Le voyage initiatique de Tifen Layan [Inachevé]

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La jungle d'Hulm se profilait à droit devant et Tifen retint presque un soupir de soulagement. Presque. Parce que les bestioles qui l'attendaient là bas lui feraient peut-être regretter les cours d'équitation donnés par Valen durant le voyage. A cette évocation, la Lupus baissa les yeux pour observer Azula. Une jolie jument calme et gentille à la robe en grande partie marron, excepté sur le bout des pattes, qui avaient plutôt une coloration noir. Et surtout, ce qui importait le plus à l'adolescente, c'est qu'elle n'avait pas peur de Khan.

Azula... Sa jument. Un cadeau de Valen, lorsque il avait décidé de lui enseigner les rudiments de l'équitation, pour le plus grand malheur de la jeune fille, qui ne gardait pas d'excellents souvenirs des leçons données par Khelia autrefois. Mais il fallait avouer que le demi-Faël était quand même bien plus compétent que la Felixia. Bon d'accord, il était arrivé qu'elle se trompe de sens pour mettre la selle ou qu'elle oublie un bout ou l'autre de tout l'attirail qu'il fallait installer sur le dos d'Azula, mais avec le temps, Tifen arrivait à peu près à se débrouiller.

Bien sûr, les premiers jours avaient été difficiles, aussi bien physiquement que mentalement. Entre les chutes et les fois où l'adolescente avait crût mourir de frayeur, comme lorsque sa jument était partie au galop sans prévenir, et qu'il lui avait fallu un moment pour qu'elle arrive à reprendre le contrôle, sous le regard amusé du Chantelame. A cette idée, Tifen ne put retenir un sourire. Même si sur le moment, elle avait eu vraiment peur, elle devait bien reconnaître que la scène avait dû être amusante à observer.

La jungle se rapprochait toujours plus et la Lupus ne réussit pas à empêcher un frisson de parcourir son échine. L'endroit restait étrange, très étrange. Presque effrayant, même si elle savait qu'en compagnie de Valen, elle ne risquait pas grand chose. En fait, s'il contenait autant de bestioles amicales qu'on le prétendait, il y avait quand même de quoi regretter les leçons d'équitation...

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Le voyage avait été long... le demi-Faël ne pouvait pas nier que Tifen avait rencontré quelques difficultés et avait mis du temps à assimiler l'art de monter à cheval, mais elle était finalement parvenue. Elle n'était certes pas une cavalière d'exception actuellement, mais elle avait atteint un degré de compétence honnête. Pendant le retour, Valen pourrait initier son apprentie aux joies des acrobaties à cheval et du combat monté. La jeune fille n'effectuerait pas un voyage d'agrément...

Ils étaient donc enfin arrivés devant la Jungle d'Hulm, un lieu déserté des Alaviriens, ce qui n'était pas une mauvaise chose. Valen y serait à l'écart de curieux inopportuns pour enseigner à Tifen quelques uns de ses secrets. Cependant, il devrait probablement reporter... pour l'heure, la nuit était sur le point de tomber. Peut-être le demi-Faël profiterait-il de l'obscurité pour entraîner son apprentie, il hésitait. La faune sauvage d'Hulm était suffisamment dangereuse sans en rajouter, mais, d'un autre côté, Tifen était amenée à devenir une grande Chantelame. Elle en avait le potentiel, un potentiel qui ne serait exploité entièrement qu'avec un enseignement approprié. Il y réfléchirait...

- Nous voici donc à Hulm, Tifen! Une merveilleuse contrée remplie de bêtes sauvages comme ces braves ours élastiques. Les Alaviriens sont effectivement rares en ce lieu et nous serons probablement les deux seuls habitants humains de la jungle pour les jours à venir. Peut-être cela en fait-il le lieu le plus approprié pour disparaître et se dissimuler aux yeux de ses ennemis...

