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| Les toiles dévident en ce rêve... [Terminé] | |
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Messages : 462 Inscription le : 09/12/2006 Age IRL : 33
| Sujet: Les toiles dévident en ce rêve... [Terminé] Jeu 2 Sep 2010 - 16:06 | | | [ chuis fière du titre ! j'te le refait quand même "L'étoile d'évidence rêve" à toi de choisir ^^ Si quoi que se soit te gène, j'édite !]
Ses pas furetaient, glissaient, soudaient les pavés fissurés, alors que d'un mouvement d'épaule effacé elle se coulait le long d'un bras, d'une perche, d'un soupire. La ville n'était pas faite pour elle? Bien plus à l'aise en pleine nature, Anaïel ne savait pas vraiment ce qui l'avait poussé à revenir à Al-Jeit, non plus que dans ses ruelles sombres bien que bondées. Le soir s'éternisait, faisant valser sa farandole de rubis aux montures d'ambres et or, mais de lourds nuages s'amusaient à effilocher la lumière, à l'horizon, traçant de sombres et pourpres écorchures dans le ciel jusqu'à présent dégagé. Les marchants hurlaient, les carioles grinçaient, les enfants pleuraient, leurs parents soupiraient, la ville résonnait des foules, et du besoin de chacun de s'en extraire un moment.
Sous ses pieds défilaient les sols inégaux, terreux ou dallés,, sillonés d'ordures ou d'arabesques rafinées, la ville hétéroclite la fascinait, malgré le malaise persistant qui habitait le coeur de la marchombre. Alors qu'elle se remetait doucement des affres dans lesquelles l'avait plongé l'Académie, Anaïel soufflait enfin. Le chaos avait été repoussé, tout comme le souvenir d'Elhya qu'elle avait placé bien au chaud dans un coin de son esprit, enfermé sous une couche de verre pour pouvoir l'admirer sans qu'il puisse s'échapper. Malgré tout ce qui avait pu la chamboulé, elle en ressortait étrangement sereine, sure d'elle, plus sage aussi, peut-être. L'harmonie avec les autres semblaient enfin se tisser, oh, tout doucement, elle avait encore les mains qui brûlait lorsqu'elle passait à côté de quelqu'un, mais la chaleur n'était plus un brasier.
Le nez en l'air, elle sentait l'odeur de la pluie qui approchait. Aussi rapide que le crépuscule avait été flamboyant, la nuit s'instala sur la ville, noyant les petites ombres qui retrouvèrent leur parents le long du sol, derière les portes et dans les anfractuosités. Le vent forcit, alors, et les nuages lourd se trainèrent jusqu'au dessus des têtes insouciantes pour, soudain, déverser leurs larmes le long des nuques frissonantes et affolées. En un instant, le centre de la rue se vida des 3 quart de ses passantes, les derniers remontant leurs capuches et se couvrant du mieu qu'ils pouvaient. Mais Anaïel s'en fichait, à présent.
La pluie dégoulinait le long de ses joues, son visage tourné vers le ciel, inondé, rayonnait, tandis que de douces rigoles se creusait le long de son cou, nichant dans ses clavicules en quelques flaques éparses, les arètes de son corps comme autant de coups de pinceaux pour tracer le chemin de l'eau. Il y avait quelque chose, aujourd'hui, quelque chose qui la poussait en avant, la forçait à avencer, à ne plus reculer. Ce fil ténu que transportait la pluie semblait un message bien important mais, comme un rêve, elle ne pouvait le visualiser en s'y concentrant. Un frisson glacial lui parcouru le corps, comme une petite convultion. N'ayant que la peau sur les os, le froid s'engouffrait toujours en elle d'une traite, comme un pic de glace. D'ordinnaire elle pouvait lutter, s'il ne faisait pas trop froid et si elle avait bien mangé, mais ce soir le vent forcissait et un coup de tonnère vint ébranler les batiments délicatements entremélés, et la température avait considérablement chuté. Se remetant en marche avec un soupire de contentement, elle laissa ses pas la guider vers l'abris qui leur conviendrait le mieu, l'instinct se mariant à ses gestes pour donner naissance à cette fluidité toute marchombre. Aucun des passants massé ne pu lefleurer, tandis qu'elle se retrouvait à l'entrée d'une drole de construction en forme de chapeau, la chaleur s'en dégageant l'atirant comme une lumière envoute un papillon. Elle posa les yeux sur la scène et l'étonement peignit ses traits.
Un drole de personnage jouait des pieds et des mains, des habits grotesques affublants ses membres colorés, tandis qu'un maquillage élaboré faisait apparaître un masque bariolé de mimiques dessinées, au centre desquelles se trouvaient deux yeux verts louchant de manière surprenante. Le personnage virevoltait, tombait, feintait, jouait avec le public qui l'aclamait et qui, plus encore, riait aux éclats. A la vue de ses enfant massés autour de la scène, Anaïel sentit un drole de sentiment monter dans sa gorge. L'insouciance marquait les traits, l'innocence mariée aux sourires et les vibrions de leurs focettes qui vibraient, elle avait face à elle l'avenir du monde, la beauté de ce que pouvait être un humain avant d'être mauvais. Un sourire naquit et, à l'unisson, elle se mit à rire avec les enfants conquits par le clown.
Soudain, après un dernier roulement de tambour, la musique s'arreta, et le silence se fit dans une joyeuse expectative. Sensible à l'émotion qui se dégageait de la foule, Anaïel se tendis en avant pour essayer de mieu voir, sa capuche masquant ses traits la génant dans sa maneuvre. Puis elle le vit. Un jeune garçon, de quelques années de moins qu'elle, avançait sur la scène. Il devait être connu, car tous se mirent à aplaudir. Profondément attentive, Anaïel fit de même, détaillant chaque détail du garçon, chaque tréssautement, chaque geste. Jamais elle n'avait été aussi attentive à qui que se soit. Le fil qui la guidait devint un tison ardent, plus solide que de l'acier, et elle su avec un soulagement serein qu'elle était arrivée. Elle ne savait où, elle ne savait pourquoi, elle ne savait jusqu'à quand, mais elle y était. Elle laissa donc son esprit de côté et laissa ses sens s'épanouïr pour resentir le spéctacle.
Il avait salué la foule, ses yeux se posant, semblait-il, brievement sur elle avant de s'en retourner derrière le rideau. Incertaine, les sens en ébulition, Anaïel resta immobile, cachée derrière un voile d'obscurité. D'un mouvement soufflé, elle s'effaça, grdant au fond des prunelles l'éclat du sourire du garçon dont elle venait de lier sa vie à la sienne. De quelque manière que se soit.
- Laissez moi passer.
- Nan, j'crois pas, nan, sauf si bien sur tu as quelque chose à offrir.
Une main calleuse s'éleva à hauteur de poitrine avant de retomber, inerte, lorsque la main de la marchombre se pausa à la base de son cou, trouvant le nerf. Le cri de l'homme s'éteignit dans son vêtement roulé en boule qui se trouvait être maintenant dans sa bouche. Ayant longé le chapiteau, Anaïel, perdue dans ses pensées, n'avait pas vu le piège se refermer. Quelle ennui § Le garçon était peut-être de l'autre côté de la tente, à quelques mètres, mais plus inaxessible que la lune. Résolue à ne pas le perdre, elle voulait rêgler cette affaire au plus vite. Deux des 5 gaillards se trouvgaient à terre, inconscients, mais les trois autres s'étant ressaisit, elle était en facheuse posture. Elle n'était pas une combatante, le combat au corps à corps n'avait jamais été sa spécialité et elle n'avait jamais vraiment apprécié ça. Mais elle savait se défendre, c'était un fait. Lorsque l''un d'eux s'avança, elle ne tergiversa pas et se jeta sur lui, poignard griffes et dents au clair, tel un chat furieux. Bougeant sauvagement, sa graçe envoutant les sens, elle se fondit en leur centre pour leur voler leur équilibre, dansant sur le fil de leurs armes comme le funambul qu'elle avait vu faire. Son petit poing percuta un menton à sa pointe, balançant la tête en arrière tandis qu'elle enfonçait son pied dans un plexus solaire et tranchait quelques tendons. Soudain, une douleur intense iradia de son flan. La dague ripa ce qui lui sauva la vie. Elle en profita pour récupérer la dague tombée à terre et la lança d'un geste rapide et précis dans l'épaule de l'homme qui tituba, puis s'éfondra, deux autres couteaux plantés à divers endroits stratégiques. Il ne mourrrait pas.
Essouflée, Anaïel fit une grimace en tâtant sa blessure, heureusement sans gravité. Le sang commençait déja à se tarir, mais le froid persistait, la glaçant jusqu'aux os. D'un mouvement vif, elle fit volte face et s'immobilisa. Instantanément.
Deux émeraudes s'écrasaient dans ses prunelles, se fichant dans son âme. Sa capuche était tombée, dévoilant deux iris flamboyants, brûlants d'arabesques étincellantes, de circonvolutions ignées. Face à elle, le jeune homme aux yeux vert la regardait, le souffle précipité, la bouche légerement entrouverte. Des traces de son sourire si puissant marquaient encore son visage, creusant des fossettes à ses commisures détendant ses yeux et dévoilant en ses sourcils quelques arcs sans tension. Au moment où ses prunelles rencontrèrent les siennes, une évidence naquis dans son âme.
Elle avait autant à apprendre de lui, que lui d'elle.
Le fil de sa vie enfla, s'étira, tréfilant quelques souvenir pour en redessiner d'autres, et l'avenir se modifia, liant les coeur et les destins, elle n'étais plus seule. Comme mue par un instinct pluis puissant que son corps, elle fit un pas en avant, et tendis la main vers le visage, bien trop loin pour qu'elle puisse l'effleurer. Ses phalanges retombèrent, inerte. Son geste étrange n'échappa pas au jeune homme dont la moue étonnée s'accentua. Soufflant par le ventre pour se calmer, ignorant la douleur à son flan, Anaïel laissa un mince filet sortir de ses lèvres, un filet qui devint torent lorsqu'il ateignit les oreilles du jeune homme.
- Comment t'appelles-tu ? Moi je suis Anaïel.
Le timbre étrange de sa voix ne sembla pas le surprendre. En le détaillant plus, elle remarqua que moins de 5 années devaient les séparer, tout un monde semblait-il. Plus sure d'elle qu'elle ne l'avait jamais été, plus fragile aussi, la marchombre n'attendis pas la réponse de l'autre pour continuer.
- Voudrais-tu venir avec moi ? Tu m'apprendras à danser et à rire. Et moi je t'apprendrais à rêver. Et à guérir.
Car il y avait bien un gouffre au fond de ses prunelles rieuses, un abime qu'il essayait de cacher. Mais les sens acérés d'Anaïel s'ouvraient pour lui, s'engoufrant dans son coeur pour en décortiquer le moindre aspect. C'était du sensoriel, de l'innée, sans mots et sans syllabes, c'était des émotions qui la chaviraient, qui lui rendait compte des indices qu'elle découvrait. Elle savait.
Elle ferait de lui son apprentit, s'il le permetait.
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| | Messages : 101 Inscription le : 31/08/2010 Age IRL : 32
| Sujet: Re: Les toiles dévident en ce rêve... [Terminé] Jeu 2 Sep 2010 - 19:39 | | | [J'aime le titre ♥]
C’était un mauvais jour pour un spectacle. L’orage grondait, assurément mécontent du trop de monde dans les ruelles qui se bousculaient, se cognaient, s’entremêlaient, se dérobaient, ou parfois même se rencontraient. Et la pluie se faisait menaçante, Ewall sentait l’humidité se poser sur les toits d’Al Jeit comme un oiseau émissaire. Pourtant le jeune homme se sentait bien, apaisé, il préférait cent fois ce temps maussade et frais aux grosses chaleurs d’été qui collaient ses vêtements colorés à son corps déjà en sueur par le métier. Et puis la pluie permettait d’alléger les rues en quantité d’hommes, ce qui donnait l’impression de respirer et permettait un calme reposant. Bien entendu ça voulait dire moins de spectateurs, moins de clients prêts à sacrifier quelques pièces en don pour leurs arts réunis. Et donc une paye aussi allégée que la place sur laquelle ils jouaient. Mais aujourd’hui il n’en avait que faire. Ces derniers temps il faisait lourd, trop lourd, et il lui était ainsi plus difficile de se concentrer et de supporter l’agitation. D’ailleurs, Noukas, son chuchoteur rouge, était lui aussi moins tendu lors des giboulées, s’installant tel un loir dans le creux de sa nuque. Appelé à l’ordre, il aida le chef de troupe et d’autres hommes à monter une toile géante au dessus de la place, afin d’abriter les acteurs et observateurs en cas de grosse averse. Ils firent bien. Il s’avança vers son meilleur ami.
-Prêt ?
-Comme toujours Wall’, comme toujours !
Tout deux sourirent. La vie de saltimbanque était tellement joyeuse, pleine de grimace, d’éclat de rire, de jeux, d’émotion aussi. Il ne regrettait pas d’avoir rejoint la troupe, malgré ses débuts difficiles. Ainsi il donna une tape amicale dans l’épaule de Dofenn qui lui redit son salut par une révérence grotesque. Le rôle de clown ne pouvait pas mieux convenir à autre garçon que son camarade. Grand et fin, le visage très expressif, les mimiques exagérés, et cet humour qu’il appréciait tant faisait de lui un être en tout point comique. C’était ce même clown qui avait réussi à lui donner à nouveau le goût de la vie et le sourire par la même occasion. Lui, toujours optimiste, voyant la vie en rose là où d’autres la jugeaient noire et fade. Les amis, ce sont ceux qui voient le bonheur lorsque vous l’avez perdu de vue. Le gai luron venait de monter sur l’estrade, prêt à faire rire autant les enfants que les grands. C’est ce qui était magique avec lui. Peu importe l’âge, le garçon parvenait à ne serait-ce que tirer un sourire d’une personne. De sept à soixante-dix-sept ans. Ce jour-ci il avait opté pour un maquillage élaboré, fait par Galoudryelle, coloré, dans lequel on devinait diverses expressions peintes. Ainsi ne ressortaient que ses grands yeux verts louchant entre le ciel et les pavés.
-Wallou, t’es toujours pas maquillé ? S’offusqua l’enfant albinos.
Ewall offrit un sourire d’excuse à Galoudryelle.
-Je t’attendais.
-Il y a d’autres maquilleuses et maquilleurs dans la troupe ! Observa-t-elle dans une moue faussement exaspérée, lui donnant des airs de grandes personnes qui amusait énormément le jeune homme.
-Oui, mais toi tu es la meilleure, Galou ! Bravo pour le masque de Dofenn, il est sublime !
Le compliment la toucha et elle afficha un air fier pour cacher la rougeur qui s’installait sur ses pommettes de gamine. Elle le prit par la main, le précipitant sur un tabouret dans les coulisses, et s’activa de suite à son activité favorite, après l’équilibrisme.
-Quel numéro veux-tu faire aujourd’hui ? Le questionna-t-elle.
-Le notre. Notre rêve. Sourit-il.
Comme il le prévoyait des étincelles jaillirent dans les yeux délavés de l’enfant.
-Mais, j’suis pas sensé me mettre en scène aujourd’hui. C’ton jour. Y a déjà pas beaucoup d’monde…
-Galoudryelle, je me fous de l’agent d’accord ? On partagera, je veux que tu le fasses avec moi aujourd’hui ! Je sais que tu en as envie!
C’était vrai. Mais surtout parce qu’il avait la mauvaise impression que ce soir serait le dernier soir en sa compagnie. Il ne savait pourquoi, mais ce sentiment était lourd dans son cœur et si puissant qu’il ne pouvait l’ignorer. Pourquoi ce soir serait-il donc le dernier ? Les assassins de sa famille le retrouveraient-il cette nuit ? Arriverait-il quelque chose à son amie ? Il ne pouvait s’y résoudre ! Ce qui le rassurait quelque peu, était le même pressentiment qu’il avait perçu envers Dofenn. C’était donc lui, le « fautif » ? Ewall chassa cette idée trop sombre sous les demandes de caresses de Noukas. Il n’y avait aucune raison pour qu’il quitte la troupe. Aucune. Enfin presque.
-Finiiiiii !
-Merci crevette ! File te préparer maintenant !
Il constata le résultat en vitesse dans un miroir, ébouriffant ses épis acajou par la même occasion. Peint de blanc, elle lui avait dessiné une étoile bleue sur l’œil gauche et ajouté quelques paillettes de la même couleur. La fillette revint se poster à ses côtés, vêtue d’un justaucorps blanc avec une robe par-dessus de toile bleue. Elle se maquilla en vitesse, changeant juste l’étoile d’Ewall en une lune sur son œil droit. Elle lui sourit de ses petites dents de laits, blanches et rondes.
-Monsieur Gaerson. S’inclina-t-elle.
-Mademoiselle Fillibulle. Répondit-il en lui tendant son bras.
Elle le prit, et tout deux s’avancèrent au bord des coulisses, d’un pas majestueux.
-Galou ? Chuchota-t-il, tandis que les applaudissements des spectateurs se faisaient bruyants.
-Oui ? Répondit-elle à mi-voix.
Fermant les yeux, tentant par tous les moyens de chasser cette désagréable sensation d’au revoir, il serra fort sa petite main pâle. Le chuchoteur se glissa à terre, afin de ne pas gêner son propriétaire durant sa prestation. Dofenn sortit de scène, brandissant un bouquet de fleur dans la main, tout sourire :
-Héhé, j’crois que j’ai une admiratrice !
Ils rirent, alors que le silence se fit parmi la foule. Elle le fixait, attendant ce qui le tracassait.
-Ewall ?
-En scène ! Articula-t-il, resserrant sa prise.
Ils se séparèrent, elle montant sur son fil, lui passant en dessous, prenant une position de fœtus sur l’estrade de bois. Quand elle fut elle aussi positionnée, telle une ballerine de boite à musique, un saltimbanque mit en route une musique féerique, douce, tentante de milles clochettes. Elle tournait sur elle-même sur une seule pointe, faisant tanguer dangereusement le fil transparent. On aurait dit qu’elle volait. Lui, élançait ses jambes en l’air, gardant ses deux mains plaquées sur le bois clair. Ses deux pieds passèrent de chaque côté de la corde, permettant ainsi à la funambule de se poster en équilibre sur la plante des pieds du garçon. Puis elle s’inversa, plaçant ses menottes avec soin sur ses pieds nus, et arquant ses fines gambettes dans un mouvement souple et empreint de charme. Ainsi elle ramena ses orteils vers ses oreilles et roula sur la ficelle suspendu dans le vide. Ewall put alors retomber dans une pirouette. Ensuite il effectua quelques figures, avant de se percher comme un panda sur le support de son amie. Cette dernière, dans une roue, vint jusqu’à lui, et se laissa choir au creux de son ventre, se lovant contre son corps chaud. Il se balança de gauche à droite, de plus en plus vite, tandis qu’elle s’attachait discrètement à son torse à l’aide d’un long ruban. De ce fait le jeune homme put augmenter sa vitesse jusqu’à devenir une boule roulant autours du fil, emportant en son cœur la jeune enfant, sous les exclamations du public. Ils continuèrent ainsi, mêlant le merveilleux aux acrobaties du garçon et à la voltige de la fille. Ensemble, en couple de funambules, intervertissant leurs rôles, se retrouvant toujours au cœur de la scène, ils présentèrent le numéro le plus émouvant et le plus beau du spectacle. Le plus éprouvant et compliqué aussi. Nombre de fois Galoudryelle ou Ewall était tombé du haut de leurs perchoirs, se créant parfois des blessures importantes. Mais jamais suffisantes pour annuler ce spectacle ou les empêcher de continuer. C’est pourquoi des tapis assez épais avaient au début été placés sur le bois dur. Puis, lorsqu’ils avaient pris assez d’assurance et d’expérience, on les avait retirés. C’était leur rêve. Leur spectacle en commun qu’ils affectionnaient le plus. Celui où tout deux avaient cette impression magique de voler! Lorsqu’ils terminèrent, main dans la main, et saluèrent leurs admirateurs, Ewall ne put s’empêcher de remarquer deux yeux braqués sur lui. Oh bien sûr il était fréquent qu’on le regarde, normal pour un artiste, et que certaines filles lui jettent des regards plus appuyés, plus aguicheurs. Mais ces yeux là n’étaient pas de ceux là. Non. Ils étaient promesse. De mort ? Le velours se noyait aux arabesques, dans un océan de teintes, aux profondeurs des eaux. Ils étaient promesse et avenir. Mais il ne voulait pas que son avenir soit la mort. Aussi il précipita aussi vite qu’il le put sa partenaire dans les coulisses, serrant son poignait avec force et attrapant au vol son animal.
-Ewall ! Tu m’fais mal ! Qu’est-ce qui s’passe ? J’ai raté un truc ?
Il l’entrainait dans sa course, le plus loin possible dans les petits coulisses que la troupe se fabriquait de tissus éparpillés.
-Ewall !
Sans l’écouter, la comprimant plus encore, il la poussa dans un coin.
-Prends Noukas avec toi. Ordonna-t-il.
-Pourquoi ? Paniqua la fillette.
Enfin il lâcha la prise, et constata avec effroi la marque rouge qu’il y laissait.
-Oh Gallou !
Il posa ses lèvres pulpeuses sur son poignet endoloris, puis lui offrit son chuchoteur et planta ses yeux émeraude dans son regard brillant.
-Tu as été fabuleuse crevette ! Une véritable étoile, comme toujours !
-Mais… ?
Il l’incita à se taire, posant un doigt sur ses lèvres.
-J’ai un jeu pour toi.
Elle sourit.
-Lequel ?
-Tu vas devoir te cacher parmi la troupe, seulement parmi la troupe ! Faufile-toi entre leurs jambes. Moi, je ne dois pas te voir, pas la moindre de tes mèches de perle, compris ?
Elle rit de son timbre de clochette.
-Ils vont râler, ça va être drôle !
-Interdit de te cacher ailleurs, qu’entre les saltimbanques ! Et fais attention à Noukas, installe-le à un endroit où il puisse se cramponner !
-Promis !
Comment lui dire ? Comment lui expliquer que les yeux aperçus étaient sûrement les mêmes yeux que sa famille avaient vu pour la toute dernière fois ? Elle lui colla une bise sur la joue et parti en sautillant, toute heureuse de ce nouveau jeu qui faisait leur bonheur et l’exaspération des autres adultes. Le jeune homme, lui se dirigea vers la sortie, résolu à éloigner la menace de sa nouvelle famille. Il en avait déjà perdu une toute entière. Pas deux, par pitié pas deux ! Il entendit alors des cris, et des bruits sourds de combat. Ses iris se dilatèrent, effrayées, lorsqu’il atteint l’entrée des coulisses. Les yeux de promesse appartenaient à une femme. A une femme qui se battait avec des hommes, des saltimbanques pour certains. Pour la plupart même.
*Non !*
Elle ne se battait même plus. Elle les avait terrassés. A son grand soulagement ils n’étaient que blessés, légèrement amochés, et surtout sonnés. Furieux, il planta ses yeux dans les siens, si particuliers.
*Je suis là. C’est moi que tu cherches, je le sais. Alors finissons-en.*
Sa respiration était haletante. Elle mourut dans la sensation que la jeune femme lui envoya à travers ses pupilles. Toute perception de danger disparut dans le feu qu’elle attisait au sein des deux promesses de son visage félin. Il sut alors qu’elle ne venait pas pour le tuer. Mais pour lui apprendre.
-Comment t'appelles-tu ? Moi je suis Anaïel.
Anaïel. Anaïel aux yeux de promesse. Ewall resta muet, devant tant de prestance. Cette rencontre le bouleversait. Il ne la connaissait pas, pourtant il lui faisait déjà une confiance aveugle.
-Voudrais-tu venir avec moi ? Tu m'apprendras à danser et à rire. Et moi je t'apprendrais à rêver. Et à guérir.
*Respire !*
Tout ceci ne pouvait être qu’un rêve. Cette femme ne pouvait pas être réelle. Une créature aussi chimérique ne pouvait se présenter par hasard à lui.
*Respire Ewall !*
Non. Pas par hasard. Le hasard n’existait pas. Et le jeune homme prenait soin de ne jamais lui laisser de place dans sa nouvelle vie d’acrobate. Pas plus qu’à cette putain de chance. Le destin ? Il songea à Donfenn, qui devait faire plus ample « connaissance » avec son admiratrice, et à Galoudryelle qui devait se cacher, attendant qu’il ne la trouve. Le destin ?
*Respire.*
Son destin était-il de quitter les siens ? A peine avait-il trouvé une famille qu’il lui faudrait la quitter ? Les yeux promesses ne le quittaient pas. Il y voyait la vie d’un autre œil dans ces yeux. Il y voyait un avenir, autre que celui de saltimbanque. Il y voyait une voie. Il y voyait sa vie. Ce pourquoi il était né. Ce pourquoi il demeurait encore vivant. Il sut alors qu’il avait continué à vivre pour croiser le chemin de cette femme. Il disparut dans les coulisses, appela Galoudryelle, et lui demanda de lui donner ses peintures. Ce qu’elle fit. Ensemble ils ressortirent face à Anaïel. La fillette affichait une moue méfiante envers la nouvelle venue qui semblait captiver tant son idylle masculin. Ewall trempa deux doigts dans la peinture bleue et dessina une étoile sur la joue droite de la jeune femme.
-Fais-moi rêver. Et je te suivrais.
Il savait déjà qu’il la suivrait sans hésitation. Seulement il voulait la voir déployer ses ailes, lui prouver qu’elle était bel et bien la femme qu’il attendait. Dofenn, qui observait la scène, comprit de suite le défi, et prit une flute, afin de jouer un air. L’enfant albinos prit à son tour une lyre pour l’accompagner. Noukas sauta de l’épaule de sa nourrice temporaire pour venir se lover dans le cou de son maitre. Ce dernier attendait la réponse. Cette soudaine confiance le gênait, et il se forçait tant bien que mal à rester sur ses gardes. Qui sait ? Cette femme était peut-être un assassin et le pressentiment était du à un sortilège, drogue ou il ne savait quoi. Il savait que ce n’était pas le cas. Mais il avait besoin de cette preuve pour quitter ceux qu’il aimait.
-Ewall. Ewall Ril’Morienval est mon nom.
Les regards étonnés de ses amis se braquèrent sur lui. Jamais il n’avait révélé son véritable nom. Son ascendance. Sa lignée si prestigieuse. Et si morte.
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| | Messages : 462 Inscription le : 09/12/2006 Age IRL : 33
| Sujet: Re: Les toiles dévident en ce rêve... [Terminé] Ven 3 Sep 2010 - 12:39 | | | -Fais-moi rêver. Et je te suivrais.
Il s'était ressaisit incroyablement vite, son étonnement dissipé; c'était maintenant la ferveur de l'attente qui semblait l'étreindre. Mais ses pupilles dilatées continuaient à refléter le trouble qui l'agitait, au diapason du coeur de la marchombre. Lorsqu'il avança vers elle, la main tendu, pas un seul de ses muscles trésaillit. Se vrillant du regard, elle laissait la moindre parcelle de calme à disposition détendre son corps pour ne pas commètre l'irréparable. Elle su au moment où ses doigts frais se posaient sur elle qu'elle n'en avait jamais eu besoin. L'étoile déssiné, il se recula, laissant brûler la joue de la marchombre qui ne réagit pas tout de suite. Son coeur bondissait, faisant naître une kyrielle de sensation se répercutant dans son âme avec la force d'une supernova. La confiance n'était plus un devoir, une obligation. C'était une évidence.
Elle ferma les yeux et détendit son visage, et laissant les picotements de la peinture s'accrocher à son épiderme. C'était agréable. Elle ne rouvrit pas les yeux, laissant le visage aux yeux vert s'imprégner d'elle, et elle de lui. Sa perception, tout comme sa concentration finit pas chasser les doutes et les incertitude, rarement avait-elle été aussi en confiance avec quelqu'un.
La ruelle était sombre, collante de boue et du sang qui imprégnait ses mains, pourtant rien de cela ne la dérangea. Les nuages grondaient autour d'elle, les essaims de leurs regard brûlant son épiderme sensible, mais ce n'était rien en comparaison de la flamme qui grandissait dans son ventre lorsqu'elle sentit le regard de l'homme posé sur elle. Ewall. Ewall Ril' Morienval. Un nom gercé par les bords hachés du gouffre qu'elle avait apperçu dans ses prunelles. La confiance dont il lui faisait preuve la boulversa, et elle sentit l'émotion fleurir au coin de ses yeux. Elle n'avait pleuré qu'une fois, pour Elhya, mais les digues brisées n'avaient pas été reconstruites, aussi pouvaient-elles céder n'importe quand, à son grand désaroi. Mais ce n'était pas des larmes de tristesses. Son coeur brisé se reconstruisait, les morceaux déssoudés retrouvant leur moitié, tandis que dans son âme un gouffre se remplissait. Elle n'avait plus besoin de réfléchir, maintenant, elle s'élança vers le ciel.
Elle ne savait pas danser. Mais elle savait bouger. Le rythme était dans sa peau, coulant dans ses veines en un feu incontrôlable, la musique du monde largant ses pulsation originelles dans la moindre de ses fibres pour l'harmoniser à ce qui, autour d'elle, était le fondement de l'univers. Elle étendit les bras au dessus d'elle, les paumes tournées vers le ciel, et ouvrit les yeux. Elle ne savait pas danser. Mais elle savait chanter. Les trilles de fluttes mêléesz auc caresses de la lyre finirent par l'envouter, et elle entrouvrit les lèvres. Un sifflement surnaturelle les franchit, se fichant dirrectement dans le coeur des protagonistes. Modulant le son envoutant, elle en définit chaque arpège, y mêlant la mélodie des étoiles cachées à celle des nuages, et celle, plus entétante de la pluie qui tembourinait sur son visage, délavant l'étoile sans la dissoudre. C'était un chant magestueux, à la mesure d'un sourire, innocence et élégance se mariant pour former cet enchevêtrement ardent et pur aux courbes affolées, dansante. Elle ne bougeait pas son corps, mais sa musique valsait pour elle. Et pour lui. Chaque note lui était destinnée, distilant, elle le voulait, chaque parcelle de sa personalité dans ses oreilles tendues, il n'avait pas peur et elle en était heureuse. Profondément heureuse.
