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 Angström [Inachevé]

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Amjad Ottam
Amjad Ottam

Mentaï
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MessageSujet: Angström [Inachevé]   Angström [Inachevé] Icon_minitimeSam 30 Oct 2010 - 23:57

Circonvolution.
On eut pu parler de fin d'après-midi -printanier ? Aux couleurs étonnamment denses et ignées. Un long serpent d'hébétude parcourait, côté cour, le lichen. Ces inextricables arbustes bancals avaient vécu: bris de bouteilles, cendres, un pied de chaise incongru. Chaos. Ex nihilo nihil. Quelque chose d'ondulatoire ramenait ses quarks entre lisière et rayon, éclairant la poussière et troublant la chaleur.  Le soleil très-axé éclatait les bris de vitre, sa sclérotique et au-delà. Ondoyant. L'homme passa un index songeur sur la tranche du verre, épaisse, grinçant des dents lorsqu'un irrégulier lui entama la peau. Superficiellement, il va sans dire. La trace de ses empreintes primait sur cette opacité, ayant fait fondre la poussière, à demi. Déjà il s'en reposait. Chaos poussiéreux. L'aline promena sa main sur le bois défoncé, compagnon d'infortune de ce qui avait été une vitre, cette vitre. Les volets hors de leurs gonds ne semblaient pas avoir été arrachés, plutôt vermoulus d'ennui; les consistances poreuses, cet éclat de pagaille l'invitaient à la digression. Au loin, l'empereur, oiseau des bosquets, stridulait son chant disgracieux. Délicate fragrance de moisissure en fleur, comme ces incunables crépis par le temps et ces mots bénins, jointés de splendeurs d'antan. O sbires du cahot ! S'imprégnant de l'odeur plus douce que sordide, il revit ce tableau de maître au mur d'une quelconque demeure crépitante d'opulence; le rouge et le noir mâtinés de vent. Les ruines, le nihilisme, les cheveux gris que peut-être il avait vus comme siens, ou comme ceux de ce guide ayant attiré le gamin qu'il était hors des routes marchombres ? Cahin-caha, d'idéalisme en rouleaux salés; un dessin, oui. Il y pensait sans doute encore, parce qu'il avait désormais les herpes d'araignée qui lui permettraient de peindre un petit épicentre de néant, mais si faible contré aux ambitions, et si dérisoire. Comme disait l'envoleur noyé, «j'ai dit tout». La Guilde avait fait mieux, elle avait tout dit.


Amjad n'avait pas besoin de raison particulière pour fignoler sa sérénité, mais certaines circonstances favorables pouvaient l'égaliser davantage. Le fait que le cerveau à nu de l'éclipsiste ait souillé ses archives, et recraché le nom de Ciléa Ril'Morienval. Que l'auberge du Siffleur ait changé de tenancier. Que l'Académie ait été reprise, signant d'une manière ou d'une autre l'échec du Zil'Urain -ici, la sérénité retenait quelque sourire immature. Que l'océan aline tangue à bâbord ? Et l'ambre coagulée, sève violette. Viendrait-elle ? -Sempiternel point d'orgue des maîtres en bord de lame. Une promesse ou quelque artère tranchée, était-elle plus qu'un peu de goudron veiné noir ? Il lui avait indiqué le lieu, la manière de s'y rendre, le conventionnel, sept ou dix mois plus tard. Oh, sans doute lui en voulait-elle, il imaginait aisément sa colère ou plutôt son aigreur. Mépris violent, se débattre de son parler incisif et son affreux sourire tordu. Il avait le plus grand mal à visualiser sa lèvre plissée en un vrai sourire; même lorsqu'elle jouait un rôle restait cette petite ombre d'amertume. A la proue. Garçonne, elle crachait les mots ou les capitalisait au rythme de ses ongles courts, de ses cheveux courts. Sa paume rendue calleuse par la pugnacité contrastait avec la finesse de sa main -de roturière- où jouaient ombres de chair sombre contre les tendons, lorsqu'elle la crispait puis redevenait maîtresse de. Ou sa propre bourrèle. Ce côté duel chez elle était remarquable: non pas une espèce d'androgynie vague, de juste milieu mais des duretés masculines dans un sourcil froncé, l'entêtement et pourtant la femme, son corps et sa cautèle, l'enfant attardée qui refuse. Qui défigure tout uniment le monde et attend encore quelque chose, bien qu'ayant compris que quelque chose est mort ? Et pourtant un vrai désir de se dépasser, un perfectionnisme et une volonté solides, puisqu'ils découlaient d'une crainte, la médiocrité. Ou du besoin de prouver; ce qui revenait au même. Même son Don présentait plus de présence, et bien qu'elle répugnât encore à l'utiliser -il pensa aux vagues. Aux petites filles noires comme des sauvageonnes sur la plage et leur jupe d'alizé. Les seules femmes alines qui pouvaient prétendre à une indépendance étaient celles qui pouvaient dessiner, et osaient affirmer cette force; on les appelait les Folles.

