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 Biographie : Vie de Ichel Calwin

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Ichel Calwin
Ichel Calwin

La Brute Marchombre
Messages : 897
Inscription le : 26/05/2009
Age IRL : 29


MessageSujet: Biographie : Vie de Ichel Calwin   Biographie : Vie de Ichel Calwin Icon_minitimeDim 3 Juin 2012 - 18:33

Biographie de Ichel Calwin



Alors, la partie qui suit ne représente que la vie d'Ichel avant
l'arrivée de l'Académie de Merwyn dans sa vie. L'ancienne version
est dans la fiche de présentation d'Ichel, celle-ci est la toute
fraîche du moment





Avant .

Au pied des montagnes de l'est se dressait une maison reculée de tout, une maison abandonnée de tous les esprits. Presque tous. La bâtisse était habitée par une famille plutôt étrange, une famille discrète et invisible. Personne ne venait leur rendre visite, personne ne se donnait la peine d'aller à leur rencontre. Ils étaient seuls et les gens avaient tendance à oublier leur présence.
Un matin d'hiver particulièrement ensoleillé, des cris retentirent. Des cris de femme. Stridents, ils s'entendaient au loin et plus encore. Les hurlements venaient de la maison. Une femme était couchée sur des draps, hurlant à la mort. De la sueur ruisselait sur son front et l'homme qui se tenait à ses côtés lui tenait la main plus sûrement qu'une chaîne d'acier. D'autres cris vinrent vite se rajouter aux siens, bien moins puissants. De petits hurlements rassurants. Des yeux s'ouvrirent enfin sur le visage doux d'un enfant de quelques années. Des grands yeux noisettes s'ouvrant pour la première fois, s'ouvrant afin de découvrir de nouvelles choses. Le visage sourit au petit être devant son regard. Il avait les mêmes yeux qu'elle. La femme prononça dans un seul souffle un son encore incompréhensible du petit être.

- Ichel...
Des rires, des pleurs, des caresses. La petite fille avait beau entendre des tonnes de bruits qu'elle ne connaissait pas, elle ne quittait pas du regard le premier visage qu'elle avait croisé. Fixé sur lui, quelque chose qu'elle ne comprenait pas était en train de se passer. Elle commença soudain à pleurer, un flot de larmes qu'elle n'arrivait pas à stopper et qui brouilla sa vue. Un étreinte. Un baiser.
Elle s'endormit.