Au bout d'un moment, les instruments cessèrent, ne resta plus dans l'air que la mélodie d'un avenir incertain, mais oréolé d'une lumière radieuse et franche. L'espoir de l'emmener avec elle et de lui montrer le monde telle qu'ellele voyait. Jamais son désir d'être avec quelqu'un n'avait été aussi ardent. Le terme de maître ne lui venait pas encore à l'esprit, seulement l'envie de le découvrir,et de se laisser découvrir. Son âme résonnait, son coeur pulsait, et ses prunelles rougeoyaient. Sur une dernière note éclatante, elle baissa les yeux à nouveau sur le visage qui lui était apparu pendant son chant sur les nuages. La surprise tordait joliment ses traits, et quelque chose chauffait dans ses yeux. Il s'était rapproché de quelques pas, aussi n'eu t-elle à en faire qu'un pour se rapprocher de lui pour le regarder avec plus de facilité.
Tout proches maintenant, elle remarquait qu'il était légerement plus grand qu'elle, comme bien du monde du reste, et que ses cheveux cuivrés se coloraient de noir sous la pluie. Mais plus que son visage enfantins aux arrètes saillantes de l'adulte, ce qui donnait à l'ensemble un charme vraiment particulier entre innocence et expérience, c'étit ses yeux bijoux qu'elle regardait, cherchant à y déceler l'âme du garçon. Elle avait conscience du cadeau qu'il venait de lui faire en lui donnant son nom. Son nom entier ou véritable, comme en témoignait la surprise des saltimbanques alentours qui, d'ailleurs restaient plsu silencieux que des statues.
Elle n'eu qu'à se pencher dans son cou pour souffler quelques mots à ses oreilles, des mots qui, elle l'espérait, fairait la différence entre le bonheur et la tristesse.
- Vient avec moi, 'il te plait. Je ne suis pas parfaite, je ne suis pas un monstre ni une incarnation, je suis Anaïel, et je veut te faire découvrir le monde. S'il te plait, j'ai besoin de toi.
Ces derniers mots firent vibrer son âme. Leur puissance flamboyaient dans ses prunelles lorsqu'elle s'écarta, Ewall était resté immobile, le souffle rauque. Jamais un tel besoin ne l'avait fait flancher ainsi. Elle, Anaïel, la marchombre élève d'une légende, la fière et farouche Anaïel, la voila qui supliait un presque inconnu de la suivre, de lier sa vie à la sienne. C'était de l'inconcevable, mais de l'inné tellement fort qu'elle ne pouvait passer outre. Le destin existait peut-être, et ce soir il s'était incarné en deux personnes étrangères dont les âmes semblaient s'accorder entre elles de manière à créer, pour Anaïel, la plus belle symphonie du monde.
Elle regarda autour d'elle, croisant les regards tantôt méfiants, tantôt emmerveillés, tantôt tristes des personnes qui composaient la famille du garçons. Elle avait conscience de son dylemme. Pourquoi répondre à cette femme inconnue alors qu'il avait sa place au milieu de ses amis ? Le doute se ficha dans le coeur de la marchombre lorsqu'elle le vit regarder l'enfant albinos et son clown d'ami avec une indiscible tendresse. Elle ferma les yeux, tentant de juguler sa tristesse à l'idée de repartir sans lui. Si c'était le cas, bien évidemment elle le laisserait en paix. Mais elle voulait qu'il vienne, oh oui, elle le voulait tellement...
Elle s'écarta de lui. Le froid la ratrappa alors que la chaleur de son corps l'éloignait. Mais elle n'en avait cure. Détournant les yeux, elle chuchota, fragile :
- C'est à toi de choisir, si ta réponse est négative, je te laisserais tranquil et tu ne me reverra plus, je t'en fait la promesse.
Soudain, un nouvel éclair de douleur fusa de sa plaie et son visage se tordit de souffrance. Ses vêtements trempés et la pluie qui y ruisselait empêchait la blessure de se refermer. Elle s'appréta à ouvrir la bouche pour demander un pansement, mais au dernier moment son amour propre l'en empêcha. Aussi camoufla t-elle son mouvement par une autre grimace de douleur qui n'était pas feinte du reste, alors qu'elle avait gonfler sa poitrine pour parler, étirant les bords de la plaie. Cherchant à supprimer ses tremblements, elle attendit, la fièvre au ventre, la réponse d'Ewall.
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| Sujet: Re: Les toiles dévident en ce rêve... [Terminé] Ven 3 Sep 2010 - 16:37 | | | Elle ne savait pas danser. Galoudryelle en était persuadée. Elle ne saurait pas faire rêver Ewall comme elle le faisait lors de leurs spectacles. Personne d’autre qu’elle n’avait le droit d’obnubiler ainsi le beau jeune homme. Il était son Wallou à elle ! Pas à cette inconnue !Elle ne savait pas danser. Il ne voudrait pas d’elle. Cette certitude n’était pourtant que simple illusion, espoir vain que le garçon reste avec elle. Elle le savait. Elle le voyait dans les yeux de son compagnon de jeu. Même son corps d’acrobate clamait l’envie de suivre cette femme. Pourtant elle jouait de la lyre pour cette même personne. Enfin, parce qu’Ewall le lui avait silencieusement demandé. Rien ne l’y obligeait, mais la fillette sentait à quel point c’était important pour lui. Ses petits doigts dansaient entre les cordes de son instrument, et elle constata avec surprise que la dénommée Anaïel avait une voix magnifique qui ne faisait qu’une et même harmonie avec la musique. Elle ne l’aimait pas vraiment. Parce qu’elle allait lui prendre Ewall. Mais elle la fascinait tout de même. Comment pouvait-on être aussi belle ? L’enfant enviait sa chevelure aux reflets cuivrés et ses yeux aux couleurs intenses, de même que sa peau cuivrée. Choses qu’elle ne posséderait jamais, elle, l’albinos, la fille sans couleurs. C’était sans doute pour cette raison qu’il préférait partir avec la chanteuse. Pourtant il en avait vu des femmes, toutes plus belles les unes que les autres. Mais toujours il était resté avec eux, avec elle. Mais Anaïel n’était pas simplement belle. Elle était merveilleuse. Ses oreilles pointues, si particulières, firent douter Galoudryelle de la race humaine de cette jeune inconnue, venu chambouler leur vie à tous. Car il ne s’agissait pas seulement d’Ewall. En emportant le jeune homme elle leur enlevait tous une partie d’eux. Un membre de la troupe, talentueux de surcroit, mais surtout un membre de la famille. Un bout de son cœur à elle. Et en plus elle avait osé lever la main sur leur famille ! Comment Ewall pouvait-il laisser passer une telle chose ? Elle ne le comprenait plus. Et puis Ril’Morienval, ça voulait dire quoi ? Il s’appelait Ewall Gaerson, non ? Pourquoi lui aurait-il menti ? Elle repensa au jeu qu’il avait commencé suite à leur numéro, ce soir. Jeu avorté par la présence opportune. Savait-il qu’elle viendrait ? Etait-ce la raison de son comportement étrange avant de monter sur scène ?*Il savait qu’il allait me quitter. Nous quitter.*Il n’avait pas le droit ! Le chef ne le laisserait pas partir ! Ils étaient libres, tous, certes. Mais il y verrait son meilleur numéro supprimé. Et puis le chef aussi s’était attaché à lui avec le temps. Lorsque ses doigts s’immobilisèrent, donnant la mort à la douce mélodie, des larmes coulaient sur le visage de la fillette. Il était trop tard. Elle l’avait perdu. Même elle, à sa place, ne pourrait que suivre une telle femme. Et la jalousie la rongeait. Jamais elle ne pourrait retenir Ewall, elle n’était que trop fade à côté de cette créature chimérique.
~
Ril’Morienval. Un mystère se levait pour Dofenn. Lors de l’arrivée d’Ewall, il y a quatre ans, personne n’avait cru à son prétendu nom roturier-Gaerson-. Tout, en lui, exprimait sa bourgeoisie. Ses manières. Sa langue. Ses vêtements, malgré leur état déplorable. Et ce collier, qu’il pensait cacher avec soin, mais qu’il regardait chaque soir avant de s’endormir, ainsi qu’un mystérieux dessin. Dofenn le voyait. Mais il s’était toujours tut, respectant son secret. Les orphelins étaient les bienvenus chez les saltimbanques. Tant qu’ils avaient de quoi servir, un talent quelconque. Au début cela n’avait pas été facile. Le jeune homme se montrait dépressif, renfermé, refusant de leur parler. Tous, ou presque, lui avaient fait une misère, se vengeant de son manque de volonté en prétextant son rang. Et puis il y avait pas mal d’amertume aussi. Qu’est-ce qu’un gosse de riche faisait ici ? Mais très vite, ils avaient tous constaté que peu importe le rang, la douleur de la perte restait la même. On savait juste qu’il n’avait plus de famille, il refusait d’en dire plus. Alors Dofenn s’était appliqué à en faire un vrai saltimbanque. Souriant, plein de joie, volontaire et dynamique. Il avait réussi à force d’acharnement.Mais pourquoi révélait-il son nom à cette femme ? Pourquoi à une inconnue et pas à ses amis les plus proches, sa famille ? Le jeune clown se sentait trahi. Mais surtout abandonné. Ewall allait partir. En cela il ne pouvait que le comprendre, vu la femme enchanteresse qui lui proposait le voyage. Même lui partirait avec elle si l’occasion s’en présentait. Et puis, il lui semblait deviner le lien fort qui se tissait à l’instant et la voie que son meilleur ami s’apprêtait à emprunter. Lui, avait choisi celle de la troupe. Il avait espéré qu’Ewall aussi. Mais au fond il savait que le garçon noble ne resterait jamais parmi eux infiniment. Il aurait juste voulu plus longtemps que quatre petites années. La démonstration magistrale d’Anaïel se termina, dans un silence admiratif. Il jeta un coup d’œil à la petite qui pleurait silencieusement, et lui prit la main. A lui aussi Ewall allait énormément lui manquer. Il venait de perdre son bras droit.
~ Ewall restait figé, concentré sur la jeune femme. Elle ne savait pas danser. Et pourtant son corps était fait pour la danse. Il était fait pour valser dans le ciel avec les étoiles. Elle savait chanter. Elle savait lui chanter. Ses pétales rosées s’entrouvraient et une mélopée s’en échappait, volant en sa direction, libre et belle. S’il en avait la possibilité, il l’attraperait, et la mettrait en cage, afin de la garder pour toujours auprès de lui. Sur son épaule, Noukas avait cessé de sautiller, lui aussi captivé par l’inconnue. Sous la pluie elle semblait encore plus irréelle, comme si les gouttes qui formaient un rideau, s’apprêtait à la faire disparaitre dans un tour magistral de prestidigitateur. Même son étoile bleue pleurait devant tant de magnificence. Il la suivrait. Sans aucun doute, remord, hésitation. Elle savait rêver. Et le faire rêver. Des ses yeux il voyait une galaxie entière s’ouvrir à lui. Un tout nouveau monde qui lui chuchotait des promesses. Avec elle il serait enfin libre. Plus libre que la liberté même, si cela était possible.Avec elle il pourrait rêver. Et cela il le désirait plus que tout au monde. Depuis l’assassinat de sa famille, pas une seule fois il n’avait réussi à rêver. Ce n’était que cauchemars sans fin. Lorsque sa voix mourut dans la nuit, il s’avança à elle. Et elle à lui. Tout proche ils se contemplaient, comme découvrant pour la toute première fois son avenir. Il ne faisait pas face à une simple personne. Non. Il se dressait devant le sens qu’il voulait donner à sa vie. Prends entre tes mains ton destin. Elle se pencha dans son cou pour lui souffler ses mots de brume. Il ne bougea pas. Son contact ne lui inspirait aucune méfiance. Ce qui était rare. Très rare.-Vient avec moi, 'il te plait. Je ne suis pas parfaite, je ne suis pas un monstre ni une incarnation, je suis Anaïel, et je veut te faire découvrir le monde. S'il te plait, j'ai besoin de toi.J'ai besoin de toi. Jamais personne ne lui avait soufflé pareille déclaration. Jamais. Il avait toujours été pour sa famille, ainsi jamais personne n’avait eu besoin de lui dire telle chose. Que ce soit sa véritable famille ou son adoptive. J’ai besoin de toi. Et il avait besoin d’elle. Son souffle rauque haletait, sous le dilemme imposé par la jeune femme. Il se retourna et dévisagea ceux qu’il aimait plus que tout au monde. *Ne pars pas, je t’en supplie. Moi aussi j’ai besoin de toi. Plus qu’elle-même !* Galoudryelle pleurait. Son petit cœur de princesse se brisait, réalisant que le prince charmant finit par partir avec une autre. Les contes racontaient vraiment n’importe quoi ! Ce n’était pas comme cela que ça devait se passer ! Il devait rester auprès d’elle et l’aimer toute sa vie. Il devait lui donner le baiser prometteur d’une vie de rêve et lui dévoiler un amour infini. Pas la quitter. *Ne pars pas.**Eh ben mon gars…Le jour où une fille me dit ça, moi j’suis hein !*Dofenn était tout aussi peiné du choix que devait prendre son ami. Pourtant il pensait sincèrement que la suivre était la meilleure solution pour Ewall. Pour son avenir. Il était temps qu’il reprenne son nom et qu’il retrouve son identité. Qu’il cesse de vivre derrière les masques que lui dessinait Galoudryelle. *Tu vas me manquer, Wall’* *Bon Dieu, quelle soirée !* Le chef de la troupe, Jil, demeurait coït devant pareil spectacle. Que le gamin soit noble ne l’avait pas surpris le moins du monde. Il en était certain. Non ce qui le laissait perplexe, c’était cette femme qui avait surgit de l’ombre pour terrasser ses hommes et bouleverser la vie du p’tit. Ewall était talentueux. Très talentueux. Le spectacle pâtirait de son absence. Fini les numéros merveilleux avec la fillette. Et fini l’argent affluant grâce à son don et sa prestance.Ewall était talentueux. Très talentueux. Trop pour gâcher sa vie parmi une bande de saltimbanques. La décision lui appartenait. Et Jil savait que si, plus jeune, on lui avait proposé pareille offre, jamais il ne l’aurait refusée. *Pars garçon. C’est ta vie. Pas la notre.**Quel con.* Alen n’en croyait pas ses yeux. Comment Ewall osait-il ne serait-ce qu’hésiter ? Il n’avait pas le droit de les abandonner ! Il était le meilleur élément de la troupe, leur plus gros gagne pain ! Le prestidigitateur aimait beaucoup le garçon. Même un peu trop. Mais ça, personne ne le savait. S’il partait avec cette femme, jamais il ne lui pardonnerait. Jamais. *As-tu seulement pensé à nous une seconde, depuis qu’elle est arrivée ?* *Bon débarras !*Sébelia n’aimait pas ce garçon. Et cela depuis son arrivée. Il n’y en avait que pour le jeune noble, devenu trop vite le favoris de la troupe. Bon d’accord il est talentueux. Mais que valaient des acrobaties à côté de son chant ? Et puis cette femme. Certes sa voix était magnifique, et la jeune blonde aux boucles dessinées en était verte de jalousie, mais n’empêche elle ne lui promettait rien de bien grandiloquent ! Ils se sont vu, il lui peint le visage, il donne son vrai nom –elle savait qu’il ne pouvait être qu’un imposteur- et elle chante. Ouahou, mais dites-moi c’est super ça ! Ça veut dire qu’il va partir ? Chouette ! *Allez, dégage, arrête de faire chialer la p’tite. On s’en remettra tous, hein, t’es pas indispensable. On se débrouillait très bien sans toi, avant.*-C'est à toi de choisir, si ta réponse est négative, je te laisserais tranquil et tu ne me reverra plus, je t'en fait la promesse.Ewall tremblait. Son cœur et sa tête lui criaient de partir avec elle. Mais ses yeux verts pleuraient avec Galoudryelle. Prends entre tes mains ton destin. Fermant les paupières, aussi fort qu’il le put, il soupira, haletant. Puis il se dirigea face à son meilleur ami et l’enfant albinos. Il sécha de son doigt les larmes de la petites et serra Dofenn dans ses bras, dans une accolade très masculine. Il sourit aux autres membres de la troupe, fixa Jil, qui hocha la tête, l’encourageant et lui donnant son accord. Alors il se précipita derrière Anaïel. -Viens manger notre pain. Et panser ta blessure. Je n’ai pas pour habitude de partir avec une personne, sans lui avoir présenté ma famille. Il lui sourit, gage de son avenir qu’il venait de lui confier. Le tutoiement, lui était venu instinctivement. Il espérait qu'elle ne s'en formalisa pas. Prends entre tes mains ton destin. Et il lui prit la main. |
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| Sujet: Re: Les toiles dévident en ce rêve... [Terminé] Sam 4 Sep 2010 - 13:19 | | | De scintillantes étoiles tressautaient, s'épanchaient, s'éclipsaient l'une l'autre, traçant d'éclatantes arabesques sous un ciel veiné de devenir, d'espoir et de passé qui ne serait jamais révolu. Son esprit divaguait, cheminant entre les rouages incertains de ses actions, réactions, soudées par les fils qu'Ewall tissait pour elle à chaque regard, à chaque soupir. Anaïel se retourna dans son sommeil, les sourcils froncés mais le sourire aux lèvres, son visage félin plus détendu que jamais. La soirée avait été mouvementé, plus qu'elle n'aurait pu l'imaginer en arrivant dans la grande ville lumineuse.
Elle s'était laissée entrainée par le jeune homme, sa main brûlant la sienne d'un feu qui ne l'avait encore jamais étreint. Jamais personne ne l'avait prise par la main, mais la sensation puissante faisait vibrer son âme, tandis que sa conscience s'efflilochait sous l'assaut du froid et du sang qu'elle avait perdu. Elle avait quand même trouvé la force de s'arreter et de lui demander de l'attendre, juste une minute. Tout le monde était rentré, ou presque, la précédent dans le chapiteau. Mais la petite albinos était restée avec Ewall, s'aggripant à lui comme une possédée, ou plutôt comme une désespérée. Anaïel s'acroupis pour se mettre à s hauteur, et ses prunelles voilées croisèrent les siennes, grises der larme et de détresse, de jalousie aussi, et d'une haine que seul les enfant pouvaient faire brûler ainsi. La jeune femme tendis la mains, et écarta une mèche lunaire du visage de la jeune fille, s'émmerveillant de leur texture et surtout de leur incroyable couleur. La petite sursauta, alor Anaïel retira sa main et murmura :
- Tu sais, jamais on ne m'a regardé avec une telle tendresse. Il t'aime beaucoup Ewall, et j'espère qu'un jour je suciterais autant d'amour que tu lui en inspire. J'en prendrais soin, je te le promet. Plus que de ma propre vie. Et je l'enlève pas, tu sais, il reviendras, on reviendras, et vous me referez votre spectacle, le dernier, le plus beau. Il ne t'oubliras pas, mais je pense qu'il te le diras lui-même.
La petite fille demeura silencieuse, ses yeux brillant d'un éclat magique sur son visage magnifique. Aussi Anaïel se releva et se laissa entrainée à l'intérieur de la vie du jeune homme. Elle était fatiguée, harassée, blessée, mais même alors elle gardait cette grâce envoutante, saccadée, qui était la sienne. L'intérieur de la toile était bariolée de couleurs, de formes, de sons et d'odeur, de telle manière qu'elle en était destabilisée, presque aveuglée. Son attention se fixa sur Ewal, mémorisant ses traits, son allure légère et tendu, comme celle d'un chat. La tension se lisait dans ses épaules qu'il voutait, le choix était difficil, et elle aurait aimé pouvoir alléger sa peine. C'était sa vie qu'il laissait derrière lui, après tout. Une vie qu'elle ne connaissait pas, le jeune homme étant pour elle simplement ce qu'elle avait pu en voir ce soir là, mais elle ne se faisait pas de soucis, ils auraient le temps, il viendrait avec elle. Un sourire éblouissant trancha son visage à cette idée, et son coeur s'embala de nouveau, lardant sa blesure de coups de couteaux. Elle avait un peu peur des gens qui gravitaient autour d'elle, aussi resta t-elle le plus proche possible d'Ewall, comme si l'aura de sécurité qui l'entourait pouvait la protéger des regards inquisiteurs des saltimbanques.
Elle vit égallement les 5 clampins de tout à l'heure se faire terainer par leurs compagnons. Il faudrait qu'elle leur explique, non pas comment et pourquoi la jout était arrivée, elle ne s'en souciait guerre, mais quelles parties du corps elle avait touché, pour faciliter leur guérison. Ses pensées papillonnèrent aux alentours, se fixant de ci de là sur des détails plus ou moins insignifiant, jusqu'à ce qu'elle se retrouve assise au milieu d'une grande table rectangulaire, où une quarantaine de convives s'entassaient, probablement la totalité des effectifs du cirque. La voyant osciller, Ewall lui passa un bras derrière le dos pour l'aider à rester assise, puis lui posa devant elle quantité de nourriture et de boissons en tout genre. Anaïel grignota un morceau de viande cuite qu'elle trouva trop cuite, mais son estomac s'apaisa aussitôt, dispensant un bien être merveilleux, amplifié par la rasade de vin qui décendit dans sa gorge et lui fit tourner la tête. Elle oscilla une dernière fois puis s'endormit, lourdement appuyée sur Ewall.
Elle ne se réveilla pas lorsqu'on la transporta, mais même dans son sommeil, elle ressentit un malaise lorsqu'il la lacha, et qu'une aiguille rapprocha les bords de la plaie. Le silence revint, et les couleurs disparurent au profit de rêves plus ou moins expressifs, faisant goutter la sueur sur son frond.
- Je lui ferais pas de mal, je le jure ! - C'est un humain, imbécile, tu crois que tu vas pouvoir rester près de lui comme ça, impunément ?
Le visage d'Ewall lui parlait, tordu par une colère grandissante.
- Il... c'est... Je dois rester avec lui, je... - Arrète, tu vois bien que tu n'y crois pas. Et que dira t-il lorsque tu lui parleras de ce que tu es ? Une abomination, oui Madame ! - Non, il restera, je le sais, on est lié maintenant, et il le sait. - Tu te rends compte de la souffrance que tu lui prodigue ? T'as bien vu cette petite fille en larme, tu viens de détruire sa vie ! Maintenant il ne te suffit plus de tuer, tu manipule, tu les laisse vivre avec le plus de douleur possible, tu sais quoi, tu es... - Non, c'est pas vrai, il a le choix, c'est sa vie, et surtout sa Voie ! Tu le sais aussi bien que moi. Il sera marchombre, un merveilleux marchombre. - C'est vrai qu'il a quelques possibilités mais... - Tais toi. - Quoi ? tu... - Tais toi, c'est tout.
Anaïel s'apaisa dans son sommeil. Sa conscience échevelée s'entrecroisait avec sa nature animale, mais jamais elle n'avait été aussi sure du chemin à prendre. Il y avait encore de l'harmonie dans ce monde, Ewall en incarnait toutes les possibilité. Mais plus encore, il était heureux de vivre. Même si la douleur marquait son passé, même si la tristesse marquait son présent et la peur son avenir, il vivait, et cela suffisait à son bonheur. Il était comme une bouffée d'oxygène dans le monde gangréné d'Anaïel. Les points lumineux s'écartèrent, et pour une fois, aucun cauchemars de son passé ne vint troubler son sommeil et son réveil. Elle ouvrit les yeux sur le visage d'Ewall qui lui souriait.
Grimaçant, elle se remit sur son séant, la soirée précédente lui revennant en mémoire, porteuse de doute et de douleur, mais aussi d'espoir et de bonheur. Un instant lui et Anaïel restèrent silencieux, se regardant mutuelement, des miroirs fissurés dans les yeux. Anaïel murmura, envoutée :
- Quand veux-tu partir ?
La réalité la ratrappa de plein fouet, incendiant ses prunelles d'une expectative joyeuse et incontrôlée. Son sourire craquela ses lèvres, mais elle s'en moquait, elle en ferait son apprenti. Un apprenti marchombre. Constatant qu'elle ne lui avait même pas dit dans quoi il s'embarquait, elle continua d'une voix douce :
- Tu connais les marchombres ?
A cet instant, la porte de la petite chambre s'ouvrit à la volée. D'un même mouvement, le maître et l'élève se retournèrent vers la porte.
