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 Hier encore... (RP terminé)

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Elera
Elera

Marchombre
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MessageSujet: Hier encore... (RP terminé)   Hier encore... (RP terminé) Icon_minitimeJeu 22 Mai 2008 - 22:21

Plus haut.
Toujours plus haut.
Et à chaque fois que sa main attrapait une pierre au-dessus d’elle, une nouvelle image, une nouvelle vue, une nouvelle résolution, un nouveau souvenir s’imposait à elle.
Quand elle était partie, elle avait cru savoir où elle allait ; mais en vérité, c’était le hasard qui l’avait ramenée près du lac d’Otolep. Elle avait laissé son regard se fondre sur la surface, mais ce n’était plus pareil. Sa sœur était ailleurs ; et elle n’avait pas trouvée la louve. Si elle n’était pas morte, elle était partie… Alors sans même tremper les doigts dans l’eau, sans même s’approcher, elle avait fait demi-tour. Il n’y avait plus de réponses dans le pays secret de son enfance…

De ses doigts elle agrippa la pierre suivante, se releva par la force de ses bras et de ses jambes. Ensuite, elle était allée à la forêt de Baraïl, cherchant peut-être des réponses à l’origine de celle qui la hantait. Marlyn Til’ Asnil… Etait-elle vivante, était-elle quelque part entre ces arbres ? Si elle y était, Elera ne l’y avait pas trouvé… Elle n’avait pas trouvé la tombe d’Arwen non plus, mais elle ne s’était pas trop enfoncée dans les bois, restant près de la lisière. Parce que ce n’était pas là non plus qu’elle devait trouver ce qu’elle cherchait.

Son pied dérapa ; elle faillit tomber, mais sembla ne même pas en prendre conscience. Elle montait, vers le sommet de la montagne comme vers le sommet de ses pensées. Après, elle était descendue vers Al Vor, où elle avait retrouvé sa sœur pour quelques instants de bonheur intense. Elle avait oublié Marlyn, elle avait oublié l’Académie de Merwyn, Valen, le chaos. Tout était redevenu comme avant, seulement à un autre endroit. Mais voilà, une fois de plus, ses pas l’avaient poussée ailleurs. Vers le Nord. Parce que quoi qu’elle fasse, ses pensées retournaient toujours vers Marlyn, Valen, Ena et la Voie des Marchombres… Alors quand sa sœur était partie au sud, sur les rives de l’océan où la poussait sa quête, Elera l’avait quittée pour la deuxième fois et s’était dirigée vers l’Est. Non, il n’était pas encore tant de rentrer, de retourner vers le nord… bientôt. Mais pas encore.

Une corniche ; elle pourrait se reposer là. Mais Elera la remarqua à peine. Les gouttes de sueur ruisselant sur son front, ses mains, ses bras, mais elle ne l’utilisa que pour pouvoir continuer à grimper. Plus haut. Toujours plus haut. Elle avait demandé à l’homme si elle pouvait grimper les crêtes des majestueuses Dentelles Vives ; il l’avait regardé avec des yeux agrandis par l’étonnement, puis lui avait parlé de la passe de la goule, à une journée au sud. Ici, non, pas de passage… Elle avait sourit, l’avait remercié, puis s’était quand même dirigée vers les Dentelles, miroirs de perfection. Elle ne voulait pas traverser, seulement atteindre le sommet…

Plus de prises ; elle allait devoir redescendre et passer par la gauche. Mais c’était hors de question ; elle montait, elle ne descendait pas. Cherche, cherche… là. Une prise, pas très grande, mais suffisante pour son niveau… Elera passa silencieusement le passage difficile, prenant plus de temps que plus tôt pour l’ascension. Puis elle soupira de soulagement et de bonheur ; elle avait réussi à passer… Un autre souvenir apparut à elle alors que l’escalade devenait plus facile. Un souvenir de colère pure, un éclair dans l’orage à l’envie dévastatrice de détruire. Détruire le destructeur. Détruire Valen. Elle l’avait refusé, l’avait dénié, l’avait caché au fond d’elle en l’enfouissant sous des lourds nuages d’eau. Mais elle était partie pour pouvoir le regarder en face sans conséquences indésirables… Alors maintenant, elle laissa l’idée s’installer lentement dans son esprit. Parce qu’elle devait l’accepter, pour ne plus se battre contre elle-même.

*Je hais Valen Til’ Lleldoryn.*
Oui, elle le haïssait pour avoir instillé la haine en Marlyn, pour l’avoir détruite, et pour avoir brisé sa confiance en mille doutes à la lumière changeante. Pour lui avoir appris ce qu’était la haine, aussi.

*Je ne veux pas haïr.*
Oui, elle ne voulait pas entrer dans ce cycle vicieux dans lequel semblaient se jeter tous les humains. Tu m’as fais mal, alors je te fais mal, et ton ami me fait mal à cause de ca, alors tous mes alliés vont se jeter sur les tiens… Vengeance, vengeance… Ce mot sonnait tellement faux, tellement absurde. Alors elle devait quitter la haine.

Elle montait, encore, encore. Toujours plus haut. Et à chaque fois qu’elle avançait un peu, elle laissait un peu de sa haine derrière elle. Parce qu’elle ne pouvait plus changer le passé ; parce que ca n’avait pas de sens ; parce que détester Valen serait faire la même erreur que lui, l’erreur qui le rendait méprisable, et que c’était absurde ; parce qu’elle n’était ni Marlyn, ni Valen, ni Sayana, ni Slynn, ni une Mercenaire du Chaos. Elle était Elera. Elle était Marchombre. Elle cherchait l’Harmonie. Et c’était l’Harmonie qui éclairait le chaos pour le transformer en lumière. Utiliser le chaos pour arrêter le chaos, c’était le nourrir, l’agrandir au contraire. Alors elle ne haïrait pas. Elle laisserait Marlyn suivre sa voie ; elle pardonnerait à Valen ; et elle ferait tout pour que plus jamais ce combat et cette douleur ne reparaissent. Elle la combattrait à coup de confiance, d’harmonie et de compréhension.

Ca y était. Elle n’était pas tout en haut du plus grand pic des Dentelles Vives, bien sûr, mais elle était en haut de celui sur lequel elle escaladait. Au dessus d’elle, plus rien que le ciel et un aigle solitaire qui hurlait au soleil. En dessous d’elle, la pierre rousse et chaude qui formait une plateforme de quelques mètres de diamètre avant de redescendre brutalement par le passage qu’elle avait utilisé pour s’élever. Sur cette plateforme, un pic solitaire qui se dressait fièrement en plein milieu, essayant de devenir aussi grand que les sommets qui l’entouraient, plus pointus, plus forts, plus abruptes, plus hauts, plus brillants, plus beaux encore. Elera s’y trouvait perchée, observant les aînés du fier petit sommet. Elle aurait aimé se retrouver tout là-haut, mais elle savait que son entraînement actuel ne suffirait pas à dominer les pics les plus impressionnants des Dentelles Vives. Alors elle s’accrochait à celui sur lequel elle était en se reposant enfin, l’entourant de ses bras et appréciant la vue spectaculaire qu’elle avait d’ici.

Le village, tout petit, tout en bas, qui ne se doutait pas de son insignifiance vue d’en haut. Les arbres, les petits lacs. Les couleurs de l’automne déjà bien installé. Sous les derniers rayons du soleil, les oranges, bruns, rouges, jaunes et petites pointes de vert paradaient sous les yeux des admirateurs silencieux. Bientôt, ils se transformeraient en ombres de différents gris, s’ils ne devenaient pas invisibles dans le noir à cette hauteur. Mais pour l’instant… c’était un spectacle qu’elle n’aurait voulu manquer pour rien au monde. Alors elle sourit ; puis les mots résonnèrent, calmes et clairs dans son esprit. Tellement vrais. Tellement justes.

*Je te pardonne, Valen Til’ Lleldoryn.*
Elle avait pardonné à d’autres ; elle lui pardonnait aussi, à présent. Le vent glacé des hauteurs souleva ses mèches rousses sur le côté, caressant sa peau encore brûlante des efforts qu’elle avait fait pour venir jusqu’ici. Elle était calme ; elle s’était retrouvée ; et la nuit arrivait pour ralentir les battements encore rapides de son cœur.
Derrière elle, le bruit de quelqu’un qui vient d’apparaître sans essayer d’être discret, sûrement certain de se retrouver seul. Un pas sur le côté ? Mais qui viendrait la perturber dans un endroit pareil ? Elle se retourna… et croisa un œil gris, unique mais reconnaissable.

Un œil qui pourrait bien ramener tous les doutes…

Marlyn Til' Asnil
Marlyn Til' Asnil

La Borgne
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MessageSujet: Re: Hier encore... (RP terminé)   Hier encore... (RP terminé) Icon_minitimeMar 27 Mai 2008 - 20:44

L’image du rêveur revenait sans cesse. Cette vision récurrente des choses commençait à l’agacer, mais elle savait ces derniers mois gravés par le sang et la douleur dans son corps pour le restant de ses jours. Elle se revoyait parfaitement étendue sur cette table, revenant d’une journée harassante tant mentalement que physiquement. Elle sentait encore les mains sèches du vieil homme sur sa peau, quand il déroulait tranquillement ses rêves pour la guérir. Elle se souvenait d’avoir vu des cicatrices disparaître sous le don puissant de son tuteur.
Mais elle repensait également aux questions ambigües que le moine sénile lui posait lors d’un moment de faiblesse et de l’effort qu’elle avait du produire pour ne rien dire ou éluder la vérité.
Elle se souvenait de cette fin d’hiver infernale, du printemps qui l’était tout autant, de cet été à se redécouvrir petit à petit, cachée dans cette communauté pleine de vieillards séniles et totalement imperméables à sa manière de voir les choses. Elle se souvenait des longues heures à gémir sous la douleur, à se battre contre son corps pour pouvoir bouger ou faire un simple pas ; de ces soirées où après le massage sur la table d’opération on la malmenait mentalement pour l’aider –soit disant. Même si elle devait avouer que son don s’était considérablement accru durant cette période, elle avait en horreur ces minutes éprouvantes à lutter contre un dessin détourné ou un exercice trop difficile.
Les seules consolations étaient les visites fréquentes que lui faisait son Maître, durant lesquelles elle puisait son énergie dans son Chaos à lui. A demi-mots le plus souvent, il la plongeait encore plus sur cette voie qui la fascinait ; et elle redoublait d’efforts, souffrait plus encore pour pouvoir le servir au plus vite et dans les meilleures conditions. Car malgré le fait qu’il la traitait avec une douceur inimaginable, elle était embarrassée lorsqu’il la voyait peiner à tenir une dague ou tout simplement courir.

Son Chaos à elle était enfin revenue et sa convalescence avait plus rapide dès lors. Elle savait le départ proche, où il l’emmènerait et où elle pourrait vouer son âme à détruire la société. L’automne avait déjà laissé apercevoir ses couleurs et l’autorisation lui fut donnée pour les derniers jours de partir seule durant la nuit, loin des yeux curieux du rêveur pour travailler les techniques les plus sombres ou les plus secrètes. Ou tout simplement pour remanier ses dagues et de nouvelles armes comme le Nunchaku qu’elle avait découvert depuis peu et qu’elle avait très rapidement pris en main. La confrérie n’acceptant pas les armes, elle devait souvent travailler clandestinement et le plus souvent en allant par un pas sur le côté vers les dentelles vives, où personne ne risquait de la voir.
Ainsi, depuis quelques semaines maintenant qu’elle avait la permission de son Maître de sortir de l’enceinte protégée d’Ondiane à condition de n’aller autre part qu’au plus haut des dentelles vives ; ce qu’elle lui avait promis.

Et les journées se succédaient, accueillant et saluant le soleil ; elle dessinait régulièrement un mannequin pour la pratique et expérimentait de nouvelles techniques ; le plus souvent fallacieuses ou détournées, elle privilégiait les coups bas plutôt que les attaques de front. Et commençait à manier le dessin pendant qu’elle combattait. Les résultats étaient maigres, mais elle n’avait pas encore tout son esprit dans le bon chemin..

Et même cette nuit-là, alors qu’elle préparait son sac dans sa chambre austère à côté de celle du rêveur, afin qu’il soit le premier prévenu si quelque chose lui arrivait, elle avait également l’esprit ailleurs. Partout. A se demander où bien pouvait se trouver le Mentaï et que pouvait-il faire pour ce Chaos qu’ils chérissaient ; à éviter que son esprit tourne vers l’Académie..
Vers les lentes heures d’agonie qui lui donnaient envie de se recroqueviller dès qu’elle y pensait. Vers ces visages glacials et inhumains qui la torturaient, vers Ivan Derkan qui par deux fois avait abusé d’elle..
Mais surtout vers ces migraines qui lui gâchaient de nombreuses minutes, vers des étourdissements passager de plus en plus fréquents qui l’empêchaient de réaliser correctement certains exercices, vers ce mal de dos énervant. Elle en avait parlé à Artaïel le matin même, qui avait aussitôt pris un air perplexe et l’avait emmené en table d’opération pour « vérifier certaines choses ». Seulement, il n’avait jamais voulu lui dire ce qui était ressorti de ces examens corporels étranges. Contrairement à d’habitude, il l’avait fait s’allonger sur le dos et avait déroulé son rêve en posant les mains sur son ventre, ses hanches, sa poitrine, son front… Tout cela n’avait pas été habituel et Marlyn était sortie d’Ondiane perplexe.
Il y avait-il quelconque danger dans ces maux de dos et ces nausées... ? L’apprentie Mercenaire espérait le savoir, c’était d’elle qu’il s’agissait après tout !

La jeune femme –puisqu’elle avait atteint ses dix-neuf ans durant l’été- marcha quelques minutes, auscultant le contenu de son havresac. Deux dagues que lui avait ramené son Maître un jour, lorsqu’elle pouvait à nouveau se battre, des provisions pour la journée, un nécessaire de premiers soins au cas où une cicatrice lâchait.. mais surtout un Nunchaku qu’elle avait discrètement dessiné en se levant. Simple, sans aucun travail superflu, il était parfait pour s’entraîner ; quand elle le manierait bien, elle demanderait à s’en acheter un en acier, digne de ses capacités.
Arrivée à son point de « vol », la jeune fille immergea les Spires en direction d’une petite plate-forme tout en haut des Dentelles vives qu’elle avait pris l’habitude d’utiliser, et fit un petit pas.

La nuit était à sa genèse et l’apprentie Mercenaire fut discrète à son arrivée. Connaissant parfaitement ses marques, la jeune fille déposa son havre-sac en prenant soin de se munir de ses deux dagues –qu’elle glissa dans ses bottes- et de son Nunchaku dans la main gauche, avant de se retourner.
De se figer.
La Lune ne mentait pas ; quelqu’un était là, juste en face d’elle à l’observer. Quelqu’un qui avait été surpris par son arrivée ; donc qui ne semblait pas l’attendre. Quelqu’un de relativement petite taille, mais taillée pour la souplesse. Quelqu’un aux cheveux roux.
Tout d’abord, la jeune femme crut à une fatigue qui lui faisait voir des hallucinations, ou à un mauvais tour de la part de son oeil valide.. Bien qu’il fût opérationnel, travailler seul en permanence l’irritait et il arrivait qu’elle dût se reposer plus que de coutume. D’après Artaïel, ça s’arrangerait avec le temps... Toujours était-il que l’iris avait perdu sa teinte noire à cause de l’éraflure d’Ena Nel’ Atan ; et affichait un regard gris ténèbres.

Les cheveux roux..
Non, réagir d’abord. Trop de secondes s’étaient écoulées. La jeune femme se tendit et sa main droite fusa vers sa dague, tandis que les doigts lâchaient l’extrémité du Nunchaku, produisant un cliquetis menaçant.
Au bord des Spires, prête à faire un pas sur le côté, Marlyn pensait aux cheveux roux.. Non, trop tôt pour penser. Cacher son visage tout d’abord, disparaître…Les cheveux roux.. Stop, pas question de se laisser avoir comme la dernière fois. Elle savait que cette fois-ci, la capture ne signifiait plus torture, mais exécution ou assassinat.
Ce fut immédiat.
En un bruissement, les Spires s’ouvrirent et elle disparut dans la nuit ; ayant pris soin de prendre son sac. Réapparut sur un pic qui surplombait la plate-forme ; d’un geste souple masqua son visage d’une cagoule de soie noire. Commença à dessiner un pieu pour embrocher l’inconnue.
Les cheveux roux.. Non, pas de curiosité ! Un Mercenaire était impitoyable, le Chaos était sang et rapidité..
Les cheveux roux.


-Que viens-tu chercher ici, Académicienne ?

Les cachots lui revinrent en mémoire, la discussion, la faille dans ses barrières, le danger que représentait Elera.. Si jamais elle essayait de la raisonner encore, Marlyn n’hésiterait pas pour sa propre sécurité. Elle se savait perdante en combat loyal du fait de sa carence visuelle et de son corps encore trop douloureux ; le dessin serait l’unique moyen de la tuer rapidement et sans effusion de sang..
La réponse d’abord.

-Elera, que viens-tu chercher ici ?
, reprit-elle d'un ton neutre.

Détourner le regard, ne pas la fixer pour lui donner l’occasion de voir son visage partiellement masqué par la soie noire. Ne pas sourire, ne pas se mettre en colère, ne plus jamais céder à sa trop grande impétuosité. Rester calme. Rester indifférent. Rester Mercenaire du Chaos.


Elera
Elera

Marchombre
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MessageSujet: Re: Hier encore... (RP terminé)   Hier encore... (RP terminé) Icon_minitimeMer 28 Mai 2008 - 0:37

- Marlyn...

Comment… Etait-ce une coïncidence ? Celle qu’elle cherchait qui se tenait juste devant elle, alors que l’Empire la cherchait depuis près d’un an sans succès ? Coïncidence, vraiment… Elle n’était pas certaine d’y croire. Avant même qu’elle ne pense à ce qu’elle allait lui dire, avant même qu’elle ne commence à lui avouer tout ce qu’elle avait gardé en elle pendant tous ses mois, elle rectifia ses paroles :

- Je me suis enfuie de l’Académie, je ne suis pas Académicienne…

Tout en disant ces mots, elle toucha de sa main l’endroit où, quelques mois plus tôt, la bague qui la protégeait tout en l’emprisonnant entre les murs de l’établissement lui serrait le doigt. Elle la retira rapidement, regardant ailleurs. Non, elle n’était pas Académicienne… Elle ne faisait plus partie des Gardiens qui aidaient Valen et justifiaient ses actions comme le faisait Sayana. Mais elle le serait de nouveau, en tout cas elle l’espérait. Parce qu’elle lui avait pardonné… Et pourtant, devant elle se tenait celle à qui tellement de mal avait été fait injustement. Et ca, jamais elle ne pourrait le justifier et jamais elle ne voulait le faire. Mais elle devait répondre à Marlyn… Elle ne remarqua même pas sa position de défense, son recul devant elle. Elle lui parla, tout simplement. Elle ne répondit pas de suite à sa question, laissant d’abord les mots bloqués au fond de sa gorge depuis sa disparition couler enfin dans l’air libre.

- Tu m’as manqué, j’ai eu tellement peur pour toi… Je regrette. Tu ne sais pas à quel point. C’est pour toi que j’ai quitté l’Académie, tu sais.

Pause. Elle avait erré tellement longtemps, pour arriver ici. Pour arriver devant cette question, pour trouver une réponse à ce qu’elle cherchait, exactement. Peut-être que ces voyages n’avaient duré qu’une saison, mais en même temps tout ce temps à douter lui avait semblé durer bien plus qu’elle ne l’aurait voulu. Après tout, qu’est-ce qu’une seconde ? Une éternité pour certains, un instant qui n’a pas le temps d’exister pour d’autres… En montant sur ce pic, elle avait cru etre arrivée. Mais peut-être pas, en fait. Elle devait monter encore plus haut.

- En venant ici, je croyais chercher une paix intérieure… J’avais besoin de me retrouver loin d’Eux. Mais maintenant, je n’en suis pas si sûre…

Un pli se forma sur son front, entre ses deux yeux qui bougeait comme l’océan vers Marlyn, le ciel noir, avant de recommencer leur valse aux vagues douces. Non, elle ne croyait pas aux coïncidences… Qui avait mené ses pas jusqu’ici ? La Dame, Le Dragon ? … Ellundril Chariakin ? Ou simplement elle-même ? Peu importait, en vérité. Elle était là à présent. Devant celle qui était son ennemie mais qu’elle ne pouvait voir que comme sa sœur. Alors en prenant une longue inspiration qu’elle relâcha doucement en un murmure nocturne, elle répondit à la question de Marlyn pour le lui dire enfin.

- je crois que c’est toi que je cherchais, ma sœur.

Sœur… Ce mot avait tellement de différentes définitions. Sœur de sang, sœur de cœur, sœur d’armes, sœur d’esprit. Sœur. Et peut-être que Marlyn ne la voyait pas et ne la verrait jamais comme sa sœur, mais ce n’était pas son cas. Pourtant… pourtant, elle était venue couper les liens, non ? Une fois de plus, elle vacillait, incertaine sur la marche à suivre.

Parce que si Marlyn était Mercenaire et qu’elle était Marchombre, elles étaient ennemies.

Parce que si Marlyn était Marlyn et qu’elle était elle, alors elle ne penserait même pas à lever la main contre elle. Alors en levant les yeux à nouveau vers celle qui devait sûrement la haïr sans comprendre les mots qu’elle avait déjà prononcés, elle posa une dernière question.

- Qui es-tu ?

Marlyn Til' Asnil
Marlyn Til' Asnil

La Borgne
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MessageSujet: Re: Hier encore... (RP terminé)   Hier encore... (RP terminé) Icon_minitimeJeu 29 Mai 2008 - 20:58

Derrière les tissus de soie qui dissimulaient la plupart de ses traits, Marlyn fronça les sourcils. La réaction de la jeune fille, ses paroles, son but, tout cela n’avait aucun sens. A ses yeux, considérer quelqu’un comme une sœur n’était pas forcément très mélioratif, compte tenu des liens qu’elle avait entretenus avec sa propre sœur et qui lui avaient coûté tellement cher.. Avoir une sœur relevait de la folie à l’état pur. Si l’apprentie Mercenaire n’avait jamais eu de sœur, rien ne serait arrivé. La salle glauque et terrifiante, douloureuse, la caverne dont elle avait quelques résurgences qui lui faisaient peur, Ondiane, Artaïel ; tout aurait été un mauvais rêve. Sans cette sœur qu’elle haïssait tellement, elle aurait pu apprécier le monde autrement que par ces couleurs froides et bleutées que lui imposait son œil intact ; elle aurait tellement pu progresser dans l’obscur voie dont elle était imbibée ; elle aurait pu déjà être opérationnel, elle aurait perdu tellement moins de temps à se retrouver et à recoller les morceaux.
Vraiment, tout aurait été pour le mieux sans Sayuri. Peut-être même serait-elle encore à l’Académie à se jouer des directeurs pour servir son Maître Mentaï.

Elera n’avait rien vécu de tout cela et ne pouvait –ne pourrait- jamais comprendre comment on pouvait abhorrer quelqu’un que l’on appelle sœur. Et quand bien même elle le comprendrait, elle voudrait toujours appeler Marlyn « sœur » et l’aimer.

Nonobstant ces paroles plus que troublantes et agaçantes, les autres restaient tout de même intrigantes : comment Elera, gardienne et travaillant pour le compte de Valen avait-elle réussi à s’enfuir de l’Académie sans être aussitôt rattrapée ? Qu’adviendrait d’elle le cas échéant ? Subirait-elle aussi les foudres de Slynn et de Valen.. verrait-elle également la Salle de l’oubli et le fer blanc des instruments infernaux ?
A n’en pas douter : non. Quand bien même la Lotra était reprise, elle ne pourrait posséder d’informations dignes d’une torture aussi effroyable ; et Valen n’était pas stupide au point de faire deux fois la même erreur. Les souvenirs ressurgirent et montrèrent à l’esprit de la jeune femme la pâleur qui l’avait prise ce soir là, le ton si dégoûté lorsqu’il avait du procéder à l’interrogatoire..
Malgré toutes les conséquences aussi extrêmes auxquelles elle avait été confrontée, Marlyn avait été fière d’elle en un sens. Parvenir à faire ressentir du dégoût à l’homme le plus célèbre de Gwendalavir après Merwyn, le détruire petit à petit de l’intérieur avec des souvenirs macabres ; l’être chaotique était fière d’elle.

Les cicatrices la ramenèrent à la réalité, suppliant pour qu’elle relâche la pression sur les muscles ; pourquoi s’acharner à s’agripper au pic alors qu’elle souffrirait moins sur la plate-forme ? Par velleité, abnégation de la douleur sûrement, persévérance. Ces acres lancements dans le dos n’étaient rien, comparé au passé après tout. Serrant les dents et s’obligeant à souffrir un peu, la jeune femme reporta son attention sur l’Académicienne, qui la fixait de son regard azur tellement troublant qu’il était dangereux.
Que pouvait-elle regretter de la jeune femme devant elle, cette Elera.. de quoi pouvait-elle avoir peur alors qu’elle n’était en aucun cas concerné par ce qui était arrivé à Marlyn ? Comment pouvait-on simplement se soucier d’une traître –car elle était bien une traître-, d’une déchue, de quelqu’un de tout juste bon à abattre ?

Ces questions resteraient probablement un mystère pour l’apprentie Mercenaire, car même si Elera lui donnait des réponses à sa manière, l’interrogation et l’incompréhension ne feraient que s’accroître. Et puis.. comprendre ne servait à rien. Elera était dangereuse, bien trop dangereuse : il ne fallait pas s’engluer dans ses filets de compassion et de sympathie plus longtemps. En seulement quelques minutes, l’Académicienne avait réussi à faire ressurgir des souvenirs pétrifiants qui rendaient Marlyn raide de peur et de douleur. Le fait unique de se remémorer les tortures, les abus charnels, la convalescence, les exercices, la table de soins couverte de son sang, les cauchemars… Marlyn pourrait la tuer simplement pour lui rappeler tout ça.
Mais elle ne le ferait pas ; non pas pour la comprendre car cette tâche serait impossible, mais pour sa cause, des informations, toutes les informations qu’elle pourrait glaner en une simple conversation.

Son dos rendait l’âme et criait grâce. La jeune femme n’eut d’autre choix que de se décrocher de son pic et d’atterrir souplement sur la roche poussiéreuse et frigide du terrain. Alors qu’elle passait prudemment la main sur les cicatrices le long de sa colonne vertébrale pour vérifier que rien n’était brisé, l’œil de Marlyn fixait Elera tellement fixement qu’elle semblait l’observer aux rayons X. Comprendre n’était plus son but, mais détromper et influencer était partie intégrante de son entraînement et la jeune Académicienne ferait un parfait exercice ; peut-être même le plus difficile de tous.

Seulement la question était tellement vaste, pointue, difficile, aisée, tordue, claire, lointaine, proche.. Impossible à répondre totalement. Et de toute manière, la jeune femme n’avait pas vraiment de réponse à cette question. Qui être était tout simplement quelque chose à comprendre ; comprendre était à éviter. Et de toute manière, la jeune fille n’était pas bien sûre de ce qu’elle était au final. Pour tout Gwendalavir, elle était ennemie publique ardemment recherchée, pour les Magisters une aberration et une traître, pour Elera une sœur, pour son Maître une élève, un ange de Brume, tant de versions différentes que de personnes sur deux pattes.
Et pour elle, c’était encore plus compliqué pour le simple fait qu’elle n’était pas certaine.

Histoire de ne pas être totalement immobile à observer la jeune fille à la question tellement perturbante, la jeune femme ploya les genoux et s’adossa contre la paroi du pic en-dessous, juste en-dessous de son interlocutrice ; sans la regarder, le regard fixé sur un point au loin. Elle ramena sa jambe gauche contre sa poitrine, mettant ainsi sa dague à portée de jet et passa un bras dessus tandis que l’autre lissait quelques plis dans le masque. Masque qui ne servait pas à grand-chose en y repensant. Elera avait vu qui elle était et connaissait déjà ses traits.
Quoique.. pouvait-elle se douter du changement de son visage ? Elle-même n’avait qu’une idée vague de ce à quoi elle ressemblait à présent.
Un bruit feutré et métallique accompagna le geste que pensivement elle fit en dégainant la dague de sa cuissarde. Un éclat d’étoile le temps qu’elle croise le faisceau de la lune, et la lame glissait lentement le long de sa paume.


- Je suis un corps aux membres cassés, un esprit errant et désoeuvré.

Le cercle gris apparaissait par intermittence à mesure que le poignard passait et repassait sur la fine soie du masque, inventant quelques accros à l’ensemble.

