lui, ne voulait pas l’entendre hurler, ne voulait pas entendre ses reproches. Mais elle voulait qu’ils communiquent. Et si, pour briser le silence, les cris étaient le seul moyen… elle entendrait ses cris. C’était un risque ; ils pouvaient s’expliquer, comme ils pouvaient aussi s’éloigner. Mais puisque le silence aussi les séparait, qu’avait-elle à perdre ?
Mais il ne voulait pas l’entendre. Il la détestait, la détestait pour ses questions, la détestait pour ses silences, la détestait pour sa fuite. Il ne voulait pas d’elle dans sa cabane, à présent, il voulait qu’elle le laisse seul. Qu’elle parte.
Mais si elle partait maintenant, seraient-ils capables de faire autre chose que de se croiser, justement ? Si elle partait maintenant, auraient-ils une chance de se retrouver toujours ? Toujours ne tolérait aucune exception ; un jour faisait parti de toujours, et aujourd’hui était un jour. Un jour pour se retrouver, s’ils le pouvaient encore. Elle avala péniblement sa salive, mais ne fit pas un geste de plus vers la porte.
- Ce n’est pas toi que je fuis, c’est ton absence.
Et ce fut comme une libération. Parce qu’une fois que les premiers mots étaient dits, la suite suivait d’elle-même, comme un ruisseau qui pourrait couler librement une fois que la pierre bloquant son cours aurait été déplacée.
- Toi, je t’aime. C’est ton absence que je ne supporte pas. Celle qui m’entoure lorsque tu es là, à côté de moi et pourtant si distant, la tête remplie de pensées qui me sont interdites. Si tu ne m’avais jamais fait confiance, peut-être aurait-ce été plus facile… J’aurais accepté. Parce que chacun a le droit à ses secrets, le droit de ne pas partager certaines choses avec certaines personnes. Mais tu me faisais confiance, avant, tu te faisais confiance lorsque tu étais avec moi. Tu me parlais de ta mère, de tes rêves, de tes peurs. Et je ne comprends pas pourquoi ce n’est plus le cas… Est-ce que j’ai fait quelque chose, Elio ?
Parce que ce doit être de ma faute. T’ai-je trahi sans le vouloir ? Suis-je différente de la rouquine que tu as rencontré dans les cachots, celle qui jouait avec les chauves-souris dans sa chevelure, celle que tu prenais pour une envoyée de la Dame ? J’ai changé. Le joug du chaos pèse sur mes épaules, et je me suis coupée les cheveux. Tchak, tchak. Ne m’aimais-tu qu’en oiseau libre, que tu pouvais retenir à toi, et m’en veux-tu maintenant que je ne suis qu’une poupée fatiguée, une marionnette récalcitrante ? Mais non. Tu ne le sais pas, que je suis une marionnette. Tu crois que je suis une enfant naïve, qui croit encore en l’harmonie. Peut-être as-tu raison. Mais ce n’est pas moi que tu attaques de tes mots, c’est toute ma voie, c’est tous les marchombres, et je ne peux pas te laisser casser ainsi l’espoir qui me permet encore de tenir debout.
- J’ai eu mal, Elio. J’ai vu un escrimeur emporter mon apprenti sans pouvoir faire quoique ce soit pour l’arrêter, blessée par son épée. J’ai vu mes maîtres souffrir étendus sur le sol, sans savoir s’ils se relèveraient. J’ai vu les gens partir, sans pouvoir les rattraper. J’ai senti la douleur de celle que je considérai comme une sœur, alors qu’elle avait été trahie par ceux qui lui avaient promis ses rêves, et c’est sous mes yeux qu’elle a tué mes amis, parce que je refusais de me battre contre elle malgré nos camps qui s’opposaient. Je le sais, que le monde n’est pas paisible. Qu’il est rempli de désaccords et de conflits. Mais c’est pour ça que je me bats, tu vois ? Parce que je ne suis pas harmonie. Parce que je veux croire qu’elle existe, et cela n’est possible que si je tends vers elle. Si j’essaie de comprendre pourquoi les choses sont comme elles sont, pour pouvoir les accepter, ne plus les laisser me blesser.
Elle fit une brève pause, cherchant à scruter les pensées d’Elio, ces pensées qui étaient devenus tellement impossibles à saisir, et elle continua, incapable de s’arrêter, à présent.