Cette jungle désertée de l'humanité pouvait effectivement être un bon refuge où fuir les mercenaires du Chaos. Dense et vaste, seul un excellent pisteur... ou un groupe important d'individus pouvaient espérer y découvrir un fugitif s'y dissimulant. Même les mercenaires du Chaos mettraient du temps à débusquer une proie qui s'y cache... surtout si cette proie maîtrise les arts marchombres.

- Il est probablement temps d'installer le campement pour la nuit... à moins que tu n'aies envie de chercher un lieu plus idéal pour camper?

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Une merveilleuse contrée remplie de bêtes sauvages. Super, ça donnait tout à fait envie de continuer le voyage et d'avancer dans la jungle. Après tout, qui n'a jamais rêvé de rencontrer des ours élastiques aux quatre coins d'un bois? C'est un souhait que tout le monde à un jour dans sa ~~courte~~ vie. D'ailleurs, seul Khan disposait d'un minimum d'intelligence, puisqu'il les avait quitté quelques jours auparavant, peu désireux de passer un certain temps dans cette jungle perdue. Quelque chose que Tifen pouvait parfaitement comprendre. Si elle était arrivée jusqu'ici, c'était bien parce qu'elle devait suivre le demi-Faël et n'avait guère le choix. Et aussi parce que normalement, elle ~~avait quelques chances de s'en sortir vivante~~ ne risquait pas de mourir en compagnie du maître d'armes.

Bien qu'elle soit convaincue de ce dernier fait, la Lupus n'avait pas vraiment envie de le vérifier. Il y avait tant d'histoires qui couraient de tavernes en tavernes, à propos de cet endroit. Des légendes colportées par des ivrognes, sans doute, pour la plupart. Mais toutes les légendes ne se basaient-elles pas sur un fond de vérité? Enfin bon, voyons le bon coté des choses, l'adolescente aurait l'occasion de vérifier la véracité de toutes ces légendes. Quelle joie.

Instinctivement, Tifen porta la main à son sabre, comme pour s'assurer de sa présence. Quelque chose lui disait qu'elle allait beaucoup s'en servir, pendant un moment. Puis ses pensées dérivèrent en direction de l'Académie et de sa soeur de coeur. Comment allait Ambre, actuellement? Etait-elle en train de lire, comme elle le faisait si souvent? D'assister à un cours, ou encore de s'entraîner? Tant de questions auxquelles la Lupus n'avait pas de réponse. Valen lui posa alors une question, mais encore plongée dans ses pensées, l'apprentie ne saisit pas immédiatement qu'elle devait répondre. ~~Le temps que les neurones se reconnectent, hein...~~ Il lui fallut donc quelques instants pour réfléchir à l'importance de chercher un lieu idéal pour camper, et encore un peu de temps avant de donner enfin sa réponse

-Ici où ailleurs, quelle différence... Je ne suis pas certaine qu'on puisse parler d'endroit idéal pour camper à quelques pas de cette jungle...

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Valen eut un sourire ironique. Tifen Layan ne semblait pas particulièrement enchantée d'être dans ce lieu... A vrai dire, il pouvait la comprendre, il n'aurait sans doute pas apprécié d'être à la place de son apprentie à son âge.

- Tu devras te montrer attentive aux détails, jeune Tifen! Pour ce soir, cela importera peu, mais demain est un autre jour...

Enigmatique. Si Tifen savait, elle serait probablement encore moins enchantée d'être en ce lieu. En fait, elle était sur le point de savoir, Valen allait débuter l'exercice dès à présent. Son apprentie était prête, elle devait l'être! Si elle ne l'était pas, elle ne le serait jamais de l'avis du Maître Chantelame. Le demi-Faël commença à installer le campement avec une minutie toute militaire, il était habitué à ce genre de périple, malgré le fait qu'il n'avait pas souvent quitté l'Académie ces derniers temps. Avisant Tifen qui s'apprêtait à faire de même, il la retint :

- Inutile de te donner cette peine, Tifen, tu ne dormiras pas ici ce soir.

