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| Histoire de renards, de dague et de silence (RP terminé) | |
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Messages : 474 Inscription le : 21/04/2007 Age IRL : 94
| Sujet: Histoire de renards, de dague et de silence (RP terminé) Sam 26 Avr 2008 - 1:44 | | | [J'en ouvre un autre parce que c'est plus mieux]La petite humaine, roulée en boule dans un fossé fangieux ne donne pas signe de vie.On la prendrait pour le cadavre d'une pauvre orpheline morte d'épuisement ou de froid; son corps replié sur lui-même nage dans des loques deux fois trop grandes et usées jusqu'à la corde. L'un de ses membres étiques repose au sol en une position peu naturelle, et l'éclat marmoréen de cette peau trop pâle confère à l'image d'une morte. Pourtant, le petit coeur bat. Je me rapproche prudemment, alors que rien aux mondes ne peut prétendre à autant de faiblesse que l'animal couché à même le sol glacé. Qui suis-je alors ? Je ne sais plus. Et l'écho silencieux du sang bouillant dans les fleuves internes de l'enfant déchire le silence ouaté des flocons, et je ressens un besoin de plus en plus irrépressible de savoir, la certitude que tendre la main résoudra tout, que son visage repoussera les ombres de ma mémoire défaillante. Un sentiment de prescience me décide: je sais, je sais que son regard me rendra mes souvenirs et mon intégrité. J'effleure sa joue pâle.Elle se redresse en une fraction de seconde; j'ai le temps d'apercevoir deux yeux sombres dans une parcelle de peau fuligineuse, une crinière emmêlée d'abondants cheveux auburns..un grognement de bête traquée enfle dans sa gorge et ses dents se referment sur ma main, pénétrant ma chair jusqu'au sang. Elle se détourne et détale sans que j'y prenne plus garde qu'à la douleur causée par la morsure. Ces billes obscures brillant au milieu d'un minois crasseux, ces gouttes de plomb en fusion ne m'évoquent rien. Elles ont juste ouvert en moi une plaie vive au goût insupportable et dont je ne soupçonnais même pas l'existence: il y brûle tant de ferveur, de sauvagerie, une farouche envie de vivre et de se battre toujours. Il me semble quelque part qu'on me vole mon identité: c'est moi qui devrais ressentir tout ça, c'est mes yeux qui devraient jeter sur le monde leur bravade incendie. Et plus ces impressions brouillées miroitent dans les siens, plus mon âme suinte de vide, comme si sa liberté se nourrit de ce qui fut ma volonté. Et puis qu'importe. Je n'existe déjà plus.Maintenant, l'enfant marche sous un un ciel céruléen. Un soleil coruscant fond doucement le gel à ses lèvres bleuâtres. Quel âge peut-elle avoir ? Huit printemps, neuf au maximum. Elle retire inlassablement ses pieds chaussés de bottes trop larges des congères qui freinent sa progression. Son but ? Mystère. Ses pensées ? Opacité. La tête penchée, les poings inconsciemment crispés, elle avance avec une obstination effarante. Petite anonyme appelée personne en route pour un nulle part; et nul ne pourrait la détourner de sa voie. Il suffit de détailler cinq minutes sa grimace volontaire, ses cheveux flamboyants enlacés de flocons et surtout ses yeux..qu'on l'emprisonne: elle escaladera les grillages, elle déchiquetera ses liens et usera ses chaînes, elle creusera la terre quitte à s'arracher les ongles. Qu'on l'enserre dans des bras solides: elle crachera, hurlera, grondera, elle creusera de ses mandibules à travers la peau. Qu'on lui tende la main: elle se détournera, saisira vivement sa chance entre ses doigts maigres et repartira au matin. Toujours dans une direction inconnue, à suivre le vent et l'odeur d'un leg délétère.L'enfant pivote lentement pour offrir au froid sa frimousse trop grave; pour fixer d'un regard ambiguë l'immobilité troublée d'une dormeuse. Son protecteur léger déplace une mèche rousse en travers du visage étrangement calme.Alasa battit des paupières et l'illusion se dissipa. Pourtant, l'engourdissement ne voulait plus la quitter. Dans un demi-sommeil l'adolescente tenta de s'arracher à ce bien-être fallacieux qu'il lui semblait savoir dangereux, râlant encore aux frontières des limbes de son rêve. Réalité, réalité ? Vite, du concret, les sensations rudes du froid qui..du froid. Elle parvint difficilement à extirper ses cils déjà gelés de leur carcan de givre; le givre en question émit un bris cristallin lorsque la jeune fille ouvrit les yeux. Vite, vite, échapper à cette fatigue létale. Elle réussit à appuyer son poignet contre une pierre aux arêtes tranchantes, à appuyer; mais le froid l'anésthésiait..trop en tout cas pour que l'adrénaline fasse son effet et la maintienne éveillée.Et pourtant, elle fut bientôt à genoux, le visage lourd de sommeil, stigmaté de la mort glaciale qui emporte les imprudents. Son poignet entaillé saignait et elle inspira passionnément les effluves de fer s'en dégageant, soulagée d'être en vie, l'odeur forte et si familière saturant la moindre zone de son cerveau fonctionnant de nouveau. L'hiver avait encore fait des siennes durant la nuit. Un paysage imperméablement blanc couvrait les dégâts de l'avalanche de la veille, les traces de combats, les murmures. Quelque part gémissaient deux renardeaux probablement serrés l'un contre l'autre dans une tanière proche. Quelque part une apprentie marchombre se frayait un passage dans les sous-bois inextricables.La brune se redressa, chancela un peu tandis que son corps rappelait à lui les douleurs de la veille et porta la main à sa hanche étique en un geste machinal; mais non, le poignard rouillait sous les dernières neiges..elle s'emmitoufla dans une fourrure miteuse et se mit en route, hantée par l'enfant de son songe. Un sentiment rémanent de vide l'emplissait lorsqu'elle recroisait ces yeux farouches, et elle serpentait alors sous le silence, s'attendant presque à voir filer une chevelure auburn au milieu des flocons.Il lui fallut bien mettre ses peurs de côté lorsque le monticule formé par la cachette des petits s'esquissa soudain entre deux traînées de brume. Une silhouette bipède se tenait à l'entrée et Alasa se raidit machinalement, mais il ne pouvait s'agir que de Nirvelli, certitude validée immédiatemment en un regard violet. L'orange des cascades ( ) s'affichait impassible, comme toujours, et sa camarade salua l'améthyste de ses yeux puis l'interrogea d'un mouvement de la tête: les boules de poils vont bien ? Que voulais-tu me montrer ?Comment s'appelaient-ils, déjà ? Ozalée et quoi ? Oh, qu'importe. |
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| Sujet: Re: Histoire de renards, de dague et de silence (RP terminé) Sam 26 Avr 2008 - 18:20 | | | Elera courut aussi vite qu’elle le pouvait vers le terrier. L’air froid lui brûlait la gorge, sa nuit blanche lui avait formé des cernes sous les yeux, sa course lui volait ses forces, mais comme à chaque fois, elle ne fit pas attention à ces déconforts. Une seule chose résonnait dans son esprit. Elle devait arriver vite, et elle arriverait vite. Dans la main droite, elle portait un linge, avec à l’intérieur le travail de toute une nuit. Sous le bras gauche, un panier dans lequel elle avait jeté à la hâte du pain, des œufs et du jambon pour les renardeaux, elle-même, et éventuellement Tinuviel ; Elera n’était pas certaine que la sœur des loups accepte sa nourriture.