- Je suis une aberration, sûrement une tare, je suis un nom que l'on oublie. Je suis un masque ; je ne suis plus rien.


De temps à autres, la jumelle de sa gauche était parcourue d’un léger spasme, car les ombres mouvantes sur l’acier se méprenaient avec des chaînes, une salle, des souvenirs, un cauchemar.

- Oui, tu te demanderas, si je ne suis rien, où est Marlyn ? Marlyn est morte dans cette salle obscure et glauque qui m'a accueillie pour deux soirs, continua-t-elle d’un ton neutre comme si elle annonçait la météo. Marlyn est morte sur la table d'opération, quand j'ai enfin rouvert les.. l’œil.

La jeune femme détourna le regard de cette vision effrayante, sentant la présence d’Elera toujours à un mètre au-dessus de l’endroit où elle s’était assise.

-Je ne suis qu'un corps au don puissant qui sert une cause symbolique, un bras muni d'une dague ; mon esprit est parti ce soir-là et je doute qu’il ait envie de revenir.

Tout le long de sa tirade était ponctuée de mouvements pensifs du poignet, renvoyant des mouvances coruscantes sur la roche là où la lame s’orientait. Elle souriait faiblement, moitié perdue dans ses pensées moitié tentant de chasser la douleur de son esprit.


- Tu pourras chercher, chercher ; tu ne pourras pas même regarder dans mes yeux, il m'en manque ; dans mon coeur, il n'y en a plus ; dans mon âme, essaie toujours, mais chaque réponse que tu trouveras, que tu penseras mienne, sera celle que l'on a gravée en : moi, par le feu, par le sang.
Et les questions que tu te poses à présent, tu n’y trouveras aucune réponse. Tu cherches Marlyn ? Je ne peux te dire où elle est, je ne le sais pas moi-même. Tu cherches ta sœur ? Tu n’es pas tombée sur la bonne personne, va voir là où la douleur n’existe pas. Tu cherches quelqu’un qui pourrait pardonner, comprendre, que tu as regretté, qui t’a manquée ? Je crains de n’être cette personne.


D’un mouvement traduisant un entraînement intensif, Marlyn rangea sa dague dans son carcan de cuir et se releva. Le masque de soie finement tendu sur la peau produisait quelques ombres lunaires étranges, comme si son visage n’avait ni bouche ni narines, ni joue droite ni joue gauche, ni front, la soie recouvrant également toute la partie droite de son visage, masquant la blessure ; seul un œil qui luisait.
Les coins de ses lèvres s’étirèrent quand elle commença à grimper pour rejoindre l’Académicienne tant son corps était réticent.
Fixée à quelques dizaines de centimètres à côté de sa cadette, la jeune femme reprit de la même voix neutre et sans émotions :


-Retire donc ce masque en face de toi, dis-moi si tu penses avoir trouvé la bonne personne. Dis-moi si Marlyn est toujours là après la torture. Dis-moi donc ce que tu vois de si aimable que tu puisses regretter.

Oh, elle savait bien ce qu’il y avait en-dessous. La dague lui avait dit la balafre blanchâtre, la peau moins blanche qu’auparavant bien que tiraillée par l’expérience de la mort, l’expression fantomatique de celle qui en est dépourvue, la détermination dans le gris-nuit.

Elera
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Marchombre
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MessageSujet: Re: Hier encore... (RP terminé)   Hier encore... (RP terminé) Icon_minitimeMar 3 Juin 2008 - 2:04

[Les longs discours recommencent Rolling Eyes Prends tout le temps que tu veux pour répondre…]

Elera écouta chacun des mots en secouant la tête négativement. Non, non, non… Marlyn ne répondait pas à sa question. Elle n’enleva pas tout de suite le masque, malgré l’immobilité de l’apprentie Mentaï, observant cet œil gris qui la fixait avec tellement d’intensité que s’en aurait presque été gênant si Elera n’avait pas été qui elle était, laissant les événements couler autour d’elle comme l’eau autour d’une main imprudente. Elle répondit d’abord aux mots déjà prononcés, les sourcils froncés en une expression un peu inquiète.

- Tu n’es pas qui tu penses que tu es… Tu n’es pas un nom qu’on oublie, puisque beaucoup le connaisse sans oser le prononcer, puisqu’il n’a jamais quitté mon esprit, puisque certains sont prêts à frapper un autre pour que tu cesses de les hanter, pour que les remords les quittent, pour que les cauchemars s’envolent, pour que les questions sur ce qui seraient arrivés s’ils avaient pu empêcher le passé de prendre cette route disparaissent.

En disant ses mots, elle porta la main à sa joue, la où quelques mois plus tôt Sayana avait laissé la trace de ses doigts. Essayer de frapper Marlyn à travers une autre… Elera trouvait toujours l’idée étrange. Elle ne représentait pas Marlyn, après tout, elle était juste quelqu’un qui aurait tout fait pour qu’elle ne soit jamais torturée. Mais elle continua sans s’arrêter, sa main retombant à sa place alors que les prochains mots se bousculaient sur le sommet.

- Tu n’es pas un masque. Le masque te cache, il est ce que les autres pensent que tu es, mais il n’est pas toi. Tu n’es pas rien ; comment pourrais-tu l’être ? Marlyn n’est pas morte, elle se cache tout simplement, au plus profond de toi. Elle a peur, n’est-ce pas ? Et elle a trouvée un refuge… Mais tu n’es pas seulement un corps, le corps ne peut vivre sans l’esprit. Un esprit errant et désœuvré, oui, mais pas un vide ni une absence… Il est là quelque part, tu es là quelque part, et il ne serait pas dur de te trouver. Mais tu ne veux pas sortir, n’est-ce pas ? Et je ne t’y forcerai pas. Oui, c’est toi que je cherchais ; toi, que tu sois Marlyn ou celle qui porte le nom que tu m’as interdit de prononcer. Mais ce n’est pas ‘’rien’’ que je cherchais.

Non, elle ne forcerait pas Marlyn à être… libre, à se contrôler. A sortir de la bulle dans laquelle elle s’était enfermée. Elera ne pouvait imaginer les horreurs qu’elle avait du passer durant ces deux jours. Deux jours ! C’était pire que ce qu’elle n’avait imaginé… Logique, pourtant, entre la disparition de l’ancienne Felixia, les rumeurs de la journée, la conversation avec Sayana le lendemain et puis le Conseil des Mensonges, comme elle l’avait nommé pour elle-même après ce jour où elle avait ressenti la haine pour la première fois depuis des années. Après ces horreurs, bien sûr que son esprit aurait tenté de se protéger d’une manière ou d’une autre, quitte à disparaître aux tréfonds de son âme pour ne plus remonter à la surface, enfermé à double tour dans un coffre de sécurité. Elle se trompait peut-être… pourtant, c’était ainsi qu’elle imaginait les choses. Peut-être parce que ce serait ainsi qu’elle aurait sûrement réagi, si elle n’avait pas eu sa sœur. Pas Marlyn ; Faryna. Laissant le visage de sa jumelle s’effacer lentement, elle continua :

- Sais-tu ce que je veux dire par sœur ? Jamais je ne te ferai du mal intentionnellement. Tu es ma sœur, avec ou sans douleur. Avec ou sans haine. Ennemie ou pas. Sauf si tu le refuses, et que tu m’en empêches, auquel cas je l’accepterai et t’oublierai… Je ne cherche pas quelqu’un qui puisse pardonner et comprendre. Et ce n’est pas à toi de choisir si tu me manques ou pas… Tu m’as manqué, et tu ne peux pas changer ca, seulement ne pas y croire. J’ai eu peur, peur que tu sois morte, peur de ne jamais te revoir, peur que tu sois perdue, peur que tu ne sois plus qu’un corps vide comme tu le dis et comme beaucoup pensent à l’Académie. Mais je ne les croyais pas, et c’est toujours le cas…

*Parce que tu ne m’as pas tuée immédiatement en me voyant… alors l’hypothèse de Sayana est fausse…*
Elle ne finit pas sa phrase à haute voix. A la place, elle laissa le silence s’installer autour d’elles, et elle leva lentement la main vers ce masque qui l’attendait, impassible. Enlever le tissu noir, découvrir ce que Valen avait fait de son visage maintenant qu’elle savait ce qu’il avait fait de son esprit. Le tissu tomba, laissant une figure cauchemardesque qu’elle n’oublierait sûrement jamais apparaître. Cette cicatrice blanche qui passait sur l’endroit où un œil d’acier avait un jour regardé le monde, ne laissant que cette marque effilée à la place. Cette cicatrice qui déformait la moitié de son visage, qui la rendait méconnaissable. Elera aurait voulu la suivre des doigts, mais elle n’osa pas la toucher et lui rappeler les souvenirs qui allaient surement avec la blessure. Elle ne dit rien ; seule une brume de tristesse dans ses yeux laissait deviner ce qu’elle en pensait. Un simple murmure, pour répéter ce qu’elle avait déjà avoué.

- Et c’est toujours le cas…

Pause. Les mots s’imprégnèrent lentement dans le silence de la nuit. Elle reprit rapidement, pourtant. Elle parlait beaucoup, ce soir-là, mais elle avait tellement à dire que Marlyn ne comprendrait pas sans les mots… Oui, Marlyn ne parlait pas le langage du silence. Alors elle continua.

- Oui, j’ai trouvé la bonne personne, oui, Marlyn est toujours là même si elle est loin et que je souhaite qu’elle y reste autant que toi. Je regrette de ne pas avoir pu t’aider, d’avoir failli. Et je vois une sœur. Une sœur qui…

Une fois de plus, elle s’arrêta en milieu de phrase, une nouvelle pensée s’imposant à elle. Détournant enfin les yeux de l’œil unique de Marlyn, elle se laissa glisser en bas du pic jusqu’à la plate-forme, et regarda vers la nuit noire d’où sa pensée était sortie comme un papillon aux ailes frêles qui captivent un instant la lueur de la lune. Cette obscurité, impénétrable pour tout autre que l’astre nocturne qui lui avait dévoilé encore une question. Une sœur qui ne veut pas l’être… Se retournant vers l’apprentie une fois de plus, ses lèvres se descellèrent enfin sur cette interrogation aigue.

- Pourquoi as-tu peur de moi ?

Marlyn Til' Asnil
Marlyn Til' Asnil

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MessageSujet: Re: Hier encore... (RP terminé)   Hier encore... (RP terminé) Icon_minitimeSam 7 Juin 2008 - 2:13

Pourquoi as-tu peur de moi.. Pourquoi as-tu peur de moi..

Plus que tout autre phrase que la jeune fille lui avait dite, cette interrogation résonnait dans sa tête comme un glas. Sur le moment, Marlyn n’avait pas réagi, et pour cause. Les « pourquoi » étaient très fréquents chez Elera..
Pourquoi as-tu peur de moi.
Ca n’était pas habituel. De la plate-forme où elle venait de redescendre, la Lotra fixait son aînée de ses yeux outremer et attendait patiemment une réponse de sa part. Incapable de réfléchir au moindre commencement de parcelle de réponse, Marlyn la fixait également de son œil onyx. Sans bouger. Sans ciller. Presque sans respirer.
Le temps s’était presque arrêté sur cette question.
En l’interrogeant de la sorte, Elera lui envoyait sa faiblesse à la figure et montrait qu’elle n’avait pas peur de la Mercenaire du Chaos. Peur.. Cette académicienne n’avait jamais connu la peur, comment pouvait-elle prétendre savoir que Marlyn était terrifiée ?
Elle n’avait jamais connu cette terreur viscérale qui labour le corps entier quand approchait une lame chauffée à blanc, cette terreur qui faisait hurler, pleurer, se débattre, cette terreur qui paralysait les membres et le cerveau. Cette terreur de souffrir ; cette acceptation de la mort également. Pour en finir, on implorait la mort de venir couper court à la douleur. On n’avait pas peur de la mort. On avait peur de la douleur.
Même des mois après la torture, la peur n’avait plus jamais quitté Marlyn. Elle s’était imprimée en elle à l’instinct indélébile et ne s’effacerait plus jamais.

Elle qui autrefois avait toujours la tête haute, ne craignait rien ni personne, croyait en elle.. La torture était passé dans son orgueil comme un cyclone, ravageant tous ses principes et idiomes. Plus aucune fierté, de la crainte, de la peur, de l’obéissance.. L’apprentie Mentaï avait tellement souffert qu’elle était prête à obéir aveuglément à son Maître dans l’espoir de ne plus jamais connaître la torture, prête à tuer sans êtat d’âme, prête à tout.
Mais plus jamais la Salle de l’Oubli, plus jamais…
Cette expérience l’avait peut-être rendue mentalement plus résistante et plus renfermée, mais elle avait brisé quelque chose en la jeune fille qui ne reviendrait plus ; sa fierté. Ravalée, l’entêtement devant ses bourreaux ; oubliée, la présomption face à la lame blanche ; tu, l’honneur en ne parvenant pas à retenir un hurlement.

Et Elera, dans tout ça..
Elle représentait la voix de la raison, l’opposé de la torture, mais également un des facteurs qui l’engendre. Elera était dangereuse et pouvait occasionner de la douleur.. Si jamais elle travaillait pour le compte de l’Académie, Marlyn retournerait en salle de torture ; si le Mentaï venait à apprendre leur rencontre, il la blâmerait.
Pourquoi y avait-il toujours de la douleur dans l’équation ?

Sans s’en rendre compte, l’apprentie Mentaï ne tenait que du bout des doigts sur la corniche , à quelques mètres au-dessus d’un plan et d’Elera. Si elle n’avait pas repris ses esprits tout de suite, la chute aurait été.. douloureuse. Plus jamais.
Se laissant couler au sol, pour ne pas tomber, Marlyn tourna les yeux en direction d’Elera.


-Tu es Douleur. Si tu es à la solde de Til’Lleldoryn et des autres, il y aura encore de la douleur. Si ton existence parvient aux oreilles de mon Maître, il y aura aussi de la douleur. Tu amènes toujours les ennuis et la douleur..

Plus jamais..
La jeune femme se laissa doucement aller contre la paroi rocheuse du pic, et coula jusqu’au sol, les genoux contre la poitrine. Elle passa les mains autour et reprit :


-Mais tu ne connais pas.. Tu ne peux pas savoir pourquoi peur et douleur sont des mots identiques. Tu ne peux pas savoir.. Oui, j’ai peur de toi, Académicienne. Oui, j’ai peur de toi, le monde. Oui, j’ai peur de toi.

L’odeur âcre de sang, le liquide chaud qui coulait de trop nombreuses blessures, le poison que formait la chair brûlée et les bactéries, les larmes, les cris.. Marlyn tenta de se chasser les souvenirs de la tête avant que ceux-ci ne prennent place et s’installent définitivement au premier plan. Les refouler loin, les oublier.
Les oublier.
Oublier 48 heures, une éternité d’enfer. Oublier ce qui était encore répercuté sur le présent.. Machinalement, la jeune femme passa une main le long de la cicatrice blanche qui barrait son visage.


- Je ne veux pas y retourner…


Sa voix était blanche et faible, sa peau dépourvue de la moindre couleur. Elle tremblait légèrement. Chercha Elera du regard et la trouva en train de la fixer, toujours. Marlyn masqua sa faiblesse en enfouissant la tête dans ses bras croisés sur les genoux. L’œil rivé sur le sol de pierre, elle remarqua un endroit un peu plus scintillant.Oh, pas de beaucoup. De la taille d’une.. larme.
D’une larme.

Ses épaules étaient de temps à autres par un spasme, mais les yeux ne pleuraient pas. Pas encore.


- J’ai peur de toi. Tu es trop parfaite, tu as trop souvent raison, tu n’es pas une aberration, tu…

Sa voix se brisa et Marlyn redressa la tête, l’œil brillant d’une souffrance trop retenue.


-Tu n’as pas besoin d’un Maître pour t’aider à arpenter la voie.


Evidemment, l’évocation de toute autre information sur le Mentaï était à éviter. Alors elle enchaîna sur elle pour détourner les eventuels soupçons :

-Je vivrai hantée par une peur viscérale de.. d’y retourner. Tu n’as jamais connu la douleur, n’est-ce pas ? Tu ne connais pas la peur !


Marlyn se releva et se dirigea vers Elera. A quelques centimètres de son visage. Jusqu’à voir tous les points de couleur dans ses yeux. Jusqu’à pouvoir saisir son col dans des doigts arachnéens :

-Je suis faible, j’ai peur, j’ai mal. J’ai Mal. Plus jamais ça, tu comprends ? Plus jamais !

A présent, elle pleurait.


-Dis-moi, Elera. As-tu seulement essayé de t’imaginer pourquoi je pouvais avoir peur de toi, avant de poser cette question ? Pourquoi n’as-tu jamais connu la douleur, toi ? Pourquoi as-tu réussi ? Pourquoi ?

Elera
Elera

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MessageSujet: Re: Hier encore... (RP terminé)   Hier encore... (RP terminé) Icon_minitimeSam 7 Juin 2008 - 3:31

Tu es Douleur.
Douleur.
Douleur…

Le temps d’un mot, Elera sentit son cœur s’arrêter. Douleur, elle ? Elle était contre la souffrance, elle la combattait, elle faisait tout pour la repousser autour d’elle. Pour être en harmonie, pour que le chaos s’évapore. Le chaos… pas forcément les Mercenaires, mais les actions comme celles de Valen, qui détruisaient les âmes de ceux qui auraient pu être bien différent. Comme Marlyn… Non, elle n’était pas douleur… Elle ne travaillait plus pour Valen. Elle ne trahirait jamais Marlyn, elle l’aimait trop pour ca. Et son maître… maître ? Alors elle en avait bien un… et bien, il ne découvrirait pas son existence. Parce qu’elle ne pouvait pas devenir une nouvelle cause de douleur pour Marlyn… Partir, peut-être ? S’il lui fallait être loin d’elle pour la protéger, elle irait à l’autre bout de Gwendalavir…

Elle ne savait pas ce qu’étaient peur et douleur. Ca aussi, c’était vrai… Mais elle l’avait vu en d’autres. Peut-être qu’elle ne la comprenait pas autant que Marlyn, mais elle en connaissait les contours. Elle l’avait vue dans la petite fille qui avait peur des chevaux, elle la voyait en celle qu’elle considérait comme une sœur, elle l’avait sentie devant le Tigre des Plaines… La douleur non plus, elle ne connaissait pas. Elle ignorait les maux de tous les jours, les laissant couler autour d’elle sans la toucher, toujours de l’avant, et elle n’avait jamais connu la Douleur avec un D majuscule qu’avait connue Marlyn. Elle ne la connaissait qu’indirectement, à travers les autres, grâce et à cause de ses sentiments qui semblaient toujours vouloir partager ceux des autres. Mais elle ne pouvait qu’imaginer la vraie Douleur, et frissonner… Alors comme ca, Elera représentait tout ce qu’elle combattait. Le Chaos. Le Mal. La méfiance. La peur. Parce que pour lui faire confiance, Marlyn devrait risquer tout ce qui lui restait. Un moment de sa vie sans douleur, pour une ouverture vers plus de souffrance. La confiance, alors que tous ceux à qui elle l’avait donnée s’étaient tournés contre elle… Oui, elle comprenait à présent. Lui faire confiance, c’était réfuter les règles incrustées en elle pendant toute sa vie… L’accepter, c’était accepter qu’il existait quelqu’un qui avait la vie qu’elle n’avait jamais pu avoir et n’aurait jamais…

Toute cette peur, tout ce mal, tous ces souvenirs qui devait tourner en l’apprentie Mentaï. Elera sentait le choc qu’avait causé sa question. Tous ses rêves confus qui se voyaient détruits les uns après les autres. Quand les larmes commencèrent à couler de l’œil unique de la jeune femme, sans reflet, solitaire, formant une seule ligne sur sa joue, Elera, presque instinctivement et sans y réfléchir laissa ses bras entourer le corps de la mentaï. Alors que la main de Marlyn s’accrochait à son col, la serrant comme si froisser le tissu jusqu’à ce qu’elle sente ses ongles dans sa paume pourrait lui livrer les réponses, Elera posa la sienne sur ses cheveux, les lissant doucement. Mal, mal, mal… Oui, elle comprenait, et même si elle n’avait pas été torturée à ses côtés, elle partageait sa douleur. Empathie… elle en avait beaucoup. Elle savait. Elle sentait, à une échelle moindre…

- Plus jamais Mal. Je te le promets…

Elle laissa une dizaine de secondes s’écouler, les yeux fermés, puis répondit doucement à ses questions.

- Si j’avais su la réponse, je n’aurai pas posé la question… Je ne comprenais pas. Parce que je ne suis pas Douleur, et que je ne l’ai pas connue…

Et maintenant, la plus difficile des questions… Pourquoi Marlyn, et pas elle ? Pourquoi la méfiance chez les uns et la confiance chez les autres ? Pourquoi les nobles et puis les paysans ? Pourquoi la vie, pourquoi ? Elera passait beaucoup de temps à poser des questions, à chercher des réponses au pourquoi. Elle n’avait trouvé qu’une réponse qui réponde à toutes ses questions, en fin de compte, mais celle-ci ne satisferait pas Marlyn. Pourquoi ? Parce que. Alors elle devait trouver une réponse propre à la question de Marlyn, une réponse plus précise, une réponse qui aurait un sens pour elle. Alors elle laissa les images défilées une à une dans son esprit.

Marlyn, seule, torturée par les Mercenaires du Chaos.
Marlyn, seule, devant une tombe sur laquelle était engravé le nom d’Arwen.
Marlyn, seule, observant les montagnes de la liberté d’un air envieux, sachant que ses chaines l’empêcheraient de les atteindre et que ceux qui pouvaient les lui enlever ne le feraient pas.
Marlyn, seule, fouettée par Slynn devant une audience qui ne réagissait pas.
Marlyn, seule, torturée…

Puis ses propres souvenirs refluèrent les uns après les autres, pensées furtives et légères.
Elle et sa jumelle, essayant de survivre dans la montagne.
Elle et sa jumelle, combattant le tigre des Plaines, bravant la mort l’une pour l’autre.
Elle et sa jumelle, s’empêchant l’une et l’autre de courir à leur perte, l’une en s’attaquant à un guerrier bien plus fort qui avait blessé la louve.
Elle et sa jumelle, séparées chacune de leur côté, mais toujours ensemble en fin de compte.
Alors en ouvrant ses yeux tristes, Elera répondit :

- J’ai toujours eu une sœur, une sœur sur qui compter, une sœur qui je le savais serait toujours là malgré tout ce qui pourrait m’arriver… Et toi, tu n’en as jamais trouvé… J’ai réussi, parce que je ne suis pas seule contre le monde. Et toi… toi, tu étais seule.

Mais ce n’était plus le cas… Seulement, maintenant, Marlyn souhaitait peut-être le rester… Elera recula d’un pas, desserrant son étreinte. Ses yeux mauves se posant doucement, affectueusement sur celui de Marlyn, elle posa encore une question, un doux murmure, une question qui cette fois n’avait rien de dangereux, à part peut-être dans le fait que Marlyn avait le choix.

- Veux-tu que je parte ?

Marlyn Til' Asnil
Marlyn Til' Asnil

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MessageSujet: Re: Hier encore... (RP terminé)   Hier encore... (RP terminé) Icon_minitimeSam 14 Juin 2008 - 17:16

A peine un frisson lorsqu’elle sentit les bras d’Elera passer autour de ses épaule. Pas de crainte non plus. Il lui semblait qu’elle ne sentait plus rien, qu’elle ne voulait plus rien. Elle n’attendait rien non plus. La douleur aurait pu venir, elle ne l’aurait pas même ressentie, tout comme la tendresse qui de toute façon était bien trop étrangère pour être perçue comme telle.
Marlyn n’appréciait pas de faire la peluche comme cela, mais elle n’avait pas envie de partir de cette étreinte –qu’elle ne sentait de toute manière même pas. Elle était restée figée dans son dernier mouvement, ses doigts n’avaient pas bougé du col de tissu, le serrant toujours aussi fort à en trembler imperceptiblement. La jointures se teintaient de délavé et d’incolore comme les secondes coulaient entre elles deux.
La jeune femme se remémorait la dernière fois que des bras avaient entouré son corps de telle sorte. Non.. pas exactement pareil.
A contrario de cet instant présent, elle avait senti l’étreinte à l’époque. Reconnu le parfum raffiné et délicat qui embaumaient des cheveux d’or.. avait frôlé la mort dans ces bras-là.
Quelques mois déjà avaient passé et pourtant, l’apprentie Mercenaire se rappelait du moindre détail qui saupoudrait les yeux onyx au-dessus d’elle..

Tellement différent de maintenant.
Elle ne sentait rien. Ni chaleur, ni peau ; juste un visuel, l’information qu’Elera l’entourait de ses bras ; juste un ressenti, qu’Elera ne lui ferait peut-être pas mal ; juste un silence, qu’Elera prolongeait volontairement.
Marlyn ne comprenait pas en quoi cette étreinte pouvait-elle l’aider en cet instant précis.. mais elle laissa faire, comme le reste. Après tout, on avait tellement manipulé son corps que celui-ci semblait ne plus lui appartenir et ne servir qu’aux autres. Tous les jours, être touchée, massée, modelée, ne plus avoir aucune intimité. Depuis longtemps qu’on la lui avait volée..

C’était bien trop tard pour avoir des remords ou des envies égoïstes. Elle était faible, servile, elle l’acceptait tant bien que mal et obéissait. Encore à ce moment-là, elle ne pouvait faire autrement qu’attendre, qu’attendre les réponses de l’Académicienne. Qu’attendre, tenter de sentir cette présence contre elle..
Enfin vint une réponse, soufflée plus que dite. Mais les larmes coulaient toujours, et peut-être plus encore. Marlyn baissa la tête, voyant le sol par-dessus l’épaule fine de la jeune fille. Peut-être était-il plus sombre, ou était-ce dû au brouillard de larmes qui lui masquait la vue.. ?
Mais plus le temps de réfléchir à arrêter, ça ne valait plus la peine. Plus d’honneur à défendre au bout du compte, plus d’image autre que son masque qui ne craignait plus les préjugés ; alors à quoi bon vouloir cesser de pleurer ? La seule raison eut été le souvenir de la dernière fois où elle s’était laissée aller aux larmes, étendue entre la vie et la mort dans cette caverne, juste après..

Pas même. Pas même..
C’était trop tard pour arrêter, Elera reprit. Sans bouger, alors qu’il aurait été commode qu’elle se recule. Des mots qui semblaient si vides, si insensés.. Marlyn ne comprenait tout simplement pas. Ces longs mois avaient altéré son mode de pensée, peut-être. Auprès d’Artaïel, plus besoin de réfléchir et de prévoir, il s’occupait toujours de tout et veillait sur elle comme si elle eut été de papier. Seul le soir était propice à la réflexion.. Mais ce n’était plus suffisant.
L’apprentie Mercenaire avait acquis un mode de pensée rationnel et prosaïque, ce qu’il fallait de détermination pour supporter et souffrir, plus de colère, plus d’emportement. La vie lui avait trop bien appris ce calme, car il était gravé dans chacun de ses mouvements ; dans son corps.
Et là, alors qu’Elera évoquait ce lien fusionnel qu’elle avait avec sa propre sœur, cette solitude qui accablait son aînée.. Marlyn restait parfaitement calme. Oh, elle sentait bien au bout de ses doigts cette confusion que mêlaient jalousie et sourde colère, mais rien ne la submergeait plus.. plus comme avant.

La jeune femme, intérieurement soulagée d’avoir repris un peu de distance avec sa cadette, put laisser les larmes sécher à la faveur du vent ; elle n’avait plus envie. L’évocation d’un sujet tant délicat que hargneux avait tari les pleurs. Une sœur qui serait toujours là, une sœur sur qui compter.. Il était vrai que Marlyn avait pu compter sur Sayuri pour aller faire un petit tour chez Momort, elle devait l’en remercier..
Oh, tout ce sang-sœur qui coulerait bientôt entre ses doigts ouverts..

Marlyn était calme.

Et c’était tellement plus agréable et plus jouissif de penser au Chaos sobrement, sans fioritures ni énervement. Imaginer impassible mille et mille tourments dont la moitié resteraient fantasmes morbides, alors que rien ne transparaissait à travers son œil vide. Vide d’humanité en ce moment-même.. Elera pourrait peut-être comprendre ce qu’elle avait éveillé en Marlyn, ces ressentiments enfouis par les mois et les tortures morales, mais à n’en pas douter, elle préfèrerait les esquiver ; tant mieux.

