Un nouveau cours [Terminé]

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[J'ai eu beaucoup d'inspiration pour le titre ]

Enelyë avait attaché ses cheveux. Une longue natte noire tapait donc régulièrement dans son dos, au rythme de sa marche. La Corbac aimait beaucoup sentir ses pas ponctués...

La missive de Varsgorn lui donnait cette fois rendez-vous à la cascade, comme d'habitude, en plein milieu de la nuit. Cela faisait environ une semaine qu'elle attendait le prochain cours.

Lorsque la Corbac arriva à la cascade, elle ne put s'empêcher d'admirer le scintillement des étoiles qui se reflétait sur l'eau. Vision magique, féerique. Mais au bout d'un moment, comprenant que rien ne l'interromprait dans son observation, elle se retourna.

Où donc était le garde ?

*Tsss... Maintenant, même les maîtres arrivent en retard...*

Non, elle ne s'était pas trompé d'endroit. Non, elle n'était pas arrivé en avance. Varsgorn n'était pas là, c'était donc entièrement de sa faute. Enelyë s'assit et croisa les bras. Attendant comme une gentille fille le garde ~~qui s'en prendrait plein la tête en arrivant~~.

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Varsgorn s'était dissimulé dans les nombreux buissons qui entouraient la sublime cascade. Il était arrivé plus tôt pour éviter de croiser Enelye. Il voulait la surprendre quand elle ne s'y attendrait pas.

Ses derniers jours, le mercenaire n'avait pu rejoindre son apprentie. Son travail de trésorier lui avait pris tout son temps et chaque soir, la fatigue s'était faite ressentir. Aujourd'hui, il avait enfin pu se débarasser de ses tâches pour retrouver la Corbac pour un nouveau cours. Etre trésorier ne le dérangeait pas mais il n'aimait pas trop que ses plans soient dérangés pour rendre service à cette académie qu'il avait tant détestée.

Mais ce soir-là, il oubliait tout. Il se consacrait totalement à l'apprentissage de sa jeune apprentie. C'était d'ailleurs bel et bien pour ça qu'il s'était caché. Il se doutait bien qu'Enelye ne se soucierait pas de ce qui se passe autour d'elle. C'était à ce moment-là qu'il passerait à l'action.

Il vit la Corbac arriver tranquilement. Elle avait noué ses cheveux en une longue natte. Très bonne initiative. Ainsi c'est plus facile de se battre et de se déplacer. Elle se transformait de plus en plus à chaque fois. Elle deviendra une redoutable Mentaï, Varsgorn en était certain. Le mercenaire la regarda s'installer et il attendit quelques instants. Faisant appel à son savoir marchombre et mercenaire, il se glissa derrière elle. Tout aussi silencieusement, il s'empara de l'un de ses couteaux. Tout était prêt. Le silence allait laisser sa place à la rapidité. Varsgorn attrapa sa jeune apprentie au niveau du cou et il plaça la lame de son couteau à quelques centimètres à peine de la gorge de la Corbac.

- Fais toujours attention à ce qui t'entoure. L'ombre est un danger de chaque instant. J'aurais été un ennemi, tu serais morte. Le moindre petit craquement de branche, le moindre bruissement peut trahir la présence d'un ennemi. Cette leçon est la plus importante de toute car c'est grâce à elle que tu resteras en vie.

D'un geste rapide, il rangea son couteau et il s'installa aux côtés de son apprentie.

- Aujourd'hui, je vais t'apprendre à être discrète en tout temps. Comme tu l'a vu, on prends facilement le dessus quand personne ne peut nous voir ou nous entendre.

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[Je répondrais plus vite la prochaine fois ! ~~Ô vénéré maître !~~]

D'instinct, Enelyë allait mordre le bras qui la retenait, lorsqu'elle aperçut le poignard à quelques centimètres de sa gorge. Une sourde panique monta doucement en elle. S'il le fallait, elle crierait. La Corbac se mit soudain à observer la main qui tenait le poignard. Elle l'avait déjà vu. Une blague, certainement. Très mauvaise, d'ailleurs. La colère commença à monter, prenant peu à peu la place de la panique. La voix de son maître mit de l'huile sur le feu. Elle allait se mettre à hurler. Puis elle se ravisa. Son maître était là pour lui apprendre, et de toutes façons, crier ne servirait à rien, n'est-ce pas ? Enelyë soupira pendant que Varsgorn venait s'asseoir à côté d'elle.

