Première Rencontre, Première Encontre [Inachevé]

Maena était fatiguée. Pas qu'elle ait fait quoique ce soit pour être exténuée durant cette journée, mais c'était justement cette inactivité, en dehors du soin journalier attribué aux chevaux, qui la rendait malade. Cinq jours qu'elle était arrivée à l'Académie. Cinq jours depuis sa rencontre houleuse avec cet apprenti prétentieux.
Mais elle aurait donné n'importe quoi pour voir à nouveau quelqu'un. Rester seule ne la dérangeait pas, mais plus elle se rapprocherait des habitants, plus vite sa mission serait terminée. Et elle ne comptait pas moisir dans cette école.

Engagée en tant qu'Assistante du Maître des Ecuries, il aurait semblé logique que cette fameuse Clarysse devienne le plus vite une personne proche. Du moins, plus proche qu'aucune des relations actuelles de la Mercenaire.
Et pourtant, toujours rien. Cinq jours.
Cinq jours, et elle n'avait toujours pas rencontré cette maudite femme !
La jeune fille fulminait. Certes, elle n'avait pas poussé le jeu non plus. N'avait rien fait d'autre que son devoir envers les écuries, et n'avait rencontré la maîtresse des lieux qu'une seule fois, pendant une brève - très très brève - discussion. Maena avait remarqué la gestuelle qu'avait Clarysse, typiquement marchombre, et tellement reconnaissable. Mais les palefreniers l'avait prévenue, après tout.
Elle était sous les ordres d'une Marchombre.

Dents serrées, la Mercenaire tournait en rond dans le baraquement qui lui était destiné. Si elle avait deviné ceci avant de se proposer comme Assistante, elle aurait mille fois choisi le second poste que Jehan lui proposait. Elle aurait peut-être pu enrôler, parfois même sans qu'ils le sache, de jeunes et innocents et stupides gamins qui ne rêvaient que d'une chose : devenir marchombre. Devenir une honte.
Comment avait-elle pu être aussi stupide ? La jeunesse l'excusait-elle ?
Sûrement.
Néanmoins, c'était une fois de plus son stupide entêtement et son tout petit complexe de supériorité qui lui avait joué des tours.

Sur un coup de tête, comme elle faisait souvent lors de ses prises de décisions, elle sortit, refermant la porte avec empressement, et descendit l'escalier qui menait aux écuries. Elle salua un jeune palefrenier aux cheveux roux, quelque peu enrobé, qui lui rendit un grand sourire. Alors qu'elle traversait la cour, elle aperçut les box destinés aux chevaux, presque tous remplis. Ces pauvres bêtes restaient donc ici, sans rien faire ? Leurs maîtres devaient être bien condescendant...
Elle atteint alors les appartements de la Maître des Ecuries, et s'arrêta sur le seuil. *Voilà. Maintenant que tu es là, jeune idiote. Tu fais quoi ?* Elle ne prit pas la peine de se répondre, frappant à la porte.
Cette marchombre devait bien être chez elle, des fois ! Surtout un début de soirée, du type d'un froid de fin d'hiver agrémenté d'un léger vent.

(Si il y a le moindre problème, n'hésite pas, Edit à volonté )

Clarysse n’arrêtait pas de courir partout. Entre les box, les cours, les promenades, les entrainements, l’entretien, les commandes, les nettoyages, les leçons particulières, et toutes les tâches secondaires, la jeune marchombre avait du mal à se trouver une minute pour elle. Comme toujours. Jehan lui avait promis la Lune quand il lui avait certifié qu’il trouverait une assistante compétente au plus vite. Et ben, elle pouvait toujours courir. L’assistante tant attendue, elle l’avait bien eu. Mais quand à ses compétences, c’était autre chose. Oh, elle n’était pas nullissime, non. Elle s’y connaissait en effet avec les chevaux. Mais elle faisait le strict minimum. Enfin, c’était ce qu’elle voyait en revenant de sortie, de courses, de cours ou de visites chez Jehan. Ou alors, de ce que le palefrenier lui racontait. Parce qu’elle ne l’avait jamais croisé au travail dans les écuries. Pourtant, la Dame savait qu’elle y passait du temps. Bien plus dans les écuries que dans ses propres appartements. Sauf quand elle avait des papiers à faire. Ce qui était plutôt rare, il fallait l’avouer.


