Perdue dans un endroit connu (RP privé)

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Les anciens cachots.

Elera laissa ses doigts former une ligne dans la poussière alors qu’elle frôlait le mur. D’habitude, seuls les corbacs se promenaient dans cet endroit sombre pour se rendre dans leur salle commune plus rapidement et en évitant le monde des couloirs de l’étage du dessus. Bien sûr, ils n’étaient pas les seuls, mais ils étaient bien une majorité. Elera quitta rapidement les couloirs plus fréquentés, s’enfonçant dans le sol, prenant sans hésiter un couloir qui n’avait plus été utilisé depuis longtemps : les anciens élèves l’évitaient comme les Ts’liches parce qu’ils savaient où il menait, et les nouveaux n’osaient pas se perdre sur ce chemin fuligineux… Encore que, il y avait bien quelques empruntes à moitié recouverte. Elera n’en laissa aucune. Elle poussa la lourde porte des souvenirs, écoutant le grincement du battant. Tout était exactement comme avant ; les poutres dissimulées dans la pénombre, l’orgue silencieux dans le coin, les chauves-souris endormies.

- Sareyn…

Chuchotement ressemblant au froissement du parchemin qui se perdit dans un courant d’air. La veille, son collier avait disparu. Le Dessin noir qui devait disparaître lorsque Marlyn mourrait. Et pourtant, elle n’était pas morte, Elera le savait. Lorsque le poids sur son cou avait disparu, elle avait immédiatement visualisée Marlyn, se concentrant sur cet instinct dans son cœur, cette greffe cadeau du Rentaï… et elle l’avait senti. Elle avait senti qu’elle pouvait aller vers Marlyn. Elle n’en serait pas capable si elle n’existait plus… Cela ne pouvait dire qu’une chose. Marlyn avait effacé son Dessin. Elle était partie. Pourquoi ? Elera ne pouvait pas le deviner. Elle savait seulement qu’elle ne pouvait pas retrouver la Mercenaire du Chaos, qu’elle ne le voulait sûrement pas puisque ses appels s’étaient révélés vains. Il lui fallait l’oublier. Avancer sur sa voie sans garder en vue celle de sa sœur d’esprit, malgré la douleur que cela lui apportait… Alors elle s’était assise sur le banc devant l’orgue, et avait enfoncé une touche. Le son grave avait résonné longtemps sur les murs nus de la salle grisâtre. Derrière la musique, les souvenirs tourbillonnaient. Les souvenirs des cachots. La voix de Marlyn, et celle d’Elera, qui lui tendait une main que la jeune fille avait refusé de prendre. Alors Elera l’avait suivi dans les profondeurs sans jamais quitter la lumière des yeux, puisque Marlyn refusait de remonter, pour qu’elles puissent rester ensemble… mais ce n’était plus possible. Marlyn avait trop avancé sur la voie du Chaos. Elera appuya sur une nouvelle touche, et s’oublia dans cette unique note gutturale. S’oublia. Oublia. Laissa les souvenirs se poser dans son esprit comme les feuilles d’automne lorsqu’elles arrêtent de danser sur le vent. Pour les transformer en souvenirs, au lieu d’être une vérité poignante et présente… Elle en avait besoin, si elle voulait continuer à avancer en attendant un signe de la Mercenaire. Vers de nouvelles rencontres. Plus loin sur sa voie. Monter pendant la descente…

Elle sursauta. Un froissement derrière la musique. Nouvelle rencontre, déjà, ici ? Qui venait percer son silence musical et son passé présent ?

- Qui est là ?

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Elio marchait.
Il ne savait où il allait mais il marchait.
Se laissant guider par ses pas, il regardait droit devant soi, sans vraiment voir les structures qui défilaient devant ses yeux.
Voilà quelques temps qu'il était à l'Académie...Il s'y plaisait, d'une certaine façon...
Ses petits pas lents se mirent à résonner en entrant dans une salle. Le jeune garçon n'y prit pas garde.
Il fallait à présent qu'il se concentre sur son but...Sur sa quête...Elle seule comptait en son esprit. Une fois celle-ci accomplie, il terminerait sa formation de guerrier...
Et...
La corbac s'arrêta.
Que ferait-il une fois son but atteint et sa formation terminée?

*Venger ma mère!*

Oui. Si son père ne voulait rien lui dire c'est bien que la mort de sa mère n’était pas...naturelle...Vengeance serait donc à accomplir...
Mais contre qui?

*Bah...faudrait déjà que je trouve quelqu'un qui puisse m'éclairer sur ce mystère...Après on verra qui est le coupable.*

Mais qui?
Qui pourrait le renseigner?
Quelqu'un qui aurait connu sa mère? Un faël?
Elio savait que rares étaient les faëls qui voyageaient seuls, et plus encore ceux qui quittaient totalement leur village.
Ou alors il lui faudrait quelqu'un qui sache l'emmener au village de son enfance, là où il était née, là où vivait sa défunte mère...
Là-bas ils le lui diraient à lui comment...
Et pourquoi...
Perdu dans ses pensées, ses jambes avaient repris du service. Seul l'écho de ses pas dérangeait le silence apaisant des lieux.
Un grand escalier de pierre descendant dans une sorte de cave s'offrit à lui. Sans réfléchir le jeune guerrier s'y engouffra.

Alors qu'il se laissait porter par la hasard une voix féminine l'interpella d'une voix sec:

- Qui est là ?

Il la dévisagea, surpris de rencontrer une femme en ces lieux qu'il croyait abandonnés aux rats et autres bêtes rampantes.
Belle, majestueuse, sa crinière rousse lui tombait avec sauvagerie sur son corps fin et musclé. Un bref coup d'œil sur son uniforme lui appris qu'elle était de Lotra. Plus âgée que lui, il lui donnait environ vingt ans, elle le fixait de ses yeux violets et froids. Ceux-ci semblaient lui en vouloir de pénétré dans cet endroit, comme une lionne qi défend son territoire.
Cette marque de possession énerva Elio.

-Je suis Elio Tharön, élève dans cette Académie, et j’appartiens à la noble maison de Corbac. Et toi qui es-tu?

Sa voix ne montrait aucune sympathie, tant mieux. Il ne savait pas être amical, à moins de bégayer, et dans ce cas il paraissait idiot et benêt!
A son tour il foudroya de ses yeux bleus ciel la jeune femme, refusant de détourner le regard devant une inconnue.

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Elle ne s’attendait pas à ce qu’on vienne la chercher ici. Personne n’y venait jamais… Elle avait voulu s’oublier dans les souvenirs, s’oublier dans l’époque où ce lieu était encore utilisé régulièrement. Cet endroit était celui de Marlyn, d’une certaine façon, et Elera avait du mal à accepter qu’un autre qui ne connaissait rien à toute cette histoire entre dans la salle de l’orgue, juste comme ca. Et pourtant cette pièce était ouverte à tous… Elle avait vu bien d’autres visages avant sa génération, et elle en verrait bien d’autres après. Et tous auraient une histoire différente, tous n’auraient pas grand-chose à voir les uns avec les autres si ce n’était cet ancien cachot dans lequel jouaient les ombres. Peut-être était-ce un signe, qu’il apparaisse ainsi à elle alors qu’elle ne pensait qu’à Marlyn. Mais elle n’avait pas envie de lui parler. Elle n’avait pas envie d’entendre sa voix inconnue, seulement les cris des fantômes et le silence des sous-sols. Elle n’avait pas envie qu’il interrompe le cours de ses pensées. Et pourtant, même cet endroit n’était pas à l’abri du cercle de la vie. Le temps avançait, et le temps voulait qu’elle avance aussi, la ramenant de force vers le présent. Elera soupira.

- Ne parle pas trop fort, tu vas faire peur aux chauves-souris.

Déjà que l’écho était fort dans ces lieux, un chuchotement suffirait bien à se laisser entendre… Et puis il n’y avait pas que les chauves-souris qui pourraient se réveiller. L’une d’entre elle remuait d’ailleurs les ailes quelque part au-dessus de leur tête, mais elle se réinstalla confortablement et le silence retomba. La main d’Elera glissa sur les touches de l’instrument sans les enfoncer, jusqu’à ce qu’elle arrive à la dernière, plus proche d’Elio. Elle s’arrêta et plissa les yeux dans la pénombre ; d’habitude, une bougie brillait dans la salle, mais celle-ci était éteinte, la jeune marchombre ayant préféré l’obscurité. Elle ne pouvait voir que la silhouette d’un jeune homme, des mèches claires qui lui tombaient autour du visage, et ce qui lui semblait être une expression fermée, mais elle n’était pas sûre. Lui avait sûrement pu la voir un peu mieux avec la faible lumière qui perçait des torches dans le couloir, mais pour elle, il était à contrejour… Elle prit donc le temps de chercher la bougie et de l’allumer avant de se retourner vers lui de nouveau. Uniforme Corbac, comme il l’avait dit, des yeux de glace, des poings fermés… Colère. Il était un être rempli de colère. Contre quoi ? Elle ne savait pas, mais c’est d’un ton plus doux qu’elle continua.

- Je suis Elera. Simplement Elera.

Elle n’avait aucune envie d’expliquer sa situation. Aucune envie d’expliquer sa famille, d’expliquer son statut de maître marchombre et d’élève forgeron, aucune envie de répondre au défi qu’il avait visiblement lancé pour montrer que la maison Corbac était mieux que celle des Lotras. Ou peut-être que si. Elle se demanda un instant comment il réagirait si elle commençait à l’appeler noble Til’ Tharön de la noble Corbac, mais laissa s’évanouir cette velléité ; elle n’avait aucune envie de se faire de lui un ennemi, ni de lui donner une raison de déverser sa rage sur elle. Pourtant, elle ne fit aucun pas vers lui. Peut-être était-ce le lieu, peut-être était-ce son ton froid, peut-être était-ce son humeur nostalgique, ou peut-être un mélange des trois… Mais au lieu de lui envoyer un sourire rayonnant et de l’inviter à entrer comme elle l’aurait fait d’habitude, elle continua à l’observer dans l’entrebâillement de la porte. Sa voix apparut brutalement lorsqu’elle parla à nouveau.

- Cette salle ne mène nulle part et ce couloir est un cul-de-sac… Tu es perdu ?

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La jeune femme soupira:

- Ne parle pas trop fort, tu vas faire peur aux chauves-souris.

Elio ouvrit de grands yeux.

*C'est quoi cette fille?!*

Il ne put s'empêcher toutefois de lever la tête en quête de voir le fameux volatile. Il en vit une, qui se rajustait en une pose apparemment plus confortable pour dormir en toute quiétude.
Lugubre comme lieu...
Il ne l'avait pas vraiment remarqué, marchant sans regarder les chemins qu'il empruntait.

*Mais où ai-je bien pu atterrir? Dans l'antre de la Dame aux chauves-souris?!*

Il dévisagea la femme à la crinière de feu. Elle semblait perdu dans ses pensées, et ne posait pas le moindre regard sur son interlocuteur.

- Je suis Elera. Simplement Elera.

Elera...
Dans cette atmosphère morbide elle contrastait mais semblait aussi se fondre...
Et le guerrier n'aimait pas trop cette mystification, ça le rendait nerveux, mal à l'aise.

- Cette salle ne mène nulle part et ce couloir est un cul-de-sac… Tu es perdu ?

Nouveau sursaut.
Perdu...
Oui...oui depuis voilà longtemps il était perdu, depuis le jour où pour la première fois son père lui avait refusé la vérité.
Depuis le jour où on l'avait enlevé à son village natal, et depuis le jour où il avait perdu la femme qui l'avait mis au monde...
Depuis le jour où il savait qu'on lui cachait quelque chose...
Et puis dans cette Académie aussi il était perdu...Vis à vis des autres élèves, vis à vis de son handicape...
Et Mydona...
Avec elle il était même plus que perdu...
En fait, il n'y avait que dans les cours de combat qu'il se sentait chez lui, qu'il se savait sur le bon chemin...
Sinon sa vie s'apparentait à un grand labyrinthe, dont il ne parvenait pas à trouver la sortie...

-Oui...chuchota-t-il, oui si on veut...Mais je n'ai pas vraiment besoin de cul-de-sac pour l'être...Je suis disons assez doué pour me créer des impasses moi-même!

Il partit alors d'un rire nerveux, qui fit fuir la demoiselle de nuit qui dormait au dessus de sa tête.

*Et voilà, tu vas encore passer pour fou...*

-Et toi? Tu fais quoi? Tu nourris tes amies?

Et il désigna de la tête les bêtes accrochées aux poutres. Sa question était idiote, et mesquine. Comment se permettait-il de se moquer alors que lui-même n'était pas capable de se faire le moindre ami...
Peut-être devrait-il songer à prendre un animal...

*Pfff à l'instant même où il découvrira mon caractère il se cassera...*

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Il y avait tellement de manières différentes d’être perdu. On pouvait se perdre physiquement, on pouvait ne pas savoir où aller, on pouvait avoir l’impression de ne pas connaître le chemin qu’on avait choisi. On pouvait être perdu envers quelqu’un, ou avoir perdu quelque chose auquel on tenait particulièrement… Elera n’avait pas perdu sa voie, elle savait exactement où elle était physiquement, mais elle avait bien l’impression d’avoir perdue Marlyn. Elle était peut-être toujours vivante, mais hors d’atteinte, et visiblement n’avait aucune envie d’être retrouvée… comme le collier de perles noires. Sa voie partait dans une direction imprévue. Elio, lui, semblait perdu d’une manière entièrement différente, même si elle ne pouvait pas deviner de quoi il parlait, exactement. Mais alors qu’elle prenait les détours qu’elle prenait comme une bénédiction de la Dame, lui semblait prendre très mal le fait qu’il devait parfois faire demi-tour. Elera se rassit sur le banc avant de répondre doucement, ses yeux violets fixés sur le corbac.

- Il est parfois utile de se perdre. Les plus petits chemins peuvent nous mener vers les plus grandes découvertes… Tu n’es pas obligé de chercher à retrouver le bon, si tu profites de celui sur lequel tu avances. Les impasses, ca se contourne… Mais je te ramènerai au couloir principal des cachots, si tu veux.

A la question suivante, elle suivit le mouvement de tête d’Elio, cherchant la forme noire des chauves-souris sur le plafond.

- Elles n’ont pas besoin de moi pour se nourrir. Ce n’est pas pour elles que je suis venue ici, mais pour une amie qui aimait venir les voir, avant.

Autant ne pas la nommer. Les chances qu’il ait entendu parler de Marlyn étaient minces mais présentes tout de même, et elle ne souhaitait pas voir sa mine de dégoût lorsqu’il apprendrait que la jeune marchombre était l’amie d’une Mercenaire du Chaos… Leur rencontre était déjà assez étrange comme ca. Pourtant, elle avait envie d’en parler. Alors c’est ce qu’elle fit, restant dans le vague pour qu’aucun détail ne puisse lier son histoire à celle de la félonne.