Il enjamba les tessons et les coquecigrues saupoudrant cette pièce étroite; elle avait servi d'annexe au mercenaire de garde, seul espace doté d'une fenêtre. Contrairement au reste de ce qu'il fallait bien appeler une grotte, l'endroit qu'il quittait avait toujours favorisé une négligence douteuse; il en laissa la porte ouverte, dans le but louable de conférer aux murs quelque lueur autre que celles de la grande entrée. L'Antre du crêpuscule. Pandémonium de petits deuils, démoniaques ou humains. Ennui et nostalgie des longues nuits passées à espionner ses commensaux en louchant sur le poignard effleurant son propre dos. De subordonné en subordonné et subordonné, et les esclaves bâillaient. Sans doute dégondés. Ce lieu n'était-il pourtant ce que l'on pouvait faire de mieux en matière de ténèbre ostentatoire ? Il embrassa  le décor dans sa largeur: la pourpre et le sanguin des tentures crochetées à la pierre, poudreuses mais ailes de chauve-souris, les flambeaux tout de cire fondue, l'aspect monolithique du tout comme l'intérieur d'un volcan, ou d'une vieille peinture. Le granit ne s'effriterait pas, il attendait un souffle entre les doigts de ses chandelles, une assemblée sur qui il pourrait rire jusqu'à s'en rendre claustrophobe. On eut dit volontiers que pas une araignée n'oserait venir ici tisser, malgré le paradoxe -les rets ? Errés ? Allons. D'ailleurs, quelqu'une, là, s'accrochait à la lumière avec la force de sa toile. Ce n'était pas de la rosée qui couvait sur ses fils, pourtant des perles y luisaient. Un éclat de pierre anoblie devenue gypse ? -le prénom même de. Ou l'arachnide, prismatique, décolorait le jour ? Si un spectre devait se prendre à son piège, ce ne serait jamais que celui de la lumière blanche.

Ses pensées s'égaraient une fois de plus à la faveur des tables: Qaeros, la petite Ril'Morienval, des noms enfin. Et des concepts usés. Assortis au sentiment de calme endurant l'urgence: le repaire était à la Guilde, donc à tout le monde. La Guilde à un seul ? Depuis la disparition du démon, la mort de l'ancien tavernier et autres événements à articles définis, il était devenu facile pour tout mentaï averti de forcer ces défenses. Qu'y avait-il à cacher ? Tous les documents avaient été retirés, les cachots vidés; les tentures restaient, mais. Peut-être encore un petit tressaillement en passant la voûte réclamant sa marque du Chaos sous la forme d'une égratignure liant par une sorcellerie ancienne maîtres et apprentis, puis tous les disciples de la destruction en un gigantesque réseau uniquement exploité pour franchir le seuil d'une grotte à l'abandon. Question de consentement. Il avait posté un ou deux hommes aux alentours et oh, bien sûr, les vrais gardiens qui restaient viendraient bientôt s'enquérir des raisons d'une telle intrusion. Ils seraient partis. Et ainsi, Ambre serait inscrite comme de fait dans une Guilde dont il l'avait longtemps tenue à l'écart, dissimulant son identité et sa personne même dans les quelques tâches dont il l'avait chargée. Il ne s'agissait pas de brasser du vent, même lorsqu'elle s'affamait au feu de la fuite et noircissait ses cendres. Un peu d'échec, beaucoup d'attente et potentiellement des rencontres, une liberté fallacieuse sur laquelle elle tanguerait jusqu'à l'aéronaupathie. Vis par toi-même. Quant au Chaos, elle l'avait lu, ressenti, croisé sûrement; elle ne l'avait pas vu. Et si ses mains pulsatiles se couplaient admirablement aux armes, manquaient la perdition ou l'impact. Petite Ambre d'amertume au sourire cicatrisé. Une femme, contestablement. Elle deviendrait un vrai danger dans les Spires ou les mots. Il répugnait presque à briser cet élan de colère qui la portait, au début, la dilacérait fil à fil sur la trame de ses nervures. Il aimait sa manière imbriaque de tituber en rond, vers partout, de relever le chef avec un aveuglement lucide. Enfin, la saison n'était plus aux feuilles mortes.

