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| Bal de l'Académie [Terminé] | |
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Assistant du Maître d'armes Messages : 234 Inscription le : 09/08/2010
| Sujet: Re: Bal de l'Académie [Terminé] Sam 16 Juil 2011 - 22:04 | | | Selhan se retrouvait maintenant seul au milieu d'une foule dont il ne connaissait surement personne... Lya l'avait abandonné la pour aller se reposer, il n'avait pas intervenu l'avait laisser partir car elle devait être fatigué par le long voyage qu'ils venaient de faire et encore si il n'y avait que le voyage... mais pour le coup il y avait eut voyage, combat, recherche, et j'en passe... cette quête avait été pleine d'embuscade mais finalement le jeune homme avait retrouvé ses liens familiaux et même une personne que jamais il ne pensait rencontrer un jour... sa soeur... il avait une soeur... et il se demandait quand est-ce qu'il la reverait...
Il sortit de ses pensés pour regarder autour de lui, des personnes qui dansent, des personnes qui parlent, des personnes s'amusent, des personnes qui mangent et d'autres qui boivent... Il y avait vraiment beaucoup de monde dans cette académie... Elle avait beaucoup de succès, est-ce que lui un ancien assassin pouvait en faire parti? Faire parti de cette académie dont tant de gens chantait les louanges?
Il ne savait pas trop quoi penser et le jeune homme se dit que c'était le moment pour s'eclipser et aller réfléchir dans un coin seul, il commenca donc à se faufiler au travers des danseur pour rejoindre la direction de la porte principal de l'académie.
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| | Maître des légendes et d'animisme et primat d'Aequor Messages : 250 Inscription le : 13/07/2008 Age IRL : 31
| Sujet: Re: Bal de l'Académie [Terminé] Mer 20 Juil 2011 - 0:56 | | | Des blessures qui ne peuvent être soignées… il comprenait cette phrase au plus profond de son être. A son niveau. Lui qui n’avait connu qu’une seule blessure dans sa vie mais avait toujours refusé de la laisser se refermer complètement, alors même que vingt cinq longues années avaient couvert la plaie de poussière. Ils n’étaient plus à un âge où les blessures se referment comme elles viennent, qu’elles fussent mentales ou physiques. Et ça, c’était une constatation douloureuse à faire. Mais la faire à deux avait quelque chose de réconfortant, parce qu’Amarilys, même si elle était de dix ans sa cadette, pouvait tout de même comprendre ces problèmes d’adulte qu’il n’avait pas eu la chance de confronter avec les autres professeurs, plus jeunes, ou les gens comme Jehan Hil’ Jildwin qui exprimaient une telle flamboyance qu’ils ne semblaient pas avoir dépassé les quarante ans.
Plus Amarilys parlait de la culpabilité qui la rongeait, plus Duncan se sentait emmené par le poids de la tristesse qu’elle partageait avec lui. Il était loin de se douter que la perte de l’un des membres de la Confrérie pèserait autant sur la conscience de la jeune femme, malgré l’assomption de tout le monde qu’il était mort en héros, en ayant préservé ce qui était le plus précieux sur cette terre de Gwendalavir : la vie. Empêtré dans les convenances, il n’osa pas aller jusqu’à la familiarité de sécher lui-même les larmes de la rêveuse, car il se savait observé par plusieurs élèves du coin de l’œil, de ces élèves toujours avides de rumeurs sur leurs professeurs à partager ensuite dans les dortoirs avec tous leurs camarades. Bien que ça l’agaçait à un point assez difficile à imaginer, il ne pouvait pas leur reprocher d’être jeunes… Lui qui ne l’avait peut-être jamais vraiment été. Et Amarilys Luinïl, avait-elle connu une telle insouciance de la jeunesse, liée qu’elle était par le serment du rêve et le sacrifice de soi qu’elle faisait tous les jours ? Les doutes et les questions de la rêveuse l’effrayaient autant qu’ils apaisaient sire Cil’ Eternit. Alors il n’était pas le seul à douter…
Un grands poids semblait fondre dans son cœur, un poids qu’il portait depuis la reprise de l’Académie, le doute ultime : celui de n’être pas sur la bonne voie. Depuis cette nuit sanglante, il doutait de l’utilité de ses propres enseignements, de leur vanité, et surtout, de sa propre capacité à protéger le savoir et les élèves auxquels il le livrait. C’est pourquoi il n’avait plus administré aucun cours depuis la reprise. Sentiment de vide absolument impossible à disperser tout seul… Et qu’Amarilys Luinïl, dans son propre désespoir, venait d’apaiser sans s’en rendre vraiment compte.
- Oh Dame Luinïl, vos paroles sont comme un baume dans mon cœur, tandis même qu’elles déchirent le votre.
Il avait prononcé cette phrase avec beaucoup d’émotion, le cœur à présent serré pour la seule cause de sa collègue qui semblait absorbée toute entière dans un abîme de doutes. S’il n’était lui-même, il l’aurait volontiers serrée dans ses bras de réconfort et de remerciement, mais encore, l’homme veuf qu’il était l’en empêchait fondamentalement, quand bien même il savait que c’était la solution la plus humaine. Il reprit pensivement quelques grains de raisin, un sourire aux lèvres de voir la rêveuse ascétique faire de même de bonne grâce. Lui qui n’avait plus de but véritable depuis la nuit qui avait vu s’enfuir autant d’âmes innocentes, pouvait-il s’allouer celui de remettre Amarilys Luinïl dans sa voie, au moment où la Confrérie avait le plus besoin d’elle ? Il y mettrait tous les moyens possibles, cela était certain, pour l’amour de l’humanité.
