[Répartition] Geïsgan Vrogvik (Félixia)

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Après deux ans à vagabonder sur tout Gwendalavir, la perspective d’une nouvelle vie sédentaire faisait étrange à Geïsgan. En particulier dans une ville aussi imposante qu’Al-Poll, lui qui, durant sa longue errance, n’avait vécu que dans les lieux les plus sauvages et isolés du territoire. Mais quand l’adolescent se retrouva devant l’Académie de Merwyn pour une troisième fois, avec la certitude d’avoir réussi au moins l’un des trois défis des Maîtres, il su qu’il n’avait pas eu tord de sacrifier un peu de sa liberté pour réaliser son rêve : entrer dans la Légion noire! Et puis, un peu de repos lui ferait le plus grand bien, après tout. Suffit de bien jouer le jeu pour que personne ne découvre sa véritable identité, et tout irait pour le mieux. Geïsgan était confiant en la suite des évènements, bien qu’au début de la matinée, une sourde anxiété lui avait serrée la gorge. Après tout, il s’embarquait dans quelque chose de gros, et les risques étaient aussi nombreux que les avantages. Mais toute crainte s’était maintenant évaporée.

Son défi de combattant s’était plutôt bien déroulé, en partie grâce à l’entraînement de Liluos, son ancien compagnon de voyage. Évidement, ce n’avait pas été un sans faute, en particulier pour le maniement de la lance, mais n’était-il pas justement ici pour apprendre? Bien que n’ayant pas l’âge, on lui avait aussi fait passé celui du dessin. Le résultat : une forte Volonté, une Créativité moyenne et un Pouvoir restreint. Bon, il n’allait pas être un grand Dessinateur avec ça, mais cela l’importait plus ou moins. Quand au défi marchombre, il n’en avait sûrement réussi que le quart, si ce n’était pas moins. Au moins, il avait poliment confié au Maître marchombre que ce n’était pas une branche qu’il souhaitait suivre, et son honnêteté avait vraisemblablement plu à ce dernier.

Geïsgan en était tout à ses pensés alors qu’il approchait de la porte principale, son fidèle poney à ses côtés, le suivant calmement au pas. Le soleil d’automne était resplendissant et la robe grise de l’animal semblait plus blanche et brillante encore alors que les multiples sacs dont il était chargé oscillaient doucement à chacune de ses foulés. La fin du long voyage se dressait devant eux, aussi majestueux que le reste de la cité. C’est en souriant que l’adolescent passa les portes principales. Il avait désormais, du moins, l’espérait-il, un nouveau chez-lui. Et l’avenir lui semblait soudain bien rayonnante. La vaste cour intérieure s’ouvrit à lui, et le jeune homme se surprit à la retrouver vide de toute vie. Mais après tout, le soleil annonçait sixte, ils devaient tous déjeuner à l’heure qu’il était.

Profitant de ce court moment de répit avant d’affronter le Magister, et avisant une fontaine au centre de la place, le jeune voyageur y emmena sa monture s’y désaltérer. Après tout, ils avaient fait longue route depuis l’aube et la fraîche brise qui avait soufflé restait tout de même légère comparée aux rayons tapants. L’animal en profita pleinement, enfonçant son museau dans l’eau claire alors que son maître se débarbouillait rapidement le visage. Le froid revigorant lui fit le plus grand bien, renforçant sa confiance en la situation et le rendant plus déterminé encore à atteindre son but. Puis, farfouillant dans l’une des besaces que portait sa monture, il en sortit un pain d’herbes qu’il croqua distraitement, attendant que quelqu’un arrive dans la cour, qu’il puisse se renseigner sur le lieu du bureau du Magister. Et avant cela, il souhaitait surtout avoir la permission du palefrenier pour installer son poney dans les écuries. Le bruit d’une porte qu’on ouvrait le sortit brusquement de ses pensés, et il engloutit rapidement le reste de son maigre repas en voyant que quelqu’un venait dans sa direction.

