Roman et Poésie [Terminé]

Il était tôt. Le Soleil s'était levé à peine une heure avant. Malgré tout, il envoyait ses rayons bien chauds réchauffer les élèves à travers les fenêtres. Les arbres, encore nus mais se revêtissant peu à peu de verdure, se balançaient doucement au rythme du vent. Et une Lotra observait le réveil du printemps en silence.

Hestia détacha ses longs cheveux blonds. La tresse qu'elle n'avait pas défaite la veille avait fait onduler sa chevelure. Elle jeta un coup d'oeil à son miroir, ouvert sur son lit, avant de le refermer et le ranger. Aujourd'hui, elle serait Hestia. Pas une demoiselle superficielle qui voulait être appréciée par la majorité. La Lotra passa rapidement son uniforme, puis se rendit à la bibliothèque.

Elle marchait silencieusement dans les couloirs, silhouette lumineuse traversant l'obscurité. Hestia se demandait pourquoi il n'y avait pas plus de fenêtres dans l'Académie. Elle accélérait dans les zones d'ombre pour se retrouver au plus vite devant les rayons du Soleil. La Lotra avait aussi l'impression que quelqu'un la suivait, mais ce ne devait être qu'un effet de son imagination. Elle ouvrit doucement la porte de la bibliothèque.

Hestia marcha vers un rayon au hasard, d'un pas assuré, et prit un livre, au hasard également. Elle posa son regard émeraude sur l'ouvrage qu'elle tenait et en lut silencieusement le titre, ne faisant bouger que ses lèvres rosées : L'Art de la Poésie, en lettres dorées. Aucun nom d'auteur sur la couverture de cuir. La Lotra alla s'installer sur une des chaises exposées au Soleil et se plongea dans le livre.

Elle releva la tête en entendant une chaise se décaler. Une jeune femme, une Félixia, se tenait devant elle, un beau sourire illuminant son visage.

- Bonjour, chuchota Hestia à la nouvelle venue, tout en se replongeant dans son livre.

Elle n'avait toutefois pas l'intention de rester le nez dans son bouquin.

Inconsciemment, Hestia bougeait sur sa chaise. Elle jetait de temps en temps des regards à la jeune femme qui, elle, tentait de lire, ainsi qu'elle le dit à la Lotra, une pointe d'agacement dans le ton utilisé. Hestia dû avoir l'air déçue, car la Felixia se présenta avant de lui demander son nom. La Lotra pouvait donc mettre un nom sur ce visage, Lya.

- Je m'appelle Hestia. Hestia Kieran.

En disant cela, elle s'était penchée pour voir ce que lisait Lya. L'Appel de la Mer. Hestia connaissait ce roman. C'était avec cet ouvrage que Servan avait voulu lui apprendre à lire. La Lotra sourit à ce souvenir, même si, d'un certain côté, elle avait mal lorsqu'elle repensait à lui. Mais maintenant, il y avait Zéphyr et... Elle sourit.

- Ca fait longtemps que tu es arrivée à l'Académie ?

Le Soleil rayonnait au niveau de la nuque de la jeune femme. Elle savait, sans les toucher, que ses cheveux étaient brûlants. Elle ne s'en occupa pas, cela lui important peu pour le moment.

Hestia lisait son livre, en même temps qu'elle parlait et gesticulait. Des bribes de vers lui sautaient aux yeux. De la Poésie. Ce qu'elle aimait depuis toujours. La Lotra avait surtout admiré la poésie marchombre. Lorsqu'elle en écoutait, elle avait l'impression d'entendre un secret qu'elle ne pouvait pas comprendre. Elle regarda Lya, qui allait répondre à sa question.

Quel bonheur de sentir le Soleil taper doucement sur son corps, au milieu de l'odeur des livres ! Hestia était bien dans cette atmosphère particulière. Au moment où elle se disait cela, Lya lui répondit. La Lotra s'attendait à ce qu'elle réponde et qu'elle tente une nouvelle fois de lire son livre tranquillement. Mais en réalité, elle lui donna une réponse avant de lui renvoyer sa question, suivie de quelques autres. Hestia sourit.

- Moi aussi je suis arrivée pendant l'hiver. J'ai 16 ans. Je suis à Lotra, dit-elle en montrant sa bague. J'ai deux soeurs, qui s'appellent Eva et Luna. J'habite à Al-Poll. J'adore lire et j'ai pris L'Art de la Poésie, acheva-t-elle sur un sourire éclatant.