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| Sujet: Re: Les toiles dévident en ce rêve... [Terminé] Dim 5 Sep 2010 - 12:33 | | | Le cœur d’Ewall faisait des bons dans sa poitrine, des pirouettes même, à l’image du métier de son porteur. Noukas semblait dans le même état. Jamais ils n’auraient cru, tout deux, que leur histoire allait changer. Qu’un nouveau chemin allait s’ouvrir à leurs pieds.Alors qu’il emmenait Anaïel dans la tente principale, elle s’arrêta, le priant du regard de l’attendre. Il la vit alors se diriger vers Galoudryelle, et sourit tendrement. Il comptait bien parler à la fillette, mais plus tard, rien que tous les deux. Le fait que la jeune femme prenne également cette initiative le toucha. Elle avait du cœur, beaucoup de cœur. Aussi il se positionna en retrait, leur laissant de l’intimité, mais guettant tout de même le magnifique tableau que formaient les deux femmes les plus exceptionnelles à ses yeux, en ce soir de fête. Puis, il put conduire la nouvelle arrivante parmi les siens. Qui ne lui en voulait finalement pas tant que ça concernant le massacre des cinq hommes. Ils n’étaient pas morts. Et puis, si Ewall, le plus méfiant quasiment de la troupe, lui accordait toute confiance à elle…Alors c’est qu’elle méritait leur confiance à eux. Même si elle venait pour leur retirer un précieux membre. Mais ils n’avaient pas à juger de cela. Pas à voix haute, en tous cas. Les hommes s’agitaient, discutaient, se mettaient en valeur espérant peut-être impressionner la belle inconnue venue pour Ewall. Les femmes s’activaient plus à la cuisine, et à la mise à table, papotant les derniers ragots, enviant ou admirant la beauté et le charme de cette invitée particulière. Milanova, la cuisinière, un bout de femme toute ronde, maternelle et fin cordon bleu, aimait Anaïel. Elle pensait sincèrement qu’Ewall venait de faire le bon choix, et qu’il serait avec elle en sécurité, bien guidé pour s’accomplir. Elle avait entendu parler mainte fois de la tragédie des Ril’Morienval. Et bien avant la révélation du garçon, elle avait deviné son appartenance à cette lignée, sans jamais en dire un mot. Elle avait quelque peu connu les Ril’Morienval, Et les yeux verts hérités de Rhéna ne lui avaient en rien échappé, de même que d’autres traits. De plus son agitation mal à l’aise lorsqu’ils venaient à Al Jeit lui avait confirmé ses dires, sans compter son silence de tombe lorsque l’on parlait de son passé et de sa famille. Ainsi Milanova admirait le garçon. Un autre, des milliers d’autres, auraient, à la place de son cœur devenu jovial, un besoin important de vengeance, de rancune. Elle avait alors eu peur que cette vengeance ne ronge son âme. Avec Anaïel, elle espérait de tout cœur que cette éventualité lui soit retirée à jamais. Elle pourrait plus le surveiller, être à ses côtés pour l’empêcher une quelconque bêtise. En cela la cuisinière était rassurée.Les mets circulèrent autours de la grande table, dans le vacarme des conversations et de la musique émise par certains.Ewall, qui vit celle à qui il venait de lier son avenir flancher, passa une main derrière son dos, afin de la tenir. Malgré sa blessure et son grand état de fatigue, elle était toujours aussi féerique et élégante. Ainsi il la tenu tout le repas, tandis qu’elle restait tout proche de lui, apparemment intimidé par les saltimbanques. Il ne s’en formalisa pas, et la laissa se coller contre lui, faisant tressauter son cœur à l’idée qu’il passerait les jours suivant avec elle. Dofenn se montra très agréable, même drageur tout sauf sérieux, envers Anaïel. Galoudryelle ne pipa mot, la tête baissée, cachée par ses mèches blanches. Elle ne pleurait plus toutefois, et s’autorisa même quelques sourires lors des blagues. Un sourire c’est quand il n’y a pas de quoi rire. A la grande surprise d’Ewall, Alen ne lui adressa non plus pas une seule phrase, et s’évertua même à le regarder le moins possible. Habituellement il s’entendait très bien avec le prestidigitateur, pourtant. Sébelia, elle, à la grande exaspération du jeune homme, se montrait plus encore « m’as-tu vue » que jamais, exhibant son corps et ses boucles blondes, criant plus que parlant. Elle jubilait et mettait tout en œuvre pour se mettre au centre de l’attention. Ce qui ne fonctionna pas. Malgré les quelques réactions qui peina l’acrobate, il passa une soirée délicieuse, heureux de la partager avec la jeune femme. Jil s’apprêtait à poser une question banale à cette dernière lorsqu’Ewall sentit sa tête tomber sur son épaule.-Ah, j’crois que la demoiselle n’en peut plus ! Rit Jil.-Normal, avec moi les filles sont vite éreintées ! Nargua Dofenn, ce qui déclencha un rire général.Le dernier des Ril’Morienval secoua la tête, amusé de l’incorrigibilité de son ami, puis se leva avec douceur, la prenant avec toute la délicatesse qu’il put, dans ses bras.-Et étant donné que tu fais preuve d’une grande galanterie, mon ami, tu vas lui laisser ton lit. Le taquina le noble.Nouveau rire, sous la moue faussement indignée du clown, qui hocha toutefois la tête. -Je trouverais bien une autre couche ce soir, va. Elles ne manquent pas !Il lui adressa un dernier clin d’œil, et emmena la belle endormie dans la tente qu’il partageait lui-même avec son meilleur ami et d’autres garçons. Il la coucha, la borda, l’observant avec une lueur émerveillée dans ses yeux verts. -Tu n’as jamais regardé personne comme ça.La voix sèche, pleine de reproches venait d’Alen. Ewall se retourna, surpris du ton de son ami.-Je…Elle… Soupire. En chœur.Le visage du magicien était dur, tordu par une douleur invisible, et par la colère.-En fait, il vaudrait mieux que tu ne reviennes pas.Le jeune homme aux mèches de cuivre ouvrit la bouche, profondément blessé par ses dires. Il le détailla, fin, peu musclé, d’une taille correcte, une longue chevelure couleur jais, et des petits yeux dans lesquels nageait un océan d’un bleu profond. Alen surprit son regard, rougit, baissa la tête, se reprenant de cette façon.-Tu as raison, regarde-moi. Car c’est la dernière fois Ewall. -Non…Je…je reviendrais. -Tu nous a menti. Et tu as fait ton choix. Ils vont la soigner. En effet les saltimbanques ayant la capacité pour panser les blessures de la jeune femme entrèrent. Alen avait prononcé son « la » avant tant de violence qu’il blessa par la même occasion son ancien ami. Puis il parti, laissant un cœur meurtri. Ewall courut alors dehors, espérant rattraper les choses. Pas avec Alen. Il le connaissait, et il valait mieux qu’il ne l’approche plus. Pour ce soir du moins. Mais il voulait trouver Galoudryelle. Empêcher qu’il ne se passe la même chose ! Il rencontra Jil. Ou plutôt le percuta de plein fouet.-Un problème, gamin ? Sourit-il, cependant inquiet par l’ombre qui maculait le visage du garçon.-Je... Que lui dire ? Jil l’avait accueilli dans la troupe, sans trop de simagrées. Il lui avait donné l’opportunité de gagner de l’argent, d’être nourri et logé, et de refaire sa vie. Jil Fillibulle avait monté de toutes pièces cette troupe et les spectacles. Suite à la mort de sa femme, à la naissance de Galoudryelle, il avait préféré rire toute sa vie, et faire rire les autres, plutôt que de pleurer et de gâcher la vie débutant de son unique fille. Ewall l’admirait énormément.-Tu as fait le bon choix, Ewall. Il s’agit de ton avenir, pas de celui d’Alen ou de Galou, ou même du notre. Ne regrette rien. Tu feras toujours parti de la troupe et tu pourras toujours revenir, quoi qu’il arrive.Il posa sa grosse patte sur l’épaule du jeune garçon.-Une famille, quelle qu’elle soit, c’est à vie gamin. Que ce soit Ril’Morienval ou Gaerson. Tu seras toujours des notres.Des larmes papillonnèrent dans les émeraudes d’Ewall, la gorge trop nouée pour parler. Jamais Jil ne lui avait parlé de cette façon. Il était juste « le Chef ». -Vis. Vis mon garçon. Ça en vaut largement la peine. Quant à Alen, Galoudryelle et d’autres…ne sous-estimes pas les sentiments.Il lui donna une accolade, et partit d’un pas un peu moins assuré qu’ordinairement. Bouleversé, le jeune garçon trouva toutefois la fillette, assise sur l’herbe, à regarder les étoiles.-Galou… ~ Galoudryelle tourna à peine la tête en entendant l’acrobate s’installer à ses côtés.-En fait, elle est gentille.Les dernières paroles d’Anaïel l’avaient étonnée. Mais touchée. Elle était belle et gentille. C’est tout ce qui comptait. Enfin presque.-Elle n’est pas toi. Sourit-il.Elle le dévora du regard, bouffant ses grands yeux verts qui brillaient tant, ses formes rondes du visage, ses lèvres pulpeuses…Dieu qu’il était beau ! Mais pas pour elle. Ce n’était pas son prince. Plus. De toutes façons elle était trop jeune…Mais ça, avant, elle n’en avait rien à foutre !-Tu resteras toujours ma crevette, à moi !La fillette se jeta dans les bras du garçon, le serrant aussi fort qu’elle le put de ses bras frêles. Il lui retourna cette affection, s’accrochant également à elle avec force, sa petite tête lovée dans sa main.~
Il ouvrit les yeux, dans son lit. La soirée avait été riche en émotions. Trop riche. Ça l’avait assommé, vidé. Il se positionna sur le côté et son cœur bondit en découvrant Anaïel, encore endormie. Il n’avait pas rêvé. Elle était là, présente, réelle envers et contre son apparence chimérique. Et il allait partir avec elle. A son tour elle ouvrit les yeux et lui décerna un regard tendre. Ainsi ils se contemplèrent en silence, dégustant le pouvoir des regards qui valent bien plus que le plus beau des mots. Enfin, elle murmura : -Quand veux-tu partir ?Il ne répondit pas de suite. Il partirait quand elle le voudrait, et où elle souhaiterait l’emmener. Il était prêt. Les doutes avaient fuis pendant la nuit, ne laissant que la certitude jouissive d’un avenir plein de rêves à ses côtés.-Tu connais les marchombres ?Marchombre. Ce mot lui susurrait des promesses à l’oreille, tout comme ses yeux à elle. Ce mot l’envoûtait, le transportait dans des pays imaginaires où l’on trouve mille merveilles. Ce mot lui parlait, le guidait, sans qu’il sache ce que c’est. Il s’apprêtait à lui répondre que non, mais la porte s’ouvrit à volée, et d’un même geste, le maitre et l’élève se redressèrent. -Petiiit Déjeuneeer!!! Galoudryelle portait de ses petites mains un énorme plateau où reposaient milles victuailles, toutes aussi bonnes les unes que les autres. Mais ce qui enchanta plus encore Ewall, fut le sourire qu’elle arborait.-Il vous faut des forces ! Surtout vous madame, vous n’étiez pas très bien hier.Elle posa le plateau sur son lit.-Bon d’accord, hier j’m’en foutais.Elle haussa les épaules, innocente. -Mais j’confis pas mon Wallou à n’importe qui.Elle sauta sur le lit d’Anaïel, la scruta de ses yeux délavés.-Est-ce que vous êtes une fée ? P’pa il dit que les marchombres sont des fées.Ewall ouvrit de grands yeux, et ne put s’empêcher de constater qu’Anaïel faisait de même. Que savait Galoudryelle sur les marchombres ? |
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| Sujet: Re: Les toiles dévident en ce rêve... [Terminé] Mar 7 Sep 2010 - 18:22 | | | A l'unisson des émeraudes servant de pupilles d'Ewall, les prunelles d'Anaïel se dilatèrent sous l'effet de la surprise. Que pouvait connaître l'enfant lune des marchombre ? Qui pouvait bien être son père ? Malgré l'importance du statut de son maître, la jeune marchombre ne connaissait que vaguement les codes régissant la guilde qu'était la sienne, n'ayant que les connaissances nécessaires à sa sureté. Ainsi, elle avait quelques notions concernant le carractère très fermé des secrets composant la guilde, et n'avait d'ailleurs jamais suivit avec beaucoup d'assiduité les leçons visant à lui inculquer le respect de son invisibilité. Pour elle, être marchombre c'était avant tout être libre, vivre dans l'harmonie d'un univers sensationnel. Elle aurait voulu que chacun puisse comprendre les pulsations du monde, comment se fondre dans un environnement pour en retirer ce que l'on souhaitait sans détruire, elle aurait voulu que chacun puisse se rendre compte des merveilles que pouvait receler ce qui nous entourait, et que tous arrêtent de détruire ce qui composait sa vie. Et ce n'était pas en conservant des secrets obsolètes qu'elle parviendrait à ses buts. Hors, elle comprenait parfaitement que le Rentaï doive être caché. La montagne recelait une force mystérieuse mais extrêmement puissante, et avant que les Hommes n'acquièrent la sagesse nécessaire pour brider leur soif de pouvoir, il y en aurait beaucoup trop pour bafouer la montagne es essayant de lui soutirer ses secrets. Aussi sa greffe était-elle demeurée secrète, mais pas pour tout le monde. Elle n'avait pas peur de montrer ses ailes, puisqu'elle les percevait comme un cadeau, non pas comme quelque chose visant à être camouflé. Bien entendu, sa greffe demeurait un avantage non négligeable dans la fuite en général, aussi demeurait elle sa dernière porte de sortie, ce qui impliquait qu'elle reste secrète pour ses ennemis. Mais toujours est-il qu'elle était surprise que la petite fille puisse savoir quoi que se soit sur les marchombres, car peu de personnes de la guilde adhérait à ses idées d'étendre leurs idéaux.
Dans le silence installé, son ventre gargouilla horriblement, trouant l'ambiance pesante d'un grand éclat de rire de la part du jeune homme. Avec un sourire contrit, Anaïel baissa les yeux sur les croissants et le jus d'orange qui trônaient devant elle. Réalisant soudain qu'elle était affamée, elle se jeta dessus sans ambages tout en réfléchissant à une réponse appropriée. La petite l'avait vraiment prise au dépourvu ! Que pouvait-elle bien répondre à cela ? Son ventre se vida d'air tout à coup, et ses yeux se voilèrent sous la souffrance qui lui pris le coeur. Elle n'avait aucune origine, aucune race, aucune famille à laquelle appartenir. Que pouvait-elle offrir au jeune homme, quelle réponse à l'enfant lune qui la scrutait de ses yeux d'enfant, l'innocence et la détermination en assombrissant la brume d'argent ? Elle repoussa le plateau vers Ewall qui la regardait lui aussi, intrigué par l'éclat de souffrance dans ses yeux. Il allait quitter sa famille, et elle l'emmenait vers la solitude. Non, décida t-elle, elle pouvait être sa famille, comme Elhya avait été la sienne. Au souvenir de son maître, une nouvelle salve de détresse broya sa gorge, y laissant un arrière gout amer d'une bile trop longtemps ravalée. Laissant son coeur parlé, espérant peut-être que cela l'aiderait à évacuer la douleur, elle répondit d'une petite voix.
- Peut-être que les marchombre sont des fées, qui sait. Mais je sais qu'avant tout ce sont des humains, comme toi et moi, des êtres différents cependant par leurs idées et leurs actes. Je suis une marchombre, c'est vrai. Tu crois toi que je suis une fée ?
Tout en détaillant le visage de la petite, Anaïel se calma, laissant son sourire éblouissant et attentif balayer ses angoisses, apaiser son cœur. Ewall également était attentif, buvant chacune de ses paroles pour essayer d'en savoir un peu plus sur ce qui murmurait déja à son âme une douce mélodie empreinte d'un avenir si différent et si délicieux. Anaïel n'avait pas peur de montrer qui elle était, et Galoudryelle ne ferait rien sciemment qui pourrait attenter à la vie de son compagnon de cirque. Le lien entre ces deux là était stupéfiant, et la marchombre se félicita que la petite lui ai pardonné d'enlever son prince. Elle comprenait, au moins en partie, la douleur qui était la sienne. Une boule ne se formait-elle pas dans sa gorge à la simple idée de repartir sans Ewall ? Ce jeune homme venait illuminer sa vie comme l'aurait fait une étoile dans la nuit, tout semblait plus limpide à présent, elle lui apprendrait le monde à travers les yeux de la liberté, ces yeux qui dévoilaient la beauté sans aucun artifice, et l'harmonie en prisme d'instantané. Libre à lui, ensuite, de repartir sur les routes en temps que saltimbanque, c'était un métier comme un autre, d'autant que ses numéros seraient ensuite à l'image de son niveau, stupéfiant. Avec un sourire, elle continua, de nouveau joyeuse :
- Je ne sais pas qui était ton père, mais je veux que tu sache que parler des marchombre n'est pas une discussion ordinaire. Les marchombres sont une caste très secrète, et si je me permet d'en parler avec plus de liberté que quiconque, j'aimerais que tu laisse dans cette pièce ce que je vais te raconter, en ce moment les secrets se payent cher, et parfois une simple vie n'y suffit pas. Mais je te fait confiance.
Et étrangement, c'était vrai. Anaïel ne savait pas parler autrement qu'avec son cœur, c'était un avantage autant qu'un inconvénient, mais la vérité était reine, et cela se sentait. Elle se tourna légèrement vers Ewall, la tête légèrement penchée sur le côté, comme pour le regarder avec plus d'attention encore. Il était beau, c'était une évidence, pas seulement à cause des qualités de son visage, de l'harmonie de ses traits, non, c'était plus une chaleur, quelque chose de rougeoyant qui touchait la marchombre. Elle lisait en lui comme jamais elle n'avait lu en personne, comme si leurs âme étaient reliées, tissant ensemble un avenir coloré et chatoyant. La trame s'amplifiait, dansait sur le fil de l'attente, de la découverte et du partage. De la confiance. Ses yeux brillaient, flamboyaient, alors que lui aussi la détaillait. Elle repris, une note d'urgence dans la voix, comme si le fait d'imaginer qu'il resterait lorsqu'elle lui aurait tout expliqué lui était intolérable. Elle aurait aimé lui offrir la voie sans aucune concession de sa part, mais c'était impossible. L'harmonie résidait dans les compromis de l'un et de l'autre, ni plus ni moins. Mais ce serait magique, elle n'avait aucun doute la dessus, elle mettrait son coeur à disposition de son élève, quoi que cela puisse lui en couter.
- Tu devras me donner 3 ans de ta vie.
La phrase avait jaillit, dure et violente. C'était une évidence douloureuse, l'acceptation de son statut d'élève, de sa soumission pour 3 ans. Anaïel répugnait à cette clause, mais c'était obligatoire, la formation demandait du temps, et 3 ans était un minimum. Elle détourna les yeux, comme pour lui montrer qu'elle ne partageait pas l'assujettissement que cela impliquait. Mais la guilde était stricte, et dérober à cette première règle ne ferait que leur mettre des batons dans les roues. Et puis elle avait vraiment envie de l'avoir pour elle seule pendant un moment, mais ça elle ne le dirait devant la petite fille pour rien au monde.
- Tu seras mon élève, mon unique élève, et pendant 3 ans je te formerais, je te guiderais sur la Voie des marchombres. Tu me devras obéissance et discipline, sans aucune forme de concessions. Quant à moi, je te dédierais mon temps, et serais responsable de toi et de ton évolution, sans aucune forme de concessions. Nous serons liés. Je t'apprendrais le ciel, je t'apprendrais à voler.
Le phœnix aux yeux d'argent brûla sa poitrine alors qu'une larme perlait à sa paupière. L'image d'Elhya de floue devint lumineuse, au point de lui brûler les rétines de l'intérieur. Doucement, elle entoura sa poitrine de ses bras et serra, serra pour étrangler les sanglots qui remontaient de ses entrailles. Son cœur troué s'ouvrit, écartelant sa volonté en une myriade de pointes acérées, tandis que les mots de son maître se répercutaient dans son crâne, broyant le présent pour faire rejaillir le passé avec plus de force que jamais. C'était ses mots, ceux qu'elle lui avait offert en lui proposant de la guider sur la voie. Elle n'était plu, Elhya n'était plu, mais ses mots continuaient de résonner, de transmettre ce qui avait composé sa vie. En un sens elle vivait encore, dans le phénix sur sa poitrine, dans ses pensées, dans ses mots que le vent lui soufflait. Anaïel avait mal mais étrangement, elle était heureuse. Sa main se tendit vers Ewall, instinctivement, comme pour s'assurer de sa présence, de la réalité qui à présent tournait autour d'elle en une spirale constellée de sourires et de prunelles ardentes. Ses doigts se posèrent sur le frond du jeune homme qui n'avait pas bougé. Son contact lui coupa le souffle et tandis qu'elle abaissait sa main, ses doigts continuaient de brûler. L'enseignement d'Elhya lui avait tout apris, notament à penser par elle-même, aussi ajouta t-elle, comme un hommage discret à la femme qui l'avait guidé :
- Je serais également ton apprentie, si tu veux bien. Je te l'ai dit, j'ai besoin de toi. Alors tu m'apprendras aussi à danser, et à rire, surtout. J'ai tant à apprendre de toi, et toi de moi... Viens avec moi, s'il te plait. Tu pourras revenir aussi souvent que tu le souhaite. Ce sont les mots de mon maître qui ont jaillit, mais, avec tout le respect que je lui voue, je sais que entre nous ce ne sera pas pareil. Je suis trop jeune, je ne suis pas comme elle. Elle m'a tout appris, et je t'apprendrais tout ce qui concerne les marchombres. Tu seras libre comme je le serais, ou plutôt je serais enchainée à toi comme toi à moi. En fonction. Chacun maître et élève, chacun élève et maître. Acceptes-tu de venir avec moi ?
Les yeux d'Anaïel flamboyaient, leurs circonvolutions ignées incendiant la pièce de leurs arabesques enflammées, alors qu'elle vrillait Ewall de son attente impatiente. Leur relation ne serait pas la même que celle qu'elle avait entretenue avec Elhya, elle en avait la certitude. Trop peu d'année les séparaient pour qu'un seul puisse avoir plus d'emprise sur l'autre, elle ne pouvait pas même concevoir l'idée de lui être supérieure. C'était un compromis hasardeux, quelque chose dont elle n'avait jamais entendu parlé, mais ça fonctionnerais. Oh oui, elle ferait tout pour ça, elle lui donnerait tout. C'était la première fois qu'elle s'abandonnait ainsi.
[ j'espère que ça te plaira ^^]
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| Sujet: Re: Les toiles dévident en ce rêve... [Terminé] Sam 2 Oct 2010 - 20:16 | | | Le cœur d’Ewall bâtait la chamade, se balançant de branche en branche entre sa rencontre récente avec Anaïel et l’émerveillement qui en découlait à chaque seconde et l’étonnement du savoir possible de Galoudryelle. La situation était irréelle, et il se pinça à trois reprises pour vérifier que tout ceci n’était pas un rêve. Il ne récolta que des rougeurs sur l’avant bras, mais la pièce resta identique. La marchombre était toujours assise sur le lit, et ses yeux lui susurraient toujours les mêmes promesses délicieuses. Le silence fut rompu par un bruyant borborygme sortant du ventre plat, et apparemment vide, de la jeune femme. Le garçon aux épis cuivrés ne put retenir un grand éclat de rire face à cette manifestation burlesque en pleine scène digne des grands suspens de spectacle. Elle sourit, et se jeta sur le plateau avec une faim qui contamina vite l’acrobate et la fillette. Aussi se joignirent-ils à elle, s’installant à ses côtés, pour dévorer les victuailles. Puis elle poussa le plateau vers lui, lui laissant l’honneur de le finir, et sembla chercher ses mots. Galoudryelle, qui n’avait jamais grand appétit, la scrutait de ses yeux délavés, curieuse de la réponse qui ne tarderait pas à venir.-Peut-être que les marchombre sont des fées, qui sait. Mais je sais qu'avant tout ce sont des humains, comme toi et moi, des êtres différents cependant par leurs idées et leurs actes. Je suis une marchombre, c'est vrai. Tu crois toi que je suis une fée ?Le garçon cessa de se goinfrer, suspendant tous ses gestes, à l’affut des paroles veloutées d’Anaïel et de la réaction de sa jeune amie. L’enfant ne pipait mot, la détaillant dans les moindres détails, l’écoutant avec respect et une certaine admiration. Marchombre. Ce mot résonnait aux oreilles de tous dans la salle, de manières différentes, toutefois. Ewall l’entendait comme un appel. Comme une évidence aussi, l’évidence même de ce qu’incarnait la jeune femme. Et puis, comme s’il avait toujours su qu’il suivrait ce chemin, qu’il l’emprunterait un jour ou l’autre. Une fois encore, il se prouva que le hasard n’existait pas. On provoque soi-même sa propre chance. Sauf quand le destin apparait. Destin. Il doutait de ce mot, refusant de croire que son destin fut de perdre toute sa famille dans ces conditions. Pourtant l’apparition d’Anaïel ne pouvait être autre chose que son destin. Marchombre.Si Galoudryelle avait déjà entendu ce nom, avec tout l’émerveillement et le respect approprié dans la bouche de son père, elle n’avait jamais entendu ce son mélodieux se glisser dans sa tête. Magie. Liberté. Un autre monde, comme dans ses rêves les plus fous, et puis…La possibilité de voler, comme les fées. Anaïel était une fée. Elle en était convaincue. Elle cachait juste ses ailes, peut-être pour ne pas se faire repérer, pour passer inaperçu. C’est comme le destin qui se cache derrière le costume du hasard, pour ne pas être mis à nu. Marchombre. Comment un nom pouvait-il ainsi habiter un homme ?-Je ne sais pas qui était ton père, mais je veux que tu sache que parler des marchombre n'est pas une discussion ordinaire. Les marchombres sont une caste très secrète, et si je me permet d'en parler avec plus de liberté que quiconque, j'aimerais que tu laisse dans cette pièce ce que je vais te raconter, en ce moment les secrets se payent cher, et parfois une simple vie n'y suffit pas. Mais je te fait confiance.Le cœur de la fille lune s’arrêta un instant, tant l’émotion devint forte au creux de sa gorge. Son père ne lui avait que très peu parlé des marchombres, répondant à ses questions suite à une discussion surprise dans les ruelles lors de lors voyages. Et la jeune femme voulait bien lui en dire plus ?! Lui révéler les secrets qui entouraient ces êtres chimériques ? Elle lui faisait…confiance ? Confiance. Un mot qui valait de l’or dans son esprit. Un mot pour lequel elle serait prête à tout. Ses doutes s‘envolèrent et le mur de méfiance s’abattit avec fracas. Anaïel était plus que digne d’emporter avec elle Ewall. Les yeux brillant elle se cala contre le lit, remontant ses genoux jusqu’à son visage, prête à écouter, avec toute l’attention dont elle disposait, comme lorsque son père ou Wallou, parfois, lui racontait des histoires avant de dormir.Ewall aussi fut touché de cette attention envers la fillette. Ainsi il posa sa main sur celle d’Anaïel, en guise de remerciement. Ses yeux verts étincelaient tout autant que ceux de la funambule, impatient des révélations proches, cherchant sur les bords des lèvres rosées de la jeune femme la porte à ouvrir pour rentrer dans son monde.-Tu devras me donner 3 ans de ta vie.Il sursauta, ne s’attendant pas à cette condition. A cet engagement...obligatoire ? Cette demande jurait avec le mot liberté qui se gravait dans le marbre de la voie. Toutefois… Trois ans ce n’était qu’une année de moins que celles qu’il avait passé avec la troupe. Mais ces années lui semblaient une éternité ! Une vie. Une deuxième vie. Jusqu’à combien de vie pouvait-on avoir ? Trois ans. Il s’imagina alors tout ce qu’il pourrait apprendre, découvrir durant ce laps de temps, et se calma, retrouvant l’aisance de son corps. Il sourit et hocha la tête discrètement, acceptant ce détail, si infime, en fin de compte, dans l’immensité de ce qu’elle lui apportait et apporterait.Galoudryelle, quant à elle, se leva, reculant avec force contre la porte de la chambre. Une main sur l’ouverture, elle se tenait prête à fuir cette vérité. C’était dégueulasse. Horrible. Trop long. Impossible. En trois ans, il changerait. Elle aussi. Et quand ils se reverraient, ils ne se connaitront plus. Car même s’il reviendrait, ils ne pourraient plus se parler comme avant, plus se sonder l’un l’autre, plus…s’aimer ? La donne changeait. Elle n’aimait pas du tout la tournure des choses. Mais alors pas du tout. Les yeux de velours d’Anaïel se mêlèrent aux siens, l’intimant de rester. Elle hésita, haletante.Des larmes papillonnèrent entre ses cils si fins qu’on les voyait à peine. Elle déglutit. Puis, consciente de la valeur de la confiance que la femme lui accordait, se rassit. Elle resta toutefois près de la sortie, s’éloignant des deux âmes sœurs qui venaient de se lier. Pour trois ans.-Tu seras mon élève, mon unique élève, et pendant 3 ans je te formerais, je te guiderais sur la Voie des marchombres. Tu me devras obéissance et discipline, sans aucune forme de concessions. Quant à moi, je te dédierais mon temps, et serais responsable de toi et de ton évolution, sans aucune forme de concessions. Nous serons liés. Je t'apprendrais le ciel, je t'apprendrais à voler.Si les mots sortaient bel et bien de la bouche en cœur de la marchombre, Ewall avait comme l’impression qu’une autre personne parlait en elle. Mais il n’en avait que faire. Obéissance et discipline. On avait tenté de lui apprendre cela, en famille. Les corrections de son père chaque fois qu’il tentait d’y échapper lui revint en tête. Et de ce fait l’image solennel de ce dernier. Il ferma les yeux, secouant la tête pour le faire sortir de là. Il n’y avait plus sa place. Ou du moins pas à cet instant. Pas pour son instant. Il savait qu’avec Anaïel la notion d’obéissance et de discipline prendrait une toute autre ampleur. Elle n’était pas sa mère, et ne pourrait jamais l’être, même s’il le voulait. Non. Elle serait plutôt un…guide, une étoile du nord à suivre dans les pénombres. « Nous serons liés. » Ewall accepta avec joie la main fine de son futur maitre, la serrant avec toute la douceur qu’il se connaissait. Mais elle ne laissa pas longtemps ses doigts dans sa paume, préférant découvrir le visage du jeune garçon.Il se contracta quelque peu, sentant ses poils se hérisser à son contact. Mais pas de méfiance ou quoi que ce soit. Non, ils se levaient en émotion totale, tandis qu’une vague glacée l’envahissait, contrastant avec la chaleur infernale qui brulait son cœur.« Je t’apprendrais à voler. »
Galoudryelle en était sûre. Elle ne pouvait plus le nier, maintenant. Les fées existaient, et l’une d’entre elle s’apprêtait à emmener avec elle son prince charmant. Prince charmant qui n’était plus à elle. Peut-être n’avait-il jamais été vraiment le sien, en fait. Elle se souvint d’un mythe, raconté par son père lors d’une veillée au coin du feu. Le mythe de l’Androgyne. Jadis, les hommes ayant provoqué la colère du Dragon, celui-ci les punit en séparant chacun en deux moitiés, formant les être humains actuels. Depuis, les hommes n’ont d’autre but que de retrouver leur moitié.C’était comme une orange que l’on coupe en deux, et qui ne faisait qu’une lorsqu’on rejoint les deux morceaux. Anaïel était la moitié d’orange d’Ewall. C’était évident. Ils étaient fait pour se recontrer, et faire leurs chemins ensemble. Pour se lier, en un seul être, à jamais. Bien plus que trois simples années. Liberté ou pas.Elle baissa la tête, n’acceptant qu’à demi cette idée. Elle avait toujours cru que le garçon était sa moitié d’orange à elle. Elle ne devait être alors qu’un petit citron opportun. -Je serais également ton apprentie, si tu veux bien. Je te l'ai dit, j'ai besoin de toi. Alors tu m'apprendras aussi à danser, et à rire, surtout. J'ai tant à apprendre de toi, et toi de moi... Viens avec moi, s'il te plait. Tu pourras revenir aussi souvent que tu le souhaite. Ce sont les mots de mon maître qui ont jaillit, mais, avec tout le respect que je lui voue, je sais que entre nous ce ne sera pas pareil. Je suis trop jeune, je ne suis pas comme elle. Elle m'a tout appris, et je t'apprendrais tout ce qui concerne les marchombres. Tu seras libre comme je le serais, ou plutôt je serais enchainée à toi comme toi à moi. En fonction. Chacun maître et élève, chacun élève et maître. Acceptes-tu de venir avec moi ?Ewall arrivait à se demander si ses intestins n’improvisaient pas une grosse fiesta avec son cœur et ses autres organes, tant il se sentait chamboulé et étranger à son propre corps. Il ne parvenait même plus à déglutir et crut même un instant ne plus sentir son élément de vie. Mourir par trop d’émotion devait être possible, non ? Car il devait être dans ce cas précis. « Tu seras libre comme je le serais, ou plutôt je serais enchainée à toi comme toi à moi. »Le jeune garçon approcha une main tremblante vers la joue d’Anaïel. Il la posa avec un mélange de délicatesse et d’hésitation, maladroit. Il crut se bruler. Il la retira, alors, songeant à son cœur qui menaçait d’exploser et qui lui criait garde. Il fit toutefois la sourde oreille, et enchaina ses mains à celles de son maitre. Puis il plongea ses pupilles dans les siennes, ne lui offrant peut-être pas les promesses qu’elle lui tendait, mais un engagement.-Je te suis. Chuchota-t-il, laissant sans aucune honte une larme s’échapper sur son visage en feu.Il ne dit rien de plus, préférant savourer cet instant magique, ce lien qui se tissait dans le silence de la mélodie marchombre. Il pourrait se noyer dans ses yeux à elle, dans aucune trace de remord ou regret. * Non loin de l’union, le petit cœur de l’enfant lune se brise, en silence, comme pour ne pas déranger ce moment sacré. Au fond, elle n’avait pu s’empêcher d’espérer un refus. Illusion vaine. Innocence perdue. Alors elle se glissa derrière la porte, laissant derrière elle une phrase écorchée et taillée d’une voix presque éteinte :-Tu ne veux peut-être pas montrer tes ailes, mais je sais que tu en as. Ewall méritait d’en avoir à son tour. Alors, elle le laissa ouvrir sa porte à lui, fermant la sienne. Les moments qui s’ensuivraient ne lui appartenaient plus. Tout comme Ewall. |
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| Sujet: Re: Les toiles dévident en ce rêve... [Terminé] Dim 24 Oct 2010 - 18:27 | | | Anaïelavait le cœur écorché. Trop d'émotions sebousculaient et, pareil à un miroir zébré, elleles retrouvait sur le visage de son nouvel apprenti, de son nouvel...ami ? Pouvait-on appeler ami un garçon, un homme, qui faisaitnaître en elle tant de sentiments, allant d'une détresseterrifiante à une euphorie embrasée ? Oui, elle avaitpeur. Peur de ne pas être à la hauteur, peur de s'êtrefourvoyée, peur d'être déçue, de sombrer,et de ne plus se relever s'il décidait de la quitter. Elles'était offerte à lui, pour la première fois,avec une telle intensité, et tout en perdant une partie de sonâme qu'elle lui avait confiée, elle avait la certitudede s'être accaparé une partie de la sienne. S'ils'avérait ne pas être celui qu'elle croyait, ses ailes,sa vie se briserait. À jamais. « Jete suis »Lamélodie de ces trois mots valsaient dans sa tête,infiniment délicats, tendres, porteur d'un sens exaltant etpourtant effrayant. Elle voyait bien qu'il ressentait égalementdes émotions intenses, les mêmes qui tourbillonnaientdans son ventre et lui donnaient le tournis. Sous la caresse de sesdoigts, elle sentit ses empreintes graver sa joue d'une promesseessentielle et éternelle. Elle aurait bien le temps deréfléchir à la manière dont elle luienseignerait les arcanes de la Voie, mais pour l'instant, unis commeils l'étaient dans cet éternité entre lessecondes, elle laissait ses yeux dévorer les siens, sachevelure cuivrée qu'elle aurait aimé fouir de sesdoigts, de ses lèvres pleines entrouvertes sur une respirationsaccadée, elle laissait son âme s'imprégner deson être tout entier. Anaïeln'eut pas le courage de détourner les yeux la premièrelorsque la porte grinça sur l'absence de la jeune albinos.Elle regarda l'éclat changé de teinte dans les yeuxémeraudes d'Ewall, passant d'une symbiose et d'un dénuementtotal à la détresse d'avoir perdu quelque chose de trèsprécieux. La marchombre pouvait comprendre cela, même sile bonheur qu'attisait en elle le jeune homme lui voilait l'empathieà la tristesse des deux acrobates. Il sembla hésiter àla suivre, la questionnant du regard, leurs mains toujours liéespar l'étreinte de leurs doigts entrelacés. Comme àregret, Anaïel tourna les yeux à son tour vers la porte,cherchant dans le bois patiné une certaine accalmie dans sessentiments que lui interdisait la vue d'Ewall. L'enfant lune avait eule coeur brisé par la réponse du jeune homme et, commeun verre de cristal s'écrasant au sol, la marchombre avait euce sentiment étrange d'entendre la délicatesse del'ouvrage éclater contre la muraille d'un destin cruel. Ellene laisserait pas Ewall oublier sa vie, ne voulait pas que, commecela lui était arrivé, définir sa vie àpartir de la Voie et non pas comme un élément en plus àajouter à sa vie. D'une voix sourde, elle sifflota :
Moi je n'ai eu que ça. La Voie des marchombre m'a donné la vie, m'a offert le ciel et la liberté. J'ai battit ma vie sur la Voie même, chaque partie de moi en est imprégnée, je n'ai pas eu le choix, avant je n'étais qu'un fantôme. Mais toi tu es différent. Cette petite fille est extraordinaire d'amour et d'envie de toi, je ne laisserais pas l'apprentissage vous séparez. N'oublie pas ta vie, Ewall, tu as le choix, ne battit pas ton existence sur un fil. Même si le fil te semble large comme une avenue à toi, funambule, même si sa couleur est la plus belle de l'univers, celle de la liberté absolue, il reste un fil parmi la multitude qui composera ton existence.