- Mais comment puis-je te comprendre, derrière tes silences et ton absence ? J’ai besoin de confiance, Elio. J’ai besoin de pouvoir te faire confiance, et je ne peux pas. J’ai besoin que tu comprennes que je ne te trahirai pas, que j’en suis incapable, mais tu ne peux pas. Je ne sais pas pourquoi les choses sont si compliquées, si c’est vraiment moi qui les emmêlent comme tu sembles le penser, si je m’invente des barrières inexistantes, mais je ne sais pas comment les démêler, maintenant. Alors quoi ? Je devrais me satisfaire du fantôme de toi que tu veux bien me montrer, et faire semblant que tu n’existes pas ? Tu devrais me révéler des choses que tu n’as aucune envie de me dire, et faire semblant de pouvoir t’adresser à moi, quand tu as besoin qu’on te comprenne ? Alors oui, je fuis. Pas toi, ni le monstre que tu te dis être, puisque je ne connais ni l’un ni l’autre. Avec les autres, tu es différent, non ? Je ne compte plus le nombre de fois où j’ai entendu parler de toi comme d’un « corbac dangereux… » Mais je ne le connais pas, ce corbac. Alors je fuis. En attendant de pouvoir te parler. De pouvoir accepter ce que nous sommes devenus, ou de te retrouver. L’un ou l’autre. Alors laisse-moi fuir, d’accord ? Puisque tu ne peux pas me parler, que je ne peux pas te parler, et que nos silences prennent toute la place quand nous sommes ensemble. Laisse-moi fuir, pour que je puisse revenir, que ce soit ce soir ou plus tard. Pour que tu puisses me trouver ici, lorsque tu m’y chercheras. Ou alors sois-là, maintenant. Avec moi, pas à côté.
Elle se tut enfin ; prit conscience de tout ce qu’elle avait dit, de tout ce qui n’allait plus, et qui prenait tellement plus de place une fois que ce n’était plus confiné au secret de ses pensées. Elle eut un rire nerveux, alors que la réaction d’Elio n’allait pas tarder, et que la crainte lui enserrait les côtes.
- J’aurais encore dû me taire, non ? Faire semblant, pour ne pas compliquer les choses. Je commence à être douée à ce jeu là. Mais je ne supporte plus les faux miroirs…
[« Je te préfère dans tes silences, immobiles comme deux cœurs arrêtés, et posés là comme des distances entre nous pour l'éternité » ]
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| Sujet: Re: La Cabane du Toujours [Terminé] Mer 26 Jan 2011 - 22:28 | | | Elio vit de suite qu’elle arrivait enfin à lui faire face. Elle se tenait, droite, devant lui, ses yeux améthystes le fixant avec détermination. Allait-elle enfin lui cracher tout ce qu’il méritait, et tout ce qu’elle taisait depuis des semaines entières.
- Ce n’est pas toi que je fuis, c’est ton absence.
Et voilà. La vérité dans toute sa splendeur. L’absence. L’absence pour masquer le mensonge. Mais continue, jolie rouquine, ne t’arrête pas en si bon chemin, non surtout pas. Déverse ton flot sur moi, tes vagues enragées, qu’elles me noient, qu’elles m’étouffent et me privent d’oxygène, jusqu’à ce que mes poumons crient grâce et cessent de fonctionner.
- Toi, je t’aime.
Il aurait voulu lui hurler « tu mens », la secouer en la tenant de force par les épaules, refuser ce sentiment pour s’empêcher d’y répondre. Nier la réciprocité de cette force irrationnelle. Aimer c’est se mettre en danger. S’offrir à quelqu’un d’autre, cet autre qui devient la cible idéale pour percer à jour l’amoureux transi. Elle s’offrait à lui. Et ne pas l’accepter, ne pas la prendre dans ses bras et la serrer si fort qu’elle ne pourrait qu’entendre les « je t’aime » des battements de son cœur, était d’une difficulté qu’il avait sous-estimé.
« J’aurais accepté. »
Faux. Tu mens, cette fois-ci. Tu ne sais pas ce qui t’attend derrière mon absence. Tu ne sais pas ce que je cache. Et si par le plus grand des malheurs je te dévoilais tout, tu te retrouverais dans l’obligation de me tuer, pour ta voie, contradictoire à la mienne. Ou de fuir, lamentablement.