- Ce sont de tristes paroles pourtant que vous me confiez, et je me désole de les entendre… Je suis vraiment désolé pour la perte de votre confrérie, et je ne peux qu’imaginer ce que cette mort a du vous coûter. Mais vous savez au fond de vous-mêmes qu’un rêveur aussi engagé qu’il était aurait donné sa vie volontairement pour donner celle d’autre. Nous qui ne savons pas nous battre pour conserver notre vie, n’y-a-t-il pas plus belle acte que de l’offrir pour sauver la vie de quelqu’un d’autre ? Au diable la prise de position, et la neutralité, la Dame accueillera son âme avec une grande fierté dans son champ d’étoiles…
Il ne s’était pas rendu compte qu’il regardait le ciel piqueté d’étoiles plus ou moins brillantes, tandis qu’un saltimbanque faisait jouer les multiples clochettes de son habit bigarrré non loin d’eux. Y avait-il un autre remède aux maux d’Amarilys que celui du temps et de la patience ? Il ne savait. Mais il posa tout de même, malgré ses psychoses profondes, une main réconfortante sur l’épaule maigre de son amie et éminente collègue, et reprit d’une voix douce.
- Notre rôle a été de sauver la création de la Dame et du Dragon, la vie qui nous est si chère. Ce n’est pas trahir votre engagement qu’utiliser votre Don, un Don que la Dame vous a confié, pour la sauvegarder contre ceux qui ne cherchent qu’à la détruire. Pourquoi nos vaines politiques internes devrait vous détourner d’une aussi noble tâche, mon amie ?
Il la regardait avec des yeux nostalgiques, et imaginait à quelles extrémités dangereuses la rêveuse pouvait arriver si la doute continuait de la ronger. Il ne pourrait supporter cela, simplement parce qu’une poignée d’individus rongés par la cupidité avaient choisi d’ôter la vie des plus faibles qu’eux…
- La Dame nous protège et le Dragon nous défend, Amarilys. Nous deviendrons ce qu’ils ont décidé pour nous, mais c’est dans nos cœurs que nous pouvons décider de faire de ce chemin une œuvre de Bien. Les doutes sont seulement une épreuve, pas une fin… Avez-vous donc perdu confiance en l’éternelle Dame ?
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| | Messages : 312 Inscription le : 22/12/2008 Age IRL : 31
| Sujet: Re: Bal de l'Académie [Terminé] Ven 22 Juil 2011 - 19:47 | | | La main dans la sienne. Il aurait donné tout l’or du monde pour qu’elle ne le lâche jamais.
La tempête des danses et des rires les entourait comme les rafales de vent tournent autour du chêne, incapables de l’atteindre ou de le faire ployer. A travers les cheveux flamboyants d’Elera, il voyait les tissus flamboyants et les yeux scintillants qui passaient, tournoyaient, s’élevaient dans les airs et retombaient aussi vite, et tout cela lui donnait le tournis. Il tenait Elera contre lui et écoutait sa respiration, alors qu’il ne pouvait plus regarder ses yeux. Rien que d’honnête. Rien que de doux, sans envahir, sans suggérer, sans rien d’autre que ce qui était visible. Elle s’accrochait à lui comme on cherche un point d’équilibre dans un maelström, et lui-même sentait son cœur s’apaiser , se poser au fond de sa poitrine et sourdre une quiétude bienvenue. Einar ne savait pas danser, ou très mal, mais cette étreinte toute simple qui n’avait pas besoin de pas précis, juste de tourner, tourner, encore, lentement, tourner car le monde avait continué de tourner sans eux.
Il n’avait plus rien à lui offrir que le silence, et son épaule pour fermer les yeux, les mots avaient fui son esprit comme une volée de martinets s’échappait d’un toit d’angle.
Les yeux couleur de tourbe du Teylus passaient d’Elera à la foule, où il cherchait inconsciemment des figures connues, des yeux qui les regardaient, et surtout, un visage cave qu’il savait se trouver sous des cheveux délavés, un visage qu’il n’aurait pas supporté de croiser ce soir alors qu’il dansait avec la Marchombre, et qu’elle avait trouvé un moment de paix en choisissant de lui faire confiance et d’écouter ses âneries. Il était terrifié à l’idée de croiser Elio Thäron dans un moment pareil, car les ragots disaient qu’il était devenu extrêmement violent et instable depuis qu’ils étaient revenus, Elera et lui, d’un voyage qu’ils avaient faits pour une raison qu’ils ne connaissaient pas. Etait-il seulement présent au Bal ? Ca ne paraissait pas correspondre à son état d’esprit, mais après, le jeune apprenti chantelame n’en savait que ce qui se chuchotait dans les couloirs et dans les dortoirs. Et s’il les voyait, et décidait de s’en prendre à eux ? De casser cette harmonie qu’ils avaient trouvée en tournoyant lentement sans rien dire, les yeux fermés, Einar le menton posé contre la tempe d’Elera ? S’il décidait de ramener ses chimères, et les larmes dans les yeux indigo de son amie ? Il ne pourrait rien faire. Il n’était pas encore assez fort pour ça. Il n’avait pas le courage aussi grand que l’espoir, et c’est pour ça il pria, les lèvres closes, que la Dame les masque aux yeux d’éventuels fauteurs de trouble, ou des danseurs qui tentaient de les emmener dans une ronde en accrochant leurs bras, ou en les hélant de leur voix grasseyante. Ils s’écartèrent spontanément du gros de la piste de danse, parce que l’enjouement collectif ne permit plus de danser à deux selon un rythme différent des autres. La tempête les avait rattrapés. A contrecoeur, Einar s’écarta un peu d’Elera, sans lâcher sa main, et croisa ses yeux couleur ciel d’aube, entourés de stries rouges causées par les larmes ; il ne trouvait toujours rien digne d’être dit. Son sourire perça à nouveau son visage, candide et innocent.
- Ooh, mais c’est que Soham s’est trouvé une p’tite amie, les gars.
La voix nasillarde avait percé à travers les sons de théorbe et de luth pour atterrir entre eux comme une pierre brisait la surface lisse et quiète et l’éclatait en un millier d’ondes agitées. Le Teylus se retourna vers l’endroit d’où provenait la voix, et ne fut pas surpris quand il la reconnut. Laïki. Laïki… un de ses premiers amis en arrivant à l’Académie, qui s’était révélé être un intéressé menteur, et quelqu’un d’extrêmement antipathique depuis la reprise de l’Académie. Einar avait combattu à ses côtés pendant la reprise ainsi qu’avec toute la bande de jeunes garçons qu’ils formaient, mais depuis qu’il avait été témoin des extrémités qu’ils étaient capable d’atteindre, des meurtres qu’ils pouvaient perpétuer sans aucun remords… il avait choisi de prendre de la distance. Et il avait eu beaucoup de mal à se dégager de leur emprise. Eclair dans la tempête, fissure dans notre écrin de sérénité. Est-ce une accusation dans l’indigo de tes iris ?