- Nous nous étions rencontrées dans cette salle, une fois. Les choses étaient tellement différentes, à l’époque… et puis elle est partie. Malgré nos différences, je pensais ne jamais la perdre de vue. Mais je crois que je ne la reverrai plus…

Elle ne partirait pas à la recherche de la Mercenaire du Chaos. Elle ne chercherait pas à rapprocher leurs deux voies pour qu’elles courent parallèles l’une à l’autre si celle qu’elle considérait comme une sœur ne le souhaitait pas. Et elle avait bel et bien l’impression que c’était le cas… S’était-elle baignée d’illusions, en pensant que Chaos et Harmonie pouvaient marcher main dans la main ? En pensant que feu et eau pouvaient rester amis ? Peut-être… et pourtant, les yeux perdus dans l’obscurité, elle y croyait encore. Et puis, elles n’étaient pas si opposées que ca, il y avait bien certaines choses qui les réunissaient, malgré le danger. Un jour, elle y arriverait. Pas aujourd’hui. Et puis, elle n’était sûrement pas la seule dans cette situation, et d’autres s’en étaient sortis…

- Toi aussi, tu as des gens avec qui tu voudrais être alors que tout semble vouloir t’en empêcher ?

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Elera se rassit sur le banc, et fixa le corbac de ses yeux violets dans lesquels reflétait la lueur de la bougie posée non loin d'ici.

- Il est parfois utile de se perdre. Les plus petits chemins peuvent nous mener vers les plus grandes découvertes… Tu n’es pas obligé de chercher à retrouver le bon, si tu profites de celui sur lequel tu avances. Les impasses, ca se contourne… Mais je te ramènerai au couloir principal des cachots, si tu veux.

Elio réfléchit longuement. Profiter du chemin sur lequel il est? Le problème est de savoir quel chemin il arpentait ces temps-ci...
Celui du guerrier?
Celui de son père? Non sûrement pas.
Celui de sa mère? Comment le savoir?

- Elles n’ont pas besoin de moi pour se nourrir. Ce n’est pas pour elles que je suis venue ici, mais pour une amie qui aimait venir les voir, avant.

Le jeune garçon fit une moue sceptique. Il voyait franchement mal comment une femme, ou même un homme, pouvait apprécier la compagnie lugubre de ces animaux.
Pourtant aussi étrange que cela paraisse, une petite partie de lui aimait franchement cette ambiance sombre et enivrante.

- Nous nous étions rencontrées dans cette salle, une fois. Les choses étaient tellement différentes, à l’époque… et puis elle est partie. Malgré nos différences, je pensais ne jamais la perdre de vue. Mais je crois que je ne la reverrai plus…

Il l'écoutait en silence. Le ton posé de sa voix l'apaisait et rendait l'endroit moins inhumain.

*N'empêche en y pensant, une rencontre dans un tel endroit n'est pas une rencontre que l'on souhaiterait avoir tous les jours.*

Il avait beau trouver la salle sinistre, il ne pouvait s'empêcher d'admirer sa beauté. Belle et triste, alliance de la peur et d'un certain bien-être...

- Toi aussi, tu as des gens avec qui tu voudrais être alors que tout semble vouloir t’en empêcher ?

Elio releva la tête, surprit par cette question. De quoi se mêlait-elle? Il ne lui avait jamais demandé de raconter sa vie, il ne lui devait donc aucune histoire en retour!
"Des gens avec qui tu voudrais être alors que tout semble vouloir t'en empêcher?"
Oui...
Oui il y avait un personne qu'il voudrait retrouver.
Seulement il ne pouvait pas.
Pas encore du moins.
Son heure n'était pas arrivé.

-Oui il y en a une. Il n'y a qu'un seul mur qui se dresse entre elle et moi, et pourtant c'est le seul mur que je ne peux pas franchir...C'est stupide hein? Un guerrier devrait savoir franchir n'importe quel obstacle, que ce soit un mur, une montagne, une cascade ou même une simple barrière. Mais celui-là est coriace, et lorsque l'on passe de l'autre côté on ne peut plus revenir...
Alors comment rejoindre la personne? Ou ne serait-ce que sentir sa présence?

Le corbac s'nervait au fil de ses paroles, délivrant une rage retenue depuis trop longtemps. A la dernière phrase de sa tirade il hurlait, dérangeant les volatiles nocturnes. Mais il n'en avait que faire. Des larmes commençaient à couler sur son visage, devant son impuissance face à ses sentiments. Pourquoi?

-Rah et puis pourquoi j'te raconte tout ça? T'es qu'une fille comme les autres qui ne pourra que m'aider à retrouver mon chemin dans l'Académie!

Faux.
Elera n'était pas une fille comme les autres, il le savait, il le voyait.
Mais comme à chaque fois il se laissait porter par ses paroles sans réfléchir, et se recroquevillait dans sa carapace, protégé des relations humaines...

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Un seul mur, dont l’on ne peut pas revenir…

- Elle est morte ?

Peut-être ne devrait-elle pas être aussi franche, mais elle avait toujours posé ses questions ainsi et ne pouvait pas le changer. Aucune dureté dans sa question, seulement de la douceur et l’envie de comprendre… Pas de pitié, non plus, mais peut-être une once de sympathie. D’autres ne seraient pas allés sur ce terrain dangereux alors que le sujet était visiblement difficile pour Elio, mais elle n’y pensa pas. Même après sa visible rejection et méfiance envers elle. La colère et la force qu’il lui envoyait ne la touchait pas, elles glissaient autour d’elle comme le torrent de la rivière autour de la marchombre… Elle se moquait des mots supposés être blessants. C’était les larmes qu’elle voyait. Qu’il croit qu’elle puisse l’aider ou non n’avait aucune importance ; ces actions lui montreraient la vérité, quelle qu’elle soit. Elle ignora donc la dernière question ; s’il ne savait pas lui-même pourquoi il lui parlait, ce n’était pas elle qui allait lui donner la réponse. Mais elle pouvait réfléchir aux premières… Qui était cette personne dont il parlait ? Une sœur, une amie ? Son amoureuse ? Quoiqu’il en soit, la séparation lui brisait le cœur… et peut-être qu’il avait raison, qu’elle ne pouvait pas l’aider. Elle ne savait même pas de quoi il parlait. Mais au moins pouvait-elle essayer… Elle se rapprocha, passant derrière lui pour fermer la porte. Chuchoter n’avait plus aucun sens maintenant que les chauve-souris ne dormaient plus et étaient parties, mais au moins pourraient-ils empêcher l’écho de répéter tout ce qu’ils diraient au premier curieux qui s’arrêterait au bout du couloir.

- Elle était de ton côté avant de franchir le mur. Elle a laissé des traces, dans ta vie, dans celle des autres… Alors peut-être que tu ne peux pas être avec elle, mais tu peux encore sentir sa présence. Parler d’elle avec d’autres qui l’ont connue. Personne ne disparait sans affecter quelqu’un et quelque chose… Alors peut-être que tu ne la retrouveras pas, mais tu peux garder les souvenirs qu’elle a laissé derrière elle. Garder les souvenirs de sa vie, au lieu de penser à ceux de sa mort…

Il savait sûrement déjà tout ca. Et ca n’avait sûrement aucune importance pour lui, s’il était encore dans son chagrin… Lorsque le renard qu’elle avait aidé à élever, Igashu, était mort, elle ne voyait que son cadavre, et non les mouvements joueurs et joyeux qui caractérisaient tout ce qu’il faisait avant sa mort. Ce n’était qu’après qu’elle avait recommencé à penser à lui avec des pensées moins morbides, et qu’elle avait accepté… Cela ne lui avait peut-être pas pris longtemps, mais Igashu était un renard, pas une personne, et elle l’avait laissé partir dans son habitat sauvage bien longtemps avant de retrouver son corps. Son expérience ne pouvait pas vraiment être comparée avec celle d’Elio… Et puis pour tout ce qu’elle en savait, elle n’avait raconté que des bêtises. Il n’avait pas encore confirmée qu’il parlait de quelqu’un de mort, ni que c’était quelqu’un qu’il connaissait bien. Elle ne connaissait pas la situation, et ses vagues conseils n’arriveraient peut-être nulle part… Elle aurait dû se taire. Parler ne servait à rien si elle ne comprenait pas. Mais il était trop tard pour reculer, maintenant…

- Je raconte peut-être n’importe quoi, mais je peux au moins écouter, si tu veux en parler… Même si je suis incapable de te montrer autre chose que le chemin de l’Académie, je connais peut-être quelqu’un qui pourra te montrer celui que tu cherches.

Elle repassa devant lui, puis lui montra le petit banc devant l’orgue d’un signe de main. Ils feraient aussi bien de s’asseoir, s’il ne comptait pas retourner immédiatement d’où il venait. Elle préféra ignorer le siège, et se laissa choir au sol. Plus bas que lui, en apparence à sa merci, et pourtant tout dans sa position montrait qu’elle n’avait pas peur… Confiance. Une position de confiance qui lui allait parfaitement bien. Une habitude qu’elle avait prise et qui pouvait se montrer dangereuse parmi les bêtes si elle ne réussissait pas à gagner leur respect, mais Elio était humain et ne le sentirait sûrement pas… Il penserait juste qu’elle était bizarre, s’il pensait comme la majorité de ses contemporains. Mais ce n’était pas à la dominance et à la hiérarchie des loups qu’elle pensait en s’installant, mais bien au chagrin du Corbac. Lorsqu’elle leva ses yeux violets vers lui, l’attention qu’elle lui portait était évidente sur son visage éclairé par la bougie…

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- Elle est morte ?

Elio se figea, stupéfait. Il ne s'attendait pas à une telle question, si abrupte, si...
Même lui n'arrivait pas à prononcer cette phrase à l'affirmative. Et l'entendre lui provoquait une douleur déchirante au cœur accompagnée de larmes salées qui menaçaient de sortir à flot. Serrant à son habitude les dents et les poings il se contint, ne souhaitant pas se dévoiler face à cette inconnue aux étranges paroles.
Colère et tristesse se mêlèrent en un même tremblement qui s'écoula dans ses membres. La douleur devint brûlure infernale, au fur et à mesure qu'une image floue d'une jeune femme lui venait à l'esprit.
Belle...
Faëlle...
Fine et gracile...
Longue chevelure blonde...
Grands yeux bleus...
Un mot, un seul mot forçait le passage des lèvres pincées du jeune garçon.
Il aurait voulu le hurler, le faire résonner dans les cachots afin qu'il atteigne sa destination...
Maman...
Mais Elera poursuivit son monologue, tout aussi mystérieux et profond que les précédent:

Elle était de ton côté avant de franchir le mur. Elle a laissé des traces, dans ta vie, dans celle des autres… Alors peut-être que tu ne peux pas être avec elle, mais tu peux encore sentir sa présence. Parler d’elle avec d’autres qui l’ont connue. Personne ne disparait sans affecter quelqu’un et quelque chose… Alors peut-être que tu ne la retrouveras pas, mais tu peux garder les souvenirs qu’elle a laissé derrière elle. Garder les souvenirs de sa vie, au lieu de penser à ceux de sa mort…

Il sentit soudain la présence plus proche de la jeune femme, elle s'était déplacé sans qu'il ne s'en aperçoit.
Que pouvait-il bien lui répondre?
Garder des souvenirs...
Mais quels souvenirs avait-il d'elle?
Trop peu hélas!
Il lui revenait parfois quelques images ou scènes de son enfance, mais tout était flou. Sa mère l'avait quitté bien trop tôt!
Le feu brulait de plus en plus fort à l'intérieur, comme si les dires de la lotra attisaient les flammes afin qu'elles ne s'éteignent jamais!
Il mourait d'envi de lui hurler de se taire, de disparaitre...Mais après tout elle était là bien avant lui, rien ne l'empêchait de partir, lui!
Il ne savait quoi, mais quelque chose, une force, le retenait en ce lieu, avec Elle...Aurait-il réellement besoin de parler de sa mère et de ces vérités non dévoilées pour se sentir mieux?!
Mais pourquoi à cette femme? Il ne la connaissait pas! Qu'est-ce qui lui assurait qu'elle ne serait pas par la suite une ennemie?!
Indifférente au combat d'Elio pour ne pas s'effondrer sous ses tremblements, Elera continuait:

- Je raconte peut-être n’importe quoi, mais je peux au moins écouter, si tu veux en parler… Même si je suis incapable de te montrer autre chose que le chemin de l’Académie, je connais peut-être quelqu’un qui pourra te montrer celui que tu cherches.

Elio la fixa.
Ouvrit la bouche.
La referma de suite.
La rouvrit de nouveau.
Pour ensuite recoller ses lèvres sèches.
Finalement il se décida, mais comme à son habitude il dut faire place à la rage pour ne pas fondre dans le pathétique:

-Ah les souvenirs! Quelle farce! Et quand tu n'as aucun souvenir auquel te raccrocher que fais-tu? Quand tu ne sais pas de quelle manière cette personne à franchi le mur, et que le seul proche qui te reste te ment et te cache le plus important, comment peux-tu laisser le passé derrière toi?
Moi même je ne l'ai presque pas connue, que sais-je d'elle si ce n'est qu'elle m'a mise au monde et que j'appartiens à son peuple? Alors comment puis-je retrouver quelqu'un l'ayant connue quand je ne puis que te citer son nom et sa silhouette qui me hante chacune de mes nuits?

Cette fois les larmes coulaient. Il n'avait pu les retenir plus longtemps. Son corps secoué de légers spasmes s'affaissa, et le guerrier se laissa choir à terre, abattu d'une lutte qu'il savait d'avance perdue. Il leva la tête et hurla au visage de la jeune femme, se sentant d'avance coupable de sa colère inutile:

-Tu prétends pouvoir m'aider! Me trouver un chemin! Qui le pourrait? Je ne sais pas où je vais! Je veux devenir guerrier mais je suis incapable de me contenir! Je veux découvrir la vérité mais je ne sais même pas où aller et quoi chercher!
Qui es-tu pour arriver telle la Dame, porteuse de message?

Il n'en pouvait plus, la douleur était trop grande. Mais ses jambes refusaient de se lever et de courir au loin...
Il ne put que s'accrocher au mur, se râpant les ongles jusqu'au sang contre la pierre dure et froide de la pièce.

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[Miiiih

J’adore ton post I love you

]

Sa mère. C’était sa mère qui était morte.
Elera laissa Elio se vider, chaque question empli de tellement de rage et de chagrin qu’elle se sentit trembler. Chaque question une pique de colère lancée à pleine vitesse, jusqu’à la dernière, accusation hargneuse. Mais il y avait autre chose dans ses mots, aussi. Ils n’étaient pas vides de sens, leur premier but n’était pas vraiment de blesser… Il voulait savoir. Lorsqu’il se laissa tomber et s’accrocha au mur, les larmes coulant sur ses joues, Elera s’approcha doucement. Elle n’osa pas le toucher, incertain de la réaction qu’il aurait, même si elle aurait voulu le réconforter, et essuyer ses larmes. Ce cachot ne devait-il voir naître que des histoires tristes ? Ignorant sa tirade, elle ne répondit d’abord qu’à la dernière phrase, puisque c’était la seule qui lui était vraiment adressée.