- Descend tout de suite de là jeune fille ! Tu vas te casser quelque chose !
Une fillette se balançait de branche en branche faisant hurler son père en pleine crise de peur parentale. Du haut de ses quatre ans, l'enfant se tenait déjà debout dans les arbres à valser dans les airs sans se rendre compte du danger quelconque qu'elle courait. Elle s'en fichait totalement, elle aimait voir la tête de son paternel. Lui les sourcils froncés, elle un sourire immense aux lèvres. A ses côtés, une mère riant aux éclats car évidemment c'était elle qui lui avait appris à faire ces singeries. La fillette ne tarda pas à sauter à terre, se prenant bien sûr au passage un nombre de branches incalculables. Lorsqu'elle se redressa, ses cheveux étaient ébouriffés et des feuilles s'étaient crochées partout. Dans ses vêtements aussi, et même dans ses oreilles. Partout. Iolan sauta vers sa petite soeur et hurla à plein poumons.
- Hehe 'tite soeur, t'es trop forte !!
Ils commencèrent tous à rire, sauf bien sûr le père qui avait eu la peur de sa vie. Il allait prendre sa fille par l'oreille et la remettre à sa place lorsqu'une tâche à l'horizon attira son attention. Non, ce n'était pas une tâche, mais plutôt un énorme nuage de poussière. Fronçant les sourcils, il donna un ordre sans appel à ses enfants d'une voix aussi glaciale que les frontières de glace.
- Iolan, Ichel ! Rentrez tout de suite à la maison !
Il se baissa à leur hauteur.
- Surtout, ne sortez sous aucun prétexte tant que votre mère ou moi ne vous l'ayons ordonné. Sous aucun prétexte !
Sans aucune protestation, les deux enfants coururent à l'intérieur et se tapissèrent derrière une des vitres du salon. Leur père les avait défendu de sortir, pas d'observer la scène.
Leurs parents s'étaient retournés en direction du nuage et aussi incroyable que cela puisse paraître, leur mère s'était attaché les cheveux et se tenait dans une position des plus étrange. Mais que se passait-il donc ? Le nuage de poussière commença soudain à se dissiper et sept cavaliers apparurent au loin. Quelques longues minutes s'égrenèrent avant que les étrangers ne pénètrent dans la cour de la bâtisse. Lorsqu'ils arrivèrent devant les deux parents, ils sautèrent de leur montures, mais n'avancèrent pas d'un poil. Des paroles furent échangées que les enfants ne purent percevoir. Un cri de leur mère, puis tous les corps bougèrent d'un même rythme effréné. Une danse irréelle débuta entre leurs parents et les inconnus. Des étincelles d'admiration commencèrent à briller dans les yeux de la petite Ichel. Ne quittant plus sa mère du regard, elle vit pour la première fois l'art qu'était l'harmonie. Marchombre. Fluide, gracile, efficace, se mouvant dans toute sortes de positions, sa mère était un feu follet à elle seule. Elle se confrontait à de gros balourds bien plus corpulents qu'elle, mais jamais ils ne réussissaient à la mettre en difficulté. Jamais ils ne réussissaient à la toucher ne serait-ce qu'un cheveux. La fillette avait l'impression étrange que sa mère se déplaçait dans un monde à part, un monde attirant et mystérieux. Elle ne la quittait pas des yeux et ne vit pas que les inconnus détalaient sur leur montures. Ichel savait à présent qui elle voulait devenir. Marchombre. Comme sa mère. Ce mot, elle ne le connaissait pas encore, mais elle savait au fond d'elle-même que c'était sa voie. Les mains crispées sur le rebord de la fenêtre, elle contemplait encore sa mère qui semblait prête à l'envol.
Marchombre.


Deux ans passèrent et la fillette était toujours aussi pleine d'énergie. Elle savait à présent grimper à n'importe quel arbre, mais elle avouait volontiers préféré tenter les maisons qui possédaient plus d'accroches que les pins et autres conifères. D'ailleurs en pleine acrobatie sur les toits de la maison, elle entendit le cri de son père. Cette fois, ce n'était pas pour la réprimander. Il l'appelait car la famille allait passer quelques temps dans la citadelle des frontaliers voir une tante éloignée. Ichel sauta du toit, s'agrippa au chêne de la cour avant d'atterrir avec plus ou moins d'équilibre sur le sol. Elle courut dans sa chambre, prit son sac et sauta dans le chariot prêt à prendre la route.