Avec un léger tic à la dernière question, l’être chaotique se détourna légèrement et se mordit la lèvre supérieure. Cette interrogation était tellement déphasée par rapport au reste de la conversation qu’y trouver une réponse logique était ardu.. Surtout quand interféraient des images de la nuit maudite, où sœurs s’étaient expédiées aux enfers..
Il n’y avait pas de réponse à avoir, à vrai dire. Qu’elle reste ou qu’elle parte, le mal était fait, les germes chaotiques revenaient dans son esprit, s’enracinaient. Oh, ils étaient moins forts, jugulés par son calme blasé. Mais ils étaient là..
Peut-être que si elle restait, d’autres souvenirs comme ceux-ci remonteraient, instillant un Chaos plus raffiné et plus ordonné dans son esprit. C’était ce qu’on lui demandait d’être, au bout du compte ; Opérationnelle à verser dans le Chaos à tout moment..


- Non, reste, c’est trop tard..

Peut-être qu’Elera percerait ces mots énigmatiques, qu’elle remarquerait le changement dans la position de Marlyn, qui s’était raidie et ne montrait plus de trace de chagrin. Le masque était bien plus fort et bien plus attirant que la mièvrerie des larmes. L’apprentie Mercenaire s’était redressée tant mentalement que physiquement et colmata les fissures qu’avait occasionnée la pitié de l’Académicienne.

- C’est étonnant que tu me dises ça, Elera.. Tu sembles oublier que moi aussi j’ai une sœur. Oh, elle a été là pour moi elle aussi il y a quelques mois de cela, elle a même été entièrement obnubilée par moi, une fois. Et en calculant, je préfère la solitude. Je doute d’en être maintenant à un tel état de faiblesse si j’avais été seule.

Aucun ton qu’une amertume sourde.


- Mais tu peux rester, c’est un peu tard maintenant pour les regrets.

Les mots étaient peut-être un peu trop mécaniques pour être indifférents.. Mais tant pis. Marlyn se détacha du regard de sa camarade et observa la nature qui filtrait entre les pics de roche, en bas. La nuit avait drapé la canopée d’ombres sournoises, qui s’écharpaient à la lune.. Un beau spectacle..

- Je suppose que chacun de nous a une vie différente, une famille différente. Une sœur différente également, je pense. On se ressemblait assez, Say.. Easlya et moi. Toutes les deux inflammables à la moindre étincelle, à chercher la cogne..murmura machinalement Marlyn, les yeux dans le vague.
Peut-être qu’elle a changé elle aussi entre-temps.. Quoique ce serait moins facile, je connais chacun des mouvements que nous ayons en commun, les réactions.. Oui, ça sera bien plus facile si elle reste comme elle est.

Les derniers mots vibraient d’un éclat chaotique, les lèvres de Marlyn s’étaient pincées, elle aimait à semer le doute. Elera serait surprise.. ou pas, elle était si imprévisible. Chassant un instant ses songes amers, l’apprentie Mercenaire reprit d’un ton plus indifférent, parlant légèrement plus fort pour effacer les paroles d’avant du vent :

- Elera, toi qui connais bien le mot sœur, peux-tu me dire à quoi sert une vraie sœur ? Ou à quoi servirait une sœur si on avait un Maître ?

Elera
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MessageSujet: Re: Hier encore... (RP terminé)   Hier encore... (RP terminé) Icon_minitimeDim 15 Juin 2008 - 0:09

Marlyn voulait qu’elle reste ? Elera laissa la surprise apparaître sur ses traits. Après ces aveux, elle avait cru qu’elle devrait partir. Elle s’y était préparée. Prête à dire adieu, encore, de laisser Marlyn marcher seule, toujours, sur une voie qu’elle croyait sienne mais ne la remplissait pas de joie. Seulement d’indifférence, de douleur, de peur… Mais peut-être y avait-il plus que cela là dedans ; Elera ne discernait tout simplement pas la ‘beauté’ que d’autres contemplaient dans ce qu’ils appelaient le chaos. Alors elle restait ? Pourquoi ? Marlyn avait-elle besoin d’elle, malgré ses réticences ? Que cherchait-elle en sa présence ? Mais au fond, la réponse avait peu d’importance. Elle était là, elle restait là… Elle partirait, bientôt. Elle mettait Marlyn en danger en lui parlant ce soir ; et elle-même, d'ailleurs, mais elle n’y pensa pas. Mais pour l’instant… elle était là, et elle y restait. Tant mieux…

Trop tard, il était trop tard… trop tard pour quoi ? Pour soigner la douleur, pour lui apporter le bonheur, pour qu’elle comprenne Elera, pour regretter, pour partager ? Il était trop tard pour bien des choses, au fond. Trop tard pour changer le passé. Mais il restait encore le futur ; elle devrait faire en sorte que ce changement soit pour le mieux. Pas sa version du mieux… celle de Marlyn. Celle du monde. Celle qui pulsait en elle, même si elle l’appelait parfois sur une corde au dessus du précipice. Comme lorsqu’elle l’avait poussée sur le chemin de Marlyn, alors que tout serait tellement plus simple si elles se haïssaient… Mais non, elle ne pouvait pas haïr l’apprentie Mentaï. Elle n’en avait aucune raison…

Easlya… Elera ne l’avait toujours pas rencontrée, et il lui semblait sentir une pointe de… de… pas de haine, pas de mépris, non, mais pas de l’indifférence non plus. Une pointe de malveillance envers sa sœur par le sang, comme si c’était sa faute pour tout ce qui lui était arrivée. Au fond, Elera ne savait pas grand-chose sur ce qui s’était passé. Marlyn avait rencontré sa sœur, puis Valen l’avait torturée… Etait-ce Easlya qui avait enclenché les événements ? Elle devrait demander à Valen, quand elle le rencontrait à nouveau. Tous ses doutes qu’elle avait refoulés ce soir ne l’inondaient peut-être plus, mais ils n’avaient pas laissé la vérité derrière eux. Juste… l’incertitude. Un vide. Une absence. Une question qui résonnait, encore et encore, l’écho l’amplifiant et la laissant tournoyer dans un esprit sans réponse. Deux personnes détenaient cette réponse qu’elle cherchait, deux personnes qui n’avaient aucune envie de penser à tout ce que ses interrogations incluaient. Elle ne demanderait pas à Marlyn. Ne plus jamais avoir mal… Elle ne pouvait pas lui demander de se replonger dans ses souvenirs. Et Valen… Valen choisirait de répondre, ou bien de la laisser dans le noir. Peut-être était-ce tout aussi douloureux pour lui…

Cette fois, ce fut Marlyn qui posa une question, pas Elera, mais elle n’eut pas le temps de s’arrêter sur cette étrangeté. Une définition pour sœur ? Mais ce mot voulait tellement dire… Aucune définition ne pourrait expliquer cette confiance absolue, cette promesse d’aide, cette présence toujours prête à avancer au côté de l’autre, ces sentiments derrière chaque geste et chaque parole… Pas de l’amour, non, mais une amitié tellement grande que le mot amie ne la contenait plus. Et si, pour son cas, Faryna était et sa sœur de sang et sa sœur d’esprit, elle doutait que cela soit souvent le cas. Elle connaissait tellement de gens à l’Académie qui ne comprenait pas son lien avec sa sœur… peut-être que le fait qu’elles soient jumelles les avaient rapprochées, ainsi que le fait qu’elles étaient seules ; se détester auraient voulu dire survivre dans la solitude, et aucune ne voulait le supporter. Marlyn, en parlant d’Easlya, parlait d’une sœur de sang, et elle semblait penser qu’Elera était de la même sorte… la sœur qui s’approche pour mieux trahir ? Qu’elle aurait voulu connaître Easlya, à ce moment là… Mais elle devrait faire sans, expliquer l’inexplicable à Marlyn.

- Easlya est ta sœur par le sang. Je suis ta sœur par l’esprit. Ce que tu veux dire par ‘’vraie’’ sœur, je suppose… Une sœur d’esprit est quelqu’un qui est là pour donner de sa force. Quelqu’un qui ne trahit pas. Quelqu’un sur qui on peut compter lorsque tout le reste devient mensonge. Quelqu’un qui ne déteste pas, quoiqu’il arrive. Quelqu’un qu’on peut appeler à tout moment, et qui répond à l’appel. Quelqu’un qui aime. Quelqu’un qui respecte. Qui sert à aider s’il ne reste plus rien, quand plus personne ne peut venir… Et moi… si tu as besoin de moi, je t’aiderai. Si tu veux que je parte, je partirai. Ce que tu veux, je suis prête à le faire pour toi, tant que cela ne va pas à l’encontre de ma voie…

Pause, avant de reprendre. La dernière phrase de Marlyn venait enfin de s’incruster dans son esprit, permettant à d’autres pensées d’éclore en elle. ‘’Ou à quoi servirait une sœur si on avait un Maître ?’’ Alors son maître était important pour Marlyn ? Plus qu’une sœur pouvait l’être… Elle avait déjà quelqu’un. Elle n’avait pas besoin d’Elera. Elle ferma les yeux, une seconde, deux. Marlyn… aimait ? Elera sourit en les ouvrants de nouveau. Maître du Chaos ? Peu importait à présent.

- Je suis heureuse que tu ais rencontré ton Maître, finalement…

En même temps, elle espérait que Marlyn ne se trompait pas. Elle se retourna et s’assit, imprudente et ignorante du danger, comme toujours. Ses jambes pendaient dans le vide qui n’était qu’une gigantesque étendue de noirceur dans la nuit, la brise soufflait doucement dans ses cheveux, et elle souriait calmement à la lumière de la lune. Il restait l’espoir, finalement. Il restait toujours l’espoir… Ce combat sans aucun sens entre les humains finirait. Elle ajouta à l’adresse de celle qui devait se trouver quelque part derrière elle :

- Lorsque tu voudras que je parte ce soir, je rentrerai à l’Académie. C’est là-bas que tu serais le plus en danger, et c’est là que je pourrais mieux te protéger. Je ne parlerai pas de toi, et si jamais… si jamais tu étais capturée, je t’aiderai. Je ne les laisserai pas recommencer… Mais Marlyn, je dois aussi protéger l’Académie si vous décidez d’attaquer. Alors j’espère que tu resteras aussi loin que possible.


En attendant… elles allaient parler. Tellement de choses à se dire, depuis la dernière fois. De trous à remplir. Elera aurait aussi voulu savoir si Marlyn acceptait qu’elle soit sa sœur… et si elle serait la sienne, ou si ca n’irait que dans un sens ; elle prête à l’aider, mais pas Marlyn. Ou si son Maître était le seul qui entrerait parmi ceux en qui elle avait confiance. L’un n’excluait pas l’autre… Mais Elera avait des connexions avec ces ennemis, il était logique qu’elle se méfit… Elle comprendrait de ne pas être acceptée. Une dernière question, avant de répondre à celles de Marlyn sur… l’Académie, peut-être.

- Es-tu heureuse, avec lui ?

Elera espérait que oui ; Marlyn le méritait, après tout ce qui lui était arrivé…

Marlyn Til' Asnil
Marlyn Til' Asnil

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MessageSujet: Re: Hier encore... (RP terminé)   Hier encore... (RP terminé) Icon_minitimeDim 22 Juin 2008 - 13:27

Malgré les apparences, l’apprentie Mentaï sentait que quelque chose n’allait pas. Pas dans la discussion qu’elle avait avec Elera, mais à l’intérieur d’elle-même. Son dos la lançait comme souvent, mais la douleur n’était pas forte ; persistante, collante, suffisamment agaçante pour déconcentrer. Elle la sentait fuser par vagues des trois cicatrices fines comme une lame, le long de sa colonne vertébrale. Un petit souvenir d’Ena Nel’ Atan..
Puis remonter par vagues le long de son épine dorsale, passer dans les épaules et des bras, agiter les doigts de tics nerveux. Oh, presque invisibles, d’autant que son interlocutrice avait tourné les talons pour aller s’asseoir sur la corniche, lui tournant ainsi le dos ; mais bien présents, et cela ennuyait Marlyn. Quand cela arrivait, et ça arrivait souvent ces temps-ci, il n’y avait pas grand-chose à faire qu’attendre en serrant les dents.
De ce fait, la jeune femme n’écouta que partiellement le discours sororal d’Elera, bien qu’en ayant entendu la majeure partie. Et comme toujours..

Elle ne comprenait pas Elera. Qui était prête à l’aider malgré les risques, prête à affronter ses supérieurs hiérarchiques comme le demi-faël. Inconsciente des risques, fidèle à son habitude.. Tenait-elle donc tant à suivre les pas de son aînée, de connaître cette salle d’agrément que l’on dénommait Salle de l’oubli, et se sentir brisée ?
Bien que ce ne soit sans doute pas le cas, il restait un peu de doute dans les paroles de la jeune fille ; à éclaircir. Mais après. Maintenant n’était pas le bon moment pour une question d’ordre macabre.
La douleur ne passait pas, comme escompté, et Marlyn tentait de la calmer en se massant les épaules, le dos, en vain. Une seule solution s’offrait dès lors à elle ; solution qu’elle avait toujours sur elle, dans un petit flacon dissimulé dans une poche intérieure de sa tunique.
Une phrase arrêta le geste de Marlyn vers son thorax..

Pourquoi Elera posait-elle une question pareille ? Pourquoi s’enquérissait-elle de sa relation avec son Maître chaotique ?

L’apprentie tiqua.

La curiosité de l’Académicienne touchait à un domaine que la jeune femme n’était pas sûre de vouloir aborder. D’un parce que ça dénudait toute son âme et parce que.. elle n’était pas sûre de connaître la réponse.

Pouvait-elle parler de bonheur maintenant ? Maintenant que le Chaos était inoculé dans son être, qu’elle se savait sujette à des crises de douleur inopportunes ?
Le Chaos pouvait-il être le bonheur, là était la vraie question. Et l’apprentie Mercenaire n’était pas informée de la réponse.
Quoiqu’Elera avait employé le terme d’ « heureuse ». Y avait-il donc une différence entre les deux mots ?
A n’en pas douter.. non. On en revenait au même point.

Un rictus affectait son visage, maintenant. Elle ne pouvait pas se concentrer ; la douleur augmentait petit à petit. N’étant pas en mesure d’appeler le rêveur, Marlyn devait se soigner seule, à l’aide de cette fiole qu’elle répugnait toujours à utiliser, par principe.
Pourvu qu’Elera ne se retourne pas à ce moment-là.

-Attends, deux minutes.

Enragée de n’avoir pu retenir la blancheur de sa voix, elle porta la main à la poche de sa tunique légère, et en sortit une petite flasque, de la taille d’une paume. Le mélange couleur tempête exhalait déjà le basique et l’amer. Marlyn hésita. Artaïel l’avait mise en garde ; la solution était dangereuse, et en boire devait être rare et mesuré. Ce n’était jamais arrivé jusqu’alors, car le vieil homme était toujours là pour la soigner si nécessaire.
Fallait-il que la douleur se réveille ce soir-là plutôt qu’un autre...
D’un geste vif, elle fit sauter le bouchon qui retenait le liquide, et le porta à ses lèvres, fixée sur Elera dans l’espoir qu’elle ne tourne pas les yeux.. pour la voir se droguer.

Le liquide brûla sa gorge amèrement, mais tout de suite, son dos la lança moins. L’espace d’une seconde, elle eut l’estomac au bord des lèvres, mais il revint rapidement en place.

Pour sûr, elle n’était pas prête de recommencer. Les premiers effets de la drogue se faisaient sentir intérieurement. Malgré cela, elle avait les idées claires et reprit d’un ton posé :


- Ta question n’a pas vraiment de réponses, Elera. Il n’y a pas exactement manière à être heureux, plus maintenant. Mais.. on peut dire que maintenant, je suis bien à ses côtés. Quand on y regarde, c’est un des seuls à n’avoir jamais fait mal. Et puis..

Marlyn s’arrêta, incertaine. De ce qu’elle allait dire, de ses mouvements, de la position de la jeune fille en face d’elle. Elle déglutit et but une rasade d’eau dans la gourde à sa ceinture. Ce n’était pas vraiment la douleur qui perturbait, mais non habituée à cette drogue étrange, il lui fallait du temps pour s’y habituer.
D’un pas lent et mesuré, elle alla rejoindre la jeune fille sur la corniche, restant tout de même assez éloignée du rebord de peur de basculer. A quelques centimètres dans le dos de son interlocutrice, elle reprit, l’œil fermé pour éviter le vertige :


- Et puis, je ne serais plus là, sans lui. Je serais sans doute un corps putréfié au fond d’une grotte, poisseux de sang et bouffé par les vers. Sans lui, on n’aurait pas eu cette conversation.


L’apprentie frissonna.

- J’étais en train de mourir quand il est venu, tu sais. La seule chose qui me raccrochait à ce monde, c’était l’espoir de le revoir. Pas de survivre, juste le revoir. Et quand il est venu, j’étais prête à lâcher. Quelques secondes plus tard..

Regarda Elera, qui était à présent tournée vers elle. Marlyn tremblait un peu. Etait-ce un effet de la drogue, ou l’évocation des souvenirs. Pour éviter de tomber, elle s’assit d’elle-même par terre.

- Tu voudras sûrement savoir comment j’en suis arrivée dans cette caverne, en train de me vider de mon sang, je suppose ?

Elera
Elera

Marchombre
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MessageSujet: Re: Hier encore... (RP terminé)   Hier encore... (RP terminé) Icon_minitimeVen 4 Juil 2008 - 1:28

C’est la blancheur dans la voix de Marlyn, plus qu’autre chose, qui tendit Elera comme un arc alors que celle-ci lui demandait d’attendre. Elle n’osa pas se retourner, ne sachant pas ce que Marlyn s’apprêtait à faire, mais finalement, ni tenant plus, elle jeta un coup d’œil en arrière. Juste le temps d’apercevoir une fiole qui disparait derrière le tissu de sa tunique. Elle ne fit pas de commentaires, laissant Marlyn lui répondre et s’approcher, mais déjà, les questions tourbillonnaient. Qu’était-ce ? Une potion contre la douleur ? Une drogue ? Elle ne trouva pas le temps de s’y attacher plus longtemps, et cette information partit prendre sa place quelque part au fond de sa mémoire, oubliée pour le moment au milieu d’autres banalités. Elle observait Marlyn, à présent, Marlyn qui plongeait d’elle-même dans ses souvenirs pour expliquer l’importance de son Maître. Elera ne le connaissait pas, elle savait qu’il était pour le Chaos et qu’il était avant tout un ennemi. Pourtant, elle aurait voulu pouvoir le remercier. Parce que lui, contrairement à elle, avait réussi à sauver l’ange de brume… Serrant les poings, frustrée à sa propre impuissance, Elera laissa la question de Marlyn lui tomber dessus comme une douche froide. Elle relâcha la pression sur ses mains, observant ses doigts fins qu’elle bougeait devant ses yeux. Motion souvent oubliée et méprisée, et qui pourtant elle utilisait tous les jours. Comment se sentirait-elle, si chaque mouvement lui apportait la douleur, comme Marlyn ?
…Si elle avait besoin de boire un étrange liquide pour se tenir debout ?

Savoir ce qui s’était passé… Oui, bien sûr, elle voulait savoir. Mais elle ne voulait pas amener plus de souffrance dans la vie de sa ‘’sœur’’. Mais Valen accepterait-il de lui raconter les événements ? Et s’il refusait, saurait-elle jamais ce qui s’était passé, ce qu’elle avait besoin de savoir ? Ou resterait-elle toujours dans l’ignorance ? La proposition de Marlyn était tentante, très tentante. Mais non ; Elera s’y refusait. Pas qu’elle ne se sente pas prête à entendre les horreurs que l’apprentie Mentaï lui raconterait ; pas qu’elle ne soit pas prête à ajouter encore de la culpabilité sur ses épaules pour ne pas avoir su ni avoir tenté quoi que ce soit pour les arrêter ; pas qu’elle ne soit pas prête à enlaidir encore la personne de Valen Til’ Lleldoryn et de ceux qui l’avaient sûrement aidé, dont Slynn sûrement ; pas qu’elle ne soit pas prête à entendre la haine que Marlyn avait sans doute envers ceux qui l’avaient détruits. Mais elle ne voulait pas que l’apprentie Mentaï se replonge plus en avant dans un monde qu’elle essayait d’éviter, ou en tout cas, qu’Elera pensait qu’elle souhaitait éviter. Pourtant, Marlyn avait elle-même proposé de lui en parler. Elle avait déjà commencé, et semblait prête à continuer. Peut-être avait-elle besoin d’en parler, ou qu’il était trop tard pour reculer ? Que sa présence seule avait ravivé ses souvenirs, et que maintenant, les former à travers les mots n’étaient plus insurmontable ? Toutes ses interrogations sur ce qu’elle voulait vraiment tourbillonnaient en une tempête de nouveaux doutes. Savoir, rester dans l’ignorance ? Et était-ce vraiment pour Marlyn qu’elle reculait, ou avait-elle peur des réponses ? Etait-elle vraiment prête, comme elle l’avait affirmé plus tôt ? Alors Elera répondit d’un mouvement de tête négatif et obstiné, tout en murmurant le mot contraire :

- Oui.

Levant les yeux vers la Mentai assise derrière elle, et d’un mouvement nerveux de la main, elle ajouta :

- Enfin, non.

Marlyn ne devait rien comprendre, Elera en avait conscience. Mais pour lui expliquer, il faudrait déjà que ses pensées soient plus claires… Elle tenta pourtant une explication hésitante, pesant chacun de ses mots en parlant lentement. Ceux qu’elle choisit, finalement, reflétait assez bien ses pensées confuses, mais restaient flous.

- Oui, je veux savoir, mais non, tu n’as rien à me dire. Tu devrais garder le silence. Mais… au fond, c’est à toi de choisir. J’en sais assez… en même temps, j’en sais tellement peu. J’ai découvert à tâtons, en devinant, en déformant les mensonges. Peut-être ai-je tout simplement peur.

Sur cette dernière révélation, elle se tut, complètement déroutée. Peur de quoi ? Elle ne savait même pas. Peur de savoir, peur de ne pas savoir… Peur de comprendre, et puis de rester dans l’incompréhension. Peur pour Marlyn, peur de la peur que sa sœur avait un jour supportée. Ce sentiment était nouveau pour elle. Bien sûr, elle s’était déjà retrouvée confronter à deux choix ; Marlyn ou l’Académie, par exemple. Mais le chemin restait clair. Là… Elle n’avait aucune idée de ce qu’elle voulait, de l’endroit où elle souhaitait aller. Ses pas qui la guidaient toujours restaient obstinément muets, et elle refusait de prendre un chemin au hasard. Son intuition si précieuse s’absentait. Elle reviendrait, Elera en était certaine. Mais pour le moment, elle restait dans le noir au milieu d’une salle, sans murs pour la guider, sans voix pour lui montrer le chemin, sans lumière qui brillait pour éclairer la sortie. Et elle restait là, indécise, attendant pour la première fois que quelqu’un d’autre fasse un choix sans qu’elle ne soit prête pour l’une ou l’autre des alternatives. Elle saurait, éventuellement. Elle savait qu’elle voulait savoir. Mais par la bouche de Marlyn, ou par celle de Valen ? Par celle de la victime, ou celle du tortionnaire ? Ou par les deux ? Ce problème commençait à lui donner mal à la tête. Elle fronça ses fins sourcils, repoussa une mèche de cheveux que le vent venait de pousser devant son visage. Puis, observant le vide nocturne sous ses pieds, elle haussa les épaules.

Tant pis.

Elle n’était pas prête, ne le serait jamais, et n’avait aucun moyen d’éviter ce qui arriverait éventuellement, que ce soit dans les minutes qui suivraient ou lors de son retour à l’Académie. Alors elle soupira, leva le menton, et attendit que Marlyn décide pour elle de lui donner un délai ou de la confronter maintenant aux réminiscences et à la douleur de celle à qui elle tenait tant.

Marlyn Til' Asnil
Marlyn Til' Asnil

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MessageSujet: Re: Hier encore... (RP terminé)   Hier encore... (RP terminé) Icon_minitimeVen 4 Juil 2008 - 3:09

De derrière, Elera ne pouvait pas voir Marlyn.
Et pourtant, elle ne semblait pas s’en inquiéter plus que cela. Ce serait si simple de sortir une dague, d’en dessiner une, ou, tout simplement, de faire un mouvement malencontreux des jambes pour pousser la jeune fille dans le vide. Ce serait si simple, et c’était bien là le problème. C’était trop simple, c’était lâche. Pourtant, elle était la lâcheté incarnée, étant versée dans le Chaos. Quel honneur y avait-il à attaquer de front et prendre des risques inutiles alors qu’éliminer par derrière était tellement plus simple, et tellement plus rapide.. Cependant, quelque chose retenait la jeune femme dans ses actes. Pour le moment, elle n’avait aucun intérêt à tuer son interlocutrice. Et, elle devait bien l’avouer.. Elle n’en avait aucune envie. L’excuse eut été qu’Elera avait en sa possession des informations dangereuses, son visage, l’endroit où elle était soignée.. En son for intérieur, Marlyn n’était pas sûre de ce qu’elle pensait de cette jeune fille. Trop réfléchie, oui, trop intelligente.. Et pourtant, elle semblait s’être attachée à la mercenaire du Chaos au-delà de ce qu’elle-même pouvait savoir, ou comprendre. Ou vouloir comprendre, peut-être.. Indécise quant à la marche à suivre, l’élève restait sans bouger, le menton sur les genoux, à observer le dos de celle qui serait un jour son ennemie ; son ennemie mortelle. C’était.. inévitable.
Heureusement qu’elle ne puisse être vue de l’Académicienne, dissimulée de son champ de vision. Le tic qu’elle venait d’avoir était une erreur à ne plus commettre. Ne plus s’attacher aux gens, ne plus jamais commettre l’erreur de s’attacher aux gens.. Ni les haïr violemment. Ne plus sentir que cette colère sourde au fond de l’estomac en pensant à eux, ne plus ressentir que de l’indifférence amère à l’évocation de leur nom. Mais pas de l’affection. Mais pas de la haine. Alors qu’en cette seconde,elle sentait au fond d’elle comme une vague sensation revenir, étrange..
Quelques minutes plus tôt, elle avait réussi à retrouver le centre de son Chaos intérieur, à ressentir cette plénitude en pensant à leur future souffrance.. Pourquoi était-il parti, maintenant ? Pourquoi ne pouvait-elle pas retrouver la tranquillité ténébreuse qu’elle méritait enfin d’avoir ? Pourquoi ? Cette potion y était pour quelque chose, il n’y avait plus aucun doute à cela. Cette drogue agissait sur son esprit comme un inhibiteur, un canalisateur de son Chaos, elle en était sûre. Hypocritement masqué en un anti-douleur, Artaïel avait trouvé le moyen de réduire à néant ce qu’elle s’efforçait de reconstruite en elle-même depuis déjà des mois ! Des mois entiers, à chercher le Chaos, à en trouver les miettes au fond de son âme disloquée, des mois entiers à reconstruire pièce par pièce le puzzle de son avenir, des mois entiers que le vieux fou s’efforçait de ralentir..
Mais c’était absurde. Le rêveur n’avait aucun moyen de savoir les ténèbres qui habitaient la jeune fille à présent, ni même de comprendre en quoi elle pouvait être reliée au Chaos. Il n’avait eu aucun moyen de le savoir, aucun. Pas mêmes ses vieilles techniques pour tenter de la sonder dans les Spires.. Il se contentait de l’aider, ce vieux dingo aux allures de moine.
Mais si cette potion n’avait rien à voir dans son trouble…

Pourquoi Elera lui faisait perdre tous ses moyens dès qu’elle croisait sa route ? Pourquoi fallait-il que Marlyn sente des failles se creuser dans son cœur ? Pourquoi n’arrivait-elle pas à la considérer comme les autres, à voir son corps hurler de douleur dans ses rêves comme les autres ? Y avait-il quelque chose de plus en elle, qui lui permît d’avoir compris comment percer l’apprentie Mercenaire ? Si c’était le cas.. C’était inquiétant. Parce que Marlyn n’arrivait pas à trouver la volonté de se prévenir des offensives affectives d’Elera ; parce qu’elle n’avait jamais vraiment pû trouver quelque chose pour en vouloir à la jeune fille ; parce qu’elle ne la comprenait pas, tout simplement. Mais ce que la Mentaï ne parvenait pas à cerner..
C’était la manière dont son propre comportement devenait totalement erratique et versatile en la présence de l’Académicienne aux cheveux roux. Elle se souvenait parfaitement avoir été maléfique pour quelques minutes. Elle se souvenait parfaitement avoir eu envie de tuer Elera. Et maintenant, elle n’arrivait tout simplement plus à la voir en ennemie ! C’était des plus frustrants ; des plus dangereux. Car tout comportement versatile.. voulait dire manipulation.
Il faudrait faire attention. Seulement.. elle se savait incapable de mentir à Elera, pour une raison inconnue.

Ou connue, mais trop inacceptable. Aussi, Marlyn n’y pensa pas.