- Faut-il être une créature fantastique pour essayer d’aider quelqu’un ?

La question résonna telle une note de piano sur laquelle on laisse son doigt appuyé longtemps avant de mourir dans le silence. Elle n’était pas la Dame, elle n’était pas porteuse de messages, elle n’avait jamais pensé à se comparer à elle et n’arrivait toujours pas à concevoir la chose, ne comprenant pas comment Elio avait pu le faire. Elle n’était qu’une humaine. Une simple humaine qui croyait dur comme les pierres grises des montagnes qu’il y avait toujours de l’espoir, et qui agissait en conséquence… Etait-ce si étrange que ca ?

- Je ne peux pas te trouver un chemin. Ca, c’est à toi de le faire. Peut-être que je ne peux pas t’aider en restant ici, c’est vrai. Mais je sais que je ne le ferai pas en partant, alors pourquoi ne pas essayer ?

Le dos contre le banc de l’orgue, elle ferma un instant les yeux. Sa mère était morte lorsqu’il était jeune, il ne se souvenait pas et n’avait aucun moyen de savoir qui elle était… et cette incertitude le dévorait de l’intérieur. Maintenant qu’elle y pensait, Elio ressemblait assez à sa sœur… Elle aussi avait passé des années à rechercher des réponses sur leurs parents, avec seulement quelques fragments de souvenirs pour la guider. Elle aussi ne supportait pas ce nuage de brume dans son passé. Mais elle avait fini par la découvrir, la vérité… Elio le pourrait aussi. Et de son histoire, si elle ne pouvait rien lui donner d’autre, elle pouvait lui offrir une lueur d’espoir. En espérant qu’elle suffirait pour sécher ses larmes…

- J’ai grandi sans mes parents, sans vraiment me souvenir d’eux, mis à part quelques images. Je ne connaissais même par leur nom… mais je n’ai jamais pensé que je devais savoir qui ils étaient pour avancer, alors cela ne m’a pas arrêtée. As-tu vraiment besoin de savoir ? Est-ce que cela changerait qui tu es ?

Mais la réponse d’Elera ne serait pas forcément celle d’Elio, et celui-ci pourrait très bien répondre oui. Le même oui que lui avait hurlé sa jumelle… Alors elle continua.

- Ma sœur voulait connaître la vérité, elle y tenait beaucoup plus que moi… Elle est partie à leur recherche. A la recherche de son passé. Pendant 4 ans, elle a posé ses questions dans tout Gwendalavir, sans succès. Mais nous avons fini par les trouver, finalement, au début de cet été… Si nous avons réussi, tu le peux aussi. Cela prendra peut-être longtemps et ce sera difficile, mais tu y arriveras, si tu y tiens vraiment… Je ne sais pas pourquoi l’on essaie de te cacher la vérité, mais tu peux la trouver par d’autres moyens. Cette personne qui te ment ne peut pas être la seule à savoir quelque chose. Tu dis ne pas savoir où chercher ; tu pourrais déjà commencer par parler d’elle à d’autres qui pourraient avoir un lien avec elle. Comment elle s’appelait ? Tu as dis que tu appartenais à son peuple… elle n’est pas humaine ?

Puis, repensant à quelque chose, elle ajouta en fixant les poutres, incapable de regarder le Corbac en face en prononcant ses mots :

- Si Valen t’a accepté parmi ses élèves, c’est que tu feras un bon guerrier.

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Moi aussi j'Aime tes posts! I love you

]

Une fois de plus Elio n'avait rien contrôlé...A quoi bon? A quoi bon résister? Chaque combat qu'il menait contre lui-même était impossible...
Un échec...
Constamment le même échec...
Mais Elera n'abandonnait pas, tout comme Mydona elle persistait...Avaient-ils tous la même fougue ici, ou était-ce un signe distinctif de la voie marchombre? Elera serait-elle l'une de ces étranges personnes?

- Faut-il être une créature fantastique pour essayer d’aider quelqu’un ?

Ses paroles résonnaient à présent dans la salle. Ni l'un ni l'autre ne se donnait plus la peine de chuchoter. Il n'y avait plus de raison...
Et comme à chacune des questions de la jeune femme il n'avait pas de réponses, ce qui l'énervait de plus en plus.

- Je ne peux pas te trouver un chemin. Ca, c’est à toi de le faire. Peut-être que je ne peux pas t’aider en restant ici, c’est vrai. Mais je sais que je ne le ferai pas en partant, alors pourquoi ne pas essayer ?

* Tais-toi! Tais toi!*

Les larmes du garçon coulaient toujours à flot, ses tremblements ne donnaient pas signe de s'arrêter. Et il écrasait toujours avec force ses doigts contre le mur. Du sang en coulait à présent. Pourtant la douleur ne le gênait pas. Au contraire, elle lui apportait une sorte de compensation...

- J’ai grandi sans mes parents, sans vraiment me souvenir d’eux, mis à part quelques images. Je ne connaissais même par leur nom… mais je n’ai jamais pensé que je devais savoir qui ils étaient pour avancer, alors cela ne m’a pas arrêtée. As-tu vraiment besoin de savoir ? Est-ce que cela changerait qui tu es ?

Voilà maintenant qu'elle se confiait presque! Pourquoi lui parlait-elle de ses parents? Cherchait-elle de la pitié? Non, non ce n'était pas pour elle qu'elle en parlait...Il le savait.
Elera parla alors de sa sœur. Pourquoi? Comment pouvait-elle parler de sa vie privé à un inconnu si naturellement?
Elio ne la comprenait vraiment pas.
Et elle parlait...

*Mais tais-toi! Tais-toi!*

Serrant les dents pour ne pas lui hurler dessus il s'accrocha un peu plus si possible au mur, se créant une nouvelle douleur apaisante de colère.

*Faites qu'elle se taise! Faites qu'elle se taise!*

Les larmes coulaient, Elio se sentait faible et inutile. Que faisait-il là? Pauvre gamin qui pleure tapis dans le coin d'un cachot!

Enfin elle se tut.
Le jeune apprenti guerrier leva la tête, les yeux rougis. Elle semblait regarder le plafond.

- Si Valen t’a accepté parmi ses élèves, c’est que tu feras un bon guerrier.

Un long silence s'ensuivit. Silence qu'il dégusta à sa manière, essuyant ses larmes, mais se barbouillant de sang par la même occasion. Il était toujours secoue de quelques spasmes, mais moins puissants...
Assis sur le sol froid il ne savait que faire. Il avait mal. Pas aux doigts, il commençait à avoir l'habitude de s'en prendre aux poings ou à quelques autres membres...Non, il avait mal au cœur. Le feu se consumait toujours et encore, lui lacérant l'estomac.
Alors il s'allongea, en position fœtale.
Et dans un murmure rauque il se mit à parler:

-Eliane...Elle s'appelait Eliane. Elle appartenait au peuple faël...Avec papa on vivait avec elle dans leur village. Pis un jour on est parti. J'me souviens de rien...Parfois j'ai l'impression d'entendre sa voix, ses cris...Mais papa n'a jamais voulu me dire comment elle est morte. Il est même parfois devenu très violent quand on en parlait! Pas contre moi bien sûr, mais des objets de la maison ont souffert.

Il parlait comme un enfant, tout seule dans son coin...

-Alors il m'a envoyé ici, pour mon avenir de guerrier. Mais surtout pour éloigner mes questions trop pesantes...Je...

Sa voix se transforma en une plainte:

-Je veux juste savoir la vérité! Juste savoir comment elle est morte!!

Il se sentait seul, et abandonné...
Enfant perdu dans ces mensonges, il se recroquevilla et ferma les yeux ans un gémissement.
Faiblesse...
Echec...
Il n'avait même plus la force de s'énerver, de hurler, de frapper...
Elera avait touché en plein dans le mile...
Et ça faisait très mal!

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Elle ne pouvait pas le laisser continuer à se faire mal comme ca… Son incertitude et sa peur de la réaction qu’aurait Elio si elle s’approchait disparurent après l’avoir vu se blesser sans bouger. Sang et larmes se mélangeaient sur sa figure, et Elera ne supportait pas de le voir ainsi sans rien faire. Les mots ne servaient à rien… Un instant, elle était assise dos contre le banc, l’instant d’après, elle était aux côtés d’Elio, contre le mur, un bras autour de ses épaules, son autre main cherchant la sienne. A cet instant, il ne ressemblait ni au guerrier qu’il voulait devenir, ni au Corbac hautain qui était entré dans la salle en la regardant de haut… Il n’était qu’un enfant. Un enfant perdu qui n’avait plus de mère… Au début, elle ne dit rien, présence calme et rassurante. Juste pour lui dire qu’elle était là, même si elle ne le connaissait pas vraiment… Murmure rauque. Comme la surface immobile et sombre d’un lac au moment ou l’on y trempe sa main, passant de la chaleur de l’air à la fraîcheur de l’eau.

- Tu trouveras la vérité, Elio.

Eliane. Elle avait connu des faëls, mais jamais n’avait entendu ce nom. La forêt de Baraïl détenait surement des réponses, mais Elio ne serait peut-être pas le bienvenu là-bas… Il devait devenir guerrier avant de partir, aussi. Mais lorsque ce serait le cas, peut-être qu’Elera pourrait lui glisser le nom des quelques faëls qu’elle avait rencontré, en espérant qu’ils puissent l’aider, ou du moins le protéger des Faëls plus individualistes et territoriales. Se faire cribler de flèches dès son arrivée ne serait pas une bonne idée. Et son père ? Il devait avoir une bonne raison pour ne rien dire à Elio… mais peut-être que la douleur du souvenir était tout simplement trop dure à porter pour en parler. Une explication qu’Elera préférait, puisqu’elle donnait le bénéfice du doute à cet homme qu’Elio ne semblait pas tenir à cœur… Encore un murmure. Pas de questions, elles étaient beaucoup trop déstabilisantes, elle le comprenait à présent. Juste un début de réponse. Une certitude dévoilée…

- Tu devrais parler à Enoriel Til’ Lleldoryn. Elle a vécu avec les faëls, peut-être qu’elle la connaissait. Elle pourra au moins te donner des conseils si tu décides de chercher tes réponses parmi son peuple…

Une goutte d’eau tomba quelques parts dans les cachots. Le bruit soudain de l’eau qui s’écrase pour se séparer arriva jusqu’aux oreilles d’Elera. C’est à ce moment là que l’idée lui vint. Une idée folle qui ne marcherait peut-être pas, mais… Non, elle ne devait pas douter le Rentaï. Elle avait confiance en sa greffe. Mais elle ne connaissait pas Eliane, et la faëlle n’était pas importante pour elle. Est-ce que ca pourrait marcher à travers quelqu’un ? De plus, Eliane était morte. Non, c’était une idée complètement folle, elle se faisait des idées, ca ne pourrait jamais marcher. En même temps, elle n’était pas certaine de comprendre sa greffe. Est-ce qu’elle la guidait vers des gens importants, ou vers des réponses ? L’avait-elle guidée vers ses parents, ou vers son passé ? Comment en être certaine ? La seule autre fois où elle avait utilisé son instinct à nouveau avait été ici même avant l’arrivée d’Elio, pour s’assurer que Marlyn était toujours là. Encore une fois, comment savoir si c’était Marlyn, ou la réponse à ses questions sur la disparition du collier vers laquelle sa greffe la poussait ? Mais ce n’était pas la peine de s’inquiéter. La réponse arriverait bientôt.

- Je crois que j’ai une idée. Je sais que ca va paraître bizarre et inutile, mais fais-moi confiance. Est-ce que tu peux te concentrer sur ta mère ? Pense à elle, visualise-la dans ta tête. Et donne-moi la main.

Elera attendit. Elle ne savait pas si le Corbac accepterait, ne savait pas si ce qu’elle comptait faire avait la moindre chance de marcher… Mais elle avait confiance. Elle essaierait… Si sa greffe la menait vers des réponses, alors elle ressentirait à nouveau cette force qui la poussait de l’avant, et en la suivant, elle pourrait guider Elio vers cette vérité qu’il recherchait tant. Dans le cas contraire… et bien, Elio la prendrait pour une folle, à penser que l’on peut trouver les gens rien qu’en pensant à eux. Ce qui était très probable, puisqu’elle n’avait jamais essayé de trouver quelqu’un qu’elle ne connaissait même pas, et encore moins quelqu’un de mort. Mais elle ne pourrait pas le lui expliquer. La greffe était un secret marchombre qu’elle ne trahirait pas… Ses yeux se posèrent une nouvelle fois sur Elio. Même si elle échouait à trouver Eliane, il y avait autre chose qu’elle pouvait faire… Lui donner un ordre. Un ordre et un conseil.

- Lève-toi, Elio. Je sais que c’est dur, parfois, et que tu ne sais pas ou tu vas… mais si tu laisses tomber, tu n’arriveras jamais nulle part.

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Elio ne comprit pas très bien ce qu'il se passait. En un instant Elera se trouvait contre lui, une main passant autours de ses épaules, et l'autre cherchant la sienne. Il ne la lui donna pas.
Elle n'y prit pas garde et dans un murmure rauque lui souffla:

- Tu trouveras la vérité, Elio.

Le jeune garçon se retint de lui rire au nez. Il n'en avait plus la force...
Toujours en position fœtale il se pelotonnait et pleurait à chaudes larmes.

- Tu devrais parler à Enoriel Til’ Lleldoryn. Elle a vécu avec les faëls, peut-être qu’elle la connaissait. Elle pourra au moins te donner des conseils si tu décides de chercher tes réponses parmi son peuple…

Non!
Non elle n'allait pas encore recommencer à parler!
Et pourtant ses paroles le firent lever la tête...Enoriel Til' Lledoryn...
Pouvait-elle connaitre sa mère?
La douleur lui brulait toujours l'estomac, et une envie de vomir le prenait...
Pourquoi devait-il faire confiance à cette femme?
Qu'est-ce qui l'assurait qu'elle était de son côté, qu'elle l'aidait vraiment?
Pourquoi l'écouter elle plus que les autres?
Et quel était cet entêtement qu'elle lui dévouait?

Soudain la voix de la jeune femme prit un ton vaguement enthousiaste et à la fois retenu, comme si elle venait de penser à quelque chose de complètement fou:

- Je crois que j’ai une idée. Je sais que ca va paraître bizarre et inutile, mais fais-moi confiance. Est-ce que tu peux te concentrer sur ta mère ? Pense à elle, visualise-la dans ta tête. Et donne-moi la main.