Elle se sentait réellement idiote. Dans cette situation, si elle avait eu affaire à un ennemi véritable, elle serait morte, comme Varsgorn le soulignait. La Corbac n'avait pas songé un instant à utiliser le Don, mais de toutes façons, elle n'en aurait sans doute pas eu le temps. Elle écouta le garde qui reprenait la parole. Être discrète. Elle ne savait l'être que dans le bruit, comme lors du cours de dessin où elle avait marché silencieusement au rythme de la pluie. Mais elle savait que là, être discrète signifiait "dans un tel silence que même les marchombres ne doivent pas l'entendre". Et ça, pour la dessinatrice, c'était tout simplement...

- Impossible.

Elle avait lâché le mot, comme ça, qui suivait son raisonnement. La jeune femme ne l'avait pas fait exprès, mais il était sorti. Elle se fit alors un devoir d'expliquer ce mot.

- Ce que je veux dire, c'est que, la discrètion et moi, ça fait deux. Je n'ai jamais pu m'empêcher de rire quand je jouais à cache-cache. Dans un grand silence, je serai la seule à réussir à faire du bruit. Même un Raï se montrerait plus discret que moi !

Ce n'était pas totalement vrai. Ni totalement faux. C'est vrai qu'elle se comportait comme une gamine insouciante, qui ne saurait prendre en compte le danger. Mais elle devait quand même être plus discrète qu'un Raï. Même dans un silence total. Enelyë tortilla une mèche qui s'était échappée de sa natte. Sincèrement, elle ne pensait pas y arriver. Mais peut-être que son maître réussirait à changer sa maladresse en discrètion. Il pouvait toujours essayer, en tout cas.

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- Impossible? Comment ça impossible? Rien n'est impossible. Je suis capable de le faire alors toi aussi tu le peux. Il faut du travail pour cela. Je suis certain que tu n'arriveras pas à tromper ma vigilance en une semaine mais on a plusieurs années devant nous. Je m'engage à transformer le bruyant Raïs qui est en toi en un discret marchombre.

Varsgorn avait de nombreuses fois repoussé cette idée de l'impossible. Les Marchombres et les Mercenaires faisaient de nombreuses choses jugées impossible par le commun des mortels. Il fallait repousser ses limites pour arriver à triompher de ses ennemis. Varsgorn avait longtemps survécu grâce à son apprentissage marchombre. Certes, il détestait son passé d'arpenteur de la Voie mais il devait sa survie grâce à son talent. Varsgorn était un opportuniste. Dès qu'il voyait un moyen de tirer profit ou de rester en vie, il fonçait. Il avait quitté la voie des marchombres quand il avait été kidnappé par les Mercenaires. Varsgorn était prêt à tout pour rester en vie. Certains luttaient jusqu'à la mort pour leur conviction, ce n'était pas le cas de Varsgorn.

- Bien maintenant, je veux voir de quoi tu es capable. Je reste assis là et toi tu te dissimules dans l'ombre. Je te demande une seule chose. Tu dois réussir à me toucher sans que je réagisse. Je ne te donnes aucun conseil au départ, j'ai envie de voir de quoi le Raïs est capable. Allez, en piste demoiselle.

Varsgorn souriait. Il se doutait qu'il n'aurait aucun problème à capter la présence de sa jeune apprentie. Le mercenaire avait trompé plusieurs marchombres qui étaient mort à l'heure actuelle. Ce n'était pas une simple dessinatrice qui arriverait à s'approcher de lui sans faire le moindre petit bruit. Surtout si elle se décrit elle-même comme un Raïs.

[Désolé, c'est un peu court, je me rattraperais au prochain coup]

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Marchombre. Il avait en quelque sorte prononcé un mot magique. Une douce mélodie, remplie d'un certain mystère. Comme lorsque Lya lui avait dit. Mais avec une pointe d'amertume. Ca n'avait pas échappé à la dessinatrice qui se demandait d'où lui venait cette sensation. Puis elle se rendit compte que c'était tout simplement le ton que Varsgorn avait utilisé sur le dernier mot, sans le faire exprès, sans doute. Et peut-être également l'expression de ses propres sentiments alors qu'elle se détournait de ce qu'elle avait voulu être. Mais la Corbac savait aussi que ce n'était qu'un passage. Elle était tout simplement intriguée par ce qu'elle ne connaissait pas.