-L'Antre du Crépuscule, annonça-t'il d'un ton affecté, après un silence, comme elle entrait.

Mouvement de bras généreux vers le repaire offert; il manipula les Spires pour offrir une flammèche à deux chandeliers, les murs s'embrasèrent partiellement, leurs pics enténébrés s'égaillèrent. La marchombre découpait la sienne dans l'entrée, il crut la voir hésiter puis s'avancer lentement -l'hésitation pouvant aussi bien consister en jeux de clartés, floues par chandelles. Elles, éveillées, reprirent avidement leur consomption là où elles l'avaient laissée. Déjà, la cire gouttait. Les meubles plus ou moins ordonnés prenaient de l'ampleur sous la poussière qui les laçait; certains attiraient le regard par un bois plus clair, témoin d'une utilisation récente et poussaient l'observateur à suivre la convergence des couloirs, anticipant une présence. Mais rien. Avait-on besoin de voix ou chairs pour visualiser les sbires, leurs ondulations et les masques dans l'obscurité chryséléphantine ? Au fond, le labyrinthe. Les étagères et leur rouille, s'il était possible, quelques parchemins à l'encre effacée. Puisque l'entrée possédait une dimension surnaturelle, l'air n'y pénétrait pas plus que la brise qu'on devinait agiter les branches, dehors. L'odeur obsolète grignait les vêtements, s'y endormait, une certaine quiescence sourdait du tout. Une certaine sénescence, et l'aiguille dans le plus mol oreiller. Atteindre ce doux lieu méphistophélique n'était pas des plus aisé, enfoui qu'il était aux tréfonds des sous-bois, entre deux arbres plus emmêlés que les autres. Mais quel spectacle ! Tout le luxe silencieux; une chauve-souris réelle, sur la paroi, sa cécité sous les cierges. L'isochronisme du temps qu'ailleurs on eut pu croire inexistant, et qui ici l'était vraiment. Il se balançait de bâbord à tribord au rythme des échos labyrinthiques, ventricule gigantesque dans le corps du monstre. Exubérance, la Guide du Chaos.

-Repaire du Chaos. Un rien désaffecté, mais relativement significatif. Observe bien, nous n'avons pas le loisir d'y rester longtemps.

L'ignorer. Détacher sa tête vers le plafond en restant attentif à sa respiration. Il l'avait guettée de loin; elle avait pu changer un peu. L'élève était formé le jour où il pouvait tuer son maître. La valeur de ce 'pouvoir' dépendant de ce pour quoi il avait été ciselé. Elle n'avait pas à choisir entre la confrérie, Nel'Atan ou un impossible retour; c'était le solipsisme qu'elle avait épousé. Et si rien n'allait mieux à son ombre de folle..


[..J'arrive pas à mieux, mais j'peux toujours tenter d'éditer plus tard, si besoin est.]

Ambre Naeëlios
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Marchombre
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MessageSujet: Re: Angström [Inachevé]   Angström [Inachevé] Icon_minitimeMar 23 Nov 2010 - 21:09


Elle avait hésité longuement. Comme trop souvent. Tiraillée par ses tripes, ses fiertés et ses espoirs-les éthers qui traçaient sur ses rétines des flottements sans teintes, sans l'ivresse, juste les relents piquants et les flous- ses armes et ses blessures.
Comment se vêtir, comment y venir, et avant tout cela. Pourquoi avoir cherché ce message qui était finalement arrivé. C'était trop tard, déjà joué, comme d'habitude-pour peu qu'on estime « habitude » ces instants éclairs qui se passaient généralement de tout, sinon d'objets fallacieux qu'elle finissait par brûler- une indication assez précise de lieux et de moments, pas de signature, pas de politesse. Ils n'en avaient pas besoin. Elle aurait aimé, parfois.