Le « oui » était attendu de la jeune fille. Agacée de ne pouvoir réfléchir suffisamment à cause de la potion, Marlyn ne put qu’attendre la fin des tergiversations de celle-ci. Aussitôt suivie d’une réponse négative, la première ne valait plus rien. Sareyn ne comprenait plus. Ou comprenait trop bien le doute qui assaillait son interlocutrice. Quelle idée d’avoir proposé de livrer sa vie sur un plateau.. Maudite drogue ! Et maudites faiblesses physiques qu’elle sentait venir, sans que douleur ne vienne avec. Car cette solution n’était qu’à moitié efficace. Les carences physiques arrivaient bien, elles. Et elle ne savait les empêcher d’arriver. Les sentait se diffuser dans tout son corps, sentait ses bras lâcher petit à petit les genoux qu’ils maintenaient serrés contre la poitrine.
Ces crises d’énergie n’étaient pas fréquentes, mais elles arrivaient. D’après Artaïel, il fallait du temps à son corps pour supporter les dépenses qu’elle lui demandait, et les blessures dans le dos ne facilitaient pas la circulation nerveuse de son corps. Après, la jeune fille avait lâché le fil de l’histoire, parée à entendre sans écouter le pamphlet anatomique du rêveur.
Cependant, elle faisait attention, d’ordinaire, à prévenir cette perte d’énergie lorsque les premiers symptômes survenaient. Mais là, absorbée par la conversation éprouvant qu’elle avait avec la jeune Elera, elle s’était oubliée, et ça recommençait..
Il faudrait attendre qu’elle passe avant de vouloir esquisser le moindre mouvement trop complexe. Comme se relever, ce qui serait dangereux. Situation : elle était coincée assise, à devoir raconter le pire moment de sa vie à une fille avec qui elle voulait éviter tout rapprochement, qu’il fût haineux ou amical. Mais elle n’avait d’autre choix que de replonger en enfer pour quelques minutes…

Malgré les mièvreries hypocrites qu’évoquait Elera, Marlyn savait en son for intérieur qu’elle crevait de savoir ce qui s’était passé. Et bien elle allait lui donner entière satisfaction.. Espérant que c’était simplement pour dégoûter la jeune fille ; et non parce qu’elle avait envie, depuis des mois, de parler de cet « accident » à quelqu’un qui ne la jugerait pas coupable.
Pourvu qu’elle sache rester pragmatique, qu’elle ne se brise pas une fois de plus devant Elera.. Elle n’avait plus le choix.


- Très bien. Je vais te raconter ce qui s’est réellement passé. Je ne te cacherai rien, je te donnerai tous les détails. Je resterai objective. N’est-ce pas cela que tu veux, au fond ?


L’apprentie Mercenaire du Chaos s’arrêta un instant, le temps de déglutir. Ses forces diminuaient rapidement, et elle devait s’économiser, et le cacher à sa camarade. Tout faiblesse était faille ; toute faille était erreur ; toute erreur était fatale. La jeune femme se laissa lentement aller en arrière, sentant bientôt la pierre froide de son dos, passant un bras au dessus de ses yeux, pour cacher la lune.. et très certainement les futures larmes qu’elle verserait au cours du recit. La voix posée, et suffisamment déblanchie pour être plausible, elle commença :

- Vois-tu, j’étais à la cascade, avec ma sœur, Sayuri. Je venais de la sauver de sa tentative de suicide, et elle commençait à expliquer son amertume envers les Mercenaires. Je te passerai rapidement cet épisode, car il n’est pas très important. Il vint un moment où elle apprit que j’aime le Chaos, et elle tenta de me tuer. Nous nous sommes battues. J’avais presque gagné, elle était en train de mourir. Valen est arrivé. J’ai pris peur, nous nous sommes combattus. J’ai rapidement perdu, affaiblie par mon précédent combat. J’ai perdu conscience. Quand je me réveillai, j’étais liée, à la table de torture. On m’avait ôté mes vêtements, mais il faisait sombre. Je ne sais pas où ils m’avaient enfermée. Valen m’a laissé en compagnie de Slynn, les autres sont arrivés. On a commencé à m’interroger, j’ai rapidement haussé le ton, par peur. Ivan est alors arrivé, et m’a frappée pour me faire taire. Valen est revenu, et je sentais que les choses sérieuses allaient commencer..

Marlyn s’arrêta dans son récit. Sa voix tremblait à mesure que se rapprochaient les supplices. Elle n’en pouvait déjà plus, et étouffait. Ses yeux restaient secs, cependant. Après quelques minutes à retrouver un ton de voix stable et sérieux, blanchi par la faiblesse du moment, elle reprit, lentement, évitant le flot de souvenirs qui remontait impunément à elle :

- Valen ne m’a posé qu’une seule question, à laquelle j’ai refusé de répondre. Il s’est résigné. Ca a commencé. Ivan, sous ses ordres, a frappé, pendant un temps extrêmement long, mettant du sel pour que les blessures des gifles ne se referment pas. Je me suis débattue, j’ai refusé de coopérer. Il a sorti sa dague.. Il l’a chauffée à blanc. Et il a continué à frapper, tournant la lame pour que les plaies me brûlent encore après. Il évitait soigneusement l’abdomen.. Ena s’en est mêlée, a voulu me soutirer des informations. Elle m’a frappée à son tour.. puis a reculée. A mon souvenir, Valen est intervenu, après. Il a tenté de me convaincre de les rejoindre.. j’ai refusé. Alors il a arrêté –croyais-je- la torture. Ils sont partis. J’allais être éxécutée à l’aube, le lendemain. Ena est restée et a continué à me frapper. Pour me briser, elle m’a déchiré le dos de sa greffe. J’ai lâché n’importe quel nom, ça a semblé lui convenir. Seulement, après, je l’ai provoquée, j’en avais marre, je voulais en finir… Et elle m’a crevé l’œil droit.

Marlyn s’arrêta à nouveau. Ce n’était plus une hypothèse. Maintenant, elle tremblait de tout son corps, allongée par terre. Les larmes roulaient sur sa joue gauche, sans qu’elle ne cherche à les retenir davantage. Il fallait aborder la pire des parties…

- La nuit, j’ai perdu connaissance. D’après ce que je pense être vrai, je crois qu’Ivan a recommencé à profiter de moi cette nuit-là. J’allais mourir, je le savais. Mais quand je me suis réveillée, je n’étais pas à l’échafaud, mais juste en face d’Ivan Derkan. Il me frappait. Je crois qu’on était dehors. Il s’est mis à parler de notre fuite, et du plan qu’il avait en tête. Je ne suis pas restée réveillée très longtemps. Je suis vite retombée inconsciente. Il m’a à nouveau réveillée, dans une espèce de grotte. J’étais attachée, je ne comprenais plus rien. Il est parti. J’étais en train de mourir. C’était le pire moment de ma vie. J’ai attendu une nuit entière, j’avais mal. Je n’en pouvais plus. J’étais à bout de nerfs, et à bout de force. J’allais bel et bien mourir. Mais il est arrivé, il a commencé à me soigner.. Je suis tombée dans un espèce de coma. Quand je suis sortie, j’étais sur une table, à nouveau. La différence,c'est qu'elle était là pour me soigner et qu'il était là, à côté. J’étais sauve.

N’y pouvant plus, la voix de la jeune fille s’éteignit. Les images affluaient par dizaines, toutes teintées de sang, toutes avec ce même hurlement aux oreilles, toutes avec cette même odeur de chair brûlée… Elle avait choisi de le revivre, mais la réalité était là ; elle n’était pas capable de le revivre. L'élève se tut, n'étant plus en mesure de parler. La perte d'énergie l'avait rendue trop faible pour bouger, et le récit l'avait anéanti moralement. Le visage caché par son bras, elle murmura, à peine capable de calmer les tremblements :

- J'espère que .. ça te.. convient,.. Elera.

Elera
Elera

Marchombre
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MessageSujet: Re: Hier encore... (RP terminé)   Hier encore... (RP terminé) Icon_minitimeDim 6 Juil 2008 - 0:20

Elle allait tout lui raconter. Elera resta un instant immobile, prenant soudain conscience du bruit anormalement fort de son cœur qui battait dans sa poitrine. A part ces battements rapides qui se répétaient au fil des secondes, le temps semblait s’être arrêté. Puis la statue figée aux cheveux flamboyants sortit finalement de sa torpeur, lentement, comme après un long sommeil hivernal. Elle se releva, recula pour ne plus être aussi près du bord et les jambes pendantes dans le vide, puis s’installa un mètre plus loin, près de Marlyn, mais pas trop. Elles regardaient ensemble dans la même direction, celle du ciel noirâtre ; ou plutôt, leur têtes étaient tournées vers le vide galactique, mais aucune des deux ne le percevait. Marlyn, parce qu’un bras lui barrait le visage ; Elera, parce qu’elle fermait les yeux fortement… comme si cela suffirait à l’empêcher de visualiser des images de sang et de douleur. Le discours commença. Objectif… ce qui n’effaça rien du cauchemar qu’avait crée sa deuxième maison.

Première image. Le combat entre deux sœurs qui s’étaient un jour promises de veiller l’une sur l’autre, et qui finissait dans la trahison et le sang. Marlyn, essayant de tuer celle qu’elle avait souhaité protéger. L’inconnue, baignant dans le sang, la haine dans les yeux… A ce moment là, Elera comprit mieux que jamais pourquoi Marlyn la repoussait, encore et encore. Elle ne pouvait choisir le chaos et l’amitié, ces deux idées abstraites ne pouvaient se lier l’une à l’autre. Pour qu’elles s’acceptent, il faudrait que l’une des jeunes filles réfutent sa voie… ce qui n’arriverait pas. Les épaules d’Elera s’affaissèrent ; ce n’était que le début du monologue de l’apprentie Mentaï, et déjà l’un de ses espoirs se voyait déchirer en une myriade de miettes égarée dans le vent. Adieu, ma sœur. Si elles ne devenaient pas ennemies, comme le dictaient les voies du Chaos et de l’Harmonie, elles s’éviteraient, passant leurs vies loin l’une de l’autre ou s’ignorant lors de leurs rencontres inévitables. Comme deux fantômes translucides avançant dans deux mondes différents. Mais non, Elera s’y refusait ; il devait bien y avoir un moyen… un moyen pour que Marlyn ne dépende pas d’elle, qu’elle ait la preuve que jamais Elera ne se mettrait sur son chemin, et qu’elle lui fasse confiance, même relativement… Il devait… y avoir… un moyen. Elle le trouverait. Et s’il n’existait pas, elle le créerait.

Deuxième image. Une salle dans laquelle les ombres des instruments de torture se profilaient sur les murs, se mouvant en même temps que la flamme de l’unique bougie des lieux. Slynn, une lumière malsaine brillant au fond des yeux, un sourire macabre sur les lèvres. Et Valen… Valen. Le noble Chantelame aux principes d’acier, utilisant les armes du Chaos pour se battre pour la lumière. Le protecteur du Bien qui ordonnait qu’on torture une jeune femme qui n’avait jamais tuée qui que ce soit… Comment était-ce possible ? Mais les propos de Marlyn furent une bénédiction en même temps qu’une source d’effroi. Valen n’avait pas touché à l’apprentie Mentaï ; il avait ordonné sa mort… mais ne l’avait pas touchée. Il n’était pas aussi mauvais qu’elle ne l’avait cru… il n’avait pas eu la force de la battre lui-même. D’une certaine façon, il avait honoré la promesse qu’elle avait cru qu’il avait brisé sans scrupules. Il était peut-être le seul à mériter qu’elle pardonne. Même si… même s’il n’avait rien fait pour empêcher les autres de la détruire, comme elle l’aurait fait…

Troisième image. Ivan le pirate, Gardien des clés de l’Académie, la lumière se reflétant sur son poignard et coulant sur la lame comme du sang. Ivan qui éclatait d’un rire malsain dont l’écho se promenait encore sur les façades du cachot. Elera frissonna, imaginant l’horreur que Marlyn pouvait sentir à son égard, lui qui avait placé le sel dans ses blessures, lui qui avait brûlé son corps éternellement, lui qui avait profité d’elle ; et même si Elera ne comprenait pas vraiment ces dernières horreurs, elle savait que ce n’était rien de bon. En même temps que Marlyn, Elera imagina la descente en enfer.

Quatrième et dernière image. Ena… Un hoquet de surprise vint s’ajouter au récit ininterrompu de Marlyn. Ena… comment… pourquoi… Etrangement, elle ne douta pas de la vérité des mots de l’Enfant du Chaos, qui pourrait très bien lui mentir pour la tourner contre l’Académie, après tout. Pas un instant elle ne pensa qu’elle mentait ; et, claire comme la réalité, l’image d’Ena qui crevait l’œil de la jeune fille, le visage impassible, comme toujours, fut la pire de toutes les images qu’elle imagina dans les minutes qui suivirent. Une image qui la hanterait encore, spectre aux mains crochues sorti tout droit d’un cauchemar aux ombres on ne peut plus réelles. Son maître… une marchombre, qui suivait la voie de l’harmonie, blesser sans y être obligée ? Une marchombre, faisant preuve de cruauté, détruisant une élève pour le plaisir de la détruire ? Une marchombre… non. Ena n’était pas une marchombre, quoiqu’elle affirme. Peut-être était-ce prétentieux de l’apprentie qui suivait ses pas de pointer du doigt les défauts du maître ; mais à partir de maintenant, Elera ne pourrait jamais plus penser à Ena comme une marchombre. Lorsqu’elle rentrerait à l’Académie, elle…

Elle…

Que ferait-elle ? Comment pourrait-elle observer tous ces gens en face, alors qu’elle connaissait en détails les souffrances qu’ils avaient fait subir à une élève qui pouvait encore les rejoindre par des moyens plus doux ? Ils avaient créé leur pire ennemie de leurs propres mains. Peut-être vacillait-elle encore, à l’époque ; après ca, comment aurait-elle put les voir comme autre chose que la source de ses malheurs ? Quelle ironie. Le Chaos et l’Harmonie n’existaient plus dans sa vie ; après tout, l’Harmonie utilisait le Chaos, et le Chaos l’Harmonie… Tout se mélangeait, plus de blanc, plus de noir, juste du gris, partout, partout. Et le rouge du sang qui venait tacher la couleur uniforme. Plus tôt, c’était son intuition qui s’était envolée ; à présent, c’était son chemin qui disparaissait peu à peu, ses rebords de lumière pâlissant avant de s’éteindre comme une luciole dont la source d’énergie venait de s’épuiser. Si être marchombre, ca voulait dire torturer ceux qui choisissaient une autre voie, elle ne voulait pas être marchombre. Ena ne l’amènerait pas passer l’Ahn Ju. Elera ne suivrait plus les cours d’Ena… Cette pensée l’enfonça encore plus profondément dans l’obscurité.

La voie des marchombres pulsait en elle… elle n’avait pas d’autres choix que de suivre ce chemin, le seul qui existait à ses yeux. Au fur et à mesure que ce chemin s’effritait et que ses pierres disparaissaient, elle remarquait que c’était de là que venait sa seule lumière. Elle ne trouvait pas d’autres voies… Elle ne servirait jamais le chaos, elle ne volerait jamais des vies comme les guerriers, elle n’avait pas accès à ces autres dimensions que chérissaient les Rêveurs et les Dessinateurs, elle ne serait pas une simple marchande, elle ne pouvait plus vivre seule dans la nature alors qu’elle venait à peine de voir qu’elle ne comprenait rien, elle ne pouvait pas être juste forgeronne à fabriquer pour que les autres agissent… c’était elle qui agissait… elle ne voulait pas aider les autres à vivre selon leurs envies d’un instant, elle voulait vivre elle-même… vivre la lumière et l’ombre… vivre l’eau et le feu… vivre le vent… vivre en harmonie avec le monde et tous ses habitants… Vivre…

…Marchombre.

La voie s’éclaira. Si, elle passerait l’Ahn Ju. Si, elle suivrait l’entraînement marchombre. Si, elle suivrait le chemin qu’Ena avait abîmé dans son esprit. Ena n’était pas marchombre ; Elera ne la suivrait pas, mais elle trouverait quelqu’un qu’elle puisse suivre et en qui elle aurait confiance. Et elle n’avait plus confiance en la Dame mystérieuse au passé brumeux et aux secrets dissimulés derrière un silence qui refusait les questions. Si son chemin avait le même nom, il était différent. Ena Nel’ Atan n’était pas l’incarnation de La Voie… Il existait beaucoup d’autres marchombres, différents d’elle. Elera les suivrait. Mais son ancien Maître venait de faire une chute du haut de la montagne. Indigne du titre qu’on lui avait accordé. Indigne de cette voie qu’elle avait arpentée malgré tout. Indigne de cette confiance qu’Elera lui avait offerte. Elera ne sentait plus rien envers celle qui lui avait appris à manier les mots et le bâton, à présent. Juste le vide, alors que le spectre revenait percer l’œil. Encore. Et encore.

Un autre doute vint s’insinuer en elle. Ena se disait marchombre, elle ne suivait pas la voie d’Elera. Marlyn se disait Chaos, elle n’avait jamais tué personne. Valen se disait gentil, il ordonnait la mort et prenait la vie des autres. Pourquoi tous ses mensonges, tous ses secrets, toutes ses trahisons ? Pourquoi fallait-il qu’ils rendent les choses si compliquées ? Les humains… Finalement, leurs mots ne voulaient rien dire. Ils n’étaient que sons à la signification momentanée, parfois faux, souvent incomplets, surtout vides. Mais aussi vrais à certains moments, rendant le tout difficile à trier… Le silence, lui au moins, ne mentait pas. Elera se souvenait de ses années dans les montagnes, aux côtés d’une sœur qui lui parlait sans murmurer un mot. Elle se souvenait de la Sœur des Loups, qui elle aussi chantait le langage du silence. Les humains avaient perdu cette langue, cette compréhension, ce silence qui n’était que vérité. Quel gâchis… Elera se promit de ne jamais l’oublier. Et de ne jamais s’envelopper des illusions mensongères du peuple avec qui elle vivait… même si pour ca elle devait le quitter certaines fois, comme elle l’avait fait après le bal superficiel. Elle ne croirait plus les mots seuls.

Elle n’aurait plus confiance en tout ceux qui croisaient sa route. Ses yeux s’ouvrirent soudain, lui dévoilant la nuit et la larme de l’Enfant du Chaos sur le sol.

Marlyn méritait sa confiance ; si Elera n’avait jamais vraiment vu les exploits qui avaient donné sa réputation à Valen, si elle n’avait jamais senti une once de gentillesse en Slynn, si elle n’avait jamais compris ce qui se cachait derrière le visage impassible d’Ena, Marlyn ne se cachait pas, ou tout du moins n’arrivait pas à se cacher d’Elera. Peut-être parce que les barrières que l’Enfant du Chaos restaient invisibles aux yeux de la lotra, contrairement à celles des adultes qui avaient eu toute une vie pour se protéger de la confiance, de l’amitié et de l’affection… Elera n’avait pas de murailles comme celles-là ; elle n’avait rien à dissimuler. Pas de haine contre laquelle se protéger, pas d’ennemis forgés à coups de dagues brûlantes, pas de peur contre une vengeance qui pourrait fondre sur elle à tout moment. Et peut-être que d’autres penseraient qu’elle était faible ainsi, sans bouclier contre le danger ; pourtant, elle se sentait plus en sécurité que bien d’autres Alaviriens… Plus que Valen, Slynn et Ena, par exemple, qui devait sûrement attendre la vengeance de Marlyn… Celle-ci tremblait devant Elera, à bout de force mentalement et physiquement. Elera s’approcha et s’assit à genoux à ses côtés. Elle n’avait pas soufflé un seul mot depuis son hoquet de surprise à la mention du nom d’Ena, offrant son support à Marlyn à travers le silence. Le silence qui ne ment pas, et qui lui ferait comprendre qu’Elera n’était pas contre elle… Le regard triste, elle attrapa la gourde qui pendait à sa ceinture pour la porter aux lèvres de l’apprentie. Après que celle-ci eût avalée une gorgée tant bien que mal, forcée par Elera et trop faible pour se débattre, la lotra ouvrit enfin la bouche :

- Chaos et Harmonie ne sont pas incompatibles. Parfois, ils ne sont qu'un..."

Seule conclusion qu'elle tirait de ce qu'elle avait appris. Que le Bien n'etait pas toujours bien, le Mal pas toujours mal, les gentils parfois mechants, les mechants parfois gentils. Que l'eau et le feu pouvait s'allier, et que les couleurs se melangent... Elle posa ensuite une unique question, sur un ton neutre qui ne disait pas qu'elle empecherait Marlyn de le faire...

-Te vengeras-tu ?

Marlyn Til' Asnil
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MessageSujet: Re: Hier encore... (RP terminé)   Hier encore... (RP terminé) Icon_minitimeVen 18 Juil 2008 - 0:57

Il y avait des ombres sur la paroi.. Cette image résonnait dans l’esprit de la jeune femme comme un glas. Les ombres la suivraient toujours, elles étaient partout, dans sa tête, partout, partout… Des formes allongées et tiraillées, qui coulaient le long de la roche sans un bruit, sans un seul semblant de réalité. Oui, il y avait des nouveaux des ombres sur la paroi. Et même si son regard était éteint et qu’elle avait son bras en travers du visage pour lui masquer le panorama, Marlyn les sentait glisser sur une faille, tourner autour d’eux comme des démons voraces, avides de savoir ce qui allait se passer et dévorer le tout un peu plus, perdre le tout un peu plus. Ces ombres étaient ordonnées. Rangées impeccablement, telles des fantassins partant au combat, telles des simulacres d’Ordre ou d’Harmonie. Des simulacres, ce n’était rien de plus, ça ne pouvait rien être de plus. De simples rêves tourmentés et oubliés depuis des mois, oui, de simples rêves...
Il y avait des ombres sur la paroi. Elles murmuraient, avides du sang qui coulerait peut-être, qui coulait déjà dans les veines des deux protagonistes ; avides de cette discussion déchirée et silencieuse, de leur non-dits, des larmes, des tremblements, des fiertés perdues ou ravalées, d’un peu de ce Chaos qui était en train de se modifier.. Peut-être de s’épurer au final. Oui, il fallait peut-être tout ressortir de la mémoire, recracher les derniers caillots de sang qui étaient restés coincés à pourrir dans son cœur ; et puis, Marlyn ne pouvait cacher qu’elle avait envie de parler, de se confier un peu, de déverser ses amertumes, et au diables les camps et convenances. Le monde ne viendrait pas les chercher sur les Dentelles Vives, et l’apprentie était de toute manière allée trop loin dans la discussion pour avoir envie de jouer son rôle. Même si elle était définitivement convertie à ce Chaos qui l’avait pris sous son aile, elle était en train de réagir infantilement ; instinctivement ; violemment à ce qui était en train de se passer. Peut-être finalement était-elle un instant redevenue complètement démunie, comme elle l’était longtemps auparavant. Ou alors, tout simplement, elle avait des réactions trop tardives d’enfant en mal d’affection.
Mais qu’importait.

Il y avait des ombres sur la paroi, et ça faisait peur. La dernière fois qu’il y en avait à la regarder en ricanant de leurs chicots de ténèbres, elle se réveillait d’un sommeil artificiel, sur une table opératoire, mal partout et sang qui coulait, visage inconnu, peur, lui, mal, peur. Et les murs de crépis étaient tribunes aux ombre, qui l’observaient, si impuissante ; Quelques secondes plus tard, on l’avait rendormi pour continuer à la soigner. Mais les ombres tournaient toujours sous son crâne défoncé, et leurs ricanements finissaient par angoisser proprement Marlyn, qui n’entendait plus que là les aboiements sadiques d’Ivan Derkan, un écho de cri, un lambeau de gémissement ou de supplication. A l’instant, ils étaient bien plus présent qu’Elera, qui pourtant était juste à côté. Ils s’étaient détachés du mur, et respiraient le mal, la douleur, l’angoisse. Et tout ça c’était juste dans sa tête, mais c’était là.. et dans sa tête.
Un peu comme l’eau qu’elle sentait sur ses lèvres, il y avait les ombres avec, ils puaient le froid, ils s’infiltraient avec.. Ces ombres au nom de souvenirs, remords, douleur.. Erreurs et résignation. Et...

Chaos et Harmonie ne faisaient parfois qu’un.

Les mots qui venaient d’être prononcés prirent Marlyn de court. Qui les avait prononcés ? Etait-ce Elera, les ombres, ou elle-même dans un moment d’égarement ? Il y avait eu tant de silence juste avant, c’était plus plausible que l’Académicienne avait parlé.. Et pourtant, elle semblait si tacite que c’était étrange. Le silence avait été bien trop présent, mais qui l’avait brisé ? Si seulement elle avait trouvé un peu de volonté pour se redresser et ouvrir l’œil, embrasser un peu la scène du regard et retrouver ses esprits, perdre les ombres à la lumière de la Lune. Seulement, avant qu’elle trouve de quoi se relever, Elera –elle en était certaine à présent- reprenait la parole, pour lui poser une nouvelle question. Question qu’elle craignait, qu’elle redoutait, à laquelle la réponse était extrêmement complexe. Ou alors trop lointaine pour que Marlyn en saisisse encore l’ampleur. Maintenant, la partie était devenue trop élaborée pour qu’une vengeance personnelle puisse se faire.. Ou alors il faudrait de la chance. Oh, elle aimerait faire couler leur sang entre ses phalanges brisées, sentir des os craquer sous les coups qu’elle donnerait, aspirer leur dernier souffle pour enfin trouver la plénitude en elle-même. Déchirer quelques tissus d’une dague, leur cracher au visage, ou leur murmurer mille maux et malédictions à l’oreille, eux à terre en train de mourir. Lors de la bataille, peut-être.. Ce qui signerait probablement son arrêt de mort. Même si elle se vengeait de l’un d’entre eux, les autres directeurs la trouveraient, elle était condamnée. Et puis se sacrifier pour une bête vengeance n’était d’aucune utilité pour le Chaos, leur complot, son Maître.. Non, elle ne pourrait sûrement jamais tuer tous ceux qui la hantaient, là, sur la paroi.
Ces ombres à la droiture de Valen, la perfidie de Slynn, la perversion d’Ivan, la tricherie d’Ena, et cette double image en permanence...

Il y avait des ombres sur la paroi ; à l’Académie, dans les rangs de l’Empereur, à la traquer, elle et les Mercenaires, leurs ténèbres, et leur tentative pour redresser le monde ; il avait des ombres pas loin, peut-être en Elera, peut-être là, tout près, tout près..

Paranoïa.

Et, c’était justifié. Après ce qui s’était passé, la jeune femme voyait les ombres partout. Peut-être était-ce mieux, peut-être pas. Elera ne pouvait pas les voir, les ombres, elle n’était pas allée les côtoyer sur les frontières de la mort, elle était pas doucement en train de sombrer dans la folie. Car elle devait l’admettre, Marlyn se rendait bien compte qu’elle ne pensait plus du tout pareil qu’avant, qu’elle devenait étrange, et versatile, comme une bête effarouchée. Seul son Maître arrivait à canaliser son pouvoir pour la garder consciente de ses actes, ou attachée à la réalité. Mais toute seule, sans les soins du rêveur et avec les ombres..
Elle se sentait d’ailleurs repartir, incapable d’empêcher cette inconscience démente, même si elle restait nuancée et contrôlable.
Même les soins du rêveur ne pouvaient pas réparer l’esprit, c’était un fait indéniable et irréparable. Peut-être avec le temps.. Mais le Chaos n’avait pas besoin qu’elle redevienne complètement saine d’esprit. Après tout, trop de crainte et trop de méfiance, un peu de folie pour effacer la peur, tout ceci était largement suffisant. Tout cela sans que son Maître ne s’en aperçoive, qu’Artaïel ne vît rien.
Être utile à cette œuvre dont elle était une pièce était prioritaire sur sa propre vie, sa propre rationalité, tout comme ses sentiments ou sa vengeance. Secouant légèrement la tête de droite à gauche nerveusement, Marlyn répondit, les larmes ayant fini par se tarir :


- Non, tout est devenu trop.. compliqué. Je ne saurai jamais me venger sans mourir. Et je ne peux pas mourir pour une futilité pareille.