- Et ben alors, le petit chouchou chantelame perd sa langue devant sa copine ? Tu la présentes pas à tes vieux amis ?
Einar gardait les yeux baissés, en espérant qu’ils pourraient disparaître dans la foule bigarrée des danses. La musique et le bruissement des discussions alentour empêchaient quiconque de saisir leur échange, ou d’y prêter plus d’attention que ça. Il avait lâché la main d’Elera et n’osait plus vraiment la regarder non plus ; il regrettait déjà horriblement qu’elle soit entrainée là dedans, alors qu’ils avaient justement réussi à trouver un moment d’harmonie et de simplicité.
- Et si tu me laissais tranquille un peu, Laïk’ ? J’t’ai rien demandé, ce soir. - Dis donc, on se prend pas pour n’importe quoi depuis qu’on est apprenti chantelame, hein Soham ? - Tu te prends pas pour n’importe qui non plus depuis que t’as tué des mercenaires du Chaos. Laisse-nous tranquille.
Einar s’était de nouveau tourné vers Elera, le regard chagriné mais un sourire fantôme sur les lèvres ; rien ne pouvait vraiment leur arriver pendant le Bal de l’Académie, quand bien même Laïki et sa bande carraient les épaules comme ils avaient l’habitude de faire dans les couloirs. Ils étaient trop bien protégés conte la tempête, sans avoir besoin de se le dire, n’est-ce pas ? La musique était trop belle pour être étouffée par les tentatives de quelques perturbateurs de briser l’instant. L’ancien ami du Teylus s’était rapproché d’eux dans le but de les provoquer ou d’entendre leur conversation – tissée de silence. Einar recula ; ils se déplacèrent spontanément vers la piste de danse bondée de couleurs et d’éclats de voix lumineux. Le sourire du Teylus avait de nouveau refleuri sur ses lèvres : Elera avait de nouveau pris ses doigts dans les siens, légèrement, comme une feuille effleure la surface de l’eau sans perturber son immobile sommeil. Einar parlait mal le silence. Mais il pouvait lire son regard, et la légère pression, comme une brise d’été, sur son bras. Un sourire, un regard à Laïki, un murmure à son amie :
- Je te suis...
Je te suis dans l’océan des couleurs, sans que tu aies besoin de me dire où on va, juste loin de ceux qui ne comprennent pas à quoi peut ressembler l’œil du cyclone que nous avons réussi à créer dans tes doutes. Je suis tes doigts accrochés aux miens et cet espoir né de la Dame qu’on pourra rire de cette mésaventure dès qu’elle aura cessé d’en être une, dès que le malaise qui s’est installé se sera dissipé par la course entre les danceurs, l’escapade là où tu as envie d’aller. Laïki, Elio, et tous tes fantômes ne peuvent pas atteindre l’espoir. Engloutis-nous dans la foule.
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| | Messages : 1576 Inscription le : 12/08/2007
| Sujet: Re: Bal de l'Académie [Terminé] Dim 24 Juil 2011 - 0:01 | | | Au son de la voix qui perçait la musique comme l’aiguille le tissu, il s’était retourné, et en suivant le mouvement, elle avait décroché son regard du sien, pour le poser sur le perturbateur. Les mots ne la firent aucunement réagir. Elle avait passé depuis longtemps la barrière devant laquelle les mots pouvaient encore blesser, faire naître l’outrance, la frustration, la haine, la pitié, la colère, le doute ou même simplement le besoin de nier. Ses lèvres humides restèrent coller l’une à l’autre, alors qu’elle regardait calmement le jeune homme aux épaules carrées, au visage malicieux, et ses bras croisés, comme pour se donner contenance. Pourquoi s’offenserait-elle des propos de quelqu’un qui ne connaissait rien, ne savait rien, attaquait avec du rien pour battre le vide, comme s’il donnait des coups au hasard dans le noir, et qui était, elle le voyait dès le premier regard, inoffensif, derrière ses grands gestes et ses grands mots ? Il avait besoin d’asseoir sa présence, mais elle n’existait pas, et Elera se contenta de lui jeter un regard curieux. Après le véritable danger des lames meurtrières, la parade d’un paon dans la cour de l’académie aurait pu la faire rire, en d’autres circonstances. Les provocations suivaient, les unes après les autres, et Elera attendait simplement qu’il se lasse. Mais c’était Einar, qui semblait lassé par cette interruption, et la rouquine se demanda s’il était souvent embêté par des apprentis de ce type. Il avait l’air… habitué, en quelque sorte. Alors la fuite, elle l’attrapa du bout des doigts, suivant le courant comme s’il n’y avait jamais eu de rocher, comme si Laïk’ n’existait pas. Jusque là, c’était Einar qui avait guidé sa fuite, qui l’avait arrêtée, tout à l’heure, avant de sécher ses larmes, mais maintenant, c’était elle qui les emmenait dans la foule, pour les perdre, et perdre ces aiguilles perçant le cocon de la sérénité.
Elle ne sut pas vraiment si ce fut une victoire ou un échec ; elle se sentait toute engourdie, distante, comme dans un rêve, et ne ressentait rien, insensible, à part cet espèce d’apaisement depuis qu’elle s’était laissée allée contre lui ; et pourtant ses pensées bourdonnaient, de l’extérieur – comme lorsqu’elle rêvait et qu’il y avait deux elle, celle qui vivait le rêve, et celle qui regardait, deux pas en arrière, flottant un peu au dessus de la scène. Son fantôme vivait le rêve sans le vivre, y assistait, simplement, et pouvait faire des commentaires avec la distance nécessaire. Cette Elera là, celle qui voyait par des yeux qui n’étaient pas vraiment les siens, entendit clairement les mots, contrairement à l’autre, trop exténuée pour réagir. Cette Elera là avait vu les aiguilles, malgré tout, et compris ce qui en découlait, froidement. Einar, Chantelame. Le chouchou, ce que les autres n’appréciaient apparemment pas tant que ça. Et puis la réplique, le semblant de défense – Laïk’ avait tué des mercenaires du Chaos, il en était fier, et il étalait ses hauts faits aux grands yeux de tous. Mais ça, ce n’était que bagatelles, des choses inutiles, de peu d’importance ; ce qu’elle retint plutôt, lorsque ses yeux semblables à la mer au crépuscule coulèrent à nouveau sur le visage d’Einar, ce fut le peu qu’il en faisait, lui aussi, et le presque-dégoût, comme si, lui non plus, malgré le chemin de combattant qu’il avait choisi, n’aimait pas faire couler le sang, et voir le sang couler pour le plaisir de le voir couler.
