Un garde au milieu de la foule

Comme à son habitude, Varsgorn s'était levé en fin de matinée. Il prit le temps de s'habiller. Une chemis blanche déboutonné en haut pour laisser apparaître son collier, un pantalon en cuir de couleur marron et des bottes de la même couleur. Il ceignit sa ceinture avec son fourreau. En journée, il transportait toujours sa longue épée pour dissuader d'éventuels ennemis. Par habitude, il dissumula des couteaux dans ses habits. Il sortit de ses appartements pour se mêler à l'agitation des élèves en train de s'entraîner. Il se dirigea vers la cour de la fontaine. C'était l'endroit le plus peuplé mais c'était aussi là qu'il pourrait en apprendre plus sur ce qui se tramait dans l'ombre de l'académie. Varsgorn avait un doute. A près tout, les élèves étaient des êtres doués de raison et il y en avait sûrement qui avait remarqué la présence des mercenaires au sein de l'académie. Comme il l'avait prévu, la cour centrale grouillait de monde. La fontaine autrefois si majestueuse était tombé en ruine par la violence des raïs. Il en avait gardé un bon souvenir de cette fontaine et ça le désolait de la voir dans cet état. Il s'installa sur un banc pour surveiller ce qui se passait autour.

Soudain, il remarqua une jeune femme qui semblait perdue. Varsgorn la dévisagea puis il détourna le regard. Elle était surement arrivé il y a peu. Au moins, elle ne serait pas un problème vu qu'elle ne connaissait pas l'académie avant l'attaque des Raïs. Il retourna dans son observation des élèves. Une voix le fit une nouvelle fois tourner la tête. C'était la jeune élève qu'il avait remarqué. Elle lui demandait s'il était professeur dans cette académie.

- Non, je ne suis pas professeur. Je suis garde de l'académie. J'imagine que vous êtes nouvelle. Si c'est pour des renseignements, Jehan Hil'Jidwin vous répondra.

Il détourna le regard. Il n'aimait pas discuter quand il n'avait pas sa capuche. Malheureusement, il ne pouvait pas se balader avec le visage dissimuler en pleine journée. Ca aurait été très suspect même pour les plus niais des élèves.

- Le danger rode tout le temps. Les Raïs ont attaqués cet endroit et ils peuvent très bien revenir. Les gardes sont des soldats expérimentés. Plus on est et plus on pourra compenser les éventuelles faiblesses des élèves en apprentissage.

Varsgorn tourna ses yeux vers la jeune fille pour la énième fois. Elle devait avoir un peu moins d'une vingtaine d'années. Il n'aurait su dire quel enseignement elle suivait. Bizarrement, le fait de lui parler ne l'énervait pas. Pourtant, en temps normal, il détestait qu'on l'interrompe dans ses projets. C'était pourtant ce que cette jeune élève venait de faire. Son doux visage lui rappelait une de ses seules amies d'enfance. Elle avait été tuée il y a bien longtemps lors de l'attaque où lui-même avait faillit perdre la vie.

- L'attaque des Raïs n'a rien de top secret. De nombreux élèves sont morts et certains professeurs aussi. L'académie a subit un grand changement. On a rajouté des gardes et engagé de nouveaux professeurs. Cette académie garde les stigmates de cette terrible attaque. Il va falloir reconstruire et ça va prendre du temps.

Varsgorn ne se reconnaissait pas, parler ne lui dérangeait pas.

- J'ai été élève à l'académie il y a bien longtemps. Installez vous, je pourrais peut être répondre à toutes vos questions.

Il désigna une place sur son propre banc.

Une apprentie marchombre? Fille de marchombre en plus. Interessant. Se lier "d'amitié" avec cette jeune fille pouvait lui assurer son salut si la roue venait à tourner contre les mercenaires.

- Sans le savoir, vous êtes tombé sur la bonne personne. J'ai suivi la voie des marchombres moi aussi. Vous allez suivre les cours de la maître marchombre Ena Nel'Atan. Ses appartements sont dans cette tour, expliqua-t-il en désignant la tour du doigt. Ses cours se déroulent également dans la tour. Vous pouvez également suivre d'autres cours comme la manipulation d'armes, les cours d'équitation ou encore ceux de civilisation. Vouz allez voir, cette académie ne manque pas d'occupation.

Il se leva. Une idée venait de lui traverser l'esprit.