L'uniforme de l'Académie lui paraissait d'une laideur, et d'une ironie douteuse. Trop d'adolescence, de convenu, de souffre. Et du velour, comme une menace outremer, par la noblesse et le temps.
La tunique blanche et le corsage?
La pureté dans les lacets noirs, le corps aigu, le corps assagi, attaché, maintenu.
L'armure de cuir sombre, sous le manteau de laine vaporeuse?
La seule variante qu'elle pouvait proposer, la vieille robe de bal étant absolument exclue.
Plus d'assurance, de risques, sans doute. Quoiqu'actuellement, dans l'académie, il n'était pas rare de voir les élèves porter leurs armes et protection, même la nuit; douceur exquise de ceux qui craignent pour leurs vies et ne se soucient plus que de ça.
Elle prit conscience de son reflet, de son attitude bourgeoise, et horrifiée de penser d'avantage à l'élégance qu'au nécessaire; elle attrapa le pantalon d'errance, le manteau insipide, et la tunique qui l'était autant.

*
Il y avait dans l'air les premières odeurs de fleurs, vives, entêtantes, comme si l'hiver leur avait semblé éternel, qu'elle se vengeaient tout en splendeur, après l'anesthésie, les capitaux parfums de luxe, les bourdons incessants, et le soleil qui reluquait les couleurs renaissantes. Ambre avançait d'un pas assuré, rapide, parmi les chemins de broussailles. Son errance en forêt avait pu accorder ses instincts citadins au rythme plus pur de la nature; elle analysait avec bien plus de justesse les craquements, et ce qui émanait des sous-bois. Si elle était suivie, c'était par quelqu'un qui ressemblerait à l'ange-étrange, sauvé un jour, perdu plus loin. Et pourquoi la suivrait-on? Ca n'avait jamais été le cas.

C'était la saison honnie des métamorphoses, des petits zoziaux et du chafouin. La roturière s'en contrefichait bien , n'imaginait pas pouvoir sembler d'un autre décor, créature d'hiver itinérant, qui accentuait autour d'elle les grappes de couleurs; en les écartant du plat de la main.
*

Elle entra dans la caverne, plus souplement qu'elle ne l'aurait cru. Ce n'était ni échafaud ni une consécration. Il l'attendait juste; c'était un comble, une sorte de récurrence. Un peu comme si, au final, elle avait toujours sa foutue rame de retard, elle pouvait attendre de lui des signes pendant des dizaines de mois; mais sereinement, il prétendait rétablir l'équilibre; fier de sa présence intemporelle, il aurait pu se tenir là depuis une seconde, une heure, ou bien mille ans.
Ambre se promettait de ne pas tordre ses lèvres d'un sourire foireux, se décevait rarement.

Il prononçait toujours des mots simples- c'était juste qu'ils passaient entre ces dents, des dents pointues, et qu'ils devenaient rasoirs- mutilants, avec des danses d'ombre derrière les déliés des arabesques, des soleils de cendres noirs; leurs noyaux crevés depuis longtemps.

Il ébréchait ses certitudes, et puis se taisait. Suivait le silence, des mois durant, à faire le tris dans les décombres, à regarder tourner le vent, c'était immonde. Juste de savoir que même le vent. Et puis, elle s'y faisait, elle attendait, jusqu'au moment précipice, où elle en venait à se demander, si ça valait vraiment la peine, si ça pouvait être pire, si elle chercherait à y aller, la prochaine fois. Son verbe devenait aussi lisse qu'un roman, elle agissait dans la fiction, offrait son âme en littérature. A la réalité stricte, c'était toujours des conversations creuses, qu'Ambre peuplait elle-même de serpent.

Et puis, à la dernière seconde, il y avait quelque chose, et son dilemme reprenait. Venir te retrouver, voir, si, cette fois, je te trouverai un air con.

La jeune femme ne voulait pas le regarder. Elle laissait son regard flâner sur les contours, les recoins du repaire. Le chaos vu par la pièce, avait l'air à la fois fastueux et brisé. Une sépulture de grand roi, on s'attendait presque à le voir se redresser brutalement, au moment où serait prononcée sa funèbre oraison. Sur les crêtes des parois, abruptes, les chandeliers lugubres. Devant le bois précieux des meubles aux portes béantes, les ombres de chauves-souris figées, aux couleurs de granit. Et au fond, venant de très loin, comme une haleine démoniaque, quelque chose qui tenait de la perdition et d'étouffé. Un milliers de chemins qui se croisaient, se détournaient, pouvaient finir brutalement.
Elle haussa un sourcil quand il laissa tomber un « significatif ». Ah, non, aucune ombre ne s'était animée, dommage. Chassant les idées superstitieuses que la grotte et le décor avaient insinué dans son être, elle rétorqua avec lenteur:


-J'aurais imaginé autre chose. D'un peu moins... flagrant.