- On est vraiment obligé de partir papa ?
- Oui mon coeur, il le faut.
- Dommage...
Il observa sa fille avec attention.
- Pourquoi as-tu l'air aussi déçue ?
La petite brune jeta ses yeux dans ceux de son père avec une pointe de regret intense.
- J'ai pas encore eu le temps de grimper sur le grand arbre au fond du jardin.
Ils éclatèrent tous de rire. Eamon, le père, ébouriffa les cheveux de sa fille.
- Tu aura l'occasion de grimper des arbres bien plus grand ma chérie.
Un sourire empli d'espoir illumina le visage de la petite fille. Elle se cala enfin entre son frère et un gros panier rempli de choses et d'autres. Le chariot débuta son long périple. La fillette fit un signe de la main à la petite maison qu'elle avait toujours connue.
Plusieurs semaines de voyages se déroulèrent sans incidents majeurs avant que les toits de la cité d'Al-Poll se dressent devant eux. Durant toutes les secondes que le voyage avait duré, les yeux des enfants avaient été émerveillés par la beauté du monde, mais ils n'avaient pas encore visité la grande cité. Lorsqu'ils pénétrèrent enfin dans la ville, les enfants émirent des cris de joie. Surexcités, ils voulaient descendre du chariot afin de pouvoir observer tous les recoins de l'endroit, mais ils rentrèrent bien vite dans une écurie où ils déposèrent le chariot. L'esprit d'Ichel n'avait pas encore quitté les rues d'Al-Poll que la famille était déjà en train de faire les présentations avec la tante. La fillette ne retint pas le nom de la dame. Ils reprirent le chariot et se dirigèrent avec la femme vers la citadelle. Leur visite dura une année entière durant laquelle les deux enfants se coursèrent dans les couloirs de la citadelle sans pour autant oublier de rire aux éclats. Une année de pur bonheur. Un jour alors que le ciel venait à peine de se parer des rayons du soleil, la femme vint réveiller les deux enfants. Elle les prit par la main et les mena dans les écuries. Des hennissements se firent entendre dans le dernier box. Lorsqu'enfin ils purent voir se qui se trouvait à l'intérieur, ils virent le plus beau spectacle auquel ils assistèrent. La grande jument blanche de sa tante était en train de mettre bas. La fillette, bien trop absorbée par la naissance du petit, remarqua à peine la présence des deux frontaliers qui assistaient la jument. La petite était dans un autre monde, il lui semblait que plus rien n’existait à part elle et le cheval. Ce dernier jeta un regard de supplice en direction de la fille. Un contact, un simple regard. Ichel ne put s'empêcher d'approcher de la femelle. Celle-ci couchée à terre, la petite alla jusqu'à toucher sa tête. Elle entoura sa lourde tête de ses bras et plusieurs minutes s'égrenèrent. Pour la petite fille cela avait duré des millénaires. Le temps avait semblé s'être arrêté durant tout la mise à bas. Même lorsque le poulain commença à hurler, la jument et la fillette étaient toujours à terre. Ce ne fut que lors du huitième hennissement du bébé qu'elles se laissèrent. La fillette laissa la jument se relever et étreindre son petit. La femelle offrit un dernier regard à Ichel tel un remerciement.
Une main se posa alors sur son épaule. C'était la tante.