Pourvu qu’elle l’ait attendue…
Arrivée au terrier, elle eut un pincement au cœur. Non. Tinuviel n’était pas là. Soupirant, elle s’appuya contre le monticule formé par la tanière sans pouvoir empêcher une grimace déçue de lui barrer le visage. Elle aurait vraiment voulu revoir la fille sauvage, si différente, si fascinante, si indépendante et pourtant si facile à comprendre. Sans même sans rendre compte, elle s’était attachée à elle. Pourtant elle savait que Tinuviel était libre, et elle voulait tout sauf voler cette liberté, justement… Parce qu’alors Tinuviel ne serait plus Tinuviel. Accepter. Accepter qu’elle ne revienne pas. Ce n’était pas bien difficile, non ? Et pourtant… c’était dommage. Elera resta debout quelques minutes, essayant de calmer les battements rapides de son cœur, de reprendre sa douce respiration, puis elle leva la tête en dirigeant son regard vers la gauche. Instinct, peut-être ? Un bruit minime ? En tout cas, Tinuviel apparut en repoussant nonchalamment une branche de sapin au moment exact où ses yeux se posaient sur la branche en question. Elera lui adressa un grand sourire. Elle était venue, finalement… Juste en retard. Comme elle.
Soulagement…
Un hochement de tête accompagné de deux yeux qui brillaient de bonheur répondit au signe désignant la tanière. Elle n’était pas encore entrée, mais elle avait entendue les renardeaux ; ils étaient vivants, en tout cas. Elle fit un signe de main à la sœur des loups, l’invitant à la suivre dans la tanière. A l’intérieur, elle fut accueillie par Igashu qui lui sauta dessus et lui vola un éclat de rire. Il la reconnaissait… Elle laissa tomber le panier sur le sol, puis s’assit les jambes croisées. Le rituel de la veille prit place une deuxième fois ; elle sourit, commença à mâcher un morceau de jambon et le fourra dans la bouche du premier renardeau. Elle aussi avait faim, mais elle passerait après. Lorsque les renardeaux arrêtèrent de couiner et que leur appétit se calma quelque peu, Elera commença enfin son propre petit déjeuner et reprit le linge qui contenait son cadeau entre les mains. Elle l’observa pensivement, repassant la nuit qui venait de finir pour elle dans sa tête.
Le feu de la forge, si fascinant et incompréhensible, si fort et indépendant. Le métal qui fondait, se transformant petit à petit en un objet de valeur. Le bruit du marteau qui tapait sur l’enclume, mais qui lui rappelait plutôt le son d’une cloche d’argent. Le forgeron, sa voix si forte et si riche de savoir, ses mains fortes et attentionnées. La forge elle-même, ce petit monde en lui-même dans lequel elle oubliait jusqu’à l’existence du temps. Et la dague. La dague tranchante qui ne brillait pas dans le noir mais qui avait quand même un certain éclat, le manche tiède et simple qui tenait parfaitement entre les doigts, son poids léger et le T de Tinuviel sur chacun de ses côtés. Parce que la dague était pour elle. Même si un jour elle tombait dans les mains d’un autre.
Elera lui tendit le linge lentement, respectueusement. Elle suivit ses doigts alors qu’elle repoussait le linge pour faire apparaître l’arme. Elle l’observa pendant qu’elle faisait tourner la dague entre ses doigts. Elle pensa parler, lui dire que c’était pour elle, que c’était elle qui l’avait fait, que le T était la première lettre du prénom qu’elle lui avait donné… Qu’elle espérait que l’arme lui plaisait, et qu’elle remplacerait le poignard perdu à jamais, même si elle ne pourrait jamais être le poignard en lui-même… Qu’elle avait passé la nuit à le forger avec son âme, car il était son premier cadeau pour elle et qu’elle le voulait parfait… Qu’elle pourrait compter sur elle comme sur la dague, si jamais elle avait besoin de l’une ou de l’autre, même si elle était libre de la jeter au sol ou de ne jamais l’utiliser. Mais à la place, elle repoussa doucement une mèche de cheveux qui lui tombait devant les yeux et ne dit rien. Ce n’était pas la peine ; elle avait offert son cadeau, et tout était dit. Plus qu’à attendre une réaction ou une autre de la part de Tinuviel.
En espérant que les renardeaux n’allaient pas briser ce moment.
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| Sujet: Re: Histoire de renards, de dague et de silence (RP terminé) Mar 29 Avr 2008 - 13:46 | | | Les renardeaux en question se tinrent cois, comme percevant la solennité du moment mais nul doute que cette immobilité instinctive ne durerait pas. En particulier dans le cas d'Igashu qui abhorrait visiblement le calme..Alasa gardait en bouche le goût étrangement fade de la mie de pain mélangée au jambon qu'elles venaient de mâcher consciencieusement pour nourrir les petits affamés, et l'amertume en ressortant n'avait rien à voir avec la nourriture. Comme la veille dans les cuisines désertes la jeune fille n'arrivait pas à mettre le doigt sur cette chose qui clochait, qui sonnait faux, l'effleurer était à peine possible. L'impression fugace que jamais leurs chemins n'auraient dû se croiser ? La pensée dérangeante qu'Ozalée et son frère ne pouvaient pas exister, qu'ils étaient morts de froid ou de faim sans avoir étés dénaturés par la main d'un humain ? La certitude que Nirvelli et elle ne devraient pas s'attacher inconsciemment l'une à l'autre parce que les tournants de leurs existences ne formeraient jamais des boucles semblables ? Une question incongrue mais brutale s'imposa à l'adolescente: l'apprentie marchombre au regard si calme, aux mouvements harmonieux et à l'âme par trop généreuse avait-elle déjà croisé ce que certains nommaient chaos ? Une réalité s'immisça peu à peu en même tant qu'un souffle d'hiver expiratoire dans la tanière: lorsque ce serait le cas, l'empathie de Nirvelli était telle qu'elle l'accepterait et le comprendrait..si ce n'était déjà fait. Ce fut donc avec une nouvelle perception de sa camarade occasionnelle que l'ex-corbac saisit le tissu entre ses doigts gourds, trop étonnée pour éprouver le moindre soupçon de méfiance.