L'hésitationla fit s'arrêter, alors qu'elle se rendait compte de ce qu'elledévoilait dans ses propos. La gène aussi monta àses joues, sa tirade ressemblait belle et bien à des parolesdidactiques. Mais le sentiment s'éloigna, lorsque sesprunelles rencontraient celle d'Ewall qui l'écoutait avec uneintensité qui, malgré son égo torturé, laflatta. Elle avait tellement de chose à lui raconter !Raconter et non apprendre nota t-elle. Elle se leva gracieusement,chancela légèrement sous la fatigue et l'énergiequ'elle dépensait à guérir, mais ne tomba pas.Son apprenti s'était levé exactement en mêmetemps, et un rire résonna dans la gorge du garçon,repris par un sourire d'Anaïel qui craquela ses lèvres.Puis, l'air aussi mutin que peut l'être un prédateur, lamarchombre lui montra la fenêtre d'un mouvement du menton.
Viens avec moi, je voudrait te montrer quelque chose. On reviendra, promis.
Elleouvrit la fenêtre de toile et s'élança dans lanuit. Ses sens, son ouïe particulièrement, mais aussi cedernier née du lien qui s'était établit avec sonapprenti, lui apprirent qu'il avait passé l'ouverture luiaussi et qu'il courait à sa suite. Malgré sa fatigue etsa blessure, la marchombre progressait à cette allurespéciale, envoutante, sans qu'aucun son ne s'échapped'entre ses semelles et ce qui leur servait de support. La vitesse lagrisait, tout autant que de voir qu'Ewall tenait la longueur et ne selaissait pas distancer. Il ferait un marchombre extraordinaire. Lesgouttières s'enchainaient, les tuiles miroitaient sous la luneet le brouhaha de la ville s'estompait sur les toits, ronronnantcomme un chat lacif, tandis que le vent se faisait vif et glacial.Les nuages avaient disparu, pas tout à fait, et s'amusaient àécharper la lune, jouant dans ses rayons comme les chauvessouris sous leur ventre bistré. Son but s'esquissa enfin dansla pénombre citadine, ses contours flous comme si la nuit enavait grignoté les arrêtes. Ce n'était pas laplus haute tours de la ville, mais elle savait ce qu'ils pourraient yvoir, et un regain d'énergie parcouru ses muscles comme unfouet électrique. Elle prit un peu d'avance et se retournapour pouvoir admirer la course de son apprenti.Lalune se reflétait dans ses yeux et sur sa peau, le rendantpresque aussi blanc que son amie. Il avançait comme sur unfil, ses mouvements marqués par l'équilibre précaire,l'harmonie de ce déséquilibre ancré dans chacunde ses gestes. Elle décelait dans ses pas cette joieviscérale, cette rage de vivre qui l'avait tant émue aupremier coup d'œil. Elle tourna la tête pour dissimuler unsourire de fierté, tout en lui tendant la main pour l'attirersur le même parapet qu'elle. Ces nouveaux contacts étaientpour Anaïel aussi bouleversant qu'inédit, habituéequ'elle était à fuir chaque parcelle de peau ennemie.Mais sur celle d'Ewall, elle entendait le chant du sourire, l'éclatde rire d'une étoile et le bonheur de respirer. D'un mêmegeste, ils levèrent la tête vers le sommet de la petitetours. Puis leur regard se croisèrent, et aucun mot ne futnécessaire. Il s'élança, la marchombre sur sestalons de funambule. |
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| Sujet: Re: Les toiles dévident en ce rêve... [Terminé] Mer 1 Déc 2010 - 16:02 | | |
Ewall tournait son regard humide vers la porte qui se refermait sur le petit corps de son amie. Un organe se plia en deux, douleur infligée à l'autre. Mais il revint vite aux yeux promesses d'Anaïel, comme si la drogue ne faisait plus effet sitôt qu'il détournait le regard. Il avait fait un choix. Son choix. Il venait de prendre le large, rien qu’en plongeant ses pupilles dans les siennes. Un nouveau voyage l’attendait, avec Elle. Elle entrouvrit ses lèvres craquelées de magie, sifflotant l’air de la liberté
-Moi je n'ai eu que ça. La Voie des marchombre m'a donné la vie, m'a offert le ciel et la liberté. J'ai battit ma vie sur la Voie même, chaque partie de moi en est imprégnée, je n'ai pas eu le choix, avant je n'étais qu'un fantôme. Mais toi tu es différent. Cette petite fille est extraordinaire d'amour et d'envie de toi, je ne laisserais pas l'apprentissage vous séparez. N'oublie pas ta vie, Ewall, tu as le choix, ne battit pas ton existence sur un fil. Même si le fil te semble large comme une avenue à toi, funambule, même si sa couleur est la plus belle de l'univers, celle de la liberté absolue, il reste un fil parmi la multitude qui composera ton existence.
Il dévorait ses paroles, comme il dévorait ses yeux, son visage, ses promesses, son avenir avec elle. Son cœur bondissait, galopait tel un cheval sauvage, plus fougueux encore qu’ordinaire. Même Noukas, venu le rejoindre sur ses genoux, sautillait d’excitation. Le chuchoteur ne pouvait que partager les sentiments de son maitre, tant la suite promettait d’être alléchante ! Ewall ne put s’empêcher de soupirer de soulagement à l’idée de revoir la troupe. De ne pas les abandonner. Galoudryelle, Dofenn, Alen, Jil, Milanova et tant d’autres… Mais il changerait. Voudront-ils encore de lui, alors ? Alen avait été assez clair sur cette question. Pourquoi ?
Alors qu’elle se levait, le jeune homme faisait de même, dans un semblable mouvement. Constatant ce lien, il ne put que dévoiler son rire, perchant par la même occasion le chuchoteur rouge sur son épaule. Elle lui sourit. Dame qu’un sourire pouvait être beau ! Un seul sourire qui pouvait tout changer. Qui pouvait telle une vague passer et nettoyer le cœur meurtri d’un garçon, noyant les doutes et les pensées noires. Il quittait à nouveau une famille, et s’il n’en trouvait pas vraiment une autre, il prenait en main son propre destin, il se prenait en charge. Avec elle il aurait le courage d’assumer, d’accepter le meurtre de sa famille, de reprendre son nom, de ne plus se terrer dans son coin, mais de se dévoiler. A l’inconnu. Aux meurtriers. A lui de se montrer digne de sa famille, afin qu’ils puissent être fiers de lui. Et qu’il soit libre. Enfin libre.
-Viens avec moi, je voudrait te montrer quelque chose. On reviendra, promis.
Il hocha la tête, pensant qu’elle n’avait même plus besoin de promettre. Son « promis » n’était plus nécessaire à présent. Il lui faisait une confiance presque aveugle, et était convaincu qu’elle ne l’empêcherait jamais de revenir dans la troupe si l’envie lui prenait de leur rendre visite. A condition qu’il respecte les trois ans, bien entendu. Il la suivit, passant avec curiosité par la fenêtre. Où pouvait-elle bien le conduire ? En un si petit être, pouvait-on cacher autant de surprises, de mystères et de promesses d’avenir ? En un si petit être, pouvait-on avoir une confiance telle qu’on serait prêt à confier son destin ? Destin. Et non hasard ou chance.
Elle courrait devant lui. Non, elle ne courrait pas. Elle volait. Ses pas touchaient à peine le sol, ne faisant pas le moindre bruit. Elle passait, comme un fantôme, une ombre. Ou comme une fée, comme le disait si bien Galoudryelle. Ewall tentait de tenir l’allure, il y parvenait sans trop de difficulté. Physique du moins. En courant, il revivait la désagréable sensation d’être poursuivit, ou de fuir le passé, les responsabilités. De fuir l’inévitable. Le sang. Sa propre famille. La bile lui monta à la gorge et il fut heureux de s’arrêter auprès d’elle, qui l’attendait. Il était devenu soudainement pâle par les souvenirs de la course. Il lui faudrait toutefois bien apprendre à courir sans penser à l’assassinat ou la fuite. Mais là, il ne pouvait pas. Anaïel n’y prit pas vraiment garde, et désigna de la tête la petite tour devant laquelle ils se tenaient à présent. Réalisant ce qu’elle attendait de lui, il ravala dans un hoquet sa bile, et de blanc passa à bleu. Il ne lui fallut qu’un regard de son maître pour le calmer. Il s’élança.
La pierre ancienne de la tour offrait de nombreuses prises. Mais des prises pièges. Celles qui s’écroulent, glissent, ou sont bien moins profondes qu’il n’y parait. Ewall restait concentré, fixé sur un unique but : arriver au sommet. Il s’imaginait déjà en haut, avec Anaïel, contemplant la ville. Ville de son enfance : Al Jeit. Milanova, la cuisinière, avait prit soin de l’avertir deux semaines auparavant de leur escorte à Al Jeit. Elle avait bien fait, tant la peur le prenait rien qu’au nom de cette ville. Ville morte avec sa famille, baignée de sang. Il avait du énormément travailler sur lui pour ne pas fuir la ville lors de leur première escorte. Et puis il s’y était fait. Il n’avait toutefois jamais osé retourner dans son quartier. Son pied ripa, et il failli bien tout lâcher, trop déconcentré. Il se reprit de suite, refusant de perdre dès sa première épreuve. Sa main agrippa une pierre plus haute, et il se hissa.
Il continua ainsi, tant bien que mal, chutant, se rattrapant, râlant quelques rares fois intérieurement. La fatigue commençait à le gagner. Il n’avait guère dormi, trop envouté par les événements récents. Et l’escalade mettait son corps à rude épreuve. Ses mains commençaient à trembler, à se crisper inutilement, de même que ses jambes. Combien de temps tiendrait-il ? Il n’était pas très loin du but, encore bien le quart à accomplir. Mais ce quart lui semblait à mille lieux. Son regard se détourna de la pierre pour regarder plus bas. Il vit Anaïel, le suivant, qui lui décerna un large sourire d’encouragement. Mais il vit surtout le vide. Et la mort imminente s’il tombait à l’instant. Il devint blême, déglutit, cligna des yeux et tenta de reporter son attention sur ses prises. Il n’avait pas le droit à l’erreur. Certes le vertige ne l’avait jamais atteint, pas alors qu’il était funambule et acrobate ! Et il prenait bien souvent des risques. Mais il n’avait jamais atteint une telle hauteur, et les risques qu’ils prenaient l’amenaient rarement à une mort radicale. Sa main faible griffa la pierre, s’accrocha, l’empoigna, pour soutenir le corps brulant. Il transpirait, suant. Il aurait voulu ôter sa chemise, mais sa situation ne lui accordait pas pareil confort. Noukas, quant à lui, s'agripait de ses petites griffes sur l'épaule de son porteur, son doux pelage rouge virant au blanc tant il était pétrifié et effrayé. Non, mais, quelle idée d'escalader une pareille tour? Son pied gauche se leva, prêt à pousser son anatomie plus haut, encore plus haut. Il choisit une prise… Son cœur rata un battement, son pied rata la prise…
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| Sujet: Re: Les toiles dévident en ce rêve... [Terminé] Dim 12 Déc 2010 - 16:25 | | | Ciel, que cette soirée était riche... Anaïel avait la tête qui tournait, comme si le soudain virage qui s'était ouvert à elle n'étais pas une courbe mais un immense tourbillon qui la brinqueballerait sur une autre portion de route, un autre nuage, un autre rêve. Elle ignorait encore tout de lui. Ne connaissait que la valeur de son sourire, son aptitude à faire rire, l'adresse de son pied le long des fils, et le secret que renfermait son passé. Et c'était suffisant. Pour l'instant.
Ses paumes effleuraient la pierre rugueuse, ses pieds traçaient des sillons cicatrices le long de la tour, toute entière qu'elle était dans la joie de cette soirée apocalyptique et de sa nouvelle rencontre. Il était époustouflant. Malgré la légère hésitation qui avait fait chanceler la flamme de ses yeux. Elle remarqua néanmoins que s'il était gracieux comme un chat dans la marche ou la course, dans les figures aériennes, il ne maitrisait que relativement l'art de l'escalade. Certes, il avait cet équilibre si particulier des funambules, cette grâce dévolue aux artistes, mais ses gestes restaient quelque peu brutaux, et la fatigue commençait à peser sous les articulations, se nichant dans les muscles et dans les yeux, alors qu'il restait encore un bon quart de la tour à gravir. Anaïel fronça les sourcils, un instant, sous l'inquiétude qui voilait la nuit. Ewall fatiguait plus vite qu'elle ne l'avait imaginé.
Il réussit cependant à gravir encore quelques mètres, plus en force qu'en souplesse, la sueur luisant sur son front, le mollet gauche agité de tremblements convulsifs. La marchombre savait ce que cela voulait dire, aussi se rapprocha t-elle légèrement de lui, tout prêt, mais il ne la voyait plus. Elle remarqua ses pupilles écarquillées par la fatigue, ses mains crispées sur les minuscules saillies qu'il avait déniché, ses muscles noués par la fatigue et l'effort qu'il faisait pour juguler sa panique, et elle se maudit intérieurement de l'avoir entrainer ainsi dans cette dangereuse expérience.
Mais elle ne le laisserait jamais tomber. Jamais. Cette promesse intérieur faillit dans son âme avec la force d'un brasier incandescent, brûlant le moindre doute, gommant la peur de la mort qui se profilait sous leurs pieds. Elle se glissa derrière lui, juste en dessous. Le sourire qu'elle lui décocha, espérait-elle, lui permettrait de tenir encore un peu. Elle anticipa le dérapage de son pied d'une seconde, ce qui lui permit de placer son poignet au bon moment, pour lui permettre de garder l'équilibre vertical qui incombait à cet instant. Un sourire vint étirer ses lèvres avant de se transformer en grimace d'inquiétude.
Elle cru un instant qu'il s'était immobilisé, sa main griffait la pierre, écorchant les ongles et les aspérités, mais la pesanteur faisant force de loi, il bascula soudainement en arrière, juste à côté d'Anaïel qui n'eu qu'une seconde pour réagir. Elle vit passer son visage, ses lèvres ouvertes et ses yeux écarquillés à quelque centimètres d'elle, alors qu'elle étendait le bras avec la vivacité d'un serpent, l'attrapant au vol et le saisissant par le poignet. Elle voyait presque physiquement les lignes de force, le mouvement du corps soumis à celui du vide, l'élan qu'il avait pris en se dégageant du mur et le vent qui déviait la chute. C'était cette acuité qu'elle possédait depuis toujours qui lui permit d'appliquer la pression nécessaire afin de le ramener contre le mur, pour le ratrapper. Sauf qu'il était bien trop lourd. Avec une grimace douloureuse, elle verrouilla sa prise sur Ewall, suspendu au bout de son bras, alors que son poignet cloué à la roche lui donnait l'impression de se désolidariser de son avant bras.
Une seconde passa, plus longue qu'aucune ce soir là, alors qu'elle prenait conscience du dilemme auquel elle était confrontée. Elle croisa les prunelle du jeune homme pour s'y vriller et, contrairement à tout ce qu'elle pouvait imaginer, toute peur sembla s'évaporer. C'est dans cette confiance absolue qu'elle puisa la force nécessaire. Elle ferma les yeux pour se concentrer, les rouvrit, intensément ignés, la greffe au bord des lèvres, et murmura :- Ewall...Puis elle lâcha prise.
La brise devint un rugissement foudroyant dans leurs oreilles, alors qu'ils tombaient, tournoyaient vers le sol à une vitesse terrifiante. Mais Anaïel n'avait pas peur. Au moment même où sa main avait quitté le solide, que son corps s'était retrouvé emplit, entouré d'air, voué à la pesanteur et à la vitesse, elle avait sentit l'appel du ciel se répercuter dans son âme avec la force d'un ouragan. Dévastant l'instant, ivre d'espace, une joie brute fit trembler ses prunelles, et elle sentit son cœur se gonfler d'extase et d'ivresse. Aurait-elle été moins subjuguée par Ewall qu'elle l'aurait probablement lâché. Mais, aussi étrange que cela puisse paraître en si peu de temps, il faisait partie d'elle, partie de son cœur, et pas un instant elle ne desserra sa prise, même si elle n'avait que peu conscience du poids de son corps pourtant conséquent au bout de ses doigts.
La vitesse ébouriffa ses cheveux, fit briller ses yeux plus encore qu'à l'accoutumer. Elle réussit à attraper les 2 poignet d'Ewal, et y verrouilla ses mains, tandis qu'il faisait de même, sans doute instinctivement. Elle sentit la vitesse limite au rétablissement, alors que maintenant, plus rien semblait-il ne pouvait les sauver. Les yeux profondément joyeux, elle croisa le regard terrifié du jeune homme. Après un clin d'œil, elle les ferma et laissa ses omoplates se déchirer.
Le rétablissement fut peut-être un peu plus brutal que prévu. Mais la stupéfaction qu'elle lu sur le visage de son apprenti lui laissa penser qu'il avait bien d'autres choses à penser. Elle aussi d'ailleurs. L'extase qui étreignait son cœur lorsqu'elle laissa sa greffe s'exprimer était sans aucune mesure avec tout ce qu'elle avait pu faire dans sa vie entière. C'était une joie dévastatrice, une sensation de puissance et de maitrise à défaillir le coeur le plus solide, à faire sourire les nuages et la lune, à faire bondir les étoiles si lointaines. Elle ouvrit la bouche sans pouvoir se contrôler, alors qu'elle remontait en chandelle, Ewall à bout de bras, pour striduler une note si pure, si heureuse, qu'elle sentit l'air vibrer autour d'elle, l'étreindre comme un amant farouche, répondant à son appel, répondant à leur retrouvailles. L'élan de la chute ne leur permirent pas d'atteindre le haut de la tour, aussi étendit-elle ses ailes et en profita pour donner quelques puissants à coups, les hissant haut dans le ciel marine, comme si l'air lui-même leur servait d'escalier pour aller toucher du bout des doigts les étoiles partiellement masquées par des nuages cuivres et tourbillonnants.
A l'apogée de la chandelle, le temps sembla s'arrêter. La ville s'étendait sous leurs pieds, petite et si frêle que cela donnait envie de sourire. Les lumières dessinaient un entrelacs magique aux formes compliquées, alors que les silhouettes minuscules ne faisaient que s'esquisser, vadrouilleuses et pressées sous le ciel majestueux. Le froid percait les vêtements, et elle sentit les frissons sur les avants bras d'Ewal qui ne pipait mot. Elle savait bien qu'elle aurait des explications à lui donner, ils ne pourraient rester là éternellement, mais l'instant était si unique, si magique, que rien d'autre ne comptait que le contact de ses mains sur sa peau, que le vent dans son dos, et la merveilleuse puissance de ce rêve qu'elle chérissait entre tous et qu'elle avait pu accomplir grâce à la Voie des marchombres.
Enfin, la pesanteur reprit ses droits et elle ne lutta pas contre elle. Le poids inégalement répartit, elle fit plus atention que d'habitude, heureusement sa maitrise du vol était assez développée pour ne pas que cela influence trop la qualité de ses mouvements. Elle inclina lentement l'aile de droite et partie dans une douce vrille afin de rester à la verticale de leur objectif premier : la tour qui semblait bien petite vue du ciel. Enfin, elle incurva ses ramures pour freiner l'écoulement de l'air, et déposa avec le plus de douceur possible son apprenti sur la surface plate du toit. Celui-ci était trop petit pour qu'elle puisse s'y poser dans le même mouvement, aussi laissa t-elle les pieds d'Ewall effleurer la surface solide avant de lâcher doucement ses avants-bras. Il ne la lâcha pas tout de suite, les doigts crispés, mais fini par se laisser couler en position assise. D'un brusque mouvement elle repris quelque mètres d'altitude et fit demi tour, plus véloce alors qu'elle était seule, et se posa à ses côtés sans un bruit, juste le souffle des milliers de plumes qui semblaient s'ébrouer de leur soudaine inutilité.
Encore pleine de pouvoir et de joie, elle sentit néanmoins une vive pointe d'inquiétude la traverser et faire retomber l'ivresse. Les yeux chatoyant de peur, elle s'agenouilla pret de lui, peut-être un peu trop brusquement, puisqu'il eu un léger mouvement de recul. Il avait les yeux écarquillés, le visage blanc comme neige, et soudain, les remords l'assaillirent.
Elle ne s'approcha pas davantage, consciente de ce qu'elle venait de lui faire vivre, et se sentit ratatiner sous son regard vert et perçant. La prenait-il pour un monstre, lui aussi ? Se rendait-il compte de l'erreur qu'il avait fait en décidant de la suivre ? Elle l'avait entrainer stupidement dans l'ascension d'une tour dangereuse, où il avait risqué sa vie, pour finir balloté par une sorte d'oiseau à demi humain au dessus d'Al-Jeit. Comme il ne disait rien, Anaïel se recula légèrement, la peur lui trouant le ventre alors qu'elle se rendait compte de la souffrance qu'il pouvait lui infliger en la repoussant. Comme à contre cœur, elle braqua ses yeux dans les siens, apeurée, fragile, ses ailes se rétractant doucement pour ne laisser qu'une Anaïel dont les émotions étaient bien trop fort pour qu'elle puisse les maitriser. Elle détourna les yeux et murmura, chancelante, consciente du pouvoir qu'Ewall avait sur elle :- Je ... Je ...[ Si quoi que se soit te gène, j'édite ! ] |
| | Messages : 101 Inscription le : 31/08/2010 Age IRL : 32
| Sujet: Re: Les toiles dévident en ce rêve... [Terminé] Mer 5 Jan 2011 - 21:08 | | |
Un poignet plaqua sa cheville contre la pierre froide de la tour. Poignet qui vacilla, sous le poids d’Ewall, basculant en arrière. La pauvre Anaïel avait beau incarner la magie selon lui, ce n’était pas son frêle poignet qui pourrait le sauver de l’inévitable chute. A peine son dos voulu embrasser l’air, que Noukas poussa un cri plaintif et se logea dans la chemise trempée de l’apprenti marchombre, s’agrippant au textile avec toute la force dont il possédait, pourtant certain que leur aventure s’arrêtait là. Ewall ouvrit la bouche dans un hurlement sourd, sa gorge trop serrée pour émettre le moindre son. Ses pupilles croisèrent le regard de velours qui s’effrayait de son maître. Ainsi il ne la reverrait donc jamais ? A peine l’avait-il rencontré qu’il fallait déjà la quitter ? Non. Il ne pouvait s’y résoudre. Cette rencontre n’était pas une simple chance, un hasard. C’était son destin, et il ne devait pas s’arrêter là. C’était à lui de décider quand s’arrêterait sa vie, il se l’était juré ! Mais malgré les tentatives d’empoignée d’Anaïel, il basculait, puis tombais, englouti par l’atmosphère.
-Ewall...
Il voulut répondre, louer son prénom une toute dernière fois, mais l’air emplissait trop ses poumons en feu, l’étouffant. Elle prit son poignet, et il s’efforça de lui ordonner de le lâcher pour qu’il ne l’entraine pas dans cette chute mortelle, mais à nouveau rien ne sortit et il se maudit intérieurement. Par sa faute, elle allait tomber aussi ! Il se trompait. Elle ne tombait pas par accident, elle avait délibérément lâché prise et chutait avec lui, lui attrapant le deuxième poignet. Leurs yeux s’embrassèrent, et Ewall y déversa toute sa peur, sa peine, ses derniers instants de vie, et les siens, à elle, également. Ils allaient mourir, comme deux amants n’ayant pas même eu le temps de s’aimer, de se connaitre. Il aurait voulu par ses prunelles lui parler de sa famille, de Moryann et Ciléa, du meurtre, de sa fuite, de ses années de dépression, de sa sensation d’être seul et déjà mort. Et, plus joyeux, lui déclamer la joie de se relever, au sein d’une nouvelle famille : la troupe Fillibulle, Dofenn et sa bonne humeur contagieuse, sa mission de sauvetage qu’il s’était attribué, Galou, Alen, et tant d’autres ! Il aurait voulu lui raconter sa vie entière, lui dire qui il était jusqu’à ce qu’elle entre en lui ! En somme, lui montrer le film de son existence qui défilait à présent devant ses yeux. Ou peut-être dans ses yeux à elle, rubis étincelants. Elle souriait. Comment pouvait-elle sourire à la mort ? Son clin d’œil le déstabilisa. Avait-elle une échappatoire en main ? Y avait-il de l’espoir quant à leur fin ?
Tout se passa très vite. Le dos d’Anaïel se craquela dans une voute charnelle. Deux gigantesques et majestueuses ailes en jaillirent telle la roue du paon qui se dévoile avec grâce sur la scène. Le jeune homme ouvrit de grands yeux, surpris et émerveillé de ce miracle.
« Tu ne veux peut-être pas montrer tes ailes, mais je sais que tu en as. »
La voix de l’enfant lune apparut alors comme une évidence dans ses oreilles qui sifflaient avec douleur l’air au rythme de la descente. Descente ? Les émeraudes d’Ewall vrillèrent en tout sens, s’apercevant que descente il n’y avait plus. Anaïel le remontait, bien plus haut encore que la tour qu’il se devait d’escalader. Ils volaient. Ou plutôt elle le faisait voler ! Le cœur du jeune garçon s’emballa de cette merveilleuse sensation. Malgré sa position peu confortable et qui ne lui permettait pas une vue complète des environs, il avait l’incroyable impression de posséder lui aussi des ailes et de pouvoir s’enfuir de cette terre ensanglantée. D’être libre. Entièrement libre. Combien d’acrobates et funambules n’ont pas rêvé de savoir voler ? Ils atteignirent ce qui semblait être l’apogée de leur escale dans les hauteurs du ciel. Et Ewall crut bien un instant que son cœur était resté en bas. Noukas osa sortir le sommet de sa tête poilue, malgré sa peur bleue. Ses yeux globuleux s’ouvrirent tout grand en découvrant ce que contemplait à présent son porteur. Dame, comment le monde baigné de tant d’horreur pouvait-il être aussi beau ? Pour la toute première fois de sa vie d’orphelin, Ewall jugea la ville d’Al Jeit belle et majestueuse. De cette hauteur elle paraissait minuscule, inoffensive, loin du sang qui la maculait à ses yeux. L’acrobate tremblait, non pas de froid, bien que les cieux n’étaient pas franchement chauffés, mais de plaisir, de surprise, d’émotion à l’état pur. Ses prunelles cherchèrent celles d’Anaïel et il ne sut si ce qu’il trouva étaient le ciel étoilé et la voute céleste s’offrant à lui ou le reflet des abimes de ses yeux à elle. C’était comme s’il pouvait disparaitre dans les profondeurs, passant d’un monde à l’autre.