« Tu me parlais de ta mère, de tes rêves, de tes peurs. »
Quel idiot il avait été, de se dévoiler ainsi. Parler de sa mère. Le plus gros point faible. Celle qui résidait à la fois dans ses rêves et ses peurs. Certes Marlyn aussi savait tout cela, mais elle était son maître, elle protégeait ses secrets et l’aidait à retrouver la piste du meurtre de sa mère à travers la voie. Elle ne représentait aucun danger pour lui. Quiconque essayerait de lui soutirer des informations serait réduit en cendre, si toutefois il l’osait. Car qui osait s’attaquer à Marlyn ? Tandis qu’ Elera était la cible parfaite. Et également un prédateur. Marchombre. Si elle en savait trop l’un de l’autre devrait supprimer l’autre. Et il n’était pas con au point de se croire capable d’éliminer celle qu’il aimait.
Écoute-moi, jolie rouquine. C’est pour cela que je m’absente, que je te fuis. Pour ma mère. Car je ne peux laisser s’échapper l’opportunité puissante de la retrouver. Pour mes rêves. Mes rêves de vengeances qui me bouffent le cœur jour après jour. Et pour mes peurs. Celles qui m’empêchent de rêver, celles qui me hantent la nuit, celles nourries de mensonges et de silences. Celles transmises par mon père.
« Est-ce que j’ai fait quelque chose, Elio ? »
Non. Non, tu n’as rien fait à part m’aimer. Mais puis-je te reprocher cela ? Alors que tu es l’unique personne de cette Académie à ne pas me considérer comme un petit con de corbac qui terrorise tout le monde. Alors que tu es l’unique personne à m’aimer pour ce que je suis, à ne rien me cacher. Alors que te dire ? Que je ne t’aime pas ? T’inventer une faute ? Ce ne serait que mensonges. Mais je commence à devenir assez doué niveau mensonge et silence. Comme mon père.
*Merde. Je deviens comme mon père.*
La similitude soudainement révélée cloua Elio sur place, et il crut défaillir, vomir. Il se retint, et ravala la bile dans sa gorge, difficilement.
« J’ai vu les gens partir, sans pouvoir les rattraper. »
Et moi je me souviens tout juste l’avoir vu partir. Et je ne pourrais jamais la rattraper. Tu te bats pour ceux que tu n’as pas pu rattraper, et te connaissant tu as gardé, et tu gardes peut-être encore cet espoir de les retrouver. Alors comprends le mien de retrouver sa piste et la cause de sa mort, puisque je ne peux la retrouver, elle. Tu as connu des évènements horribles, et j’aimerais pouvoir t’aider à les oublier. Et moi, pauvre idiot que je suis, je m’apprête à te faire souffrir plus encore. Si tu savais ce qui t’attends. Tes peines ne sont pas finies, ma douce amie, mon bel amour. Je voudrais pouvoir te serrer dans mes bras, te couvrir de mes baisers, enlacer ton corps pour qu’il ne fasse plus qu’un avec le mien.
« J’ai besoin de confiance, Elio. »
Pourquoi avoir besoin de ce dont je ne peux pas t’offrir ?
*Peut-être parce que tous les couples ont besoin de confiance, abruti !*
On dit souvent que si l’on veut qu’une histoire d’amour fonctionne, il faut que la confiance règne. Mais comment faisaient-ils ces gens là ? Les confiants ? Cela voulait dire qu’ils acceptaient pleinement le fait d’être à nu devant l’autre ? De prendre le risque énorme d’être une proie plus que facile. Ouvrir son cœur pour mieux le blesser. C’est vraiment stupide l’amour. Stupide et dangereux.
« Alors laisse-moi fuir, d’accord ? »
Non ! Non, je refuse de te laisser partir ! Tu n’as pas le droit. Pas le droit de m’abandonner comme mon père l’a fait. Comme ma mère l’a fait, même si involontairement. Je refuse de te perdre. Pas alors que trouver était l’une des meilleures choses qui me soit arrivé depuis mon arrivée à l’Académie ! Et même depuis le début de ma misérable vie !