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Le vent oscillait déjà les arbres à feuilles caduques en ce milieu d'automne, pourtant l'astre du jour brûlait à son zénith avec une ardeur printanière. Un bon présage: l'hiver précédent avait dévoré Gwendalavir de gel et de tempêtes, perdu les récoltes et tué les plus faibles. Mais les variations météorologiques sont imprévisibles, Jehan ne l'ignorait pas. Et même si cela avait été le cas son humeur ne s'en serait pas ressentie.
L'homme sortait des cuisines à vive allure, ses onéreuses bottes noires claquant sur le dallage du couloir. Malgré sa réputation d'éternel bon vivant, il fulminait. Ce cuisinier, quel incapable ! Bientôt l'hiver et la liste des composants dont il aurait besoin pour nourrir toute l'Académie durant la saison rude n'était toujours pas prête. Qu'attendait-il donc ? Et dire que lui, l'intendant, devait se déplacer en personne pour ces bagatelles parce que le petit personnel disparaissait mystérieusement à chaque fois qu'on avait besoin de lui. Ces administrés ! Ces menus tracas n'auraient en temps normal pas incommodé Blacksad. Mais malgré son affabilité, il ne supportait pas le travail mal fait et ce n'était pas la première fois que les sous-fifres rechignaient à la tâche. Comme si l'établissement pouvait se permettre des problèmes supplémentaires .. Jehan ne nourrissait aucune animosité envers les étudiants "disparus", mais au moins auraient-ils pu mourir sans ternir la réputation du célèbre bastion merwynien.
Ce fut donc en marmonnant dans son bouc soigneusement taillé qu'il fit irruption dans la cour.

Un poney à la robe d'un gris clair étanchait sa soif dans la fontaine. Le chargement soutenu par son dos et ses paturons maculés de poussière témoignaient d'un long et éreintant voyage. Un adolescent frôlant la quinzaine engloutissait une espèce de pain d'herbe, posté non loin de l'animal. L'intendant connaissait au moins de vue chaque résident et supposa que le garçon venait de passer ses Trois Défis. Un peu calmé, l'homme marcha droit sur lui:

- Un nouvel élève, je présume ? Puis sans attendre de réponse, bienvenue en notre belle Académie.

Il arrêta d'un ample geste particulièrement efféminé un palefrenier chargé d'un seau débordant et ordonna:

- Blaj ! Montre à ce jeune homme une stalle libre ou il puisse parquer sa bête. Gloussant tout seul de ce qu'il considérait comme une pointe d'humour, sa jovialité retrouvée, Jehan ajouta à l'intention du voyageur, je suis l'Intendant de ce célèbre établissement. Rejoins-moi dans mon bureau dès que tu auras installé ton compagnon.

L'homme ne prit pas la peine d'indiquer la localisation de la pièce en question. Un aspirant défenseur de l'Empire devait pouvoir trouver son chemin jusqu'à une porte relativement mise en valeur.

Jehan classait distraitement des papiers quand on frappa enfin, une quinzaine de minutes plus tard. La porte s'ouvrit sur l'aspirant académicien que l'intendant examina plus en détail. Ses yeux étonnants et son visage délicat piquèrent l'attention de Blacksad qui songea que l'adolescent devait avoir la peau douce ..avant de revenir à ses fonctions.

- Comme il me semble t'avoir déjà souhaité la bienvenue, passons aux formalités d'usage. Ton nom ? Tes résultats aux Trois Défis ? Tes motivations ?

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Il y avait quelque chose qui rendait mal à l’aise Geïsgan alors qu’il voyait l’homme s’approcher. Pas dans sa manière de se mouvoir qui était tout sauf virile, ni dans son humeur sombre avant qu’il ne le remarque… En fait, l’adolescent ne savait pas exactement. Sûrement juste une angoisse stupide. L’étranger se révéla pourtant fort accueillant, bien que son gloussement était particulièrement étrange. Alors était-ce lui, le fameux Merwyn qui avait sauvé l’humanité des Ts’liches, le Magister de l’Académie? Si c’était le cas, le jeune homme en fut profondément déçu. Disons qu’il avait longtemps imaginé son héros très… différemment. Aussi, quand il su que celui devant lui n’était que l’Intendant, il en fut extrêmement soulagé.

En effet, le blond ne s’était pas encore présenté à la direction, étant particulièrement loin d’Al-Poll quand Liluos, fort généreux, envoya une lettre de recommandation à l’Académie. Aussi les Maîtres étaient-ils déjà près à donner leurs défis au jeune homme dès son arrivé, lui évitant ainsi de passer au bureau du Magister. Puis, n’ayant pas une pièce en poche, Geïsgan avait dormit à la belle étoile dans un bois en périphérie de la ville, ce qui expliquait son état peu soigné et celui de sa monture.

