Sous l'oeil critique des félins... (RP terminé)

La main de Tifen lui semblait brûlante en regard du mur en pierre froide. En comparaison avec celle de l'Inconnu... Plus douces, aussi.
Mais Ambre se sentait moins stable avec cette petite main rugueuse qui l'attirait dans les bras de sa soeurette qu'avec la poigne sèche de l'homme.
Fallait arrêter de penser à ça, se concentrer un peu sur le chemin, pour rejoindre la fontaine, y retrouver une vue décente et surtout, surtout, réfléchir à tête froide à cette soirée... catastrophique, pour prévenir toute conséquences désastreuses, ou du moins, les limiter.
Ambre était bien trop faible pour tout empêcher...

Elle se sentit tanguer au fur et à mesure des pas, sentait glisser sur sa soeurette des regards ironiques. Malsains. Choqués parce qu'elle la tenait trop près, ou par sa tenue? Elle redressa la tête, vit un loup lui faire la grimace, se demanda qui se dissimulait dessous... Se sentit emportée plus loin d'un geste machinal, sûr.
Sa soeurette ne craignait ni les masques, ni les regards, ni.. l'itinérante et ses influences, c'était peut-être sa seule faute.

Enfin, la fontaine s'offrit au regard brouillé des demoiselles, la large vasque, les courbes parfaites des sculptures qui la composaient, tout ça créait un drôle de chaos sur les prunelles d'Ambre, et les lignes bien droites des dallages du sol semblaient bouger seules. Elle sentit sa soeurette trébucher, su que c'était à cause d'un déséquilibre particulièrement fort, se mordit les lèvres, comme au temps où elle recevait les premières claques des défaites.
Elle avait su retenir ses larmes, à ce moment là... Pas de raisons que ça change...

Enfin, le marbre rassurant de la fontaine accueillit ses mains... et l'eau glacée la tête de l'itinérante, qui sentit un frisson remonter le long de son échine.
Le froid compressa les tempes, et l'itinérante ouvrit les yeux, vit les reflets délicats de la lune dans l'eau claire... sentit sa migraine s'estomper, ses pensées s'éclaircir quand ses poumons commencèrent à réclamer l'oxygène...
Les sons du bal lui parvenaient encore, distordus, atténués. Les souvenirs s'éclaircissaient... et l'idée de ne pas se redresser figea l'itinérante...
La fuite était la plus grande lâcheté... la solution la plus simple...
Elle secoua la tête, sentit sa soeurette poser une main hésitante sur son épaule, et prenant ce détail pour un signe, Ambre cambra le coup d'un coup sec, retrouva la chaleur de l'air, les conversations réelles... secoua la tête et replaça hâtivement ses cheveux pour dégager son visage. Se retourna pour s'asseoir sur le bord de la fontaine, la tête entre les mains.

La jeune fille croisa le regard de Khan, et ses grands yeux fauves la tétanisèrent définitivement. Que pensait-il d'elle, maintenant?
Pourquoi ne cherchait-il à éloigner sa compagne de voyage d'une personne aussi.. indigne.
*Quel étrange protecteur tu fais, Khan... *

Elle détourna les yeux, se fixa sur le décor. Quelqu'un ici devait être comme elle. Quelqu'un ici était là pour elle. Ca ne ressemblait pas à son ermite de négliger les détails... Qui?
Cette femme, là-bas, embrassée par un homme masqué? L'homme roux, qui paraissait ivre? La servante qui se pressait, et faisait allé-retour, sur allé-retour?

-Je ne suis pas sure que ça ait totalement fonctionné... que veux-tu savoir?

L'homme roux s'effondra, semblant ivre mort. La demoiselle tourna autour de la colonne, pour cacher son visage, ses gestes, ou son amant d'un soir. Et la servante courrait encore. Par la Dame, qui était celui qui simulait?
Elle tourna un instant son visage vers sa soeur d'arme, se dit qu'elle devait avoir un drôle d'air, à cause de la couleur qui devait s'étendre sous ses yeux.
Mieux valait qu'elle pose les questions. Tout résumer, tout mentir, ce serait... trop complexe.
Elle avait tellement mal à la tête..
Et tellement de détails sur lesquels il fallait se fixer. Ne pas donner de noms...