Elle croyait s’être apaisée, depuis l’arrêt des sanglots hachés, mais comprit que non lorsqu’elle relâcha sa respiration, et avec elle ses muscles tendus, d’encore un cran, laissant un calme un peu plus profond se reposer au fond de son âme, comme un objet qui vient enfin se poser dans les abimes d’un lac aux eaux tranquilles, après avoir coulé au ralenti. Trois saisons, déjà, qu’elle ne se sentait jamais en sécurité, qu’elle sentait toujours les yeux lui crever le dos, imaginait les dagues qui les suivaient, se retournait aux bruits imaginaires qui lui giflaient les oreilles, et qu’elle doutait, sans le vouloir, de tous ceux qu’elle croisait. Et même après la fin, même chez les faëls, même avec Elio, même lors de sa fuite en solitaire, dans les montagnes, elle n’avait pas quitté les attitudes de la proie, n’avait pas quitté la prudence qu’elle avait toujours dédaignée par sa confiance, avant, sur la défensive contre ce monde qui l’oppressait. Son dos était resté tendu, ses muscles contractés, et elle était stressée, même dans son sommeil cauchemardeux. Mais en l’entendant parler, en entendant tous les doubles sens cachés dans cette simple phrase, elle se relâcha, complètement, pour la première fois depuis des soleils et des soleils et encore des soleils.
Il ne lui arriverait rien, ce soir.
Il ne lui arriverait rien, et ce n’était pas un apprenti impétueux qui allait décider du déroulement de cette nuit. Elle détourna son regard, définitivement, comme si Laïki avait moins de consistance encore que les arbres dont elle reconnaissait la présence, rattrapa les doigts d’Einar qu’il lui avait lâchement volés l’espace d’un instant, si court, dans la trame de sérénité qu’ils avaient tissée ensemble, et l’invita à la suivre. Où, elle ne le savait pas encore ; simplement, ailleurs.
Et les mots, si peu, si légers, lui firent à nouveau l’effet d’un baume, alors qu’elle les laissait s’assoupir dans ses veines, ces mots qui lui étaient intimement destinés, et dont elle était la seule à comprendre le sens, ce soir, puisque personne, sauf eux, ne pouvaient comprendre. Elle les engloutit dans la foule – mais les coups de hanches remplacèrent les coups de langue, et Elera le guida encore, pour chaque pas, dans n’importe quelle marche, n’importe quelle ville de n’importe quelle pensée.
A défaut de foule, elle les engloutit dans les étoiles.
Ces yeux n’étaient plus brouillés, le ciel non plus, et elles brillaient, partout, comme une infinité de lucioles infatigables. Les jardins étaient envahis des lumières de la fête, et c’est instinctivement qu’elle s’était dirigée dans la direction opposée à la vieille cabane, et de ce futur impossible auquel elle avait tourné le dos. Elle avait passé les doigts de sa main libre sur les vitres transparentes et avait contournée les serres, avant de se glisser, Einar à sa suite, entre celles-ci et le mur d’enceinte. Deux pieds d’herbes folles, négligées des jardiniers, deux pieds de silence, la musique filtrée par les murs des serres, deux pieds de pénombre, pour que le ciel n’en soit qu’encore plus clair. Elle lâcha brièvement sa main pour s’asseoir dans le parfum des fleurs, le dos contre le verre, l’invitant à faire de même. La tête renversée en arrière, le crâne lui aussi posé contre le mur, elle regardait en l’air, vers ces constellations qu’elle avait fini par reconnaître, à force, même si elle n’en avait jamais appris le nom.
Elle aimait ce silence.
Pas le silence ; avant, elle aimait le silence, mais elle avait appris à le craindre, aussi, et pris conscience de l’arme qu’il pouvait être. Le silence de l’oppression, celui de l’incompréhension, et les non-dits, encore et toujours, qui s’étendaient entre les lèvres comme les nuages dans le ciel. Mais ce silence là était agréable, reposant, comme leur double respiration en décalé, et seulement au loin, en deuxième plan, l’éclat des rires et des chants. Alors elle les engloutit aussi dans le silence, après les avoir baignés dans les étoiles, et elle ne sut combien d’inspirations se déroulèrent ainsi, avant qu’elle ne laisse à nouveau échapper un chuchotement. Ses pensées, figées un instant, retrouvèrent bientôt le gros de l’éboulement, tournèrent, lentement, en spirale, avant qu’elle n’arrive aux conclusions prononcées. Sa main chercha instinctivement celle d’Einar et sa paume retrouva le contact amical, naturellement. Elle y trouva la chaleur, et l’encouragement qu’elle cherchait pour commencer à parler, celui qui bousculait les mots au coin de ses lèvres, là où ils étaient restés coincés si longtemps.
- Quand ils ont attaqué, je venais juste de finir mon apprentissage, et de décider que ce serait mon tour, de guider les autres, même s’il me reste encore un long chemin à parcourir… J’avais à peine commencé, que je perdais mon premier apprenti. Pas assez forte pour le protéger.
Elle avait décidé de raconter, depuis leur dernière rencontre, raconter du début à la fin, transformer en mots le silence de trois saisons, en chuchotant, à peine, parce qu’elle ne pouvait pas l’entendre dire trop fort, non plus. Elle ne savait pas si elle réussirait à tout raconter, du début à la fin, si ce serait dur, ou plus facile que prévu, mais elle se lançait, et se laissait aller, comme si ce n’était pas son histoire qu’elle racontait. Elle passa les détails – les menaces de retrouver des doigts de son apprenti et des autres captifs en cas de désobéissance, la persécution morale, tout ce qui avait contribué à laminer son âme, mais elle raconta.