Elle allait se relever quand le garde reprit la parole. Il voulait voir de quoi elle était capable. Enelyë lui jeta un regard suspicieux. Il était évident qu'elle n'arriverait à rien. Tant pis. La Corbac se releva, sa natte venant taper contre son dos avec une douceur certaine. Elle regarda Varsgorn s'asseoir et chercha un instant une cachette derrière lui. En essayant d'être la plus discrète possible, elle s'y rendit.

~~~~

Cinquième essai. Et Varsgorn arrêta une fois de plus son bras. Enelyë était prête à abandonner quand une autre idée lui vint à l'esprit. Elle retourna vers sa cachette et se jeta dans les Spires. Elle ne savait pas trop quoi dessiner. Elle décida de créer une petite sphère lumineuse dans le coin opposé à l'endroit où elle voulait aller, puis fonça, en essayant tout de même de faire le moins de bruit possible.

La demoiselle aux cheveux noirs se rapprochait du garde et tendait doucement son bras vers lui...

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Varsgorn était sûr de réussir à bloquer sa jeune élève. Il s'était installé en ne doutant pas de ses capacités. Première tentative. Raté. Le mercenaire avait entendu un craquement de branches. La jeune fille ne faisait pas encore attention où elle marchait. Logique, c'était certainement la première fois qu'elle tentait cet exercice. En tout cas, Varsgorn aurait été fort étonné qu'Enelye ait déjà tenté cet exercice. Il y eu d'autres tentatives, toutes ratées. Le mercenaire stoppait à chaque fois la main de son apprentie avant qu'elle ne touche son épaule. La Corbac persévérait. A chaque échec, elle repartait se dissimuler dans l'ombre. Elle ne lâchait pas le morceau. C'était une excellente qualité. Varsgorn se demandait quand elle renoncerait.

Alors que le mercenaire attendait une énième tentative, une sphère lumineuse lui passa par dessus l'épaule. Instinctivement, Varsgorn se leva et il regarda l'endroit où la sphère avait atterit. Il avait un couteau dans chaque main. Si un ennemi se trouvait-là, il devrait lui passer sur le corps. Il n'y avait rien, pas de bruit, pas d'ombre suspecte. Soudain, il comprit ce qui s'était passé. Mais c'était trop tard, il sentit une pression sur son épaule. Enelye l'avait piégé avec l'aide de son Don. Varsgorn rengaina ses couteaux et il se tourna vers son apprentie. Un Mentaï n'aurait pas fait mieux. Elle était maligne, cette jeune fille.

- Bien joué, tu m'as bien eu. Certes, cette technique est loin d'être discrète mais au moins, tu as réussi à détourner mon attention. Un petit conseil, ne fais pas ça quand tu cherches à surprendre deux ennemis sinon tu te feras tuer par l'un ou l'autre, crois moi.

Varsgorn s'empara d'un couteau qu'il tendit, côté poignée, à son apprentie. C'était la copie conforme du premier qu'il lui avait offert. La seule différence, les rubis de la garde avait cette fois-ci laissé la place à des émeraudes.

- Tu m'as eu ce soir alors tu mérites bien ce deuxième couteau. Second symbole de progression dans l'apprentissage que je t'offre.

Enelye prit le couteau et Varsgorn reprit la parole.

- Maintenant que tu m'as montré ce que tu sais faire, je vais te montrer ce qu'il faut faire et ne pas faire. A moins que tu sois trop fatiguée et que tu préfères retourner dans ton lit.

Varsgorn laissa un temps de silence. Enelye ne dit rien. Avait-elle comprit qu'il attendait une réponse? Non, certainement pas. Il reprit donc la parole:

- Alors, on fait quoi? On continue l'apprentissage ou tu retournes dormir.

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Enelyë avait réussi à avoir son maître et elle devait avouer qu'elle était assez fière d'elle. Son sourire s'estompa un peu lorsque Varsgorn lui expliqua les inconvénients de sa ruse, puis son regard noisette se posa sur le poignard que lui tendait le garde.

Les rubis de la dernière fois avaient été remplacés par des émeraudes. La Corbac prit le couteau et écouta la suite des instuctions de son maître. Il lui demandait si elle voulait continuer le cours ou si elle voulait aller dormir. Pensant que c'était une plaisanterie, elle ne répondit pas et se contenta de faire voyager son regard sur tout ce qui l'entourait. Ce qu'elle avait trouvé sublime lui apparaissait à présent comme quelque chose de féerique, avec toutefois un quelque chose assez apeurant.