Et aujourd’hui, elle en avait du papier à faire. Elle avait repoussé toute la journée l’échéance. Mais Jehan avait décidé, qu’il fallait qu’elle fasse plus de paperasse pour que lui en ai moins sur son bureau. Ce qui n’arrangeait pas du tout la jeune femme déjà bien prise. Il lui fallait s’occuper des commandes de pailles, de foins et de matériel. S’occuper des factures de tout ce qu’elle achetait aux commerçants. S’occuper des papiers des chevaux qu’elle vendait ou achetait. S’occuper de facturer les cours individuels qu’elle donnait. Devait-elle aussi se faire payer ses heures supplémentaires subies par la nouvelle lubie de Jehan. Il n’aurait pas pu déléguer à quelqu’un d’autre ? Et puis bon, la paperasse c’était son domaine à lui, pas celui de la Maître des Ecuries. Elle gérait les dangereux et sales équidés pendant qu’il domptait les envahissants et coupants papiers. Chacun son boulot.


Clarysse fut distraite de sa tâche par un coup léger frappé à sa porte. Qui venait donc la déranger à une telle heure ? Personne ne venait jamais dans ses appartements parce que tout le monde savait qu’elle n’y était jamais et que pour la voir à coup sûr il fallait l’attendre à l’entrée des écuries. En tous cas, la personne qui venait la voir ce soir était bien chanceuse, ou alors avait suivi chacun de ses mouvements. La marchombre arrêta là la paranoïa, fit un tas de ses papiers, se leva et alla ouvrir la porte. Parce qu’elle trouvait ça complètement prétentieux de rester assise à son bureau et de dire un « Entrez » d’un air supérieur. Accueillir les gens sur le pas de la porte puis les laisser entrer, ça c’était aimable. Quelle ne fut pas sa surprise de voir se tenir devant elle son Assistante à la démarche marchombre, comme elle l’avait noté quelques jours plus tôt. Elle sourit et l’invita à entrer :


-Bonsoir Maena. Entrez vite, ne restez pas dehors par ce temps qui s’annonce pluvieux. Comment allez-vous ?


Banalités, banalités. Aucune utilité. Clarysse n’avait jamais été douée dans l’humain et les discussions de base. Parler de la pluie et du beau temps ce n’était pas son truc. Elle aimait quand on allait droit au but. Mais ne voulait rien laisser transparaître si ça pouvait améliorer ses relations avec Maena. La marchombre, se dirigea vers la cheminée et en attisa le feu, tout en gardant la jeune femme dans son angle de vision, comme à son habitude avec les inconnus. Puis elle remit une bûche dans foyer. Ainsi, elle laissait le temps à la jeune femme d’expliquer la raison de sa visite à cette heure de repas. Mais celle-ci ne semblait pas décidée à ouvrir la bouche. Comme plongée dans ses réflexions. Ce fut donc la petite marchombre qui relança la discussion


-N’hésitez pas à vous assoir, déclara-t-elle en désignant les fauteuils près de la cheminée ou celui à l’avant de son bureau.


Puis, elle continua sur sa lancée :


-Que me vaut le plaisir de votre visite ?



[Edition à volonté ! Comme je l'ai écrit tard ce post, il y aura peut-être quelque modifications demain ]

Maena n'eut pas à attendre longtemps : par bonheur, le Maître des Ecuries était dans sa stalle. Stalle ?
La mercenaire secoua la tête en étouffant un léger rire. C'était une blague complètement stupide qui avait fait immersion dans son esprit, mais il n'allait pas y rester longtemps. Clarysse Vornang vint lui ouvrir la porte de ses appartements. Et même si la jeune femme avait déjà pu croiser sa supérieur, elle ne put s'empêcher d'être surprise par la taille de cette femme. Par ailleurs, ce terme convenait-il réellement ? Quelle âge pouvait-elle bien avoir ?