- Eh bien, on dirait que l'on a une rêveuse dans la famille !
Deux yeux noisettes fusillèrent la vieille femme.
- Non ! J'veux faire comme m'man !
Un rire échappa des lèvres de la femme.
- Bien sûr, tu feras comme ta maman.
La tante s'agenouilla vers la fillette.
- Tu veux lui donner un nom ?
Les yeux de l'enfant s'illuminèrent en un instant et un sourire immense apparut sur ses lèvres.
- Oh je peux ? C'est vrai ?
- Mais bien sûr puisque je te le dis.
La petite Ichel parut sortir de son corps. Elle alla se réfugier dans les tréfonds de son esprit et farfouilla dans ses pensées. Elle avait bien un nom en tête, mais elle voulait le donner à son cheval à elle. Pas à un autre. Quand elle en aurait un bien sûr. Mais il lui fallait en trouver un autre. Mais d'ailleurs, comment était-il ce nouveau né ? Avec tout ça elle ne l'avait même pas aperçut. Elle se dirigea en silence vers les deux équidés. La mère, d'un blanc immaculé, cachait encore le petit du regard de la fillette. Lorsqu'elle tourna enfin autour d'elle, la petite découvrit le poulain. Des éclats brillèrent dans ses yeux. Le nouveau né était tout simplement sublime. Il avait une robe du même gris métal que son père, parsemé de petites tâches blanches, cadeaux de sa mère. Gris pommelé. Qu'il était magnifique ! Rien ne pouvait égaler la couleur de sa robe. Rien. Lorsque le petit plongea ses yeux dans ceux de la petite, ce fut comme si l'univers l'observait. Des yeux d'un noir époustouflant. On aurait dit deux grands ciels étoilés à eux seuls.
- Univers.
Murmurant ce nom, elle se convainquit elle-même de la réalité de ces syllabes qu'elle lui offrait. Contente d'elle, elle se tourna vers sa tante avec un sourire intense.
- Oui, il s'appellera Univers !
- C'est un nom magnifique, comme le petit poulain qui le porte.
La fillette passa presque toute la journée aux côtés des deux chevaux. Elle les regardait, leur parlait, les caressait. Iolan passait parfois, mais ne trouvait pas cela très intéressant de rester là à veiller sur de simples chevaux. Toutes les bonnes choses ont une fin. Et Lya, la mère, finit par venir dans les écuries et se pencha vers sa fille pour lui murmurer à l'oreille, comme si elle avait peur de la déranger dans son silence.
- On va y aller. Toutes nos affaires son déjà dans le chariot, il ne manque plus que toi ma puce. Tu viens ?
Un dernier regard en direction des équidés. Elle prit la main de sa mère et l'entraina dehors. Lya se laissa faire en souriant.
- Dis, j'pourrais en avoir un comme celui là quand j'serais grande ?
Le coeur de la mère flancha. Sa fille était adorable.
- Oui ma puce, on ira le choisir rien que toutes les deux. Ensembles.
Main dans la main, elles arrivèrent vers la sortie de la citadelle. Prenant sa fille dans ses bras, elle la hissa afin de la poser dans le chariot. Quelques adieux, puis la route reprit. Ichel se blottit dans les bras de son frère. Le voyage était relancé.
Un voyage qui dura une année entière. Ils se dirigèrent vers Al-Poll qu'ils ne firent qu'effleurer, se laissèrent porter par le doux Pollimage, d'où ils observèrent les plateaux d'Astariul, en direction du lac Chen. Visitant in-extremis Al-Chen, ils repartirent afin de voguer dans les herbes des plateaux de l'Est et aperçurent bien vite la petite Fériane. Ils s'éternisèrent dans la grande et somptueuse Al-Jeit, s’émerveillèrent en traversant l'Arche infini, grimpèrent les Dentelles Vives, frôlèrent les collines de Taj, mais contournèrent la forêt Ombreuse pour suivre le cours frénétique de l'Ombre, croisèrent Al-Far qu'ils observèrent quelques temps, arrivèrent bien vit en haut des plateaux d'Astariul, se tournèrent vers l'Ouest et retrouvèrent le cours de la Vive, passèrent la discrète Sinumil, rejoignirent le coeur du pays faël qui n'était autre que la magnifique Illuin, puis affrontèrent les eaux périleuses du Grand Océan du Sud. Ils visitèrent toutes les régions connues et aptes à être arpentées de Gwendalavir et finir par rentrer dans leur maison au pieds des montagnes de l'Est.


Trois nouvelles années s'écoulèrent dans la tranquillité, accueillant les exploits d'Ichel et ceux de son frère avec bonheur. Une harmonie incroyable régnait entre les quatre murs de la maison et rien ne semblait pouvoir briser leur paix.
Un matin alors qu'Ichel et Iolan se trouvaient dans une auberge non loin de là et que leurs parents s'affairaient aux taches de la maison, un groupe de cavalier arriva à l'horizon. Le même frisson parcourut Lya et Eamon. Une peur irrationnelle les avait envahit et ils s'arrêtèrent afin d'observer les arrivants. Ils reconnurent les étrangers au premier regard. C'étaient les mêmes hommes auxquels ils s'étaient confrontés il y avait six années de cela. Ces hommes étaient des coriaces, mais quels coriaces en réalité ? Pourquoi insistaient-ils avec autant de vigueur ?
Ils arrivèrent au galop à leur hauteur, mais cette fois-ci il n'y eut aucune parole échangée, le combat débuta sans attendre. Ils sautèrent tous de leur monture et attaquèrent en force. Sept contre deux. Non, il y en avait un en plus, mais celui-ci restait à bonne distance de la bagarre. Lya l'avait remarqué depuis bien longtemps mais était trop occupée avec trois de ses ennemis. Quelques minutes s'égrenèrent et les assaillants commencèrent à reculer sous le poids des attaques du couple. Un sourire apparut sur le visage de la mère, elle regarda son époux avec confiance.
Une intuition vint soudain la frapper. Et si... Elle tourna son regard vers l'homme à l'écart et ses soupçons se confirmèrent. Aucune arme, aucune défense visible. Dessinateur. Elle surpris l'homme à se jeter dans les spires et la panique la submergea. Elle se retourna, mais n'eut pas le temps de prévenir Eamon. Ils échangèrent un dernier regard empli d'amour et leur dernière pensée alla vers leurs enfants. Ils disparurent.
La cour était vide. Il ne restait plus que les cavaliers, seuls et observant le dessinateur. Un des hommes s'approcha.