Ver de terre. Le mot résonna soudain dans son esprit. Les ombres le criaient, le murmuraient. Ver de terre, ver de terre… Comme mue par un ressort, Marlyn se redressa en position assise, faisant valser la gourde qui était restée à côté. Ver de terre.. Avec un vague regard d’excuse pour la jeune fille juste à côté d’elle, l’apprentie Mercenaire se redressa de toute sa longue silhouette, avant de se rasseoir en tailleur après avoir dégourdi ses jambes. Ses forces, sous l’effet de la peur et de la honte, étaient revenues, et elle ne cessait de jeter des regards sur la paroi, là où les ombres insultaient. Ver de terre, petit ver de terre, rampe donc sur le sol, ver de terre que tu es...
Vermisseau, oh petit ver, lombric, raclûre...
Qu’ils se taisent, par la Dame.. Marlyn n’arrivait plus à se concentrer suffisamment sur leur discussion pour que ses hallucinations s’en aillent. Et elle ne pouvait décemment pas aller taillader un mur de granit sous prétexte qu’il y avait des ombres, c’eut été d’une inconvenance des plus piètres. Alors le silence s’installa entre elles deux, Marlyn luttant doucement pour ne plus être un ver de terre ; Elera se demandant sûrement pourquoi rien ne sortait des lèvres parsemées de tics de son interlocutrice. Ce silence pesant.. Comme celui qui avait été son compagnon toute une nuit, à peine ponctuée par de brefs murmures de douleur quand elle reprenait conscience, ou par quelque couinement de rat attendant qu’elle meure. Il y avait aussi le silence d’Artaïel, ce silence plus chaud et rassurant, lors d’une des séances de soin où il passait des heures les yeux fermés, les mains sur le corps de sa protégée, à réparer quelque lésion qui restait. Silence, silence.. Toujours provoquant, parfois rassurant, jamais protecteur. Et c’était assez ironique, d’ailleurs.

Quelques mois auparavant, ses souvenirs lui montraient, elle allait souvent seule dans le Parc pour trouver le silence, quand celui-ci l’aidait encore à se concentrer sur le Chaos. Depuis qu’elle avait connu l’enfer, le silence la déconcentrait plus qu’autre chose et la laissait en proie à un combat intérieur contre les ombres. Car...


- Il y a des ombres sur la paroi, murmura-t-elle pour elle-même.. qu’elle croyait.
La réalité la rattrapa subitement, et Marlyn releva la tête vers Elera, priant de tout son corps pour qu’elle n’ait pas entendu.. ce qui, à en juger par la mine surprise de l’Académicienne, n’était pas le cas. Elle allait se douter de quelque chose, que la jeune fille débloquait, qu’elle avait des visions.. Nan, nan, ça n’allait pas du tout, ça, la situation devenait franchement embarrassante. Regardant ailleurs pour trouver quelque chose pour se justifier, Marlyn observa les profondeurs abyssales des hauteurs à leurs pieds. Il faudrait bien trouver quelque chose, ne serait-ce que pour ne pas passer pour une demeurée auprès de la seule personne en qui quelque chose battait peut-être encore dans sa poitrine, hormis son Maître. Si seulement les ombres n’avaient pas été là, elles auraient continué à parler, Marlyn aurait pu continuer à se livrer comme ça, sans capacité de retour...
L’élève se mordit la lèvre. Pas un seul commencement d’idée d’excuse, ou de question totalement hors-sujet pour dériver. Le silence devenait franchement pesant ; pour elle du moins. Pour tuer le temps, elle prit la gourde qui avait volé un peu plus loin, et en but une autre gorgée sans vraiment y penser. Plus rien ne la préoccupait qu’Elera, et les ombres. Le reste avait disparu dans le flou, laissant juste ces deux entités nettes, dans son esprit trop imaginatif. Oh, tellement faible, comme toujours...

- Elera, il y a des ombres sur la paroi.. Elles viennent me chercher. Quand sonnera l’heure, elles viendront me chercher. Elles sont là, tu les vois pas ? Regarde, regarde.


Les mots sortaient tout seuls, alors que Marlyn n’essayait même plus de les retenir, se sachant incapable de dire autre chose ou de se raisonner. Avec des gestes lents, un peu décalés et rêveurs, elle se releva et alla contre la paroi. De près, les ombres se cachaient et ne chuchotaient plus. La jeune femme passa les doigts sur la pierre, sentant le froid là où elles étaient, chuchotant de temps à autres quelques mots pour résister. Elles ne bougeaient plus, les « Ver de terre ! » s’étaient tus, elles avaient sûrement peur que le Chaos les approche de trop près. La peau écorchée par les aspérités de la pierre, l’apprentie Mentaï revenait quelques secondes à la réalité, le temps de crisper la mâchoire pour garder le contrôle. C’était tellement agaçant de succomber aux ombres et à la faiblesse comme ça, d’être tellement versatile et d’humeur différente à chaque minute.. Sûrement un de ces coups de poing avait brisé quelque chose qui maintenait la logique dans sa tête.. auquel cas c’était plutôt embêtant.

Les ongles enfoncés dans les paumes, elle s’arrêta, et lança à l’intention d’Elera :


- Regarde les ombres, elles sont là.. *Arrête-moi, arrête-moi..* Elles me font peur, elles étaient là dans la grotte, elles criaient déjà la même chose. Tu dois pas les voir, ça vaut mieux. On ne les voit pas lorsque la Mort n’est pas venue. *Viens, à côté, fais quelque chose, mais reste pas plantée là.. * Elera, dis-moi, si un jour tu dois me tuer, tu le feras ?

Elera
Elera

Marchombre
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MessageSujet: Re: Hier encore... (RP terminé)   Hier encore... (RP terminé) Icon_minitimeDim 20 Juil 2008 - 22:03

Des ombres ?
Pourquoi Marlyn avait-elle peur des ombres ? N’était-elle pas sous les ordres du Chaos, ne trouvait-elle pas de protection dans les ténèbres ? N’était-ce pas la lumière qui l’aveuglait ? Et qu’essayait-elle d’avouer ? Pourquoi toutes ses inspirations comme si elle allait parler, suivies de longs et pesants silences ?

Oh, mais les réponses attendaient à portée de main. Elle l’avait déjà prononcée, quelques secondes auparavant. Où était-ce plusieurs minutes ? Le silence que Marlyn n’arrivait pas encore à briser se prolongeait. Et la réponse résonnait encore dans ses oreilles. Le Chaos et l’Harmonie parfois ne sont qu’un. Les ombres deviennent lumières, la vérité mensonge, l’amitié trahison. Voilà pourquoi elle avait peur des ombres… Alors qu’Elera les combattait de tout son être, suivant toujours le chemin de sa vérité, Marlyn doutait, ne savait plus où était sa place, ne souhaitait même plus chercher, seulement obéir, suivre la voie tracée par d’autres. Suivre ceux qui ne l’avaient pas détruite, et ceux qui l’avaient sauvée.

Aux yeux d’Elera, aucune silhouette dansante ne se profilait sur la paroi. Pourtant, elle devinait que si les ombres n’étaient qu’une métaphore dans sa tête, elles devaient réellement hanter l’esprit blessé de Marlyn. Elle avait beau regarder, suivre les doigts de Marlyn qui fouillaient entre les pierres, seul le vide lui répondait. Elle voulait l’aider ; mais comment, alors qu’elle ne savait même pas ce qui torturait encore son amie ? Elle ne pouvait pas supprimer des ombres qui n’existaient que dans l’imagination de l’ancienne Felixia, elle ne pouvait pas effacer des souvenirs déchirants qui remonteraient de toute façon à la surface à la moindre douleur physique, elle ne pouvait pas rassurer Marlyn puisque le passé ne changerait jamais ; elle ne pouvait pas claquer des doigts, puis voir la douleur s’évaporer. Marlyn devrait vivre avec la souffrance, sûrement toute sa vie. Aucun moyen de retourner en arrière n’existait. Elle devrait avancer, encore, toujours… mais elle n’avait pas besoin d’avancer seule.

Elera s’approcha, et alors que Marlyn déclarait qu’Elera ne voyait pas les ombres, qu’elle avouait sa peur, qu’elle posait cette question qui devait l’effrayer aussi, Elera prit sa main, la serrant doucement. Sa réponse retentit sans hésitation, la question à peine terminée d’être posée. Elle ne réfléchit même pas à la réponse ; elle n’en avait pas besoin. C’était clair comme le ciel, vrai comme la nuit, direct comme la lumière des étoiles.

- Non.

Elle aurait pu lui demander ce qu’elle voulait dire par devoir, elle aurait pu donner des conditions, elle aurait pu expliquer, ou ajouter un ‘sauf’ ; après tout, elle était incapable de lire le futur. Mais elle n’en fit rien. Si on lui ordonnait de tuer Marlyn, elle ne pourrait pas le faire ; elle s’en savait incapable. Le Devoir ? C’est lui qui avait mené Valen, Slynn et Ena vers leur perte. Elle ne ferait rien qu’elle ne voulait pas faire. Une pointe de culpabilité la traversa alors qu’elle pensait à ces bandits des Plateaux d’Astariul, morts sous ses flèches, alors qu’elle ne le voulait pas. Mais ce jour là, c’était eux ou elle, et elle avait choisi de sauver sa vie. Pour Marlyn… elle n’était pas sûre de pouvoir choisir la même chose. Et elle espérait ne jamais se trouver dans cette position. Elle n’avait pas peur de la mort ; mais elle aimait vivre, aussi. Non, elle ne tuerait pas Marlyn, même si cela l’emportait vers sa propre perte… elles étaient sœurs. Elle mourrait pour Faryna, elle mourrait pour Marlyn. Et elle ferait tout pour éviter de se retrouver dans pareille tragédie. Elle se répéta alors, la voix emplie de certitude et de douceur.

- Non, Marlyn, je ne te tuerai pas.

Ce non n’avait pas l’irréversibilité du premier, de celui qui était sorti tout droit du plus profond de son être. Mais celui-ci était plus posé, plus logique, plus rassurant. Son cœur refusait, son esprit refusait. Et sa main, qui serrait encore celle de Marlyn, refusait elle aussi.

- C’est une promesse. Seule toi pourras m’en défaire.

Ses mots n’avaient peut-être plus aucune importance ; la certitude dans la voix d’Elera avait dû dissiper tous les doutes concernant sa réponse. Pourtant, Elera voulait qu’elle le sache ; si un jour, elle voulait mourir… Mais Elera préférait ne pas y penser. Les chances qu’elles en arrivent là étaient maigres, et se perdre dans les ‘et si…’ ne servait à rien. Ce n’était pas. Ce ne serait peut-être jamais. Elle y penserait quand elle y serait, et seulement si elle y serait un jour. Elle tenait toujours la main froide de l’Enfant du Chaos dans la sienne ; elle n’osa pas la lâcher, et n’en avait pas envie. Elle était là ; elles étaient ensemble ; elles n’étaient pas en danger, pour l’instant. Elera releva la tête pour observer le dôme étoilé.

- Oublions ensemble, veux-tu ? Oublions nos camps, oublions notre passé, oublions qui nous sommes. Juste pour un instant. Une fraction de seconde, oublions nos noms. Oublions les ombres. Ignore-les, pour le moment. Ne les regarde pas, ne les écoute pas, ne pense pas à elles. Le temps d’une nuit, ne soyons plus que deux êtres dans les montagnes. Et observons les étoiles…

Elle s’assit contre le pic surélevé, emportant Marlyn dans son geste, puisqu’elle ne lâchait pas sa main, sans vraiment la serrer, sans vraiment la tenir fermement. Cette main qui, elle aussi, était barrée d’une cicatrice à la douleur lointaine. Elera sentait la peau plus fragile sous ses doigts, mais elle n’essaya pas d’éviter la marque ni de la toucher en particulier. Elle l’ignorait, tout simplement, comme si elle n’existait pas. Ou plutôt, comme si elle existait mais n’avait aucune signification, aucune importance pour elle. Juste là, juste normale, juste une partie de Marlyn comme une autre. Et elle regardait les étoiles. Les reflets argentés de la pleine lune éclairait leur visage, le sommet à quelques mètres de leurs têtes s’enflammait sous ses rayons. La lumière envahissait le ciel noir, et pourtant sous leur pied il n’y avait que l’abysse. Sûrement était-ce dû à l’altitude. Assises aussi haut, la lumière était assez forte pour les éclairer, mais pas pour leur dévoiler le paysage alentours. Mais ca n’avait pas beaucoup d’importance ; elles ne discernaient pas ce qui se passait en bas, mais il y avait déjà tellement de choses à observer en haut…

Elera ne savait pas ce que ressentait Marlyn, à cet instant. Etait-elle calmée, les ombres s’étaient-elles évanouies sous la lune ? Avait-elle encore peur, perdue sans comprendre la sérénité qui envahissait à présent Elera ? Parce qu’elle avait douté sur cette montagne, elle aussi, mais le passé de Marlyn n’avait rien à faire entre elles. Valen. Slynn. Ena. Elle penserait à eux quand elle le devrait. Elle penserait aux mensonges de sa race plus tard. Parce qu’ici… ici, il ne restait que la vérité. Marlyn avait tout dévoilé. Les doutes qui la faisaient trembler avaient aussi reconstruit son chemin avec des pierres plus solides. Ce pic était un sanctuaire aux barrières immuables et impénétrables des autres, où ne restait plus que la simplicité, à présent. Pour elle, en tout cas…

Son esprit se tendit naturellement vers Marlyn, sans qu’elle ne sache exactement ce qu’elle faisait, sans qu’elle n’y réfléchisse. Elle le fit, tout simplement. Comme avec Faryna, quand elle se tendait vers elle pour la contacter. Comme avec Sil, quand elle était morte et qu’Elera lui avait envoyé un dernier adieu, sachant qu’elle ne recevrait jamais de réponse. Comme avec Alatariel, quand celle-ci lui avait parlée à travers le Dessin. Dans son esprit, une image. Celle du ciel étoilée, d’une brise d’été, et puis d’un sommet élevé. Pensait-elle pour elle-même, ou Marlyn avait-elle reçu son image à travers l’Imagination ? Etait-ce la réalité, ou seulement une réconfortante illusion ? Elle posa son regard sur le visage de Marlyn, attendant une réponse qui ne tarderait pas à venir.

Marlyn Til' Asnil
Marlyn Til' Asnil

La Borgne
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MessageSujet: Re: Hier encore... (RP terminé)   Hier encore... (RP terminé) Icon_minitimeLun 21 Juil 2008 - 2:40

La pression sur sa main fit relever la tête à Marlyn. Les ombres ondulaient, mais la présence physique et le contact d’Elera semblaient les avoir floutées légèrement. Comme si il y avait une espèce d’aura qui environnait la jeune rousse, au point de diminuer un peu la peur de Marlyn. Pourtant, les ombres la narguaient derechef, changeant de registre, la qualifiant de « faible » « incapable » et autres noms d’oiseau que Marlyn encaissait du mieux qu’elle pouvait. Ne pas réagir ouvertement, il ne fallait pas que la jeune Académicienne s’aperçoive qu’elle interagissait avec des hallucinations, des purs produits de son imagination torturée. Etait-ce donc pire que cette torture physique, d’être hantée cinglée même des mois après ? C’en était effrayant, totalement fascinant... Pourtant, la jeune apprentie ne pouvait les empêcher d’apparaître à son regard à moitié rescapé, et de cracher des insultes comme elle crachait intérieurement sur les hommes qui hantaient ses rêves. Oh, tous ces Maîtres Académiciens qui trônaient sur leur piédestal et broyaient impunément ses nuits... Qui un jour comprendront ce qu’il en coûtait de s’attaquer au Chaos, de lui avoir donné pareil être humain.. Marlyn sentait son pouvoir augmenter de jour en jour, comme elle grandissait, gagnait en maturité et en forces mentales.. grâce à Artaïel. Elle auraît du être Sentinelle.. Elle deviendrait Chaos grâce au Mentaï qui l’avait recueillie.
C’était tellement cocasse de sentir cette main rassurante et chaude dans la sienne, alors que l’être à l’autre bout était un élève de l’Académie. Mais.. elle était Elera avant tout. Et Marlyn pouvait très bien se mentir en disant être sans-cœur, elle savait très bien qu’au fond, elle n’arrivait pas à haïr Elera. D’un côté, cela la frustrait à un point tel qu’elle s’en déchirait les sentiments, de l’autre elle était plutôt contente d’avoir.. quelqu’un de son âge à qui parler, même pour quelques heures avant de redevenir ennemies. Cependant, les quelques miettes d’honneur qui lui restaient la rendaient encore légèrement distante et méfiante, se visualisant en train de fondre totalement devant une Académicienne, alors qu’elle avait mis des mois à se reconstruire. Au fond, elle ne saurait sûrement pas tuer Elera, mais elle ne pourrait pas la protéger totalement si son Maître avait d’autres idées.. Restaient les moments comme ceux-ci, où personne ne savait ce qui se passait, et où Marlyn ne craignait pas grand-chose ; pouvoir quelques heures laisser tomber les masques et les armes...

Le Non, répété à trois reprises, eut à nouveau pour effet de calmer les ardeurs des ombres. Comme si la présence de quelqu’un juste à ses côtés les rendait plus respectueuses.. C’en devenait fascinant tant c’était incompréhensible. La main glissée dans la sienne calmait tout. Comme cette main maternelle qu’elle n’avait jamais connue. Comme celle d’Arwen, en moins.. moins. Mais Arwen était un souvenir lointain, et devait être oublié. Il ne fallait jamais se rattacher aux moments où l’on était encore plus faible qu’avant. Et pourtant.. Stop. Arrêter d’y penser. Ruminer le passé trop profond ne servait qu’à faire saigner le passé plus proche. Juste quelques autres larmes grenat à ajouter aux autres. Et cette impression que là où elle était , la vieille femme devait être totalement désespérée de ce que la jeune fille était devenue. Une épave, en fait. Incapable de se reconstruire, démolie, soumise, incapable de se suivre toute seule. Il fallait quelqu’un à ses côtés pour vaincre les ombres. Oh, c’était tellement loin de l’autodidactisme de son enfance... Mais c’était trop tard.

Ce semblant de fierté s’effaçait dans cette main qui serrait la sienne. Et Marlyn, comme toujours, se laissa diriger, et s’assit en même temps que l’Académicienne, qui murmurait pour la rassurer, la détacher des ombres.. Dont le murmure incessant était troublant, blessant, froissant.. et flou. Les mots n’atteignaient plus comme avant, elles se confondaient entre elles et se percutaient. C’était tellement amusant de voir son combat intérieur dans des folies de son esprit projetées sur les murs. Et maintenant qu’elle tournait le dont à ce qui avait écorché le bout de ses doigts quelques minutes auparavant, l’être chaotique se sentait légèrement plus en sécurité. Ne plus voir les courbes aux relents d’amertume, aux échos de torture. Et sentir cette main, toujours, les doigts contre les siens. Sans plus rien penser. Sans même penser à regarder les étoiles. Ne plus rien voir, ni entendre. Juste sentir les doigts contre sa paume, s’inquiétant légèrement qu’il restât une cicatrice qu’elle pût sentir, dans sa chair. Un des nombreux, trop nombreux coups de dague brûlante que son corps avait accueilli. Et qui à présent, était bien dérisoire, puisqu’aucune des deux ne réagissait ouvertement à celle-ci.
Pourtant, malgré ce calme apparent..
Marlyn n’était pas entièrement rassurée. Même si ce silence-là n’était pas oppressant et angoissant, cette sérénité qui les entourait était étrange. Trop calme pour la jeune fille du Chaos, peut-être. Et puis, le silence était souvent ponctué par les ombres qui crachaient encore les pensées intérieures de Marlyn. Deux personnalités complètement différentes, deux sentiments négatifs.. Et juste dans son corps lacéré. De la honte, un crachat de fierté brisée, et de la peur, de la faiblesse.. Si Marlyn n’avait pas été si mal, elle en aurait presque ricané. L’idée même de rire n’était pas dans son vocabulaire, ricaner était à la limite de l’imaginable. Tellement pitoyable... Ver de terre, oui. Et pas fière de l’être.
Non. Oublier, qu’avait dit Elera. Oublier qui on est, on pourrait ou voudrait être. Juste un moment, un petit moment. Et.. regarder les étoiles. Même si Marlyn ne comprenait pas l’intérêt de ces petits points blancs dont elle ne savait rien, elle se força à ouvrir l’œil.
La pupille dilatée par la violente lumière laiteuse de la lune, sur le point de fermer la paupière, elle se força à contempler un instant la voûte céleste, et le plafond étrange aux points blancs.
Et ce silence.. Non, Marlyn ne supportait décidément pas le silence trop long. Elle s’apprêtait, après une longue respiration, à reprendre, mais quelque chose la coupa. Etait-ce la légère pression entre ces doigts, le regard perçant qu’Elera lui portait à présent, cette impression étrange d’être épiée ? Que se passait-il ? Que venait-il de se passer ? Pourquoi tout était tendu, là ? Youhou, Mayday Mayday..
Le doute perça un peu son regard. Il devait bien se passer quelque chose, là. Sinon, Elera ne la regarderait pas comme ça. Dans le doute, Marlyn ouvrit rapidement son esprit aux Spires, pour sonder les alentours..Et reçut de plein fouet cette image. Quelques points blancs, des rayons figés, un fond noir, le vent qui soufflait.. D’où venait cette image ? Pourquoi Elera la regardait comme ça ?



Le Dessin ? Les Spires.. Elera venait manifestement de lui envoyer un message dans les Spires. Mais pourtant, à l’Académie, elle ne suivait pas la formation des dessinatrices, mais celle des marchombres. C’était tellement étonnant, et innatendu que Marlyn ne put s’empêcher de détourner le regard, ouvrir la bouche, la refermer, murmurer à voix haute :

- Ce n’est pas possible... Non. Pas possible.

Avant de reporter son regard inquiet sur la jeune Académicienne. Avait-elle donc dissimulé à tout le monde son potentiel don du dessin ? Non, impossible, Marlyn aurait senti sa présence dans les Spires bien avant ça, et malgré le fait que l’image lui était parvenue, elle ne sentait aucune présence dans les Spires. A peine un frémissement.. et pour tout dire, l’apprentie doutait qu’il appartint à Elera. A voir plus tard, quand la première peur sera passée. Pour le moment, serrer la main de l’Académicienne pour se rassurer, et empêcher les ombres de revenir dans les Spires, les empêcher de briser la barrière matérielle. Si elles franchissaient les Spires, la rationalité de Marlyn risquait fort de disparaître petit à petit, bouffée de l’intérieur. Mais pour le moment… Puisqu’il semblait qu’elle avait trouvé cette étrange relation dans les Spires avec Elera, qui n’était pas du dessin, pas du psyché.. Elle comptait en profiter. Comme ça, le compromis entre elles était trouvé. Marlyn, qui avait peur du silence, pourrait parler. Et le silence serait tout de même respecté pour sa jeune cadette, qui l’appréciait plus que la parole. Alors Marlyn investit pleinement les Spires, savourant quelques secondes cette puissance retrouvée, pas encore pleinement. Les possibilités, la fuite dans un monde que Valen ne pourrait jamais connaître, la puissance, SA puissance. Celle qu’on ne pourrait jamais totalement lui voler, lui absoudre, lui détruire. Oh, il suffirait de peu pour l’en amputer, pour la réduire à un pouvoir infime.. Mais les Spires seraient toujours là, comme un refuge. Et Elera semblait avoir trouvé un moyen de communiquer avec elle d’une manière peu orthodoxe. L’apprentie Mercenaire communiqua alors.
Non, pas des mots. Plus besoin de mots, alors que les images suffisaient. Marlyn allait montrer comment elle voyait le monde, d’un seul œil..

Alors l’image apparut dans leurs deux esprits, du moins l’espérait-elle. La Lune, trop brillante, trop blanche, presque aveuglante, la lumière légèrement accrue. Puis la vision redescendit, plongeant dans les abysses noires de la canopée trop distante, avant de remonter le long de la paroi. Où il y avait les ombres, qui ricanaient, dont les épaules fantomatiques et illusoires se secouaient lentement, tandis que les formes se dissociaient et retombaient, pour se mouvoir et en former d’autres.. Alors les murmures reprirent. Ver de terre, vil lombric, râclure, faible vermisseau.. Aux allures mal griffonnées de Slynn, Valen, ces fantômes douloureux. Mais la jeune femme y faisait moins attention. Dans le monde réel, la main était toujours dans la sienne, peut-être un peu plus fort. Et dans les Spires, elle espérait qu’Elera voyait tout ça aussi, ou si son esprit déconnait complètement dans des hallucinations collectives. Toutefois, d’autres images apparurent dans les Spires. Un peu moins contrôlées. Marlyn essayait de filtrer dans son esprit, de choisir des images neutres ou apaisantes, comme un diaporama pour tenter d’exprimer sa gratitude envers la jeune fille qui était à présent tout contre elle. Lentement, l’apprentie chaotique se sentait rassurée, et se rapprochait mentalement et physiquement de l’Académicienne. Partager quelques images de la belle époque d’avant la conversion, une musique dont elle se souvenait de son enfance.. Et recevait de temps à autres des images provenant de l’esprit d’Elera. Partager des souvenirs..
Cependant, les ombres murmuraient encore et toujours. Et dans une attaque massive, vinrent complètement perturber la concentration de la jeune femme, l’empêchant de sélectionner les images qu’elle voulut partager. Une partie de son âme occupée à combattre contre les ombres qui insultaient, crachaient, sûrement sans qu’Elera les voient, tout revint à la surface. Des flashs partagés de cauchemars, d’images sombres.. De son parfois. Tout revenait pêle-mêle, et Marlyn luttait de tout son être pour reprendre le contrôle. En vain. Non, il ne fallait surtout pas que la jeune fille aux cheveux de feu voit ça.. Surtout pas. Stop, stop, stoop..

Le contact fut brusquement rompu entre elles deux. Elles rouvrirent les yeux en même temps à la nuit. Marlyn détourna rapidement le regard, en proie avec quelques reflets de leur relation mentale trop vite coupée. Le silence redevint pesant entre elles deux. Marlyn ne put tout simplement plus tenir la main d’Elera, après l’erreur qu’elle venait de commettre et ce qu’elle venait de lui montrer à son insu. Alors elle retira ses doigts sans brusquer et se releva, gênée, par les ombres et ce manque d’attention. Sans nul doute, c’était sa cadette qui avait interrompu le lien dans les Spires entre elles deux. Marlyn n’avait tout simplement pas réussi et rien d’extérieur n’était intervenu. Intérieurement, elle se soulageait que son interlocutrice ait compris si vite. Et ne disait rien. Tournant complètement le dos à Elera, Marlyn s’enveloppa de ses bras, chassant les mauvaises pensées de sa tête une à une, avec méthode.

- Pardonne-moi. Je.. Je ne voulais pas te montrer ça. Tu n’aurais pas dû les voir. Non, il ne fallait pas que tu vois. Elles le méritent pas que tu les vois, ces images. Juste de me hanter.. Pardonne-moi, pardonne-moi. Si faible..


Négligemment, Marlyn alla effleurer une petite lame, qui était restée cachée dans sa ceinture depuis quelques minutes dessinée. Et la sentit disparaître entre ses doigts, désagrégeant le dessin volontairement. Plus d’acier, bientôt.
Et pourtant, trop faible pour qu’il puisse être valable, cet instinct étrange d’être observée. Et cette pierre qui roula de la paroi, pour aller sombrer dans le vide.
Oh, hallucination, sans nul doute.


Elera
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MessageSujet: Re: Hier encore... (RP terminé)   Hier encore... (RP terminé) Icon_minitimeLun 21 Juil 2008 - 20:27

Marlyn avait reçu son image, son étonnement le prouvait bien. Un sourire vint doucement éclairer le visage d’Elera. Ca avait marché. Elle pouvait communiquer avec d’autres que sa sœur… Et Marlyn répondait, envoyait ses images. Elera ferma les yeux, comprenant mieux qu’elle n’avait jamais comprit auparavant. Les ombres. Les cris. Les insultes. Mais effacés dans l’arrière plan à présent, comme un brouillard flou auquel on ne fait plus attention, trop occupé par la présence plus réelle de l’herbe sous ses pieds. Elle voyait la musique, les souvenirs d’antan, et Elera envoyait à son tour ses images. Sa sœur qui courait entre les arbres, la louve en train de hurler à la lune, la surface plate et sans vague d’un lac un jour sans vent, les lettres tracées timidement à la plume alors que l’itinérante lui apprenait à lire, les parties de cache-cache entre les arbres… Toutes ses images sans importance d’un passé lointain. Mais alors qu’Elera envoyait l’image d’éclats de rires autour du feu, l’image des danses nocturnes et de la fumée qui monte doucement vers le ciel, le cauchemar commença. Les cris, la douleur, l’odeur nauséabonde, la peur, la douleur, la souffrance, la haine, l’impuissance, la douleur, la peur, la mort… Elera sentait tout comme si elle y était, comme si elle le vivait en ce moment-même. Les illusions de l’esprit devenait vraies… Elle cria, peut-être. Qu’en savait-elle ? Le sang dans sa bouche… Mais non, tout était dans sa tête, cela n’était pas réel… elle devait…

Lâcher. En même temps qu’elle coupait le contact dans les Spires, Marlyn lâcha sa main et ouvrit les yeux à la nuit. Elle n’avait pas de sang dans la bouche, elle avait toujours ses deux yeux, son dos ne la faisait plus souffrir, elle n’avait plus peur, plus mal. Mais des larmes coulaient sur ses joues, la stupeur se reflétait sur son visage. Et, en se concentrant sur une partie de son corps, elle pouvait encore ressentir la douleur imaginaire
*Non. Je vais bien. Je vais bien… Ce n’était que dans ma tête, dans mon imagination, dans le passé d’une autre, tout va bien, mon corps est en parfait d’état, je n’ai pas mal…*
*Mais Marlyn, si…*
C’était horrible. Tellement pire que simplement écouter le récit des horreurs. Elle avait du mal à croire que c’était fini, à présent, alors que le vent séchait ses larmes, que les ombres disparaissaient des murs. Pourtant elle ne pouvait s’empêcher de jeter quelques coups d’œil nerveux sur la paroi, et puis de toucher son œil, cet œil qu’elle avait cru disparût un instant. Mais non, elle était dans son propre corps à présent, pas dans celui de Marlyn un an auparavant, pas dans un souvenir sanglant. Ici. Maintenant. Tout allait bien. Calme-toi…

Pardonne-moi ? Pardonner quoi ? Marlyn ne voulait pas, les souvenirs l’avaient juste inondée, enterrée, repoussée sans qu’elle ne puisse rien faire. Et à présent… Elera en savait plus sur Marlyn qu’elle n’aurait jamais voulu savoir. Elle déglutit, avant de parler au dos de Marlyn, qui s’était détournée d’elle, comme une dernière protection.