Sans rien laisser paraître, elle fit un petit sourire à la marchombre lorsque celle-ci lui annonça qu'il allait pleuvoir. Il n'y avait pourtant aucun nuage ?
Elle entra alors, pendant que Clarysse attisait le feu dans la petite cheminée de la pièce, qui était emplie d'une chaleur apaisante. Elle s'installa sur l'un des fauteuils près du feu de bois, non pas par frilosité, mais plutôt pour rendre l'atmosphère en elle-même moins froide. Avouons qu'une discussion avec un bureau au milieu faisait très... officiel.

- Que me vaut le plaisir de votre visite ?
- Je n'ai pas eu le plaisir de vous rencontrer, Dame Vornang. En tant qu'assistante, ça me semblait important. Son sourire s'agrandit. On aurait alors facilement confondu Maena avec une simple élève. Et pour vous répondre, je vais bien, merci. Et vous ?

Ennuyeuses questions, vouvoiement trop respectueux pour quelqu'un qu'elle ne connaissait pas - une marchombre ! Jouer la carte de la politesse était pourtant la moindre des choses que la mercenaire devrait faire. Celle qui rêvait de devenir une Envoleuse, et de détruire toute forme de cette Guilde mensongère devrait penser à prendre du repos pour la prochaine heure. Demander à un marchombre s'il allait bien relevais presque de l'ironie pour la jeune femme. Mais pas ce soir.
Ce soir serait peut-être la seule fois où elle devrait sortir un grand jeu de mensonge. En espérant qu'elle ne fasses pas tout sauter en disant plus qu'elle ne devrait, en dépassant les limites.
Alors, ne pas lâcher la bride, hein ?
Et peut-être arrêter les blagues sur les chevaux. Ca aiderait sûrement aussi.

La peau de la jeune marchombre était hâlée, ce qui faisait se questionner la mercenaire. D'où pouvait-elle donc venir ? Le sud ? Et depuis quand ?
Peut-être n'avait-elle même pas été présente lors de la prise de l'Académie par les Enfants du Chaos ? Mais tout l'Empire étant désormais au courant de leur échec, il y avait peu de chance que Clarysse ne connaisse pas les Mercenaires.
Jouer la jeune fille fine, pas trop idiote.
Oui. Pour changer, n'est-ce pas ?

Jambes croisées, les deux mains posées dessus, Maena regardait sa supérieure. De ses yeux verts émeraude, elle contemplait quelque peu la salle, découvrant le bureau rempli de paperasses. Elle plissa les yeux.
Voilà la raison de la venue.
Elle fit de nouveau face au Maître équestre, toujours souriante, tentant tant bien que mal de mettre en confiance cette femme qui semblait bien peu réceptive et timide.

- Je voulais également m'excuser. Non pas que je n'ai absolument rien fait aux écuries, mais je ne m'occupais que du minimum. Et je voulais m'expliquer. J'ai eu l'habitude, enfant, de travailler avec des chevaux - mes parents en possédaient deux. Mais lorsque je faisais des choses de trop, mon père me blâmait souvent. Ses yeux se voilèrent alors d'un voile sombre, comme si elle se rappelait un mauvais souvenir. Ainsi, je ne voulais pas empiéter sur votre travail ou celui des palefreniers. Venir vous voir m'aiderais aussi à délimiter, ou au contraire, ouvrir ce que je dois faire. Je ne peux pas vraiment dire que notre Intendant m'ait expliqué quoi que ce soit à ce sujet, mais je devine que ce n'est pas son travail.

Elle se mit à rire légèrement, avant de s'arrêter. La marchombre se taisait, étais-ce réellement bon signe ? Mais sans connaître son caractère, que pouvait affirmer la mercenaire, à part qu'elle devait continuer à parler ?