Soutenant de son mieux Ambre, Tifen se dirigea vers la fontaine, au milieu de la cour intérieure de l’Académie. Se moquant éperdument des regards moqueurs qui les dévisageaient, la Lupus avançait d’un pas sûr. Les gens pensaient ce qu’ils voulaient, elle n’allait pas perdre son temps à essayer de leur expliquer quoique ce soit. Qu’ils pensent, disent ou médisent, quelle importance cela pouvait-il avoir ? Jamais le chemin de la grande salle à la fontaine n’avait paru aussi long, mais la fontaine apparût finalement devant les deux jeunes filles, au grand soulagement de la Lupus.

Sa soeurette plongea immédiatement la tête dans l’eau froide, et Tifen s’installa sur le rebord de la belle fontaine. On entendait encore les bruits de musique et des discussions, quelques quidams passaient ici et là, mais on était bien loin de la cohue indescriptible de la salle de bal. Ecoutant attentivement, la jeune fille perçut également le bruit d’un oiseau nocturne, de l’autre coté de l’enceinte de l’Académie. Le vent soufflait doucement, une petite brise douce qui rendait le fond de l’air un peu plus frais quelques instants, le temps d’oublier la chaleur étouffante de l’été. Une mèche rebelle se détacha de sa natte et vint se rabattre sur son visage, mèche que la Lupus rangea d’un geste machinal derrière son oreille. Ambre avait toujours la tête sous l’eau et, commençant à s’inquiéter, Tifen posa une main sur son épaule. La Corbac revint à la surface quelques instants plus tard et la Lupus sourit doucement à sa sœur d’armes et de cœur. La méthode « eau froide » avait l’air d’avoir fonctionné, Ambre semblait avoir recouvré ses esprits.

Pourtant, sa sœur Corbac contredit cette impression quelques minutes plus tard, et lui demanda ce qu’elle voulait savoir. L’apprentie Chantelame réfléchit, laissant son regard courir autour de la fontaine. Les hauts murs de l’Académie entouraient la cour, donnant une impression d’enfermement, seule l’entrée principale par laquelle rentraient et sortaient quelques personnes se rendant au bal semblait être une porte ouverte vers la liberté, loin de cette salle de bal sur remplie, loin des codes et des manigances. Quelques étoiles brillaient dans le ciel, comme toujours, la nuit était belle. Revenant sur sa soeurette, Tifen demanda finalement

- L’homme avec qui tu étais quand je suis arrivée… Il a parlé d’un jeune homme que tu importunais… Tu as eu des ennuis avec quelqu’un ?

Ambre retint un sourire indulgent, parce que sa soeurette se souciait, comme toujours, non pas des intrigues mais du confort des êtres qu'elle aimait...
Son maître parlerait certainement de stupidité, dans ces cas-là. Ambre voyait plutôt une grandeur d'esprit qui prouvait tout l'amour que sa soeurette avait à offrir. La seule stupidité dont elle faisait preuve, c'était de s'obstiner à l'aimer, elle.

-Je...

C'était le mensonge le plus simple possible. Il suffisait de ne pas affronter les prunelles sombres de sa soeurette, de préserver les éclats de lumières et les certitudes qui y resplendissaient.

-Vois-tu, soeurette, j'ai pris un des hommes qui était au bal pour un cousin à moi. Ledit cousin était marié, et la femme que cet homme avait au bras ne ressembléa euh... ts. ressemblait pas du tout à sa femme. Alors j'étais allée le trouver pour dire que je trouvais que son comportement n'était pas digne de lui, et que celui de la demoiselle était tout aussi... enfin tu vois, murmura-t-elle en roulant des yeux.

Il lui sembla que l'homme roux s'agitait. Peut-être parce qu'il n'entendait pas, ou que la fraîcheur du soir s'accentuait... Il ne tarderait pas à se redresser, le bougre.

-Et puis l'autre m'a tiré. J'ai dû mal interpréter ce qu'il disait. Fin c'est un peu confus, tout ça, tu vois, mais j'espère que le premier gars n'aura pas trop de problèmes à cause de moi... Enfin, la dame qui le regardait ressemblait à la soeur de l'autre là... fin votre primat. Il a un nom trop compliqué, soupira-t-elle, en crispant ses mains sur ses tempes.