Varsgorn répéta sa question. Ce n'était donc pas une farce. Enelyë rejeta une mèche d'ébène derrière son oreille et regarda son maître avant de parler.

- On continue, c'est évident.

Elle serait déjà partie, autrement. La dessinatrice remarqua soudain que le garde avait toujours sa cicatrice au-dessus de la lèvre, mais elle ne dit rien.

Et à nouveau son attention fut attiré vers l'éclat de la lune et des étoiles qui venait se réfléter sur l'eau sombre. La cascade n'était pas vraiment grande, mais l'eau mousseuse qui tombait, s'écrasait contre les rochers avec une violence certaine devait décourager mêmes les plus courageux. Puis elle fut interrompu dans ses réflexions par la voix de Varsgorn, qui la ramena subitement à la réalité.

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Varsgorn avait posé la question simplement pour la forme. Il se doutait bien qu'Enelye allait répondre qu'elle voulait continuer. De toute manière, le mercenaire aurait mit fin à l'apprentissage. Il n'avait pas besoin de fainéant à ses ordres.

- Bien, comme je le disais, tu atteins l'objectif de me toucher, c'est un très bon début. Maintenant, je vais t'apprendre la technique que j'utilise. Après, ça sera à toi de l'adapter. La meilleure de toute les techniques, c'est celle qui nous convient le mieux. Ta manière d'approcher tes ennemis ne me plaira peut être pas mais si elle te plait et qu'elle te permet de rester en vie, il n'y aura pas de souci.

Varsgorn marqua une pause. Il observa les alentours. Hum..... Non, c'était une mauvaise idée de lui apprendre à s'approcher silencieusement pour l'instant. Il fallait mieux procéder à une autre leçon pour le moment.

- Finalement, avant de t'apprendre à approcher dans le plus grand silence, je vais t'apprendre à ne plus te faire surprendre. Ce n'est pas aussi facile que ça en as l'air. La nuit peut te paraître silencieuse mais si tu te mets à écouter ce qui t'entoure, tu te rends compte qu'au contraire, le monde nocturne est bruyant.

Le mercenaire s'installa sur le banc et il invita Enelye à le rejoindre. L'exercice qu'il allait lui demander de faire serait plus facile si elle était assise. L'apprentie de Varsgorn s'installa à ses côtés.

- Bien, ce que je te demande de faire maintenant, c'est de fermer les yeux. Il faut que tu oublies que je suis à côté de toi. Tu dois écouter tous les bruits qui nous entourent. Du simple souffle du vent dans les branches d'un arbre jusqu'aux cris des animaux qui vivent la nuit.

Pendant qu'elle s'occuperait de répondre à la demande du mercenaire, Varsgorn executera le même exercice. Il voulait lui aussi étendre les différents bruits qui entouraient la cascade.

- Quand tu penseras avoir tout entendu, tu ouvriras les yeux et tu me décriras tous les bruits que tu as distingué.

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Enelyë écoutait Varsgorn silencieusement, puis le regarda s'asseoir sur le banc. Changement d'idée apparemment. Le maître l'invita à le rejoindre, et elle s'installa à côté de lui. L'explication du garde plana un instant dans l'air nocturne, avant qu'elle ne comprenne vraiment ce qu'elle devait faire. Lorsque ce fut clair dans l'esprit de la Corbac, elle agit enfin. La dessinatrice attacha ses cheveux ébènes et ramena ses jambes blanches contre elle. Elle posa sa tête sur ses genoux et écouta.

Elle n'entendait pas.

Ses yeux restés ouverts fixaient la source lumineuse qu'était devenue la cascade. Pouvait-elle l'entendre, si elle le voulait ? Pouvait-elle entendre l'eau qui venait s'écraser sur les galets ? Si elle le voulait, oui. Enelyë ferma les yeux et reposa sa tête sur ses genoux. Elle écouta.

Elle n'entendait pas.

Un son arriva à son oreille. Le souffle du vent. Ou une respiration calme, sereine, comme écartée de tout. Peut-être les deux. Elle laissa le son s'échapper pour trouver les autres. Pendant un long moment, seul le vent répondit à son appel muet, puis un son plus léger se fit entendre. La dessinatrice savait ce que c'était. L'eau. Mais pas celle qui s'écrasait contre les rochers. Elle se rendait compte qu'elle l'entendait depuis longtemps. C'était simplement l'eau qui coulait dans la rivière, nullement interrompue ou gênée dans son trajet.