Elle observa longuement l'objet sous toutes les coutures, sous tous les angles, jouant inconsciemment à refléter un pâle rayon solaire sur chaque tranchant de la lame. Le doux manche mat gravé d'une enluminure étrange mais fascinante, l'acier gris ciel irisé de lueurs uniques..une dague, un poignard, un couteau. Un viatique banal mais inespéré, une chose qu'elle aurait pu subtiliser à l'armurerie de l'académie, dérober à un voyageur quelconque ou à l'étal du village le plus proche, ramasser dans un fossé sale et dans le dédain d'un ittinérant. Et pourtant rien ne serait jamais moins commun que cette arme-là. Elle était belle, bien sûr, son fil droit et parfait mais qu'elle eut été émoussée ou brouillonne n'eut pas changé l'émotion que ressentit la jeune fille en caressant aphatiquement le cadeau. Reconnaissance, incrédulité, honte, déstabilisation, colère et quelques réminiscences. Au bout d'un long silence et contre toute logique, la colère l'emporta. La brune déposa précautionneusement le poignard aux pieds d'Elera et se leva autant que le lui permettait la hauteur du trou, puis se détourna vivement et rampa jusqu'à la sortie sans un bruit. Non contente de lui avoir par deux fois sauvé la vie et persuadée de prendre en charge deux condamnés à mort, cette foutue fille osait l'acheter avec un présent ! Qui plus est un présent ayant une valeur autant qualitative que pratique et sentimentale. Non, non, non, jamais elle n'accepterait ce genre de chaîne. En se repassant la scène, l'orgueilleuse se remémora les postures et expressions de cette fieffée manipulatrice; aucun doute, cette dague n'avait pas été échangée contre de quelconques pièces de cuivre mais forgée de ses propres mains. Encore pire. Ne voyait-elle pas que leur vacillement d'amitié ou qu'importe le nom qu'on puisse donner à ces échanges muets, ne voyait-elle pas qu'il eut mieux valu se jauger à distance et se respecter sans un geste ? La sauvageonne les revoyait, tournant tels deux électrons autour des mêmes principes sans jamais s'y brûler au même instant, tournant l'une autour de l'autre comme de vrais animaux s'acceptant de loin, sans jamais outrepasser les distances. Il aurait fallu s'en douter: tout allait trop loin. D'abord, sur la glace, Nirvelli lui avait sans doute sauvé la vie de ses conseils. Puis tandis que l'avalanche déchaînait sa puissance, "Tinuviel" avait fui sans même prévenir sa sauveuse, lui signifiant par là même que si son hypothétique mort l'attristerait, elle risquerait pas sa propre vie pour l'en empêcher et que leur semblant de confiance mutuelle devait se baser sur cette idée. Plus tard, quand le griffon tentait d'achever la proie qu'il s'était choisi, la rousse l'avait de nouveau prévenue à temps mais quelques minutes plus tard et l'occasion de lui rendre la pareille se profilait. En acceptant de veiller sur les orphelins Alasa avait cru que cette fois elles étaient quittes. Et voilà que..non, c'était un débordement de trop. Bien sûr cela venait de l'âme, bien sûr rien n'aurait pu lui faire autant d'effet mais non, non, non. Il ne lui restait plus qu'à quitter séance tenante les environs en s'arrangeant à l'avenir pour éviter que leurs déambulations ne se recoupent. Qu'elles puissent se laisser mourir sans remords si un jour prochain leurs camps ou opinions se retrouvaient face à face...Quoique ce brusque état d'esprit se nourrissait plus d'excuses fallacieuses que de véritables sentiments. En vérité, la jeune fille savait qu'elle ne tenterait pas de tuer Nirvelli si le futur tournait dans cette direction. Elle savait aussi qu'elle n'essayerait pas non plus de la protéger, jusqu'à maintenant en tout cas. Pourquoi l'apprentie marchombre refusait-elle de comprendre ce genre de notions ?
Le froid des dernières neiges giflait branches, sol, fourrures et peaux. Une brise floconneuse se levait, lourde de souvenirs et de significations ambiguë, une enfant imaginaire courait à pas légers sous l'hiver moribond, sa chevelure auburn tranchant sur le blanc uniforme comme flamme sur papyrus. La morsure délétère de ce foutu vent qu'elle commençait à bien connaître calma instantanément la fureur irraisonnée d'Alasa. Et la remplaça par le commencement désagréable d'un sentiment étrangement semblable à la nervosité de quelqu'un qui s'en veut. Oui, sous ce ciel dévoré de teintes blafares la situation se colorait d'un jour nouveau et sa colère se dirigeait à présent contre elle-même. Dès le premier jour, il aurait fallu se méfier. Dès ces mots inconnus et compris tracés calmement dans le sable brun de la berge. Hurler à deux avec les loups, à la limite, puis se séparer et ne plus jamais s'approcher à moins d'un bon kilomètre. Le don empathique de Nirvelli paraissait soudain trop dangereux. Même un peu trop...en repensant à l'adolescente aux yeux d'améthyste la brune imagina des perspectives par trop ennuyeuses. Ne pas se sacrifier pour elle ne signifiait aucunement la laisser se jeter dans la gueule des fauves souvent à l'affût ces derniers temps. Cette prise de conscience lui fit réaliser deux choses: tout d'abord, la rouquine se retrouvait potentiellement dans une situation précaire. Ensuite, si elle n'en avait pas encore conscience, la prévenir remettrait les compteurs à zéro. Mais créerait de nouveau ces liens redoutés, les rendant un peu plus solides, peut-être même qu'un jour l'éclat glacé d'un sabre ne suffirait plus à les trancher net, ajouta une voix intérieure que l'apprentie mercenaire ignora. Et la fierté, dans tout ça ? Elle redessina spirituellement les contours de l'arme, son fil d'un équilibre irréel et sa gravure mystérieuse. S'il n'y avait pas eu cette fierté et si tout respect pour l'étrange adolescente l'avait désertée, elle aurait fui avec. On est pragmatique ou on ne l'est pas.
Elle balaya nerveusement la forêt du regard et revint finalement vers l'entrée de la tanière ou la brise transit sa silhouette indécise, attendant que la lotra la rejoigne, craignant que cette fois elle ne comprenne pas, regrettant déjà et sachant qu'elle commettait une redoutable erreur.
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| Sujet: Re: Histoire de renards, de dague et de silence (RP terminé) Mer 30 Avr 2008 - 3:04 | | | Au début, Elera ne bougea pas. Elle resta là, tout simplement, les yeux fixés sur la dague. Tinuviel n’en voulait pas.
Et alors ?