Et puis il fallut bien redescendre, au grand regret du garçon et de son chuchoteur. Ce dernier tenta de sortir plus, mais la marchombre choisit ce moment là pour virer sur le côté. De suite il poussa un cri et se cacha de nouveau dans la chemise volante d’Ewall. Ils se posèrent sur la tour qu’il aurait du escalader. Et instinctivement, le jeune homme aux cheveux acajou s’en voulut. Il aurait du être capable d’aller jusqu’au bout. Il était faible. Allait-elle le renvoyer, rompre la promesse faite et juger qu’il n’était finalement pas digne de son enseignement ? Des larmes à peine naissantes vrillaient dans les cils d’Ewall, et une boule différente de la précédente lui bloquait la gorge. Jamais ces yeux n’avaient vu aussi beau spectacle. D’Al Jeit de surcroit. Cela contrastait tant avec l’image de sa demeure, du sang sur le sol et des corps gisant, seule image qu’il gardait de cette ville. Ainsi cette ville serait celle où tout s’est terminé, ou où tout recommence. Hasard, chance ? Il n’y croyait pas une seule seconde. Soudain, Anaïel tomba à genoux, et il fit un bref pas de recul, ne comprenant pas la tournure des choses. Etait-elle épuisée de ce vol ? Ou s’apprêtait-elle à lui émettre sa terrible déception de son escalade et le renvoyer parmi la troupe Fillibulle ? Son visage devenu pâle se leva vers lui, et il eut une envie grandissante de le prendre entre ses mains.
-Je ... Je ...
Il s’agenouilla, près d’elle, posant ses mains encore tremblante et fraiche sur les joues enflammées de son maitre, plantant son regard plein d’étoiles dans le sien.
-Merci. Chuchota-t-il. Il sourit, et découvrit son sourire à elle, ce qui le rassura quelque peu. Puis il lui prit les mains, et l’aida à se lever. Ce n’était pas à elle de s’abaisser, bien au contraire. Une de ses mains hésitantes se posa telle une coccinelle curieuse sur le dos à présent vierge d’ailes. Il fit quelques arabesques, caressant ce don du ciel, ce qui était cas de le dire, puis approcha ses lèvres charnues de son oreille.
-Galoudryelle avait raison. Tu es une fée.
Sur ces mots, il la prit avec douceur dans ses bras, lovant ses épis dans le creux de sa nuque. Puis il se retira, conscient qu’il allait peut-être trop loin pour une relation maitre-élève.
-Mais que fais une fée avec un avorton sans ailes, incapable de monter une tour ?
Ses pupilles se voilèrent par la honte et la peur de perdre si vite la chimère promesse. S’il lui fallait rompre le lien, encore aurait-il préféré mourir dans sa chute.
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| Sujet: Re: Les toiles dévident en ce rêve... [Terminé] Mer 12 Jan 2011 - 18:02 | | | Elle le regarda approcher, scrutant le moindre de ses gestes, sa grâce rythmique, les impulsions sanguines qui chatoyaient dans ses articulations, le rire éteint que conservaient néanmoins les braises de son regard, la prestance d'acrobate qui le guidait, funambule, le long de cette voie de vie qu'elle voulait apprendre de lui, elle le regarda comme si chaque instant lui était compté, comme s'il allait partir, ensuite, car elle savait qu'elle n'aurait pas la force de le retenir.
Elle eu peur lorsqu'il approcha sa main de son visage mais, impassible, les pensées tourbillonnantes, elle ne pu que se résoudre à ce contact, léger et brûlant, qu'elle était effrayée de voir se dissiper. Effrayée ? Dans quel monde était-elle tombée pour qu'à présent, au lieu de fuir les peau ennemies, elle en vienne à "désirer" qu'on la touche ? Qu'elle en vienne à avoir peur de l'abandon, de la solitude qui était sa sœur depuis si longtemps ? Quel pouvoir détenait-il, au non du ciel, pour changer en elle ses plus profond instincts que même des années rigoureuses de self contrôle n'avaient réussis qu'à filigraner sans les atténuer ? Et ce en une seule soirée ?
Elle ferma les yeux, après qu'un sourire eu tracter ses lèvres vers le haut, traçant ce vibrion si rare au creux de la joue, puis laissa sa peau à lui se mêler à la sienne, avec peut-être juste quelques frissons qui trahissaient son émoi, cette aventure toute nouvelle pour elle. Son "merci", sa voix, son timbre, tout cela suffit à gommer le doute qui l'avait étreint, sans l'effacer totalement -le pourrait-elle un jour ? - et lorsqu'il la prit dans ses bras, elle ne trembla pas - ou juste une petit peu, de plaisir. Mais lorsqu'il recula, et qu'elle vit la détresse, la peur dans ses yeux, elle sentit son coeur se tordre. Pourquoi avait-il mal ? C'était elle, le monstre, elle n'était pas une fée, loin de la, avait-il peur, lui aussi, de la perdre ?
D'immobile, elle devint vivace, la grimace contrite du jeune homme agissant comme un puissant catalyseur dont elle ne pu brider la force, et à son tour elle l'attira dans ses bras à elle, le serra, le serra presque à l'étouffer, mais doucement doucement, comme on retient un souvenir de peur qu'il ne s'efface.
Oh Ewall, sais-tu à quel point tu vient de changer ma vie ? Je l'ai sentit se dresser, l'animal, la chose qui me hante, à la seconde où j'ai vu que tu avais peur de moi, de mon départ, je crois. Jamais, jamais ça ne m'est arrivé, je crois que tout mon être t'a accepté, en si peu de temps, est-ce normal ? Pourquoi toi je ne veux pas te tuer lorsque tu me touche ? Pourquoi ce coup de foudre à ton seul sourire, pourquoi est-ce que ça fait si mal d'imaginer ton absence ? Pourquoi toi, Ewall ?
Elle sentait son coeur contre sa poitrine, ses muscles autour d'elle, car il l'avait pris dans ses bras, lui aussi, elle entendais son souffle un peu rauque, et elle enfouis son nez dans sa clavicule, se noyant dans son odeur, goutant à l'extrême ces sensations que la solitude et la marginalité lui avait jusqu'alors refusé. Qu'essayait-elle de lui montrer par cette étreinte ? Elle ne le savait pas elle-même. L'amour était pour elle une branche de la vie inconnue, jamais elle n'était tombée amoureuse. Était-ce de l'amour à présent ? Elle n'en était même pas sur. Au fond d'elle brûlait un brasier qui n'avait jamais été allumé, embrasé ce soir par les yeux remplis de flammes de son apprenti, ce jeune homme dont l'étincelle de vie l'avait envouté en un instant, le funambule dont elle avait risqué la vie ce soir. Elle avait eu peur, incroyablement peur. Hypersensible, après les émotions de la soirée qu'elle avait su contenir, voila que les berges cédaient avec un craquement inaudible, noyant sa poitrine d'un flux d'adrénaline et de sang en fusion, qui s'échappait entre ses paupières par quelques perles salées, mais aussi par ses lèvres en un long murmure frissonnant, sifflotant, fragile et aérien. Un murmure qui ne tremblait pas :
- Aucune fée ne pourrait résister à la vie que tu dégage Ewall. Je ... Tu es la première personne à voler avec moi, tu sais ? C'est de ma faute si tu es tombé, si je t'ai fait peur, entièrement ma faute. Moi je te pose la question, que vaut un maître qui met en danger la vie de son élève ? Nous ne valons guère mieux l'un que l'autre, tu ne crois pas ? Personne ne vaut mieux que quelqu'un d'autre, d'ailleurs.Assassins, rêveurs, petites filles ou brutes épaisses, notre chair servira comme terreau au futur, techniquement nous avons tous les mêmes valeurs. Alors moi je me base sur le potentiel, sur ce vif qui circule et faire boire la vie comme une liqueur de feu, ce vif qui transcende l'espace et nous attire, l'un à l'autre, comme un pied de nez au destin. Tu as ce vif, cette vie, cette foudroyance de présent et d'avenir, tout ce que j'ai toujours recherché sans parvenir à trouver. Quel intérêt de savoir escalader une tour alors que tu peux avoir le monde à tes pieds ?Alors que tu es la seule personne au monde à pouvoir me toucher ?
Pendant encore quelques secondes elle laissa son menton reposer dans le cou de son apprenti, de son ami ? De son ami. Elle sentait confusément que ses sentiments brouillées laissaient échapper des fragrances qui ne devaient rien à l'amitié, des fragrances plus profondes, peut-être, ou pas, quelque chose de sucré et d'acide, une évanescence de liberté. Alors elle se dégagea, doucement, délovant les anneaux de sa tendresse qu'elle refoulait, à présent, comme un réflexe, comme on cache sa faiblesse. Mais elle n'avait rien à lui cacher, la confiance qu'elle ressentait, c'était d'elle, c'était son coeur, ses tripes, ses poumons qui la chantait, ce n'était pas le fantôme de sa solitude et de son passé. Alors elle s'y accrochait avec cette furieuse volonté, devant le tigre elle faisait patte de velours.
- Viens, Ewall.
Elle lui tendis la main. Geste réfléchis, anticipé. Son cœur s'emballa lorsqu'il la saisit, sans une hésitation, et elle sentit ses joues se colorer. Elle l'emmena jusqu'au bord de la tour, et lui montra ce qu'elle voulait voir se refléter dans ses yeux : cette partie lumineuse d'Al jeit, cette vue qui ne devait rien à la beauté tant l'harmonie la compensait. Il y avait les maisons, les tours qui jouaient un panel de musiques colorées, sans être affriolante, des pastelles valsant avec les ombres et les gris, et l'on percevait dans l'osmose quelque chose de plus profond, cet élan de vie, cette effluve de vif qui tintait au cœur et au corps, comme on caresse un chaton qui vient de se mettre sur ses pattes. Ce n'était pas la beauté altière de la ville vue du ciel, non, c'était un de ces joyaux qui n'en était que plus beau qu'on le découvrait au hasard d'un toit, dans l'angle parfait, et les ombres fluorescentes qui guident le regard, et l'éclatent de l'évidence et de l'innocence. l'émerveillement.
- Tu ne me prends pas pour un monstre ?
La phrase avait jaillit, à brûle-pourpoint, comme on jette une bouée -ou une bouteille- à la mer. C'était moins par peur que par envie, elle voyait bien cet éclat dans ses yeux, cette joie intense d'être où il était, à chaque instant, cette joie qui l'avait séduite de prime. Mais elle tenait à savoir ce qu'il pensait, c'était un besoin qu'elle sentait monter, viscéral, que de démêler l'écheveau de ses pensées. Certes, c'était un peu égocentrique, mais la raison poussait à faire croire que les humains ne peuvent pas voler, et qu'un être affubler d'ailes comme les oiseaux ne pouvait pas en être un. Ce qui était logique, à la base. A la toute base, seulement, et elle, elle avait le ciel à témoin de l'inverse. Lui aussi à présent, cela dit.
- Qu'est ce que tu voudrais apprendre, Ewall, de la voie des marchombres ? Que veux tu de moi ?
Une question qui tournait, brûlante, à laquelle n'importe quelle réponse, silence ou paroles, apporterait son lot de spéculation, ses bribes de réflexions et de réponses, de compréhensions. Livre toi, Ewall, ta main dans la mienne, je te jure l'éternité en échange de quelques mots, si tant soi que tu demeure à moi, mon apprenti, mon ami, surtout, l'homme qui a su éveiller en moi ces drôles de sentiments qui se rapprochent un peu trop de la passion originelle. Que veux-tu de moi, Ewall ?
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| Sujet: Re: Les toiles dévident en ce rêve... [Terminé] Lun 31 Jan 2011 - 23:57 | | | A peine eut-il desserré son étreinte de sa promesse que cette dernière l’attira à elle, le verrouillant de sa passion, de sa douceur suffocante et de ces silences émissaires d’espoir. Savait-elle à quel point cet engagement était une bouffée de vie pour lui ? A quel point il représentait un dessein proche de l’extase, de l’apogée d’une vie détruite prématurément ? Projet grandiose, démesuré et amant d’un désir ardant de voler ensemble encore longtemps. Trois ans pour une éternité. Alors ses bras d’enfant orphelin se replièrent contre son dos de fée, recevant ce cadeau d’amitié tendre et d’estime. Elle enfouit son nez contre sa clavicule, et il se surprit à sourire de ces chatouilles contre sa peau en sueur, tremblante des émotions récentes. Il entendait fort fort fort son petit cœur de créature enchanteresse contre sa propre poitrine, et il pensa qu’il aurait bien pu être sourd, que le battement de cœur de son maître aurait quand bien même atteint ses tympan tant ils étaient intenses. Il perçut même le battement des cils de la jeune fille ailée tout contre lui, le frôlant dans une caresse frisant la sensualité. Et ses mèches folles, libres qui voletaient et s’entrechoquaient contre la barrière qu’il faisait au vent, comme désirant s’enfuir et à la fois se lover pour des jours entiers avec lui. Le jeune homme aurait pu réfléchir des jours et des semaines entières, le constat aurait été le même : jamais il n’avait ressenti pareil émoi, pareil envoutement. Ses rapports avec les femmes s’arrêtaient à l’amitié, la tendresse, l’attirance, au charme, à la convoitise, tentation. Mais jamais, au grand jamais, ils n’atteignaient un tel stade de stupeur frénétique. Ses pétales rosés s’entrouvrirent près de ses oreilles à l’écoute de la moindre respiration, et lui murmurèrent milles mots enchanteurs.
Tu es la première personne à voler avec moi, tu sais ?
Non. Il ne le savait pas. Et cette confession lui procura un frisson, parcourant l’échine dorsale lentement, afin qu’il ressente plus encore l’émotion du premier vol, de la première fois. Un jour, il faudrait qu’il le dise à Dofenn. Qu’il lui dise bien que cette première fois là vaut des millions de fois les autres, avec les belles spectatrices.
Et toi, jolie fée, tu es la première personne qui a réussi à tenir sa promesse de m’emmener jusqu’aux étoiles, réellement, tu le sais ?
Moi je te pose la question, que vaut un maître qui met en danger la vie de son élève ?
Il vaut le risque pris d’avoir quitter sa famille d’adoption pour l’inconnu, pour le grand saut. Il vaut l’espoir inhalé dans l’air frais de cette soirée, ou matinée, il ne savait plus très bien à quel moment ils étaient partis du Cirque, ni où ils se trouvaient. En tous cas, un maître comme elle valait tous les dangers du monde, il en était certain et recommencerait des dizaines et des dizaines de fois l’expérience et l’échéance de la mort, rien que pour connaitre à nouveau ce gout fantasmagorique qu’était le vol avec Anaïel.
Assassins, rêveurs, petites filles ou brutes épaisses, notre chair servira comme terreau au futur, techniquement nous avons tous les mêmes valeurs.
Comme la chair de ma famille a servi aux jouissances de leurs assassins. Techniquement nous avons tous les mêmes valeurs. Techniquement. Mais qu’en est-il de l’âme ? Du cœur ? Ces assassins ont-ils la même valeur à ce niveau que nous autres, simples gens, qui essayons de vivre malgré les fantômes et les cauchemars du passé ? Ewall se promit d’en parler avec elle. Plus tard. Un autre jour peut-être. La vengeance ne lui pourrissait en rien le cœur grand ouvert qu’il possédait. Il gardait juste à l’intérieur de celui-ci une pièce secrète, fermée à double tour qui contenait toute la rancœur, toute la colère, le dégout et le deuil, la tristesse, déploration, géhenne du massacre. Une toute petite pièce isolée, qu’il espérait ouvrir le plus tard possible. Comme il espérait rencontrer le plus tard possible le responsable de cette tragédie. C’était lâche, il n’était qu’un peureux. Mais il ne savait comment il réagirait en retrouvant le coupable. Le tuerait-il ? Sûrement. S’en sortirait-il de ressortir tout ce passé, d’avoir forcé le verrou ? Assurément pas. La dépression était bien trop fraiche, le deuil enterré, oublié, les souvenirs muets.
Comme un pied de nez au destin.
L’apprenti marchombre ne put retenir un faible rire jaune, soulevant par son haussement d’épaule le visage de la chimère encore blottie contre lui. Le destin. Et non pas le hasard, ou la chance. Ces deux putains. Ces filles de joie déguisées, qui ne sont en fait que le côté débauché du destin. Oui, grâce à Anaïel il en serait capable. De faire un pied de nez au destin. De prouver à la vie qu’il pouvait s’en sortir. De prouver à ces hommes qu’ils n’avaient rien réussi. Que leur jouissance n’était que tromperie, illusion, puisqu’il était bel et bien vivant. Et maitre de son destin, même si sous apprentissage. Et libre, même s’il venait de donner trois ans de sa vie.
Elle sifflota sa berceuse de mots d’or encore quelques secondes, avant de se muer dans un silence tout sauf angoissant. Elle aurait pu clore ses lèvres durant des heures, qu’Ewall n’aurait pas éprouvé le moindre malaise. Elle se dégagea, avec la même douceur qu’elle l’avait prise contre elle. Et ses yeux de velours noyèrent à nouveau le jeune homme dans une léthargie d’admiration.
- Viens, Ewall.
Elle tendit sa paume, levée vers l’océan pailleté du ciel. Face au ciel, toujours, telle elle était. Face au ciel, aux étoiles, à l’infini, à l’espoir, alors que lui avait tendance à regarder plutôt le sol, et pas seulement pour regarder où il mettait les pieds, ou les mains lors de ses acrobaties. Il n’hésita pas une seconde, et la lui prit, dans un geste naturel, comme si voilà des années qu’ils arpentaient ainsi les tours, main dans la main. Elle le conduisit tout près du bord, sans aucune peur. Peur qui avait délaissé le ventre du noble pour s’exiler ailleurs, loin à présent. Il était en confiance totale, et savait à présent qu’elle ne le laisserait jamais s’écraser contre les dalles ensanglantées d’Al Jeit. Ewall sut ce qu’elle lui montrait : Al Jeit. Et ses couleurs, et sa nouvelle facette vue de haut. Mais malgré l’émerveillement produit durant le vol, et ces atouts cachés, Al Jeit demeurerait à jamais la ville de sang à ses yeux. La fin de sa famille, de sa lignée. La fin de tout. Alors qu’aujourd’hui, il s’agissait d’un début. Du commencement de la fin : Al Jeit. Et Anaïel. Il laissa ses yeux contempler le vide toutefois, faisant l’effort pour son maître. Un jour, il lui raconterait. Mais pas maintenant. Pas alors qu’ils vivaient l’intensité même de la liberté et de l’ivresse. Il ne voulait pas lui dévoiler ses larmes, pas encore. Elle n’avait pas demandé d’où il venait, de qui était-il née, où, et que faisaient ses parents. Il était pourtant connu que les Cirques recrutaient les sans-familles. Histoire qu’ils se rendent utiles, quoi. Et cette absence de question sur l’identité, il lui en était reconnaissant. Comme par reconnaissance, respect, admiration déjà, il lui avait révélé son véritable nom. Mais un nom était-il vraiment une identité, comme il associait Al Jeit à sa famille ? A cela, il ne pouvait encore y répondre. A ses yeux, Ril’Morienval sonnait comme un glas, comme une cloche d’enterrement, porteuse de poisse et de mort. A présent il regrettait presque d’avoir repris son nom. Mais la petite pièce secrète de son cœur lui soufflait un élan de fierté, et lui insufflait le trouble d’être enfin lui, entier, avec son identité, son histoire, sa famille au creux de son médaillon. Il sortit d’un bref mouvement de main le médaillon emblématique de sa famille, un soleil marqué de l’as de pique. La chaine se balança frénétiquement au dessus du vide, promesse d’un avenir meilleur pour le dernier de la lignée, promesse d’un pied de nez au destin.
- Tu ne me prends pas pour un monstre ?
Ewall recula de deux pas, ébahi de cette question surprenante, aberrante, déplacée, hors de contexte ! Comment pouvait-on allier Anaïel et monstre dans une seule et même phrase ? Cela était complètement ridicule, erroné ! Se rendait-elle compte de l’énormité de sa question ? Anaïel était une fée, comme l’avait si bien formulé Galoudryelle. Et Galou ne se trompait jamais sur les gens. C’était inné chez cette enfant. Il voulut protester, répondre, mais elle ne lui en laissa pas le temps.
- Qu'est ce que tu voudrais apprendre, Ewall, de la voie des marchombres ? Que veux tu de moi ?
S’il ne se savait pas aussi haut, et aussi proche de tomber, le jeune garçon se serait volontiers laisser tomber sur son arrière train, tant les interrogations de son maître étaient inattendues. N’était-ce pas au professeur de décider de l’apprentissage de son élève ? Etait-elle réellement si peu sûre d’elle ?
Il planta ses yeux pistaches dans les siens, y déversant toute la tendresse possible, toute la franchise de son corps et son cœur entier, ou presque.
-Si monstre il y a en toi, Anaïel, alors je suis bien aveugle, car je ne le vois en aucune parcelle de ton être.
Sur ces mots il lui offrit un sourire, emballé de son air de quiétude et d’une caresse de ces cils papillonnant. Il s’approcha d’elle, la tira à lui, afin qu’elle s’éloigne du bord, et puis, qu’elle ne s’éloigne pas tout court. Sa main fébrile emprisonna la sienne, dans un ultime serment.
-Ce que je veux de toi ?
Une nouvelle caresse de ces longs cils la fit patienter. Il s’approcha à nouveau, à la lisière de son oreille, comme un enfant impatient de confier son nouveau secret à la petite fille habitant en face de chez lui.
-Une promesse. La chatouilla-t-il.
Il se dégagea, mais juste légèrement, pour inhaler encore et encore son odeur de caramel et de camelle.
-Surtout, ne pars jamais dans cet endroit où je ne peux te suivre et t’être fidèle. Pas toi.
Non, pas toi. Toi, tu es mon espoir, ma promesse, celle que j’attendais. Tu n’as pas le droit de mourir, cela t’es interdit, tu m’entends ? Je ne supporterais pas un nouvel abandon. Pas cette fois. Je t’ai trouvé, ou plutôt tu m’as trouvé, alors surtout vis. Quitte à ce que pour cela je doive payer de ma vie.
Cette fois-ci, il se dégagea entièrement de son mentor, comme si l’évocation même de la perdre le terrifiait et le rebutait.
-Petit je ne croyais pas à la mort. Parce que lorsque l’on aime une personne, elle ne peut pas nous quitter, c’est comme une promesse, un serment…. Grand, je ne croyais pas aux fées.
Il fit une pause, fixant l’horizon aveugle, puis se concentra de nouveau sur la jeune femme.
-Comme quoi…Tout arrive.
La phrase se perdit dans la boule qui grossissait au fin fond de sa gorge. Tout arrive. Même le massacre d’une famille entière. D’un amour. D’une vie débutante.
Il lui tourna le dos, non pas par manque de respect, mais pour défier les cieux et la ville s’étendant à ses pieds. Aimer, ce n’est pas se regarder, mais regarder dans la même direction. Alors, regarde Anaïel, regarde ce qui nous attend.
-Je veux que tu m’apprennes l’espoir. Pour qu’un jour, à mon tour…
Il déplia son bras, traçant un cercle au dessus d’Al Jeit.
-…Je puisse leur apprendre à croire.
[Héhé, à quelques minutes près, tu ne l'avais pas ce soir...Mais chose promise, chose due ]
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| Sujet: Re: Les toiles dévident en ce rêve... [Terminé] Dim 20 Fév 2011 - 20:50 | | | Monstre, bête, monstre, abomination, s'il savait ce que son sursaut de surprise, d'indignation presque, pouvait être réconfortant, illusoire, un rêve presque. Anaïel entendait chaque jour, le soir, la nuit, les paroles du premier être humain qu'elle avait rencontré, et sa voix se mêlait désormais à celle de Marlyn, lui hurlant son venin au visage, comme pour le dissoudre sous la haine et la douleur. Elle se savait différente, quelque chose de diffus lorsqu'elle n'y pensait pas, monstrueux lorsque cela lui sautait au ventre, mais personnes ne l'avaient, au final, comparé à une fée, créature fantasmagorique, enchanteresse presque. Ah si, Elera avait utilisé une autre image qui lui collait désormais à la peau comme une douce chape de connivence : l'ange de feu. Elle sourit à la pensée de son amie, de la première personne, la seule, maintenant qu'Elhya était morte, qui avait un accès aussi libre à son âme.
Il regardait la ville avec quelque chose au fond des yeux. Quelque chose qui brouillait l'iris, un nuage, miroir presque qui ondulait sous la surface, et lorsqu'il se tourna à nouveau vers elle, elle ne souriait plus, presque inquiète. Possessive. C'était le même miroir qu'Ambre, la fille sauvage qui lui avait sauvé la vie, le même artifice qui, plutôt que de dérober la vérité, cherchait à la réfléchir pour que l'intrus s'y perde plutôt qu'il ne se pose des question. Mais la marchombre savait qu'au delà du trouble qu'elle avait sentit chez lui de prime, il ne lui cachait pas son coeur par possession, par mensonge, mais plutôt par inquiétude, manque de temps et peut-être tout simplement parce que c'était trop dur d'en parler pour l'instant. Qu'avait-il vécu avant de la rencontrer ? Quel drame avait pu bouleverser à ce point les deux émeraudes de ses yeux ? Quelle énigme sous le vernis de rire, de vie qui brouillait son corps d'une joie à peine masquée d'être en vie ? Elle le laissa approcher. Tout près. Et resta totalement immobile alors qu'il coulait ses mots dans le pavillon de son oreille.
- Ne pars jamais
Jamais. Jamais elle ne pourrait s'éloigner de lui. Physiquement, cela lui comprimait le cœur, tandis que mentalement... Non, elle n'osait même pas y penser. Au delà de la simple, mais puissante attirance qu'il produisait sur elle, au delà de l'envie d'enseigner sa Voie à quelqu'un qui en serait digne, Anaïel ne se doutait pas que, si peu de temps après le carnage qui s'était produit à l'Académie, elle cherchait un lien, compulsivement, avec son maître, comme un dernier requiem à sa mémoire, un dernier lien qui la maintiendrait en vie dans le corps de quelqu'un d'autre, en l'occurrence un certain Ewall Ril'Morienval. Aussi, l'écheveau des raisons qui poussait la marchombre à s'attacher à lui, peut-être de manière inconsidérée, était trop broyé, trop emmêlé dans les limbes de son esprit pour former autre chose que cette lave incandescente qui la liait désormais à lui, de manière indéfectible. Jamais.
Elle sursauta à sa phrase suivante, alors que certaines pièces s'assemblaient d'elles-même, construisant peu à peu le puzzle de cet homme troublant. Il avait les larmes au bord de l'âme, et Anaïel gémit intérieurement. Pourquoi était-ce si dur de le voir souffrir ? De le voir souffrir sans savoir pourquoi ni comment l'aider ? Cela faisait-il vraiment moins d'une journée qu'ils s'étaient rencontrés ? Improbable. Mais moins que sa main qui se glaça lorsqu'il se dégagea d'elle, doucement mais fermement. Sa main qui retomba à son côté, et se ferma en un poing compact, faisant ressortir phalanges et tendons blancs sous la lune voilée. Il avait subit le deuil, comme beaucoup de personnes en ces temps troublés, mais cela n'enlevait rien à sa douleur. Elle fit un pas, pour s'approcher de son dos tourné, les yeux rivés sur l'armature de ses épaules, tendues, trapèze aimé et aimant qu'elle apprenait à décrypter, pour le savoir par cœur, à chaque indice, à chaque mot prononcé. Troublée, elle repensait à Elhya, et à son image qu'elle apprenait, sans réussir totalement, à invoquer sans souffrir, sans penser à la mentaï responsable de sa mort, à Marlyn qu'elle n'avait pu tuer. Ce dont elle se réjouissait, après coup, la vengeance ne méritait pas la mort d'un innocent, et cette pensée, toute simple, avait purifier son âme, le temps pour ses ailes de lui prouver que son maître vivait toujours dans le ciel de ses omoplates. Et Ewall, lié à elle, elle à lui, semblait en proie à des sentiments qu'elle pensait pouvoir comprendre. Pour peu qu'il veuille se livrer, lui ouvrir la porte de son coeur, celle qu'elle voyait flotter, vérouillée, sous la surface de ses yeux.
Elle tendit la main vers son dos, mais s'arreta à quelque centimètres de son corps, l'envie à fleur de peau, mais elle ne voulait pas le forcer. Au lieu de ça, elle murmura, certaine qu'il l'entendrait, incertaine de ce qu'elle disait :
- J'ai toujours entendu les gens dire que si on aime quelqu'un, même s'il n'est plus là ensuite, il reste grâce au souvenir que l'on a de lui.
Un silence, presque pesant.
- Cela dit, même si dans l'absolu c'est vrai, s'ils existent toujours dans les pensées, toussa, moi j'trouve que c'est pas assez.
Elle s'avança; juste derrière lui, et regarda la ville par dessus son épaule. Sur, qu'il fallait apprendre à vivre avec la perte, avec la mort et la violence, plus que quiconque elle avait travaillé, jour et nuit pour ne pas se laisser engloutir par la laideur du monde, c'était ni plus ni moins qu'une question de survie. Mais le plus dur n'était pas de savoir vivre avec l'idée de la destruction d'un monde qu'elle chérissait entre toute chose, non, le plus dur était de vivre avec cette idée sans laisser la désillusion et la faiblesse désabusée de renoncer à ne plus vivre chaque chose pleinement pour ne plus souffrir. Le plus dur, finalement, c'était d'accepter la souffrance comme un du, comme le dernier souffle de ce qui n'était plus, sans laisser cette souffrance entraver les gestes et les pensées. C'était ouvrir son esprit pour tout accepter, le souvenir douloureux mais aussi les merveilles que chaque jour offrait. Tout ça, elle aurait voulu le confier à son nouvel apprenti, mais sa bouche entravait ses pensées, comme une glu de mots embrouillés.