*Encore un. Au moins.*

Sa propre voix ? Non, ce n'était là que son imagination, elle ne pouvait pas dire ça. Ce qu'elle pouvait dire, par contre, c'était que son coeur battait dans sa tête. Elle l'entendait distinctement, mais elle n'était pas sûre que cela soit une bonne réponse. Enelyë prit une longue inspiration et se remit à écouter. Le vent. L'eau. Les respirations mêlées des deux personnes présentes sur le banc. Son coeur qui battait. A tous ces bruits vint s'ajouter celui des branches qui se balançaient doucement.

Elle ouvrit les yeux. Elle n'entendait plus.

- Je n'ai jamais autant écouté. Et je sais que ce n'est pas assez, tout ce que j'ai entendu..., chuchota-t-elle.

Elle donna sa liste à Varsgorn.

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Varsgorn écouta attentivement la liste qu'Enelye lui fit. Pendant qu'elle avait fermé les yeux, le mercenaire s'était lui aussi ouvert à ce qui se passait autour d'eux. Il avait forcément entendu le son de la cascade. Elle prédominait sur tous les autres bruits, masquant même les plus faibles. Mais la jeune Corbac ne s'était pas arrêté au bruit assourdissant de l'eau s'écrasant sur les rochers, elle avait continué son écoute attentive. Elle avait également entendu le vent et leur respiration respective. A y réfléchir, Varsgorn avait un doute. Enelye avait-elle vraiment entendu ces deux sons? Avait-elle mentit? Il était aisé de citer ces deux bruits. On sentait le vent caresser doucement leur visage et forcément, ils respiraient tout deux. Elle pouvait très bien avoir entendu ces deux choses mais elle aurait très bien pu mentir. Varsgorn ne pouvait en être sûr.

En tout cas, si elle avait entendu tout ce qu'elle prétendait, c'était un bon début. Il y avait d'autres bruits à entendre, le mercenaire avait entendu plus de choses que ça mais il avait de l'expérience. Enelye n'avait certainement pas entendu la chouette qui s'était posé sur une branche d'arbre non loin de la cascade. Elle n'avait certainement pas non plus distingué les bruissements légers des animeux nocturnes se déplaçant sur la terre ferme. D'ailleurs, c'était bien le plus important. C'était dans les déplacements sur la terre ferme qu'elle pourrait déceler un éventuel ennemi en approche. Ils viendraient pas en suivant le souffle du vent.

- C'est un début prometteur. Tu as entendu pas mal de choses. Maintenant après ce petit exercice, je vais te proposer un test. Tout à l'heure, si j'ai réussit à bloquer ton bras à chaque fois, c'est que je décelais une interruption dans les bruits nocturnes que tu viens d'entendre. Je sais que ça ne sera pas forcément simple pour toi mais je veux qu'on inverse les rôles désormais. Tu vas rester assise sur ce banc et je vais essayer de te toucher l'épaule. Ton but sera de bloquer mon bras avant que je te touche.

Avant même d'attendre la réponse de son apprentie, Varsgorn se leva et il disparut dans l'ombre. Pendant quelques secondes, il resta sans bouger dans le plus grand silence. Etant donné qu'il l'avait prévenu, il se doutait qu'Enelye était aux aguets, qu'elle guettait le moindre petit bruit. Avec cette attente, il espérait que l'attention de son apprentie descende doucement pour qu'elle se fasse avoir par le mercenaire. La patience était une vertue et un bon assassin ne pouvait réussir à tuer ses victimes sans posséder cette vertue.

Il resta sans bouger seconde après seconde puis minutes après minutes. Il se décida enfin à avancer vers son apprentie au bout de deux ou trois minutes d'attente. Comme lors de ses assassinats, il fit attention aux endroits où ils mettaient les pieds. Un craquement de branches et il se faisait forcément repérer. Arrivé non loin de son apprentie, il tendit le bras vers l'épaule d'Enelye.