Et pourtant. C’est le meilleur qui puisse nous advenir. La seule solution en fait. Pour le meilleur et pour le pire. Quelle ironie ! Le meilleur et le pire ne forment en fait qu’un. C’est ça, ou continuer à se détruire à petit feu, jusqu’à la fin de l’un des deux.
« Ou alors sois-là, maintenant. Avec moi, pas à côté. »
A ses mots, il crut ne pouvoir se retenir de se jeter contre elle, et lui susurrer, que oui, il était là, maintenant, et pour toujours. La retrouver, comme avant, quand rien d’autre ne comptait plus que l’amour d’Elera. Quand il n’avait pas encore rencontré Marlyn. Mais il ne pouvait regretter cette rencontre. Marlyn était le plus grand des espoirs, et puissance par-dessus tout ! Alors non. Je ne peux être là, maintenant, avec toi. Je le veux, mais j’peux pas. Et je te dis quoi ? Désolé ?
- J’aurais encore dû me taire, non ? Faire semblant, pour ne pas compliquer les choses. Je commence à être douée à ce jeu là. Mais je ne supporte plus les faux miroirs…
Non. Non, tu as su quoi faire. Tu as écouté ton cœur qui n’en pouvait plus de pleurer le mien. Tu as explosé, comme je le fais si souvent. Tu as su mettre les mots sur les failles de notre histoire impossible. Toi-même tu le reconnais. Mais à présent, c’est trop tard. On ne pourra plus jamais faire semblant. On ne pourra plus continuer. Est-ce vraiment une bonne chose ? N’aurait-on pas pu simplement se laisser couler, sans se préoccuper du lendemain, même si cela impliquait des non dits ? Moi, j’aurais pu. Car je connais les conséquences qui suivent la prise de parole. Alors que toi, pas. Elera. Si tu avais la moindre idée de ce qui allait suivre à présent, jamais tu n’aurais parlé. Qu’est-ce qui vaut le mieux ?
Moi. Je te mens. Toi. Tu m’aimes. Moi. Je me tais. Toi. Tu parles. Moi. Je deviens comme mon père. Et toi. Toi tu aurais plu à ma mère.
Le corbac devint blême devant cette évidence. Ses jambes flageolèrent, mais il se contint, honteux de ne pas maitriser ses sentiments, alors que Marlyn s’était évertué à le lui apprendre. Le gong des explications sonnait comme un glas dans son crâne, martelant ses neurones, torturant ses idées, malmenant ses émotions.
Il s’approcha d’elle. Tout près, comme pour la sentir une dernière fois. Il prit sa joue brulante dans sa main droite, la caressant de son pouce. Ses yeux gris, à présent bordés de larmes, se plongèrent dans l’océan de vin des siens, demandant grâce et pardon. Et lui criant « je t’aime ». Ses mèches blondes vinrent chatouiller son petit menton, dressé vers son visage, dans l’attente, dans l’espoir d’une réponse plus pertinente, moins faussée que les autres. Ses lèvres butinèrent celles entrouvertes de la rouquine, et il passa négligemment sa langue le long de ses commissures, sur lesquelles il sentit des légers renflements, des écorchures encore en chair, minimales, mais bel et bien existantes. Il se retira, sourit, et posa un doigt sur les lèvres blessées.
-N’abime pas de si jolies et délicieuses lèvres pour des tracas qui ne sont pas les tiens.
Ces tracas n’en valent pas la peine. Tu es si belle. Et si meurtrie. Mais de l’intérieur seulement. Comme pour tes gerçures. C’est lorsque l’on se plonge en toi, que l’on découvre tes plaies, comme ma langue l’a fait. Car d’apparence, tu es forte. Mais moi, je sais que tu caches tes faiblesses, et que tu pleures parfois. Regarde, sur tes joues on pourrait presque deviner les traces de tes larmes d’une nuit agitée. Tout ça, moi je le vois, et les autres pas. Et toi, que vois-tu chez moi ? Y vois-tu le mal ? Celui contre lequel tu t’acharnes dans ta voie, celui que tu veux détruire ? Car il est en moi. Et alors tu devrais me tuer.
Les pupilles perdues d’Elio s’accrochaient à l’ancre des prunelles d’Elera, ne sachant comment lui dire, refusant l’inévitable. A présent il ne pouvait diminuer le tremblement de ses paumes qui emprisonnaient le visage de son amour perdu. Et puis merde. Au diable l’entrainement. C’était Elera, et combien de fois n’avait-il déjà laisser vaguer ses faiblesses entre ses mains ? -Un jour quelqu’un saura effacer ces petits tracas qui se cachent sur tes lèvres.