- Pas assez forte pour me battre, non plus, et ne pas laisser mes amis mourir autour de moi. Je te croyais mort, toi aussi. Pas assez forte non plus pour libérer ceux qui devaient l’être, ni assez pour m’enfuir. Je suis restée, et j’ai obéi. J’ai montré à la lumière ce que je savais dans l’ombre, pour que d’autres que moi puissent se battre là où je ne le pouvais pas, et j’ai attendu. J’avais perdu la liberté, il me restait l’espoir. Je me suis raccrochée à Elio, à ce moment là. Il ne savait rien, et je ne l’ai jamais mis au courant de ce qui se tramait… Mais l’espoir, c’est comme une flamme, qui grandit ou se meurt au bon vouloir du vent. Et si certains m’ont donné la force de continuer, et de reprendre une apprentie pour partager une once d’harmonie là où c’était encore possible, d’autres m’ont… Je n’arrive, n’arrivais plus à faire confiance, à qui que ce soit. Même pas assez confiance pour prévenir Elio. Ca me rongeait, ce silence, si tu savais, le mien comme le sien, alors qu’il avait déjà fait s’envoler ma peur, avant, et n’avait jamais rien fait pour mériter ma méfiance, pas envers moi… J’avais peur. Des yeux dans mon dos, surtout. Pas pour moi, mais pour tous ceux qu’ils pourraient blesser, si moi, je faisais le moindre faux pas. Peur de le mettre en danger, lui aussi, alors qu’il me paraissait tellement… transparent. Et quand le jour est venu, le jour où tout pouvait basculer dans un sens ou dans l’autre, où l’on aurait pu tous mourir, ou être libres, enfin, je me suis battue. J’ai tué un homme.
Pas un mercenaire du chaos, même s’il l’était aussi – un homme. C’était important, dans sa tête.
- Ce n’était pas la première fois, mais… Je ne peux pas expliquer ce que j’ai ressenti, à ce moment là. J’étais cassée. Je suis partie, après. Je ne… pouvais pas. Et puis je suis revenue, mais seulement pour repartir. J’avais promis à Elio de l’aider à retrouver son passé, mais la prison qu’était devenue l’Académie pour moi m’en empêchait. Alors nous sommes partis. Le reste… n’est pas vraiment mon histoire. Il a appris ce qu’il avait cherché à savoir, et il a fait ses choix, des choix que je ne pouvais pas souffrir. Alors je l’ai quitté.
Les larmes s’étaient remises à couler, quelque part, elle ne savait trop où, mais sans sanglots, cette fois, juste de l’eau plein les yeux, et si sa voix tremblait, elle raconta quand même jusqu’à la fin, serrant parfois la main d’Einar plus fort qu’elle ne le devrait. Il lui semblait couper des pans entiers de son histoire, et les images de ce qu’elle n’avait que brièvement évoqué, ou qu’elle avait entièrement passées sous silence, flashaient les unes après les autres dans son esprit. Elle n’avait pas assez de salive pour tout dire, pas assez de courage pour tout revivre. Elle renifla, avant de s’essuyer le visage, et de tenter un trait d’humour, tristement.
- Et maintenant, je suis à l’Académie avec deux apprentis que j’ai complètement délaissé depuis le début de l’été et qui m’en veulent très probablement, ce pourquoi je suis incapable de les blâmer, et je suis incapable d’aligner trois mots sereinement…
L’imperturbable rouquine lui semblait à des années lumières, maintenant, coincée quelque part dans un rêve, en fantôme, et incapable de retrouver son corps. Quoiqu’elle lui semblait presque proche, ici, un peu comme les étoiles, en apparence assez proche pour qu’elle les attrape, illusion qui ne disparaitrait que si elle essayait véritablement de tendre la main. Elle s’en garda bien, se contentant de pivoter sa tête vers Einar. Elle espérait qu’il ne dirait rien. Elle espérait qu’il parlerait. Elle espérait qu’il saurait quoi faire, elle espérait qu’il ne le saurait pas, parce que c’était à elle de se retrouver. Qu’il raconte son histoire à lui, cette année, comme un partage, un échange. Ou non, qu’il raconte autre chose, sans aucun rapport, quelque chose de joyeux, de confortable, qui laisserait s’apaiser la sienne, d’histoire, en la relativisant. Elle espérait des brins de passé, et des grains d’avenir, ou juste le bonheur des miettes du présent. Elle espérait tout et rien à la fois, mais ce n’était pas grave, parce qu’elle ne s’était pas sentie aussi bien depuis le saule pleureur, ou peut-être plus longtemps encore, et que quoiqu’il arrive, cela resterait pour elle une goutte de perfection.
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| | Messages : 312 Inscription le : 22/12/2008 Age IRL : 31
| Sujet: Re: Bal de l'Académie [Terminé] Dim 14 Aoû 2011 - 19:01 | | | Sont-ce les étoiles ou les trèfles qui parsèment notre champ de vision ? Le bonheur lui fermait les oreilles ; il n’entendait pas la foule qu’ils traversaient , voyait défiler les écharpes de couleur et les rires, sans les distinguer les uns des autres, sans que l’éclat des rires lui parvienne autrement que visuellement. Ils s’éloignaient de la fête, de Laïki –mais il l’avait déjà oublié. Il ne voyait pas le bosquet de buissons, ni le banc de pierre, ni les feuilles éparses autour et l’ombre qui avait dissimulé –recueilli ?- les larmes d’Elera, quelques minutes auparavant. Où allaient-ils ? Loin du monde, ou suffisamment proche de lui pour pouvoir encore entendre les rires sans subir les échardes qui les accompagnaient ? Où juges-tu que l’univers est le mieux, Elera ?