- J'ai vu aussi, elle désigna le bureau de Clarysse, que vous aviez énormément de papiers. S'il y a quoi que ce soit en quoi je puis vous aider, n'hésitez pas à me demander, je suis après tout à votre service...

* Je ne suis au service, ou sous les ordres de personne !!*

Maena fit taire la petite voix insolente dans sa tête. Actuellement, si. Elle devait être sous les ordres de cette femme. Les services qu'elle pouvait lui rendre serait alors peut-être de plus en plus conséquent. Peut-être alors jusqu'à cette fameuse paperasse qui s'annonçait d'avance ennuyeuse.
Mais ce serait aussi grâce à cette paperasse que la mercenaire pourrait apprendre plus de choses sur l'Académie. Et cette paperasse qui pourrait l'aider à terminer cette mission plus rapidement. A enfin retourner voir Alia.
Et finir cet entraînement d'Envoleuse.
Oui, le plus tôt serait le mieux.

Oh, la gentille assistante venait donc enfin se présenter en bonne et due forme. C’est vrai qu’il n’y avait pas eu d’autres occasions de venir lui parler, lui proposer de l’aide. Alors que passer une heure dans les écuries suffisait à voir que Clarysse n’avait rien d’un monstre et qu’elle était débordée. Que c’était la petite marchombre qui l’avait saluée la première fois qu’elles s’étaient croisées en lui disant d’attendre ici une minute le temps qu’elle pose sa paille. Et l’autre avait filé. Quelle douce ironie. Mais la jeune femme se garda bien de laisser paraître une quelconque émotion à part la curiosité. Parce qu’il était bien normal qu’elle se pose des questions sur cette jeune fille qui débarquait dans son univers, avec la bouche en cœur et une démarche similaire aux marchombres. Elle était méfiante naturellement, pas question que ça change, ça lui avait déjà coûté pas mal. Principalement quelques-uns de ses rêves et son innocence.


Ma vie n'est qu'une utopie
Un monde tranquille sans trop d'hypocrisie
Où tout le monde a compris
Que donner à quelqu'un c'est se faire un ami.


D’ailleurs, ces souvenirs lui rappelaient le conseil que lui avait donné un homme surnommé le Fantôme.
Parait-il qu’il s’agissait du Trésorier en réalité, mais elle n’en était pas certaine. Regardant le feu, elle se souvint de son conseil, ne se fier à personne, être attentive aux détails. Et il avait eu raison, quelques temps après, elle découvert les Envoleurs, les mercenaires et leur cruauté. M’enfin, elle avait des doutes quant à la non-innocence de Maena vu qu’elle était bien plus jeune que Clarysse et n’aurait de toutes façons par finit sa formation. Il était dur pour elle, de se concentrer sur ce que la jeune femme racontait, vu l’état de fatigue dans lequel et était. Et la chaleur douceâtre que diffusait la cheminée ne l’aidait pas. Redressant son dos, elle écouta l’histoire la jeune fille. Elle était donc issue d’une famille qui ne respectait pas son travail et avait des chevaux. Réalité ou mensonges ? se demanda la marchombre attentive. Elle hocha la tête et tenta de répondre le plus neutrement possible :


-Ne vous inquiétez pas. Contrairement à votre père, je respecte quiconque travaille pour gagner sa paie et son pain. Oublions, cette histoire. N’ayant rien à dire sur la qualité de votre travail, je serai ravie de travailler avec vous.


Toujours souriante, elle continua :


-Revenez travailler un matin, je vous trouverai forcement quelque chose à faire. Et, vous pourriez même choisir si vous êtes là suffisamment tôt. Pour ce qui est de ce tas de papiers, je vais être obligée de me débrouiller seule, Jehan m’en voudrait d’exploiter ses résidents.