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Enelyë sentit une pression sur son épaule et une mèche de ses cheveux de jais caressa sa joue. Une mèche trop courte, qui s'était échappé de son chignon. Elle se retourna vers son maître, avec une expression qui signifiait simplement : 'Je n'y arriverai jamais.'

***

Varsgorn avait décidé qu'Enelyë tenterait d'arrêter son bras. Avant qu'elle n'ait pu dire quoi que ce soit, il s'était fondu dans l'ombre. La Corbac s'était donc assise, avant d'attacher ses cheveux, comme à chaque fois qu'elle se concentrait. Elle ferma les yeux et se concentra sur les bruits de la nuit.

Et elle attendait.

La patience n'était la plus grande qualité de la demoiselle. A vrai dire, elle n'en avait aucune. Au bout d'une minute, elle avait commencé à s'agiter et à se déconcentrer. Elle ne remarqua pas la présence du mercenaire quelques minutes après, qui avançait vers elle et posa finalement sa main sur son épaule. Enelyë s'était retourné, mais le garde avait déjà repris place dans l'ombre. Elle répéta son processus de concentration.

Et elle attendait.

Elle recommença à s'agiter sur place, n'arrivant pas à tenir en place. Et, tentatives après tentatives, Varsgorn obtenait réussites sur réussites. La Corbac n'arrivait pas à rester concentrée.

***

- C'est trop dur.

La dessinatrice se tut longtemps après cette phrase. Elle avait croisé ses bras, mais ce n'était pas pour autant qu'elle souhaitait arrêter. Justement, son objectif était de réussir, et elle réussirait.

Elle prit une inspiration, rattacha ses cheveux, ferma les yeux un instant. Lorsqu'elle les rouvrit, elle posa son regard, animé d'une lueur nouvelle, sur Varsgorn.

- On recommence, ordonna-t-elle.

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Varsgorn ne comptait plus les tentatives qu'il avait faites. A chaque fois qu'il réussissait, il disparaissait rapidement dans l'ombre. Il ne voulait pas laisser à son apprentie le temps de discuter.

Il ne faisait pas que de tenter de toucher l'épaule de son apprentie. Il l'observait. Il guettait ses fautes. Elle perdait patience, rapidement, trop rapidement. Comment pourrait-elle surveiller une cible si elle perdait patience si rapidement? Varsgorn se rappelait encore des heures passées à guetter ses victimes avant de passer à l'action. S'il s'était agité, il aurait été repéré. S'il avait perdu sa concentration, il aurait échoué dans sa traque. Patience et Concentration. Deux qualités obligatoires pour un bon mercenaire. Deux qualités qu'il insuflerait à son apprentie.

Nouvelle tentative, nouvelle réussite. Mais cette fois-ci, Varsgorn ne retourna pas à sa place dans l'ombre. Enelye avait croisé les bras. Signe d'agacement. Elle refusait de continuer. Varsgorn l'observa sans rien dire. Comment pouvait-elle espérer progresser si elle laissait tomber quand elle n'arrivait pas? Soudain, Enelye se retourna et elle regarda son maître dans les yeux.

- On recommence,

Elle avait dit cela comme si elle ordonnait que l'exercice se poursuive. Son regard était différent. Elle semblait sûre de sa réussite. Il avait l'impression d'avoir une nouvelle apprentie devant ses yeux. Un sourire se dessina sur le visage de Varsgorn. Voilà ce qu'il voulait voir chez son apprentie. Cette envie de continuer, ce désir de progresser. Cette flamme dans ses yeux, il voulait la voir à chaque fois mais elle semblait plus enclin à s'amuser. Elle s'était mise dans une véritable situation de travail désormais. Elle allait peut être pouvoir arrêter le bras de Varsgorn cette fois-ci.

Le mercenaire retourna dans l'ombre. Une nouvelle fois, il patienta, le regard fixé sur son apprentie. Il devait lui apprendre à être patiente. Attendre en sachant que quelque chose allait venir n'était pas simple. Elle allait devoir apprendre à le faire sans perdre sa concentration.

Quand il fut prêt, il s'avança dans le plus grand silence, évitant les branches et feuilles mortes qui se trouvaient entre lui et son apprentie. Doucement, il tendit le bras en direction de l'épaule d'Enelye.

