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| Sujet: Audience furtive Dim 12 Nov 2017 - 16:36 | | | La cour intérieure était calme. Les beaux jours se profilaient et dans l’attente de cette occasion, des voilages pastel avaient été levés, remplaçant les couleurs de deuil dont la bâtisse s’était parée durant des semaines. La fille de l’Empereur n’avait que récemment donné cet ordre… la tragédie avait frappé les siens de plein fouet, si bien que l’équilibre de l’Empire en avait vacillée sur elle-même. Et les jours s’étaient éternisés… se muant en semaines qui elles se transformèrent en mois. Elle était partie pour récupérer les Gants, mais n’était toujours pas rentrée à cause de ce séisme diplomatique. Elle espérait seulement que Locktar recevait bien toutes ses lettres et missives.
L’Académie elle aussi se relevait doucement, elle ne se sentait pas tranquille de devoir se montrer absente aussi longtemps et aussi loin dans un moment pareil. Bien sûr, l’unité de liaison qu’elle avait fondé à l’Académie, faisait régulièrement la navette jusqu’à la capitale pour prendre connaissance de ses directives et dispositions… Lun’Ternone Danel le chef de cette unité, s’était déjà déplacé en personne pour remettre ses lettres à Locktar. Mais mille raisons pouvaient avoir égaré toutes les autres, elle n’en recevait aucune. Juste assez pour les savoir lui et leurs enfants en sécurité, mais avec le climat encore électrique de la capitale, bien peu d’informations et de courriers parvenaient à passer les murs du palais. Il lui tardait de retourner prendre son poste et épauler Jehan dans la reconstruction et la relève de l’Académie. Il lui tardait de serrer à nouveau Orlane et Méric… d’embrasser Locktar dont l’absence lui pesait chaque jour, de retrouver Duncan cette force tranquille…
Mais les derniers temps trop rudes, l’avaient privé d’un retour vers eux trop précoce. La mort de l’Empereur avait ranimé les espoirs endormis de certains dissidents et opposants. Les semaines qui avaient suivit sa disparition n’avaient pas été de tout repos. Des complots étaient nés ici et là afin d’évincer son héritière légitime du pouvoir, d’autres pour renverser l’ordre établi. Ils avaient déjoué pas moins de 16 tentatives d’assassinat uniquement durant les 3 premières semaines, pour moitié dirigée à l’encontre de l’héritière elle-même et pour le reste contre ses plus solides appuis politiques et conseillers. Ses ennemis n’avaient eut de cesse de vouloir l’affaiblir avant même que son jeune règne ne débute officiellement. Pour ces différentes raisons, on ne leur avait pas encore accordé d’audience… et il fallait dire que la liste des émissaires ayant pour mission de rencontrer la très prochaine impératrice, afin de conforter leurs alliances et lui assurer de leur soutien, était particulièrement longue. Et elle était si jeune… Une enfant.
Audric et elle-même avaient alors décidé de prendre leur mal en patience en agissant activement dans l’ombre pour la sécurité de l'infortunée. Ils avaient encore de bons contacts dans le palais, même si la principale intéressée ne les connaissait pas encore. Mais aujourd’hui… cela allait changer. Leur patience allait être récompensé. Mais en audience plénière. Du coin de l’œil, Edel capta le regard d’Audric vigilant comme toujours aux mouvements et circulations des visiteurs prestigieux. Il s’était posté derrière un pilier de marbre, à plusieurs mètres sur sa droite et tout comme lui durant ces derrières semaines, elle se tenait en retrait, silencieuse comme une tombe. Dans la cour, le ballet des valets venait de reprendre. On tira des voilages alors que d’autres se refermaient.
Installée au centre de la cour baignée de lumière, confortablement assise sur un luxueux promontoire tapissé de coussins et de soie, la future Impératrice venait de déposer ses couverts. Toute la matinée les émissaires s’étaient succédé, s’agenouillant devant elle les uns après les autres. Malgré son jeune âge et leur nombre qui ne tarissait pas depuis des jours, celle qui serait couronnée dans quelques mois n’avait pas bronché une seule foi, n’interrompant les visites que pour manger ou dormir. Elle prenait sans aucun doute possible, son rôle très à cœur. Ayant eut le privilège de la suivre dans tous ses déplacements depuis leur arrivé, ils n’avaient fait que le constater de jour en jour.
Ce serait bientôt à leur tour de s’avancer vers elle. Edel inclina imperceptiblement la tête et Audric obtempéra sur le champ, murmurant à l’oreille d’un valet qui passa trop près de lui. Une brise souffla dans la cour, plus longue que les autres, emportant les voilages dans son sillage, les faisant danser dans des mouvements colorés. Lorsqu’ils furent tous retombés à leur place, le dernier valet avait quitté les lieux. Sans ôter leurs capuches, sont frère et elles s’avancèrent d’un même pas.
_Je peux vous voir enfin, les salua la jeune fille impériale après avoir levé les yeux vers eux. Son conseiller le plus proche se tenant toujours debout derrière elle, il les salua dans une inclinaison respectueuse. Mon père aimait à me lire l’Histoire, particulièrement celle des héros qui contribuèrent à la libération de notre peuple. Mais j’ai aussi entendu parler de la façon dont vous vous êtes patiemment rendu utile dans mon palais en ces jours sombres. Grâce à votre présence je me sens en sécurité. _Et nous en sommes honoré. Répondit Edel alors qu’Audric et elle s’inclinaient à leur tour. Notre présence ici cependant, touche à sa fin. _Ne verrai-je donc pas vos visages ? Interrogea la future tête couronnée.