Et ce jour là, tu seras heureuse. Ce sera un gars bien, présent, sans non dits. Pas comme moi.
-Toi. Je t’aime. Et…
Il avala avec difficulté sa salive, ne sachant plus vraiment quoi dire, ni même ce qu’il voulait lui dire, à la base.
-Et moi…
Moi je suis un crétin pas fini. Celui qui te fait souffrir. Mais qui est trop faible pour te libérer. Et voilà, tu ne voulais pas devenir un oiseau en cage. Mais c’est trop tard. Je t’ai emprisonné dans la cage en fer de ma connerie, et il ne tient qu’à moi de te laisser sortir. Sauf que je t’aime, que je suis un égoïste, et que te voir partir, sans moi, déployer tes ailes, sans moi…j’peux pas.
-Et moi…Sans toi…j’peux pas.
C’était un faible raccourci. De tout ce qui bouillonnait dans son ventre. Sans elle, il ne pouvait pas continuer à espérer. Sans elle, il ne pouvait pas être heureux. Mais sans elle, sans la vérité et le fait de la laisser partir, il ne pouvait pas accomplir à bien son but. Pourtant, un jour, elle lui avait promis de l’emmener avec elle, en Pays Faël, et de retrouver sa mère. Mais cette promesse était faite d’illusions amoureuses des premiers instants.
-Si je te laisse partir, je ne sais pas si je pourrais te rattraper. Murmura-t-il.
Parce que je n’en aurais pas le droit. Pour nous deux. Parce que rien que le fait de te retenir est une faute. Mais il y a des choses que nous n’avons pas encore faites ensemble. Et que moi je veux faire à tes côtés. Pourquoi est-ce si compliqué ? Peut-être était-ce pour la même raison que Maman était morte. Pour un amour impossible de ce type. Non. Maman n’était pas de mon côté. Elle aimerait Elera, si elle était vivante. J’en suis sûr. Et elle me condamnerait de mon attitude. Comme j’ai condamné celle de mon père. A nouveau la similitude le prit comme un haut le cœur, et il se dégagea d’Elera, la douleur et le dégout déformant son visage.
-Mais regarde ! Regarde ce que je deviens !
Il déglutit, la bile prête à imploser.
-Mon père.
Il cracha le lien de parenté comme un juron. Puis, ne put garder l’assurance gagnée avec le temps aux côtés de la jeune fille. Des giboulées trainèrent de ses cils, et il jeta avec force la statuette contre les rondins de bois qui formaient le mur de la cabane. La statuette roula à terre, revenant à ses pieds, comme un animal fidèle et sado-maso sur les bords. Il fixa l’objet symbolique à terre, muet. Un frisson parcourut l’échine dorsale et ses épaules, en réalisant qu’il s’emportait à nouveau devant Elera. Fautif, il baissa la tête, fit un pas en avant, avec douceur, pour ne pas l’effrayer. Comment pouvait-elle rester si calme devant ses crises hystériques ?
-Fuis-moi.
Ce n’était pas un ordre. Juste une plainte. L’écouterait-elle seulement ?
-Parce que moi je ne peux pas fuir mon histoire, mon passé, ma famille.