- Marlyn Til’Asnil… tu es la personne la plus forte que je n’ai jamais rencontrée. Je te l’avais déjà dit, il y a bien longtemps… Je t’avais dit de ne pas oublier. Tu n’es pas faible. Tu as survécu là où n’importe qui d’autre serait mort. Là où je serai morte. Tu as confiance en ton maître, et en moi, alors que d’autres se seraient enfermés en eux-mêmes pour ne plus jamais être trahis. Tu supportes encore le poids de ton passé, alors que d’autres auraient préféré mourir plutôt que de supporter ca. Tu es forte. Plus forte que tous les autres qui n’ont jamais su…

Et là, la pierre roula sur la paroi. Et là, Elera reprit pour de bon conscience de son propre corps et de la réalité. Détachée. Sans le contact dans les Spires, elle l’aurait remarqué plus tôt… Une présence. Elera se retourna, s’approcha du bord, là où elle s’était assise plus tôt dans la soirée, sans attendre la réponse de Marlyn. Curiosité se mêlait à la peur alors qu’elle se penchait prudemment. Le noir complet des abysses, comme elle s’y était attendu. Pourtant la pierre avait roulé, et elle ressentait une présence… Présence qui disparu soudain. Elera ne comprenait pas. Elle devait prévenir son amie, quelque chose d’étrange prenait place…

- M…

Elle n’eut pas le temps de finir sa phrase. La présence était là une fois de plus ; pas en bas sur la paroi… juste derrière elle. Et une main bourru venait de se plaquer sur la bouche d’Elera, qui comprit enfin que depuis toute à l’heure, un homme les écoutait… La lame se plaça rapidement sur son cou. Il allait la tuer, silencieusement, avant de tuer Marlyn. Et tout ca parce qu’elle l’avait entendu… Hors de question.
L’homme ne devait pas être si doué que ca. Il pensait qu’une dague sous sa gorge la paralyserait, alors qu’elle avait encore les bras et les jambes libres ? Elle n’avait que quelques secondes avant que la dague s’enfonce dans la peau.
Mais elle ne voulait plus avoir mal. Pas après ce qu’elle avait vécu mentalement…

Des dents qui s’enfonçaient dans les doigts charnus, un pied qui écrasait des orteils cachés sous des bottes noirs, un coup de tête en arrière qui vint percuter un nez, puis Elera profita de l’espace entre la dague et elle, formé lorsqu’elle avait reculé en frappant, pour s’éloigner vers la droite. D’un violent coup sûrement précipité par la peur de voir son plan tomber en miettes, l’espion rapprocha la dague, effleurant sa peau ; le sang perlait sur la mince lacération qui barrait à présent son cou, mais pour le moment, Elera ne sentait pas encore la douleur. Elle se retourna, sortit son mini-sabre. Entre temps, Marlyn s’était retournée pour englober la scène… Elera faisait face à l’homme. Qui était-ce ? Que faisait-il ici ? Pourquoi avoir essayé de la tuer ? Avant qu’elle ne puisse réfléchir à l’une ou l’autre de ses questions, l’espion se mit à l’œuvre. Elera n’évita que de justesse l’arme qui s’approcha d’elle.
*Rapide… Il sait ce qu’il fait, finalement… Je n’ai même pas le temps d’attaquer, seulement d’éviter ses assauts…*
Elle peinait. Surtout que, soudain, une pierre apparut de nulle part juste là où elle allait se réceptionner, la déséquilibrant une seconde, suivi de près par une épée derrière elle. Deux fronts, elle n’y arriverait pas… Puis la voix de Marlyn retentit, finissant de briser sa concentration.

- Pousse-toi, Elera ! Laisse-moi te protéger !

La dague mordit dans la chair. Elera lâcha le sabre, désarmée à présent, et recula précipitamment, suivant le conseil de Marlyn. C’était à son tour de se battre, sûrement avec le Dessin… En attendant, Elera contournait le pic, se mettant hors de portée, attendant la suite. Si Marlyn voulait la protéger… Elle ne pouvait pas aller contre ses désirs. De toute facon, l’homme était trop fort pour elle. Il avait l’expérience et les raisons de se battre de toutes ses forces, alors qu’elle n’avait ni l’une ni l’autre… Elle aiderait, mais seulement si Marlyn en avait besoin. Mais elle était forte, plus forte que tous les autres. Elle s’en sortirait sûrement seule. Elle en avait besoin, surtout. En attendant… Elera relâcha son attention du combat qui n’était plus le sien, observant le dos de sa main. La dague avait entamé la peau du poignet jusqu’à son index… Ca y est, elle sentait le sang pulser en même temps que la douleur. Pourtant… pourtant, ce n’était rien. Elle la ressentait, mais… ca n’avait aucune importance. Tellement bénin, comparé à la torture mentale… Elle frissonna, ne souhaitant pas y repenser. Mais au moins le cauchemar avait eu un effet positif… Elle déchira un morceau de sa tunique, le noua autour de sa main tout de même. Puis elle releva les yeux. A présent… elle allait récupérer son sabre.

***

Par le roi puant des Raïs !

Il s’était fait avoir comme un débutant. Dame Myra ne serait pas contente… Tout était bien parti, pourtant. Il avait recherché la fille qui s’était enfuie, l’avait trouvée, puis suivie en essayant de découvrir si elle était ou non des Mercenaires. Il en avait douté fortement. Calme et confiance l’entouraient. Mais ce n’était peut-être qu’une illusion… C’était un travail facile. Elle ne faisait aucunement attention à ce qu’elle faisait, même si elle ne laissait pas beaucoup de traces derrière elle. Il s’était ennuyé à mourir pendant cette semaine à la suivre depuis Al Vor, où il l’avait croisée par hasard sans y faire attention, avant de remarquer qu’elle ressemblait trait pour trait à l’un des dessins qu’on lui avait tendus, en lui demandant de trouver ses personnes. Il n’avait pas compris pourquoi elle ne se cachait pas si elle était recherchée de l’Eclipse, mais après tout, peut-être ne le savait-elle même pas.

Et puis elle avait eu la stupide idée de grimper les Dentelles, et il avait été obligé de la suivre en la traitant mentalementde tous les noms au passage. Il avait mal aux mains, ca l’énervait, le soleil lui tapait sur la nuque, et en plus elle risquait de le voir. Quelle n’avait pas été sa surprise en arrivant en haut ! Il n’aurait pu rêver mieux. Deux noms, d’abord. Elera et Marlyn. Et puis cette conversation qui frisait les histoires à l’eau de rose, les ‘oh, tu m’as manquée !’, la confiance, l’amitié, les promesses. Des bébés, les deux femmes étaient des bébés. L’une plus que l’autre, d’ailleurs. Mais il y avait aussi cette histoire de torture… la folie de l’autre là, Marlyn, avec ses histoires d’ombres… Puis le silence. Où il s’était demandé ce qui pouvait bien se passer, sans oser monter plus haut pour voir, sinon il se ferait attraper. A moins qu’il ne fasse un pas su le côté, qu’il jette un œil, qu’il redescende… Mais quand il s’était ouvert aux Spires, il était tout de suite reparti. La plus âgée était là. Il devait rester discret. Surtout qu’il avait de très intéressantes informations. Alors comme ca, l’imprudente était amie avec une Mercenaire du Chaos… Dame Myra le couvrirait d’or.

Sauf que la pierre avait roulé. Sauf que l’idiote avait l’oreille fine. Sauf qu’il avait paniqué, quand il l’avait attrapée. Dire qu’au lieu de s’enfuir, il avait essayé de la tuer… C’était lui, l’idiot. Qu’est-ce qui l’avait poussé à agir ainsi ? Mais il s’était vite reprit, et il ne ferait plus aucune erreur. Il ne paniquerait plus, c’était l’acte d’un imbécile. Mais maintenant il était devant l’autre, celle qui le suivrait sans aucun doute s’il essayait de s’enfuir d’un pas sur le côté.

Idiot, idiot, idiot.

Maintenant, il n’avait pas le choix. Il devait les tuer.

Marlyn Til' Asnil
Marlyn Til' Asnil

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MessageSujet: Re: Hier encore... (RP terminé)   Hier encore... (RP terminé) Icon_minitimeMar 22 Juil 2008 - 1:13

Les images, les sons, les échos, les reflets.. Tout ça se bousculait dans sa tête, alors qu’elle tentait de les oublier, de les réenvoyer dans l’abîme de son âme, là où était leur place. Ils ne devaient pas être partagés, personne ne devait subir, même pour quelques secondes, même mentalement, ces violences. Elles n’en valaient pas la peine. Surtout pour Elera. Oh, oui, ces ombres ne valaient rien, et surtout pas la peine qu’Elera les voit et en prenne peur. A quoi bon avoir peur de simples hallucinations que l’Académicienne ne reverrait jamais.. Et puis toutes ces images de torture, elle n’aurait pas dû les voir. Jamais. Ne pas sentir le sang qui coulait tout doucement, glacial, d’entre les dents, des blessures, des paupières, des mains, de partout.. Savoir que son sang était le sien..

Et à la réaction d’Elera, qui semblait avoir du mal à se remettre de ce qu’elle avait vu par accident dans les Spires.. Marlyn, par coups d’œil dans son dos, voyait bien que sa cadette avait peur que les ombres ne reviennent hanter son esprit, ou vérifiait que tout n’avait été qu’une vision. Qu’elle regrettait de n’avoir su la protéger de ces visions infernales.. C’était un nouvel échec. Sur son esprit, qu’elle ne contrôlait pas. Sur elle-même, et puis pour Elera. Elle n’était pas capable de la protéger du mal qui l’environnait, elle l’apprentie du Chaos. La jeune fille n’avait pas besoin dans ses cauchemars, elle avait largement le droit d’en être épargnée. Se faire pardonner, un moyen de se faire pardonner.. Marlyn avait le dos tourné à la scène pour pouvoir culpabiliser sans que cela ne se voit. Elle sentait bien à quel point ces visions avaient perturbé Elera, et préférait ne pas l’affronter visuellement. La brise nocturne venait se glisser sous sa tunique légère, qui ondula légèrement là où elle n’était pas moulante. Le froid eut pour conséquence de calmer légèrement l’apprentie, et de lui remettre quelques idées en place. Même si ce pardonne-moi résonnait encore dans sa tête, en une prière muette à une quelconque Dame. Pour la première fois depuis.. depuis tellement longtemps, des années, peut-être toujours, la jeune femme ne voulait pas perdre ce semblant d’amitié qui la liait à la jeune fille derrière elle. Pour de simples fantômes de son esprit, pour cette erreur si grave et contraignante..
Les mots qui résonnèrent contre la paroi, entre elles deux, mirent beaucoup de temps à s’éteindre à la lune. Quelques mots les uns à la suite des autres.. Son nom, évoqué comme une accusation, dans une salle d’audience au parquet d’ébène, palissé de regards austères et critiques.. Seulement, la suite fit voler en éclat la salle d’audience. Le cœur de Marlyn se serra, alors que sa gorge faisait de même, comme une dernière limite à la crise de larmes. Non. Elle n’avait que trop pleuré ce soir, même pour mille ans. Et ce semblant de fierté de..
Ver de terre.
Elle en avait presque oublié les ombres, qui maugréaient toujours, seulement pour elle, maintenant qu’Elera était partie de son esprit. Ces ombres qui coulaient pour se retrouver dans son champ de vision, glapissant parfois quand la Lune les surprenait et brûlait un peu de leur perfidie, mais invincibles. Il fallait absolument se faire pardonner.. Trouver quelque chose pour se faire pardonner. Débloquer ce nœud dans son cœur, là où il n’avait pas sa place pour une Mercenaire du Chaos. Pour elle. Pour Elera. Et pour le Chaos, qui avait besoin d’elle entière, sans crise intérieure. Seulement, avant que la jeune femme n’ait eu le temps de reprendre clairement ses esprits, elle sentit Elera se relever, et semblait-il s’approcher un peu de la paroi. Avait-elle également entendu cette pierre qui tombait, ou quelque autre détail avait piqué sa curiosité ? Et pas de réponse. Juste le silence, peut-être un soupçon d’inquiètude.

Quelque chose.. quelqu’un venait d’empêcher Elera de parler. C’était tellement.. évident. Totalement alertée, Marlyn se retourna avec une rapiditité agitée, ouvrant son esprit aux Spires comme un gouffre, pour s’y investir avec inquiétude. Ce qu’elle vit lui glaça le sang. L’éclat d’une dague, des reflets argent plaqués par la Lune. Une ombre, une silhouette adulte, masculine. Elera, sous la lame, une main en bâillon sur les lèvres. Une dague, son éclat. La teinte carmin. Le blanc de la Lune dans le reflet. La dague. Le noir des habits de l’homme. Le danger. Elle voyait le danger, sentait le danger, entendait le silence lui crier « Danger ». Ca puait la vilenie.. Cependant, Marlyn était tellement surprise par la scène effroyable qu’elle resta cloué sur place, incapable de prendre une décision, un mouvement, un dessin.. quelque chose, pour sauver Elera.. ! Pour la deuxième fois de la nuit, la situation lui échappait complètement, totalement, carrément. Alors qu’elle ne bougeait pas, la jeune Académicienne s’était défaite de l’emprise de son agresseur. Amèrement, Marlyn songea furtivement que leur enseignement était pas mal, à l’Académie.. A moins que ce ne fut les propres capacités d’Elera qui étaient intervenues, ce qui semblait plus logique..
Le sang. Celui qui coulait de la lame, dans un bruit d’acier glissé mordant. Celui qui perlait sur la peau de sa cadette. Celui qui tourna au feu dans les veines de Marlyn quand elle vit Elera tenter de se battre contre son adversaire, et être dominée. Celui qui perlait à nouveau de la peau de l’Académicienne, alors que ce traître, ce lâche, était dessinateur.
Les mots qu’elle cria alors sans s’en rendre vraiment compte furent comme un détonateur dans l’esprit de l’être chaotique. La scène prit toute son ampleur, et la concentration reprit place. Le sang. L’ennemi. C’était un combat à mort, un combat seule. Elera avait compris et s’était écartée du lieu de combat d’elle-même pour se protéger. Un dessinateur. Un combattant au corps à corps. Tout d’un Mentaï, et pourtant, il ne l’était pas. Aurait pu l’être dans une autre vie ? Plus que probable. Mais là n’était plus la question. Les ombres criaient « A mort. ». Le combat serait mortel. Et c’était tellement effrayant que Marlyn était en pleine possession de ses moyens.
Dans un chuintement fauve, les shurikens prirent place dans ses doigts, là où auparavant ils étaient dans la tunique. Dix jets. Le dessin à porté de main. L’adversaire qui la fixait, attendant qu’elle bouge pour la piéger.
Bouillant intérieurement, Marlyn s’efforça au calme, fixant de son œil unique le regard de son adversaire, cherchant à le glacer intérieurement. Le Chaos battait sans sa poitrine douloureusement, a contrario de cette douleur physique qui s’était évaporée. Le sang d’Elera. Le pardon. L’erreur. Commettre une erreur. Demander pardon. Faire couler le sang. Le sang. Le sang. Le chaos. Elera. L’espion. Le combat.
A mort.

Marlyn se jeta sur lui avec une force nouvelle, projetant sur l’homme un de ses Shurikens, en une strie métallique et luisante. Celui-ci l’évita, mais cette diversion permit à Marlyn de le percuter de tout son corps, déviant la lame qui devait l’embrocher avec le bras ; suffisamment pour que cela ne la tue pas, pas assez pour que sa tunique fut épargnée. Le bruit de tissu déchira emplit les oreilles de Marlyn, dont le sang battait les temps frénétiquement. Pardon. Prouver à Elera qu’elle pouvait la protéger. Le Pardon, le Pardon.
Le choc dans les Spires. Il était puissant, très puissant. Mais elle allait lui prouver qu’elle l’était encore plus. Que le Chaos était plus puissant, pur, qu’il vaincrait la félonie et la lâcheté. Marlyn roula au sol pour éviter un coup d’estoc censé l’embrocher, et lâcha une autre de ses étoiles. Un sond suraigu dû à la vitesse, il déchira un accroc dans le bras de son adversaire. Vinrent les Spires. Alors que l’homme attaquait de front, feintant, rapidement, trop rapidement, un dessin apparut derrière la jeune fille, un pieu aiguisé qui fondit sur elle, la prenant en étau entre le combat rapproché avec l’homme et les Spires.

Seul un pas sur le côté réussit à la sauver de l’embrochement. L’homme, préparé, n’eut qu’à désintégrer son dessin. Il voulait jouer à ça, hein.. Une pluie d’étoile de jet jaillit du néant sous la volonté de Marlyn, noyant la véritable arme de métal dans toutes celles qui fondirent sur le cafard. Dans le même temps, bien que devant accroître sa concentration, Marlyn revint chercher le corps à corps, avec les étoiles. Nombre d’entre elles furent modifiés par l’Imagination du combattant, peu atteignirent la cible. Pestant intérieurement, Marlyn rivalisa de vitesse et d’audace pour tenter de percer la défense.. parfaite, de l’homme qui avait attenté à la vie d’Elera. Ne faisant pas attention aux coups qu’on lui portait, d’ailleurs. Sa rage, sa haine et sa douleur mentale la rendaient imperméable aux coups et aux entailles qui vinrent couvrir ses bras. Peu importait les blessures de guerre..

Cependant, le combat de dagues stoppa lorsqu’elle reçut de plein fouet le coude de son adversaire dans la figure, la faisant tomber par terre et lâcher ses armes. Elle sentait bien qu’Elera voulait intervenir,et murmura, essuyant le sang qui coulait au coin de sa lèvre :


- Laisse. Je veux.. je veux que tu me pardonnes. J’veux te prouver que je peux te protéger.

Fort de sa position, l’homme ricana d’un rire mauvais, dénudant ses chicots jaunâtres, et vint s’accroupir sur le torse de la jeune femme, lui bloquant ainsi les bras et toute possibilité d’attaque. La dague vint effleurer son visage, narquoisement. D’une voix malsaine, l’espion lui souffla :

- On veut jouer les héros, hein, petite mercenaire perfide… Ce serait dommage de perdre la vie pour quelqu’un de l’autre camp, non ?


Cette scène était tellement.. lente, répugnante et pleine de souvenirs, que Marlyn ne répondit pas, ses doigts se refermant sur le manche d’une dague, dans le dos de l’homme. Celui-ci, trop occupé à la narguer du bout de sa lame, ne fit plus attention à ce qui se passait dans les Spires ou dans les alentours. Il ressemblait tellement à Ivan.. cette scène était.. reproduite.
Mais cette fois, Marlyn n’était pas mourante, ni si faible qu’elle ne pouvait tenir debout. Elle allait lui montrer, oui, lui montrer ce que valait le Chaos, ce qu’elle valait, elle !
La jeune femme ploya brusquement les genoux sous l’homme, flanquant un coup de pied destiné à le déconcentrer. De la main gauche, la lame remonta en une parabole, ouvrant le bras. Les Spires se fendirent presque en deux sous sa volonté, et seconde dague apparut dans la main droite de la jeune fille, qui la planta profondément dans la cuisse de son tortionnaire.
La cuisse d’Ivan. La chair de l’Académie. De ses ennemis. De la vie qu’on voulait lui voler. Le sang qui coulait était celui qu’elle vengeait, la lame qui tourna dans la plaie avait cet écho de Chaos tel, que lorsqu’elle se releva, Marlyn flanqua un coup de poing dans le thorax de l’homme, puis un autre, lâchant un cri bref et douloureux à chaque coup qu’elle lui donnait. Frapper, frapper. Le retour lui redressa un peu l’esprit.
La calma.

Il était fort, oui. Et elle ne devait pas perdre son calme. Un prémice de ricanement s’échappa d’entre ses lèvres, vite avorté. Et elle ne bougea plus. Debout, les jambres fléchies sous la fatigue qu’elle ne ressentait pas, ou l’attention. Les bras en protection, alors que les Shuriken prolongeaient ses doigts. Et Marlyn laissa tout tomber. La dague disparut en un chuintement dans son fourreau. Les étoiles tombèrent au sol dans un court cliquetis. Elle se redressa, et foudroya l’homme du regard. Garder son calme. Lui aussi avait compris. Le combat se jouerait dans les Spires. Il ignorait tellement à quel point le Chaos avait décuplé son pouvoir, à quel point la rage, la haine, la peur de la mort et cette angoisse furieuse de vivre avaient aidé son pouvoir à croître, encore et encore. Il n’en avait aucune idée. Et sentait l’esprit de son adversaire dans les Spires. Marlyn ferma l’œil. Elle avait confiance.
Oh, c’était donc ça..


- Elera, baisse-toi !


Marlyn ne put cependant voir si la dague qui devait tuer la jeune fille par derrière, à quelques mètres de là, avait trouvé sa cible. Une autre fusait vers elle..
Elle ne prit même pas la peine de l’éviter.
La lame de vent disparut au gré de la Lune, emportée par une alizée lointaine.


- Qu’est-ce que.. ?!

- Tes dessins sont miens, cafard.

Et elle avança. Un pas. Evita une dague projetée derrière, transforma la grille qui devait lui tomber dessus de la même manière que la dague ; et avança, encore. A en voir ses yeux, il commençait à paniquer. Marlyn, totalement pétrifiée à l’intérieur d’elle-même, avança encore sereinement, le visage simplement déformé par la haine. Son propre dessin prit forme. Plus subtil, oui, bien plus subtil que cette dague qui la rata de peu…
Les ombres se décollèrent du mur en un suintement écoeurant, et répondirent à l’appel. Cette simple hallucination pourrait basculer dans la réalité à tout moment.. l’hallucination était autour d’elle, c’était son arme. Et il ne voyait pas encore les ombres.

Les deux combattants se jetèrent l’un sur l’autre à la même seconde. Leurs dessins prirent alors toute leur ampleur. Les ombres s’enflammèrent et entourèrent les deux êtres, mordant la chair de l’homme quand la concentration de Marlyn leur commandait ; des lames diverses fusèrent vers la jeune fille, tandis qu’à nouveau, leurs corps physiques se rencontrèrent. Combattre dans les Spires et dans la réalité l’épuisait littéralement, mais il était trop tard pour reculer. L’être chaotique ne put empêcher une des lames de lui perforer le corps, à l’exact endroit où Ivan avait planté sa première torture : l’épaule gauche. Retenant un cri, sa haine décupla. Les dessins disparurent. L’homme fut projeté contre la paroi par la seule force physique et la haine de Marlyn. Celle-ci se jeta contre lui, et le plaqua contre le granit de toutes ses forces. De l’imagination fusa une dague, la lame chauffée à blanc. Dans une parabole brûlante, elle devait aller se planter droit dans le cœur de ce fumier.. de cet homme qui voulait tuer Elera.

Mais une main bloqua le poignet de Marlyn, alors que la dague allait parachever son œuvre de mort.


Elera
Elera

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MessageSujet: Re: Hier encore... (RP terminé)   Hier encore... (RP terminé) Icon_minitimeSam 26 Juil 2008 - 23:07

Elle avait réussi à reprendre son mini sabre, évitant les dagues et autres Dessins qui fusaient de toutes parts. Un endroit dangereux, vraiment… Mais elle était habile. Pas assez forte pour se battre au corps à corps avec l’homme expérimenté, mais assez agile et souple pour éviter les diverses attaques qui, pour la plupart, ne lui étaient pas destinées. Puis Marlyn tomba, l’homme la dominait. Elera devait agir, l’aider… mais… pourquoi refusait-elle son soutien ? Prouver qu’elle pouvait la protéger… qu’elle était assez forte… Mais… elle n’avait rien à prouver. Ce n’était pas de sa faute, elle n’avait pas partagé son passé pour lui faire du mal, elle avait seulement perdu le contrôle… Il n’y avait rien à pardonner, elle n’avait aucune raison de se battre seule, encore une fois. Mais elle en avait besoin…

- Je te pardonne tout ce qu’il y a à pardonner, Marlyn…

Elle voyait pourtant bien dans les yeux de l’Enfant du Chaos qu’elle refuserait encore son aide, qu’elle avait besoin de prouver sa force. Besoin de se battre seule, besoin de gagner, si elle voulait la regarder en face une autre fois. Alors Elera serra les dents, se jeta derrière un rocher pour éviter une… assiette ? qui alla se briser sur la paroi avant de se désintégrer et de retourner dans l’Imagination. Mais elle continuait à observer, et à parler. A essayer de faire comprendre à Marlyn que…

- Etre fort, c’est aussi accepter avoir besoin d’aide ! Mais si tu dois te battre seule, au moins reste en vie, c’est compris ?

Elle ne pourrait pas laisser Marlyn mourir devant ses yeux sans rien faire. Mais pour l’instant… elle devait lui faire confiance. La laisser se prouver ce qu’elle devait se prouver à elle-même. La laisser gagner. Alors elle attendit, serrant le sabre entre ses doigts, laissant le sang teinter le morceau de tissu qui enveloppait sa main, prête à agir. Mais Marlyn n’avait pas besoin d’elle, pas maintenant. Elle reprit rapidement contrôle de la situation. Et Elera attendait ; prudente, mais confiante. Quand Marlyn lui ordonna de se baisser, elle ne réfléchit même pas, se jetant à même le sol.

Le Dessin, fusant de toutes parts, combat à moitié invisible à ses yeux alors qu’il se déroulait dans les Spires. Combat de métal imaginaire, de tourbillon de feu. Elle n’était plus dans son élément ; elle ne comprenait plus ce qui se passait. Marlyn, au contraire, savait exactement ce qu’elle faisait. Ou plutôt… elle ne le savait plus. Elle attaquait, Dessinait, criait de rage, n’ayant plus que pour but que de tuer l’homme affolé qui lui faisait face. Danse de feu, de haine et de colère.

Elle devait arrêter ca. Alors que la dague apparaissait dans la réalité, elle se mit à courir. Alors que la lame descendait comme au ralenti vers le cœur de l’espion, elle attrapa le poignet de l’Enfant du Chaos. Car elle n’était plus que ca ; un corps contrôlé par le chaos. Un esprit qui voulait torturer, qui cherchait le pardon dans les flammes. Mais elle ne l’y trouverait pas ; Elera serra le poignet, l’empêchant de continuer son œuvre maléfique. Elle n’eût pas le besoin de prononcer son refus ; son ‘non’ silencieux se répercutait dans tout son corps, avec toute sa détermination. Ce n’était pas ca qu’elle avait besoin de dire ; ce n’était pas ca qui se reflétait dans ses yeux. Inquiétude. Espoir. Peur, aussi, pas de Marlyn mais de ce qu’elle revoyait encore dans son esprit, les ombres, le sang, la torture d’un autre.

- Reviens…

L’espion n’existait plus. Il ne restait plus que le contact froid des mains de Marlyn, et puis son œil d’acier qui tremblait.