Elio la regarda, interloqué.
Etait-elle folle?
La voila la solution!
Elle était folle, et on l'avait enfermé dans un cachot!
Folle!
Oui folle il n'y avait pas d'autres explications!
Soyons sérieux, une fille qui aime les coins sombres et les chauves-souris, qui se terre toute seule, qui se confie à un inconnu et qui semble prétendre avoir des dons de vision, d'après sa demande, ne pouvait qu'être folle!

- Lève-toi, Elio. Je sais que c’est dur, parfois, et que tu ne sais pas ou tu vas… mais si tu laisses tomber, tu n’arriveras jamais nulle part.

Et maintenant elle lui donnait un ordre?!
Elio n'en pouvait plus!

Rage...
Douleur...
Chagrin...
Incompréhension...

Sans vraiment comprendre ce qu'il s'apprêtait à faire, il repoussa violement Elera dans un cri rauque et désespéré. La marchombre tomba avec force sur la pierre dure du cachot, il l'avait projeté avec une force qu'il ne se connaissait pas.
Comment osait-elle le toucher?
Comment osait-elle lui faire tant de mal?
Il se leva, prêt à la frapper de nouveau...

Et se figea.
Mais qu'est-ce qui lui prenait?!
Frapper une femme?!
Frapper une femme qui voulait l'aider?!!!

Avec une vitesse surprenante il se jeta à genoux, aux côtés d'Elera. Il lui prit la main et se mit à lui caresser le visage avec des gestes saccadés et rapides tout en lui soufflant:

-Je suis désolé...Tellement désolé! Je...Qu'est-ce qu'il m'a pris...Je...Elera...Je ne voulais pas...Je...

Tout en bafouillant des excuses il la serrait un peu pus fort contre lui. Puis à bout de souffle il se laissa tomber contre elle, dans ses bras, et se remit à trembler comme un enfant transi par le froid...
Comment avait-il pu?
A présent c'était la soif qui le prenait...
Une soif d'affection...
De tendresse...
Les mains d'Elera sur son crâne l'apaisaient...
Il la serra encore plus fort.

-Je...pardon...je n'ai jamais voulu...Elera...Je suis un idiot!

Sa main glissa dans celle de la jeune femme.

-Elera? Tu peux la voir ma mère?

Il ressentait quelque chose de nouveau...
Cette affection...
Il ne la connaissait pas...
Et il se prenait à l'apprécier!

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Lorsqu’Elio la poussa, Elera partit brutalement en arrière avant de se cogner sur les pierres grises, abasourdie. Elle ne s’y attendait plus, puisqu’il ne l’avait pas repoussée de premier abord, et n’arriva pas à retenir sa chute. Douleur sourde en bas du dos, mais elle n’y fit pas attention plus de quelques secondes. Quels mots avaient déclenché sa colère ? Pourquoi la regardait-il avec tant de haine ? Elle ne souhaitait que l’aider… Un instant, elle revit Marlyn sur les montagnes, lui disant qu’elle était le symbole de la peur, qu’elle faisait revenir toute la haine par sa simple présence, même si elle ne souhaitait que lui tendre la main… Elio se leva, faisant disparaitre le souvenir comme un nuage de brouillard, et oubliant tout son apprentissage marchombre, elle resta simplement au sol, incapable de bouger. Sa main se leva ; et elle avait largement le temps de l’éviter, largement le temps de se jeter sur le côté, de se relever… A la place, elle ouvrit simplement des yeux remplis de tristesse, attendant le coup qui ne venait pas, refusant de commencer un combat qu’elle ne voulait pas. Mais le coup ne vint jamais, se transformant en caresse… Surprise, Elera le laissa à nouveau faire, avant de réagir enfin, répondant innocemment à son étreinte. A l’intérieur, les émotions se chamboulaient, et elle ne savait plus que penser… Colère, puis tristesse ? Surprise, affection, joie. Peur. Incompréhension, et doute. Décidant d’ignorer ce mélange incompréhensible, Elera se concentra sur Elio à la place, alors qu’il se recroquevillait à nouveau comme un enfant… S’il n’avait pas été aussi perdu, est-ce qu’il se serait laissé faire aussi facilement ? Peu importait. D'un murmure, elle arrêta ses excuses, une main passant doucement dans ses cheveux blonds…

- Shhh. C’est ma faute, à réveiller les mauvais souvenirs avec mes questions. Je ne voulais pas te faire de mal…

C’était étrange, tout de même. Toujours, elle préférait le silence. Et pourtant, jamais elle n’hésitait à poser les questions que d’autres évitaient par diplomatie et politesse. Même les questions qui faisaient mal, ou qui ne la regardaient pas… Mots et silences s’entremêlaient et laissaient la place à l’autre selon les situations. Et après ses longues phrases destinées à Elio, ce fut le silence qui reprit ses droits. Elle ne répondit pas immédiatement à sa question, et s’écarta un peu pour pouvoir le regarder, même si elle restait à ses côtés. D’un doigt, elle effaça les larmes qui coulaient encore sur le visage du Corbac, comme elle voulait le faire depuis un moment déjà… Demi-sourire dans la pénombre. Puis elle ferma les yeux pour se concentrer, ressentant l’endroit d’où l’Instinct l’avait poussé déjà deux fois. La main du Corbac était chaude et forte dans la sienne. Un visage, il lui fallait simplement un visage… mais elle avait beau penser à l’histoire du demi-faël, beau se répéter le prénom d’Eliane, rien ne lui venait.

Le silence devenait presque gênant, rempli qu’il était par l’attente, attente qui se prolongeait sans qu’elle ne voie rien venir. Lâchant la main d’Elio, elle rouvrit finalement les yeux et repoussa ses bras. Détournant le regard, elle hésita un instant… Leurs yeux s’étaient habitués à la demi-obscurité, et elle ne doutait pas qu’il verrait sans mal son mouvement de tête négatif. Non, elle ne voyait pas sa mère… La gorge serrée après cet espoir mis en miette, Elera s’éloigna encore un peu, en profitant pour se relever. Il restait toujours la possibilité de demander à Enoriel, la prochaine fois qu’il le verrait… Elle ne pouvait pas retrouver sa mère pour lui. Un regard, encore ; un désolé aux assonances étranges emplis des illusions, des espoirs et des émotions qui ne passa pas ses lèvres… puis un changement de sujet, pour ne pas rester sur cette note négative. Pour ne pas rester sur les sentiments étranges qu’Elera avait ressenti lorsqu’il l’avait serrée contre lui à l’improviste, aussi…

- ..Est-ce que tu veux que je te guide parmi le dédale des cachots ? Il y a pas mal de salles abandonnées qui peuvent se montrer intéressantes, si tu n’as pas peur de regarder.

Pathétique. Et surtout, marcher n'empecherait ni l'un ni l'autre de parler de ce qui venait de se passer...

[Edition a volonte o/ ]

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Elera fit cesser ses caresses et se mit à passer sa main ave douceur dans sa crinière blonde. Elio frissonna mais se laissa faire. Il se sentait bien, lové dans les bras de la jeune fille il avait l'impression de bénéficier de la plus haute protection qui soit. Plus rien ne pouvait lui arriver tant qu'il serait avec elle. Chaque fibre de son anatomie le lui disait au fur et à mesure qu'il se laissait bercer par les gestes attentionnés de celle qu'il avait honteusement attaqué peu avant.

- Shhh. C’est ma faute, à réveiller les mauvais souvenirs avec mes questions. Je ne voulais pas te faire de mal…

Le murmure de sa voix mélodieuse l'apaisa, à la manière 'un baume dont on lui aurait enduit le cœur, si blessé en ce jour. De temps en temps une pulsion de douleur lui revenait, ordonnant au cerveau de se méfier, de reculer, et de ne plus la laisser l'amadouer de cette façon. Mais le cœur n'écoutait pas le cerveau. Il venait de découvrir un sentiment tout nouveau, cette attention, cette douceur, cette tendresse...Au fond de lui c'est comme si le tigre qui montrait ses dents venait de se mettre à ronronner comme un chaton inoffensif. Etait-ce cela que l'on appelait affection? Etait-ce cela que l'on ressentait lorsqu’une mère consolait son enfant?
Elio ne le saurait jamais...Ca il en était sûr.
Pourtant ce soudain bien-être devait correspondre à l'amour qu'un enfant donne à sa mère non?
Comment le savoir?
Il n'avait jamais eu le temps d'aimer sa mère.
Son père...oui, à une certaine époque. Mais la dureté des bras de son père n'était en rien comparable avec la délicatesse de ceux d'Elera!
Et puis...se mensonges et son silence avaient tellement agacé le jeune guerrier que l'amour s'en était terni, affaiblit. Cet amour ressemblait à présent à une bougie, sur le point de s'éteindre si l'on soufflait trop fort dessus...C'est pour cette raison qu'il avait abandonné ses questions. De peur de souffler trop fort...

Sa main dans la sienne, le corbac la devinait en pleine concentration. Qu'est-ce que tout cela signifiait?
Pouvait-elle voir sa mère?

*Mais ma mère et morte! Comment pourrait-elle la voir? Elle voit des fantômes?*

Elio secoua légèrement la tête, si Elera pouvait voir les fantômes cela voulait dire que sa mère était là, dans cette pièce. Sous forme de fantôme, et invisible mais là tout de même. Et ça il le saurait. Comment? Il ne pouvait l'expliquer mais une petite voix au fond de lui disait qu'il le saurait si sa mère se trouvait à ses côtés.
Alors comment? Comment a jeune femme pouvait-elle...?
Toutes ces histoires dépassaient la raison. Mais en rencontrant la femme aux cheveux de feu, l'apprenti guerrier avait appris qu'il fallait laisser la raison de côté et se laisser entrainer par cet étrange aura qui emplissait le lieu, déjà peu commun comme lieu de rencontre, il fallait l'avouer!

Alors pour Elle, pour Elera, et pour lui, il se concentra.
Un visage.
Elle ne lui demandait qu'un visage...
Plissant les yeux et les fermant il se força à se remémorer le visage de sa mère.
Mais la seul fois où il l'avait vu ce visage c'était dans ses rêves. Comment savoir si ses rêves étaient fiables? Il leur fit tout de même confiance, n'ayant comme information que le fait qu'il lui ressemblait énormément d'après son père...

Un visage fin, une bouche aux lèvres fines et rosées, de magnifiques yeux bleus clair, et une longue chevelure ondulée et d'un blond presque blanc sur une peau halée.

Un moment passa, tandis qu'il gardait cette image qui l'aveuglait et lui transperçait le cœur.

Soudain la main d'Elera lâcha la sienne. Aussitôt il rouvrit les yeux et le fixa, plein d'un espoir dont il s'en voulut de suite.
Un hochement de tête négatif, presque imperceptible, mais Elio le vit.
Des larmes remplirent ses yeux redevenus récemment secs.

Echec...
A nouveau...
Encore et toujours...
Echec...

Il entendit la jeune femme se relever, et se sentit soudain étrangement seul sur le sol froid et dur.

- ..Est-ce que tu veux que je te guide parmi le dédale des cachots ? Il y a pas mal de salles abandonnées qui peuvent se montrer intéressantes, si tu n’as pas peur de regarder.

Il releva la tête et la contempla. Ses yeux, habitués à l'obscurité, la détaillèrent, et jugèrent qu'après ce qu'il venait de se passer se méfier d'elle serait une injure et une stupidité!
Il se leva à son tour, mais resta immobile et silencieux un instant. Le temps de refouler les nouvelles larmes de l'échec, de l'espoir avorté...
Puis il lui adressa un faible sourire, comme pour lui faire comprendre qu'il ne lui en voulait pas.
Elle avait essayé.
Echoué également, mais essayé.
Il y a tant d'années qu'i essayait lui aussi, sans succès...Comment lui en vouloir alors que lui était incapable même de se souvenir d'un visage fiable, autre quand dans ses rêves?!
Pourtant sa voix se fit beaucoup plus rauque qu'il ne l'aurait voulu:

-Je veux bien oui. Je n'ai pas peur...pas avec toi.

Messages : 1576 Inscription le : 12/08/2007

Le sourire d’Elio, si inattendu à cet instant, rassura immédiatement Elera. Il l’avait poussé, il avait pleuré en parlant de sa mère, il avait frappé le mur avec colère… Non, après cet autre échec, elle ne s’était pas attendue à ce qu’il se contienne. Plutôt à ce qu’il crie, au moins… C’était en parti pour ca qu’elle s’était éloignée. A la place, il lui souriait ; et si ce n’était pas un sourire joyeux, c’en était quand même un. Il ne lui en voulait pas… La phrase suivante finit de la réconforter, et elle se mit en mouvement, attrapant la main d’Elio au passage. Ils sortirent de la pièce, Elera lançant un dernier regard vers l’orgue. Elle ne pensait pas revenir dans cette salle… Il lui fallait avancer. Sans collier. Et ce n’était pas si difficile de s’éloigner, en fait, lorsqu’elle avait Elio à ses côtés… Regardant le couloir, elle hésita un instant. Comme elle l’avait dit plus tôt, continuer dans un sens menait à une impasse, mais il y avait bien quelques salles dans le couloir encore. Elle s’en souvenait d’une en particulier qu’elle pourrait lui montrer… Elle le guida donc dans la pénombre jusqu’à l’endroit en question, et s’arrêta à quelques mètres d’une ouverture dans le mur ; il n’y avait pas de porte, mais une grille obscure sûrement rouillée bloquée à mi-distance, à moitié ouverte depuis longtemps sûrement.

- C’est là.

Elle aurait pu lui expliquer ce qu’elle comptait faire, et ce qui l’attendait, au moins, mais elle n’y pensa pas. Ce n’était pas nécessaire, et il verrait bien dans quelques minutes… Aussi doucement que possible, elle s’avança, se baissant pour passer l’ouverture et avançant sans laisser de traces sur le sol gris poussière. Elle cligna plusieurs fois des yeux pour essayer de discerner un peu plus de choses dans la pénombre, puis avança vers le fond, toujours avec Elio. Ici, le plafond était très bas, et ils pourraient le toucher sans mal s’ils tendaient le bras. Les murs étaient nus, simples pierres grises placées là longtemps auparavant, alors que l’Académie n’était qu’au début de sa construction… Pourquoi avaient-ils construits des cachots, d’ailleurs ? Ils n’étaient pas utilisés, mais même… Enfin bref. Celui-ci était intéressant pour une raison entièrement différente. Un jour qu’elle visitait ces couloirs, elle était entrée ici, et avait trébuché sur une pierre… Maintenant, elle se baissa et enleva la pierre en question, montrant une cache formée juste en dessous, au sol. Jetant un coup d’œil à Elio, elle en sortit un morceau de parchemin.

- Je l’ai trouvé par hasard, c’est une carte des sous-sols… Une vieille. Il y a des chemins qui n’existent plus, bloqués par des murs… et elle est incomplète, je crois, ce devait être un élève qui la faisait au fur et à mesure, au vue de l’encre. Mais on ne peut pas voir grand-chose, là, tu veux qu’on aille chercher une torche ?