Elle posa ses mains sur ses épaules. "Je veux que tu m'apprennes l'espoir. Pour qu'un jour, à mon tour, je puisse leur apprendre à croire". Les fit glisser sur sa nuque, l'esprit moins flou que ses gestes. Aussi étrange que cela puisse paraître, le toucher, sentir par ses paumes les soubresauts de son cœur, peut-être de ses pensées à travers le flux du sang et le réseau des muscles, l'aidait à trouver les mots justes, pour exprimer ses pensées. Elle trouva la chaine du bout des doigts, en suivit l'entrelacs délicat des maillon, pour sortir à l'air libre le pendentif qui devint très vite froid sous la température polaire. Se hissant sur la pointe des pieds, elle posa la tête sur son épaule, pour regarder le bijou, sans qu'Ewall ne bouge. Elle était presque sur que c'était un blason. Le blason d'une famille ? D'un groupe ? D'une amie ou d'un ami ? Soudain, d'elle ne savait où, Anaïel repensa à la mine surprise des artistes du cirque lorsque Ewall lui avait dit son nom. Leur avait-il caché son identité ? L'avaient-ils découvert en même temps qu'elle ? Elle laissa retomber le pendentif contre la poitrine du jeune homme, certaine que c'était la clé, mais incapable de savoir comment l'utiliser sans blesser son apprenti.
- Regarde...
Anaïel avait murmuré. Ewall se retourna lentement. Tout près d'elle. Comme deux enfants qui partagent un secret, sous la chape de leurs cheveux qui couvraient l'univers, leur souffle miroitant cette bulle d'intemporalité qui s'était crée devant leurs visages, contre leurs corps trop proches pour que la chaleur ne s'épanche ailleurs que dans la peau de l'autre. Elle fouilla son cou, et en sortit le pendentif qui, depuis qu'Elhya le lui avait donné, ne l'avait jamais quitté. Pouvait-il comprendre, le jeune Ewall, que ce bijou, au dela de la tristesse, de la tendresse qu'il représentait, était le symbole, les paroles de réconforts qu'elle lui offrait ? Elle aurait voulu lui hurler qu'elle comprenait, pour qu'il ne se sente pas seul dans sa douleur, lui murmurer que maintenant elle serait la pour lui, à jamais. Au lieu de ça, elle saisit le phoenix aux yeux d'argent entre ses doigts fins, et le fit tournoyer, l'habitude lui conférant une dextérité qui rendait le bijou presque vivant. L'ouvrage était magnifique, et dans les deux yeux gris elle retrouvait le regard de son maître. Elle avait été sa seule famille. Sa première amie. Le catalyseur de sa vie, de son rêve et de sa destinée.
Lorsque le phoenix retourna contre sa peau, la marchombre frissonna, de froid, d'autre chose aussi, peut-être, le froid de l'âme qu'on jette, à nue, à l'univers, sans la moindre protection. Les yeux perdus dans les clavicules du jeune homme, elle repensait à son enseignement. Serait-elle capable de lui apprendre convenablement ce qui constituait sa vie ? Il avait en lui la force de l'envie, et par dessus tout la hargne de vive, à mordre aux gencives chaque parcelles de vie, s'y accrocher, comme pour faire reculer la mort qui brûlait son passé par lambeaux, des lambeaux collés à la peau, quoi qu'il advienne.
Elle posa la main sur son coeur. Et la retira, presque gênée. Et sans rencontrer ses yeux, le visage toujours baissé, elle sifflota :
- Un jour, quand tu le souhaitera, maintenant si tu en a envie, tu me racontera ce qui voile tes yeux. Et moi je te raconterais ce que je suis, et je t'aiderais, et tu m'aideras.
Un silence, le temps d'un battement de cils, le temps de noyer l'océan de flamme de ses yeux, cet univers igné, prismatique de violence et de beauté, qui ondulait sous la poussée de son âme marquée, malmenée aux confins, rognée d'humanité, ces morceaux qu'elle cherchait à recoller, de tout son être.
- Je t'aiderais à trouver l'horizon à suivre, j'ai tellement travaillé, tellement contracté les dents pour survivre à ça, à ce qui te hante, à ce qui nous hante tous tôt ou tard...
Elle se détourna soudain, feu follet aux yeux flamboyants, la rage lui crispant les poings et les épaules en un amas de chair sous tension. Il faisait remonter tellement de chose le jeune Ewall... Dos à lui, elle respirait l'air pur des toits, et la température chutait, couvrant ses bras d'une chair de poule persistante et coulant dans ses veines un froid insidieux. Elhya, qu'aurais-tu fait ? Elle se força à respirer amplement, ouvrant ses poumons, et, peu à peu, ses doigts, et ses paumes qu'elle tourna légèrement vers le ciel. Lorsqu'elle leva les yeux, elle revécu le vol avec Ewall, et ses pensées se calmèrent, un peu, un temps, le temps de se retourner vers lui, et de se rapprocher de son corps chaud qui n'avait pas bouger. Elle toucha du bout du doigt son pendentif, les yeux toujours baissés, et murmura :
- Je t'apprendrais l'éternité et toi... tu m'apprendras l'humanité.
Le phoenix aux yeux d'argent palpitait contre sa poitrine.
- Si ce que je suis ne te rebute pas, et si tu as toujours envie de partir, de rester avec moi.
Elle détourna la tête, pour ne pas croiser ses yeux. Le coeur battant.
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| Sujet: Re: Les toiles dévident en ce rêve... [Terminé] Mar 8 Mar 2011 - 13:59 | | | A cet instant, on aurait pu croire que le temps s’était réellement arrêté, suspendu en apesanteur, si cela était possible. Entre jour et nuit, tant Ewall ne pouvait définir le moment vécu. Depuis combien de temps se perdait-il dans ses yeux, à des mètres et des mètres du sol pourri d’Al Jeit ? Depuis combien de temps était-il devenu autre ? Quand avait-il quitté la troupe ? Quand s’était-il engagé avec Anaïel ? Il ne pouvait le définir. Il avait fait le grand saut. Par deux fois avec elle. Une fois en lui révélant sa véritable identité et en acceptant l’engagement de trois ans. Une deuxième fois du haut de cette tour. Et il quémandait, il implorait une nouvelle dose d’adrénaline comme une nouvelle drogue qui soulagerait cette fois-ci efficacement tous ces maux. Tout comme lorsqu’il faisait ses numéros avec la Troupe Fillibulle. Evacuer. Se libérer, de tout, de l’assassinat, des tensions, de la culpabilité d’être le seul resté en vie, de sa dépression qui le menaçait chaque minute, de sa solitude, de lui. Mais cette fois-ci la libération était cent fois supérieure aux numéros de voltige. Alors il savait qu’il ne regretterait pas.
La main de son maître s’envola derrière son dos, sans toutefois le toucher. Comme une sécurité : si tu tombes, il y a un peu de moi derrière toi qui te rattrapera, ou qui tombera avec toi. Comme tout à l’heure.
- J'ai toujours entendu les gens dire que si on aime quelqu'un, même s'il n'est plus là ensuite, il reste grâce au souvenir que l'on a de lui.
Ah ça oui, ils restent. Dans ma tête ils sont tous restés. Cameron. Rhéna. Estéban. Yaevinn. Maiwenna. Moryann. Ciléa. Tous sont restés, oui. Comme des corps décharnés, des flaques de sang dans le salon des Ril’Morienval. Voilà l’image qui lui restait, qui le hantait chaque nuit, qui nourrissait avec avidité sa dépression qui ne rêvait que de faire surface et de le plonger dans les abimes de la complaisance du mal-être.
Et non. Ce n’était pas assez. C’était même trop pour l’apprenti marchombre. Il entendait encore la voix paniquée de sa mère dans son crâne, lui ordonnant de fuir. Le dessin. Voilà la dernière chose qu’elle avait réussie avant de mourir. Et les autres ? Que faisaient-ils alors ? Dormir sûrement. Et si. Et si Ewall n’avait joué le rebelle en voulant se promener seul la nuit, il aurait été dans la maison, avec eux. Et il serait mort, avec eux. Et si. Et si, il n’avait pas voulu être seul exceptionnellement, s’il avait emporté avec lui Ciléa, et même Moryann, elles seraient vivantes, elles aussi. Avec lui. Et si.
Il plongea l’une de ses mains dans la poche de son costume, pour y sentir le contact apaisant et douloureux à la fois du papier froissé d’un certain dessin de gamin. Parfois, il pensait qu’il aurait du se montrer moins farouche avec ses parents et les « Trois Fiertés ». Mais concentrés sur les disputes à propos de Moryann, jamais aucun d’eux n’avait songé que tout allait se taire, une nuit, par un horrible carnage. Non, jamais. Alors il transportait toujours avec lui le dessin de lui et ses deux sœurs fétiches, ne gardant comme souvenir des autres que le pendentif du blason familial. Et chaque soir, avant de se coucher, il les regardait, tentant de remplacer le sang par les visages gravés à la craie…en vain. Le visage de Moryann était le plus cuisant, il était le seul qu’il avait pu reconnaitre sur place, dans la précipitation. Ses yeux délavés, figés, braquant encore son regard sur l’assassin absent. La bile remontait à nouveau dans sa gorge, au souvenir du trauma. Aussi lorsqu’Anaïel posa ses mains sur son épaule, il voulut se retourner pour se lover contre elle, tel un enfant. Mais il n’en eut pas le temps.
Elle fit glisser ses mains sur sa nuque brulante avec ardeur, lui hérissant l’échine dorsale. Puis elle atteignit son pendentif. Il se figea, le moindre de ses membres contractés.
- Regarde...
Il se tourna, en ébullition. Que savait-elle ? Etait-il temps de lui raconter son histoire, alors qu’il ne l’avait jamais, au grand jamais raconté à quiconque. Pas même à Dofenn, pas même à Galoudryelle ! Ils étaient là, face à face, comme deux âmes sur le point de s’enlacer pour ne faire qu’une. Comme deux histoires prêtes à pleurer ensembles. Elle sortit de son cou, un autre pendentif. Un phœnix aux yeux d’argent. L’ouvrage était magnifique, mais il n’existait pas par cela. Ewall devina de suite l’importance qu’il devait avoir aux yeux de sa fée, tout comme son blason portait tout une vie. Ils étaient deux vies ratés sur le point de s’envoler pour un renouveau. Ils étaient deux blessures sur le point de se marier, avec les pendentifs comme alliances, pour se soigner l’un l’autre.
Les symboles retournèrent à leur place, tout près de leurs cœurs. Cœur sur lequel la jeune femme posa sa main, la retirant de suite. Ewall ne réagit pas de suite, buvant ses paroles qui s’écoulaient en lui comme un secret protégé, sacré, unique et amoureux.
- Un jour, quand tu le souhaitera, maintenant si tu en a envie, tu me racontera ce qui voile tes yeux. Et moi je te raconterais ce que je suis, et je t'aiderais, et tu m'aideras.
Il frissonna rien qu’à l’idée de devoir mettre des mots sur l’horreur. Il lui faisait confiance. Et tout comme elle était la première à connaitre son nom, elle serait la première à connaitre son histoire. Mais maintenant était trop tôt. Il voulait juste se délecter d’elle, boire un peu de sa magie. Il avait trois ans avec elle. Trois ans pour apprendre. Trois ans pour se dévoiler. Trois ans pour se libérer.
Elle s’échappa de sa chaleur corporelle, semblant soudainement bouillonner d’émotions rageuses. Elle aussi portait un fardeau comme passé. Des maux silencieux qui te bouffent le cœur au jour le jour, et qui finissent par te le pourrir, l’offrant en pâté à d’autres vers. Mais il était là. Tout comme elle était là. Et jamais il ne laisserait les maux l’emporter. Jamais. Il allait la rattraper, pour la serrer contre lui, malgré les relations de maitre-élève qu’ils devraient avoir, mais elle revint d’elle-même, à son grand soulagement.
- Je t'apprendrais l'éternité et toi... tu m'apprendras l'humanité.
Apprends-moi. Retourne-moi l’esprit. Nourris-moi, car j’ai faim de toi, j’ai faim de la vie malgré ce qu’elle a pu me faire. Prouve-moi que le fait d’avoir échappé à l’assassinat n’était pas une horrible erreur. Je ne crois pas au hasard. Le hasard est une putain.
A nouveau elle fuyait son regard en posant ce qui lui semblait être une question fatale. Pour lui, la réponse était d’une telle évidence que la question devenait presque insultante.
Alors, sentant son hésitation, ses doutes, sa peur, il l’attira contre lui avec douceur. Il prit son phoenix dans une main, le blason des Ril’ Morienval dans l’autre.
-Regarde. Chuchota-il.
Alors il lia leurs pendentifs, entremêlant les chaines, officialisant leurs engagements, leurs maux à deux, l’éternité perpétuelle de leur histoire.
-Je crois bien qu’ils veulent continuer ensembles.
Il lui sourit, puis, comme pour lui assurer l’authenticité de son choix, demanda un avis extérieur.
-Qu’en penses-tu, Noukas ?
Le chuchoteur rouge, lové sur son crâne, descendit sur son épaule, se frotta contre les chaines enlacées et fixa des ses yeux globuleux Anaïel. Ewall rit, emportant dans sa joie les tracas de son maitre.
-Il t’aime.
Noukas approuva par un petit cri feutré et sauta sur l’épaule de la jeune femme, s’offrant à elle.
-Et il n’est pas le seul…
La révélation s’étouffa dans une voix plus rauque qu’à l’habitude. Dans un souffle. A présent, qu’il le voulait ou non, il dépendait d’Anaïel, et déjà son absence prochaine l’insupportait. Au final, trois seraient bien courts. De ses doigts tremblants, il délia les chaines, libérant les deux pendentifs sacrés. Il ne s’agissait pas d’amour classique. Non, pas d’une rencontre amoureuse d’un homme qui jura fidélité à une femme. Du moins, il ne le croyait pas. C’était bien plus fort. Une relation qui se tissait au fur et à mesure des pages de leur histoire naissante. Un sentiment partagé de liberté et d’émotions fortes. Alors il sut, qu’il niait depuis trop longtemps. Qu’il était prêt, mais se le refusait, par peur, tuant ses origines à petit feu en les étouffant du silence et du secret.
-Je vais te souffler qui je suis, mais pour cela, il faut descendre.
Il tremblait, conscient de la décision qu’il venait de prendre.
-Il y a une maison, tout en bas. Ma maison.
Cette demeure maudite, qu’il avait tant évitée avec soin. Seul il ne pouvait y parvenir, et déjà il sentait l’envie pressente de faire demi-tour, alors qu’ils n’étaient pas même partis.
Je vais fuir. Je vais hurler. Je vais pleurer. Mais surtout, rattrape-moi. Mais surtout, ne m’écoute pas. Et surtout, reste avec moi.
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| | Messages : 462 Inscription le : 09/12/2006 Age IRL : 33
| Sujet: Re: Les toiles dévident en ce rêve... [Terminé] Lun 14 Mar 2011 - 21:19 | | | Elle avait le souffle coupé. Son odeur dansait contre son visage, drapait son nez, filmait ses lèvres, noyait ses perceptions sous un masque de velours qu'il tissait par l'entrelacs de ses bras autour d'elle. Parfaitement immobile, statue aux coins brisés, aux arrètes rapées, elle laissait son corps lui échapper, racler les torsades de son esprit comme une arme qui ne lui appartiendrait plus et qui, au lieu de réagir à ses ordres, se rebellait en un cri silencieux de déroute et d'incohérence.
Pourquoi était-elle ici ? Pourquoi cette peau étrangère contre la sienne, cette même étincelle qui parfumait leurs prunelles ? Pourquoi la vie qui dansait au bout des doigts, incertaine et magique ? Pourquoi cette peur irraisonnée du manque, pourquoi ce rugissement de douleur à son égo recroquevillé sous la nouvelle appartenance de son cœur ?
Pourquoi, enfant indigo, devenait-elle humaine ? Et pourquoi, enfin, douter de ce qu'elle avait toujours rechercher - sentiments et amour, tolérance, irraison en duo d'avenir, accroche au ventre, à l'âme, tendresse, enfin, plus que ça, à ce que son corps rejetait chaque jour avec autant de force ?
Elle avait un peu mal, quelque part, là où la gorge de son passé venait d'être tranché. Recousu. Désinfecté à l'alcool. Puis pansé. La plaie saignait sous les bandages, malgré la douceur des mains d'Ewall sur elle.
Dans une torpeur vitrée, elle regardait les maillons qui vivaient, sous les doigts du jeune homme, qui formaient un maillage étincelant malgré la faible lueur, beau, scintillant, et, terriblement piégée, la marchombre ne pouvait en détourner le regard, fascinée par ce qui durcissait ses propres liens de vent. Oui, du sang, de la chair, de l'amour et de l'illusion, ça calcifiait l'ensemble, un peu comme les anneaux de leurs pendentifs.
"J'aurais aimé que tu vois ce que je suis en train de faire, Elhya"
Et dans l'étreinte du jeune homme, à chaque contact, elle perdait un peu plus de ce qui avait construit sa vie à la hache, ce qui avait forgé sa personnalité si particulière, ce qui faisait d'elle ce qu'elle était. Et dans ses bras, elle ne ressentait qu'un bonheur intense, en lieu et place des tourments qui viendraient tôt ou tard. A l'occasion, elle attrapait quelques étoiles dans les émeraudes éperdues et dilatée posées sur elle, qu'elle savourait sous la langue comme une douce friandise. Elle était heureuse. Incroyablement heureuse.
Il voulait bien d'elle. Et elle le voulait lui.
Soudain, des rires en vibrion sur les joues, il invoqua la petite créature qu'elle avait surprise plus tôt et qui semblait liée à lui. Mais avec tous les événements et sensations, elle n'avait trouvé le temps de lui en parler. La chose, l'animal, semblait s'appeler Noukas. Il lui rappelait d'ailleurs beaucoup une petite parmi les nombreuses créatures qu'elle avait pu rencontrer durant son enfance, même si la bestiole présentait une allure pleine d'une prestance que n'ont pas les animaux sauvages et gracieux, bien que frustres et mal léchés.
Noukas bondis et frotta ses poils soyeux contre les pendentifs, et la marchombre lui rendit un regard chargé d'intérêt et de curiosité. Mais lorsqu'elle tendit la main pour le toucher, il fit demi tour et se perdit dans le cou de son maître... Avant de revenir et de sauter sur l'épaule d'Anaïel qui n'eut qu'à tendre la joue pour que l'animal vienne s'y frotter. Il avait le poil incroyablement doux, et tandis qu'elle essayait en vain de se rappeler où elle avait pu n voir de semblable, elle faillit bien ne pas prêter attentions aux chuchotement de son apprenti.
Elle sentit une vague glacée, froide et chaude en même temps déferler sur son coeur. Un instant, elle n'en cru pas ses oreilles, et un long frisson fit frémir sa colonne vertébral, frisson qui se rependit à toutes les parties de son corps. Noukas, vraisemblablement effrayé par l'intensité de l'émotion qui traversait la marchombre, revint à son maître qui ne la quittait pas des yeux. Elle releva la tête et se perdit dans l'océan viride qui mouvait son regard, s'y noyant, tête la première, à la recherche de quelque chose, quelque chose qui expliquerait pourquoi de simples mots avaient le pouvoir de l'enflammer ainsi, de décharger en elle de si terribles sentiments. Mais l'instant ne dura pas, ne laissant pas totalement le temps à Anaïel de comprendre les flammes qui léchaient sa cage thoracique, de les apprivoiser pour les observer et en extraire la vérité, l'explication rationnelle au destin qui l'avait uni à Ewall.
Ewall dont les yeux s'embuèrent. Ewall dont la voix chevrota, rauque non plus de passion mais d'une détresse infinie. D'un chaos à fleur de phonème où nageait l'histoire, quelque chose de terriblement vif, mais croupissant, de la colère, mais aussi de la peur et de l'horreur qui brûlait les sens. Elle s'approcha un peu plus de lui, inquiète, au delà du raisonable. Mais avant qu'elle ne puisse faire quoi que se soit, il avait murmuré ses mots d'une importance capitale et douloureuse. Elle aurait tellement aimé apaiser ses tourments ! pour que la vie continue de danser derrière son masque de saltimbanque, pour que l'ombre disparaisse, pour savoir et guérir, plutôt que supposer et souffrir. Et elle voyait la difficulté, la panique qui déja le saisissait. Alors elle tendit la main et s'empara de la sienne, la porta à sa bouche et souffla dessus pour la réchauffer.
- regarde, je suis là pour toi. Maintenant et à jamais, même si je ne suis que marchombre, humaine et monstrueuse, avec des ailes, soit, je ne sais pas quoi faire dans une telle situation, vois-tu je n'ai jamais été formée à tout ça. Existe t-il une formation d'ailleurs ? Alors je te montre, regarde et sens : je te réchaufferai quand il ne restera plus que le froid dans les veines, je te protégerai contre les cauchemars, au prix des miens s'il le faut, et je te suivrais, partout, pour que tu sois heureux, pour que tu devienne marchombre, pour que tu apprennes la Voie qui s'esquisse déjà sous tes pas.
Elle l'avait attiré contre elle pour murmurer ces paroles dans son oreille, mais surtout pour qu'il ne voit pas le trouble qui la transperçait à chacun de ses mots. Les phrases sortaient toutes seules, guidées par son cœur, étrangement belles et facile à émettre, tant la vérité pulsait derrière chaque syllabe. Qui, malgré leur facilité à s'exprimer, lui comprimait un peu plus la gorge à chaque fois. Il tremblait alors elle le serra très très fort contre elle. Deux ailes sortirent avec un chuintement de ses omoplates, diluant dans ses artères une chaude et salvatrice bienveillance, presque de l'euphorie. Avec un soupire de contentement, elle laissa se détendre ses épaules, et décomprima ses bras pour ne pas faire mal au jeune homme. Elle se tourna, alors, et recula jusqu'au bord du toit. Et fourra son nez dans le cou d'Ewall qui frissonnait.
Le monde bascula autour d'eux, chamarrant la nuit d'un panel à fleur de tourbillon. Elle avait vu le visage d'Ewall et la direction approximative de ses yeux. Aussi laissa t-elle la gravité tracer leur destination en incurvant légèrement ses ramures, dans un froufroutement duveteux. Pas âme qui vivent sous eux, et qui pourrait percer le secret de la greffe. Après un temps, ses pieds retrouvèrent avec une légèreté magique, la plancher des vaches.
Les genoux d'Ewall vacillèrent. Alors elle le lâcha, pas complétement, sa main toujours au creux de la sienne.
Tu ne tomberas jamais tant que j'existerais. Je te rattraperais, quoi qu'il arrive.
Maintenant, partageons nos passés.
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| | Messages : 101 Inscription le : 31/08/2010 Age IRL : 32
| Sujet: Re: Les toiles dévident en ce rêve... [Terminé] Mer 23 Mar 2011 - 17:27 | | | Anaïel prit les mains d'Ewall, et souffla dessus de son air chaud et ennivrant, chassant ainsi toute la saleté, tout le sang passé encrassé dans ses paumes. Ses mots de réconfort devenait douce berceuse que lui chantait autrefois sa mère. Une larme coula encore sur sa joue au souvenir de cette dernière. La mort prématurée de ses parents l'avaient certes endurcis, lui avaient appris à être indépendant et débrouillard, mais cela l'avait également fragilisé. Effeuillant ses pleurs, écorchant son coeur. Il n'était que solitude et dépression. L'apprenti marchombre frissona au nom de son ancienne compagne. La dépression avait été durant plus d'une longue année sa moitié, la seule personne avec qui il avait pu communiquer. Une seule compagnie, ormis Noukas. Une présence qui ne le quittait jamais, pas comme sa famille. Qui ne pourrait pas mourir sans lui. Pourtant, grâce à Dofenn et la troupe Fillibulle, il était parvenu à s'en débarasser, à rompre avec cette maladie qui lui rongeait l'âme et lui sussurait d'en finir. Mais elle n'était pas partie. Elle ne partait jamais complétement, elle ne le pouvait pas, elle faisait partie de lui. C'était lui qui l'avait créée, appelée. Alors, elle se tapissait, dans son ombre, attendant la moindre faiblesse de son maître pour surgir à nouveau, et l'embrasser de sa noirceur.
Anaïel disait qu'elle serait là. Toujours. Ewall savait que c'était faux. Un beau jour l'un quittera l'autre, c'était indéniable. Mais il préférait ne pas y penser, cette pensée inviterait une vieille connaissance à revenir vivre en lui. Et cela il ne le voulait pas. Pas tout à fait. Surtout avec l'épreuve qui l'attendait. Ils s'étaient rencontré chez lui, avec pour coucher de soleil les cadavres et le sang des Ril'Morienval. Serait-elle au lieu de leur rendez-vous? Il espérait de tout coeur que la présence de la marchombre la fasse fuir. Il n'était plus seul désormais, et n'avait pas besoin d'elle.
La femme ailée l'attira contre lui, tremblante elle aussi. Sentait-elle à quel point elle le poussait dans ses dernières limites? Comme il menaçait de tomber de sa corde de funambule à tout moment? Mais il ne pouvait s'empêcher d'aimer cette adrénaline, et d'en vouloir plus encore à ses côtés. Alors il s'enlaça dans son étreinte de fée, et se prépara à de nouvelles sensations. Il entendit le chuintement de ses ailes qui déchiraient ses homoplates et pensa soudain que ce don pouvait lui faire mal. Etait-ce douloureux de sentir son dos s'ouvrir pour donner naissance à des plumes aussi grandes? Il espéra de tout coeur que non. Jamais il ne pourrait supporter l'idée qu'Anaïel puisse souffrir. Surtout pour lui.
Il sentit l'extase douceur du nez aquillin de la jeune femme se fourer dans sa nuque, et il sourit de confort, fermant ses propres yeux. Si leur premier envol était déjà passé, le second n'en serait pas moins magique. Al Jeit perdit toute sa symétrie et sa platitude. Les cieux tourbillonnaient en un ballet de cygnes blancs et noirs. Ewall rouvrit ses émeraudes, rien que pour leur laisser se nourir du spectacle, et se perler de gouttelettes de larmes. Rien n'était plus merveilleux qu'un vol avec elle.
Les paillettes se diluèrent dans son sang, et s'estompèrent lorsqu'ils posèrent pied à terre, en choeur. La destination était parfaite. Ils se trouvaient exactement devant la grande demeure des feu Ril'Morienval. Le teylus vacilla, à deux doigts de tout lâcher, mais il fut retenu par son maitre. Ses doigts s'accrochèrent à elle avec une force impressionante et incontrôlable. Il se redressa tant bien que mal, pâle comme la lune.
Le manoir était abandonné, fantôme du passé. Les murs s'effritaient, le lierre poussait de façon très dense, et les carreaux formant le chemin jusqu'à la grande porte étaient crasseux. Les jardins n'étaient pas entretenus et l'herbe folle poussait en tout sens, se donnant à coeur joie d'envahir le terrain. Pourtant, le lieu de recueil des Ril'Morienval gardait toute sa prestance de noblesse. Ewall déglutit, serra la main d'Anaïel lovée dans la sienne, et fit quelques pas, chancelant. Il réussit à l'emmener, bien que difficilement, jusqu'à la porte. Là, il se figea, incapable du moindre prochain pas. Les souvenirs faisaient surface, par énormes vagues noireâtres. La porte, déjà ouverte, l'odeur nauséabonde à l'intérieur, et le mauvais pressentiment après l'appel de sa mère. Et puis ce mur, là, juste à côté, sa couleur délavée était dûe aux nombreux vomissements d'Ewall il y a quatre ans, après avoir découvert les corps. Il avait posé ses paumes, juste ici, plaquée contre la pierre froide. La paume gauche de l'apprenti marchombre se posa alors au même endroit que dans son souvenir, prise de convulsion. Il y pausa l'autre paume, accompagnée de celle d'Anaïel. Puis, il se recula, soufflant comme il le pouvait.
Après quelques minutes de répis, il prit son courage à deux main, et s'avança tout près de la poignée. La dépression le prit d'assaut. Cette fois-ci, il tomba, à genoux, sur le pallier, sentant la jeune femme derrière lui. *Elle est là. Pour moi. Tu n'as rien à faire ici. Je...je ne veux...pas de toi.*
Les larmes coulaient à flot, et ses convulsions prenaient le dessus, malgré les caresses sur sa peau. La dépression forçait le passage jusqu'à son coeur brisé, aspirant plus que tout à le contrôler de nouveau, se servant de ses souvenirs à l'intérieur de cette maison.
Abandonne, Ewall. Abandonne-toi à moi. Viens, accepte-moi. On était bien, tous les deux, dans notre malheur. On faisait la bonne paire. Tu as mal, et personne ne peut effacer cette douleur. Pas même cette femme. Tu les a tous perdu. Et tu la perdras. Alors que moi, je serais toujours là. Abandonne-toi à moi. Abandonne, Ewall.
Il sentit une poignée se renforcer sur son épaule, une étreinte presque amoureuse, qui lui donna la réponse.
*Non.*
Non. Il n'abandonnerait pas maintenant. Pas alors qu'il avait trouvé Anaïel. Pas alors qu'il prenait sa vie en main, et qu'il se préparait à faire un pied de nez au destin.
Il se releva, s'appuyant à la poignée de la porte. Lorsqu'il fut à peu près sur ses pieds, la main d'Anaïel dans la sienne, il ouvrit la porte. Il n'était pas fermée, abandonnée, tout comme la maison. Le tapis du corridor était plein de poussières, les tapisseries défraichies et les meubles bouffés par les mites. Ewall ne s'attarda dans aucune pièce, il tourna de suite sur la droite, menant au grand salon. Les corps n'étaient plus là, que la Dame en soit remerciée! Toutefois il restait toujours les tâches imenses des flaques de sang sur le sol et sur les tapis, définissant presque chaque corps. Et la petite comode, détruite, dans laquelle il avait prit son dessin. Il baissa ses yeux innondés, et crut revoir à ses pieds le visage mortifié de Moryann. La nausée le prit, et il dut courir à l'extérieur, secoué de soubresauts violents. Le dégout, la tristesse et la mémoire sortaient avec violence de ses lèvres charnues. Lorsqu'il se calma enfin, il put bégailler quelques explications.
-Maman...Papa...Estéban...Yaevinn...Maiwenna...Moryann...et...Ciléa.
Il dut reprendre son souflle, tant l'émotion le privait de tout oxygène.
-Ma famille. C'était ma famille...
Les corps ensanglantés le hantaient à nouveau, comme au premier jour, comme lors de la première nuit.