Le monde tournait encore un peu trop pour qu'Ambre doive feindre la migraine...
Elle se demanda si Khan parlait avec Tifen, en ce moment. Et si Lumi était dans les parages. Elle n'avait pas envie que quiconque sache qu'elle était liée au chat dont les yeux d'agathe se moquaient de tout.
Qu'on pouvait l'atteindre avec cette sale bête. Qu'il pouvait aussi parler à Khan, certainement. Du pirate, entre autre, et ça, ce serait vraiment problématique.

-Non, la seule personne avec qui j'ai des problèmes, c'est et ça a toujours été moi. Est-ce que c'est tout ce que tu veux savoir?

Tifen sourit à sa sœur de cœur, pour l’encourager à commencer son récit. Ainsi, elle avait pris un homme qui était au bal pour l’un de ses cousins... Il est vrai que les gens se ressemblent tellement, surtout lorsqu’ils sont nombreux... Ou alors, Ambre avait vraiment trop bu. La Corbac continua son récit, et la Lupus retint un éclat de rire lorsqu’elle accrocha le nom de Valen. Il faut dire que le maître Chantelame n’avait pas un nom parmi les plus simples. Avec un sourire doux, Tifen rassura sa sœur

-Ne t’inquiète pas, cet homme doit bien être capable d’expliquer à la sœur de Valen qu’il y a un quiproquo... Ne t’en fais pas pour lui, d’accord ?

A la suite des paroles d’Ambre, l’apprentie Chantelame posa une main sur l’épaule de sa sœur et ne réfléchit qu’un court instant avant d’ajouter

-Oui, c’est tout...

Les prunelles sombres de la Lupus rencontrèrent les yeux violets de sa sœurette... Il y avait tous les non-dits, tous les mots inutiles qui passaient par ce regard et cette main, sur l’épaule de la Corbac.

*N’oublie pas, sœurette, je serais toujours là pour toi, toujours...*

Détournant finalement le regard, Tifen laissa ses doigts glisser à la surface de l’eau, tandis que le silence s’installait un court instant. Trop de soucis tournaient dans la tête de sa sœur de cœur, l’alourdissant de leur charge, et la Lupus s’en rendait maintenant compte. Une lueur malicieuse s’alluma alors dans son regard, pendant qu’une idée prenait forme dans son esprit. Quoi de mieux qu’une petite bataille d’eau pour se changer les idées ? Oublier les ennuis, les complots, les disputes... Redevenir un enfant pendant quelques heures, et s’amuser en toute liberté... Les mains de la jeune fille formèrent une coupelle, qui se remplit rapidement d’eau. Eau qui atterrit quelques instants plus tard sur sa sœurette, accompagnée d’un grand sourire, pour défier Ambre de lui rendre la pareille.

[Edition à volonté... ]

C'était tout. Parfait...
Comme toujours sa soeurette faisait preuve d'une finesse exemplaire. Et d'une telle douceur... A sa place, se connaissant un peu, Ambre aurait exigé des réponses, reproché, sans nul doute, certains silences, crié, peut-être.
Elle effaça cette pensée d'un battement de cils. C'était n'importe quoi. A sa place, Tifen serait probablement parvenue à rester droite malgré les désillusions. Il suffisait de la regarder, sa petite soeur d'arme, la voir tremper ses doigts dans l'eau, l'air rêveur, ou se plonger dans ses souvenirs et revivre un à un tous ces sourires encourageants.
Sa petite soeur était lumineuse. Un phare, peut-être, pour guider certains. Les autres. Plus tard.

Elles n'auraient pu inverser les places. Jamais.
La gerbe d'eau glacée la sorti de ses pensées, la sonna un peu.
Et le sourire si frais de Tifen. Jouer. Comme une petite fille, comme Lumi, certain soir-même si lui, c'était avec des cadavres.
Pensée ironique à méditer plus tard.
Et quoi, alors? Pas de règlements de comptes, pas la moindre suspiscion pas? Laisser tomber la surveillance de ceux qui les espionnaient potentiellemen?! Mais ce serait tellement... tentant de céder à quelque chose de dérisoire.