Rageant intérieurement de ne pas pouvoir lui dire ce qu’elle pensait réellement de son comportement des jours derniers, mais dire à quelque que c’est une flemmasse, c’était pas une super idée. Et, ça ne les rendrait pas plus amies. M’enfin, elle n’était pas là pour faire amie-amie avec sa subalterne non plus... Il y avait une ambiance bizarre qui dérangeait la jeune femme. Elle en avait marre de cette suspicion quotidienne, de ne pouvoir faire confiance à personne. Regrettant le temps de l’enfance, elle soupira. Enfin, elle se tourna vers son interlocutrice, cherchant quelque chose d’intéressant à dire.


Je ne vis plus pour un système
Nan, qui va contre la nature humaine
Un monde où on nous enchaîne
Aux valeurs de la haine


-Et sinon, qu’est-ce qui se qui vous amène à l’Académie à part travailler comme assistante ? Ne répondez pas, si ça ne me regarde pas, hein.


Pourrions nous avoir du temps pour discuter avec l'ennemi ?
Pourrions rester enfant avant de devenir vieux ?
Pourrions avoir un peu de vent dans nos cheveux ?


Continuant avec ce sourire plaqué au visage, elle réalisa, que durant cet entretien, elle avait recommencé à porter son masque. On sait tous à quel point il était fissuré ce masque depuis sa rencontre avec les habitants de cette Académie, mais elle ne voulait pas se dévoiler devant cette personne qu’elle ne connaissait pas. Nettoyant d’un revers de main une cendre sur son pantalon, elle continuait d’observer la jeune fille. Trouver ce qui la dérangeait en elle était un bon défi. Retardée dans son travail qu’elle était, elle n’avait rien d’autre à faire que discuter. Elle attendit une réponse de Maena en chantonnant une vieille chanson apprise sur la route:

- J'ai rien prévu pour demain,
Mais c'est déjà bien d'y penser
Et je pense que demain matin
J'aurais du mal à me lever


Pourrions avoir du temps pour admirer la nature,
Pour se faire une idée du présent, un soupçon du futur ?
Pourrions avoir du temps pour apprendre à vivre ensemble,
Pour ne pas être chacun dans notre coin si la terre tremble ?



[En espérant que ça te plaise, j'édite à volonté. Avec la chanson "J'ai rien de prévu pour Demain" de Tryo ]

(Je m'excuse vraiment du retard, le lycée ne me laisse plus que peu de temps...
Et l'inspiration n'était pas au rendez-vous, je l'avoue ^^")

- Ne vous inquiétez pas. Contrairement à votre père, je respecte quiconque travaille pour gagner sa paie et son pain. Oublions, cette histoire. N’ayant rien à dire sur la qualité de votre travail, je serai ravie de travailler avec vous. Revenez travailler un matin, je vous trouverai forcement quelque chose à faire. Et, vous pourriez même choisir si vous êtes là suffisamment tôt. Pour ce qui est de ce tas de papiers, je vais être obligée de me débrouiller seule, Jehan m’en voudrait d’exploiter ses résidents.

Maena sourit, hochant de la tête, tandis que les muscles de ses doigts se tendaient, à bout de nerf. Le temps se faisait long. Depuis combien de temps était-elle là ?
Elle réfléchit, et s'empêcha de lâcher un soupir.
A peine dix minutes.
La Marchombre lui lançait un souvenir avenant, mais comment savoir ce qui était réel dans cette pièce ? Un sourire de façade, ou une réelle empathie envers sa personne ? Les muscles de la maîtresse de lieux étaient-ils aussi tendus que pouvaient l'être ceux de la Mercenaire ? Pour quelle raison, dans ce cas ? Méfiance ?
Elle serait fondée, mais pas justifiée.

Le feu crépitait dans la cheminée, mourant doucement sur un lit de braise. La bûche déposée plus tôt presque déjà consumée. La jeune femme le contempla longuement, comme dans l'attente qu'il reparte, redémarre, consommant tout sur son passage, et commençant par cette maudite bicoque, et sa Marchombre de maîtresse. Les braises luisaient dans les yeux émeraudes, supérieurs et confiants de la Mercenaire.
Un jour.
Elle détourna lentement la tête du final de ce spectacle pyromane à la question de sa supérieure, apparemment inconsciente du théâtre de feu qui avait pris vie en son esprit.