Idiote. Elle savait que c’était possible, pourtant. Elle s’y croyait prête. Mais maintenant… elle avait mal. Mal… Une minute, ou peut-être une éternité, elle laissa la vague l’engloutir. Elle ne sentait pas les langues râpeuses et les museaux moites qui la poussaient, accompagnés de quelques coups de tête. Elle ne sentait que le rejet, ne voyait que Tinuviel poser brusquement la dague devant elle avant de s’éclipser. Elle l’aurait enfoncée dans sa chair, l’effet aurait été le même. Presque.
Pourquoi ?
Une question qui la tira de sa torpeur en quelques secondes. Il devait y avoir une raison… Elle cligna des yeux. Et à la place de Tinuviel qui sortait en colère, elle vit la sœur des loups, la Fille du Crépuscule, l’enfant sauvage. La réponse n’était pas bien loin… Tinuviel était seule, et elle voulait rester seule. Mais ca aussi laissait Elera perplexe. Pourquoi, encore ? Avait-elle peur des autres ? Non, elle n’avait pas peur d’Elera. Peut-être qu’elle avait été trahie, et qu’elle s’était réfugiée dans la solitude. Possible. Ou alors… Se souvenant de la cuisine, et de la nervosité de Tinuviel, une autre possibilité s’ouvrit devant elle. Elle… haïssait les hommes ? Alors elle restait loin d’eux, et vivait seule à l’extérieur ? Mais ca n’était pas tout non plus. Sinon, pourquoi ne serait-elle pas avec d’autres animaux ? Pourquoi ne voyait-elle pas les renardeaux comme les petites flammes de vie qu’ils étaient, au lieu de ne voir en eux que de faibles boules de poils ? Non, décidément, si elle n’aimait pas les hommes, son refus ne venait pas de là. Pas seulement, en tout cas. Il semblait qu’elle évitait tous liens qui la rattachaient aux autres.
Elle comprenait, elle ne comprenait pas… Sûrement sentait-elle un danger invisible d’Elera dans ces liens, puisqu’elle ne les voyait jamais qu’au dernier moment et que Tinuviel était toujours sur le qui-vive. Auquel cas elle avait sûrement raison de garder ses distances. Voilà. Elle ne souhaitait pas avoir une… amie. Ou une famille. L’image d’Elisa, qui elle rêvait d’en trouver une, apparut un instant dans sa mémoire. Etrange comme les souhaits des uns et des autres pouvaient être aussi différents…
Plus qu’une chose à faire, dans ce cas. La dernière chose à faire en toute situation. Ou peut-être la première… Accepter. Elera ramassa le panier vide, glapit doucement en direction des renardeaux en signe d’au revoir, puis s’apprêta à partir avant de s’arrêter alors qu’elle allait ressortir. La dague. Elle avait oublié la dague. Il ne manquait plus que les petits se coupent dessus. Elle fit demi-tour et reprit l’objet lentement, le regardant d’un air mi-agacé, mi-décidé. Une nuit de travail, et il ne servirait jamais. Parce qu’elle ne le garderait pas ; il était pour Tinuviel, et si elle avait choisi de le jeter par terre, alors il resterait par terre. Mais pas ici, pas au milieu des renardeaux.
*Alors au revoir, Tinuviel. Qui sait, nous nous reverrons peut-être.* Dehors, deux pieds. Puis deux jambes, un corps, et tout en haut, un visage encadré de mèches noires. Elera lui jeta un regard surpris. Elle était encore là ? La surprise passée, elle sourit tristement. Tinuviel ne voulait pas qu’elles soient trop proches, mais elle ne voulait pas la quitter définitivement non plus ? Peut-être qu’il était déjà trop tard, que les liens qu’elle voulait éviter étaient forgés et qu’elle ne pouvait plus les casser. Aux yeux d’Elera, il était trop tard depuis longtemps. Depuis cette première rencontre entre les flots et les loups, cette première nuit mystérieuse de compréhension. Même à l’autre bout du monde, elle sentirait encore ce… respect. Trop tard pour la haine, trop tard pour l’indifférence. Mais peut-être que Tinuviel se sentait capable de rester lointaine tout en étant présente. Ou alors elle ne voyait aucune raison de partir, elle n’avait pas dit au revoir comme l’avait compris Elera mais avait tracé une limite à ne pas dépasser.
Peu importait sa raison pour être restée. Elle était là, c’était tout ce qui comptait. Elera s’éloigna de quelques pas, posant ses pieds sur les traces qu’elle avait formées en arrivant. Autour de ses empreintes, les cristaux de neige fondaient doucement, miroitant sous la lumière du jour. Elle s’arrêta sous un arbre. Là, elle mit ses mains en coupe avant de les remplir de neige. Le froid les engourdissait, la neige devenait eau et coulait entre ses doigts. Elera reposa ce qui restait à côté. Elle fit bien attention de ne soulever que la neige, et de ne pas la mélanger avec la terre, même si elle n’y arriva pas totalement. Quand enfin le sol devint brun, elle prit le poignard entre ses mains. Le manche était encore tiède. Elle ne savait pas si c’était une qualité du métal et qu’il se réchauffait à son contact ou s’il se souvenait encore du feu dans lequel il avait trempé une heure plus tôt. La lame, froide au contraire, entama la terre. Elera entendait chaque caillou crisser contre la dague alors qu’elle l’enfonçait tout droit dans le sol glacé. Au début, elle eut peur qu’elle casse ; mais la réputation de Silind valait bien son travail. Elle tint bon et, bientôt, seul le manche dépassait encore du sol.
Elera retourna auprès de Tinuviel sans un regard en arrière. Tinuviel comprendrait ; si elle avait besoin de la dague, elle saurait où la trouver. Si elle n’en avait pas besoin, elle saurait quand même où la trouver. Mais la dague n’allait pas se matérialiser magiquement entre ses doigts, elle resterait là. C’était à elle de choisir de prendre, de laisser, de revenir, d’oublier. Et la dague se moquait bien d’être enfoncée dans le sol ou balancée au bout d’une ceinture. Elle suivrait sans un mot, sans une pensée. Elle accepterait, tout simplement. La douleur première du rejet était déjà oubliée. S’asseyant contre la tanière, Elera enroula patiemment une mèche rousse autour de son index avant de prononcer les premiers mots de la journée, si elle ne comptait pas ceux qu’elle avait échangés avec Silind alors qu’elle se croyait encore au milieu de la nuit.
- Veux-tu que je te raconte mon histoire ?