-Assassins...
Il ne put en dire plus, les larmes coulaient à flot et il ne pouvait se contrôler. Son corps s'affala à terre, convulsant.
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| Sujet: Re: Les toiles dévident en ce rêve... [Terminé] Jeu 7 Avr 2011 - 19:07 | | | Elle avait sentit le monde basculer.
C'était comme un ordre, quelque chose de fondamental, une translation d'ambiance, la frontière bien trop nette entre le noir et le blanc. A peine les pieds en contact avec la terre qu'elle l'avait sentit se tendre à l'extrême, ce qui était d'autant plus perceptible que son relâchement et sa sérénité avaient été total dans les bras de la marchombre. Elle fronça les sourcils et dégrafa son étreinte à contrecœur.
Il vacilla, alors, tremblant, et elle le sentit partir loin, très loin du lieu où ils étaient à présent, devant cette même maison fissurée par le chiendent, mais à une autre époque, dans le temps, le présent fondu et verglacé comme une barrière infranchissable pour revenir du passé. Passé qui luisait dans ses yeux, ardent et noir, dans ses yeux écarquillés et obnubilés par la façade patinée, par l'entrée béante aux franges souillées. Elle serra les poings sous le coup d'une colère aveuglante.
Oh, ce n'était pas la mort en elle-même qui lui brûlait le ventre, inéluctable destin, triste, certes, mais naturel lorsqu'à point nommé. Hors, parmi toutes les vicicitudes des humains, celle qui lui donnait envie de tuer était paradoxalement cette manière qu'ils avaient de prendre la vie au nom de concepts futiles, arrogants et bête. Elle s'accrocha à la main de son apprenti et s'y ferra, autant qu'il le faisait. Présente. Inconditionnellement. Les yeux flamboyants d'expectative, fixés sur les épaules figées du jeune homme, Ewall, qui lui montrait, par delà l'horreur et l'ombre, le chemin de son cœur et de ce qui y était caché.
Ewall qui tremblait, qui luttait de toute la force de ses joues mouillées, les fossettes tendues en une grimace de douleur pure. Ewall qui se battait contre lui-même, contre ce qui le hantait, comme Anaïel le savait pour en avoir fait sa lutte quotidienne. Ewall qui pleurait, qui convulsait, qui s'en allait dans un dédale de douleur et de cauchemars, au fond de ses prunelles flamboyaient un néant atroce. Ewall qui serait sa main à lui en faire mal, ne lui donnant plus le choix de s'en aller. Ewall qui l'aimait, à sa manière, et qui avait besoin d'elle. Et Ewall qui souffrait. Pour elle.
Alors elle ne pu rien faire d'autre que de le suivre, que de créer sous la plante de ses pieds un chemin de retour à lui offrir lorsque le fond de l'abime serait atteint. Car c'était bel et bien une descente aux enfers, une réminiscence cauchemardesque aux contours écarlates et noirs, une porte sur laquelle s'ouvre les marches grêlées des larmes de sang de son passé. Et bien que l'horreur en parfumait chaque recoin, c'était un pan de son coeur fissuré qu'il lui offrait par le silence et la douleur.
Sans un mot, elle le suivit, silencieuse, bouillonnante d'une rage froide et destructrice, sa main bien au chaud autour de celle de son apprenti. Mais elle savait. La nausée n'avait pas totalement disparu, et son cœur continuait de battre précipitamment. Car elle savait. Bien mieux que s'il avait raconté quoi que se soit. Bien mieux qu'elle ne pouvait, elle-même, le savoir.
Sans qu'il ne parle, sang qui me parle, elle avait sentit l'histoire à travers ses paumes, avant même de rentrer à l'intérieur de la maison hantée. Il avait posé sa main sur le mur, et celle d'Anaïel l'avait accompagné. Et il n'avait suffit que d'un effleurement pour que le contact se crée, pour que la porte du temps s'ouvre comme un ouragan, balayant l'esprit de la marchombre comme un bout de paille. Oh, ça n'avait duré qu'une seconde, le temps qu'Ewall ne bouge, le temps qu'il retire sa main du mur souillé par les anciennes vomissures. Mais c'était une seconde de trop. Anaïel, le tout qui la composait, sa personnalité, son enveloppe charnelle, ses idéaux et ses rêves, tout avait volé en éclat, alors que les sensations tellement fortes qu'elles en devenaient absurdes, remplissaient son être tout entier. La main collée, le contact ne s'était terminé que lorsque son apprenti l'avait décidé. Alors elle avait secoué la tête, violemment, et déja le monde recoulait dans ses veines, déja le cauchemars s'éloignait, et reprenait la teinte crayeuse du temps et du granit de la pierre.
Alors elle avait suivit Ewall. Encore sous le choc. Car c'était ses sentiments à lui qu'elle avait ressentit, ses peurs et sa détresse, alors qu'il avait transmis à ce moment là, par elle ne savait quel moyen, l'intégralité de ses émotions à la pierre sur laquelle il avait régurgité le contenu de son estomac. Ce n'était pas de l'image, du concret, de la narration, non. C'était beaucoup plus violent que ça, c'était un son atroce, terriblement aigu, une symphonie en dent de scie qui criait dans les oreilles, qui tapaient contre les temps, qui arrachait la peau des joues comme des larmes d'acides. Ça prenait la tête, l'enveloppait dans un voile strié de dards, et ça hurlait, là dedans, ça hurlait avec la force d'une souffrance qui lui avait touillé les tripes au tison ardent. Aurait-ce été quelqu'un d'autre, que l'expérience aurait été fatale, où au mieux qui aurait laissé de nombreuses séquelles. Mais Anaïel connaissait ses mains, le monde à travers ses paumes, et si la musique horrible l'avait complétement choqué sur le coup, elle pouvait à présent en discerner les contours, la replacer dans son contexte, sans la laissé lui dévorer l'esprit. Toujours était-il qu'une flamme noir et dangereuse luisait contre l'iris, mordorant de sang l'entrelacs de flammes de ses yeux scintillants.
Ils étaient à l'intérieur, à présent. Ewall continuait à marcher, luttant toujours un peu plus, pour lui ouvrir le chemin comme on tranche des chairs. Les flaques de sang, elle savait où les trouver, le mobilier lui semblait à présent familier, même si dépouillé, et elle pouvait presque voir les visages exsangues et pourtant couvert de sang qui la regardaient passé, le regard vide et gris. Lorsque le jeune homme tira sur son poignet, elle le suivit sans résistance, brinqueballée, profondément troublée, le cour et l'esprit complétement retournés. Alors il fit demi tour, la bouscula presque, et sortit d'une traite, entrainant la marchombre derrière lui dans sa fuite effrénée.
Ses paroles glacèrent la jeune femme, et elle trembla, levant la main pour le toucher, pour serrer une dernière fois la sienne, sans aller au bout de son geste tant les deux jeunes gens étaient troublés, profondément tailladés par ce qui s'était passé ce soir. Alors elle se laissa glissée à terre, et elle le pris dans ses bras, contraignant les convulsions à cesser, à passer dans son sang plutôt que dans le sien. Elle le ramena contre elle, et fit de son corps un cocon pour le protéger du froid, et afin que les larmes ne gèlent pas sur ses joues - elle savait combien c'était désagréable. Trop choquée, les émotions à fleur de peau, incapable pour le moment de penser, de réfléchir à la conduite à tenir, aux mots à prononcer, elle laissait les gestes qui lui semblaient -un peu trop - naturels prendre le relais, et calmé par la chaleur et la douceur des blessures qu'elle ne pouvait apaiser avec aucun mot.
Ainsi ses parents, toute sa famille -nombreuse - semblait-il, avait été assassinée. Elle se doutait d'un drame familiale, autrement il n'aurait pas renié son nom de famille, noble par ailleurs. Mais il semblait tellement bouleversé, alors même que l'événement était ancien aux vues de l'état de la maison, et il avait si mal... Par dela la tristesse de le voir dans un tel état, elle sentit la pointe venimeuse de la colère qui commençait à remonter, la violence endogène de ses membres qui ne demandait plus qu'à retrouver les assassins pour leur briser les vertèbres et leur ouvrir les entrailles. Mais elle la jugula, plus facilement avec le contact d'Ewall, ayant conscience, même de manière floue, que ce n'était que son corps qui s'exprimait ainsi, et non la raison ni l'amour, à part pour en exacerber les effets.
Elle chantonna à son oreille la première musique qu'il avait pu entendre d'elle, lorsqu'il lui avait demandé de le faire rêver, avant de partir avec elle. Ce n'était pas exactement la même, ce n'était jamais la même, mais à travers les arabesques symphoniques, elle lui retranscrivait le chant du monde et des étoiles, le chant de la vie pour que plus jamais il ne l'oubli, pour que, même au plus fort de la dépression qui le minait, il puisse se remémorer par sa chanson l'élan de vie qu'il devait à tout pris conserver en lui pour avancer, pour ne pas se perdre. C'est un fil que je t'offre, funambule, pour que tu me revienne, pour que tu puisse retrouver la lumière, même au plus fort des ténèbres. Revient moi, Ewall, on ira valser l'indifférence des tourbillons, et on s'encrera les doigts, tranchant les illusion. Et par dela leur essence, nous serons les enfants parcheminés de leur inconstance.
Elle tourna son visage, le tenant par le menton, posa doucement son front contre le sien, et fixa son visage, le détaillant sous toute les coutures, jusqu'à ce qu'il soit forcé d'ouvrir lui même les yeux, dévoilant deux émeraudes magnifiques aux franges mordorées par les larmes. Au fond de l'abime de ses prunelles, elle pouvait voir tout un monde le séparé d'elle, un abime de doute, de questions, les cils gluants bien présent, et la voute viride qui s'épanche encore dans le passé. Doucement mais fermement, une fois que son corps avait décompensé tous les spasmes de la tristesse, elle le fit se relever en lui prenant les deux main. La gauche était d'une sensibilité telle, après son expérience minérale, qu'elle avait du mal à supporter le contact, même avec la peau d'Ewall. Aussi passa t-elle de l'autre côté et l'entraina vers la porte béante.
Mais au moment où il s'aperçut de ce qu'elle faisait, ses membres se raidirent, et il pila, refusant de retourner dans le lieu de torture. Anaïel se tourna vers lui, désemparée, complêtement incapable de lui faire faire quelque chose qu'il ne souhaiterait pas, mais non moins incapable de le laisser en l'état, avec cette blessure béante dans le cœur. Mais elle savait que, parmis la douleur d'avoir perdu sa famille, dans le vortex d'émotions qui lui nouait l'avenir, c'était la culpabilité qui lui donnait ses nausées et ses convulsions. Et elle savait - croyait savoir, avait su ? - pouvoir lui montrer. Mais il fallait qu'il le veuille vraiment, qu'il la suive et lui fasse, encore une fois, confiance.
Elle se rapprocha de lui et pris son visage en coupe, plongeant ses yeux dans les siens, sondant jusqu'aux tréfonds son âme fissurée, valsant parmi les fantômes avec une grâce qui fit cesser ses tremblements. Alors elle murmura, toujours sans lâcher son regard :
- Ewall ...
Elle prononça son nom avec, au ventre, une caresse volubile et douce, consciente à présent des attaches qui les liaient, dans l'amour et dans la douleur, dans l'apprentissage et le savoir.
- Je voudrais que tu me fasse confiance, une dernière fois.
Oh qu'il était difficile de le pousser ainsi dans ses retranchements, de lui demander de revivre l'horreur ! Pourvu qu'il ne la déteste pas ensuite, pourvu que son intuition soit la bonne, pourvu, encore une fois, que son affection résiste à l'inconcevable... Et surtout, pourvu qu'il comprenne qu'elle faisait cela pour lui, et que pour lui elle endurerait cela autant, sinon plus que ce qu'il ressentirait. Pourvu qu'il sache ensuite qu'elle faisait cela par amour, pour lui, parce qu'elle lui avait promit de guérir.
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| Sujet: Re: Les toiles dévident en ce rêve... [Terminé] Lun 11 Avr 2011 - 9:55 | | | Il fait tout noir dans ma tête. Tellement noir, que je suis perdu, et que je me cogne dans tous les recoins. Et puis il y a un truc dans ma tête, j’en suis sûr. Un microbe, une saleté d’insecte, une maladie, quelque chose ! Si je le disais à voix haute, on me prendrait pour fou. C’est pour ça que je me tais, et puis, je n’ai rien à dire. Et je préfère avoir une maladie, un virus, même mortel, dans ce crâne aveugle, qu’être fou. J’ai toujours l’impression d’être fou, avec cette foutu dépression qui me comprime le cerveau. Les sautes d’humeur, les idées suicidaires qui vont et viennent, les pleurs incontrôlés, et les sensations étranges comme lorsque le temps va plus vite que moi, ou l’inverse, et que je ne sais même plus ce que je fais. Mais je me dis qu’il suffit de se battre, de trouver de quoi s’accrocher suffisamment fort pour se battre et vaincre cette folie. En cela j’avais trouvé plus ou moins la troupe. Et maintenant Anaïel.
Mais se rattacher à autre chose ne fonctionne pas éternellement. Ce n’est qu’une procuration qui s’estompe, éphémère. Et bien trop vite, les fantômes reviennent dès qu’il s’agit d’affronter une réalité, un fait. Et ce n’est pas n’importe quelle réalité. Il s’agit de ma famille, de leur nom souillé de sang, et de ma vérité, de mon identité cachée. De ce que j’étais, ce que je suis, et ce que je deviendrais. Alors je dois me battre plus fort, jusqu’à tuer la chose dans mon crâne. Pour qu’Anaïel soit fière, et qu’elle puisse avoir un élève qui ne soit pas fou, bon à balancer dans un asile. Il est facile de voir un costume coloré danser et rire. Il est moins facile de le voir en coulisses, en larmes et crises incontrôlées, et incontrôlables. Il faut que je m’en sorte. Une bonne fois pour toutes. Que cette maladie répétitive et fatigante cesse de me hanter à chaque seconde. Parce que je voudrais vivre, comme les autres. Parce que je voudrais rire, comme les autres. Toujours. Et ne me préoccuper que de choses futiles comme les autres de mon âge. Ne pas finir fou, avant d’avoir ne serait-ce que le quart de l’âge de mourir. Sauf que ma famille n’avait pas l’âge de mourir, non plus.
Elle le prenait dans ses bras, le caressant, le berçant, comme le ferait une mère. Comme aurait fait sa tendre mère, si en vie elle pouvait être. Mais elle était morte. Et jamais plus il n’aurait de mère pour lui conter des histoires, ou pour le sermonner de ses excursions trop longues et trop dangereuses sur les toits, pour le prier de ne pas se mêler de l’histoire de Moryann, ou de ses bêtises avec Ciléa, et pour le prendre dans ses bras quand il prenait peur ou pleurait d’une punition trop sévère de son père. Plus jamais il n’aurait son repas servi, sur la grande table familiale, ni les balades dans leur grand parc, ou les jeux nobles dans leur jardin. Plus jamais.
La marchombre l’entraina avec elle, et il la suivit, docilement, pensant qu’à l’image de sa mère, elle l’emmenait au loin le consoler et se vider le crâne de tout ce sang. Mais Anaïel n’était pas sa mère. Et elle ne l’éloignait pas, elle le poussait à l’intérieur de la demeure. Les pieds du garçon écorchèrent le sol, se plantant dedans comme la racine d’un arbre, et il se rétracta en à peine une seconde, reprit de soubresaut. Des halements rauques sortirent de ses lèvres charnues pour refuser ce supplice. Il se battrait, s’il le fallait. Mais jamais, plus jamais, il ne mettrait les pieds dans ce manoir maudit. Jamais.
Son maitre prit son visage entre ses mains, et le souffle chaud de la jeune femme l’apaisa quelque peu. Il se prit à fermer ses yeux humides et gonflés, cherchant l’oubli dans les paumes d’Anaïel.
- Je voudrais que tu me fasse confiance, une dernière fois.
Il voulait hurler, que oui ! Il lui faisait confiance. Mais son estomac la suppliait d’arrêter, de l’épargner. Son cœur lui faisait bien trop mal ! Elle n’en avait pas le droit ! Ah ça, non !
Il fait déjà tellement noir, là-dedans. Et tu voudrais que je m’enfonce encore plus ? Regarde-moi, je suis fou. Fou, et malade. Et je fais pitié, à pleurer comme un gosse, à me déverser de toute l’eau qui alimente mon corps. J’ai même parfois des voix, des toutes petites voix dans ma tête, qui me font espérer cruellement qu’il y en ait qui aient survécus. Mais c’est faux, je le sais. Moi, je l’ai vu, le visage de Moryann. Je l’aurais reconnu entre mille. Mais cette nuit là, j’aurais voulu ne jamais reconnaitre ce visage en porcelaine, cette petite poupée si fragile et source du conflit de la famille. Des conflits, la famille en était débordante. Noble et méprisante. Famille. Et pourtant, je les pleure chaque jour. Alors qu’auparavant, chaque jour je maudissais avec Ciléa le trio parfait des frères et sœurs dignes de la noblesse de mes parents. Les trois fiertés. Trois fiertés bannis du restant de mon dessin, tout comme mes parents. Mais je les pleure, chaque jour. Parce que c’était ma famille. Et tu voudrais que j’aille fouler le sol où gisaient leurs corps ensanglantés ? Tu ne sais pas à quel point elle crie fort. La dépression. A quel point elle me harcèle de lui revenir, de baisser les bras, de cesser de me battre. Et tu voudrais que je me batte encore plus fort ? Et si j’en étais incapable ? Si j’étais réellement fou ? Que ferais-tu ?
Il déplia son poing, laissant entrevoir une boule de papier froissé. Il déplia le dessin, offrant ce dernier à Anaïel. Il lui montra les trois personnages, dessinés lorsqu’il n’était encore qu’un gamin, qui avaient survécus.
-Moryann. Dit-il en désignant la plus grande, mais aussi la plus maigre, plus pâle et maladive.
-Ciléa.
Il désigna la jeune fille blonde entre Moryann et le petit garçon aux cheveux acajou.
-Et moi.
Puis il caressa le bord déchiré aux côtés de Moryann.
-Les autres…j’les ai pas retrouvés. Là d’dans.
Sa voix tremblait, prisonnière des mains de la jeune femme, qui ne le quittaient pas. Alors il reprit le dessin, le serra d’une main contre son cœur, et de l’autre s’agrippa à Anaïel, lui faisant signe de la tête d’avancer. De se battre.
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| | Messages : 462 Inscription le : 09/12/2006 Age IRL : 33
| Sujet: Re: Les toiles dévident en ce rêve... [Terminé] Mar 19 Avr 2011 - 21:39 | | |
Alors il la suivit, et elle sentait dans ses mains les tendons qui saillaient, la lutte qui crispait chaque parcelle de peau, et le contrôle fantastique qu'il exerçait sur son corps pour s'empêcher de partir en courant, de s'enfuir loin de cette femme étrange qui le torturait un peu plus à cet instant.
Sans se laisser plus le temps de réfléchir, elle se précipita sur le meuble éventré qui gisait à côté d'une énorme flaque de sang délavée, et elle plaqua, dans l'instant, sa paume contre la commode, en plein sur une tâche noirâtre et grise, sa paume déjà martyrisée, et serra, serra les doigts du jeune homme dans l'autre main.
C'était comme un courant électrique. les ondes traversaient son corps , et finissaient leur course dans la main d'Ewall. Et malgré toutes ses expériences, malgré le traumatisme de la pierre précédemment, malgré le contrôle qu'elle exerçait sur son pouvoir, elle savait que si elle n'avait pu tester juste avant la sensation si particulière, elle serait devenue folle sous l'assaut du temps qui filait dans ses veines comme un feu ardent. La musique anarchique brilla, cria, hurla, disjointa les rivets du présent pour les fondre dans un vortex de passé en fusion, noyant les aspérités, en créant d'autres, nouvelles, aux contours cette fois ci non pas patinés par le temps, mais tranchants comme des lames de rasoirs. Et elle revécu la seine de l'intérieur, en total abandon à la musique qui défilait, et qui faisait apparaître dans son esprit et celui d'Ewall des images qu'ils associaient aux notes sanguines. Lorsqu'arriva le moment fatidique, celui qu'elle n'avait aperçut que de très loin la fois d'avant, elle pria pour ne pas s'être trompée, pour que le reflet des arpèges n'ai pas été une vaine illusion. Et malgré la douleur de l'expérience, elle sentit un soulagement sans nom l'envahir, alors que la mère d'Ewall crachait à l'assassin des mots qu'elle ne pouvait entendre mais dont la signification était plus claire que du cristal. Ils tranchèrent les deux esprits connectés comme une lame de rasoir :
- Dans son sang, notre famille survivra. Et vous n'y pourrez rien. Que la Dame soit sur lui...
Et il y avait tellement de tristesse et de colère dans cette mélodie fuyante... Anaïel s'arracha du mur dans un sursaut de douleur, au moment précis où la lame de l'assassin fusait vers le ventre maternel, et roula jusqu'au bout de la pièce, tremblante de tous ses membres. Voila ce qu'elle voulait lui montrer. Voila le but de l'étrange manœuvre. Jamais il n'aurait du rester pour mourir, parce que par sa survie, c'était toute sa famille qui survivait, le souvenir de ces personnalités si chères aux yeux du jeune homme. Il ne pouvait plus se sentir coupable d'être en vie après cette déclaration.
Mais ça restait une expérience atroce. Anaïel était épuisée. Elle avait lancé toutes ses forces, toute sa concentration pour tenter de juguler le flot bouillonnant qui s'était épanché à travers ses doigts, pour éviter à son élèves de trop ressentir la douleur. Afin de le protéger, de lui montrer seulement ce qui était important, elle avait jeté la moindre parcelle se sa volonté dans la bataille, mais tout cela était relativement nouveau, et seul le contact, la résonance de leurs âmes et les émotions transmises à travers le minéral et le végétal avait pu permettre une telle dysfonction. Mais à présent, alors qu'elle venait de revivre pour la deuxième fois le drame qui avait dissout le passé du jeune homme, elle sentait son esprit sur le point de se rompre, de douleur et de violence rentrée. Du fin fond de son corps, ses cellules se dressèrent sous l'affront, hérissées de dards, l'aura plus brûlante que de la lave en fusion. C'était un affront, une perversion, et elle avait fissuré les digues de sa volonté dans l'effort démesuré. Dans un sursaut violent, elle s'accroupis, et se jeta vers la porte qui s'était refermée, plus vive qu'un feu follet. Mais, par déformation du temps, par claquage peut-être, la porte s'était verrouillée de l'extérieur, et le chêne refusait de la laisser passer. Et à chaque seconde elle sentait les murs se refermer sur elle, lui comprimant le corps dans une étreinte cauchemardesque. Elle tenta de respirer à fond pour se calmer, en vain. L'angoisse prenait le pas sur tout autre forme de sentiment et ses prunelles, d'ensoleillées devinrent sanguine tandis que le feu lui dévorait le visage. Elle griffa le bois, donna de furieux coups d'épaules, avant de se retourner, comme un chat enragé, cherchant avec des regards saccadés les issues qu'elle démantèlerait s'il le fallait pour retourner dehors.
Son regard fou croisa celui dilaté d'Ewall qui la fixait. Ses prunelles s'étrécirent, et elle lui sauta à la gorge. Tenta de lui sauter à la gorge. Et pour la première fois, ce ne fut pas elle qui décida de ne pas attaquer, de ne pas faire de mal, ce fut son corps qui se rebella contre l'action. Elle se tordit en plein saut, et retomba sur ses poignets qui craquèrent sous la brutalité du rattrapage, alors qu'elle roula à terre, tout en s'éloignant inconsciemment du jeune homme. Le mur freina brusquement son tonneau, et un instant elle ne vit plus que des étoiles qui flouaient sa vision. L'étourdissement sauva sans doute la vie du garçon. Pendant quelques secondes, elle ne pu plus bouger, et ce court laps de temps lui permis, dans un sursaut de conscience, de retenir ses gestes affreux. Des images défilèrent dans sa tête, comme un vaccin douloureux contre le mal qu'elle aurait pu faire.
Ewall. Marchombre. Maison. Mort. Humain. Mort. Souffrance. Amour. Bonheur. Plumes. Musique.
Le temps la ratrappait. Son corps lui même avait sauvé le jeune homme de la rage folle dans laquelle elle était plongée. Jamais plus une telle expérience, jamais plus. Sa main droite gauche pendait, presque inerte, et même en se concentrant, elle ne pouvait en tirer la moindre mélodie, comme si ses paumes avaient été brûlées par les souvenirs. Une grande fatigue s'abatit sur ses épaules, l'aidant paradoxalement à reprendre ses esprits et à diluer la fureur qui l'avait saisie (Elle n'avait plus assez de force pour être violente) et surtout, surtout, une immense culpabilité qu'elle ressentit jusque dans sa bouche comme un gout amer de larmes. Elle se releva, vacillante, complètement perturbée, les mains couvertes d'un sang qui goutait sur ses avants bras, en longue trainées pourpres. Mais la maison n'avait pas besoin de sang supplémentaire. D'un pas précaire, une main sur le mur, elle se dirigea lentement vers la porte, tritura un instant la poignée, mais renonça, la porte était bien fermée. Elle resta un instant les yeux dans le vague à fixer la porte d'un oeil morne, puis elle s'ébroua doucement et s'assit dos au bois, les genoux à demi pliés.
Elle avait besoin d'air. Calmée par la présence d'Ewall, elle ferma les yeux et s'obligea à respirer profondément, même si la poussière piquait son nez sensible, même si la seule odeur qu'elle pouvait sentir était celle de la mort et la folie qui rodaient autour d'eux comme des chiens faméliques et vicieux.
Que tirer de tout cela ? Pour Ewall, elle avait vécu une expérience atroce, tout en lui demandant de revivre son passé. Pouvait-on parler d'équité ? Est-ce que son initiative avait apporté quelque chose d'un temps doit peu positif ? Sa bouche se tordit d'un rictus fatigué et douloureux.
Lorsqu'elle sentit le jeune homme s'approcher, elle n'ouvrit pas les yeux, concentrée sur ses poumons, et murmura :
- Tu pourrais débloquer la porte s'il te plait ? Je n'y arrive pas.[ Et voila, pour ton anniversaire =) j'espère que ça te plaira, et si quoi que se soit te gène, dis le moi, j'ai pris quelques libertés =) ]
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| Sujet: Re: Les toiles dévident en ce rêve... [Terminé] Jeu 12 Mai 2011 - 21:16 | | | Ewall ne comprit pas. Il ne comprit absolument pas ce qui se déroula sous ses yeux. C’était comme un tourbillon, multitude d’évènements successifs et entremêlés qui l’emportait et le dépassait sans la moindre explication et sans la moindre seconde pour souffler et analyser la situation. Comme une fuite quotidienne sur les toits, et soudainement un ordre de fuite crié dans sa tête, et retrouver, d’un coup, les corps de sa famille éparpillés sur le sol ensanglanté, et un commerçant qui vous pousse à fuir, pour de bon. Cette nuit là, Ewall n’avait pas eu le temps de comprendre. A nouveau il ne comprenait pas.
Elle s’était jeté sur la petite commode, comme certaine d’y découvrir un trésor, quelque chose de plus que le sang délavé et la ruine. Plaquant une paume sur le bois défraichi, elle serrait avec tant de force de l’autre main, les doigts d’Ewall qu’elle lui coupa la circulation. Il la laissa toutefois faire, interloqué par cette soudaine initiative.
Et là, ce fut comme une décharge électrique. Le moindre de ses poil acajou se dressa sur ses avant bras, remontant jusqu’à l’échine dorsale et contractant ses muscles. Il tenta de délier sa main de celle de la marchombre, sous l’effet de la surprise et de la sensation désagréable, mais il était bloqué, sous l’emprise inéluctable de son maître. Alors il ne put que se résigner, laissant le courant s’écouler entre leurs deux esprits, et acceptant tant bien que mal les ondes de douleur qui malmenait son corps.
Des tourbillons de néant venait le frapper aux paupières, qu’il ne savait plus si closes ou non. C’était comme d’énormes cocards vivants qui faisaient leurs nids sur le visage du jeune homme à coup de poing. Et dans tout ce noir aveuglant, il lui semblait percevoir des gouttes de sang, tout de même. Il n’en voyait pas la couleur, puisqu’il semblait que la cécité venait de le prendre au rythme des coups, mais il les devinait, par leurs formes, leur manière de s’écouler et de tomber lourdement sur le sol qui n’existait pas. Il aurait reconnu le sang entre milles autres substance, voyant ou non, tant la matière était ancrée dans son cerveau. Il se passait de nombreuses choses. Et Ewall sentait, comprenait qu’Anaïel en voyait bien plus que lui. Etait-ce elle qui venait de le rendre aveugle ? N’était-ce que temporaire ?
Il commençait à avoir sérieusement peur. Peur de ne plus savoir si ses yeux étaient ou non clos. Peur de ne plus jamais retrouver aucune lumière. De ne pouvoir contempler à nouveau la joie de vivre de Dofenn qui se peignait sur son visage, ou encore déguster les mimiques enfantines et se purger des cheveux de lune de sa chère Galoudryelle. Peur de n’avoir pas assez détaillé son maître. Peur de ne pouvoir les reconnaitre grâce à ces pupilles vertes. Peur de perdre tout ce pour quoi il se battait.