Laissant à peine le temps au voyageur de laisser échapper le moindre mot, l’homme partit, laissant le jeune en compagnie du dénommé… Blaj, c’est ça? Voyant le palefrenier les bras chargé, il lui fit un sourire désolé avant de le suivre jusqu’à l’écurie. Puis, promettant à Brindille de revenir le plus rapidement possible pour s’occuper de lui, il posa ses lèvres sur le front de la bête avant de se précipiter vers ce qu’il devina l’aile principale de l’Académie. Après plusieurs hésitations devant certaines portes, quelques renseignements récoltés ici et là par les quelques personnes qu’il croisa, il arriva enfin devant celle de l’Intendant.
* En tout cas, lui, il a un goût pour le luxe…* remarqua le combattant en grimaçant légèrement.

S’il y avait bien quelque chose qui l’énervait, c’était les gens qui pouvait se rapprocher de près où de loin à l’un de ces prétentieux de nobles qui avaient été, dans un passé qu’il voulait effacer, ses parents. Mais ayant appris à ne jamais se laisser avoir par les apparences et les jugements rapides, il préféra rapidement oublier ce détail et frappa à la porte. Et n’attendant pas la réponse, car étant sûre qu’elle serait positive, il la poussa. À peine avait-il refermé derrière lui que les yeux verts de l’Intendant se fixèrent sur lui, plus profondément que tout à l’heure. Et la lueur que Geïsgan y vit lui serra l’estomac. Ce gars-là devait avoir dix ans de plus que lui, par les cieux! Réprimant un frisson, l’adolescent se mordit discrètement la lèvre inférieure en préféra garder ses distances en restant debout, si jamais l’homme se révélait être un peu trop malsain. Il se disait bien, aussi, que son instinct ne le trompait jamais! Ce gars-là n’était pas net, mais alors vraiment pas net.

Néanmoins, il réussi à garder son sang-froid. Ce n’allait pas être un Intendant, pédophile ou non, qui allait l’empêcher de faire partit de la Légion Noire!
- Comme l’est écrit dans la lettre que mon mentor, Liluos Kilish, je m’appelle Geïsgan Vrogvik. Quant à mes résultats aux Trois Défis, je croyais que vous les aviez reçus... J’ai réussi celui des combattants, échoué celui des marchombres, et pour ce qui est des dessinateurs…
*Allez, je ne vais quand même pas avoir peur de lui, non?*
Reprenant contenant, le blond s’approcha du bureau d’un pas assuré et tendit à l’homme la feuille, soigneusement pliée en quatre, des résultats qu’avait donnés le scintilleur. Un grand cercle rouge prenait une grande partie des bords de la feuille alors qu’un cercle jaune, peu impressionnant, se tenait en son centre. Le cercle bleu, lui, était deux fois plus petit que le rouge et totalement décentré.
- Évidement, je suis encore jeune pour savoir si j’ai de véritables dons en dessin, mais à voir mes résultats pour l’instant, ça ne semble pas être le cas…
Laissant la feuille à l’Intendant, et ignorant les doigts de l’homme frôlant les siens un peu trop à son goût, surtout après le regard douteux qu’il lui avait jeté quelques instants auparavant, il poursuivit.
- Si je veux entrer dans l’Académie, c’est pour avoir toutes les chances d’entrer dans la Légion Noire. De plus, il parait qu’ici, ceux de familles modestes ont autant de chances que les descendants de nobles, alors je me suis dit que j’avais plus de chance pour me faire accepté ici.

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Le léger mouvement de recul qu'avait eu l'adolescent en se glissant dans le bureau n'échappa pas à Jehan qui en conçut une certaine surprise, pourtant habitué à susciter la méfiance de par son manque de virilité. Il ne fit néammoins aucune remarque et se contenta de saisir machinalement la feuille qu'on lui tendait, se retenant de dévisager celui qui la tenait. Quoi, il n'y avait pas de mal à quelques regards appréciateurs, non ? L'homme parcourut vaguement la feuille des yeux avant de la rendre à son propriétaire avec un sourire un rien condescendant (mais quiconque croisait de temps en temps l'Intendant savait que c'étaient là ses manières) :

- Effectuer un tel test était effectivement inutile: même les dessinateurs les plus puissants ont rarement la possibilité d'utiliser leur don avant dix-huit ans environ. Et je doute que l'art étrange du dessin se révèle utile dans la caste des guerriers.