- Reviens, Marlyn… Ne lui fais pas subir ca, à lui aussi… Ne le tue pas comme s’il n’était pas humain…

L’espion en profita pour essayer de se dégager vers la gauche, mais Marlyn le tenait encore et Elera ajouta sa force à la sienne, pointant son sabre sur lui. Il ne bougerait pas. Elle lâcha prudemment le poignet de Marlyn, assez certaine qu’elle arriverait à se contrôler à présent. Et elle se plongea dans les yeux de l’homme. Des yeux bruns où se reflétait une frayeur sans limites. Elle pouvait bien imaginer ce à quoi il pensait, à présent. Et elle n’était pas bien loin de la vérité

C’était sensé être un travail facile ; trouver l’une des personnes dessinées, les suivre, comprendre qui ils étaient, puis le laisser savoir au gars qui avait contact avec l’autre là, Dame Myra qu’elle s’appelait. Il avait besoin d’argent. Et oui, il n’était pas assez puissant pour savoir quoique ce soit sur la Guilde pour qui il avait accepté de travailler. Il ne connaissait même pas son nom. Il était juste un bon combattant qui avait eut la chance de se découvrir un Don un petit peu plus haut que la moyenne, ce qui était un plus. Mais sa mauvaise grâce à suivre les ordres l’avait empêché d’entrer dans l’une ou l’autre des armées de l’Empire. Une mauvaise pomme, voilà ce qu’il était. Et il risquait de faire pourrir tous les autres. Alors il restait en ville, trouvait les coutelas, vendait des marchandises illicites dans l’ombre, vendait ses services aussi pour qui en avait besoin. C’était sensé être un travail facile ; cette fois, il n’était même pas sensé se battre ou avoir à jeter un corps dans une rivière. Juste suivre une fille qui n’avait pas vingt ans et manquait de la plus élémentaire prudence. Alors pourquoi, oh pourquoi se trouvait-il là, contre le mur, sur le point de se faire torturer par une folle furieuse, avec pour seul garant de sa vie la pitié de celle qu’il avait lui-même essayé de tuer ? Ah mais non, il n’avait même pas ca. Aux mots suivants de la rousse, il crut complètement défaillir.

- Tue-le, mais tue-le vite, et pas avec cette arme. Sinon… je le ferai.

Elera savait bien qu’elle n’avait pas le choix. Le laisser en vie, c’était courir un risque bien trop grand, pour Marlyn comme pour elle. Il devait mourir ; elle le savait. Et pourtant, elle avait dû tourner la tête et fermer les yeux pour dire ses mots. Il mourrait en parti à cause d’elle, mais il ne mourrait pas dans les pires douleurs et ne deviendrait pas juste un chiffre, numéro 4, 4ème homme tué à cause d’elle. Ca, elle se le refusait… Non, il ne mourrait pas sous une lame chauffée à blanc, il ne mourrait pas en criant. Sa voix lui serra le cœur quand il essaya de les faire changer d’avis, parlant rapidement, paniqué, avant même que Marlyn ait le temps de prendre une décision.

- Je ne dirai rien, je le jure sur la Dame ! S’il vous plait ! Je vous dirai tout ce que vous voulez savoir ! Pitié, pour ma femme, pour mes enfants… Ils ont besoin de moi…

Lui faire confiance ? A lui l’espion, l’assassin, le hors-la-loi ? D’autres n’auraient même pas réfléchi, bloquant les mots hors de leurs esprits pour en finir. Mais… elle, elle était Elera. Si elle lui faisait confiance, elle n’aurait pas à tuer ou voir tuer. Il leur serait redevable… elle voulait y croire. Alors elle répondit, au lieu de regarder ailleurs et d’attendre l’irréfutable.

- Quel est ton nom ?

S’il le leur disait… il pourrait peut-être partir. Après, s’il leurs arrivait quoi que ce soit, elles pourraient donner son nom, le nom d’un traître, et il perdrait tout. Lui et sa famille ; il serait arrêté, il ne pourrait rien faire. S’il se taisait, elles se tairaient aussi, et il pourrait continuer à vivre… Naïve, elle l’était sûrement. Elle ne pensa pas qu’il pourrait demander protection, ou que s’il parlait il serait plutôt récompensé pour avoir découvert l’endroit où se cachait une apprentie Mentaï. Elle ne pensa pas qu’elle pouvait elle-même être considérée traîtresse aux yeux de l’Empire, par son amitié pour Marlyn. Elle ne pensa pas qu’assez bien payé, il n’aurait aucun scrupule à parler. Elle ne pensa pas qu’il pourrait leur donner un faux nom. Non, elle ne pensa à rien de cela. Mais de toute façon, il n’avait pas encore répondu.

Et Marlyn veillait.

Marlyn Til' Asnil
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MessageSujet: Re: Hier encore... (RP terminé)   Hier encore... (RP terminé) Icon_minitimeMar 29 Juil 2008 - 11:14

La pression sur son poignet se fit plus forte encore ; et la jeune femme appuyait d’autant plus, tentant de briser cet étau qui empêchait l’acier fumant d’aller fouiller le cœur de leur agresseur. Ces volutes à peine visibles, le grésillement de l’acier, la lueur trop proche, trop forte de l’acier trop chaud, les yeux apeurés de l’homme contre elle, et ces doigts qui lui serraient le poignet si fort, que sous l’effort pour s’en défaire, elle tremblait. Tout était figé. Trop figé aux yeux de l’apprentie Mercenaire, qui voulait sentir la chair se consumer sous sa volonté. Lui voler un crie d’agonie, sentir sous le bras qu’elle maintenait plaqué sur le torse de l’homme un cœur battre frénétiquement, puis s’arrêter.. et presque imaginer le sang bouillant en couler de la blessure, ce liquide poisseux qui lui recouvrirait le bras, qu’elle verrait couler entre ses doigts comme le premier d’un homme mort. Oh, voir ses chicots pourris se dénuder, puis se teinter des couleurs de sa propre haine. Oh, sentir cette haleine fétide disparaître, aspirer le restant de sa vie, et puis tourner la lame fumante dans la plaie, pour entendre un râle, des muscles se déchirer, le cœur agoniser lentement, sang et chaos.
Et tout ce besoin avide de mort, repoussé dans le temps par ces doigts autour de son propre poignet.. Si Marlyn n’avait pas jeté un coup d’œil frénétique à la personne qui la retenait dans son élan, elle aurait sûrement crié de rage, ou attaqué celle qui l’avait stoppée. Seulement, dans un bref moment de lucidité, la jeune femme reconnut..
Elera.
Pourquoi...

Tout le message était dans ce geste, cet arrêt, ce refus. La dague, ou la mort ? Ou les deux, ou autre chose ? Ou rien, simplement de la peur-instinct-contradiction.. Mais en tout cas, Elera disait non. Non à un sang chaud et vicié qui coulerait sur les doigts entrouverts de Marlyn, non à la mort violente de cet homme qui pourtant souhaitait leur perte à tous les deux, non à cet épanchement de haine.. Non à ce combat. Et pourtant, si les rôles avaient été inversés, si ce n’était pas de la peur qui se lisait dans les yeux de l’homme mais du triomphe, si c’était Marlyn qui avait été violemment plaquée contre la paroi, si c’était pour protéger sa vie et non pour en voler une autre, Elera aurait-elle refusé que Marlyn en finisse avec les flammes de métal ? Aurait-elle eu le cœur aussi candide à refuser cette dague-là.. Tous ces principes purs ; c’était écoeurant. On lui refusait le droit d’infliger de la douleur aux autres, elle qui l’avait subie quelques mois plus tôt.. On lui refusait le droit de voir à quoi ressemblait un visage ensanglanté et déformé par la douleur la plus abjecte qui existe. On lui refusait le droit de voir à quoi ressemblait des yeux où se mêlaient peur, haine, douleur, effroi, souffrance.. Attente de délivrance, peut-être. On lui refusait le droit de sentir cette jouissance alors que le sang de l’autre coulait lentement, chaud. On lui refusait jusqu’au droit-même de tuer comme elle le voulait, alors que sa conversion au Chaos faisait d’elle une meurtrière, quelqu’un qui devait tuer.
Et c’était Elera qui tenait le poignet. Et qui ne lâchait plus son regard. Et qui commençait à parler de revenir. Et qu’il n’avait pas à souffrir, ce cafard. C’était tellement aberrant pour Marlyn qu’elle ne pouvait répondre aux paroles d’Elera, outrée par la .. niaiserie ? de ses paroles. C’était pas un petit duel comme à l’Académie, où on se battait avec des épées en bois et qu’on arrêtait à la moindre effusion de sang. C’était un combat à mort, là où le sang tâchait déjà les tuniques, les bras, là où les blessures étaient normales, que Marlyn se foutait royalement du sang qui coulait de son épaule, que les lames étaient mortelles et que chaque erreur valait son pesant de blessures.. Là où une dague chauffée à blanc, pour en finir, n’était pas un crime.. Seulement une arme un peu plus chaotique que les autres. Un peu plus douloureuse.. Mais une arme quand même, bon sang !

L’attention de la jeune femme fut un instant monopolisée par leur ennemi, qui tentait de profiter de la distraction pour s’échapper. D’une poigne de fer, et avec une haine froide, elle raffermit ses prises sur le col, les épaules de l’homme. Elle n’avait rien à dire. Et malgré cette envie presque viscérale de planter cette lame dans le cœur frénétique de son adversaire, elle sut se retenir lorsqu’Elera choisit de lui faire confiance, et relâcha la pression sur le poignet de son aînée.
Sans un regard pour sa camarade, préférant lui cacher cette haine qui lui était à présent omniprésente. Elle ne comprenait plus l’Académicienne. Et pour éviter tout conflit que son Chaos à présent réveillé entraînerait, elle resta passive à leurs échanges. Se contentant de maintenir l’homme avec l’aide du sabre d’Elera, lui signifiant par cette colère immobile qu’il mourrait s’il tentait quoi que ce soit. Le combat avait rincé Marlyn de toutes ses autres pensées, laissant le Chaos et l’envie de sang s’implanter. Sans cette étincelle de témérité abusive qui la caractérisait autrefois, cependant. Puisqu’on la lui avait volé à la torture..

C’était sûrement mieux ainsi.

Elera était tellement.. étrange. Pourquoi cet accés de candeur et de niaiserie devant ce rat d’égout, ce sale espion qui l’aurait probablement tuée sans fioritures si Marlyn n’avait pas été là pour combattre pour elle, pourquoi cette soudaine volonté de le voir vivre et de l’interroger ?
Tout ceci ne présageait rien de bon. Nul doute qu’il tenterait simplement de gagner du temps. Mais puisqu’il le fallait.. Marlyn attendit qu’il répondît, que leur échange se continue.
Soit pour le tuer tout de même, avec l’accord d’Elera.
Soit pour le tuer tout de même, sans l’accord d’Elera.

*
Quel dommage qu’il ne sût rire.. Cette fille semblait vraiment croire à cette comédie improvisée, cette panique totale. Certes, il ne pouvait se mentir que la moitié seulement était simulée, mais ces paroles niaises qu’il avait pondues plus tôt pour retarder sa mort le faisaient presque rire. Heureusement que l’autre folle furieuse se murait dans le silence et se contentait de l’étrangler à moitié, car elle ne semblait pas se prendre au jeu. Ca allait se jouer serré.. S’il parvenait à ce que la plus jeune persuade la chaotique de sa pseudo-innocence.. Ca serait dur. Mais il fallait pour cela ne faire aucune erreur, aucune contradiction dans ce qu’il dirait.. ou ne dirait pas. Cependant, la chance semblait être de son côté : il n’était pas encore mort. Et puis, cette petite pointe de haine ou de déception dans les yeux de sa tortionnaire, il pourrait également tenter de la tourner contre sa cadette. C’était extrêmement risqué, mais la voie des Spires pouvait lui permettre de communiquer avec elle sans que la rouquine l’entende. Oui, pourquoi pas.


- J’m’appelle Karil, Karil Gylardo ! Me tuez pas, s’il vous plaît ! J’ai une famille à nourrir ! J’vous dirai tout, je le jure !

Tandis qu’il se lamentait aux yeux de la jeune rousse, son esprit s’était tendu vers les Spires, entrant en contact avec celui –tout de même relativement puissant et erratique- de la plus âgée. Celle-ci, en entendant les mots résonner, tourna des yeux froids vers lui, cherchant à comprendre pourquoi il voulait lui parler. Puis lui dire qu’elle ne devait pas réagir, qu’elle devait faire comme si elle n’entendait rien.. Lui souffler quelques mots de haine ; lui suggérer que la cadette avait eu tort de l’arrêter, qu’elle pourrait la tuer avant, et avoir ainsi le champ libre pour pouvoir le tuer lui.. Bien sûr, omettre de dire qu’il s’enfuirait dans l’intervalle. Observer sa réaction, ensuite. Soutenir son regard de ténèbres, tout en gémissant encore :

- Dis à la mercenaire de ne pas me tuer, je t’en prie, ne me tuez pas ! Mes enfants, mes enfants..


*
Cette râclure gémissait vraiment trop fort.. Le mieux aurait été de le faire taire instamment, qu’il cesse de raconter des mensonges et des perfidies. Seulement, Elera semblait encore vouloir l’interroger, et lui posait tout un tas de questions sur la raison de sa présence, ce pour quoi il travaillait, pourquoi il souhaitait la tuer.. Marlyn n’écoutait même plus les réponses de l’homme. Depuis qu’il l’avait abordée de la sorte dans les Spires, il était si peu digne de confiance..
Pourtant, c’était tentant ce qu’il racontait.
Terriblement tentant.

Tout ce qui s’était passé, leur discussion, voire les promesses, tout ce qui maintenait sa relation avec l’Académicienne à peu près potable, tout s’était effacé au profit du combat. L’être chaotique combattait avec toute sa haine ; tout son corps n’était plus qu’une arme de haine, destinée à répandre la souffrance. Elle tremblait légèrement de fatigue, un peu de la douleur à l’épaule, beaucoup de rage contenue. L’envie de glisser les doigts dans le cou de l’homme et lui ôter son air était tout aussi tentante que..
Non. Il fallait retourner sur terre. Pourquoi attaquer Elera ? A part qu’elle l’avait empêché de tuer l’homme, qu’elle s’était laissée prendre à son jeu et qu’en cet instant, seul du dégoût inspirait Marlyn en la regardant, l’élève Mercenaire n’esquissa pas le moindre geste pour attenter à sa vie. C’aurait été simple pourtant. Dessiner une dague, lui planter dans le cou.. Impensable. Et pourtant, plus les minutes passaient, plus la lucidité de Marlyn repartait, laissant royalement place à la violence, à cette frénésie du combat.

* Elera, ne lui fais pas confiance.. Il ment comme il respire. Dépêche-toi de prendre une décision, je ne pourrai pas me retenir très longtemps. * murmura-t-elle dans les Spires à l’intention de l’Académicienne.

Se retenir de tuer l’homme.. ou d’attaquer la jeune fille ; tout dépendrait. Il fallait que cette scène s’arrête, et vite. Que le combat recommence, au pire, que le dessin prenne le pas sur la raison et que l’homme s’écroule ; ou alors qu’il disparaisse, qu’il fasse un pas sur le côté.. mais que ceci change. Le tenir, comme un vulgaire chien de garde, tandis qu’Elera suivait attentivement –semblait-il- les niaiseries que l’autre piaillait.. C’était dur de se contenir.
Trop dur.

Heureusement que les Spires se remirent à bouger.. Que l’homme lui proposa un marché tacite. Prenant sur elle pour ne pas montrer tout son dégoût à cet espion, Marlyn accepta fugitivement dans l’Imagination. Puis s’adressa à Elera dans les Spires, à l’abri des oreilles du cafard :

* Elera, t’as intérêt à te baisser très rapidement, dans trois secondes.. Les dagues, ça part vite.*

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MessageSujet: Re: Hier encore... (RP terminé)   Hier encore... (RP terminé) Icon_minitimeSam 2 Aoû 2008 - 21:13

Il était trop tard. Elle le savait, malgré son oreille attentive aux réponses de Karil. Marlyn était quelqu’un de bien, au fond, seulement elle avait été brisée… Lui n’agissait pas parce qu’il n’avait plus d’autres choix pour survivre, il agissait ainsi parce qu’il le voulait, parce qu’il aimait mettre fin à la vie d’étrangers sans en connaître les raisons. Elle laissa tomber l’idée de le laisser partir, désespérée. Il disait vouloir la suivre seulement pour quelques pièces dont il avait besoin pour nourrir sa famille, ne pas savoir les plans de ceux pour qui il travaillait, ne rien savoir, en somme, à part qu’ils voulaient des informations sur l’Académie de Merwyn. La pensée de Marlyn dans les Spires confirma ses soupçons ; des mensonges, tous des mensonges… Les hommes n’avaient-ils donc que la trahison au cœur ? Pourquoi étaient-ils aussi infâmes ? C’était désespérant. C’était trop tard, aussi. Trop tard pour le sauver, trop tard pour lui donner une seconde chance, trop tard pour effacer toute cette horreur de son cœur.

Et puis, qui était-elle pour le juger, pour les juger tous ? Elle voulait l’Harmonie. Elle voulait la confiance, elle voulait l’amitié, elle voulait la bonté. Mais c’était à cause de ca qu’il profitait d’elle et de sa voie… Qui était-elle, pour dire que c’était ainsi qu’ils devaient être ? Elle ne pouvait pas. Ne pouvait pas leur faire confiance, à lui et à tous les autres. Elle ne voulait pas jouer leur jeu et devenir méfiante… mais avait-elle le choix ? Peut-être. Comment faire la différence entre les manipulateurs et les gens comme Marlyn, Sya, Khelia, Tifen, Alunia, Arro, Julia ? Même Tinuviel avait des secrets… Non, elle devrait accepter qu’ils étaient tous différents. Elle devrait être plus prudente, à présent. Oh, elle ne pouvait pas changer d’un jour à l’autre ; elle continuerait à donner leur chance à tous ceux qu’elle rencontrerait. Mais au lieu de rester aveugle alors qu’ils lui prouvaient qu’ils avaient de mauvaises intentions, peut-être devrait-elle en prendre compte… Ce n’était pas bien difficile, après tout. Juste… dommage. Elle ne devait pas perdre la vie en faisant confiance à ce Karil et à sa race. Elle ne pouvait pas. Elle ne pouvait plus.

Lorsque Marlyn lui demanda de se baisser, elle agit sans attendre, déterminée, mais le cœur toujours serré. Elle ne savait pas qui les avait Dessinées, de l’espion ou de Marlyn ; mais elles venaient de quelque part dans son dos… et lorsqu’elle se baissa, et qu’elles ratèrent leur cible, le temps sembla soudain ralentir.

Alors que les dagues continuaient à voler. Droit vers l’espion au visage figé en une expression d’ébahissement et de terreur.

***
Il avait demandé à l’autre de tuer la cadette, et puis de l’apporter à son maître, qui pourrait bien choisir son sort à la place de l’apprentie pas encore assez douée… Et puis une fois là-bas, s’il n’arrivait pas à s’enfuir entre temps, il aurait pu acheter sa vie, avec des informations ou bien en travaillant pour l’autre… Il obéirait, il ne se distinguerait d’aucune façon, si c’était le seul moyen de rester en vie. Et alors que Marlyn acceptait enfin de tuer Elera, que sa haine et sa soumission envers son maître étaient enfin devenues plus forte que la confiance de l’autre idiote, il était entré dans les Spires, prêt à faire un pas sur le côté.

Mais elle s’était baissée. Les dagues partaient droit sur lui… Et lui n’avait pas le temps d’esquiver ou d’essayer de faire quoi que ce soit ; à moitié dans les Spires, son corps n’était pas assez rapide. Et il n’était pas assez puissant pour finir son pas sur le côté à temps…

Tic. Tac. Le temps repris sa rapidité habituelle alors que le choc le poussait encore contre la paroi. Une dague perça son poumon, un autre son flan, la dernière lui broya la clavicule. Il prit une énorme respiration, combattu un instant la douleur qui le submergeait, puis lança un regard haineux vers Marlyn. Et sourit, ou plutôt grimaça. Se concentra autant qu’il le pouvait, le visage crispé. Il n’avait plus rien à perdre.
*Elera et Marlyn…*
Un coup de la dague chauffée à blanc de cette dernière lui fit quitter brutalement les Spires. Son regard était flou, il ne voyait plus rien… Il sentait, trop. Se sentait tomber, sentait la douleur, partout, intolérable, sentait la poussière sur son visage et le sang dans sa bouche, et un autre coup de dague dans le dos alors que celles qu’il avait dans le ventre s’enfonçaient plus loin dans sa peau, bloquées qu’elles étaient entre le sol et sa peau. Sentait les larmes sur ses joues, la terreur sur son visage. Et puis plus rien. Plus rien. Plus rien.
***

Elera fixait le vide entre elle et les yeux ternes du corps de l’homme. Karil Gylardo. Elle s’en souviendrait. Pour l’instant, elle était incapable de faire quoi que ce soit. Elle ne pensa même pas à empêcher Marlyn de continuer à le blesser de sa dague. De toute façon, elle ne le pouvait pas. Elle n’avait pas voulu qu’il meure sous sa lame chauffée à blanc, et ca elle l’avait eu. A présent… qu’est-ce que ca pouvait faire, qu’il soit blessé encore ? Il était mort. Et cette haine, ce courroux, cette agressivité gratuite… c’était une partie de Marlyn comme une autre. Une partie qu’elle devait accepter au même niveau que les autres. Marlyn était du Chaos. Sœur, femme, victime, et Chaos. Alors elle continua à fixer la lame qui montait pour mieux redescendre. Sans bouger. Sans un mot. Le temps s’écoula ainsi doucement, le calme de la nuit effaçant doucement ce qui s’était passé ici, ne laissant derrière elle que les souvenirs et le sang sur la roche. Marlyn s’arrêta, elle le remarqua à peine. Et elle continuait à se murer dans le silence, les yeux dans le vide, pensant à ce qu’elle avait perdu aunuit’hui [nouveau mot =p].

Sa confiance absolue. Pour Valen, pour Ena, pour le corps qui baignait dans son sang. Sa certitude que tous étaient compréhensibles, que tous avaient une chance, que tous étaient différents mais avaient une part de bonté en eux. Certains… certains ne vivaient que pour tuer, que pour détruire, que pour haïr, ou pire, étaient indifférents à tout ce qui se passait autour d’eux. Mais… non, elle n’avait pas perdu tout ca. Elle en était toujours certaine. Valen était bon, malgré ses actes qu’elle lui pardonnait. Ena… Ena. Elera évita soigneusement de penser à elle plus en avant. Elle ne la comprenait pas, et elle devrait y penser lorsqu’elle la rencontrerait à nouveau. Shaïlan… lui aussi, elle voulait le classer parmi les sans-cœurs. Mais le pouvait-elle vraiment ? Elle ne le comprenait pas, il la détestait sûrement, il la dégoutait. Mais lui aussi devait bien avoir une certaine bonté et loyauté pour les autres, non ? Seulement… tous étaient différents, tous écoutaient leurs sentiments dans différentes situations pour différentes raisons et avec différentes personnes. Elle devait être prudente, pour tous ceux qui n’auraient aucune hésitation pour la tuer, la trahir, lui mentir, même si elle croyait en eux. Parce qu’elle croyait en eux, oui… Même si pour certains, il était tout simplement trop tard pour leur faire sentir autre chose que le mépris, la haine ou l’indifférence envers elle. Comme Karil. Et pour eux… elle devait lâcher. Mais... elle voulait tellement... si elle n'avait pas continuer a croire, Marlyn la hairait surement en cet instant...

Elle ne savait pas quoi faire, pas encore. Examiner le corps peut-être, pour découvrir qui il était exactement, ou l’enterrer, ou l’oublier, ou rester ici à attendre, ou parler, ou se taire, ou redescendre loin de cet endroit, rester avec Marlyn, ou la quitter, mais non, elles avaient encore bien des choses à dire… Et parmi toutes ses possibilités, l’esprit d’Elera ne savait pas sur laquelle s’arrêter. Alors elle resta là, égarée. C’était à Marlyn de prendre les rênes.

Pendant ce temps là, à de nombreux kilomètres, Maya Nil’ Shaya préparait l’identité qu’elle prendrait en entrant dans l’Académie, se forgeant un passé pas à pas. Interrompue par Kawel, elle le laissa parler.
« Le passeur a reçu un message de Larik, si vous vous souvenez de lui… Elera et Marlyn, c’est tout ce qu’il a dit avant de perdre le contact. Les chances sont fortes qu’il soit mort… »
D’un hochement de tête, elle le remercia. Elera et Marlyn… elle ne savait pas ce que ca voulait dire, mais elle le découvrirait bientôt. Et pour la mort de Larik… tant pis, il n’était pas important et n’avait aucune subtilité. Il ne savait rien, il n’aurait donc rien dit, quoiqu’il lui soit arrivé. Elle le remplacerait rapidement…

Marlyn Til' Asnil
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La Borgne
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MessageSujet: Re: Hier encore... (RP terminé)   Hier encore... (RP terminé) Icon_minitimeLun 4 Aoû 2008 - 1:54

Elera avait compris. Marlyn, pour leurrer son ennemi, avait dû dessiner des dagues dans le dos d’Elera.. Et maintenant, ces dagues déchiraient la chair de leur ennemi dans un bruit écoeurant. Il avait été pris à son propre jeu.. C’en était presque jouissif. Les lames d’acier étincelant, qui se teintèrent de pourpre, une milliseconde avant de disparaître dans les organes de l’homme, ravageant sa vie. L’épaule, le poumon, le côté. Elle avait mal prévu son coup. La seconde dague aurait dû percer le cœur. Peut-être la volonté d’Elera l’avait empêché de viser juste.. Mais Marlyn ne comptait pas le laisser mourir comme cela. Être épinglé à la paroi comme un vulgaire moucheron.. Il ne le méritait même pas. Et puis, elle voulait absolument sentir son dernier souffle, un cri d’agonie, quelque chose qui marquerait ce premier crime, cette première orgie de sang.
Les Spires.. Il était en train de les dénoncer dans les Spires à la quelconque personne qui lui servait de chef. C’était tellement répugnant, de consacrer ses dernières secondes à la trahison, plutôt qu’à la prière pour que son âme ne fut pas trop déchirée par les démons de l’oubli.. Quel homme abject. L’esprit emporté par ce torrent de haine et de noirceur qui se réchappait du combat frénétique qu’ils avaient mené, l’esprit de Marlyn trancha rapidement pour la mort de l’homme. A nouveau, l’acier brûlant s’embrasa, et plongea dans le thorax de l’homme, ravageant tout dans un chaos de sang, de chairs brûlés, de cris et de peur. De sueur et de violence. Il s’effondrait lentement, son esprit détruit coupé des Spires, de la perfidie et des informations compromettantes. Oui, lentement, très lentement, cafard, que je puisse observer tes yeux écarquillés par la terreur, et tes lèvres se crisper sous la douleur.. Oui, comme j’avais fait.. Ressemblais-je donc vraiment à ça ? J’avais pas cette expression.. Nan, pas tout à fait.
Ca voulait dire qu’il n’avait pas assez souffert.
Alors qu’il échouait lamentablement sur le sol, son cœur battant palpitant douloureusement, si fort qu’il résonnait aux tympans de Marlyn. Il battait encore trop fort. Il n’y avait plus que ce cœur, ce glas fibrillant. Qui existait. Le reste n’avait plus d’importance. Qu’importe qu’Elera soit horrifiée, qu’elle tente de la retenir, ou ne fasse rien. Qu’importe ce corps encore chaud et vivant ce souffle erratique le dernier souffle la dernière plainte une tentative de mouvement mouvement sporadique il s’arrête et elle frappe et déchire et éventre et crie et plonge sa dague infernale dans le corps mort encore et encore et ça n’a pas d’importance qu’il soit mort non c’est pas important il faut frapper frapper il faut que le battement aux tempes s’arrête. Mais il ne s’arrêtera jamais petite furie, c’est les battements de ton propre cœur qui s’affole du sang, qui s’abreuve de violence et accélère de haine. Tu l’entendras toujours ce battement c’est le tien, ta signature et rien d’autre, il n’est plus à l’homme que tu éviscères et défigures et envoie plus bas encore que mort. Mais elle frappe quand même, et tu frappes quand même, oui je suis la voix dans ta tête, je suis juste là le temps de t’aider à devenir un monstre le temps de te faire découvrir oh combien tu as perdu l’équilibre de te montrer les profondeurs du Chaos. Chaos que tu aimes tellement, tu souris, et tu frappes encore, tu laboures ce cœur qui ne bat que dans ton esprit torturé, et tu vois des images de ta propre souffrance, et tu n’es que plus colérique et tu le frappes encore, tu veux savoir pourquoi ça t’a fait si mal. Ca t’a fait mal et t’en es pas morte, pourquoi lui il en est mort ?