C'était vrai. Elle avait eu l'occasion de fréquenter le chaos; certes, prudente, pour ne pas dire, peureuse. Et ça avait pu suffire à lui faire comprendre qu'elle n'était pas non plus de l'espèce de ceux là. Ils étaient trop domestiques, trop sbires. Trop.

C'était ce dernier point -l'écartement du chaos comme idéal parfait- que jusqu'alors la distance trop respectueuse que lui en imposait l'ermite, les livres et l'isolement avaient préservé, qui avait soulevé en la jeune femme une série de potentialité. Que, peut-être, elle serait plus particulière qu'Amjad avait pu le laisser entendre; le genre de femme qui pouvait évoluer dans un décor comme celui-ci, comme dans un salon ou une taverne.
Que, peut-être, il y avait comme un retour de miroir, un parallèle inverse à faire avec la guilde des marchombres: ici elle aurait le Maître tant attendu, mais rien pour rêver, sinon la sérénité qui masquait les traits du pirate; les vagues de son âme, de son pas de vaisseau.
Qu'il ne restait pour rêver vraiment que ce retour aux voyages. Qu'ils fussent mentaux, dans les sbires de ceux qui ne font rien de leurs mains, terre à terre, les bras lourds d'armes, d'épices et de bijoux, ou bien utopiques. Le réveil de ce rêve-là la tétanisait littéralement. Qu'y aurait-il après?

Autre chose, de plus adulte, pour remplacer? Un aboutissement? Le fond, enfin. Le passage.

A la porte du labyrinthe, elle s'arrêta. Tentée.

-Nous ne sommes pas invités?


Elle ne s'attendait pas exactement à ce qu'il développe sa position au sein du chaos, mais le fait qu'il l'ait amenée ici semblait supposer que. A moins qu'il ne l'assassine/se décide à lui reprocher ses petites erreurs, son inaction, ou allez-savoir-quoi, Ambre ne prétendait pas détenir les clés de l'esprit du mentaï. Oh, elle aurait pu donner ce qui restait de sa vie pour pouvoir comprendre d'où lui venait cet air serein irritant, comment le garder, se l'approprier. Soit.

Il n'était pas du genre à se laisser aller à quoique ce soit de pratique. Il ne l'entraînait à rien, c'était à elle de combiner, s'imaginer. Elle lisait, et concrétisait, ou se heurtait. Incapable de parler aux autres par l'esprit, comme si son propre mental se fermait à toute possibilité de contact.
On décrit souvent le dessin comme un corps à corps d'esprit, épuré de tout aspect charnel. Une télépathie respectueuse contraint ceux qui l'emploient à ces œillères mutuelles, du message vers le message, sans que l'esprit erre ça où là dans l'intimité de l'autre. Il n'y avait bien qu'un dessinateur pour écrire quelque chose d'à la fois aussi pompeux et aussi auto-élogieux.
Est-ce qu'on pouvait considérer que le Chaos était quelque chose de pratique, d'ailleurs?
Bref. Pourquoi, dans un but théorique l'aurait-il entrainé dans un lieu désaffecté?

Ambre caressait la paroi, laissant sinuer entre ses cils des dédales de routes désertiques, les recoins menaçant et les pièges. A quoi bon confronter?
Il y avait dans son dos l'ombre noire du mentaï, effilée comme un poignard. Et si elle se retournait, et qu'il n'apparaissait plus? Si elle parvenait à trouver dans son regard une trace de peur, une expression un peu moins vague que la retenue, ce serait comme une révolution. Un changement, un juste retour, peut-être.

Pourquoi lutter? C'était vrai, elle aimait l'ombre qui caressait sa nuque, l'air âcre, le soupir régulier du vent qui s'engouffrait dans une cavité lointaine, et l'absence de mouvement environnant. Le mélange de l'adrénaline, du prestige, de la honte.
Pourquoi rager, encore, et se retourner, lui dire, avec son sourire surfait que ça ressemblait à une garde d'enfant masochiste, un trou juste bon à étouffer les pleurs des sbires, leurs derniers doutes? Il surgirait bien d'un coin ou d'un autre une angoisse plus brutale que l'existentielle habituelle; ou de l'admiration. De l'envie. Le repaire, plus qu'une échine, c'était peut-être une main tendue dont il ne resterait que les os: juste assez pour porter les bijoux, et broyer l'univers.

Et puis, tu finis toujours par avoir raison. A quoi bon s'attarder? Si on vaut mieux que ça. Si on est bien ici pour autre chose.



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