Blacksad commençait mieux à cerner le caractère du nouveau venu et possédait déjà une petite idée de sa future maison, laquelle l'accueillerait tout le temps que dureraient ses études. L'homme se leva, souleva quelques dossiers qu'il avait mis en ordre depuis la dernière répartition et trouva finalement le feuillet confirmant la réussite aux Trois Défis -ou du moins à celui l'intéressant- du futur académicien Vrogvik. Y était jointe une lettre un peu froissée ou la signature du dénommé Liluos Kilish apparaissait noir sur blanc, incontestable. L'intendant tint à ajouter de son éternelle expression joviale:

- J'ai évidemment reçu tes résultats mais vois-tu, il y a tant à faire que m'en rappeler aurait été très surprenant, par la Dame.

Il hocha la tête en détaillant la fine écriture d'un regard songeur. Recommandé par un soldat de la légion noire, rien que ça. L'homme espérait que cet avantage n'avait pas influencé les juges des Défis dans leur choix. Oh, il leur faisait confiance mais tout de même.. avec ces nobliauds, on était jamais trop prudent.

- J'imagine que tu sais que l'Académie est totalement indépendante de l'Empire ? Par conséquent, la fin de tes études ne te verras pas automatiquement admis dans la Légion Noire, bien qu'un cursus scolaire dans notre établissement compte sans doute en ta faveur. De même qu'une lettre de ce genre, ajouta-t'il avec un rictus complice. Et j'espère que tu as également conscience de la rigueur et de l'obéissance totale qu'exige le métier de soldat.

Deux aspirants en une semaine dont le souhait était d'être admis dans la légendaire légion. A croire que l'Empereur souhaitait étendre sa domination jusqu'au coeur du bastion merwynien. Jehan avait été peu emballé lors de la nomination de ce fléau de Slynn Ar'Kriss, sentinelle représentant l'autorité alavirienne dans l'école. Mais il se devait de reconnaître qu'un embrigadement des adolescents de tout horizons paraissait inconcevable et même ridicule. Eloignant ces pensées un peu puériles et considérant le travail qu'il lui restait encore -et lorsqu'il redescendrait, cet imbécile de cuisinier avait intérêt à ce que la liste soit impeccable-, l'intendant se rassit en caressant lascivement sa barbiche trop bien taillée et reporta son attention sur le jeune homme:

- Tu feras apparemment un très bon guerrier. Bien, as-tu des questions générales ou plus ciblées sur l'Académie, l'enseignement et tout sujet qui t'intrigue encore ? Veux-tu éventuellement ajouter quelque chose sur tout ce qui a été dit ? Si notre établissement ne recèle déjà plus de secrets pour toi, je te propose d'aller d'ores et déjà rejoindre les rangs de la maison Félixia.

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Geïsgan sourit. Le malaise qu’il avait ressentit plus tôt devant l’homme s’était évaporé devant son ton jovial et l’adolescent décida de le classer dans sa liste des gens sympathiques, même si le personnage était un peu étrange sur les bords.
- En fait… j’ai effectivement bien des questions. Disons que c’est la première fois que je vais être autant… encadré, je dirais.
Évidement, c’était totalement faux. Ce que ses enseignants avaient été lourds au temps où il vivait encore chez ses parents…
- Disons que mon enfance d’itinérant, puis de voyageur, ne m’a jamais habitué à avoir un pied à terre, ni disposer d’enseignements intensifs. Cela explique pourquoi je n’ai pas été dans une académie de l’Empire. Elles sont trop coûteuses pour mon modeste budget… Bon, disons-le franchement, je n’ai pas une seule pièce sur moi, et inutile d’espérer atteindre une place avantageuse quand l’on n’a pas de noble titre, même avec une lettre d’un soldat de la légion.