Edel échangea un regard avec son frère, quelle devinait interloqué par cette question sous sa capuche. Avant toute réaction à cette demande, le conseiller de la future impératrice se pencha à son oreille pour lui murmurer quelques mots avant de se redresser.
_On vient de me faire part de ma maladresse, nous comprenons vos besoins de discrétion bien sûr. _Nous avons fait un long voyage pour vous présenter nos condoléances, enchaîna Audric dans une voix posée, et l’attente fut longue.Nous devons à présent rejoindre les nôtres. _Votre père, compléta Edel, était un grand ami du notre et de notre Maison. Sa disparition nous affecte tous. C’est la raison de notre présence dans vos murs. Si il aimait à vous conter les exploits des temps passés, alors vous n’êtes pas sans ignorer la valeur et l’importance des engagements qui lient votre lignée à la notre. Nous apportons avec nous, la réaffirmation ferme des termes de cette alliance et sommes venu quérir votre position quant au pacte qui nous lie. _Le secret sur votre existence ne sera pas révélé sous mon règne. Affirma la jeune fille au port de tête impeccable. Je ne connais pas encore toutes les subtilités de ces liens qui secrètement unissent nos deux familles depuis les temps anciens, mais comme vous avez pu le constater par vous-même, se priver du moindre allié serait une erreur de ma part. J’ai aussi… elle les considéra longuement l’un après l’autre, confiance en les alliés de mon père, mais plus encore en ses amis. Veuillez remettre ce message à votre père. À peine eut-elle le temps de faire un geste, que son conseiller s’avançait pour lui remettre, une lettre cacheté des sceaux impériales. Cette enveloppe renferme deux lettres : une de ma main et l’autre écrite de celle de mon père avant qu’il n’advienne… ce que tout le pays à présent sait.
Edel fit disparaître le courrier d’une valeur inestimable, dans les plis de son manteau dès qu’elle l’eut reçu en main propre. Elle serait lue par les siens dans moins de cinq jours, mais elle pouvait déjà sentir la curiosité de son frère qui se tenait à ses côtés. Une lettre de l’Empereur qui leur avait été adressée peu avant sa mort… était-ce de bonne augure ?
_Nous vous remercions de votre hospitalité, s’inclinèrent-ils à nouveau alors qu’Audric gardait toujours le silence. _Maintenant veuillez vous avancer, que nous puissions sceller cette nouvelle entente comme mon père aimait à le faire avec ses plus proches alliés. Les invita la jeune fille en se levant pour la première foi de la journée.
Le souvenir de cette poignée de main donnée avec leur membre ganté, les accompagna le reste de la journée. C’était la première foi qu’ils avaient serré la main de quelqu’un avec celle-là, la sensation était… étrange.
_Tu porteras ce que tu sais à père, disait-elle en parlant de la fameuse lettre de l’Empereur, alors qu’ils marchaient tout deux à grandes enjambés en direction des écuries. Je sais que tu sais où il se trouve. Ne voyage pas seul. _Léopold, Aldric et Ephrem ont quitté la frontière sud, nous devons joindre nos chemins d’ici deux jours. Lui informa Audric qu’elle trouvait différent ces derniers temps, moins dissipé, plus posé, contrarié aussi… si nous chevauchons de nuit, père l’aura entre les mains dans moins de 5 jours… _Tout ira bien, se sentit-elle obligé de lui dire en s’arrêtant au détour d’un couloir afin de lui poser une main rassurante sur l’épaule. Ne désespère pas. Le calme reviendra parmi les nôtres. _Tu ne sais pas ce que j’ai vu. Répondit son frère à sa tentative d’apaisement, il semblait troublé et inquiet, il y avait de quoi. On leur faisait la chasse depuis des mois, et certains d’entre eux ne répondaient plus à l’appel. Nous devons agir au lieu de nous cacher… _Audric, apaise-toi. L’intima-t-elle avec calme. Ne prend aucune décision hâtive ou sous le coup de l’émotion, ça serait une erreur. Elle le prit solidement par la nuque, avant d’ajouter : J’ai besoin de pouvoir compter sur toi, tu entends ? Restitue à père le moindre des détails que tu as pu voir ici avec moi. Laissons retomber les tensions, les choses retomberont en place. _Est-ce que tu penses à la même chose que moi ? Demanda-t-il au bout d’un moment après avoir prit le temps de se calmer. Elle acquiesça en silence alors qu’ils reprenaient leur marche, sur le point de les mener à destination. _L’un des nôtre devra dorénavant se tenir présent au palais pour assurer nos intérêts. Je compte sur toi pour que tu me tiennes au courant des votes. Tu connais déjà le mien. Ils s’emparèrent chacun des brides de leur monture qu’on avait harnaché pour eux. _Promet moi d’être prudente, lui demanda-t-il pour la toute première foi sans détour. _Promet moi d'être plus optimiste, rétorqua-t-elle dans un demi sourire. Deux de mes hommes m’attendent aux portes de la ville, conssentit-elle enfin à le rassurer comme il insistait du regard, alors qu’elle vérifiait une dernière foi la présence du coffret qu'il lui avait rapporté. Un coffret qui renfermait un précieux et inestimable chargement. Elle monta enfin à cheval. La prochaine foi que nous nous verrons, tu pourras peut-être prendre tes filleuls dans les bras qui sait ! _Il me tarde de voir auquel de vous deux ces deux petits monstres peuvent bien ressembler le plus : la brute ou la despote ?
Ils se sourirent une dernière foi dans un regard plein de promesse : garder le contacte quoi qu’il advienne. Prenant enfin des directions opposées, ils n’osèrent pas se dire au revoir. Pour chacun, la chevauchée serait longue.
==> "Serais-tu ma maison?" |
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