Lya était aussi curieuse qu'elle. Hestia sentait d'avance qu'elles allaient bien s'entendre. Elle rejeta en douceur une mèche blonde derrière son épaule avant d'observer le visage de Lya. Examen obligé que la Lotra faisait subir à toute nouvelle connaissance. Elle avait de grands yeux bleus, quasiment cachés par une frange de cheveux châtains.

Voilà au moins une personne qui avait des yeux normaux. C'était peut-être pour cela qu'elle voulait les cacher. Est-ce que Hestia avait des yeux assez étranges pour les montrer ? Elle se pencherait sur cette question plus tard. Il y avait plus important. Ainsi, elle renvoya toutes les questions à Lya, en ajoutant une avec un sourire qui s'élargissait.

- Tu aimes la poésie ?

[Un peu court, pas trop d'inspi aujourd'hui...]

- Moi, j'adore, dit la Lotra en souriant. En fait, je lis un peu de tout. Les livres recèlent la connaissance, tout ce qu'il faut pour satisfaire une curiosité aussi débordante que la mienne !

Hestia regarda la Felixia. Elle semblait en cet instant l'incarnation même de la joie et de la curiosité. Cela lui rappella vaguement Eva, et un vague sourire s'accrocha à ses lèvres à cette évocation mentale. Elle se leva en silence pour aller prendre la main de Lya, afin que celle-ci la suive.

- Quel enseignement suis-tu, au fait ? demande Hestia, en avançant dans la bibliothèque.

Elles arrivèrent au rayon "Poésie". La Lotra rangea le livre qu'elle avait prit et en attrapa un autre, au hasard, avant de s'asseoir au milieu du couloir, au milieu des rayonnages pleins de livres. Elle déposa l'ouvrage qu'elle tenait à côté d'elle et attacha ses cheveux pour lire plus facilement. Puis elle l'ouvrit, et les mots sautèrent à ses yeux, porteurs d'un sens magnifique plus efficace que des dessins.

- C'est vrai que la poésie n'aide pas à vivre. Mais, après tout, les gens aiment chanter, pour se donner du courage, ou simplement pour égayer un peu leurs journées. Les chansons ne sont-elles pas de la poésie mise en musique ?

L'amour d'Hestia pour la poésie avaient pris racine quelques années plus tôt. Elle se souvenait parfaitement du visage des hommes qui l'avaient suivi. Un frisson la parcourut à ce souvenir. Si elle n'en faisait pas des cauchemards chaque nuit, elle rirait de sa maladresse de ce jour qui avait été de prendre le chemin le plus court, en passant par les ruelles. Peu de choses la choquaient, mais certains événements qui retenait son attention se transformaient vite en obsession. Bref. Après l'avoir sauvé, Servan lui avait donc appris à se battre et à lire, en commençant par les poèmes préférés de l'adolescente.



Hestia avait récité cela comme si elle parlait naturellement. De toutes façons, elle savait la barrière entre le naturel et le superficiel bien mince, pour l'avoir franchi de nombreuses fois. Ce jour-là, légèrement décoiffée, les vêtements froissés, elle ressemblait plus à une élève négligée qu'à la demoiselle superficielle qu'elle était habituellement.

- Je sais que tu es curieuse. Ca se voit, dit la Lotra en souriant. Essaye de lire un peu de poésie. Tu n'es pas obligée d'aimer, mais au moins tu auras ta propre opinion.

Mentalement, elle termina dans sa tête la récitation du poème qu'elle avait commencé.

[Edition à volonté, si ça ne te convient pas]

- Moi ? Combattante.

Hestia avait souvent entendu que l'art du combat et l'art poétique était contradictoires, mais elle pensait qu'au contraire, c'était complémentaire. Guerre et paix. Armes et littérature.

Elle regarda Lya choisir un livre, le reposer, en prendre un autre, le ranger, fermer les yeux et en prendre un au hasard. Elle ouvrit l'ouvrage puis tourna les pages, où étaient dessinées toutes sortes de formes, du carré le plus basique à l'entrelacs de feuilles et de fleurs le plus complexe. Les mains de la Felixia s'arrêtèrent alors dans leur course, choisissant un poème. Des flocons de neige semblaient danser autour des strophes. Elle commença à lire.