Il y avait des étoiles qui s’accrochaient aux plantes grimpantes et aux hyacinthes, et des bris de lune qui se confondaient avec l’albâtre des pierres d’enceinte. Les orties qui poussaient dans les buissons ne les agrippaient plus comme les mains des mendiants dans les rues d’Al-Far, mais glissaient sur eux ; il n’était pas assez poète pour y voir la caresse du vent. Elera les avait aménés dans un écrin de nature où s’élevait le verre et le ciment des hommes sans heurts : même en pleine nuit, avec pour seule lumière les étoiles et son bonheur, il trouvait cet endroit paisible et accueillant. Einar s’adossa à la vitre à la suite de son amie, et laissa la fraicheur de la vitre des serres s’insinuer dans son dos. Elera n’avait toujours pas dit un mot, et quand bien même le Teylus manquait de finesse, il savait que ce n’était pas à lui de parler, ou même de penser. Il se prit à se rappeler l’enseignement de Tifen, ses paroles sur l’équilibre, l’harmonie, toutes ces choses qui lui semblait tellement inaccessibles. Elles l’étaient toujours, mais il commençait à percevoir du bout des doigts ce qu’elles pouvaient signifier, comme il percevait toujours Elera dans le creux de sa main et contre son épaule. L’équilibre de son souffle après avoir tremblé devant la foule, et les êtres humains, l’équilibre de leur lien : il n’y avait rien de trop dans le regard qu’ils échangeaient. Aucune promesse. Aucune attente. Rien que d’honnête.
Ce n’est pas qu’il n’aimait pas le silence. A vrai dire, il ne le connaissait pas vraiment, et n’avait jamais pris le temps de le chercher. Il y avait toujours eu du bruit dans sa vie, que ce fut le chaleureux vacarme d’une maison pleine, le fracas et les respirations bruyantes des cours de combat, les commérages perpétuels des dortoirs, le ronronnement des discussions dans le Parc, les éclats de colère des disputes, le fourmillement de la foule… Il s’étonnait lui-même d’apprécier cet arrêt du temps sur eux, cette révolution du monde au ralenti ; mais où étaient passé les cithares et les théorbes de la fête ? Il n’entendait que des rumeurs silencieuses, un vague frémissement dans son oreille. Mais il entendait surtout le silence d’Elera, ce silence qu’il interprétait comme un recueillement , une apnée mentale. Et comme le profane n’ose pas toucher l’entrelacs de cristal imaginé par l’artiste, il n’osait poser un mot sur ce silence.
Alors il regarda les étoiles.
Il avait connu, dans son passé de gosse que tout intéresse, le nom de la plupart des constellations qui dominaient Gwendalavir de leur belvédère céleste, il avait même su leur histoire, et leur place. Mais ces souvenirs d’enfance s’évaporaient de son esprit, et s’il savait encore que l’Archer était un gardien céleste de la Dame et que l’Homme Voûté n’apparaissait qu’à l’Est, il n’aurait plus su les situer dans la voûte. Peu importait : les étoiles le savaient, elles. Elles attendaient que la Dame leur fasse signe de disparaître, ou que le Dragon les illumine, elles attendaient que les âmes des défunts viennent les rejoindre. Ou du moins, c’est ce qu’il avait toujours appris, et c’est ce qu’on lui avait toujours dit. Et que la Dame existe vraiment ou pas, qu’elle nage dans les étoiles ou pas, ça n’avait aucune importance. D’ailleurs, rien n’eut plus d’importance. Elera parlait.
Sa voix n’était guère qu’un murmure, une litanie qui s’accrochait aux feuilles qui recouvraient le mur d’enceinte, mais c’était un filet qu’il recueillit dans son cœur comme l’on garde l’eau entre ses mains en coupe. Elle avait cette manière de ploire le silence pour qu’il s’adapte à la parole sans se briser, pour que sa voix ait encore cette teinte silencieuse sans être inaudible. Il était juste envoûté par cette faculté de l’éther qui apaisait son cœur, son cœur qui se serrait à mesure qu’il sentait la voix d’Elera flancher, et les souvenirs les éclabousser. Elle l’avait cru mort. Elle avait été seule. Menacée par les Mercenaires du Chaos, elle n’avait pas choisi la fuite, elle avait subi les menaces, elle avait mené un combat interne, elle avait subi la pression des Mercenaires, douté de son enseignement, de ses capacités, de ses amis, du monde, de l’univers. Cet univers qui avait trahi le cœur de beaucoup, et atteint Elera. Il l’avait cru inatteignable, jusqu’à ce soir. Il avait cru qu’elle serait toujours l’être qui danserait sous la pluie sans avoir peur de l’orage, et qu’une bourrasque ne pouvait pas atteindre. Puis il avait vu ses larmes et entendu ses peines ; et maintenant, elle lui montrait l’abîme. Et il ne pouvait qu’écouter, sentir la pression dans sa paume, voir la lune se refléter dans ses grands yeux violets ; elle refuserait qu’il sèche ses larmes.
Einar devint un peu amer en songeant à Elio, malgré toute l’innocence que son âme avait accumulée. Il ne le considérait pas comme un rival, jamais une telle pensée ne l’effleurerait, mais il en avait peur. A cause de tout ce qu’on en disait, et à cause de tout ce qu’Elera venait d’en dire. Il ne demanderait pas ce qu’elle taisait : il avait peur de ce que ce silence pouvait cacher, de quelles horreurs supplémentaires Elera avait été le témoin. Il détourna le regard : l’instant venait de se déséquilibrer. Légèrement, une petite oscillation, mais il ne pouvait pas l’ignorer. Il voulait détester Elio pour avoir accentué les failles qui avaient percé le cœur d’Elera, pour lui avoir menti, pour n’avoir pas été à la hauteur de la marchombre, pour faire couler ses larmes à des semaines de distance. Mais il était trop doux pour détester. Einar avait trop peur de ne plus arriver à percevoir l’harmonie des serres s’il se mettait à détester ce soir. Elera était trop importante pour que son esprit soit accaparé par Elio. Trop amère pour qu’il le soit lui-même.