Répondant à l'interrogation muette de la jeune fille, il poursuivit :

- Il te reste encore beaucoup à apprendre, mais il est temps de te mettre à l'épreuve. Tu le sais, nous sommes les opposés de la Guilde du Chaos et nous les combattrons où qu'ils soient... tu les as déjà rencontrés, tu les as déjà affrontés, mais cela ne suffira pas. Ce soir, tu iras seule dans Hulm avec le strict minimum : tes armes et des vivres pour... une journée. Demain matin, je te traquerai et nous nous affronterons dans cet environnement hostile. Souviens-toi de tout ce que je t'ai appris, Tifen, et tout se passera bien.

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Sourire ironique, paroles énigmatiques... C’était supposé être rassurant ? En tout cas, ce n’était pas vraiment l’effet produit chez Tifen, qui se demandait ce que Valen pouvait bien lui préparer comme surprise douteuse. Effectivement, la surprise était même plus que douteuse. Passer la nuit dans la jungle, être traquée par le maître d’armes et le combattre dans cet univers agréable où l’on respirait la joie de vivre et la bonne humeur... ~~et où des lapins chantaient en cœur la chanson des bisous~~ Fabuleux. Vraiment. Aussi, c’est avec un entrain sans précédant que la Lupus acheva son maigre paquetage. Tout se passera bien... Mais bien sûr... Enfin bon, un peu de conviction, par la Dame ! En partant défaitiste, autant se rendre immédiatement.

Soit. Mais il fallait encore trouver les points positifs de cette fameuse épreuve. Elle allait risquer sa vie des centaines de fois... Mouais, on fait mieux, comme aspect positif. N’importe quel élève serait absolument ravi d’être à sa place... A moins que l’élève en question soit complètement fou, pas très convaincant. Elle allait pouvoir étudier de fond en comble la faune et la flore de cette jungle méconnue... Mais oui, bien sûr, c’est évident. L’adolescente mourrait d’envie de rencontrer des ours élastiques à chaque coin de branche. Conclusion, il n’y avait pas de points positifs ~~CQFD~~. Mais Tifen ne se démoralisa pas pour autant, et après avoir lancé un dernier regard à Valen et prit une profonde inspiration, elle se glissa dans la jungle impénétrable qui lui servirait d’habitation pour un moment. La nuit allait être longue... Car bien sûr, il n’était même pas envisageable de dormir dans un endroit si dangereux.

Rapidement, la Lupus quitta le sol pour s’élever dans les arbres. En fait, il y avait quand même un bon coté aux choses... Même si Hulm ne ressemblait à aucune autre forêt de sa connaissance, elle avait tout de même une bonne maîtrise de la survie dans les bois, qui allait lui être bien utile. Ainsi, en avançant par la voie des airs, elle échappait aux bestioles qui vivaient par terre, et risquait de rencontrer « uniquement » des ours élastiques. Enfin bon, c’était amplement suffisant, car tout le monde sait que les ours élastiques sont des créatures amicales, sympathiques, et peu dangereuses. Evidemment. Avançant ainsi de branche en branche avec toute la discrétion dont elle était capable, Tifen s’efforçait donc de ne pas relâcher sa concentration, parfaitement consciente que la moindre erreur pourrait lui être fatale. Mais la noirceur qui régnait dans la jungle ne l’aidait guère. Obligée de se baser uniquement sur son ouïe pour détecter la présence de bestiole susceptible de vouloir lui faire la peau, la jeune fille cheminait prudemment. Plusieurs fois, des bruits non identifiés lui firent modifier sa trajectoire, par crainte des ours élastiques, justement. Vivement le lever du soleil, que la visibilité redevienne meilleure...

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Sur un salut faël, aussi impassible que d'ordinaire, Valen avait laissé son apprentie s'enfoncer dans la jungle. L'exercice serait périlleux et Tifen y risquerait sa vie inutilement... le demi-Faël la menait-il à sa propre mort avec cette ultime épreuve? En ce moment, le Maître d'armes craignait pour la vie de sa disciple, elle était la plus douée de ses apprentis qu'il ait jamais eus, elle en était capable. Sur ses pensées, Valen s'attela à faire le vide en lui et médita pendant toute la nuit...