Hestia sentit que quelque chose n'allait pas. Avant qu'elle n'ait pu demander quoi, Lya lui tendit le livre, lui demandant d'en lire un. Hestia caressa les pages, légèrement jaunies mais intactes. Ce livre n'avait pas dû être beaucoup lu, vu son état quasi parfait. Les pages tournaient en une ronde incessante, puis la combattante arrêta, lisant le poème choisi au hasard. Elle s'assit par terre, puis se mit à lire.




Le long poème avait ravi Hestia. Art Poétique, se nommait-il. Les dessins représentaient des plumes et des encriers. Elle songea un instant à revenir pour l'apprendre, puis referma le livre. Elle leva le regard pour voir Lya.

- Que penses-tu de la poésie ?

Hestia voulait simplement avoir son opinion, maintenant qu'elle lui avait montré la magie des poèmes, de ces mots mis en forme, loin des autres littératures, plates, même si certaines phrases des romans méritaient le détour.

- Quand je lis la poésie, je m'éloigne des autres littératures. Mais ce n'est pas pareil de lire et de l'entendre lire... La musique, suivant les personnes, est différente...

Elle s'arrêta. Sourit.

[Tu as enfin ta réponse. Les poèmes que je choisis sont tous de Verlaine, c'est mon poète préféré. Voilà voilà. Édition à volonté.]

[Ca me va. J'aurai été un peu en panne au bout d'un moment xD]

Lya lui expliqua que la sensation qu'elle ressentait n'était pas la même quand elle lisait ou quand quelqu'un d'autre lisait. Hestia comprenait cela, sa soeur Luna étant exactement pareille. Un sourire se dessina sur le visage de la Lotra lorsque Lya dit qu'elle pensait aimer la poésie.

Un Lupus passa, leur jetant un regard méprisant. C'est parce qu'elles étaient assises par terre ? Où alors au rayon poésie ? Hestia n'en savait rien. Mais à vrai dire, elle s'en moquait un peu. Que pouvait bien lui apporter l'impression des autres ? Certes, si ça avait été quelques jours plus tôt, elle en aurait été blessée dans sa superficialité. Mais aujourd'hui, elle comprenait bien que cela ne servait à rien. On ne vous regarde pas mieux parce que vous portez de beaux habits ou parce que vous fréquentez des nobles.

Hestia sentit un mouvement à ses côtés. Apparemment, Lya avait voulu lui expliquer sa façon de penser, avant de se rasseoir, et de marmonner quelque chose. La Lotra sourit en voyant la jeune femme tirer la langue aux rayonnages, sûrement ceux derrière lesquels était caché le Lupus. Puis la Felixia se mit à poser des questions à Hestia.

- Halina ? Hmm... Je ne sais pas. C'est possible, mais il n'y a pas qu'une Felixia aux cours de combat. J'essayerai de lui parler si je la croise, dit-elle en souriant.

Puis elle lui posa the question of the dead. Sa raison pour être combattante.

- Hé bien... elle se mordit la lèvre, quand j'avais treize ans... j'ai voulu aller en ville, seule, en empruntant des ruelles pour aller plus vite. Seulement...

Elle sourit, maladroitement, honteusement.

- J'ai failli me faire agresser. Mais ma soeur et son compagnon passaient eux aussi par là, et ne me voyant pas revenir, ils se sont déplacés. L'ami de ma soeur m'a sauvé... Et je me suis juré de devenir plus forte... pour ne plus les embêter, en fait.

Hestia avait raconté ce douloureux souvenir en faisant de nombreuses pauses. Maintenant qu'elle avait tout dit, elle se sentait mieux, néanmoins. Elle raccrocha un sourire à ses lèvres, avant de tourner son visage vers Lya.

- Et toi, pourquoi Marchombre ?

Ses mains tremblaient encore.

Hestia comprenait tout à fait le point de vue de Lya, pour l'avoir déjà entendu. Eva lui avait dit que ce n'était pas la peine qu'elle se tourmente ainsi, et que de toutes façons, il y aurait toujours quelqu'un pour la protéger. Hestia n'avait rien répondu, mais elle savait que non. Il se pouvait qu'un jour, elle se retrouve seule. Complétement seule. Même si elle arrivait à se faire passer pour ce qu'elle n'était pas, grâce à ses airs de noble que jamais elle ne serait, la réalité la laisserait esseulée.