Le silence était tâché, tâché de tout ce qu’elle avait retenu et maintenant jeté au vent, avec les étoiles pour témoins. Alors il s’accrocha aux bruits, aux cithares qu’il entendait de nouveau, au vent qui faisait gémir les feuilles, au bruissement de l’herbe sous eux quand ils bougeaient ou changeaient de position. Einar posa sa main sur l’épaule d’Elera, sans demande, sans même la regarder. La nuit commençait à être trop avancée pour qu’il distingue complètement les larmes sur son visage, ou le tremblement de ses lèvres et de son cœur. Elle posait la tête sur son épaule en se mussant contre lui, sans qu’il y ait besoin de paroles, ou même de poser des limites. Il était calme mais triste, doucement triste parce qu’Elera avait décidé de partager les épines qui avaient enserré son cœur pendant près d’un an. C’était une tristesse sans douleur, une qui l’empêchait juste de croiser son regard, ou de sécher ses larmes, une tristesse profonde et mélancolique, qui était encore illuminée par la flamboyance des lampions de la fête : une mélancolie flottante. Il aurait pu raconter ses propres angoisses, décrire la solitude et la peur que l’on ressent quand on est reclu dans une caverne en petit nombre sans nouvelles de ceux qu’on aime, l’adrénaline d’être de ceux qui sauveront l’Académie, la douleur épouvantable de voir tomber des amis au combat, ou de voir l’innocence des autres amis tomber devant leurs crimes et leur vraie nature de prédateur. Il aurait pu dire qu’il avait eu peur, qu’il avait senti une terrible culpabilité à ne pas être resté pour subir avec tout le monde. Il aurait pu décrire ce qu’il ressentait d’être un fuyard. Il aurait pu aussi parler des espoirs futurs, ou lui avouer qu’il avait pensé à ses parents et à ses frères tous les soirs pour se donner de l’espoir, pour se rattacher à ce que le monde n’avait pas détruit. Il aurait pu lui parler de ses apprentis, parce qu’il les connaissait un peu aussi, en tant que camarades de classe, et lui dire qu’ils n’avaient pas cessé de croire, quand bien même il n’en savait rien. Il aurait pu lui dire qu’elle venait d’aligner plusieurs centaines de mots d’un coup. Il aurait pu dire beaucoup de choses. Il avait toujours eu beaucoup de choses à dire. Einar ne savait juste pas ce qu’il aurait dû dire dans ces circonstances. Alors il ne dit rien, et passa le bras autour des épaules de son amie, tandis qu’elle posait la tête plus sereinement encore sur l’épaule du jeune homme. Il se rappela soudainement l’emplacement de l’Archer dans le ciel, et salua des yeux l’amas d’étoiles qui le composait. Il veillerait sur eux, si Einar lui demandait assez fort. Il veillerait à ce que personne ne les trouve, ici, dans l’herbe et le verre et les étoiles. Et s’il ne le faisait pas, et bien, Einar était l’Archer aussi, n’est-ce pas ?
- Tu n’es plus cassée, Elera, plus maintenant, sinon tu n’aurais même plus pleuré… Et si tes apprentis comprennent pas, c’est pas des vrais marchombres, pas vrai ? Même moi j’arrive à percevoir le déséquilibre du monde dans lequel t’as été entrainée. Eux aussi ils sauront, à force… non ?
Silence. Le temps se remet en marche. La main d’Elera était toujours dans la sienne, mais ne la tenait plus. Il n’osa pas bouger. Elle s’était endormie contre lui. Elle s’était endormie, la tête nichée dans son épaule, et son souffle contre sa nuque. Son souffle profond, paisible. Calme. Harmonieux. Silencieux. Le bras d’Einar entoura plus sûrement les épaules de la marchombre, contre lui. Elle ressemblait à ces fiévreux, qui s’écroulent de fatigue, ou de sérénité, une fois qu’ils ont réussi à expectorer leur mal, à le rendre au monde, à l’arracher à leur propre corps. Elle avait ôté ce qui lui rongeait le cœur, et il l’avait accueilli dans sa mémoire comme on le ferait d’un calice, d’un objet précieux qu’on a eu l’honneur de recevoir. Elle avait réussi à oublier ses tourments suffisamment pour s’endormir alors même qu’il lui parlait. C’était à lui de veiller sur ses souvenirs. Et il le ferait. Parce qu’elle était partie là où il ne pouvait pas la suivre, là où elle ne pouvait pas l’emmener en lui tenant la main, elle était partie pour un voyage dans les étoiles de sa propre quiétude, dans lequel il ne pouvait qu’interférer. Alors il surveillerait de loin les étoiles, il serait l’Archer qui veillerait à ce que rien n’arrive aux autres étoiles, et qui accompagnerait la Dame dans ses trajets. Il serait l’Archer d’Elera, cette nuit, parce qu’elle l’avait choisi pour veiller sur elle. Ou plutôt, pour veiller à ce que rien ne vienne interférer avec ses rêves, son voyage, son monde. Le jeune garçon posa délicatement sa tête sur la sienne pour ne pas la réveiller, et laissa le souffle régulier et profond de la rouquine rythmer son attente. Les souvenirs d’Elera se battaient dans l’esprit du Teylus qui les avait recueillis. Il pensait à Elio, aux Mercenaires, aux souffrances, aux déceptions. Il sentait les concepts de heurter dans sa tête. Mais il était heureux, parce qu’ils avaient quitté celle d’Elera.
L’Archer veille sur nous. Dors. Je veille.
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| Sujet: Re: Bal de l'Académie [Terminé] Lun 29 Aoû 2011 - 18:16 | | | La main de Duncan sur son épaule la fit tressaillir, tant elle ne s’y attendait pas. Et puis, elle se rendit compte soudainement à quel point Jùn avait raison. La paume du professeur semblait disproportionnée par rapport aux os qui ressortaient de son épaule. Et jamais Sieur Cil’Eternit n’avait été en surpoids. Depuis combien de temps se refusait-elle les repas et le repos ? Sûrement assez pour qu’elle devienne un squelette.
La création de la Dame et du Dragon. Belle création qu’est l’homme. Dangereuse création qui change et se transforme en monstre. Les deux entités m’ont-elles faites pour cela ? Ce don, pourquoi l’ais-je reçu ?
Les souvenirs de la découverte de celui-ci, et de la relation qui en était né entre Ewen et la rêveuse lui tournèrent la tête. A l’époque elle le détestait, et ne supportait pas le regard qu’il avait sur elle. En l’espace de quelques secondes, de la découverte de son don, elle avait tissé un lien plus que fort avec le Maitre Rêveur. Et aujourd’hui, il lui manquait plus que tout au monde. Plus que sa propre famille.