De tout son cœur, le jeune voyageur remercia la chance de lui avoir fait croiser Liluos. En effet, sa lettre avait plusieurs avantages. Geïsgan espérait cependant que ce n’était pas cela qui lui avait permis d’entrer dans l’Académie, mais plutôt ses résultats grâce à l’entraînement que son ami lui avait donné. L’idée que l’on reconnaisse sa valeur uniquement grâce à ses contacts l’aurait tout simplement révolté.
« Quand à la rigueur qu’exige le métier de soldat, soyez assuré que je n’en ai pas peur! » rajouta-t-il avec un grand sourire, ses yeux jaunes s’allumant d’une flamme de pure détermination.
* Mais pour ce qui est de l’obéissance, ça, je ne promet de rien…* finit-il mentalement, connaissant son tempérament indocile.

- Pour en revenir aux questions, j’en ai beaucoup, j’ai bien peur. Quel enseignant vais-je avoir? Comment se déroulent les cours? Quand commencent-ils et finissent-ils? Où se déroulent-ils? Il y a un horaire fixe, ou c’est selon l’enseignant? Et surtout, où vais-je dormir? Vous aviez aussi parlé de maisons, mais là, je n’ai aucune question. Je crois comprendre le concept, et Liluos m’a parlé en gros des caractéristiques de chacune.
D’après ses souvenirs, Félixia était la maison représentant le feu et portait l’emblème du chat, ou du renard, il n’en était plus trop sûr, mais il lui semblait que c’était surtout ce premier. La maison du courage. Ceux qui y allaient possédaient un fort caractère et une grande fidélité, ainsi qu’un besoin de liberté qui rejoignait beaucoup l’adolescent. Aussi Geïsgan était-il satisfait de la place qu’on lui avait assignée.

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Plus observateur qu'on eut pu le croire au premier abord, l'Intendant nota la conviction de l'adolescent lorsqu'il évoqua la rigueur de l'entraînement et hocha lentement la tête quand l'obéissance passa à la trappe. L'indiscipline n'était pas de mise dans une légion aussi "carrée" que celle de l'Empereur. Au moins, ces conclusions confortaient l'homme dans son choix: Geïsgan se plairait à Félixia.

- Holà, holà, doucement, tempéra Jehan en levant la main qui ne tenait pas la lettre, le visage éclairé d'un sourire chaleureux, un nouvel élève qui pose des questions ? Cela devenait rare. Bien, bien, jeune homme, la curiosité est rarement un vilain défaut.

Satisfait de sa variante du célèbre proverbe, Blacksad considéra son jeune interlocuteur d'un regard plus animé. Enfin une nouvelle recrue avouant sans complexes sa relative ignorance ! Sa franchise en était même étonnante, par exemple lorsqu'il parlait de sa situations: la plupart des roturiers -les itinérants en particulier- concevaient une grande fierté de leur statut de nomades et, ombrageux, préféraient ne pas mettre en avant leur manque de ressources afin de ne pas s'attirer la condescendance écoeurante des nobles et autres dirigeants.

- Alors.. les noms de tes enseignants que tu auras ne t'apporteront pas grand-chose, en revanche je puis t'assurer qu'ils sont parfaitement qualifiés et à même de faire de toi un futur légionnaire. Tu suivras principalement l'enseignement des guerriers, bien sûr, ce sont donc des personnes dont c'est là le métier. Les cours se déroulent au clos d'entraînement, dans le parc ou ailleurs, et selon les disponibilités des professeurs. Mais je crois que tu ferais mieux de les questionner directement. Quant à tes heures de repos, tu les passeras dans le dortoir ou la salle commune de ta maison -Félixia, donc- qui se situe au deuxième étage de l'aile Ouest.

Jehan sortit de nouveau une plume dont il trempa le bout dans l'encrier avant d'ajouter quelques notes au dossier naissant de l'aspirant guerrier puis d'y apposer son sceau. Il s'éloigna ensuite pour soulever les tentures qu'un quelconque serviteur avait repoussé devant la fenêtre sans raison apparente, sourit une énième fois et interrogea:

- Est-ce tout ?