Quand le soleil se leva, il était prêt. Valen avait achevé ses préparatifs et il s'enfonça à son tour dans la jungle au pas de course. Tifen était une enfant sauvage, elle avait appris de longue date à survivre en pleine nature et se déplaçait en laissant peu de traces, mais le demi-Faël était de taille à la traquer, sa vue acérée lui permettait de repérer les traces de son apprentie et sa maîtrise des arts marchombres l'aidait. Tel un esprit, Valen progressait dans la jungle, laissant encore moins de traces que son élève, se mouvant agilement au sein de la végétation dense. Tifen avait une nuit entière d'avance, à moins qu'elle ne se soit reposée quelques heures, mais elle n'avait pu progresser aussi rapidement qu'il ne le faisait en ce moment. Elle était incapable de voir dans l'obscurité comme le demi-Faël, l'incitant à progresser lentement pour ne pas se fracasser le cou.

Suivre la trace de l'apprentie dans les arbres était souvent ardu, Valen devait parfois s'arrêter pour mieux analyser les traces et ne pas les confondre avec celles d'un ours élastique et il soupira d'aise quand il constata que Tifen avait mis pied à terre pour cheminer sur le plancher des vaches. Le demi-Faël pensait qu'il venait de parcourir le chemin que son apprentie fit de nuit, elle ne s'était pas reposée visiblement... il serait bientôt midi. La main sur la poignée de son sabre, Valen put reprendre sa traque au pas de course.

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Le jour se levait à peine, mais déjà la visibilité redevenait meilleure. Et le risque de croiser des ours élastiques augmentait de minute en minute. C’est sur cette pensée que Tifen rejoignit le sol, désireuse d’éviter autant que possible ces charmantes créatures. Rapidement, elle accéléra sa marche. Valen voyageait de jour, il avancerait forcément bien plus vite qu’elle. Sans ralentir, elle entreprit de manger quelques bouchées, pour faire disparaître la fatigue accumulée pendant la nuit.

Plusieurs fois, l’adolescente porta sa main à son sabre en entendant des bruits inconnus à proximité, mais elle ne s’arrêta pas, peu pressée de faire plus ample connaissance avec la faune locale. Au fur à mesure que le soleil progressait dans le ciel, la Lupus découvrait maints détails qui lui avaient échappé. Une petite branche d’un arbuste qui se mit à bouger, révélant ainsi sa nature d’insecte camouflé, des trous dans le sol, ressemblants à des terriers pour des bestioles encore inconnues... la liste était longue. Tant de constats qui renforçaient à chaque fois son attention, et qui lui rappelaient qu’elle n’avait pas le droit à l’erreur. Le temps passait sans que la jeune fille ne s’en rende vraiment compte, occupée qu’elle était à survivre dans cet environnement hostile...

S’arrêtant un instant pour réfléchir sur la direction à prendre, Tifen se retourna vivement, en sentant une présence dans son dos. Rapidement, certes, mais pas assez, puisque elle sentit la douleur transpercer son épaule gauche. Serrant les dents pour ne pas crier, la Lupus fit face à la créature. Un animal immense, presque plus grand qu’elle, qui se déplaçait sur quatre pattes et se camouflait sans peine dans l'épaisse jungle grâce à son pelage aux tons marrons. Et surtout, possédait une espèce de corne sur la tête à l’origine de la blessure qui brûlait douloureusement son épaule. Il ne fallu guère de temps à l’adolescente pour comprendre qu’elle n’aurait pas facilement le dessus face à une telle bestiole, et elle commença à reculer prudemment. Avec un peu de chance, la créature était simplement surprise de la trouver là, et allait se désintéresser de la jeune fille si elle ne se montrait pas dangereuse. Perdu, la bête non connue ne semblait pas vouloir la lâcher. Tifen comprit alors que les arbres étaient son seul espoir, quitte à devoir faire attention aux ours élastiques. Au moins le temps que l’animal l’oublie.