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| | Messages : 1576 Inscription le : 12/08/2007
| Sujet: Re: La Cabane du Toujours [Terminé] Lun 31 Jan 2011 - 22:50 | | | Elle le vit venir à elle, lentement, avec cet air de fatalité qui ne faisait qu’approfondir sa tristesse, et elle accrochait son regard à la mer qui inondait les siens, s’accrochait, s’accrochait, à la recherche d’une ancre. Qui vint. Sa langue passait sur ses lèvres écorchées, abimées par tant de petits coups de dents comme si le sang qui coulait parfois dans sa bouche pouvait effacer la souffrance d’ailleurs, et elle soignait, elle donnait une forme continue à ces morceaux de peau, un tout, une bouche. Il connaissait ses plaies, même lorsqu’elle les taisait. C’est lui qui avait été là, dans les cachots, pour effacer les murs glacés et les remplacer par ses bras réconfortants. C’est lui qui avait été là, le jour de la bataille, alors qu’elle tombait en morceaux comme une poupée de verre. Il l’avait ramassée, il l’avait recollée. Lui avait donné la force d’être encore debout, aujourd’hui. Et pourtant le silence crevait sa force. Alors elle avait parlé. Peut-être allait-elle devoir se tenir seule sur la proue, maintenant ; mais mieux vaut se tenir seul sur le pont branlant, et chercher son équilibre, que de se retenir à une voile déchirée, que le vent fait claquer, et qui déséquilibre plus qu’autre chose, non ? Elle voulait savoir, pour arrêter de chanceler. Se retenir franchement à lui, ou le lâcher, au lieu de marcher sur un fil entre lui et le vide, sans savoir lequel des deux l’emporterait. Et elle avait peur, en le voyant approcher, elle avait peur, en voyant ses lèvres s’entrouvrir. Peur que ce soit le vide.
Il souriait, pourtant. Et quand il parla, il y avait de l’amour dans ses mots, celui qu’elle cherchait sans trouver dans ses gestes de tendresse mensongers. Ce n’était pas un manque d’amour, qu’il cherchait à cacher, c’était autre chose, autre chose qui les empoisonnait.
Des tracas, qui n’étaient pas les siens.
Elera avala sa salive, difficilement.
Elle aurait voulu qu’ils soient les siens, justement. Enfin non, pas les siens – les leurs. Elle effacerait les siens, il effacerait les siens, ils effaceraient les leurs, à coups de langue, à coups de paupière. Elle le savait, qu’il était dangereux, parfois, qu’il blessait, souvent, et que ses rêves baignaient dans la noirceur. Sa mère était morte. La colère envers son père était trop grande pour être mesurée, et ce genre de secrets ne pouvait rien cacher de bon. Ce serait difficile, de découvrir la vérité, des passages ténébreux, des vérités aveuglantes et violentes, et c’était à ça qu’il se préparait. Mais elle savait aussi qu’il était un homme bon – oui, un homme, un faël et un homme bon, et que tout ce qu’il faisait, il le faisait pour ceux qu’il aimait, pour sa mère, et pour elle, aussi.
Elle ferma les yeux à la phrase suivante, brièvement. Comment ça, quelqu’un saurait effacer les tracas sur ses lèvres ? Etait-il en train de dire que ce ne serait pas lui ? Etait-il en train de partir, alors qu’elle venait de parler ? Pourquoi ne serait-ce pas lui ? Il les connaissait, ses tracas, il était le seul à comprendre à quel point elle était brisée ; les autres devinaient, ou connaissaient les causes de son malheur, mais ils ne connaissaient pas les gerçures de ses lèvres comme il les comprenait.
Les larmes qu’elle avait refoulées commencèrent à couler, et elle en fut elle-même étonnée, lorsqu’elle sentit la perle glisser sur sa joue, alors qu’elle ne s’y attendait plus. Il lui disait qu’il l’aimait. Mais toujours avec cette résignation dans la voix, toujours comme s’il ne pouvait pas. Comme s’il voulait la quitter mais ne pouvait pas. Comme s’il voulait rester avec elle mais ne pouvait pas. Elle ne savait pas. Elle ne savait pas ce qu’il voulait. Il n’avait pas l’air de le savoir non plus. Ou si ; mais il y avait vouloir et vouloir, pouvoir et pouvoir, et il voulait sans vouloir, il pouvait sans pouvoir. Elle ne voulait pas partir. Elle lui avait demandé de la laisser fuir, pour qu’elle puisse revenir, mais ce n’était pas ce qu’elle voulait ; elle voulait qu’il soit là, maintenant, et peut-être venait-il de prendre conscience qu’il ne pouvait pas. Et elle, elle venait de prendre conscience de ce qu’elle avait vraiment demandé.
Non.
Il n’aurait pas besoin de la rattraper, puisqu’elle serait là. Et puis ce n’était pas comme si elle pouvait partir, s’envoler, même si elle l’avait voulue – elle était clouée au sol, et si elle devait rester au nid, elle voulait y être avec lui. Elle lui avait promis de l’aider, à retrouver la vérité, à retrouver sa mère. Il l’avait écartée de ses recherches, pour des raisons qui étaient les siennes, et maintenant, elle le faisait culpabiliser, en lui faisant penser à son père, et elle s’horrifiait elle-même. Et lui aussi. Elle se mordilla les lèvres, arrêta immédiatement. Regarda la statue rouler à leurs pieds. Un corps, deux têtes. Un bois, deux êtres. Et même la colère, le chagrin, la résignation n’avait pas réussi à les séparer.