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« Oui, ce sera tout. Merci. » répondit le combattant en inclinant brièvement la tête, un sourire resplendissant au visage…
… pour ce rappeler soudain que Brindille attendait toujours dans son box, ses lourds paquets encore sur son dos et sa robe couverte de poussière. Il devrait se presser à aller s’en occuper, la pauvre bête! Disant au revoir à l’homme, il s’apprêtait à partir quand, jetant un dernier coup d’œil sur le bureau recouvert d’une montagne de paperasse, il ne pu s’empêcher de rajouter : « De plus, je crois que vous avez beaucoup à faire… » Et il lançant à l’Intendant le même regard malicieux que ce dernier lui avait jeté plus tôt, en évoquant la lettre de Liluos, avant de prendre congé.
Finalement, son malaise du début avait été totalement déplacé, cet homme était fort agréable. Évidement, il ne fallait pas oublier que depuis deux ans, il n’avait pas côtoyé d’aussi près d’autres personnes, excepté son ancien compagnon de voyage. Cela devait expliquer l’anxiété qui l’avait pris en présence d’une personne aussi singulière.

À peine la porte refermée derrière lui et Geïsgan s’élançait vers l’écurie, ne s’arrêtant que pour tenter de se retrouver dans les couloirs et escaliers. Des bruits de conversations se faisaient de plus en plus entendre et le jeune blond croisa mainte fois plusieurs personnes dans les passages. L’heure du repas venait sûrement de toucher à sa fin, et les multiples personnes présentes dans l’établissement devaient sûrement se rendre à leurs cours. Quelques-uns ne lui accordèrent aucune attention, d’autres se retournèrent sur son passage, la mine intrigué, mais l’adolescent ne s’en préoccupa point. Il aurait tout le reste du temps de lier connaissance après s’être installé et avoir installé son poney. C’est à la course qu’il arriva dans l’écurie, reprenant brièvement son souffle avant de se diriger vers le box de sa monture.

Brindille s’y trouvait encore, et dès qu’il vit son maître arrivé, sortit la tête par l’ouverture dessus la porte pour lui souffler en plein visage, ce qui déclencha les rires du combattant. Après deux ans à parcourir Gwendalavir avec lui, Geïsgan avait développé de forts liens avec l’animal et le connaissait comme personne. Et quand l’animal lui soufflait dessus, c’était sa manière pour lui dire bonjour, ou quand il le touchait du bout de ses naseaux, comme il le faisait présentement sur sa joue, s’était pour lui témoigner son affection.
- Je te l’avais bien dit que je n’allais pas t’oublier, fit le jeune homme en lui grattant l’encolure, avant de s’apercevoir qu’on avait enlevé la selle de l’animal.
Visiblement, le palefrenier avait pris l’initiative de s’occuper un peu de l’animal, voyant que son maître tardait. Le jeune homme fut soulagé de retrouver ses sacs non loin, ayant craint un instant de ne plus les retrouver. Heureusement, le certain... Blaj, c’est ça? Donc heureusement, Blaj n’avait pas fait la toilette de l’animal. Geïsgan se réservait en effet ce plaisir car c’était l’une des nombreuses manières qu’il avait pour témoigner son amitié à l’animal. Après tout, ils avaient vécu beaucoup de choses ensemble.

Geïsgan était particulièrement heureux d’être tombé sur Brindille alors qu’il se cherchait une monture. L’animal était calme, imperturbable, patient et particulièrement fidèle, ce qui faisait de lui une monture idéale pour les longs voyages. Costaud, il se satisfaisait de rien et trouvait son bonheur même dans l’herbe la plus rase. Le jeune homme l’avait tout de suite adoré. Par contre, il n’avait jamais vraiment compris d’où venait le fameux nom de Brindille, l’animal était plutôt large et ayant un poil gris, pâle, rien avoir avec un morceau de bois. Après tout, il avait acheté l’animal quand celui-ci avait treize ans, et il n’avait pas eu le temps de poser la question à ses anciens maîtres. Bah, après tout, ce n’était pas une question si existentielle. Rentrant dans le box, Geïsgan s’arma d’une brosse et entreprit de la passer sur toute la robe de l’animal, en particulier sur ses jambes brunes de terres. La bête se laissa calmement cajolé, lui soufflant parfois dans la nuque quand il passait à proximité de ses naseaux, en signe de remerciement. Puis, une fois satisfait, le blond embrassa l’animal sur le front avant de lui dire au revoir et d’emmener ses sacs, direction les dortoirs de Félixia.

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