Aussitôt pensé, aussitôt fait, la Lupus bondit en direction d’une branche qu’elle crocheta, se hissa dessus en grimaçant, et continua son ascension en essayant de limiter son utilisation de son bras gauche, croisant les doigts pour que la bestiole ne puisse pas la suivre. Son espoir fut réalisé, car voyant que sa proie lui échappait, la créature poussa un long cri perçant, et se fondit dans le paysage, tandis que la jeune fille poussait un soupir de soulagement. C’est alors qu’elle remarqua les petites tâches de sang qui maculaient le sol. Portant la main à son épaule, Tifen grimaça une nouvelle fois en observant le liquide rouge, avant de s’essuyer sur le bas de sa tunique. Non seulement elle était en train de laisser l’équivalent d’un balise multicolore clignotante qui indiquait qu’elle était passée par là pour Valen, mais en plus, la blessure avait l’air d’être profonde.

Avant de poursuivre sa route, l’adolescente s’occupa donc à essayer de soigner cette plaie, mais sans la voir, cela compliquait beaucoup les choses. Elle se contenta donc d’un bandage grossier et malhabile, mais qu’elle espérait un minimum efficace avant de continuer à avancer par la voie des airs, avec maintes précautions. La Lupus fit ainsi quelques centaines de mètres avant d’être obligée de redescendre sur le sol, lorsque retentit le hurlement d’un ours élastique, tout proche. Consciente que les prédateurs la repéreraient plus facilement si elle gardait sur elle l’odeur du sang, la jeune fille frotta ses vêtements tâchés avec de la terre, ainsi que ses mains et son visage, ressemblant ainsi beaucoup plus à la Tifen qui était arrivée à l’Académie, quelques années auparavant.

Ainsi, elle poursuivit sa marche, essayant tant bien que mal d'ignorer la douleur mordante qui transperçait son épaule à chaque mouvement et piochant quelques bouchées de pain de siffleur quand la faim se faisait trop sentir, tout en surveillant ses réserves de nourriture. Elle n’avait des provisions que pour une seule journée, et elle ignorait encore combien de temps durerait la traque. Mieux valait être prudente...

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Un rugissement avait retenti au loin et, pas n'importe lequel, un rugissement d'ours élastique. Eviter les prédateurs comme les ours élastiques n'était pas bien difficile pour un Faël et Valen connaissait leurs techniques. Cependant, aujourd'hui, il ne pouvait pas se permettre de perdre du temps ou de perdre la piste de son élève... il devrait affronter tout ce qui lui barrerait la route.

Véritable coureur, endurci par les épreuves et les années, Valen ne s'arrêtait pas, ou du moins très peu. Pas même pour manger, il ne s'arrêta. Il devrait peut-être payer ultérieurement le prix des efforts qu'il réalisait aujourd'hui, mais cette pensée ne l'arrêtait pas. Tifen devait donner le meilleur d'elle-même, il devait la pousser jusqu'à ses ultimes ressources, lui faire atteindre ses limites, et cela requerrait du Chantelame des efforts soutenus. Pour lui, ce n'était pas un exercice, c'était une véritable chasse à l'homme, une course effrénée. Bien entendu, le demi-Faël ne pouvait pas prendre l'allure rapide d'un coureur, pas encore, il avait un piste à déchiffrer et son élève n'était pas encore en vue.

Toutefois, il gagnait implacablement du terrain. Les traces semblaient plus fraîches, il approchait du but... Tifen avait dû être ralentie par quelque chose, il pensait pouvoir la rattraper avant la tombée de la nuit. Un peu plus loin, il comprit pourquoi il gagnait du terrain, son apprentie était blessée! Valen vit son sang sur le sol, pas énormément de sang fort heureusement, mais ça ne devait pas être une petite coupure pour laisser ainsi des traces au sol. Son apprentie avait dû rencontrer une bête sauvage... redoutant le pire, il accéléra l'allure autant qu'il l'osait pour ne pas perdre la piste. Il devait rejoindre son apprentie au plus tôt, quel qu'en soit le prix...