Dans la pénombre, ils ne pouvaient pas voir les lignes des tunnels tracés sur la carte. La dernière fois, elle avait fait demi-tour jusqu’à une boule de lumière des Dessinateurs pour la lire, avant de revenir la ranger à sa place et de vérifier que certains passages étaient corrects. Elle n’avait jamais eu le temps de tout regarder, par contre… Peut-être pourrait-elle continuer aujourd’hui avec Elio. Elle s’approcha à nouveau de l’entrée, et ses doigts se refermèrent sur l’un des barreaux. Elle se retourna pour voir ce que faisait Elio, s’apprêtant à sortir…

La barre trembla.

Elera fit un saut en arrière par réflexe, surprise, et n’eut pas le temps de réagir davantage. Sous ses yeux, la grille bloquée à moitié ouverte tomba d’un coup dans un bruit assourdissant qui résonna longtemps dans la salle et le couloir. Le cœur battant rapidement, la peur toujours présente, elle ne bougea d’abord pas, avant de s’approcher enfin des barreaux… Pourquoi la grille était-elle tombée ? Etait-ce elle qui l’avait fait bougée sans le vouloir, la débloquant après des mois d’immobilité ? Bon, il fallait sortir, maintenant… Elera mit ses deux mains sur la grille, essayant de la pousser vers le haut ; aucun résultat. Elle tira plus fort, puis poussa ; elle ne bougea pas. Elera se tourna vers Elio, le visage pâle.

- Tu… Tu veux bien essayer de l’ouvrir ?

Parce que s’il n’y arrivait pas, ils étaient bloqués…

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Elera prit la main d'Elio et l'entraina dans le couloir. Le jeune garçon n'avait jamais ressenti ce bonheur qui l'envahissait, cette joie toute simple de se balader avec une personne qui semblait ne pas le détester, et même le comprendre! Il se laissa guider dans la pénombre, se surprenant à faire enfin confiance à quelqu'un. Enfin ils arrivèrent près d'une ouverture bouchée par une grille à l'aspect rouillé, bloquée à mi-distance entre le sol et le plafond du trou.

- C’est là.

Il la regarda en haussant les sourcils, l'air de dire: "Heu pardon? C’est une blague? T'as vu que l'entrée est bloquée par la grille ou...?" Mais il s'abstint de tout commentaire, préférant la regarder se décarcasser à ouvrir cette vieille grille. Elle devait sûrement connaitre un moyen.
Au lieu de faire une quelconque prouesse de force, elle s'accroupi et ramassa une pierre qui trainait pas terre.
Le guerrier eut un sourire, elle ne comptait tout de même pas ouvrir cette grille avec une pierre de l taille d'un poing?
Mais non. Dessous cette même pierre se cachait un vieux parchemin.

- Je l’ai trouvé par hasard, c’est une carte des sous-sols… Une vieille. Il y a des chemins qui n’existent plus, bloqués par des murs… et elle est incomplète, je crois, ce devait être un élève qui la faisait au fur et à mesure, au vue de l’encre. Mais on ne peut pas voir grand-chose, là, tu veux qu’on aille chercher une torche ?

Elio ne put s'empêcher de prendre un air enfantin et de s'écrier:

-Une carte aux trésors! Génial!

Lorsqu'il croisa le regard d'Elera il explosa d'un grand rire incontrôlable, et se surpris à constater qu'il n'avait plus rit de cette façon depuis très longtemps...
Réussissant enfin à se calmer, il réfléchit un instant puis répondit d'une voix songeuse:

-Hummm c'est vrai qu'on n'y voit pas grand chose ici. Et personnellement je n'ai pas des yeux de chouettes et je ne pourrais déchiffrer cette carte dans le noir! Je vais chercher une torche, attends moi ici j'en ai pour cinq minutes! J'en ai vu en arrivant ici!

Il s'apprêtait à partir lorsqu'il entendit un bruit fracassant de métal résonner dans les cachots. Il se retourna et découvrit la catastrophe qui venait de se produire: lui grille était tombé, entièrement, bloquant définitivement tout passage! Elera grimaça.
Levant les yeux au ciel il marmonna:

-C'est malin!

La jeune femme tenta de pousser vers le haut la grille mais rien n'y fit.
Elle réessaya, puis, à bout de force se tourna vers lui:

- Tu… Tu veux bien essayer de l’ouvrir ?

Le corbac la regarda d'un air amusé.

-Je veux bien oui. Mais je doute du résultat, j'sais pas comment tu t'y es pris, mais t'as fait fort sur ce coup là!

Il s'avança, prit à deux mains les barreaux de la grille, et poussa.
La grille ne bougea pas d'un millimètre.
Fronçant les sourcils il retenta.
Sans succès.
Il passa près d'un quart d'heure à s'user inutilement contre la grille résistant. Lorsque son front perlant de sueur, devint d'un rouge tomate sous l'effort, avorté à chaque tentative, il s'effondra par terre et leva la tête vers la marchombre:

-Elle a pas l'air décidé à bouger la garce!

Il regarda autours de lui, à la recherche de solutions. Et n'en trouva aucune.

-A nous deux peut-être? Mais franchement jpense pas. Comment t'as fait pour la baisser? T'as pas un super gadget dans tes manches pour soulever ce truc?

Malgré la situation il gardait le sourire, ce qui était très rare! La présence d'Elera l'aidait grandement en cela.

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Elera s’approcha pour aider Elio, mais ils eurent beau tirer, pousser, porter, taper, la grille ne bougeait pas. Elio ne semblait pas perdre de sa bonne humeur, pourtant, gardant toujours le sourire. C’était un changement brusque assez difficile à comprendre, après les larmes et le désespoir quelques minutes auparavant… Une fois de plus, en le regardant, elle pensa à un enfant. Il cherchait du confort lorsqu’il était triste, ce que ne faisait jamais les autres adolescents qu’elle connaissait et encore moins avec une inconnue ; tous essayaient plutôt de cacher leurs larmes… Elio avait oublié sa tristesse aussi vite qu’elle était venue, s’excitant en découvrant la carte, et s’amusant encore malgré la situation dans laquelle elle les avait fourrés, comme un enfant à nouveau… Ils étaient enfermés dans un cachot au fond d’un couloir où personne ne mettait jamais les pieds, et il souriait comme s’il s’amusait ! Elle pouvait presque sentir son excitation devant cette aventure inattendue. Elle le comprenait ; le danger avait souvent cet effet là…

- Je suppose que ca fait longtemps que la grille est sur le point de tomber, et comme je l’ai touchée… Tu ne peux pas Dessiner ?

Il était guerrier, mais certains combattants connaissaient les Spires. Elle ne connaissait aucun marchombre capable d’entrer dans l’Imagination et n’était pas une exception. Ce serait le moyen le plus facile de s’en sortir, mais c’était impossible pour eux… Elera se mit donc à chercher autour d’elle. Des pierres au sol, des pierres aux murs, des pierres au plafond, et c’était tout… Mais à quoi s’attendait-elle ? Elle était dans un cachot, pas dans une salle de loisirs ! Si les gardiens mettaient la clé des portes dans la cellule des hors-la-loi, le monde serait bien différent… La grille n’avait pas de serrure, d’ailleurs. S’approchant pour voir comment elle s’ouvrait, Elera tâtonna dans le noir avant de comprendre.

- Je crois qu’il devrait y avoir un levier à l’extérieur de la salle pour ouvrir la herse… mais il doit être cassé, depuis tout ce temps.

Elle chercha, pourtant, collant son visage contre les barreaux. On ne sait jamais. L’obscurité englobait le boyau, l’empêchant de voir autre chose que des ombres… Justement, une ombre suffisait. Discernant une forme plus obscure que le reste près du mur opposé, elle supposa que c’était le levier en question, et le montra à Elio. Il était beaucoup trop loin pour eux. Logique, un prisonnier ne devait pas pouvoir sortir… mais ils n’étaient pas prisonniers, et là était toute la différence. Eux avaient leurs affaires… Alors Elera fouilla dans ses poches à la recherche du gadget dont parlait Elio- parce que non, elle ne cachait rien dans ses manches… Ah, si, une dague et des étoiles de jet. Elle avait aussi son bâton… Alors faisant signe à Elio de s’éloigner, elle lança ses étoiles sur le levier. Certaines se plantèrent à côté, d’autres dessus, mais le levier ne bougea pas… Un sentiment de malaise commença à trouver sa voie au creux de son ventre. Elle voulait sortir. Maintenant. Elle ne voulait pas rester enfermée… Que pouvait-elle faire d’autre ? Elle ne savait pas…

Soudain, la panique s’éleva en elle comme la peur du siffleur lorsqu’il voit le tigre des prairies apparaitre et sauter en grognant trois mètres devant lui. La peur immédiate de la proie fasse à la mort, juste avant qu’il ne s’enfuit en courant. La frayeur aux talons le poussant à aller plus vite. Sauf qu’elle ne pouvait courir nulle part, il n’y avait rien à fuir, elle était enfermée… Elle se souvint soudain des premiers jours à l’Académie. Combien elle avait eu besoin de sortir, souvent, et de s’installer près des fenêtres en classe, ne comprenant pas comment les humains pouvaient vivre dans ses tout petits couloirs à la température et luminosité si parfaite. Elle avait besoin du vent, du froid, de l’air libre, de l’espace, des odeurs nauséabondes de l’extérieur. Elle s’était faite aux murs, après un moment, se réconfortant sur la pensée qu’elle pouvait sortir quand elle le voulait… Pas maintenant. Murs, murs, murs. Enfermée. Incapable de fuir. Incapable de faire plus de trois pas sur le côté. Bloquée loin des rayons du soleil…

- Je… Je veux sortir.

Sa voix était plus basse, plus rauque, plus menaçante qu’elle ne l’avait voulu ; une frayeur pure y perçait à travers le ton affolé. Tremblante, elle ferma les yeux aussi forts que possible, incapable de bouger, incapable de prononcer un autre mot, la gorge serrée…

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Elera vint à ses côtés pour l'aider...en vain! La grille restait de marbre, refusant de faire le moindre mouvement!

- Je suppose que ca fait longtemps que la grille est sur le point de tomber, et comme je l’ai touchée… Tu ne peux pas Dessiner ?

Elio hocha négativement la tête. Il n'avait jamais eu le moindre don de dessin. Aujourd'hui, pour la première fois, il se surprit à le regretter. Cet art ne l'avait jamais attiré, mais il est vrai qu'en ce cas il aurait été fort utile d'avoir le don pour s'en sortir! Bah, tant pis, il trouverait bien une autre solution. Il n'allait quand même pas se laisser faire par une vulgaire grille! Il vit sa partenaire tâtonner dans le noir, à la recherche d'un éventuel miracle peut-être qui ouvrirait par magie la grille!

- Je crois qu’il devrait y avoir un levier à l’extérieur de la salle pour ouvrir la herse… mais il doit être cassé, depuis tout ce temps.

Malgré ses dires elle chercha tout de même le fameux levier. Le jeune guerrier, lui, fit la moue. Si une grille était placée à cet endroit, le levier ne serait pas accessible de ce côté-ci, sinon quel intérêt à mettre une grille? Autant laisser le passage libre si la personne peut atteindre le levier du côté opposé! Cependant, n'ayant rien d'autre à proposer de mieux, il se tut et la regarda faire. Au bout d'un court instant elle lui fit signe et lui désigna du doigt une forme sombre. Sûrement le levier en question, mais bien entendu il était hors de portée! Il grimaça, il leur fallait trouver un moyen de sortir!
La jeune femme se mit alors à fouiller ses poches. Le corbac sourit. Cette fille avait décidément toutes les solutions à tous les problèmes, ou presque! Il voulut lui dire qu'elle était géniale lorsqu'elle sortit des armes diverses, mais rien ne put sortir de sa bouche.
Il ne regretta bientôt plus son silence en constatant le résultat. Malgré ses beaux lancés, rien n'avait fait bouger la grille ou le levier!
Elio regarda le bâton qu'elle avait posé à terre et réfléchit. Peut-être à l'aide de celui-ci pourrait-il atteindre le levier et le faire basculer. Mais si le levier était cassé, comme le pensait Elera...Et puis le bâton serait-il assez grand et assez solide?
Il réfléchissait lorsqu'il vit son amie reculer, tremblante. Elle avait le visage pâle, et toute émotion semblait avoir quitté son beau visage! Ses yeux parcouraient à toute vitesse les cachots, sa bouche était entrouverte, et de la sueur commençait à perler sur son front dégagé. Elio ne comprenait plus, qu'arrivait-il à Elera? Avait-elle vu quelque chose? Sa mère? Avait-elle réussi? Son "don" se manifestait-il maintenant? Un son presque éteint sortit de ses lèvres:

- Je… Je veux sortir.

Le ton à la fois brusque, sans appel, et affolé, déconcerta le garçon. Puis, soudain, il percuta.
Elera avait peur!
Peur!
Non, c'était impossible! Une fille comme elle n'avait jamais peur? Si? Après tout, pourquoi pas?
Elle ne supportait pas l'enfermement, et se retrouver coincé dans ces cachots la terrifiait! Voilà pourquoi son visage venait de se transformer!
L'apprenti guerrier se mordit la lèvre. Que faire? Comment l'aider? Ses yeux se posèrent sur le bâton. Il prit alors la décision d'essayer. Pour Elle!

Il ramassa l'arme en bois, déterminé à réussir. Il se colla à la grille, et glissa son bras, tenant son seul moyen de réussite dans sa main, à travers les barreaux. Il le leva, et le tendit vers l'ombre du levier. A son grand bonheur le bout de bois toucha le levier. Il lui fallait à présent le manier de façon à tourner cette drôle de manivelle. Cela demanderait force et concentration! Un dur travail en perspective!
Il pivota son corps tremblant, se positionnant de profil. Ainsi il serait plus en mesure de se contorsionner pour faire bouger ce fichu bout de ferraille! Le bâton s'abattit sur le dessus du levier et s'appuya contre le minuscule manche de fer.
Rien.
Elio recommença, renforçant son appui.
Toujours rien.
Exaspéré, il y mit toutes ses forces.
Le levier grinça, fit quelques millimètres...
Et le bâton se brisa. Tandis que l'un des deux morceaux tombait de l'autre côté de la grille, le deuxième restait bêtement entre les mains du corbac.
La grille était trop lourde, donc le levier aussi. Trop en tous cas pour le bout de bois.
Echec.
Il les accumulait vraiment ces derniers temps!
Il poussa un hurlement de fureur:

-Rah! Je suis un incapable! P**** de crotte de raïs!

Soudain son regard s'arrêta sur Elera. Elle n'allait pas mieux, au contraire! Avec précipitation il se jeta à ses côtés et la prit dans ses bras. Il fit ses gestes le plus doux possible et la cala contre son torse. A son tour de la protéger...Il passa une main dans ses cheveux de feu et lui chuchota:

-Là....Elera...Je suis là. N'ai pas peur! On va s'en sortir, d’accord? Je te promets que je trouverais une solution pour sortir! Bon d'accord l'idée du bâton était pourrie...Mais on va réussir...A nous deux on est invincible hein? Ce n'est pas une grille qui va nous arrêter!
Chuuutt....Calme toi Elera...Tu retrouveras bientôt l'air libre, je te le promets...N'ai pas peur, fais moi confiance, come je te fais confiance...Envers et contre tout.