Et là, aux tréfonds de l’océan noir, elle était là. Elle le guettait, vicieuse et intelligente, prête à l’engloutir, lui sauter dessus pour n’en faire qu’une bouchée. Elle le couvait des yeux, si elle en avait encore, susurrant une mélodie tentatrice faite de « tu n’as plus rien ». Il pensait pleurer, mais il ne sentait aucune larme sur son visage, et frissonnait de la présence bien trop proche de sa dépression. Mais que faisait Anaïel ? Pourquoi l’avoir emmener dans ce trou sans fin ? Avait-elle voulu l’abandonner ? Ou pire. Le tuer, à son tour, comme tous les autres Ril’Morienval ? Il ne pouvait s’y résoudre. Pas Anaïel. Pas elle. Une deuxième présence féminine écarta la dépression, d’un simple mouvement obscur. Une deuxième présence qui enleva tout faible doute sur Anaïel pour l’apprenti marchombre. Il ne pouvait la voir, et n’entendait rien. Il savait toutefois que ses lèvres remuaient avant que le poignard n’atteigne son ventre. Ventre dans lequel il avait séjourné neuf mois. Neuf mois de sécurité et de confort. Qu’il n’avait jamais pu lui rendre. Jamais. Il savait aussi qu’une chose nageait dans son ventre, comme si à son tour il portait un Ril’Morienval en lui. Mais ce n’était pas un petit être chétif. Non. Alors qu’était-ce ?
Le contact se rompit d’un coup tranchant qui fit gicler une marre de sang noire autours de lui. Un éclair blanc lui porta un dernier coup et il retrouva la vue. Il n’eut pas le temps d’en être soulagé, lorsqu’il comprit la situation. Anaïel lui sautait à la gorge. Ou du moins tenta. En plein saut elle se projeta sur le côté, atterrissant lourdement dans un craquement osseux sur les poignets, et roula loin de lui. Il resta paralysé, ne comprenant pas ce qu’il se passait. Qu’avait-elle donc vu ? Et pourquoi l’attaquer ? Elle se releva, tremblante, et il n’osa pas l’approcher pour l’aider. Ses pupilles fixaient tout autre chose, comme le sang qui s’écoulait de ses bras. Et pour la première fois, il ne fut pas rebuté, assailli du passé, par ce sang. Il le trouva presque beau, comme ce Manoir. Il était bien trop soulagé de pouvoir s’émerveiller des couleurs, qu’elles soient de sang ou du ciel. Jamais il ne s’était senti aussi soulagé et heureux d’être là, juste à regarder. Ses deux paumes vinrent se poser sur son ventre, tentant de deviner le sentiment nouveau qui y nageait. Il ne put y réfléchir longtemps, qu’Anaïel s’énervant contre la porte retint son attention. Elle ne parvenait pas à l’ouvrir.
Il prit une grande inspiration, comme émergeant d’une noyade, et souffla, avant de s’approcher, tout juste derrière son maitre. Elle ne le fixa pas, tête baissée, et respiration haletante, demandant juste de l’aide. Il comprit alors que son expérience à elle avait été horrible. Pire que sa cécité. Et qu’il était sensé en avoir obtenu quelque chose. La joie de voir ? Il pensait qu’il ne s’agissait pas de cela, mais ne s’en préoccupa pas. Le principal était de faire sortir Anaïel d’ici, de la faire respirer. Viendraient ensuite les réponses.
Il la poussa avec douceur du devant de la porte, l’entourant de ses bras brulants. Puis il fixa le verrou bloqué. Il s’agissait à présent d’une très vieille entrée, mais entrée qu’il connaissait encore par cœur. Combien de fois l’avait-il franchi, librement ou en secret ? Il tenta bêtement de l’ouvrir, au cas où. Mais elle résistait, coinçant à cause de la pression soudaine reçue il y a peu. Il joua avec le loquet, en vain. Jetant un coup d’œil à son maître qui était décidément bien mal, il commença à paniquer. Puis il chercha avidement un objet quelconque pouvant l’aider. Il sut de suite quoi. Courant dans le long couloir, voulant laisser la marchombre la moins seule possible, il déboula dans la chambre de sa sœur la plus ainée : Moryann. Le lieu était tout aussi abandonné que les autres pièces, le lit fait des mêmes draps, les affaires rangées impeccablement dans le placard, avec juste une robe de chambre sortie et pendue sur le pied montant du lit à baldaquin. Il fila vers la coiffeuse, seule élément qui n’était pas en ordre. Il fouilla entre les poudres et bijoux, et trouva ce qu’il désirait : une barrette, toute fine, avec laquelle elle attachait ses chignons. Il reprit le chemin inverse, ne pouvant toutefois pas s’empêcher de jeter un dernier coup d’œil à la chambre de sa défunte sœur. Il avait toujours eu interdiction d’y entrer, mais l’avait tout de même fait. Juste parce qu’avec l’interdit sa chambre avait attiré son attention, une sorte d’admiration de ce que pouvait être une vraie chambre de jeune fille.
Il déboula dans l’entrée, inquiet de l’état de son maître. Et aussi avec la hâte de sortir de ce manoir, qui maudissait à présent plus d’une personne vivante, ici. Il se jeta sur le verrou, prêt à trifouiller, mais se reprit, préférant respirer calmement et réfléchir. Agir à la hâte risquerait d’abimer plus encore le loquet et abimerait la barrette de sa sœur, inutilement. Il examina la manière dont la porte s’était bloquée, et imagina l’engrenage dans son cerveau. Il ne lui fallut guère de temps pour trouver ou placer son arme inoffensive et la manière de la tourner pour qu’un bruit se fasse entendre, signifiant l’accès libre à l’extérieur.
Il se retourna vers Anaïel, victorieux, et l’aida à se relever afin de sortir du cauchemar qu’ils venaient de vivre. A l’air libre, ils prirent tous deux de grandes inspirations, s’éloignant de l’entrée le plus possible. Il prit alors ce temps là pour se concentrer sur son ventre et ce qui y dansait, valsait à présent. Ce fut comme un déclic. La barrette de sa sœur prisonnière de son poing, il se tourna, un peu pâle, vers la marchombre. Il s’approcha tout près, très près, sentant encore le souffle irrégulier de la jeune femme. Sa main libre passa avec douceur sur sa joue en feu, et il murmura :
-Je vois à nouveau. Et ce que je vois est beau.
De son pouce il traça un demi-cercle sur sa pommette.
-Il y a dans mon ventre, une sensation nouvelle qui m’acclame. Je crois qu’elle s’appelle l’envie. L’envie de vivre et d’avancer…
La dépression semble s’être tarie bien plus loin que sous mon lit. L’ombre maternelle l’aurait-elle décimée ?
-Je ne sais ce qu’il s’est passé, mais je sais que tu as réussi.
Il quitta sa joue pour écarter l’une de ses mèches et l’attacher avec la barrette de sa sœur.
-Elle est simple, juste faite d’or de noble. Mais elle vient de loin. Tout comme nous venons de loin.
Il prit à deux main le visage de la marchombre, l’approchant si près de son propre visage que leurs nez se touchèrent.
-Merci.
Puis il s’écarta, ne voulant pas étouffer Anaïel.
-Je voudrais pouvoir te soigner, comme tu viens de le faire…Souffla-t-il.
Je voudrais que tu sentes cette vie dans ton ventre, à ton tour.
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| Sujet: Re: Les toiles dévident en ce rêve... [Terminé] Jeu 9 Juin 2011 - 21:57 | | | L'air frais lui fit un bien fou. Elle sentit tournoyer les senteurs autour de son nez, les effluves du passé se diluèrent dans celles plus rudes et plus vives de la ville qui bruissait d'un sommeil plus actif que la nuit. La fraîcheur s'entortilla autour de ses doigts, les patinant d'albâtre, tandis que ses poils se hérissaient, et chassaient avec leur lent mouvement une partie de la souffrance qui cuisait sa main et sa tête. Elle ne réfléchit pas, se contentant de se laisser aller au contact de son élève, il prenait soin d'elle.
Il prenait soin d'elle.
Jamais personne n'avait prit soin d'elle de cette manière, comme une petite chose fragile qu'il ne fallait pas brusquer au risque de la briser en milles morceaux. C'était étrange, tant elle se savait forte, en dedans, tant elle se sentait vivante, tant la charpente de ses os pliait, toujours, sans jamais céder. Pourrait-elle un jour éclater en mille morceaux ? La réponse fusa, instantanée : oui. Si Ewall la quittait. Elle se briserait. Son coeur se briserait. Une partie tout du moins.
Elle soupira. Les fils qu'il avait tressé jusque sous sa peau la rendait, paradoxalement à la chaleur et au bonheur qu'ils dispensaient comme une douce électricité, nerveuse. Nerveuse d'être aussi à l'étroit dans cette partie du monde qu'elle ne connaissait pas, nerveuse à l'idée de possiblement souffrir à cause de quelqu'un. Mais c'était le prix de l'humanité, le prix d'une partie de sa liberté au profit d'une vie plus équilibrée. L'harmonie. Rechercher l'harmonie, jusque dans la désharmonie des âmes, la rechercher au cœur, et se donner, sans concessions aucunes, à l'équilibre, à la voûte insensée des sentiments, à la route sinueuse de l'humanité et de ce que l'âme humaine requérait.
Serait-elle à la hauteur ?
En regardant le visage ravagé de larme d'Ewall, en scrutant la tension de ses épaules et le tremblement de ses mains, elle se dit que non. Mais en remarquant la lumière qui baignait ses deux émeraudes de pupilles, plongée jusqu'aux tréfonds dans la clarté qu'il irradiait, en sentant à travers les pores même de sa peau la chaleur que distillait un improbable sang neuf, elle se prit à espérer que oui. Inconsidérément. Follement peut-être. Elle se prit à espérer. De toute son âme.
Ils s'éloignèrent ensemble du manoir maudit, la porte béant dans leur dos, comme trahie, répandant sur leur nuque les miasmes atroces d'un passé que tout les deux espéraient révolu. Le gravier crissait sous la semelle, collaient les pas tremblants, et la sueur goûtait le long de leurs échines, refroidissant un peu plus les extrémités de leurs petits corps, tandis que la chaleur pulsait en eux, à travers eux, comme un soleil qui éclabousserait l'ombre entortillée autour de leurs coeurs. Il s’arrêtèrent, non loin. Et la promiscuité brûlait la marchombre, c'était comme se rapprocher, un peu plus à chaque instant avec au bout, la lumière étincelante et si belle qui risquait fort de devenir létale. Pour le jeune homme. A trop jouer avec le feu de ses prunelles, il allait carboniser ses belles lèvres si pleines. Anaïel soupira d'aise, cependant, parce qu'au fond d'elle, pour quelques obscures raisons, elle aimait ces contacts, elle les sentait vibrer sur sa peau, sur elle, en elle, bien plus profondément que ce qu'elle aurait pu imaginer. Sa main pendait le long de son corps. Elle la leva pour effleurer du bout des doigts la tempe du jeune homme, lui rendant sa caresse avec un sourire qui fit flamboyer ses prunelles de feu.
Elle avait réussit.
Par un étrange revirement des faits, elle avait réussit.
Mais lorsqu'il glissa sa main dans ses cheveux, avec au bout une petite épingle de métal, elle prit son poignet et l'immobilisa fermement, non sans douceur cependant. Elle prit la barrette de ses doigts, et il se laissa faire. La confiance qui resplendissait dans ses gestes emplit la marchombre d'un sentiment d'émerveillement stupéfiant qui se transforma vite en une indicible tendresse. Elle baissa les yeux, le rouge aux joues, pour regarder l'or qui scintillait faiblement sous la nuit. Elle était toute simple, avec pour seule parure la matière dont elle était constituée, cette matière si précieuse que des milliers d'humains s'entretuaient pour un seul de ses clin d'oeil jaune. Elle la tourna entre ses doigts. Jamais elle n'avait compris la valeur si importante que tous accordaient à un métal qui n'était bon qu'à se tordre sous les coups de marteau. L'or était friable et n'avait que peu d'utilité outre sa beauté qu'aucun métal ne parvenait à imiter. L'originalité était la loi absolue dans ce domaine, Anaïel s'en rendait bien compte. Mais chaque personne également était originale, bien plus profondément qu'un morceau de métal, et pourtant des vies étaient détruites pour lui. Elle secoua la tête. Ce débat là était une autre histoire, seul comptait à présent le cadeau qu'Ewall lui présentait.
Elle referma les doigts du jeune homme autour de la barrette, sans la toucher plus. Elle ne voulait pas de ce cadeau. L'objet avait appartenu à sa soeur ou à sa mère, et même si elle n'accordait que peu de valeur au matériel, elle savait qu'Ewall y avait investit une partie de ses sentiments. Hors, elle ne voulait pas être assimilée à qui que se soit, par l'objet ou par l'acte, par l'intention ou par l'action. Elle sourit doucement pour atténuer sa réaction.
- Je ne suis pas de ta famille, Ewall.
Elle se rapprocha un peu plus si c'était possible.
- Je veux que tu me vois moi, quand tu me regarderas, et je ne veux pas d'une ombre au goût de poussière dans la nuque. Cette barrette est à toi, à ta famille, je ne fais pas partie de tout ça. Moi je suis là parce que d'une manière où d'une autre nous sommes liés. Tu es mon apprenti après tout. Je n'ai fait qu'essayer de te montrer une lumière dans le coin le plus obscur que j'ai pu voir en toi.
Saisirait-il ce qu'elle voulait vraiment dire ? Elle releva les yeux vers lui, et les plongea dans les sien, vrillant son âme à la sienne dans une étreinte visuelle aussi puissante qu'un acte charnel. Elle en eu des frisson sur les bras tant les tourbillons de vert l'aspiraient au gré des secondes.
- Cette barrette ne m'appartiendra jamais, et jamais tu n'oublieras ton deuil. C'est un fait, et c'est normal. Mais de l'originalité tu peux en trouver partout. Si tu tiens à me faire un cadeau, chercher quelque chose qui ne me donnera pas l'impression que tu transpose ton deuil d'une personne à une autre. Je ne remplacerais jamais ta soeur. Ni ta famille. Jamais.
Le territoire, toujours le territoire. Anaïel était un prédateur, une entité animée d'un mouvement de vie quasi animal. Elle sentait, presque , la présence de la défunte dans l'objet, et ne voulait pas en être encombrée. Mais en même temps, cela la troublait de refuser un cadeau d'Ewall, le premier, alors qu'il y mettait tant d'âme. Alors, pour effacer le trouble qu'elle vit se peindre sur ses traits, elle s'avança encore un peu pour le prendre dans ses bras. Il avait reculé, précédemment, pour une raison qu'elle n'avait pas compris. Mais elle s'en fichait. Ewall. Son apprenti. Son frère de douleur, d'une certaine manière, son âme soeur. Deux équilibristes suspendus au dessus du vide créer par l'humanité. Deux funambules aux courbes floutées par le vent, filant vers l'infini dans une spyrale à peine contrôlée.
Elle murmura, au creux de son oreille.
- Tu fais déjà tant pour moi...Avant toi je n'avais jamais pris de plaisir à toucher quelqu'un. J'ai l'impression de devenir plus humaine.
Alors, d'un mouvement fluide, elle se dégagea et se coula derrière lui pour lui saisir les épaules et le faire pivoter. Dans le dos d'Ewall, elle voyait le manoir où tout, peut-être, avait commencé. Elle laissa tomber ses deux bras le long du corps en respirant calmement.
- Maintenant on va aller à l'Académie de Merwyn.
Là où sa vie avait enfin prit un sens. Là où elle était devennue ce qu'elle était, forgée par le ciel et la terre pour se couler dans un moule unique, à sa mesure, le moule de son avenir qu'elle voyait, chatoyant, se dessiner devant elle. Et dans cette avenir, maintenant, il y avait une deuxième silhouette. Une silhouette qu'elle aimait, quoi que le ciel puisse en dire. Quoiqu'elle même puisse en penser.
- Si tu en a toujours envie, bien entendu.
Elle avait lâché cette dernière phrase avec une assurance nouvelle. Quelque chose coulait en elle, colmatant les fissures poreuses de son coeur comme une lave chaude et douce. Elle avait confiance, à présent. Le vent fit voler ses cheveux par l'arrière et, plus que tout autre chose en cet instant, elle sentit une infime mélodie monter de sa main blessée. Qu'importe ce qu'il pourrait arriver, elle souffla une stridulation de joie, le monde chantait pour eux.
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| | Messages : 101 Inscription le : 31/08/2010 Age IRL : 32
| Sujet: Re: Les toiles dévident en ce rêve... [Terminé] Dim 19 Juin 2011 - 10:53 | | | A la grande surprise du garçon, les doigts de la marchombre se refermèrent sur les siens, refusant d’un geste la barrette. Il fronça les sourcils, ne comprenant pas. Que signifiait ce refus ? Entrainait-il un autre refus ? La fin, déjà, de leur lien dans une même voie ? Il suait, prenant peur, soudainement. Etait-ce une erreur de l’avoir emmené si loin dans son passé ? L’épreuve avait-elle été bien trop ambitieuse pour ce début de relation ? Et pourtant il se sentait déjà si proche de cette femme ! Comme si aucune arme n’aurait pu le dissocier d’elle.
Elle sourit, pourtant, et lui expliqua. Si l’explication n’impliquait pas la fin de leur lien d’apprentissage, elle blessa toutefois Ewall. Il n’avait pas voulu faire ce cadeau comme une appartenance à sa famille. Il voulait le lui faire parce qu’il l’aimait, à présent. Et il savait bien qu’il ne l’aimait pas comme on aime sa famille, comme il avait pu aimer Galoudryelle, par exemple. Et ce qui faisait d’autant plus mal était sa manière de minimiser la relation qui s’était tissé entre eux depuis son arrivée au sein de la troupe. « D’une manière ou d’une autre nous sommes liés »… « apprenti après tout »…. « je n’ai fais que » … Alors ce n’était que cela ? Un lien de maître à apprenti banal et rien d’autre ? Tant de regards et de sensation que des « n’au que » ? Il baissa les yeux, déçu de si peu d’intensité dans ses paroles soudain. Elle ne le regardait plus de la même manière. A ses yeux de velours, il n’était plus le Ewall saltimbanque, celui qu’elle avait entrainé et de qui elle voulait recevoir quelque chose.
Une montée d’exaspération le prenait. C’était elle qui ne comprenait pas. Bien entendu qu’elle ne remplacerait jamais sa sœur. Jamais il n’aurait pris sa sœur dans ses bras, jamais il ne lui aurait parlé de cette manière, d’une voix pleine de promesse, jamais il ne l’aurait suivi au bout du monde, ainsi. Ne comprenait-elle pas les sentiments qui l’animaient, à l’instant ?
Ainsi, lorsqu’elle s’approcha, il recula. Pas suffisamment, mais juste un petit pas, infime qui veut dire : j’ai mal. Et puis ses mots eurent l’effet d’une décharge électrique.
J’ai l’impression de devenir plus humaine.
Il frissonna, conscient de l’effet qu’elle pouvait avoir sur lui, mais ne comprenant pas. Que devait-il en tirer de tout cela ? Qu’il n’était que son apprenti, ou plus, ou… ? Il était perdu, et aurait donné n’importe quoi pour avoir à ses côté un traducteur qui lui explique ce que pouvait bien ressentir en retour la marchombre !
De ses gestes si fluides et empreints de grâce, elle se lovait derrière lui, l’enveloppant de ses bras charnels. Mais ce n’était qu’une petite proposition. Juste celle de continuer comme prévu. Juste comme un maitre et un apprenti. Il déglutit, ne sachant s’il devait ou non éclaircir cette déception qui décousait son cœur.
Il hocha simplement la tête, ne pouvant dissimuler le sourire de rester tout de même avec elle. Il glissa sa main dans la sienne, plongea ses émeraudes dans les pupilles de son maitre, à la recherche du moindre indice d’un sentiment plus fort, plus espéré.
-Ce n’est pas le chemin qui m’emplie d’envie. Souffla-t-il.C’est toi.-Qu’importe soit-il, je te suis.Qu’importe ce que tu ressens pour moi, tu dois très biens avoir que je te considère bien plus qu’un maitre. Et que si à présent je n’ose te déclamer la pointe triste qui perce mon cœur de ton refus, un beau jour je te le dirais. Je te le soufflerais. Le murmurerais. Comme un baiser effleurant ton visage, je te ferais savoir pourquoi mon cœur s’enflamme.
Il tenait toujours la barrette d’or dans la main, ne sachant à présent quoi en faire. Il la glissa dans sa poche, songeant que peut-être, plus tard, elle pourrait lui être d’une utilité quelconque. Mais surtout, qu’à l’instant, il désirait tout sauf retourner dans le manoir pour l’y ranger.
Ils quittèrent ainsi la route retranchée d’Al Jeit, marchant côte à côté. Leurs mains s’étaient déliés, mais pas leurs pensées. Ewall ne pouvait que lui jeter de brefs et fréquents coups d’œil, sachant qu’elle ne dirait plus rien de cette aventure.
Il repensait avec angoisse à la réaction qu’elle avait eut, à ses spasmes lorsqu’elle s’était jetée sur la commode, aux visions qu’elle semblait avoir eut. Et à la sensation qui avait dansé dans son ventre. Outre le pouvoir de voler, de quoi donc était-elle capable ? Il décida donc de rompre le silence.
-Je sais que tu gardes mille secrets en ton cœur. Il sentit le regard de la jeune femme se faire plus marqué sur lui. -Est-ce toi, ou ta voie, ou les deux sans doute, je ne peux le savoir. Et je n’ai pas à poser de questions. Ses iris virèrent sur le côté, pour se concentrer sur Anaïel.-Mais permets-moi, en retour à ce que tu ne peux pas me révéler, d’avoir moi aussi quelques silences. Tu en sais déjà plus de moi que ce que quiconque ne sait. Tu as du le voir, la troupe ne connaissait pas même mon véritable nom. Ce n’était pas un reproche, mais peut-être un léger regret d’avoir trop vite révéler ce qu’il était. Car que savait-il à présent en retour de son maitre ? Qu’elle possédait des dons hors normes dont il ne pouvait ne serait-ce qu’imaginer l’ampleur et l’origine ? Qu’elle ne semblait pas partagé les mêmes sentiments ? Mais d’elle. De son passé, de ses amours, de sa famille ? Rien.
-A présent je voudrais que l’on se concentre sur mon apprentissage, sur l’Académie. Et plus sur ma vie. Mon passé est derrière nous, il n’y a plus rien à en dire.Il sourit, faiblement, mais il sourit. Il ne voulait pas la brusquer, ni la blesser. Mais un bout de son cœur refusait de se laisser ainsi mettre à nu sans retour.
Tu te demandes donc ce que je pourrais bien te cacher de plus ? T’ais-je parlé de ma plus proche amie ? La dépression ? Pas encore. Mais surtout, je ne veux pas que tu saches ce qui anime mon cœur à présent. Ces mots que je pense, que je vis, jamais ils ne pourront sortir de mes lèvres, de peur du même refus que tout à l’heure.
Je t’aime, Anaïel.
Mais ça, c’est mon silence.
[J’pense qu’on peut terminer ce rp là, ou après ta réponse, non ? On continue au bal ! ] |
| | Messages : 462 Inscription le : 09/12/2006 Age IRL : 33
| Sujet: Re: Les toiles dévident en ce rêve... [Terminé] Dim 19 Juin 2011 - 12:55 | | | Son sourire s'était figé. Comme une goutte entre deux eaux, comme un doute entre deux maux. Tout d'abord, elle ne comprit pas son recul. Ce petit pas, tout simple, juste quelques centimètres, comment ce mouvement tout bête pouvait-il à ce point faire peur ? Pourquoi cette sueur froide qui glace comme un morceau de neige dans la nuque ? Elle regardait, regardait encore son visage qui souffrait. Y cherchant un signe, quelque chose qui lui dirait : voilà pourquoi je recul, voilà pourquoi je te fuis. Mais rien. Elle avait constamment devant ses sens deux prunelles vertes qui la fixait, et ça noyait sa perception, l’empêchait de réfléchir clairement, de comprendre pourquoi. Elle avait l’intuition cependant, que ça avait un rapport avec la barrette. Il avait mal prit son refus.
Son poing se serrait sur le bijou. Et les tendons saillaient, cherchant à s’échapper de la gangue de peau qui les retenait prisonniers. Et son sourire, lui, au contraire, s’enfonçait dans des méandres où la jeune femme ne pouvait pas le suivre. Elle croisa les bras sur sa poitrine. Comme pour se protéger du froid. Mais en réalité, alors qu’elle détournait les yeux, elle cherchait juste à étouffer les mouvements désordonnés de son cœur affolé. Elle n’en laissa rien paraître , cependant. Et se contenta de frissonner longuement.
Elle l’avait blessé. Il n’avait pas compris pourquoi elle refusait son cadeau. Mais peut-être qu’elle-même n’avait pas compris l’importance qu’il attachait au bijou doré. Toujours est-il qu’elle avait mal de le faire souffrir. Du coin de l’œil elle regardait l’angle de sa mâchoire qui tressautait, comme sous la colère. Comme si des mots voulaient sortir du barrage de ses lèvres pleines. Elle attendit, en silence. Le vent soufflait, mais ce ne fut pas lui qui lui glaça le cœur.
Glaça ? Brûla plutôt ! Les mots d’Ewall la rendirent encore plus perplexe qu’elle ne l’était. Elle sentit sous les paroles quelque chose de très puissant, quelque chose qui lui fit un peu peur. Peur de comprendre de travers et de ne retenir que ce qu’elle voulait entendre. Jamais elle ne supporterait qu’il ne parte, sans avoir vraiment la clarté d’esprit nécessaire pour mettre des mots sur les sentiments qu’elle éprouvait pour le jeune homme. Elle ne voulait juste pas qu’il parte. Et ses mots étaient sans équivoque de ce côté-là. Il continuait avec elle. Mais le reste était tellement ambiguë…
Il détourna le regard et toute son attitude indiquait que la conversation était terminée. Elle ravala donc les paroles qu’elle ne savait pas prononcer, celles qu’elle sentait bruisser dans sa gorge, dans un vortex au sens inconnu et aux mots brouillés. Elle le suivit, doucement, sans un bruit, comme une ombre indécise. Alors qu’ils marchaient dans les rues d’Al-jeit, sans vraiment de but précis, la marchombre réfléchissait.
Elle sentait qu’elle perdait pieds avec la réalité, avec elle-même, avec ce qu’elle avait toujours cru savoir. Ce qu’elle ressentait, sans l’oser se l’avouer, c’était tellement nouveau ! Elle parvenait depuis peu à nouer des relations à peu près normales avec les autres, mais depuis quelques temps seulement. Elle jeta un regard en coin à son apprenti. Il marchait, avec la souplesse qui était la sienne, le regard perdu devant lui, les sourcils froncés qui formait un pli sur son front. Et cette fois-ci, elle ne pouvait vraiment pas l’aider. Elle soupira, tout en sachant parfaitement que son empressement à nouer des liens très forts avec quelques rares personnes lui avait sans doute couté l’amitié d’Ambre. Elle voulait tout. Tout de suite, avec le plus d’intensité. Mais là, elle ne savait pas comment faire, tout simplement.
Alors qu’elle était perdue dans ses pensées, elle faillit manquer les paroles d’Ewall. Celles-ci mirent du temps à parvenir à ses sens tant elle ne s’attendait pas à leur teneur. Elle pila, au milieu de la rue, avec bien trop peu de grâce pour son statut de marchombre. Il y avait quelque chose de très douloureux dans ses mots. Et elle redoutait ce qui allait suivre. Elle ne fut pas déçue. Il ne voulait rien de plus qu’une relation maître élève.
Cette constatation fit plus mal à la marchombre qu’elle n’aurait pu s’y attendre. C’était un peu comme marteler son cœur, à coups brefs et violents, sur chaque centimètres carrés, sur ceux surtout qui avaient cru à quelque chose de plus, à une histoire qui aurait illuminé une vie qu’elle n’avait jamais imaginé. Dans l’ombre, elle saisit sa lèvre entre ses dents et serra, pour atténuer cette douleur sourde qui pulsait. Elle ne comprenait pas.
D’un geste rageur devant sa propre incapacité à mettre des mots sur ses propres sentiments, sur le pourquoi de la douleur et de la tristesse, elle se remit en marche brusquement, avec une démarche de fauve. Elle serrait les poings. Voulait les écraser contre un adversaire, contre cet adversaire qui lui faisait mal. Mais il n’y avait personne. Qu’un écran de fumée sur lequel dessiner des volutes caresses, au lieu des hématomes qui lui démangeaient les doigts.
Puis, aussi brusquement qu’avait surgit sa violence latente, elle se calma. Elle ne dit rien, un moment, se contentant d’observer le désert des rues qu’ils traversaient, en quête de réponses et d’avenir. Puis elle sifflota, la voix un peu rauque sous les émotions qu’elle essayait sans succès de museler.
- Je ferais ce que tu veux.
Que rajouter ensuite ? Que tu pourrais avoir des réponses, si seulement tu me les avais demandés ? Tu ne m’as posé aucune question, sur ce que je suis, sur ce que je t’ai montré ce soir. J’ai tellement l’habitude de me cacher que je n’ai pas pensé à t’expliquer, mais tu aurais pu demander. M’aider à comprendre ce que tu attendais. C’est ça que je t’ai demandé. Notre pacte. Je t’apprends à être marchombre. Tu m’apprends à être humaine. Mais tu ne m’explique pas. J’ai trop de mal à mettre des mots sur tout ça pour réagir, même spontanément, comme tu t’y attends. Et je ne veux pas te faire souffrir. Oh non, je ne veux pas.
Mais Anaïel ne rajouta rien de plus. Elle avait juste les yeux humides et les flammes qui y dansaient semblaient se noyer au contact de la pupille charbon. Elle avait besoin de lui. Mais jamais elle n’avait eu aussi peur des intentions de quelqu’un. Elle l’aimait, vraiment, d’une manière tellement différente d’Elera ou Elhya. Elle l’aimait. Et elle ne tiendrai surement pas sa promesse. Parce que son cœur ne se contenterait pas d’un simple apprentissage. Aussi marchombre fut-il.
Elle tendit la main, sous une impulsion irréprimable. Et lui saisit les doigts, qu’elle entrelaçât aux siens. Une larme coula, une seule, alors que le brouillon émotionnel débordait. Elle espérait qu’il ne verrait rien, mais ne se cacha pas non plus. La vue se brouilla et elle se laissa guider par la chaleur de son ami. Entièrement à sa merci.
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| | | Sujet: Re: Les toiles dévident en ce rêve... [Terminé] | | | |
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