D'un bon mal contrôlé, Ambre prit Tifen par surprise, et elles se retrouvèrent toutes deux dans la fontaine, l'une à moitié écrabouillée, l'autre passablement surprise de ses effets. Se redressant à moitié, la Corbac laissa la Lupus respirer, et celle-ci, vivace comme [strike]la limace/strike] l'éclair, lui renvoya la pareille, en lui renfonçant la tête sous l'eau.

Les bulles qui remontaient à la surface étaient les seules témoin du cri de guerre de l'itinérante, bien décidée à s'éviter d'autres noyades et à planifier celles de son "adversaire" du soir.
Même si le monde tournait un peu, finalement, ce n'était pas si grave. Même joli, quand on se laissait un peu aller.
Décidée à jouer son premier atout, elle entreprit de chatouiller les côtes de Tifen, tout en tâchant -hum, l'entreprise était périlleuse- de l'empêcher de faire de même...

La bataille était lancée et promettait d'être mémorable... jusqu'au lendemain du moins, pour Ambre, qui nous promettait une belle gueule de bois.

[ ==' de même]

Les gerbes d'eau volaient en tout sens, de même les cheveux des jeunes filles... La bataille prenait des allures de pugilats, chaque cris se voyait dépassé en intensité par celui de l'adversaire, et entrecoupé d'éclats de rire de plus en plus violents...
Ambre perdait pied. Rires, larmes, ça n'avait pas réellement d'importance. ...Puisque Tifen riait. Le jeu devenait exutoire, les chatouilles frôlaient les griffures, mais ce n'était pas important. Une petite marque sur l'autre, seulement. Signe de propriété dérisoire: ce soir, tu n'étais là que pour moi, et rien, ni le chaos, ni les gens, ni une attaque n'aurait pu l'empêcher.
Signe de crainte récurrente: si tu m'oublies, au moins, tu auras mes coups en souvenirs. Ou mes bulles.

Et pourtant, les deux adolescentes s'amusaient plus qu'elles se faisaient mal. Tout pouvait passer pour accidents... sauf les éclats de rires. Même si après une dizaine de quinte de toux, ils semblaient plus sardoniques que sincères. Où était l'instant où ça avait basculé? Entre elles, d'abord? Le moment précis où Tifen s'était autorisée à jouer? L'instant le plus exact où elle avait pris le dessus et l'avait poussé dans l'eau, avec son superbe sourire d'enfant?

Une bulle s'échappa des lèvres de l'adolescente corbac, sans doute un autre rire, qui remontait éclater à la surface... Quand était-elle passée de petite fille à adolescente? D'itinérante à marchombre? De marchombre à.. autre chose? Pourquoi? Qu'est-ce qui était la cause? D'où venaient les voix? Du fond de la gorge, comme les rires? Du fond des entrailles, comme les sanglots? C'est glacé, l'eau, quand ça fige un rire.
Même l'air, quand on en récupère un peu parait attaquer. Ca brûle, bam, plus surement qu'une lame de raï. Ca mord plus sournoisement.

Qui la première a arrêté de rire? C'est l'aube, là-bas, à l'est? Ou une danseuse à la robe empourprée, pressée contre une vitre pour récupérer? Ca tourne encore un peu plus vite, surement parce qu'on se retrouve à moitié asphyxies. Et pourtant, le rire est toujours là. Il secoue ce qui reste du corps épuisé, bleui, froid.

-Tu sais quoi? , souffla la demoiselle en robe détrempée, si je devais choisir un instant et une façon de pousser... mon dernier souffle; ce serait là. J'éclaterais de rire sous l'eau, à moitié dans tes bras... et j'fermerais les yeux. Bêtement.

Elle ne s'étonnait même pas de sentir sa soeur de coeur blottie dans ses bras, ou d'être à demi soulevée par elle, ni d'entendre Khan grogner un peu plus loin. En réalité, la fatigue et l'alcool faisaient leur effet, et ce n'était peut-être pas plus mal. Qu'elle arrête de dire des âneries... Qu'elle continue à rire, cette nuit.