Une réponse lourde de conséquences. Savoir, c’était briser le silence, tout en le rallongeant. Refuser, c’était laisser ce vide empli de questions entre elles. Les deux satisfaisaient Elera, même si une seule d’entre elles parlait ; à Tinuviel de décider…
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| Sujet: Re: Histoire de renards, de dague et de silence (RP terminé) Jeu 8 Mai 2008 - 0:58 | | | Nirvelli se releva dans l'embrasure de la tanière et la brune ne put longtemps soutenir le sourire triste qui suivit un bref étonnement. Pas une once de colère ou d'incompréhension dans cette expression, à peine une petite pointe de douleur qui fondit comme neige au soleil. Comme cette neige sous ce soleil, cette neige à la splendeur hiératique au faîte des arbres, couvrant les victimes végétales de l'avalanche d'un linceul d'hiver. Et ce soleil si pâle, si lointain et trop vide mais qui pourtant suffisait à sa lente mais inexorable perte. Cette absence totale de sentiments haineux ou douloureux, cette bonté surnaturelle luisant encore et toujours dans les yeux d'améthyste commençaient à agacer Alasa autant qu'ils l'avaient calmée. Par le sang des ts'liches, cette satanée rouquine possédait-elle des perceptions si atrophiées que son ignorance englobait jusqu'au sens des mots haine ou iniquité ? Un bref instant la jeune fille effleura l'idée de la secouer, la griffer ou lui cracher au visage dans le seul espoir d'entrapercevoir une lueur furieuse sinon peinée dans l'infini mauve. Mais cette idée impliquait une situation de contact, une perte du respect implicite et une preuve de faiblesse. Et la brune craignait sans se l'avouer qu'à nouveau sa condisciple pardonne, qu'à nouveau elle cherche en quoi résidait sa faute (toujours la sienne) et que sa confiance demeure. Ce seul mot mettait l'apprentie mercenaire affreusement mal à l'aise; déjà parce qu'elle voulait croire que cette confiance ne serait jamais partagée, ensuite car "on" ne lui accordait pas cette habituelle preuve d'amitié, "on" n'en avait pas le droit. Elle le percevait presque comme une insulte; sauf dans ce cas si particulier, si gênant. L'adolescente aux yeux par trop lénifiants glissa précautionneusement le superbe poignard en terre après en avoir dégagé le gel afin qu'il fut en contact avec le sol, mettant en ce geste quasi-symbolique un peu trop de componction. La lame pénétra docilement dans la matière et quelques notes discordantes crissèrent sur le fer sous la forme de pierres enfouies. Quand elle se releva dans un mouvement vif de sa chevelure rousse, la dague paraissait noyée dans un îlot brûnatre, fondu en lui en une arme désormais plus tellurique qu'artificielle. La sauvageonne la détailla sans mot dire, répugnant plus que jamais à s'avancer pour la saisir, confortée dans son sentiment de méfiance rétrospective: elle s'en emparait, les liens se nouaient encore plus serrés. Elle ne la touchait pas, les choses stagnaient. Elle disparaissait, une deuxième rouquine viendrait habiter ses songes en enflammant de son regard violet la promesse d'un pardon, d'une rédemption qu'Alasa ne devait pas ressentir, un brasier de culpabilité qu'entretiendrait Elera en tentant de jurer le contraire. Enflammer ? Un brasier ? Non. Noyer. Une vague insidieuse portée par la houle. Si ses longues mèches flamboyaient, ses améthystes et tout le reste de son être évoquaient plus un courant déroulant calmement ses méandres changeants que le primesautier jumeau de l'onde irisée. Une eau ruisselante devenant rivière, devenant fleuve, devenant lac ..à quand la mer, puis l'océan ? Ces ressemblances pourtant flagrantes n'avaient jusque là pas interpellée la brune. Ainsi, le cycle de l'eau faisait intrisèquement partie de "la fille" comme le reste, comme tout ce que son esprit étrange possédait d'incompréhensible ?
Les flocons expiratoires ralentissaient depuis peu leur danse muette, endossant tacitement le rôle d'ultimes vestiges de la mortelle saison blanche. Déjà les lourds nuages s'allégeaient sans plus rien à déverser, déjà le soleil trop pâle tentait une deuxième apparition plus décidée. Alasa détaillait prudemment Nirvelli, agacée de nouveau devant sa décontraction affichée et sans doute ressentie. Voilà qu'elle s'asseyait ! A croire que cette fille ne possédait résolument aucune expérience du danger ou du statut de proie. Ou alors cela relevait de l'inconscience. Cette dernière solution paraissait d'ailleurs intégralement envisageable. Et d'ailleurs ..Que venait-elle de dire ? L'ex-corbac ficha sans aménité son regard noir dans le regard violine, trop partagée entre stupéfaction et nervosité sourde pour prêter attention aux codes élémentaires. Elle aurait d'ailleurs dû s'asseoir à son tour en signe de respect si les initiatives de plus en plus illogiques d'Elera ne la rebutaient pas tant. Son histoire ? Elle veut me raconter son histoire ? Mais qu'est-ce que sa vie passée peut-elle avoir à faire dans tout ça ? Je suis revenue pour la prévenir en espérant ne même pas à ouvrir la bouche, la prévenir d'une chose qui semble trop peu importante et si lointaine face à ce foutu calme que son corps exhale. Même, je risque de me mettre moi-même en danger potentiel pour elle alors que je viens de me faire le serment solennel de ne plus jamais l'approcher de trop près, je me risque et je suis bien la seule qui ai compté ou compterai toujours dans mon univers. Cette certitude tremble sur un coup de tête et alors que je pose des limites qu'elle comprend parfaitement, la voilà qui veut me raconter son histoire ! Tu mériterais plus qu'une mise en garde, mais ton attitude est trop déstabilisante pour que j'aie le courage de trahir ta naïve confiance. Ma pauvre Nirvelli, cela ne nous mènera à rien, juste à des ennuis sans fin. Si je partais, là, maintenant ? Peut-être arriverais-je à te faire ressentir quelque chose, peut-être ton affligeante empathie ne me collerait-elle plus au corps comme un carcan délétère. Ah, j'aimerais que tu vois un peu par mes yeux, que tu aperçoives le monde sous son aspect menaçant et sans pitié ou pragmatisme est le maître mot. Je ne peux plus maintenant déballer crûment mes insanes mises en garde qui feraient pâle figure dans ton espace. Plus tard, plus tard si tu me laisses tenter une dernière chose.
Une enfant courait sous le soleil salvateur; il assassinait les derniers relents hiémals de son haleine brûlante venue d'autres cieux et la fillette se déplaçait plus facilement makgré les congères et les débris d'une avalanche parallèle à son monde. Son petit corps obstiné vibrait d'une énergie farouche, rien ne stopperait jamais sa quête, quête mystérieuse dont elle seule connaissait les buts, à moins que les traits presque poupins de son visage n'exprimassent l'entêtement dénué de raison d'une orpheline jetée sur la route du hasard, vouée à marcher toujours sous un ciel lavé de brumes, les vêtements usés jusqu'à la corde et la chevelure emmêlée. Son regard sauvage croisa celui d'Alasa silencieuse qui, d'une résignation némmoins entachée de curiosité difficilemment contenue s'agenouilla dos à un pin après de longs coups d'oeil prudents aux alentours. Elle hocha imperceptiblement la tête et attendit le début du récit, s'interrogeant pour la première fois depuis leur rencontre sur les origines de Nirvelli. Un passé, oui. Peut-être qu'il lui en apprendrait plus que leurs instinctifs échanges. Planté dans la terre comme une croix sur une cénotaphe, le poignard fit miroiter quelques couleurs sur son manche soigneusement poli en un signal trop ambiguë pour pouvoir être interprété sans erreur.