- Regarde.
Elera se baissa, et ramassa délicatement la statue, caressant le bois de sa main, avant de ne plus tenir la statue que dans une paume et de prendre les doigts d’Elio dans l’autre.
- Nous sommes ensemble. Tu vois ? Même quand tu es en colère, même quand ça ne va pas. Et même quand tu ne veux pas.
Elle se tut, un instant, reposa la statue à sa place. Leva les yeux vers lui.
- Peut-être que ton père avait raison.
Elle enchaîna assez rapidement, pour qu’il lui laisse le temps d’expliquer, avant de juger.
- Il s’est tu. Mais il avait ses raisons. Comme toi tu as les tiennes aujourd’hui. Et tu te bats contre son silence, comme je me bats contre le tien. Tu le sais. Mais peux-tu pour autant le briser, ce silence ? Et ton père, le pouvait-il ?
Elle se rapprocha, prit sa main à nouveau, tournant sa paume vers les bois qui les surplombaient, jouant avec ses doigts. Elio trouverait la vérité, à sa façon, et y ferait face, puisqu'il le voulait. Elle aussi, si elle le voulait, elle apprendrait la vérité. Mais elle ne voulait pas briser les secrets du demi-faël. Elle n'essaierait pas.
- Je ne t’en veux pas, Elio. C’est comme ça, et nous n’y pouvons rien. Je vais partir, maintenant. Mais pas vraiment. Parce que pour le moment, je ne peux pas t’aider.
Parce que tu dois te taire, et parce que le chaos m’en empêche.
- Mais je serais là. J’attendrai de pouvoir le faire. Je n’ai pas peur de toi, Elio. Ni de toi, ni de la vérité.
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| | Mercenaire du Chaos et Maître de la boutique du Talion Messages : 306 Inscription le : 06/02/2009
| Sujet: Re: La Cabane du Toujours [Terminé] Jeu 10 Fév 2011 - 14:35 | | | C’était fait. Ça y est. Il avait réussi à le dire. Enfin à peu près. Elle allait fuir. Il allait pleurer, une fois qu’elle serait partie. Et puis tout serait fini entre Elio et Elera. Ils ne seraient plus deux, mais un, chacun de leur côté. Triste, amoureux, mais protégés. Maintenant que les mots étaient sortis, le jeune homme se sentait mieux, comme soulagé d’un poids. Il ne la quittait pas vraiment, puisque ce serait elle qui fuirait, et à la fois prenait la décision de mettre un terme à cette mauvaise blague. Il regretta de suite ses paroles et pensées en découvrait les larmes couler sur le beau visage à présent ravagé d’Elera. Ses traits rougis, tirés, fatigués faisaient pitié, comme une pauvre enfant abandonnée de sa famille, à qui il est arrivé un paquet de malheur. Déglutissant avec difficulté, il ne savait que faire. La prendre dans ses bras, la réconforter serait une vive incitation à rester, à continuer dans cette sphère interminable. Il fallait qu’elle parte, et qu’il puisse hurler, pleurer, vomir à loisir.
Mais elle ne partait pas. Non, elle se baissa et ramassa la statuette. Mauvais signe. Très mauvais signe. Il sentit qu’il n’avait rien réussi du tout lorsqu’elle lui prit la main. Mais bordel, pourquoi ne fuyait-elle pas ? N’avait-elle donc rien compris ? Il ne voulait plus d’elle. Ou plutôt, il ne pouvait plus d’elle. Mais dans sa tête rousse cela devrait signifier la même chose ! Les distinctions à la noix n’ont aucune place dans leur situation. Choix ou pas, le fait était le même : ils ne continueraient pas ensemble.
- Nous sommes ensemble. Tu vois ? Même quand tu es en colère, même quand ça ne va pas. Et même quand tu ne veux pas.