- Où les as-tu envoyé ?
- A l'endroit convenu. A présent, allons-y.
Ils fouillèrent la maison de fond en comble avant de reprendre leur chemin. Mais à la recherche de quoi ? Personne ne le saura sans doute jamais. Ils étaient déjà loin lorsque deux rires d'enfants résonnèrent près de la maison. Les deux enfants Calwin revenaient chez eux.
Ils passèrent l'entrée, personne.
Ils allèrent dans les écuries, personne.
Ils cherchèrent dans tout le jardin, personne.
Ils coururent dans la maison, personne.
Ils étaient seuls, leurs parents avaient disparu.
Des pleurs résonnèrent alors au pieds des montagnes de l'Est durant toute la nuit. Des pleurs d'une petite fille calée dans les bras de son grand frère. Orphelins. Seuls.


Ils décidèrent de partir de la bâtisse familiale car trop de souvenirs s'y raccrochait et ils devaient bien trouver quelque chose afin de gagner leur vie. Iolan se sentait responsable de sa soeur, il se devait de travailler. Ils se dirigèrent donc en direction d'un petit village de la région. Trouvant une auberge pas trop déplorable, ils y entrèrent et proposèrent leurs services. Iolan voulut travailler seul, mais Ichel avait un fort tempérament et voulait elle aussi aider son frère. Le patron leur ria au nez, mais finit tout de même par les engager. Iolan en tant qu’assistant du cuisinier et Ichel en tant que serveuse. Ils travaillèrent trois années consécutives à supporter les aléas de ces deux boulots ingrats. L'un les bâtons du cuisinier et l'autre les mains des ivrognes du soir. Ils ne disaient rien, mais ils sentaient l'un et l'autre qu'ils souffraient. Pleurant dans leurs rêves, ils se consolaient et chuchotaient des histoires tard le soir.
Un jour, alors qu'ils terminaient leurs heures, Ichel entendit les piaillements d'un oiseau. Elle ne put sortir aller voir se qu'il se passait à cause du regard du tavernier. Ce dernier veillait à se que ses employés finissent leur boulot dans les temps. Pas une minutes de moins. Toutes les secondes comptaient. Elle dû donc attendre la dernière seconde avant de foncer dehors et de découvrir un bébé rapace à terre, appelant sa pauvre mère. La fille le prit délicatement dans ses bras et lui murmura quelque chose.

- Toi aussi on t'as abandonné ?... Je vais m'occuper de toi...
Elle cacha l'oiseau dans sa veste et rentra dans l'auberge avant de filer dans la toute petite chambre qu'elle partageait avec son frère. Elle le lui montra avec fierté. Ils l'observèrent sous toutes les coutures, mais ne trouvèrent pas de blessures. Ils commencèrent donc à manger, mais Ichel ne voulait pas lâcher son nouvel ami. Elle lui donna la moitié de sa nourriture et depuis, elle partageait tout avec lui. Il devint le troisième chainon de leur petite famille. L'aigle et les deux enfants. L'oiseau grandit en quelques mois de plusieurs centimètres et il savait à présent parfaitement voler. Il obéissait à leurs demandes comme s'il était leur frère. Avait-il un nom ? Ichel s'était penché sur la question durant plusieurs semaines. Elle n'arrivait pas à se décider. Mais un jour, lorsqu'ils faisaient une nouvelle fois leur jeu de regard, elle et l'aigle, elle trouva.
Oeil-de-Tigre.
Son regard était aussi féroce que celui du grand félin et tout aussi joueur. Un nom parfait.
Au bout de la troisième année, lorsque Iolan eut quinze ans, il s'approcha un soir de sa soeur qui tenait Oeil-de-Tigre dans ses bras et le caressait avec un immense sourire sur le visage. Il s'assit à ses côtés et prit la parole.