Il ne savait pourquoi il lui faisait mille promesses, et d'où lui venait ses paroles sur la confiance. Il savait juste qu'à présent Elera avait percé sa carapace et l'avait mis à nu. Et pourtant il ne se sentait pas en danger, ni faible...Enfin pas plus que d'habitude!
Il voulait l'aider. Comment? Très bonne question! S'il supportait l'enfermement pour l'instant cela n'allait pas durer, surtout avec Elera! Il lui fallait trouver une solution! Et vite!
Il espérait que sa camarade ne le repousse pas trop vite, sa présence contre lui l'empêchait de rentrer dans l'une de ses crises agressives et incontrôlables qui menaçaient de sortir à tout instant...

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Impuissance. Faiblesse. Frayeur, de celle qui t’enserre comme la poigne glacée d’une goule et t’emprisonne dans sa froideur pour ne plus te laisser t’échapper. Immobile, les paupières closes et serrées aussi fort que possible, Elera perdait tout contrôle d’elle-même. Mais fermer les yeux ne servaient à rien ; ce n’était nullement du noir qu’elle avait peur. Même sans les voir, elle pouvait sentir et recréer les murs à moins d’un pas, deux pas, trois pas ; et si elle ne s’imaginait pas qu’ils se rapprochaient d’elle pour l’aplatir, l’idée qu’elle ne puisse pas bouger était bien présente, elle. Respirant par à-coups, tremblante, elle entendit le hurlement d’Elio sans chercher à en comprendre la raison. Tous les sons semblaient plus forts, maintenant. Ils ne se dispersaient pas dans le vent et n’étaient pas étouffés par la neige comme à l’extérieur. Au contraire, ils résonnaient. La goutte qui coule, la respiration du Corbac énervé, qui se ralentit un instant comme pour marquer son hésitation, ses pas qui se rapprochent précipitamment, si forts entre ses quatre murs… L’écho ne lui faisait pas peur, quelques instants auparavant. Maintenant, il semblait lui crier qu’elle était prisonnière des pierres… Elle allait tomber, elle ne tenait plus debout, elle…

Elle eut un hoquet de terreur lorsque sa prison diminua soudainement, et que.. Non, ce n’était qu’Elio qui la retenait. Ses bras autour d’elle et l’appui qu’il lui apportait étaient réconfortants, pas suffocants… Les yeux toujours fermés, elle s’accrocha à lui, inondant ses sens dans la présence du Corbac. Elle ne voyait plus les murs. Elle n’entendait plus l’écho, bercée par le doux murmure à ses oreilles. Elle ne sentait plus l’odeur de cachots, non plus, remplacée qu’elle était par celle du jeune homme. Et, malgré le paradoxe, elle ne ressentait plus l’impression qu’elle ne pouvait pas aller où elle le souhaitait. Les murs n’existaient plus, il ne restait que deux âmes entremêlées… Ses mains se serrèrent sur le dos du guerrier, et elle resta simplement là, à l’écouter, laissant les battements de son cœur se ralentir doucement. Il avait raison. Ils allaient s’en sortir, quelqu’un viendrait les chercher, au pire… Mais c’était une explication logique, et sa peur était irrationnelle. Oui, ils sortiraient, mais pour le moment, ils étaient enfermés… Il fallait qu’elle se calme, qu’elle fasse taire ce réflexe animal.

Elle était Marchombre. Si elle voulait sortir, elle sortirait… De n’importe quelle prison, n’importe quand. On ne pouvait pas l’empêcher de revoir le soleil… Il fallait simplement qu’elle le fasse. Pourtant le malaise la suivait encore, et elle ne bougea pas, cherchant à se rassurer à travers le contact d’Elio. C’était tellement simple, tellement juste, de rester comme ça… Elle finit par ouvrir les yeux, prudemment, et ils se posèrent sur la moitié d’un bâton laissé négligemment au sol. Cassé.. ? C’était donc pour ça qu’il s’en voulait… Son bâton, qu’elle avait utilisé plusieurs années déjà. Il lui faudrait s’en tailler un autre, maintenant, et s’habituer à un nouveau bois. Mais peu de possessions lui étaient chères en elles-mêmes, Elera ne s’attachant habituellement aux objets qu’éphémèrement, et l’arme, si elle faisait partie de son quotidien, n’était pas vraiment importante. Son arc l’avait été, et elle s’en était séparée. Tout le reste n’était que le reflet d’un pétale blanc qui restait dans sa vie un peu plus longtemps que la normale…

Laisser ses pensées se concentrer sur le futile l’aida aussi à reprendre ses moyens, et elle put de nouveau penser clairement. L’important était de pouvoir vivre, et de sortir d’ici… Comme à regret, Elera s’éloigna enfin d’Elio, mais lui prit la main, comme si elle n’était pas encore prête à le lâcher complètement. Un simple merci silencieux, puisqu’elle n’avait pas encore le courage de parler… Une nouvelle fois, elle fit le tour de la cellule, essayant de respirer calmement et de ne pas s’affoler à nouveau, serrant la main du Corbac de temps en temps. Mais bien sûr, rien n’était apparut dans la cellule entre temps ~~même pas un pot de cornichon, snif.~~ Elera attrapa la carte laissée à terre de sa main libre. Et dire qu’ils s’étaient laissé enfermer pour un simple parchemin ! Elle se moquait bien d’essayer de se bousiller les yeux en suivant des lignes à peine plus foncées que le gris-pénombre du manuscrit, maintenant… mais si la grille ne la laissait pas sortir, elle passerait par les murs ! Elle se figea, telle une statue, essayant de prendre conscience d’autre chose que la présence d’Elio et des murs asphyxiants. Une image d’Anaïel qui écoutait la voix du vent et celle du bois passa fugitivement dans son esprit, lui redonnant une bouffée de courage… Ena, aussi, qui volait sur la neige. Khelia, qui marchait sur les braises. Et tous ces marchombres qu’elle avait vu faire l’impossible… Elle aussi, elle pouvait. Il suffisait d’écouter… Ecouter quelques notes d’alto, car le monde faisait parti de la même chanson. Ou de ressentir, plutôt- c’était Anaïel qui écoutait, Elera utilisait plutôt son instinct… Sa main libre passa sur les pierres, hésitante d’abord, reculant, revenant. Il ne fallait pas penser à cette barrière immuable, il fallait penser à ce qui se cachait derrière… Le vide. La liberté. Elle attendit. Longtemps. Et finalement, sentit…

Elera leva la tête d’un geste soudain et lâcha la main d’Elio dans la foulée, ses doigts ne quittant pas la roche rugueuse et la tapotant de temps en temps, suivant la paroi jusqu’au mur du fond. Non, rien du tout. Pourquoi avait-elle sentit ce vide soudain qui s’élevait tel un courant d’air, alors, contrastant avec la présence tellement solide sous sa paume ? Ce son creux, après celui de l’enfermement ? Terre et lenteur, mousse et souffle las. Puis espace aérien, fraîcheur allègre dans le vent… Là. Ses doigts arachnéens s’accrochèrent sur une fissure, et lorsqu’elle tira vers elle, la pierre branlante suivie le mouvement sans résistance. Tout un pan du mur pouvait ainsi s’enlever pierre par pierre, n’étant ni attachées ni grandes, révélant un trou béant à l’arrière. Bientôt les premières marches d’un escalier furent visibles, alors qu’elles descendaient elle ne savait où. Un minuscule sourire apparut sur le visage crispé de la marchombre; et bien voilà, il suffisait de chercher une sortie pour la trouver, au lieu de rester tremblante sans rien faire... Ailleurs, elle aurait sûrement hésité devant ce trou béant. Dans la situation actuelle, le soulagement la remplissait… Elera se tourna vers Elio, la joie de pouvoir enfin sortir et l’excitation qui venait toujours avec danger et curiosité faisant enfin disparaître son trouble. C’est sans hésiter ni réfléchir qu’elle se jeta à son cou, un sourire sur le visage. Et qu’elle recula ensuite, tout aussi naturellement.

- Je ne sais pas où ca mène, mais on va pouvoir sortir.

Seul problème : le passage n’était pas sombre, il était aussi noir qu’une tâche d’encre… Ils ne verraient plus rien du tout et devraient garder une main sur le mur en permanence. De plus, sans pouvoir lire le plan, ils n’auraient aucune idée de l’endroit où ils se dirigeraient… Si seulement ils pouvaient faire du feu !

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Elera fondit dans ses bras, et s'accrocha à son dos, ce qui surprit dans un premier temps Elio. Il n'était guère habitué à cette proximité, pourtant il ne dit rien, et la serra un peu plus fort contre lui. La chaleur du corps de la jeune femme se transformait en un feu dans le cœur du guerrier, et le parfum que sa nuque dégageait embaumait le cachot et envoutait son cerveau. Il lui était à présent impossible de réfléchir à une quelconque manière de sortir! Sa main se baladait sur le crâne de sa camarade, et il continuait de temps en temps à lui chuchoter des paroles réconfortantes. Il lui sembla qu'elle se calma. En effet elle grelottait de moins en moins et sa respiration redevenait à peu près posée. Etait-ce lui l'origine du bien?

Il le devina, mais ne s'en assura pas, lorsqu'elle eut la force de se relever, tout en gardant sa main dans la sienne. Il ne lui en voulut pas le moins du monde. Sa présence le tranquillisait lui aussi. Sa colère et sa carapace avaient toutes deux fondues, mais elles n'étaient pas pour autant mortes! Et la panique le menaçait dangereusement! Il ne voulait pas de nouveau piquer un crise! Pas devant Elera!
Il suivit celle-ci docilement, la regardant chercher il ne savait quoi avec curiosité. Il émanait de la marchombre une aura mystique qui semblait le convaincre qu'avec elle il ne risquait rien. Elera se figea devant un mur. Elle venait de scruter la carte et Elio se demandait comment elle pouvait y voir quelque chose dans cette pénombre. Soudainement elle lâcha la main du garçon. Celui-ci se sentit automatiquement seul et dépourvu. Devinant qu'elle s'apprêtait à faire une action peu commune il se recula. Il sentit alors un vent d'air frais. D'où il venait il n'en savait rien, mais ses fins poils bonds sur sa peau se hérissèrent. Etait-ce le fait que la jeune femme à la crinière de feu ne le lui tenait plus la main, qui lui avait provoqué cet effet de froid? Loin d'elle il se sentait de nouveau mal. Et tous ses doutes revenaient au galop !

Que faisait-il ici? Qu'est-ce qui lui avait pris de suivre cette fille inconnue? A présent il était coincé avec elle dans un cachot! Jamais il n'aurait du se laisser dompter par cette femme! Elle ne l'avait que trop ensorcelé avec ces prétendus conseils et...

*Non! Non ce n'est pas sa faute!*

Suivre une inconnue! Et de plus se prendre d'affection pour elle! Mais que lui arrivait-il? Et quel était ce sentiment si étrange qu'il ressentait à chaque fois qu'elle le touchait?
Mais le pire était bien le fait d'être cloitrer dans cette salle! Lui aussi voulait sortir! Lui aussi voulait retrouver l'air libre! Et rester le reste de sa vie ici n'était vraiment pas au programme! Il avait un but à l'Académie! Une quête! Perdre son temps ici avec une femme, aussi belle et stupéfiante soit-elle, le gênait dans sa recherche d'informations sur sa mère! Il s'impatientait de plus en plus, et il sentait surtout sa colère monter du ventre à la gorge, puis se bloquer en une boule, prête à surgir de sa bouche.
Le temps défilait, un peu trop long à son goût!

-Bon quand tu auras fini de faire des cajoleries au mur tu m'appelles hein? Parce que je sais pas toi mais moi je veux sortir! Et j'avais cru comprendre que toi aussi! Et jusqu'à preuve du contraire le mur n'est pas un bisounours qui s'ouvre gentiment dès qu'on le car....

Il s'étrangla dans sa phrase tant ce qu'il vit le stupéfia! Elera venait d'ouvrir une brèche dans le mur! Et il semblait que des marches d'escalier se déroulaient derrière celui-ci! Une sortie! Elle avait trouvé une sortie!
Une envie le démangeait de lui sauter au cou et de lui déclamer qu'elle était géniale, mais la colère était toujours présente:

-Et ben c'est pas trop tôt! T'aurais pas pu le sentir plus tôt ton m...!

A nouveau il ne put finir sa phrase. Dans un éclat de joie elle venait de se jeter dans ses bras! Aussitôt la colère et les doutes d'Elio disparurent, dans un vent au parfum de liberté et de...d'un ressenti qu'il ne parvenait pas à définir! Elera se dégagea de ses bras, au grand regret du guerrier, et lui décerna un sourire rayonnant:

- Je ne sais pas où ca mène, mais on va pouvoir sortir.

Elio était totalement éberlué! Il ne savait que dire, et le rouge lui monta au visage en songeant qu'il avait été une fois de plus vraiment désagréable avec elle! Alors il lui sourit à son tour, et se pencha vers elle pour lui poser un baiser sur sa joue! A nouveau le rouge prit possession de son visage et une chaleur inhabituelle envahit son corps transi. Il espéra que la pénombre masquerait tout cela! Tentant de reprendre contenance il reprit:

-Qu'importe où cela mène Elera! On sort et c'est ce qui compte! Et puis...je...je....je suis avec toi! Allons-y!

Dans son bégayement il avait tant accéléré son débit de parole qu'il doutait qu'elle ai compris quelque chose! Mais peu importe. Il s'avança vers les escaliers et se figea aussitôt. Il n'avait pas vu le noir d'encre dans lequel ils devraient plonger!

-Et merde!!!

Une grimace sur ses lèvres, il se retourna face à sa camarade.

-Ben....J'peux toujours pas dessiner! Et...Retourner à l'endroit où j'avais vu les torches me semble assez...compliqué! Moi je propose, histoire de ne pas se perdre, qu'on se tienne la main. En y allant doucement et en prenant garde où on met les pieds, on devrait y arriver non? On est venu jusqu'ici, autant aller jusqu'au bout!

Il lui sourit de nouveau et lui tendit sa main. Il brûlait d'envi de toucher de nouveau la douce main de sa compagne...Et d'un côté cette envie l'énervait! Il détestait ressentir des choses indéfinissables et inconnues! Il allait finir par devenir fou et la faire fuir avec ses sautes d'humeur!