Il ne put s’empêcher de lever les yeux au ciel, bien que touché. C’était exactement ce qu’il ne voulait pas. Qu’elle s’accroche. Il se souvint alors de leur première rencontre. Cette même caractéristique en était ressorti : malgré ses cris, son agressivité, même après l’avoir frappé, elle était restée. Et elle ne partirait pas comme cela, sur une simple dispute. Devait-il alors lui dire la vérité ?
*Jamais !*
Son sang ne fit qu’un tour lorsqu’elle donna raison à son père, et il crut bien se jeter sur elle pour la rouer de coup, mais son amour l’arrêta, et puis, elle ne lui en laissa pas le temps. Les paroles le fouettaient de vérités, d’évidences, de constats. Mais il niait chacune d’elle, dégorgeant sa colère, la retournant dans son ventre comme il retourne chaque nuit sa vengeance, soufflant sur la braise pour en faire jaillir la flamme. Jamais. Jamais il n’accepterait cette possibilité là. Son père n’était qu’un traître, un menteur. Si vraiment Elio avait été en danger comme Elera l’était si elle apprenait la vérité, il ne l’aurait jamais envoyé à l’Académie. C’était comme l’envoyer droit dans la gueule du loup. Plus le temps passait, et plus le corbac apprenait des brides, des coutumes faëls, réveillant parfois des images qu’il avait appelé rêves, mais qui devaient être souvenirs. Et il se savait bientôt assez fort pour rejoindre sa terre natale et découvrir ce qui avait causé la mort de sa mère. Son père le savait cela. Il se doutait tout à fait, qu’en laissant son fils partir, il chercherait encore et encore et finirait pas trouver. Il avait juste été assez lâche pour ne pas oser le dire de vive voix. Lâche, ou coupable. Elle prit à nouveau ses mains. Le jeune homme ne se dégagea pas. Pourtant il aurait fallu. Hurler encore une fois. Mettre les choses au clair. Rompre. Il ne put pas.
Elle allait partir. Tant mieux. Mais elle reviendrait. A ce moment là peut-être serait-il capable de mettre un terme à cette immense illusion.
- Mais je serais là. J’attendrai de pouvoir le faire. Je n’ai pas peur de toi, Elio. Ni de toi, ni de la vérité.
Menteuse. Horrible menteuse. Si tu n’avais pas peur de celle-ci, tu ne poserais pas de question, tu ne m’aurais pas reproché de me taire, et tu m’aurais quitté. Tu n’aurais pas été faible, tu n’aurais pas attendu les extrêmes de nos engueulades pour parler. Et tu m’aurais quitté. Mais tu restes. Tu restes parce que tu as peur. Peur des conséquences de ce que j’ai, ce que j’aurais pu te dire. Peur que ton cauchemar ne devienne réalité, et que tu perdes ton vain combat d’harmonie. Mais je ne t’en veux pas. Tu te fortifies avec les moyens du bord. Toi c’est ta peur. Moi c’est ma vengeance. A chacun son arme.
Il resta là, un instant. Mais elle ne semblait pas vouloir fuir de suite, attendant sans doute une réponse. Alors il dut réfléchir un moment, trouvant une intonation simple, une phrase pour lui dire au revoir.
-A plus tard.
C’était cru, dégueulasse. Il n’expliquait rien, ne répondait pas aux questions. Il lui disait simplement au revoir.
Tu dois partir ? Pars. Moi je dois vomir.
Il fallait qu’elle franchisse la porte, avant que la colère qu’elle venait de causer quant à son père ne s’échappe de son corps et ne l’atteigne. Il ne voulait pas la blesser, et s’énerver ne ferait que la retenir. Comme pour se faire à moitié pardonner, il posa ses lèvres sur les siennes, dans un baiser chaste, à la « bye bye chérie ». Et enfin, elle partit.
Il attendit plusieurs minutes, un bon quart d’heure même. Puis il laissa éclater sa rage. Hurlant, tapant des poings, se griffant, mordant, s’envoyer à terre, contre les murs. Il s’endormit avachi sur le bois gelé, exténué par la fatigue.
Quant il se réveilla, un mal de crâne lancinant lui perçait les tympans. Malade, pâle comme un linge, il sortit prendre l’air. La nuit était tombée. Il s’appuya tant bien que mal contre un arbre, et vomit ton son dégout pour la vie.
[RP terminé]
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