- Je vais à la recherche de papa et maman.
Le regard noisette de sa soeur faillit le faire défaillir.
- Et... tu vas me laisser seule ?
Des larmes montèrent à ses joues, elle allait éclater en sanglots. Le garçon se rattrapa et la prit dans ses bras.
- Non, je ne serais jamais loin. Je serais toujours avec toi, là, dans ton coeur. Dans tes pensées. Tu n'auras qu'à penser à moi et tu me verras.
Il savait qu'elle ne serait jamais seule, car il penserait sans cesse à elle, mais au fond de lui il ne pouvait s'empêcher de penser aux dangers qu'elle pourrait courir. Une petite voix en lui murmurait pourtant quelque chose qui lui paraissait être une vérité à toute épreuve ; elle savait se débrouiller toute seule. Elle n'avait pas besoin de lui. Il sourit et la regarda une dernière fois dans les yeux.
- Gardes Oeil-de-Tigre. Tu ne seras jamais seule, car tu me verras à travers lui. Où que tu sois.
- Oh, c'est vrai, je peux le garder avec moi ? Merci !!
Elle le serra très fort dans ses bras comme si elle n'allait plus jamais le revoir. Plus jamais. Un torrent de larmes dévala les pentes de ses joues. Elle ne voulait pas le perdre lui aussi. Non, elle ne voulait pas perdre sa seule famille. Il partit pourtant au petit matin en la laissant seule dans la petite chambre à pleurer dans le plumage argenté de l'aigle.