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| Sujet: Re: Histoire de renards, de dague et de silence (RP terminé) Sam 10 Mai 2008 - 22:44 | | | ‘Oui’ ?
Elera s’était presque attendue à un non détaché, lointain et silencieux, un refus des mots similaire au refus de la dague. Sauf que celui-ci aurait été beaucoup plus facile à comprendre. Alors finalement, Tinuviel ne comptait pas agir comme si Elera était une étrangère complète… Elle tenait à son indépendance, mais en même temps le chant des autres l’appelait. Celui d’Elera, en tout cas… Curiosité ? Hésitation sur ce qu’elle voulait vraiment ? Compréhension que, quoiqu’il arrive, elle pourrait partir n’importe quand sans qu’Elera ne l’en empêche ? Peut-être un mélange des trois…
Alors elle allait connaître son histoire, partager sa vie… Maintenant, Elera ne savait pas quoi lui dire, ne savait plus où l’attendait le commencement. Mais elle ouvrit la bouche, prête à commencer à un point ou un autre. Les mots voleraient, peu importe lesquels ils seraient. Instant magique. Le silence compréhensif ne se brisa pas. Au contraire, sa première phrase sembla l’entourer, résonner harmonieusement en l’emplissant d’une autre sorte de partage.
- J’ai une sœur, ma jumelle, mon double.
Un bon départ. Sa sœur était pratiquement toute sa vie avant qu’elles ne se soient séparées pour aller chacune de leur côté… L’une ici, l’autre ailleurs. Et pourtant toujours ensemble, liées par ce fil invisible. Elera fronça doucement les sourcils, formant une ligne sur son front, signe de réflexion intense. Etait-ce ce genre de lien que Tinuviel voulait éviter ? Pourtant, il était si bon de savoir que, quoiqu’il arrive, il resterait toujours quelqu’un…
- Elle est tout pour moi. Nous vivions en silence dans la montagne, à l’Est d’ici, près de l’Œil d’Otolep. Seules au début, puis accompagnées d’une louve. Et puis elle est arrivée. Et elle a tout changé.
Elera savait qu’il y avait beaucoup plus à dire sur sa vie d’avant. Mais elle savait aussi qu’avec Tinuviel, elle n’avait pas besoin d’autant de mots. En observant son corps, elle avait pu comprendre, ou au moins apercevoir cette confiance absolue en sa sœur, cette harmonie sans fin impossible à décrire. La raison pour laquelle Elera était comme elle l’était aujourd’hui. Toujours en observant son corps, elle pourrait deviner l’influence de l’Œil d’Otolep, celle de la louve qui lui avait appris à observer et écouter la voix de la nature et des esprits sauvages. Elle pourrait observer les rives d’un lac gigantesque des plus étranges, qui avait toujours semblé avoir une force protectrice, les courses dans les montagnes, l’excitation à l’arrivée des voyageurs. Et le changement. Brusque, étrange, mais pas du tout effrayant. La séparation. Vivide, étrange aussi, et triste. Mais acceptée, avec douceur pour Elera, avec frustration pour Faryna. Elles avaient partagé un dernier regard lilas, la même tristesse se reflétant dans leurs pupilles, sans vraiment savoir où elles allaient et quand elles se reverraient. Et puis les flammèches qui formaient leurs cheveux s’étaient balancées dans le vent, poussées dans la même direction. Elles avaient sourit au même instant, puis elles étaient parties pour ailleurs. Séparées, mais toujours ensemble…
- Je suis venue ici, pour suivre ma voie. Et ma sœur est partie à la recherche de nos origines.
Un an. Un an qu’elle cherchait les routes. Un an qu’elle avançait sans rien trouver, et que pourtant elle s’obstinait à continuer. Parce que leurs parents étaient là, quelque part. Et qu’elle devait savoir. Elera n’en avait pas besoin ; elle n’avait pas besoin du passé pour faire face au futur. Mais les choses étaient différentes pour sa sœur, et elle comprenait. Deux chemins différents pour deux personnes qui, même si elles se ressemblaient, étaient bien distinctes l’une de l’autre. Auraient-elles pu suivre la même voie ? Elera en doutait. Ses yeux croisèrent les hématites de Tinuviel. Elle sursauta en revenant à elle, s’étant presque attendue à croiser un brasier de flammes pourpres. Puis elle continua, laissant pour la première fois sa confusion s’échapper.
- La vie avec mes semblables n’est pas comme je m’y attendais… Ils sont plus durs à comprendre, plus imprévisibles, tellement différents les uns des autres… Tellement bizarres, avec leurs idées inchangeables des choses… Pourtant tout change, alors pourquoi empêcher leurs esprits de changer eux aussi ?
En disant ses mots, Elera pensait à Valen, tellement attaché à son code, à Sayana, tellement certaine que le monde ne changerait jamais et qu’elle ne pouvait rien y faire, à Elisa et à Sayana encore, qui avaient des idées complètement opposées sur le mot ‘famille’, à Marlyn, qui n’avait pas réussi à s’intégrer dans un système tout fait et inchangeable, à Khelia, qui ne savait pas vraiment où elle allait, à Ena, qui elle savait où elle allait mais regrettait où elle était allée (ou du moins, c’était ce qu’il semblait à Elera), aux Mercenaires et à l’Académie, qui s’opposaient dans des conflits sans fin et sans raison apparente… Oui, elle aimait vivre à l’Académie. Mais ca n’avait rien à voir avec sa vie d’avant, avec ce qu’elle avait appris de la nature et des autres voyageurs. Rien du tout.