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Tifen serra une énième fois les dents pour ne pas crier. Alors qu’elle espérait, au fil des heures, réussir à s’habituer un minimum à la douleur, cette dernière ne cessait au contraire d’augmenter au moindre mouvement de son bras. Saleté de bestiole. En plus, à cause de ça, elle avait été obligée de s’arrêter, et avait sans aucun doute perdu un temps précieux. Surtout qu’elle était désormais incapable de cheminer à un rythme très soutenu. Refusant cependant de baisser les bras, l’adolescente continua à avancer, se forçant à laisser le moins de traces possibles sur le sol. Mal ou pas mal, elle n’abandonnerait pas comme ça.

Une réaction identique à celle qu’Ambre aurait eu à sa place... Les pensées de la jeune fille dérivèrent alors vers sa sœur de cœur, mais la douleur se rappela rapidement à la Lupus, qui se concentra sur son chemin pour éviter de penser à l’Académie et à la Corbac. Elle n’était pas sortie indemne de sa dernière rencontre avec la faune de cette merveilleuse jungle, et avait retenu la leçon. La plupart des animaux vivant ici semblaient maîtriser parfaitement l’art du camouflage, et il n’était pas question de se laisser surprendre une seconde fois. Et penser à sa sœurette n’était pas le meilleur des moyens pour rester concentrée sur les dangers d’Hulm.

Attentive au moindre bruit, Tifen poursuivit sa route. Au moins, elle pouvait estimer avoir un minimum de chance, dans tout ça...Son bras droit était indemne, elle pourrait encore combattre. Evidemment, sa blessure la gênait, mais il faudrait faire avec... Elle n’aurait pas le choix, quand Valen la rejoindrait. La luminosité commençait à baisser. Rien de très alarmant, mais c’était assez flagrant pour que la Lupus comprenne que dans quelques heures, la nuit serait tombée. Dans quelques heures, elle aurait donc survécu une journée entière dans Hulm. Survécu seulement, car la jeune fille avait bien trop mal pour oublier qu’elle avait failli mourir un peu plus tôt. Et puis bon, la nuit n’était pas encore là, et il était fort possible que Valen la rattrape avant. Tifen ignorait tout du rythme avec lequel le Chantelame avançait, mais il allait sans doute assez vite. Elle ne se doutait pas à quel point...

En effet, un peu plus loin, un peu plus tard, l’adolescente commença à ressentir l’impression d’être suivie. Mettant cela sur le compte de la fatigue et du fait qu’elle sache être traquée par Valen, elle n’y prit guère attention, et continua son chemin. Mais la sensation revint, sans que la Lupus ne parvienne à s’en débarrasser. Aussi se força-t-elle à avancer encore plus silencieusement, pour essayer de repérer un quelconque bruit qui trahirait le poursuivant. Rien. Voilà qui anéantissait l’hypothèse d’une potentielle bestiole, qui ne pouvait pas être silencieuse à ce point. Mais Valen le pouvait. Ce qui voulait dire que le demi-Faël était donc tout proche... Mais où ?

L’adolescente parcouru les alentours du regard, à la recherche d’un détail. Il ne fallait pas qu’elle se laisse surprendre...

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Valen avait dégainé discrètement, il avait rattrapé Tifen Layan. Jusqu'à présent, son apprentie s'était bien comportée et avait réussi un bel exploit. Tromper Valen n'était pas une mince affaire, mais elle avait réussi plusieurs fois à l'induire en erreur au fur et à mesure qu'il progressait. Pour lui, c'était un signe : Tifen était bel et bien blessée et elle avait tenté de compenser une allure réduite par des fausses pistes. Sa blessure ne devait donc pas être grave, mais suffisamment gênante pour la ralentir. Il fallait reconnaître aussi que Tifen Layan n'avait jamais été endurcie selon la méthode frontalière... Valen s'était sans doute montré négligent sur ce point-là, mais il ne pouvait pas supporter de lui infliger des blessures lors de ses entraînements pour qu'elle apprenne à surmonter la douleur physique et à la refuser. Peut-être devrait-il envoyer son apprentie à la Citadelle afin qu'elle y passe une année à subir l'entraînement dur et intensif des Frontaliers.