Oui, pourquoi l’homme qui gisait dans son sang était mort des coups, de ces mêmes coups que Marlyn avait reçus ? Ses frappes s’arrêtèrent net, et la jeune femme resta figée. Cette question l’avait réveillée de cette transe ténébreuse, comme un coup de poing ou un seau d’eau. La réalité semblait petit à petit reprendre sa place. La fatigue se fit brusquement ressentir, il lui semblait qu’un poids de dizaines de tonnes appuyait sur ses épaules. Incapable d’administrer le moindre coup de dague ; dague qui se désintégra sous sa volonté, Marlyn resta là. Haletante, les genoux à terre, une main crispée sur le col poisseux de sang de Karil. Le regard fixé sur les yeux vides de l’ennemi. Tout cela avait été tellement rapide.. A l’instant où il avait été transpercé, il semblait à l’apprentie Mercenaire qu’une seconde s’était écoulée jusqu’au carnage à ses pieds. Elera n’avait pas bougé. Elle ne l’avait pas empêchée de devenir un monstre.

Son premier mort..

Le premier d’une longue liste, certainement. Il avait eu la mort qu’il méritait. Cette mort dont elle avait besoin pour faire partir les ombres –qui ne hantaient plus la paroi, cette mort qui avait plongé son âme directement dans le Chaos qu’elle n’avait jamais ressenti, pour l’en imprégner jusqu’à la trame. Mais ça, Elera ne devait pas le savoir. La nuit avait pris un tournant extrêmement inattendu. Tant de choses s’étaient produites, dans leurs deux esprits comme physiquement. De pensées, de doutes, de conviction, d’ombres et de voies qui s’entrecroisent, et se repoussent. La voie d’Elera n’accepterait jamais une voie aussi sombre et imprégnée de sang qu’avait choisie Marlyn. Mais les deux jeunes femmes pouvaient peut-être s’accepter.. Comme ces figures que l’on voyait dans les livres, fusionnées, et que Marlyn n’avait jamais comprises. Personne ne serait au courant qu’elle avait cotôyé la lumière le temps d’une nuit, avant de perdre son âme sur le chemin que lui montrerait son Maître. Une dernière bouffée d’air, en somme. Et elle s’appelait Elera. C’était tellement ironique..

Cette dernière n’avait toujours pas bougé. A vrai dire, elle semblait avoir totalement perdu les pédales. La vue du sang, la mort de l’homme, ou un effondrement total de ses convictions… ? Même si le sang coulait encore entre les phalanges ouvertes de Marlyn, elle ne pouvait s’empêcher d’avoir du remords à la vue de la jeune Académicienne. Elle avait les yeux dans le vague, et semblait totalement incapable de prendre une décision. C’était extrêmement troublant.. La partie chaotique de Marlyn lui cria bien de ne pas s’en faire et de laisser cette petite fille apprendre ce qu’était la survie. Mais la partie plus enfouie de la Mercenaire ne pouvait laisser Elera égarée. Mais elle ne pouvait pas l’aider alors qu’elle avait la tunique tâchée par la mort de l’autre cafard, et les doigts rougis par sa trahison. Dessinant rapidement un baquet d’eau pour se laver les mains de son crime, Marlyn se releva, tant bien que mal. Tous ses muscles criaient la fatigue, et la frénésie du combat n’avait rien arrangé à certaines cicatrices récentes, qui s’étaient rouvertes. Mais elle n’y fit pas attention. Elera était blessée aussi. Sa main droite était entourée d’un bandage déjà imbibé de sang et son esprit était perdu. C’était pire que le sang et la sueur qui tâchaient les habits de Marlyn.
Titubant un peu, Marlyn revint devant Elera, tentant d’oublier que des gouttes de sang coulaient encore de ses doigts. Plic ploc.


- Viens. Oublie-le. Ne le regarde plus, il n’existe pas. Il ne te fait pas douter, puisqu’il n’est pas.

Alors qu’elle restait encore là, les yeux dans le vague, Marlyn passa la main devant les yeux de la jeune fille, pour la mettre avec elle-même. De l’autre main, elle lui pressa l’épaule, pour qu’elle sente sa présence à ses côtés. Il fallait qu’Elera revienne. Même si Marlyn devait payer quelques secondes douloureuses à rester debout pour l’aider, ça n’avait pas d’importance. Le Chaos avait perturbé les convictions d’Elera et ça se sentait. Elle qui avait aidé Marlyn à ne plus douter, comment pouvait-elle douter ? Lui masquant toujours la vue, l’apprentie chaotique lui murmura dans le creux de l’oreille :

- Il n’y a plus rien. Il n’y a plus que toi. Le sang n’existe pas. Il n’y a pas de traître. Il n’y a plus que toi. Ecoute ta voie, elle est avec toi. Ne doute pas. Et la confiance.. la confiance, elle est ce qu’elle est. Parfois comme de l’eau, qui coule entre les doigts ; parfois comme le vent, invisible mais glaciale ; parfois comme le sable, en un millier de fragments ; Mais ajoute de l’eau au sable, et il devient malléable. La confiance, c’est un château de sable. Il faut de la patience, de l’aide. Et quand c’est construit, ça fait sourire, et rire, on est fiers. Parfois, il arrive qu’une vague vienne l’effacer. Alors on sourit, et on recommence un château encore plus beau. Et c’est pas avec tout le monde qu’on construit des châteaux de sable.

Et à mesure qu’elle parlait, elle pivotait légèrement, entraînant Elera dans une sorte de tourniquet lent, qu’elle oublie les Dentelles Vives, qu’elle oublie le corps qui n’était plus. Les mots marquaient les pas, Marlyn était attentive à chaque mouvement de la part de l’Académicienne. D’un dessin rapide, elle souleva le corps mutilé, et l’envoya par-dessus la falaise, pour qu’il aille s’écraser en bas, hors de leur vue. Avec de l’eau, elle lava le sang qui tâchait le granit. L’eau disparut quand aucune trace du carnage n’était restée. Alors elle ôta sa main des yeux d’Elera, et lui murmura :

- Il ne s’est rien passé. Il n’y a rien. Tes convictions sont encore là. Elles ont juste évolué. Elles sont là, ne les lâche pas. Ne doute plus de vouloir faire le bon choix, car il n’y a pas de choix à faire. Valen est quelqu’un de bien, il n’a juste pas eu le choix. Ena.. je l’avais provoquée, et son honneur la poussait à répondre. Ne leur en veux pas, ils ne valent pas ton mépris. Cet homme qui n’existe pas, pourquoi se tracasser ? Il n’est pas et ne sera jamais. Ne le laisse pas t’ébranler. Et les autres, ils ne comptent pas, en cet instant.

Une légère fatigue obligea Marlyn à arrêter son plaidoyer, mais elle resta droite, chassant les quelques blessures qui la gênaient d’une simple pensée. Elle venait de parler pour Elera, mais également pour elle. Elle devait abolir cette envie de haine qui faisait d’elle une furie dévastatrice, et pour cela, il lui fallait oublier la vengeance. En parlant à sa cadette, elle se parlait intérieurement, et se calmait au fur et à mesure des mots qui venaient, impossibles à retenir. Le silence n’était pas son langage, et elle espérait qu’Elera lui pardonnerait de ne pouvoir tenir le silence.

- Maintenant, oublie, lentement, oublie. Remets-toi les idées en place. Mais ne te laisse pas, ne te laisse jamais, jamais impressionner par qui que ce soit. Pas même un homme qui te menacerait de mort. Pas même une armée entière qui cherche à te tuer. Pas même le plus puissant don de Gwendalavir, ou les hauteurs trop grandes. Tu les dépasses tous de très loin.

C’était tellement ironique de voir la situation s’inverser. Le combat avait rendu son intégrité à Marlyn, tandis qu’Elera avait perdu la sienne. Il semblait que dans la violence, son aînée chaotique l’emportait.. Mais plutôt que de penser à tout cela, ou à ce que dirait Artaïel quand elle reviendrait blessée, elle s’approcha un instant d’Elera. Et, essayant de se souvenir de ce qu’aurait fait la vieille femme de son enfance, l’apprentie Mercenaire du Chaos passa les bras autour des épaules d’Elera, lui offrant une épaule sur laquelle appuyer la tête.

Elera
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Marchombre
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MessageSujet: Re: Hier encore... (RP terminé)   Hier encore... (RP terminé) Icon_minitimeLun 4 Aoû 2008 - 4:12

Avoir confiance, être prudente, laisser la méfiance prendre le contrôle, survivre, ouvrir les yeux au danger, l’ignorer puisqu’au fond il n’existe pas, rester la même, changer, être pareille, être différente, aimer Marlyn sans raison, la détester comme tous les autres, se sentir torturer, se voir torturer un autre, non voir Marlyn ca ce n’était pas elle, vérité, mensonge, amitié, trahison, douceur, violence, souffrances inutiles, douleur, force, faiblesse, vie, mort, harmonie, chaos, les deux, changer, être, être changée…

La tension montait doucement alors que le mal de tête germait, augmentait, explosait. Elle ne comprenait plus rien. Cauchemar incessant. Mais Marlyn était là… Marlyn, le chaos, la confiance. Mais peu importait, qu’elle soit sœur comme plus tôt cette nuit, ou ennemie comme pendant le combat… elle était là. Avec des mots. Des mots qu’elle n’entendit d’abord pas. Pas de sang. Pas de traître. Pas de doutes. …pas de traîtres ? Mais lui, devant, et Valen, et Ena, et Marlyn, et elle-même, et… tout le monde… tout le monde était traître pour une raison ou une autre. Traître à eux-mêmes, à l’Empire, aux Mercenaires du Chaos, à quelqu’un ou quelque chose. Tous des traîtres. Alors ca n’avait pas d’importance… comme le danger. Le danger était partout, alors elle l’ignorait. Les traîtres étaient partout… elle les ignorerait.

Plus qu’elle. Non, il ne restait pas plus qu’elle. Marlyn était là. La lune brillait. Les étoiles. Le ciel et les abysses. Les roches. Faryna. Et puis Eux, ailleurs. Et Les souvenirs. Elle n’était pas seule, jamais seule. Et elle ne voulait pas l’être. Sa voie était là… oui, Marchombre. Elle était Marchombre, où qu’elle soit. Pour l’Harmonie. Mais le Chaos était partout… tellement plus présent que l’Harmonie… Il se glissait dans les rangs de ceux qui vouaient leur vie au bien, il détruisait des innocents et d’autres qui ne l’étaient pas autant, il poussait les gens à devenir autre. Elle ne voulait pas. Mais elle-même était incapable de se battre contre lui… Elle ne le voulait même pas. Elle n’avait pas voulu empêcher Marlyn de LE torturer, elle ne voulait pas repousser la haine de Marlyn, juste l’accepter.

Mais peut-être était-ce ainsi qu’on combattait le Chaos ; en l’acceptant.

Un château de sable, si facilement détruit. Par une vague, par le vent, par un coup de pied coléreux, ou même en trébuchant maladroitement. Elle avait pourtant cru que la confiance ne pouvait être brisée si facilement. Qu’elle était comme un diamant que seul les coups les plus hargneux pouvaient détruire en le fendant de l’intérieur, ou comme une plante que seul l’indifférence pouvait empêcher de pousser. Mais non. Un château de sable… Alors pourquoi ? Comment se faisait-il qu’un seul de ses châteaux se soit fragmenté, et après tant de temps ? Non, cela ne faisait pas si longtemps, finalement, puisqu’avant elle ne vivait pas assez près des hommes… Mais Marlyn avait raison. Quand quelque chose se casse, on peut toujours le réparer, ou tenter de le faire en tout cas. Elle réparerait sa confiance pour Valen, et puis celle pour Ena, pour Slynn, pour le monde. Et pour elle-même… elle retrouverait confiance en elle. Mais comment ?

- J’ai peur…

Sa langue s’activa seule, et après ces trois mots, elle ne se souvint même pas les avoir dit. Le corps et le sang n’était plus là, mais elle fixait encore le même endroit. Marlyn était devant elle, mais ces yeux semblaient observer ce qui se passait derrière en passant à travers son corps… Même lorsqu’elles tournèrent lentement, même lorsque les bras de Marlyn l’entourèrent de leur chaleur, elle continua à observer le vide. C’est beau, le vide. L’absence, le manque.

Non. Elera secoua la tête. Non, non, non. Elle ne voulait pas le vide, elle ne voulait pas l’absence. Elle voulait la vie. Elle voulait le visage au vent, le ciel infini, les branches qui s’entremêlent, la roche douce et dure, le miel sur sa langue, l’odeur de l’eucalyptus. Et si pour les avoir, il fallait aussi le sang, la violence et la haine, elle voulait aussi la peur, le mensonge et la colère. Sentir, même si c’était un supplice. Ne pas oublier ce qu’elle avait vu dans l’esprit de Marlyn, ne pas oublier les ombres, ne pas oublier Karil comme le demandait Marlyn. L’accepter. Accepter, tout. Elle releva les yeux vers Marlyn.

- Il n’est pas, ne sera jamais plus, mais il fut. Et ca je ne l’oublierai pas.

Ces yeux se vrillèrent dans ceux de Marlyn, et elle répéta les mots qu’elle avait dit plus tôt sans le savoir, déterminée.

- J’ai peur, Marlyn. J’ai peur, mais ca ne change rien. Parce que pour que l’Oiseau sache qu’il peut voler… il faut le lancer dans le vide…

Troublée, Elera sentit les larmes lui monter aux yeux en répétant les mots d’Ena. Est-ce que tout avait changé, maintenant qu’elle connaissait la vérité ? … non, rien n’avait changé. Le passé était toujours le même, Ena toujours la même, Elera toujours la même, sûrement. Mais son regard avait changé… Elle voulait la vérité, c’est bien pour ca qu’elle était là ce soir. Ou ce matin. Ou cette nuit, peu importe. Elle l’avait à présent. Plus qu’à s’envoler.

- Alors j’accepte.

Deux flammes violettes qui sortaient des cendres et un brasier de feu. Une expression douce pourtant sur le visage enneigé. Elle avait encore les yeux humides, et en clignant rapidement des paupières deux larmes coulèrent sur ses joues. Mais elles n’éteignirent pas son feu intérieur, loin de là… Elle souriait. Juste quelques secondes, en observant son château de sable se reconstruire, sa plante retourner ses feuilles vers le soleil, son diamant flamboyer de mille feux. Avant de rajouter quelques mots.

- J’accepte le Chaos.

Puis elle lança un regard de défi au ciel qui s’éclaircissait doucement à l’Est, au soleil qui se lèverait dans peut-être une heure, à l’aube grise qui s’étendait vers elles. Elle repoussa doucement le bras de Marlyn pour se relever et pouvoir se dresser devant le monde et à son aise.

- J’accepte le Chaos, j’accepte la douleur, j’accepte la peur, j’accepte la mort, j’accepte que tout le monde ne rêve pas d’Harmonie.

Une minute elle resta immobile, sans plus s’occuper de rien. Puis elle se tourna vers Marlyn, reprenant contact avec la réalité. Elle eut soudain conscience du nombre de blessures que son amie avait reçu. Elle s’approcha, l’assit de force, et les observa en grimaçant. Mais elle ne pouvait rien faire.

- Tu devrais trouver un Rêveur… Je n’en ai pas besoin, je ne me suis pas battue comme toi, et tu as soigné ce qui devait être soigné… Merci, Marlyn. Sans toi…

Elle ne pouvait pas finir. Elle secoua juste la tête de gauche à droite et lui prit la main pour la serrer doucement avant de trouver la force de reprendre.

- Suis ta voie, je suivrai la mienne. Et si tu as besoin de moi, tu sais où me trouver…

Elle toucha lentement son esprit, attendant que Marlyn l’accepte avant de murmurer son seul moyen de remerciement.
*Accepte les ombres, et elles disparaîtront…*
Avec l’aube, les adieux. Elera les sentait arriver, et elle en avait peur. Mais elle les accepterait, comme le reste. Elle savait que rester aux côtés de Marlyn n’étaient pas souhaitable… Pour elles deux. Elles devraient suivre leurs différentes voies. Et attendre qu’elles se croisent une fois de plus…

Marlyn Til' Asnil
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MessageSujet: Re: Hier encore... (RP terminé)   Hier encore... (RP terminé) Icon_minitimeLun 4 Aoû 2008 - 21:22

Quelques mots, lâchés sans qu’Elera ne s’en rendît compte.. Les mêmes que Marlyn lui avait murmurés plus tôt dans la nuit. S’en rappellait-elle seulement.. Mais ce n’était plus à la cadette de penser pour deux. Pour l’instant, il fallait qu’Elera reprenne le contrôle sur elle-même, qu’elle mette ses idées en ordre, qu’elle se retrouve, car le combat l’avait perdue.
Tout se passait en silence. Marlyn ne bougea plus, regarda loin devant elle, un soutien tacite et inanimé pour la jeune fille. Une épaule, des bras, qu’importait. Juste être là, contre elle, et lui signifier qu’elle ne la laisserait pas tomber. L’académicienne commença à parler franchement.
L’acceptation..
Encore un mot qu’elle ne serait jamais capable de comprendre. Mais le plus important, c’était qu’Elera avait trouvé l’élément qui maintenant son château de sable intact. Il s’appelait acceptation et ce n’était pas Marlyn qui allait la contredire ou tenter de la faire changer d’avis. Qu’importe que l’apprentie chaotique ne comprît pas, ce n’était plus important à présent.

Deux yeux convaincus qui venaient sonder le sien, comme pour lui rappeler que pour bien voir le monde, il fallait deux yeux ; que pour le comprendre, il fallait être deux, deux, deux yeux, deux personnes. Mais ils étaient trois, et Marlyn devait choisir. Son Maître, ou Elera. Il n’y avait d’ailleurs pas à choisir, puisqu’il n’y avait pas le choix. Le Chaos serait là pour elle.. Elera ne pourrait plus. Après ce soir, quand dans quelques minutes disparaîtrait dans l’aube, elles redeviendraient ennemies, ou ne pourraient plus s’entraider ou se parler comme elles venaient de le faire.
Elera parlait, sans retenir les mots qui sonnaient entre elles. L’acceptation, encore, toujours cette acceptation qui semblait vraiment être vital pour elle. Mais.. comment pouvait-elle accepter le Chaos, qui lui volerait probablement la vie, ou détruirait l’Académie, dans quelques mois, années, décennies.. A nouveau, elle parlait le silence. Que Marlyn ne comprenait pas, puisque tout son esprit était réglé dans le bruit, les hurlements, les coups de métal, les combats, le dessin.. Le silence n’était sûrement plus à sa portée. C’était dommage, de ne pouvoir comprendre une dernière fois ce que ressentait son..
Son amie. Penser ce mot la fit frissonner un instant. Et si le Mentaï fouillait son esprit pour trouver ces quatre lettres qu’elle devait bannir ? Et s’il suivait ce qu’elle pensait ou faisait en ce moment-même.. Il serait tellement déçu, tellement mécontent d’elle que Marlyn prit peur un instant. Peut-être que si elle racontait à Artaïel, il la protègerait.. Nan. Elle devrait accepter la sanction. Elle était l’élève de ce Mentaï, et le décevoir était sa propre faute, elle devrait subir. Pourvu qu’il n’en soit jamais au courant..

Quelqu’un la fit asseoir, la tirant de ses songes pessimistes. Le geste l’avait prise par surprise et elle n’avait pas résisté, alors que depuis tout à l’heure elle mettait un point d’honneur à tenir debout. Intérieurement, elle se soulageait qu’on la fît asseoir, ça commençait à sérieusement faire mal. Ce même quelqu’un observa minutieusement ses blessures. Mais pourquoi…
Elera ?
L’élève mentaï tenta de voir net, la vision troublée par la fatigue. Mais la voix qui suivit était bien celle d’Elera, aussi était-il logique de conclure que c’était cette dernière qui l’avait faite asseoir. La fatigue prit alors le pas sur la fierté, et elle ne chercha pas démentir les paroles d’Elera. Des.. remerciements, des promesses, des recommandations.. Si elle n’était pas exténuée, l’apprentie Mentaï aurait sûrement pleuré un peu de ces mots qu’elle n’avait jamais entendus avant, mais son œil restait sec, légèrement injecté.

Quelques mots, dans les Spires. Et à nouveau, sentir une main dans la sienne. Baisser la tête, observer la roche à ses pieds, plisser la paupière sous les premiers rayons de soleil levants, qui transperçaient la canopée lointaine pour venir les aveugler. Et puis avancer dans les Spires, pour tenter de mettre de l’ordre, avancer sans but aucun, sans remarquer les possibles qui se tendaient vers elle, avancer tout droit, crisper la mâchoire sous la puissance requise pour continuer à monter, monter toujours plus, chercher sans savoir ce qu’on cherchait.. Garder le silence parce qu’on ne savait plus quoi dire, et puis finalement, laisser les Spires prendre entièrement l’attention, serrer les doigts d’Elera.
Effleurer la présence un peu effacée de l’Académicienne dans les Spires et lui murmurer :


*Il ne faut pas avoir peur.. Et là où je peux te trouver, je ne pourrai pas te suivre, tu le sais bien. Alors accepte ceci.*

Une petite chaîne en argent noir apparut entre les doigts crispés de Marlyn. Elle était bien trop fatiguée pour dessiner mieux, et avait cherché longtemps pour trouver quelque chose qui pourrait convenir. Les maillons étaient extrêmement fins, et malgré sa couleur ténébreuse, la chaînette miroitait à la lune. Hésitante, elle la tendit à Elera, la laissant tomber entre les doigts ouverts de son amie. C’était bien trop peu et relativement sobre, mais c’était tout ce qu’elle était capable de lui offrir.

* Quand je mourrai, elle disparaîtra. C’est un moyen de te donner de mes nouvelles une ultime fois, je suppose.. Et ce dessin renforcera notre lien dans les Spires, et je pourrai te parler de l’autre bout de Gwendalavir. Si, à l’Académie, on te questionne sur ta fuite, ou sur ce collier.. sur moi, dis-leur que je suis morte, que tu me l’as volé. S’il te plaît. *

Elle espérait que la jeune fille serait capable de mentir, de fausser la route de Valen ou de Slynn. Car Slynn sentirait très certainement le dessin contenu dans la chaîne, et poserait des questions dangereuses. Marlyn ne voulait pas qu’Elera ait des ennuis à cause du premier cadeau qu’elle offrait.
Plus que quelques minutes avant de devoir repartir.. Avant de retourner dans cette confrérie où elle passerait encore la journée à s’entraîner, à courir et à avoir mal, puis le soir à dessiner et parler avec Artaïel.. Plus jamais de nuits avec quelqu’un à qui se confier comme elle venait de le faire avec Elera. Il faudrait, dans quelques minutes, redevenir insensible et fermé, introverti et efficace..
C’était le prix à payer pour avoir fait une erreur des mois de cela. Et maintenant, elle devrait servir le Chaos jusqu’à sa mort.


* Elera, je.. je te promets que même si ma vie en dépend ou que j’en ai l’ordre, je ne te blesserai ou tuerai jamais.. *

[Là j'suis pas fière de moi =/ Edition à volonté ù.ù"]


Elera
Elera

Marchombre
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MessageSujet: Re: Hier encore... (RP terminé)   Hier encore... (RP terminé) Icon_minitimeMer 6 Aoû 2008 - 0:53

Elera laissa la chaîne glisser doucement dans sa paume. Couleur onyx, pierre du noir le plus profond, couleur ébène, couleur des ténèbres insondables. Un Dessin éternel… non, pas éternel, puisqu’il disparaîtrait à la mort de Marlyn. Ou peut-être que si ; comment savoir ? Elle ne s’y connaissait pas en Dessin. Elle l’accrocha doucement autour de son cou, le caressant une dernière fois. Elle savait qu’il ne la quitterait plus, pas plus que son bracelet avec l’améthyste… Que de souvenirs. De Silind, de Marlyn. Que de gages qu’elle les reverrait, et qu’ils avaient bel et bien traversé sa vie à un moment donné. Que tout n’était pas un rêve. Et Marlyn, saurait-elle demain que cette rencontre n’était pas une illusion ? Hier encore, elles étaient ensemble, elle penserait. Et aujourd’hui, elles sont ailleurs. Loin, très loin. Elera sortit son sabre, et coupa rapidement une mèche de ses cheveux flamboyants. Ils tombèrent lentement dans la main de Marlyn avant qu’elle ne croise l’œil unique de Marlyn et qu’elle ne se jette dans… dans les Spires ?

*Merci, Marlyn. Garde-les ou offre-les au vent, à toi de voir… Mais je serai incapable de mentir. Je me tairai ou dirai la verite, mais je ne mentirai pas. Mais je te promets que je ne leur dirai pas ou te trouver. Tu seras en securite, je ne te trahirai pas. Je ne te trahirai jamais. Et… ne m’appelle qu’en cas d’urgence. Slynn surveille les Spires…*

Ca, elle le savait grâce à sa voyageuse. Slynn l’avait sentie et l’avait retrouvée en quelques minutes. Elle pourrait sûrement entendre un appel venant de Marlyn, non ? Elles devraient être discrètes. Et comme elles suivaient chacune leur voie… peut-être était-ce mieux ainsi. Elles se reverraient sûrement, mais cela n’arriverait pas avant longtemps… Aux derniers mots que prononça Marlyn mentalement, Elera la remercia encore, avant de se taire, car il n’y avait plus rien à dire… Elle resta encore là, tout près, pendant plusieurs minutes. Puis elle se releva et attrapa une pierre, la frottant contre la paroi. Rien du tout. La reposant au sol, elle en choisie une autre. C’est seulement à la cinquième qu’elle trouva enfin ce qu’elle cherchait. La pierre laissait une fine couche blanche sur la montagne… de la craie. Les lignes étaient loin d’être droites sur la surface irrégulière, mais Elera s’appliqua à écrire tout ce qu’elle avait à écrire.

Cairtitudes efondré pui retrouvé
Amitié perdu pui gravé dans la roch
Cheumein parcourru sou la lunne

Elle recula une seconde pour relire, ce qui était pratiquement impossible tellement sa main avait tremblé et à cause de l’inégalité de la paroi. De toute façon, ses mots disparaîtraient à la première pluie… Elle haussa donc les épaules, puis s’approcha du bord pour commencer à descendre… Un dernier regard vers son amie avant de disparaître vers le bas, et un dernier message aussi.

*Bonne chance, où que tu ailles. Souviens-toi de ta force. Toi aussi, tu dépasses les hauteurs les plus grandes de loin…*

Puis elle disparut derrière les rochers, imaginant Marlyn disparaître à son tour d’un pas sur le côté. Un mètre, deux mètres, puis elle grimaça effroyablement. En posant son poids sur sa main droite, elle sentit rapidement la peau autour de sa blessure s’écarter et le sang sortir de plus belle. Elle pouvait descendre seule, mais elle aurait plus de mal qu’à l’allée, en essayant d’éviter d’utiliser l’une de ses mains… Mais après tout, quelle importance ? Elle avait passé de plus grandes difficultés aujourd’hui. Elle avait pardonné son crime, puisque s’en était un, à l’homme qui avait torturé sa… sa meilleure amie. Elle avait repoussé ses doutes. Elle avait prouvé à Marlyn qu’elle aussi était bonne, qu’elle aussi avait un esprit, qu’elle aussi avait une force. Elle lui avait laissé une partie d’elle-même, physiquement comme mentalement, et repartait sur sa Voie plus déterminée encore qu’avant. Elle avait accepté le Chaos et était prête à faire face à Valen, Ena et toutes les trahisons qui foisonnaient à l’Académie. Prête aussi à les oublier pour rencontrer les nouveaux élèves qui étaient sûrement arrivés pendant son absence… Elle avait vu la mort dans les yeux, mais elle en sortait vivante. Blessée, mais vivante. Et les blessures se referment, et les blessures rendent plus fort, parfois, si on arrive à les supporter… Comme elle supportait le bandage rouge sur sa main, et l’irritation sur son cou. Elle devrait s’occuper de tout ca, plus tard. Pour le moment… elle avait des montagnes à escalader, des défis à relever, des rivières à traverser, et des précipices à surmonter. Et malgré la peur qui lui vrillait les entrailles, malgré les souvenirs intolérables de la torture de Marlyn, elle était prête.

Hier encore, elle était perdue.
Hier encore, elle ne savait pas.
Hier encore, elle cherchait.

Elle n’avait toujours pas trouvé… mais au moins, elle savait où elle était, et elle savait qui elle était. Elle était là, elle était maintenant, elle était elle-même. Avec ses cheveux qui volaient dans le vent, la sueur qui coulait sur son front, ses yeux violets plein de curiosité et de compréhension, son sourire joyeux et plein d’espoir, son acceptation du monde, son harmonie et son chaos intérieur, ses peurs et ses rêves, son amitié et son pardon infini. Elle était là, elle était elle. Carpe Diem.
Elle descendait prudemment, le soleil séchant ses joues. Direction, l’Académie. Plus rien ne la retenait loin de l’établissement…


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