Elera tourna la tête, interrogeant Tinuviel en silence. Répondrait-elle à sa question ? Voulait-elle savoir quelque chose en particulier sur ce qu’Elera venait de raconter, ou est-ce que ces mots lui suffisaient ? Ces mots, et puis ces silences aussi…
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| Sujet: Re: Histoire de renards, de dague et de silence (RP terminé) Dim 25 Mai 2008 - 18:02 | | | Comme s'il avait suffi de ces révélations, comme si l'autre vie d'Elera se déroulait par ses postures et ces gestes étonnament liés, comme si la neige cessait de tomber en silence pour découdre le fil de son illusion. Voilà que la rouquine n'était plus "la fille" anonyme, celle qui parlait deux mondes par l'alliage et la maîtrise subtile de leurs idiomes, voilà qu'en elle se dessinait un passé, un souvenir, une personne. Cela suffisait pour briser les liens. Alasa se leva, toute son âme reconnaissante du don de la seule arme qui pouvait la libérer de l'empathie de sa donneuse. Tout finissait comme cela commençait un soir de crépuscule, sous la lune, sous le chant des fauves. Nirvelli ne serait jamais plus cette apparition allégorique du doute; humaine elle était, humaine elle resterait. Humaine un peu différente mais être haïssable parmi tant d'autres. La brune frictionna machinalement ses bras engourdis, secoua sa crinière qui s'obstinait à étrécir son champ de vision, contempla le ciel prometteur de nouvelles giboulées avant le soir. Il y aurait bien un corps fauché par l'avalanche pour apaiser sa faim à venir, un étang peu profond où étancher sa soif, un repli de terrain ou dormir sans risquer de sombrer dans le sommeil létal de l'hiver, loin. Un point de vue sur le lac ou ailleurs pour surveiller les jours et décider d'apparaître aux rencontres du mentaï. Et les renardeaux qui couinaient dans leur trou puant ? Ils vivraient ou non. S'ils ne se débrouillaient pas ils crèveraient sans que personne ne s'en soucie. Peut-être même lui serviraient-ils de viande si la saison hiémale forcissait trop dans son expirement. Ou l'adolescente aux cheveux de flamme s'acharnerait à défier la nature pour qu'ils vivent. L'évoquer contraignit la sauvageonne à affronter les yeux d'améthyste, instant qu'elle ne tenta pas de repousser. L'ingénuité qu'on y lisait s'expliquait mieux sous la lueur nouvelle de son histoire et voilà qu'ils perdaient peu à peu leur lénifiance pour n'être plus que deux pâles gouttes mauves à l'éclat enfantin. Une enfant, vraiment ? Quelle âge pouvait-elle avoir ? En ces temps d'après-guerre, même les plus jeunes ne se faisaient pas d'illusions. Et sa fraîcheur d'âme peu répandue s'userait tôt ou tard, que ce soit dans la foule aux mille visages et mensonges ou au fond d'un bois sous les coups de reins barbares d'un voyageur échauffé par sa candeur. L'apprentie mercenaire tenait cette dernière hypothèse comme probable au vu de l'imprudence caractéristique à Nirvelli et imaginer les sons, les odeurs, le sang éveillait une flamme de vésanie quelque part dans la région de la haine. Quoi de plus répugnant que deux monstres dénués d'honneur copulant sous les pins, entachant la terre de leur semence maudite, créant sans doute un autre de ces bâtards pullulants à la face rose et aux pleurs méprisables ? Elera était née loin de ceux de sa race, Elera les avait croisés et choisi son camp.
Alasa contempla par pure habitude le scintillement de la neige sur ses bottes éculées, la danse ouatée des flocons qui perdait peu à peu de sa consistance comme la brume se levait sur l'anonyme pour dévoiler un passé et des choix à ce visage encore confiant. Les arbres épargnés par la mer hivernale ornaient leurs troncs d'éclaboussures, leurs branches en portaient encore les stigmates. Et le fouillis inextricable d'arbustes au sol ployait sous la froidure du ciel comme autant d'arches telluriques dans l'aube attentive. Et l'ombre des faîtes étendait partout son empire, résumant le monde à une clairière et un chemin naturel, oblitérant peu à peu le reste pour imiter la grise blancheur du ciel. Sans se préoccuper de l'obsédante fillette revenue la hanter dans un souffle expiratoire, la brune enroula sa poitrine de ses bras étiques et détourna la tête. Tout était dit, le silence ne valait plus celui d'avant et suintait de gêne. Elle ne préviendrait pas Nirvelli du danger qui la guettait parce qu'elle n'aurait récolté qu'un ciel violine capable de tout ressentir sauf la méfiance. Et parce que cela ne revêtait plus grande importance. Seulement, les liens doucement tressés par leurs absences de paroles ne pouvaient être ainsi récusés, de quatre simples phrases. Aussi la jeune fille décida de leur porter un coup qu'elle espérait mortel. Sans autre posture qu'un léger raidissement, elle marcha jusqu'à la dague et l'arracha au sol avant de la jeter à sa taille comme n'importe quel vulgaire objet. Pas en signe d'acceptation mais de pragmatisme; ce couteau venait d'être trouvé et volé. Une plaie barrait à présent le sol de la forêt. Bénigne mais lourde de signification: la cénotaphe où venait de s'enterrer quelques concepts obsolètes n'avait plus de croix. La sauvageonne voulut partir en lâchant crûment quelques mots mais s'aperçut bien vite qu'ils glissaient aux frontières de son esprit, insaisissables. L'éducation et le riche vocabulaire dispensés autrefois par son idiote de mère s'effaçait avec le temps et le manque de pratique, rien ne venait que des sons basiques et de plus en plus dénués de signification. Elle en conçut une joie amère comme une ultime victoire remportée face à feu sa génitrice et, renonçant, cracha aux pieds d'Elera toujours assise. Et affronta une dernière fois ces yeux lénifiants en se laissant traverser, sans plus d'autre émotion qu'un détachement glacé. Voilà. L'erreur est réparée et je ne la commettrai plus.
Elle en commit une autre. Juste en tournant définitivement les talons, son regard erra un peu trop longuement sur sa main droite ou la cicatrice incurvée scellant son pacte luisait, mauve sur sa peau encore pâlie par le froid, trop nette et précise pour paraître accidentelle. Se rendit compte que la perspicacité de son ex-camarade en tirerait sûrement des conclusions, s'enfonça dans sa maladresse en allongeant vivement le pas et en glissant le membre compromettant dans un repli de sa robe. Peut-être la rouquine demeurait-elle trop sidérée pour avoir remarqué cette incongruité ? Non, rien ne semblait pouvoir l'étonner et à cette minute son souffle exhalait sans doute toujours ce calme affolant. Alasa ne se retourna jamais pour vérifier et suivit les arbres le plus loin possible, accompagnée par les pas légers de son enfant-illusion.