Elle resta encore trois ans dans l'auberge miteuse où elle avait vécu les pires années de sa vie. Au bout de ses trois ans, elle avait amassé suffisamment d'argent afin de vivre décemment durant une année entière. Une année entière à la recherche de sa famille perdue. Elle partit donc à pied, un sac sur une épaule et Oeil-de-Tigre sur l'autre. Elle voyagea ainsi durant plusieurs semaines, mangeant se qu'elle trouvait, s'achetant parfois un bon morceau de viande. Dormant dans les bois, Ichel ne se permettait pas de payer une chambre simplement pour ça. Elle n'utilisait l'argent que pour manger et pour s'acheter des habits d'hiver. Il fallait dire que la fourrure était la bienvenue ne fois les premiers flocons à terre.
Un jour de neige, alors qu'elle marchait difficilement dans la neige et qu'Oeil-de-Tigre la survolait du ciel, elle perçut une ombre au loin. Curieuse, elle s'approcha dans le plus grand silence. Enfin, dans tous les cas elle essaya. Elle arriva en haut d'une colline et aperçut enfin l'objet de sa curiosité maladive.
Un mustang.
Sauvage, esprit libre, difficile à cerner. Difficile à monter.
Un étalon gris pommelé. Comme celui de sa tante. Magnifique. Il était d'un gris de brume à couper le souffle. Ichel n'avait qu'une seule envie ; grimper sur son dos. Folle ? Peut-être après tout. Oeil-de-Tigre se posa à ses côtés. Elle le regarda et se releva de sa cachette. L'étalon leva la tête et observa la nouvelle venue. Il pencha sa grosse tête et sa crinière noire décrivit un arc de cercle. Elle n'avança pas plus de peur de le faire fuir. Elle s'assit donc à plusieurs mètres de lui et l'observa. Elle vit passer toutes les heures de la journée devant son nez. Des millions de jeux de regards se déroulèrent entre eux. Deux yeux noisette plongés dans un océan d'un bleu pâle frissonnant. Ils s'observaient. Se testaient, cherchaient la faille en l'autre. La nuit commença à pointer son nez. Ichel fatiguait et Oeil-de-Tigre avait faim. Le ventre de la jeune fille se fit aussi entendre. Elle plongea sa main dans son sac et en ressortit un morceau de pain d'herbe et quelques bouts de viande séchée. Lorsqu'elle releva la tête, l'étalon n'était plus là. Dommage. Elle partagea son maigre repas avec son ami et elle finit par s'endormir là où elle avait passé tout son après-midi.
Elle se réveilla et lorsqu'elle se redressa, l'étalon broutait à la même distance que la veille. Une nouvelle journée de longs regards et de patience. Elle n'avait jamais eu beaucoup de patience, mais là c'était différent. Ce cheval était unique, il n'était pas comme les autres. Elle voulait à tout prix le monter, ne serait-ce que le toucher. La nuit revint une deuxième fois et l'étalon avait de nouveau disparu. Ils mangèrent et dormirent.
Le lendemain, elle se réveilla avec l'impression de n'avoir dormit que quelques heures. Lorsqu'elle ouvrit les yeux, le soleil n'était toujours pas levé mais les oiseaux chantaient haut et fort. Le soleil pas encore debout ? Ce n'était pas possible, les piaillements ne se faisaient entendre que lorsque les rayons jaunes apparaissaient sur les versants des montagnes. Pourquoi faisait-il encore à demi-sombre alors ? Toujours couchée, elle releva la tête vers l'arrière et se trouva confrontée à deux immenses sabots. Elle eut un sursaut de peur et elle se releva en douceur.
Le mustang était à quelques centimètres d'elle.
Otant les fourrures qui la recouvraient, elle se mit en face de lui. Encore des regards. Les animaux ne parlaient pas grâce aux sons, mais à l'aide de leurs yeux. Tout n'était qu'observation et jeux de regards. La jeune fille tendit la main et attendit. Elle ferma les yeux et détourna le regard afin de lui laisser toutes les possibilités qui s'offraient à lui. Rien. De longues minutes s'égrenèrent mais rien ne se passait. Le silence régnait et aucun bruit de sabot ne semblait résonner. Quelque chose d'humide vint soudain toucher sa paume. Le museau de l'étalon.
Elle tourna son regard et vit la tête du cheval sous sa main. Le premier contact. Le plus important. Après celui-ci, il ne fallait pas attendre plus longtemps. Elle longea le flanc de la bête tout en restant en contact avec lui. Sa main parcourut tout son côté et se trouvait à présent sur son dos. La laisserait-il monter dessus ? Il n'y avait qu'un seul moyen de le savoir ; essayer. Elle se hissa d'un rapide mouvement du buste sur le dos de l'animal. Aucune réaction. Pas si effrayante après tout la bête. Beaucoup de personnes avaient tenté de la dompter, apportant selle et bride, mais n'avaient jamais réussit à l'approcher. Elle avait fait les deux en trois jours.
Elle avait compris se qui dérangeait le cheval chez ses autres gens. Il aimait sa liberté, il ne voulait pas être contraint d'aller où l'humain voulait aller. Il était maître de son propre destin. Cette fille ne le relayait pas au rang de simple moyen de transport, elle l'avait observé, compris et entendu. Elle était comme lui, une fille de la liberté. Une enfant du vent.
L'étalon s'élança soudain dans les plaines. Ichel faillit décoller, mais elle se coucha à temps sur son encolure. Elle ferma les yeux et le laissa faire. Un cri d'Oeil-de-Tigre résonna dans les airs.

- Brume...
Elle murmura ce simple mot comme si l'animal lui-même le lui avait soufflé. C'était son nom. Il s’appelait Brume.
Plusieurs heures s'écoulèrent alors qu'elle se trouvait encore sur le dos du cheval. Elle lui murmura quelque chose é l'oreille.