-Et sinon, qu’est-ce qui se qui vous amène à l’Académie à part travailler comme assistante ? Ne répondez pas, si ça ne me regarde pas, hein.
- L'envie d'apprendre ? Maena rit de bon coeur, comme s'il s'agissait d'une bonne blague. Venir dans une Académie pour apprendre ne semblait pourtant pas si invraisemblable. Mais les informations que je recherche sont différentes, oh bien différentes de celles que l'on trouvera dans ces cours... L'envie de changer de paysage aussi. L'ambiance de la montagne est tellement différente d'Al-Vor... Elle sourit, songeuse. Et Al-Jeit... elle secoua vivement la tête, soupirant, très peu pour moi, merci. J'ai besoin d'air, de me sentir... sinon libre, à l'Air libre.

Elle insista sur la majuscule.
Point important que l'air libre, l'air qui était partout ailleurs que dans les villes, partout ailleurs que ces lieux où se regroupaient des montagnes de populations, où les cinq sens étaient sans répit assaillis de mille odeurs, goûts, et bruits, tant et tant que l'on se sentait vite oppressé par tant d'opulence.

Clarysse souriait toujours. Tant et si bien que la jeune fille se rendit compte que les muscles de sa mâchoires étaient contractés, ce qui traduisait un effort. Façade. Pourquoi ? La Marchombre se méfierait-elle ? Sent-elle un danger, comme la souris acculée au mur par le chat ? Maena retint son sourire de satisfaction. Mais ses yeux, ses maudits yeux qui la trahissaient souvent, ne se retinrent pas ce plaisir.
Alors que la Marchombre s'était mise à chantonner, un air que la jeune femme n'avait jamais entendu, elle s'épousseta le pantalon, l'air de rien. Ses doigts fins étaient parfaitement fluides, prouvant une certaine assiduité avec des armes telles que l'arc ou les dagues. Des crevasses dues au métier lui parcouraient les mains, mais elles restaient, semblait-il, tout à fait mobiles et utilisable.
L'inverse aurait été étrange pour une personne de son âge.

Se redressant sur son siège, tout sourire de convenance effacé, mais gardant une expression neutre, à l'esquisse d'un rire sur ses lèvres, la Mercenaire regardait droit dans les yeux son ennemie naturelle. Elle plaça ses mains croisées sur son bas-ventre, et reprit.

- Je me ferais un plaisir de venir travailler à vos côtés dans ce cas. Elle laissa une pause. Reprit la parole. Et vous, sans indiscrétion ? Etes-vous dans cette Académie depuis longtemps ?

Maena finit par répondre à sa question. De manière assez détendue étrangement. Comparé à la tension que trahissait son corps. Ses yeux verts flamboyaient alors qu’elle lui déclara qu’elle était là pour apprendre et pour changer d’air. Etre libre. Apprendre quoi ? Tirer un trait sur quoi ? Etre libéré de qui ou de quoi ? Toutes ces questions tournèrent un instant dans la tête de la marchombre qui resta calme et silencieuse. Il était vrai qu’ici, tout semblait bien plus propice à l’évasion et à la nouveauté. Contrairement à Al-Jeit qui n’était qu’artifices et Al-Vor qui pouvait paraître banale, Al-Poll, nichée au pied des montagnes, semblait naturelle et éternelle. Les paysages et les découvertes changeaient selon les saisons. L’endroit était en perpétuel renouvellement. Les gens, rendus bourrus par le froid pouvaient aussi se montrer quand il s’agissait de partager une table ou un verre de vin. Il y avait tant de choses et d’endroits à exploiter. La ville était relativement calme et attirait pour cela quelques artistes désirants la tranquillité.