Elle regarda Lya et sourit. Si elle avait besoin de compagnie, elle en aurait. Cela, elle n'en doutait pas. Et elle ne doutait pas non plus que Lya puisse en avoir également si elle en avait besoin. Dans un sens, elle se ressemblaient. Lorsque Lya lui dit qu'elle voulait être libre, la Lotra comprit tout à fait. Peut-être que si Hestia n'avait pas été si choquée par le moment où elle faillit être agressée, elle aurait suivi la trace de son défunt père et serait devenue marchombre. Mais là, non.

- Tu ne m'as pas fait mal, je comprend ton point de vue. La liberté est un bel objectif. Dis-moi... Est-ce que tu as déjà dansé avec le vent ?

Le sourire d'Hestia se fit plus doux. Ses souvenirs arrivèrent d'un seul coup dans sa tête.

Le vent qui soufflait si fort que les arbres semblaient pencher d'un côté. La main de sa mère qui la rattrapait alors qu'elle allait être emportée par le vent. Elle ne se serait pas envolée, mais n'aurait pas pu retourner jusqu'à la maison. Ce jour-là, le vent avait été plus fort qu'elle.

Mais elle avait pu prendre sa revanche, il y avait à peine quelques mois. Le vent avait soufflé très fort durant l'hiver, et Hestia devait absolument sortir. Ce jour-là, elle avait fait le roseau, et s'était laissé emporter. Finalement, elle avait réussi à avancer normalement, comme si le vent ne la touchait pas. Elle n'avait jamais compris comment elle avait fait ça. Mais elle avait dansé avec le vent.

Elle avait dansé avec le vent aussi lorsqu'elle avait dansé à l'extérieur, tout simplement.

Le visage de Lya reflétait la stupéfaction la plus totale, puis elle se reprit avant de dire sa phrase. Hestia sourit. C'était vrai que peu de personnes savaient cela, et qu'elle-même soit au courant pouvait paraître étrange. Puis la Felixia se leva, attrapa la main d'Hestia comme celle-ci l'avait fait plus tôt, et elles retournèrent s'asseoir à une table, sous les fenêtres livrant avec générosité la lumière du soleil. La Lotra se rendit compte qu'elle avait eu froid, et qu'elle se réchauffait peu à peu.

Lya sembla réfléchir un instant et Hestia n'interrompit pas sa pensée, ne voulant pas la troubler et attendit patiemment. Elle commença par lui dire qu'elle préférait qu'elle ne réponde pas, puis raconta qu'elle jouait avec le vent, terme plus approprié selon elle, puis elle lui posa des questions. Hestia se rendit compte tout à coup que Lya était une vraie machine à questions, alors qu'elle-même, qui avait toujours cru l'être, se contentait de répondre, et de poser seulement quelques questions, parfois.

- Mon père était marchombre, et l'une de mes soeurs a suivi cette voie. Elle m'a expliqué seulement cela, car elle n'aimait pas danser en solitaire. J'étais petite quand elle m'a appris...

Elle posa sa main sur son coeur, dans un geste quasi-religieux, comme à chaque fois qu'elle évoquait son père. Elle qui ne l'avait jamais connu, elle savait qu'elle n'avait pas l'obligation de le suivre, surtout si Eva avait déjà pris cette initiative. Luna, elle, avait eu le Don, et elle finissait par être combattante. C'était comme une armée miniature. Ses soeurs et sa mère lui avaient si souvent racontés l'histoire de son père qu'elle avait néanmoins l'impression de l'avoir quitté il y avait peu de temps. Son père avait été un marchombre d'exception, d'après elle.

Hestia prenait tout à coup conscience que sa famille lui manquait. Elle regarda Lya. Elle n'avait jamais connu ses véritables parents et n'avaient pas de soeur ni de frère. Hestia lui sourit. Les amis ne formaient-ils pas une seconde famille pour la personne qui les aimait ? Des soeurs et des frères qui nous correspondait, que l'on trouvait et qu'on se mettait à apprécier, et qu'on ne pouvait quitter sans tristesse.

- Lya, tu te plais à l'Académie ? Je veux dire, maintenant, et aussi au début, comment te sentais-tu ? Avant de rencontrer qui que ce soit, puis après ?

La machine à questions se remettait en marche...

-En effet, j'ai une grande famille. Mais de là à appeler ça de la chance ! Rire bref, mais communicatif. Parfois, c'est une véritable chance. Mais nous n'avons jamais pu vivre comme nous le voulions, car nous étions 5. 6 quand Servan a emmenagé chez nous. Je dois avouer que l'Académie me change de mes habitudes...