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[Le bisounours qui caresse les murs xD C’est parfait, miiih Perdue dans un endroit connu (RP privé) Herz

]

Heureusement pour Elio, Elera était tellement heureuse de pouvoir enfin sortir de ce cachot, même si c’était pour s’enfoncer encore plus profond dans la terre et les ténèbres, qu’elle ne releva pas les phrases hargneuses jetées à son dos pendant qu’elle tâtait les murs. Ce fut à peine si elle les entendit, l’écho des murmures réconfortants du demi-faël quelques instants auparavant sonnant encore dans ses oreilles… Fais-moi confiance, comme je te fais confiance... Elle fut par contre assez sensible à sa réaction. Si ce n’avait été qu’un simple effleurement des lèvres sur sa joue, elle n’aurait sûrement pas fait attention, et l’aurait expliqué par la joie du Corbac, égale à la sienne, à l’idée de pouvoir enfin sortir… Mais il n’y avait pas que ça. La pénombre cachait son visage, mais elle sentait son trouble, dans ses mouvements, sa voix bredouillante, son ton rapide et nerveux, ses déplacements soudains… Et davantage encore que la réaction d’Elio, ce fut la sienne qui la troubla.

Elle voulait qu’il recommence.

Elle ne s’était jamais sentie ainsi auparavant. Mais ce n’était pas l’important ; il devait bien avoir eu une première fois pour chacune des émotions qu’elle avait ressenties, et là n’était pas le problème. Sa panique lorsqu’elle avait découvert que la grille ne voulait pas s’ouvrir n’était pas habituelle elle non plus… Elle n’avait pas peur de l’inconnu, et de découvrir de nouvelles choses, qu’elles soient tangibles ou abstraites. Non, le problème, c’était qu’elle ne comprenait pas. Elle était absolument incapable de savoir si ce sentiment était une bonne chose ou pas. Incapable de savoir si elle aimait cette sensation… Incapable de savoir ce qu’elle ressentait. Pas qu’elle ressente le besoin de le nommer, au contraire, elle avait beaucoup de mal à mettre des mots sur les choses qui lui semblaient tellement évidentes. Pourquoi appeler Ami quelqu’un qui est simplement lui-même, et qu’elle apprécie d’une manière unique ? Pourquoi mettre plusieurs personnes qu’elle aimait de manières entièrement différentes sous la même appellation ? Ami. Ca ne voulait pas dire grand-chose, au fond. Les gens étaient, elle était, et ils étaient ensemble, tout simplement. Mais là.. elle ne savait pas. Et c’était nouveau pour elle, qui avait tellement l’habitude d’être à l’écoute et de suivre ses sentiments… La joie la poussait en avant, le chagrin l’empêchait de continuer sur une voie qui n’était pas la bonne, le doute l’encourageait à être prudente, la sérénité lui donnait ce dont elle avait besoin pour continuer sur la voie qui était la sienne, la panique et la peur la poussaient à fuir et la prévenaient du danger. A présent, elle n’avait absolument aucune idée de la direction vers laquelle son cœur lui disait d’aller, aucun moyen de démêler les instructions contradictoires qui s’embrouillaient en elle.

Prends-lui la main. Tu en as envie, et il te le propose. Habituellement, ses pensées se seraient arrêtées là, et elle aurait réagit spontanément, sans se poser plus de questions… Là, un mais se pointait déjà à l’horizon, lui rappelant la colère et la hargne du Faël un peu avant, et son désarroi lorsqu’il parlait de sa mère. Elle se souvenait des premiers mots hautains, lorsqu’il était évident qu’il la trouvait bizarre, et puis de la manière dont il l’avait poussé, prêt à la frapper… elle recula, physiquement et mentalement. Elle l’avait aidé lorsqu’il se sentait perdu, il l’avait aidé lorsque la peur l’avait paralysée, et ça n’allait pas plus loin. Non, en fait, elle ne voulait pas lui donner la main. Ils seraient parfaitement capables de s’entendre et de se suivre, une fois dans le couloir, pas besoin de se voir l’un l’autre pour mettre un pied devant l’autre… Mais si, elle en avait envie. Pourquoi, d’ailleurs ? Et pourquoi est-ce qu’elle ne voulait pas se l’avouer, elle qui prônait l’acceptation et l’harmonie ? Oh, et puis pourquoi est-ce qu’elle réfléchissait ainsi ? C’était pourtant simple. Juste faire un pas en avant et glisser sa main dans la sienne, comme elle l’avait fait plusieurs fois déjà aujourd’hui. Et avancer dans le couloir, à la recherche du soleil… Pourquoi cette fois-ci serait-elle différente d’auparavant ? Elle l’avait bien serré dans ses bras sans aucune question, elle n’avait pas à… Oh, ça suffit, les nœuds au cerveau. Elera s’approcha enfin, et c’est presque timidement qu’elle effleura ses doigts puis raffermit sa prise. Voyant qu’il ne se passait rien, et enfin rassurée, elle les dirigea tous les deux vers l’escalier, et commença à descendre les marches.

D’une main, elle effleurait le mur de droit, faisant en sorte de ne pas perdre la paroi, la pauvre, elle avait besoin de caresses bisounoursiennes, depuis le temps qu’elle n’avait pas vu la moindre personne passer par là. Elio, le mur, le sol sous ses pieds. C’étaient les seules choses qui l’amarraient à la réalité dans l’obscurité complète… Elle sentait ses pupilles s’agrandir largement à la recherche de la moindre lueur, mais elles n’en trouvèrent aucune. Voyant-ou ne voyant pas, surtout- que cela ne servirait rien, elle serra les paupières sans plus essayer de voir quoi que ce soit. C’était plus facile ainsi… Au début, elle avait dégringolé les marches assez rapidement et sans s’inquiéter, mais à présent, elle commençait à compter. Dix… Vingt… Trente… C’était long, mais pas trop. Elle faillit tomber lorsque son pied trébucha sur un sol au bon niveau, alors qu’elle s’attendait à descendre encore, et se rattrapa in extremis au bras du Corbac, sentant son visage s’enflammer sans qu'elle ne puisse le contrôler. Elle avancerait un peu plus prudemment, maintenant… Ils commencèrent à avancer dans le nouveau couloir, en silence, d'abord; puis, se sentant enfin prête à parler de ce qui s’était passé en haut, elle bredouilla d’un ton hésitant :

- Je… Merci. Je ne réagi pas comme ça, d’habitude.. Et.. Tu as vraiment été… Merci.

Cela faisait longtemps qu’elle n’avait pas été à court de mots, mais elle ne voyait vraiment pas comment expliquer ce qu’elle avait ressenti… Il comprendrait, sûrement. La question suivante fut dite sur un ton encore plus bas que les remerciements précédents, et d’un ton plus hésitant encore. Elle n’était pas certaine qu’il répondrait…

- Tu as peur de quoi, toi ?

Autant se concentrer sur sa panique. Cela semblait un sujet plus facile que ses réactions suivantes, même si c'en était déjà un assez difficile...

Messages : 306 Inscription le : 06/02/2009

A la grande surprise d'Elio, Elera ne mit pas sa main dans la sienne. Il sentit de suite son hésitation.
Pourquoi?
Pourquoi hésitait-elle?
Ne voulait-elle pas poursuivre l'aventure? Voulait-elle continuer seule? Que se passait-il? Une vive douleur s'empara de son cœur. Il en avait tant besoin de cette main. Cette main si douce qui apaisait sa colère et ses pulsions idiotes. Cette main qui amenait d'autres pulsions, encore inconnues...
Il attendait. Tremblant. L'attente est horrible. Elle est longue, infinie. Vide et dépourvue de sens...
Une boule s'était formée dans sa gorge et il s'apprêtait à rabaisser sa main, sans savoir que dire, lorsqu'il sentit une chaleur toucher ses doigts...Elera venait de s'emparer de sa main! Timidement mais elle l'avait fait!
Un profond soulagement s'empara de lui et il ne put retenir un sourire. L'aventure continuait. Et toujours avec Elle!

En silence ils descendirent les escaliers, dans le noir. Un bruissement lui indiqua que la main libre d'Elera frôlait le mur, le caressait...A lui elle ne faisait que le tenir, simple main tenue par une autre, simple déposition...

Ils atteignirent le bas de l'escalier, et son amie failli trébucher. Elle se rattrapa de justesse au bras d'Elio. Celui-ci la prit par la taille, et la serra contre lui.

-Doucement! Restes avec moi! dit-il dans un rire amusé.

Toujours en silence ils continuèrent leurs chemins, empruntant un long couloir. Soudain la voix enchanteresse d'Elera résonna dans les cachots:

- Je… Merci. Je ne réagi pas comme ça, d’habitude.. Et.. Tu as vraiment été… Merci.

Il ne comprit pas de suite à quoi elle faisait allusion. Puis il réalisa qu'il s'agissait de ce qui s'était passé en haut. De sa panique. Le 'tu as vraiment été...merci" le toucha. Etait-ce un essai de compliment? D'admiration? Mais pourquoi hésitait-elle encore?
Il voulut répondre mais se surprit à piquer un fard, et préféra baisser la tête sans rien dire, oubliant que l'obscurité n'aurait rien dévoilé à Elera!

- Tu as peur de quoi, toi ?

La question le prit de court. Que répondre? Et pourquoi répondre? Quel était cette habitude de tout vouloir savoir, de se confier et de demander confiance en l'inconnu? Mais étaient-ils vraiment des inconnus l'un pour l'autre? Et puis...Elera.
Elera n'était pas comme les autres filles. Elle était beaucoup plus!
Elle était grâce, paix, et liberté.
Liberté.
Elle aurait des ailes que cela n'étonnerait même pas le guerrier!
Liberté.
Ce regard, cette prestance...Elle n'avait aucune limite, rien n'avait le pouvoir de se dresser sur sa route!
Pas même la Mort!
Quoi que...
Elle avait échoué avec sa mère...
Mais pas suffisamment échoué pour le dégouté lui, pour lui faire peur et lui enlever tout espoir de réponse!

-Moi?

Il se rendit compte que sa voix était rocailleuse. Parler serait difficile!

-Je...J'ai peur de...

Il sentit une caresse encourageante sur son bras. Il frissonna, et ferma les yeux.

-J'ai peur de la vérité.

C'était stupide. Complètement absurde! Et pourtant!

-C'est con hein? ça fait des années que je pourchasse la vérité comme un forçat, et je suis ici en partie pour ça, et pourtant elle me fait peur...La...la vérité n'est pas toujours belle. Et celle que je cherche doit être horriblement laide et cruelle, étant donné les réactions de mon père.

Une larme coula sur sa joue. Il l'essuya de suite. Il avait assez pleuré devant elle. L'heure des confessions était là. Il devait parler. Sans s'effondrer.

-Maman...maman est morte très tôt...trop tôt. J'avais à peine deux ans. Je n'ai guère de souvenirs d'elle. Il reviennent de plus en plus, en flash...sans aucune certitude de savoir s'ils sont vraiment souvenirs ou imaginaires...Je...Pap...Mon père n'a jamais voulu me dire comment elle est morte...Nous sommes parti du village faël dans lequel nous habitions avec elle...Elle était faëlle...elle était belle...Mon père dit que je lui ressemble...j'peux même pas vraiment le savoir, j'ai qu'une image, sans aucune certitude, comme d'habitude...Je l'ai questionné sans relâche...en vain...Il est bizarre, il a de drôles de réactions, comme la colère. Il me cache quelque chose...je le sais...Je chercherais...Jusqu'à en mourir s'il le faut! Quand j'aurais la force d'un vrai guerrier je partirais en direction de mon village natal...

Il avait réussi. Réussi à se confier. Pour la première fois de sa vie! Certes son corps était à présent pris de convulsion et il s'était arrêté, collant son front bouillant contre le froid du mur de pierre, une main toujours dans celle d'Elera, en cas de crise...
Elle savait tout de lui. Sa carapace avait disparu, et il se sentait étrangement nu...Et pourtant bien.

-Tu m'accompagneras?

Une fois encore il n'avait pas réfléchi. Pourquoi l'accompagnerait-elle?
Parce que je l'aime...
Mais qu'est-ce que ça voulait dire aimer?
Alors parce qu'elle est la seule à me connaitre...
C'était déjà plus raisonnable.

Sa main passa avec douceur sur le visage d'Elera. Puis il tourna la tête. Il ne voulait pas qu'elle voit dans ses yeux ses réels sentiments qu'il découvrait tout juste. Elle avait vu déjà trop de choses en lui!

Messages : 1576 Inscription le : 12/08/2007

[Voilà, comme ça tu pourras lire avant de partir en vacances =p Et édition à volonté..]

C’était un silence doux, réconfortant ; celui des confidences, que l’obscurité ambiante semblait protéger d’un manteau de velours. La main qui caressait le mur alla s’accrocher doucement au bras d’Elio, alors qu’elle sentait son hésitation à parler. Elle attendait, trouvant la patience dans ce contact simple là où Elio, lui, devait trouver la force de continuer. Le son de leurs pas se noya peu à peu alors qu’ils ralentissaient au fil des mots, avant de se figer complètement. Sentant Elio trembler, Elera serra doucement sa main, continuant à le tenir même après qu’il eut fini. La vérité… Un concept pour lequel elle n’avait jamais ressenti la moindre appréhension. Elle n’avait pas su ce qui l’attendait, lorsqu’elle était allée retrouver ses parents, et pourtant elle n’avait pas hésité un seul instant. Elle avait su que ce qu’elle découvrirait serait empli de douleur et de haine, en demandant à Marlyn, Valen et Ena ce qui s’était passé cette nuit fatidique où Marlyn avait disparue, et pourtant elle n’avait jamais été aussi déterminée qu’en posant ces questions qui la faisaient vaciller au dessus du gouffre du doute. Elle avait toujours voulu connaître la vérité, mais avait compris qu’elle ne le pouvait pas toujours, acceptant les mensonges lorsque ses efforts ne lui rapportaient que silence. Parce que peu importait, au fond. Le sifflement s’enfuit d’entre ses lèvres, courant d’air posé se fondant dans la nuit artificielle, alors qu’elle essayait d’expliquer pourquoi :

- Connaître ou ne pas connaître la vérité ne changera rien au passé ni au présent…

Aucune recommandation, aucun avis ni opinion sur la quête qu’il avait entrepris. Juste un fait à méditer. Elle savait qu’elle ne pourrait pas effacer sa peur, et que de toute façon, s’il avait le courage de chercher la vérité malgré son inquiétude, il n’avait pas besoin d’elle. Et elle était sûre qu’il irait jusqu’au bout ; cela s’entendait dans sa voix, dans les arpèges vibrant d’espérance et de détermination. Elle ne jugeait pas sa quête ; redécouvrir le passé n’aurait jamais été un but qu’elle se serait donné, elle qui vivait dans le présent et tournait la tête vers le futur, mais elle le comprenait. Comme pour sa sœur jumelle, les racines du temps lui étaient primordiales pour s’élever vers le ciel… Il trouverait la vérité. Sûrement pas de la manière à laquelle il s’attendait, mais il la trouverait.

-Tu m'accompagneras?