Changer d’horizons donc. Comme Clarysse avait eu besoin de le faire. Et elle en était tombée amoureuse de cette région aux mille facettes. Tout avait été si nouveau pour elle. Même si elle savait qu’elle ne resterait pas éternellement en ces murs. Elle tenait trop à sa liberté et à ses voyages réguliers pour pouvoir rester toute sa vie à un endroit. Mais pour l’instant, c’était ici qu’elle se sentait le mieux. Elle avait comme l’impression d’être dans une grande famille. Avec ses membres débordants d’affection et ceux plus turbulents ou revanchards. Sa vie d’avant ne lui manquait pas trop. Même si elle aurait espéré que Jiwan et elle communiquent un peu plus. Il lui manquait. Parfois, elle avait l’impression de le sentir près d’elle. Peut-être était-ce quand il pensait à elle. Par contre, elle savait au fond d’elle qu’elle sentirait quand il la quitterait. Le lien était tellement fort qu’elle priait pour qu’il ne soit jamais coupé. Mais, serait-il vraiment coupé à ce moment-là ? Peut-être pas. Elle ne voulait plus y penser.


La jeune femme remarqua que son assistante l’observait, peut-être un peu trop fixement pour être naturel. Intéressant. Elles se jaugeaient donc mutuellement. Comme deux chats aux aguets. Sourire fugace. La situation était si cocasse. Deux femmes qui ne semblaient pas s’aimer assises à côté d’une cheminée en train de discuter de leurs vies. Vérité ou Mensonge ? Masque ou non ? Clarysse baissa enfin les coins de sa bouche. Sourire naïvement ça lui allait bien deux minutes. Que la fille n’allait pas croire qu’elle était toujours quelqu’un d’ouvert et serviable. Non, ce n’était pas elle. Elle était plutôt fermée comme une huitre. Sauf quand elle commençait bien à connaître une personne et à la respecter. Ou alors quand elle était complètement bourrée. Elle chassa rapidement ce souvenir de son esprit. Il valait mieux pour elle qu’elle oublie cet épisode dégradant de son existence, tout comme sa rencontre avec le roux. Même si elle ne pouvait pas.


Elle finit par se reconcentrer sur sa discussion avec Maena lorsque celle-ci recommença à parler. Enfin quand elle lui posa une question, les yeux dans les yeux. Ne voulant pas jouer à ce petit jeux là, elle fit mine de ne pas avoir remarqué le défi dans ses pupilles. Ne pas recommencer le jeu malsain qu’elle jouait avec Kylian avec une autre personne. Non. Une sangsue avide de duel suffisait bien. La jeune femme devait avouer qu’elle redoutait le moment où l’homme se présenterait devant elle. Parce que cette fois, elle ne pourrait pas y échapper. Puis, la marchombre répondit en replaçant une buche dans l’âtre où le feu commençait à s’essouffler puis en attisant les braises.


-Oh, ça doit bien faire deux ans.


La jeune femme n’avait jamais été une bavarde. Et elle n’avait pas l’intention de commencer maintenant. Le silence lui convenait parfaitement. Alors, elle n’avait pas détaillé surtout à une inconnue. Surtout que ce qui avait marqué son arrivée avait été la Reprise de l’Académie et sa reconstruction. Ce qu’elle n’avait pas très envie de détailler. L’affaire avait été plus ou moins étouffée pour que les Mercenaires ne soient pas de nouveaux tentés de chercher les failles de la défense de l’Académie. M’enfin, la Première Gardienne veillait au grain. Malgré sa grossesse récente, elle avait réussi à recadrer la plupart des gardes et à redynamiser le tout. Il lui semblait avoir entendu qu’elle faisait ou avait fait des travaux pour moderniser l’enceinte de l’école. Une lourde de tâche. Clarysse aidait son amie comme elle le pouvait. En venant parfois se promener avec elle ou juste pour discuter autour d’un thé. Toutes deux étaient assez proches, même si il était dur de faire coïncider leurs emplois du temps.


Clarysse posa une nouvelle question. Conversation badine sur un ton de mésentente. Tout ce qu’adorait la marchombre. Mais elle se garda bien de le montrer.


-Al-Poll et l’Académie vous plaisent-elle alors ?