Toujours est-il, après une traque qui avait duré toute la journée pratiquement, il l'avait rattrapée. Tifen était là, devant lui, et était visiblement aux aguets. Elle avait dû l'entendre dégainer, mais semblait incapable de le voir au travers de la dense végétation d'Hulm. Silencieusement, Valen s'approcha d'elle et frappa... Tifen était bel et bien consciente de sa présence, elle était parvenue à parer l'attaque in extremis. Mais, déjà, le demi-Faël amorçait sa contre-attaque...

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Un silence quasi-total entourait la Lupus, qui s’efforçait de calmer sa respiration, pour entendre le moindre bruit. Si son hypothèse était bonne, Valen était tout prêt. Sabre au poing, maudissant la végétation trop abondante et le soir qui tombait, Tifen parcourut encore une fois du regard les alentours. Un bruit infime attira son attention. Si elle ne s’était pas appliquée à progresser silencieusement, elle n’aurait pas pu l’entendre. Mais là, la jeune fille l’identifiait sans peine. Elle l’avait tellement entendu, pendant des années. Le son parfaitement reconnaissable d’un sabre sortant de son fourreau...

Valen était là, et ne tarderait pas à attaquer. Malgré son envie de ne pas se laisser surprendre, la Lupus ne put que parer in extrémis lorsqu’elle sentit le coup venir. Le demi-Faël était rapide, et même si elle ne l’ignorait pas, Tifen pouvait le constater une fois de plus. Sa blessure lui tira une grimace, mais la jeune fille se concentra sur le combat, écartant tout le reste de ses pensées. Tout sauf la douleur, qui revenait sans cesse, comme pour la narguer. Serrant les dents pour l’oublier, la Lupus para un second coup, tandis que les conseils de Valen et d’Ena lui revenaient en mémoire. Ne retenant que ceux qui avaient une utilité dans l’instant, elle se contentait de parer les attaques du Chantelame... Chaque chose en son temps.

L’objectif était à présent de créer des opportunités pour contre attaquer. Tout en évitant de penser à son épaule qui la gênait. Tout un programme en perspective. Enfin, au milieu des attaques de Valen, Tifen trouva le moyen d’esquiver et d’attaquer une première fois. Attaque qui fut bien évidement bloquée par son maître en un rien de temps. Mais la jeune fille voyait là un bon signe. Elle avait réussi à rentrer dans le rythme du combat, et n’avait plus un temps de retard comme au début où elle était obligée de parer faute de pouvoir faire mieux. Emportée dans la bataille, la Lupus en arrivait même à oublier sa blessure, bien que cette dernière ne manque pas une occasion de se rappeler aux bons souvenirs de l’apprentie. Ce combat s’annonçait long et difficile...

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S'en était-il seulement rendu compte? Tifen avait acquis une maîtrise technique suffisante pour résister à Valen. Peut-être même pourrait-elle lui réserver quelques surprises...

Dans un premier temps, la jeune fille demeurait sur la défensive, visiblement incapable de prendre l'avantage et l'initiative, et ce probablement parce qu'elle avait été surprise par l'assaut du Maître d'armes. Rapidement, Valen dut alterner phase offensive et défensive quand Tifen parvint enfin à prendre l'avantage. Le demi-Faël n'avait cependant pas été mis en difficulté, mais la moindre erreur de sa part pouvait le mettre dans une situation bien moins... confortable. Accentuant encore la vitesse de ses frappes, Valen commençait à atteindre ses limites physiques, mais il constatait que Tifen elle-même peinait de plus en plus à rester dans le temps et à contrer ses attaques.

Dans une manoeuvre audacieuse, le Chantelame parvint à désarmer sa jeune élève, manquant toutefois de peu d'être blessé. Le génie d'un épéiste résidait autant dans sa science des armes que dans les risques qu'il osait prendre. Contrairement à son maître, Tifen était extrêmement prudente et prenait habituellement peu de risques. Désarmée, elle avait le choix entre poursuivre le combat à mains nues ou tenter une manoeuvre audacieuse pour récupérer son sabre...

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