En repensant à cela, la Lotra eut un sourire triste. Même si elle n'avait jamais pu vivre "correctement", l'amour régnant dans sa famille avait largement de quoi dédommager cet inconvénient. Sa famille lui manquait énormément, mais elle devait faire avec. Elle n'avait pas le choix, si elle voulait devenir forte.

Hestia sourit. Puis se mit à rire. Elle trouvait cela comique que Lya lui demande pourquoi elle posait toutes ces questions alors qu'elle en avait fait de même quelques minutes plus tôt. Elle tut son rire, mais ne savait pas s'empêcher de sourire. Un sourire permanent, parfois plus doux, ou bien plus sarcastique, selon les situations, mais toujours présent. Elle posa sa tête sur son poing fermé, et ferma les yeux un bref instant.

- Je te pose ces questions parce que je suis curieuse, et que j'aime connaître ceux qui deviennent mes amis.

Les longs cheveux blonds de la Lotra coulèrent sur son bras, avant de former une flaque de soleil sur la table de bois, puis de disparaître dans le vide. Le Soleil commençait à brûler ses cheveux dorés, mais elle n'en éprouvait aucune gêne. Au contraire, elle aimait sentir sa chaleur bienfaitrice contre sa peau. Bien qu'elle ne bronze pas, elle ne rougissait pas non plus à son contact.

- Toi aussi tu m'as posé des questions. Pour quelle raison ?

Un air légèrement moqueur s'était dessiné sur son visage, qu'elle effaça dès qu'elle s'en rendit compte. En vérité, elle ne se moquait absolument pas de Lya. Elle lui renvoyait juste ses questions pour savoir sa vision à elle. Hestia aimait beaucoup connaître l'avis des autres. Souvent, elle en tirait des leçons, et apprenait beaucoup à écouter. Elle aimait savoir.

Hestia n'avait compris que quelque mots dans les bafouillements de la Lotra, comme "curieuse", "apprendre" et "savoir". Les paroles étaient prononcées trop vite, et les arrêts lui faisaient l'impression d'un choc contre un mur. La dernière phrase, qu'elle entendit entièrement, la fit sourire. Oui, elle savait ce que c'était. Et grâce à cette avidité, elle avait appris à observer les gestes et expressions des gens pour savoir ce qu'ils ressentaient. Usant elle-même du mensonge et de la comédie, elle savait reconnaître ceux qui en faisait de même. Elle ne connaissait qu'une personne plus douée qu'elle, sa grande soeur Eva.

Le silence décida de s'installer quelques minutes, et la Lotra regardait l'autre jeune femme jouer du bout des doigts avec les pages du livre qu'elle avait choisi dans les rayonnages et regarder le ciel. Avec un doux sourire, elle regarda par la fenêtre, le Soleil lui rappellant beaucoup de souvenirs heureux, ou moins, mais des souvenirs dont elle voudrait toujours garder la trace, pour être "entière". Puis, elle entendit une sorte de baîllement étouffé et elle se retourna vers la Felixia. Celle-ci lui annonça qu'elle était fatiguée et qu'elle allait se reposer. Hestia sourit, signe qu'elle était d'accord. De toutes façons, elle n'empêcherait pas Lya de faire ce qu'elle voulait...

L'apprentie marchombre récupéra le livre aux pages légèrement cornées par ses soins avant de le remettre dans le rayonnage. Elle ouvrit la porte, puis se tourna vers Hestia, toujours assise à la table. Elle espérait bientôt la revoir.

- Moi aussi, je l'espère. Ravie de t'avoir rencontrée.

La Felixia sortit de la salle. La combattante s'était attiré les regards de quelques personnes distraites par le soudain échange qui s'était produit. Elle rougit légèrement puis se dirigea dans les rayonnages. Au niveau de la poésie, elle s'arrêta, posant ses mains sur les reliures extrêmement belles, selon elle. Jamais elle n'aurait pu imaginer qu'un tel endroit existait. Un endroit rempli de livres, à perte de vue. Hestia pensa un instant à s'enfoncer au plus profond de cette forêt de pages, mais la peur de se perdre l'en dissuada. Le soleil éclaira une tranche de livre. Elle le prit, l'ouvrit sur une page au hasard, et sa voix s'éleva, murmure discret dans le silence bibliothécal qui régnait.



=> RP terminé


*Après trois ans, Melancholia, Verlaine.