- On pourrait retourner d'où on est venu s'il te plait ?
Elle y mit tout son coeur et Brume comprit. Ils remirent le même temps pour retourner au début des plaines. Ses affaires n'avaient pas bougées et le soir invitait la lune au rendez-vous. Oeil-de-Tigre se posa à terre lorsqu'Ichel descendit du dos du mustang. Elle le remercia d'un regard et se retourna afin de prendre ses affaires et de reprendre la route. Un raclement dans son dos la fit se retourner. Brume attendait. La jeune fille ne se le fit pas répéter deux fois. Elle ajusta son sac dans son dos et enfourcha sa monture. Son nouvel ami.
Oeil-de-Tigre dans les cieux, Ichel et Brume dans les plaines.
Elle n'était pas seule.


Le vent caressant son visage et emmêlant ses cheveux, Ichel dominait les plaines sur sa monture et du haut de ses dix-sept années. Quelques mois étaient passés depuis sa rencontre avec Brume et lui, Oeil-de-Tigre et elle-même étaient devenus inséparables. Ils traversaient les montagnes, les villes, les plaines avec vigueur et ne laissait jamais tomber leur recherche. Ils parcouraient Gwendalavir dans l'espoir de retrouver la trace de Iolan. Sans grand succès. Un soir, ils s'arrêtèrent dans une auberge et lorsque la jeune fille avait déposé Brume et Oeil-de-Tigre dans une des écuries du bâtiment, elle alla s'assoir à une table à l'intérieur et commanda un plat de siffleur. Rien de bien extraordinaire. Elle désespérait d'un jour retrouver sa famille perdue, surtout dans les conditions dans lesquelles elle se trouvait. Inexpérimentée, elle ne saurait même pas comment s'y prendre lorsqu'elle les retrouverait. Elle savait à peine se débrouiller et seule sur les routes, elle pouvait se faire attaquer à n'importe quel instant. Elle ne savait pas se battre et donc pas se défendre. Elle ne pouvait plus continuer ainsi, il lui fallait un enseignement.
Un vieux souvenir monta soudain à la surface. Une femme, des cheveux du même brun sauvage que les siens, qui dansait. Non, elle semblait simplement. Elle ne dansait pas, elle se battait avec la grâce d'une danseuse. Un feu follet d'une beauté incroyable. Une femme d'une aura incroyable.
Une femme dansant un rock irréel.
Marchombre.
Une discussion qui se déroulait à quelques mètres d'elle troubla soudain ses pensées. Des paroles portant sur une école dans les environs d'Al-Poll, une Académie pour être plus précis. L'Académie de Merwyn. Non, ce n'était pas se qu'elle recherchait, elle voulait un enseignement marchombre. Une Académie ne formait que des dessinateurs, rien d'autre. Se qui était totalement idiot, mais bon. Elle ne pouvait pas y faire grand chose. Et pour trouver un marchombre qui serait prêt à lui enseigner la voie... Mieux valait chercher une aiguille dans une botte de foin, elle risquait de perdre moins son temps.

- ... Il paraît... enseignent la voie à qui veut... dessinateurs, combattants, marchombres, rêveurs...
Ichel n'en revenait pas. Une Académie qui proposait toutes les sortes d'enseignement possible. Il fallait qu'elle s'y rende, immédiatement.
Finissant son plat en troisième vitesse et après avoir payé l'addition, elle courut dans les écuries, sauta sur le dos de Brume à peine remis de la journée et s'élança dans la nuit, Oeil-de-Tigre au-dessus de la tête. Après quatre jours de galop intense, ils arrivèrent enfin en vue des remparts de la fameuse Académie. Elle se méfiait tout de même de l'endroit, après tout elle débarquait dans un lieu inconnu où tout était nouveau pour elle. L'endroit était certes accueillant, mais la méfiance était de mise. Trop nouveau.
Elle arpenta les couloirs durant plusieurs bonnes heures avant de trouver enfin le bureau de l'Intendant. Elle était décidée ; elle allait s'inscrire ici. Elle ferait ses trois ans d'apprentissage, deviendrait plus forte et serait enfin assez forte pour affronter le monde et retrouver ses parents, pour retrouver son frère.
Une Académie, un espoir.
Un enseignement, une voie.
Marchombre.






Après .

...




 
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