*
Quelque part et plus tard le soleil brillait sa flamme vacillante dans un tableau étonnament blanc. Le souffle inexistant de la farouche enfançonne sortit la jeune fille de sa torpeur fiévreuse et la trouva allongée dans un dénivellement du terrain, la tête tournée vers le sol. Voilà longtemps qu'elle n'avait senti pulser avec autant de force cette liberté chèrement protégée. Elle serait bien partie plus loin vers le Nord, n'étaient une sourde colère et cette plaie sèche sur le dos de sa main ..la main en question se leva vers le ciel, démarra un jeu d'ombres et de lumières avec l'astre du jour. Quand elle retomba, les pensées de sa marionettiste suivirent la route d'une adolescente-rivière. Elle ne lui en voulait plus, peut-être même était-ce réciproque mais qu'il était mieux de se trouver loin. Plus jamais ce genre de fautes et d'aveuglement. Elle reléguerait le souvenir de Nirvelli au fond d'un temps, réparant ainsi le mépris dont elle avait du faire preuve pour fuir mais plus jamais ne s'en approcherait, parce que l'eau du regard améthyste brûlait trop. Alasa releva le bras et inclut le poignard dans le jeu d'irisations, ce poignard qu'elle avait pris à la terre. Son fil droit et la petite enluminure seuls rappelaient qu'il ne pouvait être seulement considéré comme un couteau quelconque. On ferait avec. La lame étincela en une promesse occulte et encore incompréhensible. Dans deux fois sept nuits, il trouerait le flanc d'une autre apprentie marchombre pour s'abreuver de son sang.
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| Sujet: Re: Histoire de renards, de dague et de silence (RP terminé) Mar 3 Juin 2008 - 2:00 | | | Les blessures se soignent, les fissures se referment.
C’est avec cette pensée à l’esprit qu’Elera se leva, fixant toujours le filet de salive devant elle qui s’était posée sur la neige, trop fin pour faire fondre la neige pure, pas assez pour rester invisible. Elle leva les yeux, suivit cette dernière mèche de cheveux qui disparaissait entre deux tronc dénudés, haussa les épaules. Pas qu’elle soit heureuse que Tinuviel soit partie ; non, elle aurait toujours voulu qu’elle reste. Qu’elles puissent partager leur passé, même si elle aurait parfaitement acceptée que le silence s’étende encore et reste autour d’elles. Qu’elles se comprennent si facilement, à la manière des animaux, par ce langage qu’elle n’avait pas utilisé avec aucune autre humaine que Faryna avant que Tinuviel apparaisse du milieu de nulle part, devant un lac mystifié. Qu’elles courent ensemble sur le flanc de la colline, le vent hurlant autour d’elle, affrontant les éléments ensemble mais gagnant toujours. Mais elle ne regrettait rien, ni le départ de la sœur des loups, ni ses mots qui avaient appris à Tinuviel ce qu’elle voulait savoir, ni de l’avoir sauvée, ni d’avoir forgé une lame qui servirait d’une manière bien différente qu’elle ne le croyait. Qu’elle suive son chemin, porteuse de l’histoire d’Elera et de la sienne, encore mystérieuse. Tinuviel avait tracé une limite entre elles, Elera l’avait dépassée comme si elle n’existait pas. Et comme si elle n’existait pas, Tinuviel avait disparu dans les bois maîtres de l’hiver, sûrement avec l’intention de ne jamais la revoir. Elera laissa un sourire pensif s’accrocher un instant sur son visage. Comme si c’était à elle de choisir…
Les blessures se soignent, les fissures se referment.
En se penchant au dessus du sol où, quelques instants auparavant, la dague qu’elle avait forgée s’était tenue droite et noble, et qui maintenant pendait à la ceinture de celle pour qui elle était destinée, Elera passa les doigts sur la fente. Nette, explicite. Sans retour. De ses deux mains, Elera referma la terre, serrant les deux mondes ensemble pour n’en faire plus qu’un, lissant le sol dur d’un geste instinctif jusqu’à ce qu’il soit parfaitement lisse. Elle continua encore, les yeux fixés dans le vide, ne voyant pas vraiment ce qui se passait aux alentours, ne sentant pas le mouvement du moineau qui prenait son envol. On n’aurait jamais cru qu’un jour, ce terrain brunâtre avait été zébré d’un adieu. Parce que c’était bien ce que c’était ; Un adieu de la part de la Sœur des Loups, qu’elle avait rencontrée au crépuscule et quittée à l’aube. Tinuviel, Fille du Crépuscule… Amie de la Nuit, plutôt. Mais après tout, la prochaine fois que le hasard les pousseraient sur les traces l’une de l’autre, ce serait peut-être le milieu de la journée. Adieu de l’amie du Chaos aussi, à vue de cette marque sur cette main… Serment de sang ? Qui sait. Peut-être le découvrirait-elle bientôt, la prochaine fois. Parce que c’était un adieu, mais…
Les blessures se soignent, les fissures se referment.
Certaines personnes n’entrent jamais dans la vie d’une autre. On les croise dans une rue marchande sans remarquer leur visage, sans se demander leur nom, sans rien. Ou on ne les croise pas du tout. Certaines restent longtemps à nos côtés ; des semaines, des mois, des années entières, le temps d’une vie, quoique cela veuille dire. Tinuviel n’était pas comme ca. Unique, dans aucune catégorie, et elle ne le serait sûrement jamais. A moins qu’elle n’y soit déjà, dans la catégorie des Mercenaires du Chaos ? Mais même dans ce cas, elle serait unique dans leurs rangs aussi… Par deux fois, le hasard les avait mis sur le même chemin. Par deux fois, la surprise s’était exprimée sur le visage de Tinuviel. Par deux fois, Elera l’avait aidée sans vraiment y penser. Tinuviel n’étaient pas de ceux qui n’entraient jamais dans la vie d’un autre, ni de ceux qui y restent ; elle ne mettait qu’un pied à travers la porte, et puis elle partait. Alors Elera ne se morfondit pas sur son départ précipité ; parce qu’elle était certaine que, d’une manière ou d’une autre, elles se recroiseraient comme les deux premières fois. Et si elle n’était pas partie, Tinuviel n’aurait pas été Tinuviel…
En rentrant lentement vers l’Académie, ses yeux grands ouverts glissèrent lentement sur les merveilles de l’hiver. Le minuscule oiseau qui se secouait pour faire tomber ce flocon de neige qui lui gelait les ailes, pour chercher un meilleur abri sur l’arbre suivant. Le chat sauvage qui se glissait dans les ombres des chênes, cherchant une proie à se mettre sous la dent. La surface glacée d’un étang qui ne survivrait sûrement pas à la brûlure du soleil de l’été, mais qui pour l’instant régnait orgueilleusement sur le paysage. La neige douce qui continuait à tomber, enveloppant le monde d’un doux brouillard féerique. Les lumières, là-bas, là où elle allait de son pas assuré qui s’arrêtait tous les trois mètres devant un nouveau phénomène. Ces lumières humaines qui brillaient en permanence, qui aveuglaient parfois, qui restaient en l’air d’une manière inexplicable pour une marchombre qui ne savait pas toucher les Spires de son esprit. En avançant dans la neige, laissant son rire cristallin résonner dans le paysage qui l’assourdissait étrangement, Elera ne pensa pas une seule fois à Tinuviel. Oubliée, jusqu’à la prochaine fois…
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