Et encore ce doute aux allures de fumée qui l’entourait, alors qu’elle ne comprenait pas les mots exacts. Il y avait tellement d’espoir dans cette simple demande, comme une supplique, comme le regard innocent d’un enfant qui veut quelque chose du plus profond de son âme, mais à peur de se le voir refuser. Comme si cette simple demande en cachait une autre, plus profonde, plus vitale pour lui. Et alors qu’elle ouvrait la bouche pour répondre, sa main. Main qui avait trouvé son chemin dans le noir pour se poser doucement sur sa joue, geste qui la troubla sans qu’elle ne puisse l’expliquer. Elle aurait voulu pouvoir lire sur le visage d’Elio, à cet instant, mais les ténèbres l’en empêchaient… et c’était peut-être tant mieux, parce qu’ainsi, il ne pourrait pas voir les multiples questions défiler dans ses yeux. Ne pourrait pas sentir la chaleur qui s’empara d’elle à ce contact, et qui devait avoir légèrement changé la couleur de ses joues. Il tenait à elle. Ils ne se connaissaient pas depuis longtemps, mais il tenait à elle, plus que beaucoup d’autres qu’elle avait salués une fois pour ne plus jamais les revoir. Elle le sentait dans chacun de ses mots, dans le moindre de ses gestes.

Et elle ?
Elle, qu’est-ce qu’elle ressentait pour lui ?
Elle ne le connaissait pas depuis longtemps, mais déjà elle s’était attachée à lui. Il s’était ouvert à elle, il avait vu sa peur, et ce partage avait renforcé leur lien. Elle ne voulait pas qu’il ait mal, avait envie de faire disparaître l’amertume de ses propos, lorsqu’il parlait de son père… Voulait le voir heureux. Elle avait vu aussi ce trop plein de colère qui l’emplissait, colère à double tranchant qui venait et se rétractait en continu, au gré de la confidence changeante du combattant. Et puis en même temps, il y avait ce sentiment que jamais il ne lui ferait de mal, à elle. Qu’elle était en sécurité. Comme elle se sentait toujours en sécurité près d’Anaïel, malgré le danger du mal qui la rongeait, ou près de Marlyn, elle qui souhaitait pourtant détruire le monde plus que n’importe qui d’autre. Ces dangers étaient tout simplement inexistants pour elle, concepts abstraits et incompréhensibles qu’elle connaissait comme on connait une phrase dans une autre langue apprise par cœur sans en connaître la signification ni le mécanisme, répétant simplement les sons entendus auparavant. Ces dangers ne s’appliquaient pas à elle, tout simplement. C’était… inconcevable. Mais Marlyn et Anaïel ne recherchaient pas sa présence, au contraire ; elles gardaient toujours leurs distances, et Elera le respectait. Alors qu’Elio… Elio semblait rechercher son contact apaisant. Comme celui de sa main qu’il tenait entre ses doigts, et qu’il ne voulait pas lâcher. Comme le bras qu’il avait glissé autour de sa taille pour l’empêcher de tomber. Comme les mots réconfortants qu’il avait soufflé au creux de son oreille. Comme son autre main qui restait encore sur sa joue… Elera mis doucement la sienne sur celle d’Elio, avant de répondre en un souffle confiant :

- Oui, Elio. Je t’accompagnerai.

Elle ne pensa pas à toutes les raisons qui pourraient l’empêcher de tenir cette promesse ; elle voulait l’accompagner, et elle le ferait. Elle voulait le voir heureux, et elle se souvenait très bien combien la présence d’Ena avait été importante, lorsqu’elle-même avait découvert qui étaient ses parents. Elle aussi, elle l’aiderait à trouver la vérité, et à rester entier une fois qu’il l’aurait entendue… La main qu’elle avait posée sur celle d’Elio s’éloigna, remontant le long du bras à la recherche d’un autre visage ; celui qu’elle découvrit était légèrement humide. Avait-il encore versé des larmes dans le noir pendant qu’il parlait et qu’elle ne pouvait rien voir ? Elle les essuya du bout des doigts avant de s’éloigner d’un pas, sans rien dire, et de le tirer doucement dans le couloir ; elle ne ressentait pas le besoin de lui répondre plus amplement, et il fallait continuer leur marche s'ils voulaient un jour sortir. Ils durent pourtant s’arrêter quelques pas après seulement ; le pied d’Elera, en essayant de se poser prudemment, ne trouva que le vide. Le mur continuait, pourtant… En se baissant, elle put sentir une fissure sous ses doigts, fissure de taille inconnue qui s’ouvrait sur les entrailles de l’Académie. Ce n’était pas la première qu’ils passaient, mais toutes jusque là avaient été assez petites pour pouvoir les enjamber. Cette fois-ci, même en tendant la main, Elera ne trouva que le vide… Hésitation. Puis décision.

- Je descends. Si ce n’est pas trop profond, je t’appelle, et on pourra regrimper de l’autre côté. Sinon…

Elle ne finit pas sa phrase, ne souhaitant pas penser à cette possibilité. De toute façon, les chances qu’une faille créée dans un couloir, sûrement à cause d’un tremblement de terre où autre chose de ce genre, soit très profonde n’étaient pas très nombreuses. Avec un peu de chance, elle serait en bas après seulement quelques mètres… Alors sans attendre les protestations d’Elio, Elera lâcha sa main.

Le vide, soudain, alors qu'elle n'avait plus d'ancre à laquelle s'accrocher dans l'obscurité. Alors elle se baissa et s’agrippa au rebord, passant ses jambes dans le vide et espérant réussir à descendre sans voir ses prises…

Messages : 306 Inscription le : 06/02/2009

- Oui, Elio. Je t’accompagnerai.

Le souffle d'Elera lui fit l'effet d'un baume sur ses plaies ouvertes de ses confidences. Il ne craignait plus rien avec elle.
Il sentit la main de la marchombre glisser de son bras vers son visage. Visage qu'il avait encore humide. Il voulut détourner la tête afin qu'elle ne remarque rien, mais déjà les doigts de fée de sa compagne essuyaient les dernières larmes restantes. Fermant les yeux il se laissa aux soins d'Elera et pria pour que ses caresses ne cessent en aucun cas. Hélas il le fallut bien pourtant.
Une main toujours dans la sienne, comme si elle sentait elle aussi que sans ce contact Elio perdait tout sens d'orientation, elle le fit avancer, comme un enfant. Puis se figea. Le noir d'encre des cachots leur empêchait toute visibilité. L'impression d'être aveugle rendait d'ailleurs le corbac quelque peu nerveux.
Il avait soif de lumière, soif de repère. Même si Elera constituait le seul repère important, il avait soif de la voir, de la contempler, l'admirer...
Celle-ci tendait sa deuxième main dans le vide, à la recherche du prochain chemin à emprunter. Elle ne trouva que le vide.

- Je descends. Si ce n’est pas trop profond, je t’appelle, et on pourra regrimper de l’autre côté. Sinon…

Elle se détacha de lui, lui retirant sa précieuse main.

-Elera non! Laisses-moi y aller! Je suis moins important que toi!

Mais trop tard. Déjà il ne sentit plus aucune présence chaleureuse auprès de lui. La solitude et la panique l'envahirent alors.
Et si Elera ne revenait pas?
S'il s'agissait d'un précipice?
Si elle l'abandonnait? Le laissant seul avec le noir et la peur?

-Elera!

Face au silence il se mit à trembler.

-Elera!

Il voulut s'avancer, se pencher vers le vide afin peut-être de pouvoir discerner son amie et sentir sa présence. Mais dans sa panique il fit un trop grand pas.
Son pied gauche ne se posa pas sur la pierre dure et froide du sol, mais dans le vide. Perdant l'équilibre, il ne put non plus se rattraper, tombant la tête la première dans le trou béant, qui se présentait à lui, dans un grand cri de stupeur.
Son crâne heurta une matière rigide et coriace, et l'on put entendre un craquement assez significatif concernant son bras droit. Même s'il n'y avait qu'obscurité autours de lui, Elio crut constater sa vue faiblir, et un flou l'envahir. La douleur le lancinait, et la tête lui tournait. Dans un cri rauque il appela la seule personne qui pourrait l'aider:

-Raaaahh...Ele...Elera? Elera où es-tu?

Il espérait qu'elle ne soit pas loin. Et surtout qu'elle ne se soit pas fait mal elle aussi. Sans elle il était complètement perdu.
Cherchant à tâtons son bras blessé, il le trouva dans l'angle inverse où il pensait le trouver. Angle assez inquiétant, qui lui expliqua toutefois la douleur et le craquement.

-Et merde!

La rage, instinct primitif, reprenait le dessus. Les larmes au bord des yeux, il se mordait la lèvre pour ne pas hurler.

-Mais quel con vraiment! J'comprends mon père qui disait: "faut jamais suivre une fille! C'est dangereux!"

Malgré le mal qui lui rongeait le crâne, il parvint à rire, nerveusement, mais rire tout de même! Il se sentait benêt, et incapable. Encore une fois sa faiblesse et sa stupidité ne l'avaient guère entrainé loin. Profond peut-être, mais pas loin!

Messages : 1576 Inscription le : 12/08/2007

Elera ne prit pas la peine de répondre aux protestations d’Elio ; lui, moins important qu’elle ? Et pourquoi le serait-il ? Elle n’était pas plus spéciale qu’un autre. Il était logique qu’il reste en haut, et qu’elle descende, puisqu’elle était Marchombre et savait probablement escalader mieux que lui… Cela faisait des années qu’Ena l’entraînait en la faisant gravir tours penchées, falaises aigues et murs lissés. Ce n’était pas une faille dans un couloir qui allait l’arrêter. En descendant, il prendrait trop de risques, alors qu’elle n’aurait sûrement pas trop de problèmes. Bon, c’était vrai, même si elle avait déjà grimpé de nuit, elle avait toujours été capable de discerner les prises assez proches pour être attrapées… Mais elle n’aurait qu’à imaginer que ceci était un nouvel exercice. Descendre avec un bandeau sur les yeux… Elera les ferma donc obstinément, trouva en tâtonnant un appui pour ses pieds, puis lâcha sa main droite pour trouver une nouvelle prise un peu plus bas. Elle descendit prudemment, n’essayant pas d’être rapide, mais simplement de trouver les prises les plus sûres… Elle entendait Elio qui l’appelait en haut, mais, concentrée sur l’idée de ne pas tomber, elle n’osa pas répondre avant d’être en bas. Elle ne voulait pas plonger dans le vide pour avoir pensé à autre chose…

Ce n’est pas elle qui chuta. Elera se figea sur le mur en entendant le cri, et se mordit la lèvre. Elio ? Qu’est-ce que.. avait-il essayé de descendre aussi ? Il était tombé ? Non… Et s’il était mort ? Blessé ? Par sa faute, parce qu’elle n’avait pas répondu et qu’il avait eu peur pour elle ? La peur au ventre, elle essaya d’arracher un morceau du roc qui formait la paroi, et réussissant, jeta les gravats dans le vide. Elle tendit l’oreille, et les entendant presque immédiatement ricocher d’un bruit sourd, sentit le nœud dans sa gorge se desserrer un peu. Trois mètres, quatre tout au plus, si elle comptait le fait qu’elle était déjà descendue un peu sur la paroi. Elle n’avait pas voulu sauter, ne sachant pas combien la fissure serait profonde, mais visiblement, ce n’était pas assez haut pour être fatal, sauf si l’on tombait mal…

- Elio ?

Sa question fut noyer par celle d’Elio et par l’insulte qui suivit immédiatement et qui, paradoxe obsolète, la rassura sur son sort… S’il était encore capable de crier, il ne devait rien avoir de très grave… Mais elle ne pouvait pas attendre de descendre doucement, il fallait qu’elle le rejoigne, qu’elle l’aide, qu’elle sache ce qui était arrivé… Alors prenant sa respiration et perdant toute prudence, elle lâcha les prises et se laissa tomber dans le vide. Deux mètres, trois, ce n’était rien, elle pourrait se réceptionner sans mal… Sauf qu’elle ne pouvait pas voir ce qui se trouvait en dessous. Sa cheville se tordit sur un caillou qui trainait, mais elle ignora la douleur, concentrée sur Elio et Elio seulement. La peur au ventre, elle se mit à courir dans le noir, trébuchant alors qu’elle revenait sur ses pas. S’il était… Il ne pouvait pas… Gravement blessé… Des suites de situations incohérentes lui traversèrent l’esprit, la panique la gagnant de nouveau, jusqu’à ce qu’elle entende une dernière phrase, suivie d’un rire nerveux. Il allait assez bien pour tourner la situation à la dérision, mais elle avait encore le cœur serré… Se laissant guider par sa voix, elle le trouva enfin. Essayant plus de se rassurer elle-même et de faire savoir à Elio qu’elle était là qu’autre chose, elle lui dit :

- C’est peut-être dangereux, mais c’est beaucoup plus passionnant que de suivre un chemin rectiligne, tu ne crois pas ?

Puis elle s’agenouilla à côté de lui, posant légèrement une main sur son épaule.

- J’ai eu peur… Est-ce que ça va ? Attends, ne bouge pas… Préviens-moi si je te fais mal.

Elera chercha une blessure du bout des doigts, sans rien trouver d’abord, puis elle laissa sa main descendre le long du bras du demi-faël, se souvenant bien des conseils d’Amarylis pendant les cours de soin, cours facultatifs qui n’avaient pas été très populaires à l’Académie mais que la jeune lotra avait suivi de temps en temps ~~même qu’on a été un record de deux élèves !~~ Se remémorant la voix douce de la rêveuse, elle mit toute sa prévenance dans ses gestes, cherchant les blessures sans vouloir les empirer… Elle blêmit avant même d’entendre le gémissement d’Elio en arrivant au coude. Ce n’était tout simplement pas possible. On ne pouvait pas se tordre le bras de cette façon, c’était faux, crissant, désordonné… Grincement dissonant. Elle ne comprenait pas comment Elio pouvait rester là sans hurler de douleur… Tordu complètement à l’envers. Elera hésita un instant, se mordit la lèvre, puis se décidant, attrapa son bras plus fermement.

- Je suis désolée.

Et avant qu’Elio ne puisse deviner pourquoi, elle tira d’un coup sur son bras pour le remboiter correctement. Elle savait qu’il aurait mal, très mal, mais il fallait bien le faire s’il voulait être soigné correctement…

- Shhh. C’est fini…

Murmure réconfortant. Au moins la douleur devait être tolérable, maintenant. Reposant sa main sur l’épaule d’Elio, elle répéta, le cœur serré :

- Je suis désolée.

Elle ne voulait pas qu’il ait mal, et elle se doutait que c’était partiellement sa faute… Si elle avait répondu alors qu’il s’inquiétait, si elle avait pris la peine d’arrêter de descendre pour le rassurer, peut-être ne serait-il pas tombé…

[Mm, y a pas que Elera qui est désolée, après tout le temps que tu as attendu, ça aurait pu être mieux =/]

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