- Une petite visite des lieux, ça vous tente? Cette académie est tellement grande que vous vous y perdrerez très souvent.

Il tendit une main amicale vers la jeune fille pour l'aider à se relever. Elle la prit et il la conduisit en direction des jardins de l'académie.

- Voici les jardins, un lieu d'une rare beauté. Un très bon endroit pour se reposer.

Varsgorn ne se reconnaissait pas. Il y avait bien longtemps qu'il n'avait pas été si amical avec une personne sans chercher à en tirer un profit. Depuis plusieurs années d'ailleurs. La dernière fois remontait à ses années en temps qu'élève dans l'académie.

Après la visite des jardins, Varsgorn décida de se diriger vers le lac.

- Et si on se tutoyait? demanda le garde.

La jeune fille hocha la tête.

- Moi c'est Messire Ril'Enflazio. Mon nom te dit peut-être quelque chose vu que je suis l'héritier d'un empire de magasin de textile. Mais je préfère largement cette vie de garde, la paperasse et l'inactivité, c'est pas mon truc.

Ils étaient arrivés aux abords du lac. Varsgorn s'asseya dans l'herbe.

- Dis-moi, tu as choisi la voie des marchombres par envie ou pour faire comme ta mère?

Varsgorn repensa à sa propre histoire. Son père lui avait payé des études pour qu'un jour il reprenne l'empire commercial qu'il était en train de fonder. Varsgorn n'aimait pas ce genre de travail. Il voulait de l'action. Il avait convaincu ses parents de l'inscrire à l'académie de Merwyn. Son père pensait que cette envie de combat allait passer mais au contraire, elle s'était renforcée. Lui, il avait choisit sa voie. Il n'avait pas le don donc devenir dessinateur était impossible. Pour Varsgorn, la voie des combattants ne jouait pas assez dans la finesse. Son choix s'était porté vers les marchombres et il ne le regrettait pas aujourd'hui. D'ailleurs, il serait devenu un maître marchombre donnant son savoir à un apprentit si on ne l'avait pas laissé pour mort lors d'une terrible guerre contre les Raïs. Après tout, ce n'était pas pour rien que le Rentaï lui avait accordé une greffe. Il tourna son regard vers la jeune femme en attendant sa réponse.

Varsgorn mit un temps avant de répondre. Il ne savait quoi dire. S'il avait abandonné la voie des marchombres, c'était pour devenir mercenaire. Il ne pouvait avouer cela vu que les élèves n'étaient au courant de rien. Il n'avait pas d'autres choix, il devait mentir encore une fois.

- Je n'ai jamais abandonné la Voie. Il y a bien longtemps que j'aurais pu former un élève mais j'ai toujours gardé cette âme de solitaire. Voilà de nombreuses années que je ne me suis pas montré au siège de la Guilde. Un jour peut être, j'enseignerais ce que je sais à un ou une apprenti.

Cette déclaration n'était qu'à moitié fausse. Personne ne savait que le jeune Varsgorn Ril'Enflazio était devenu un mercenaire. Le mercenaire se faisait connaître sous le nom de Fantôme. Tant qu'il avait sa capuche sur la tête, il était un mercenaire. Quand il apparaissait à visage découvert, il était de nouveau ce marchombre. Il pouvait aussi prétendre devenir le maître d'un élève vu que le Rentaï lui avait accordé la tant convoité greffe.

- Tu suivras certainement l'enseignement d'Ena Nel'Atan, la Primat des Corbacs. Elle est une des rares maîtres machombres encore présents dans cette académie. Elle assure ses cours dans cette tour, expliqua le garde en désignant la tour marchombre du doigt. Ses appartements sont là-bas aussi. Va la voir dès que tu auras le temps, elle t'expliquera elle même comme se passent ses cours. Je pourrais t'aider si tu le désires mais un marchombre doit apprendre à se débrouiller seul.

Varsgorn se doutait que sa gentillesse faisait plaisir à la jeune fille. Avec Enelye, il se contruisait une petite armée à son service. Si ça tournait mal pour les mercenaires ou pour lui, il pourrait toujours s'en sortir avec l'aide de ces jeunes élèves insouciants. Il savait très bien qu'Ena Nel'Atan protégeait ses apprentis. Jude deviendrait rapidement une ennemie, il ne pouvait lui laisser le choix de devenir son apprentie. S'il voulait avoir sa confiance, il devait jouer les amis pour la jeune femme.