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Varsgorn retourna se cacher dans l'ombre. Enelyë, elle, rattacha ses cheveux correctement, avant de ramener contre elle ses fines jambes de porcelaine. Elle respira un grand coup puis posa sa tête sur ses genoux. Ainsi, elle éliminait la vue pour se concentrer un peu plus sur l'ouïe. La Corbac entendait le vent, qui mordait ses bras nus, porteur d'un parfum floral absolument sublime. Je ne dois pas perdre de vue mon objectif. Par un intense effort, elle parvint à chasser son odorat et elle se reconcentra sur les bruits de la nuit.

La Corbac entendait le bruit de la cascade, dominant par sa puissance les sons plus faibles. Elle ne s'attarda pas sur ce bruit. Au fur et à mesure, elle parvint à capter d'autres bruits, comme la musique du vent ou la course ininterrompue de l'eau. Puis, au bout d'un autre moment, elle put écouter le chant d'un insecte nocturne, et le vent qui passait entre les branches, se heurtait à divers obstacles.

Le corps immobile de la dessinatrice semblait être une statue d'albâtre que son créateur avait voulu doter d'une apparence humaine. Mais l'esprit était ailleurs. Il se baladait au gré du vent, à la recherche de sons susceptibles de lui décrire son environnement ou de lui annoncer l'intrusion de choses ou en l'occurence, de personnes. Enelyë, pour qui la nuit avait toujours été silencieuse, se rendait compte que le bruit n'existait pas que le jour.

L'insecte arrêta de chanter, une seconde ou deux. Il arrive. L'insecte reprit sa mélodie, mais la dessinatrice avait balayé ce bruit. Le vent rencontra un nouvel obstacle. Ses pas sont inaudibles, mais il est là, je le sens.

La Corbac reprit possession de son corps juste avant que son maître ne touche son épaule. Elle sourit, surprise et joyeuse, lorsqu'elle vit la main de Varsgorn passer à côté de son visage.

- La nuit est bruyante. C'est le silence qu'il faut écouter, murmura-t-elle, songeuse.

Enelyë bailla. L'exercice l'avait épuisé. Jamais elle ne s'était autant concentré. Elle se tourna vers son maître, attendant sa réaction. Les bruits s'étaient estompés. Seul restait celui de la cascade.

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Enelye se mit à bailler. Varsgorn réalisa alors que la nuit était déjà bien avancée. Il appréciait tellement la nuit qu'il n'avait pas vu l'heure avancer. Depuis qu'il était passé trésorier, il ne pouvait plus profiter autant des nuits. Son travail était surtout diurne. Voilà bien trois jours qu'il n'avait pas mis le nez dehors sous les étoiles. Fatigué par sa journée, il s'était à chaque fois couché tôt. Non, il ne regrettait pas son travail de garde de l'académie. Désormais, il avait un magnifique bureau et des appartements luxueux.

- Tu as bien raison, jeune fille. Il est plus aisé d'écouter ce qui est bruyant. Pourtant, c'est bien l'absence de bruit qui en importante. On dit souvent que le silence apaise car on sait qu'on est seul. C'est faux. Les Marchombres et les Mercenaires du Chaos savent se servir de l'ombre et du silence pour devenir invisible. Des véritables fantômes.

Varsgorn savait ce qu'il disait. Il était le Fantôme. L'ombre mortelle. La silhouette blanche. Le revenant. Il avait été laissé pour mort au milieu des cadavres fumants des Raïs. Varsgorn Ril'Enflazio était mort aux yeux de ses anciens amis, de ses anciens professeurs.

- Tu as bien travaillé pour cette nuit. Il est l'heure d'aller se coucher. Dernier conseil pour ce soir. L'exercice que tu viens de faire aujourd'hui, tu dois le réaliser le plus souvent possible. Aujourd'hui, tu savais que j'étais derrière toi, que j'attendais pour m'approcher de toi. Tes ennemis ne te préviendront pas à l'avance de leur intention. Au départ, t'imposer cet exercice pendant tes moments de repos sera pour toi un fradeau mais à force de le pratiquer, il deviendra aussi naturel que de respirer. Maintenant, tu peux t'en aller. Si tu as besoin de moi, j'ai un bureau non loin de celui de Jehan. Je suis passé trésorier.

Varsgorn se leva sans attendre qu'Enelye lui réponde. En quelques pas, il se retrouva au coeur de l'ombre, au coeur de la nuit. Il avait disparu aux yeux d'Enelye. La nuit et l'obscurité étaient ses amies. Il n'avait pas besoin de longtemps pour devenir invisible. Fantôme était devenu transparent.

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