Sa voix se brisa lorsqu’elle osa enfin répondre à Duncan.
-Mais où était-elle ? Où était la Dame lorsque tout ceci est arrivé ?
Elle baissa les yeux, honteuse d’accuser celle en qui elle ne pouvait qu’avoir confiance. Du moins jusqu’à aujourd’hui. -Est-elle rêveuse, elle aussi ? A-t-elle respecté le code de la neutralité, a contrario de ma Confrérie et moi ?
Elle déglutit, tournant un raisin qu’elle n’osait déjà plus avaler entre ses doigts. Que faire ? Continuer à s’effondrer sur un pauvre professeur qui voulait profiter de la soirée ? Pas d’chance, cavalier fantôme, vous êtes tombé sur la dépressive du mois.
-Je voudrais partir, retourner à mes terres du début, comme on souhaite retourner au ventre maternel. Mais ce serait encore abandonner les miens pour un but bien égoïste et peut-être vain qu’est celui de vouloir se retrouver quand on ne sait pas même comment on a pu se perdre.
Elle leva enfin ses petites pupilles grises vers le regard si compatissant du professeur.
-Vous êtes-vous déjà perdu, Duncan ? Perdu alors que vous n’avez quitté ni le lieu où vous vivez, ni ceux avec qui vous partagez votre vie ? Perdu alors que vous avez passé l’âge de vagabonder à la recherche d’une identité ?
Je n’ai personne pour me retrouver. Personne d’autre qu’Ewen. Mais quelle honte j’aurais de lui narrer ce que j’ai fais aux miens.
[J'suis désolée, j'me répète, j'ai vraiment du mal à la jouer comme ça, je la situe plus dans l'après avec Marlyn ^^"]
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| Sujet: Re: Bal de l'Académie [Terminé] Lun 5 Sep 2011 - 10:18 | | | Jehan, debout sur une estrade, observait d’un œil satisfait ce qui se passait tout autour de lui ; tel l’empereur qui contemple son peuple d’un œil bienveillant, et veille d’une directive ou d’un conseil à un musicien à ce que le Bal soit et continue d’être une réussite. La lune, véritable flambeau dans le ciel, observait la liesse de sa pupille d’albâtre qui ne cille jamais. A mesure que les festivités avançaient, le digne Intendant de l’Académie avait changé de partenaire et de cavalière. La grace et le raffinement d’Enelyë avaient cédé la place à quelques autres élèves, dont il savait qu’elle se chamallaient entre elles depuis des jours pour savoir laquelle arriverait à attirer suffisamment l’attention de l’Intendant pour se voir accorder une danse. En bon manipulateur et démiurge aguerri, Jehan avait dansé avec chacune d’elles, sans en laisser aucune à part, sans donner la possibilité à l’une ou à l’autre de clamer d’un air supérieur qu’elle avait ses faveurs et son attention. Quand bien même elles redoublaient d’effort, il lui semblait, pour danser mal ou pour lui marcher sur le pied. Etait-ce vraiment l’effet qu’il faisait aux femmes, cette fébrilité telle qu’elles en oubliaient toutes de danser correctement ? Il faudrait qu’il songe à engager un Maître des Danses, si ça continuait. Après avoir aiguisé la compétition entre les petites élèves, qui se chamallaient à présent pour savoir laquelle avait eu le droit au plus beau baisemain, Jehan s’était accoudé à un stand, une patisserie locale à la main, et cherchait du regard quelles tensions relationnelles pourraient entretenir le flot ininterrompu de son cher et tendre Papi Gilbert. Ah, une rupture violente dans ces fourrés, semblait-il ? On percevait des éclats de voix, et un jeune blond désabusé sortit des ténèbres, l’air vide, tandis qu’une multitude d’objets contondants et d’insultes le poursuivaient. L’Intendant ne put s’empêcher de sourire. Il énumérait mentalement le nom de chaque élève et de chaque collègue sur qui il posait le regard, un regard qu’il voulait paternel et bienveillant ; qui devait sembler pedobearien à bien des égards. Soit. Note pour lui-même : ne jamais rester plus de dix minutes au même endroit. Car s’il se sédentarisait, tout une troupe de filles en délire plantaient leur tente en cercles concentriques autour de sa divine personne pour jaser à son sujet. Il crut même percevoir une remarque concernant son goût en matière de cravates tandis qu’il prenait la pose sous son meilleur profil, et cette insulte grave envers sa personne eut pour effet de le rendre nomade. Dès lors, il jongla allègrement entres les différents endroits de la piste, bouscula même un acrobate qui chuta lourdement, alors que ses pieds étaient auparavant au niveau du nez apollonien de l’Intendant. Bien fait. En plus, il était moche.
Les heures passaient, et la foule elle-même se clairsemait. Certains partaient, main dans la main, en direction des bâtiments, l’œil brûlant, et Jehan eut la singulière impression que dans quelques mois, la population active de l’Académie connaîtrait un essor étrange. Enfin, ce n’était pas de son ressors. Ah, jeunesse ! D’autres partaient dans tous les coins, et il était dans un état d’esprit bien trop festif pour seulement songer à faire sa ronde nocturne, histoire que ses élèves dorment dans un lit, et non pas dans la boue, comme ils affectionnaient pourtant à le faire. La plupart des musiciens avaient d’ailleurs remballé leurs théorbes et leurs luths, et discutaient autour d’une liqueur de rougoyeur, en groupes, sous l’œil attentif de quelques élèves nocturnes.
Mais ce qui décida abruptement Jehan à mettre un terme officiel, sinon effectif, au Bal populaire de l’Académie, ce fut la vision qu’il eut en passant le regard près des petites tables de fer blanc. Son digne et estimé collègue de légendes et de lettres semblait en grande conversation avec la digne et estimé responsable de la Confrérie de rêveurs d’Eoliane ; à cela, rien d’extraordinaire. Non, ce qui faisait bouillir le sang de Jehan dans ses veines, c’était la main de sire Cil’ Eternit sur l’épaule de sa collègue, et le fait qu’il les observait depuis maintenant deux heures, et qu’ils ne s’étaient toujours pas séparés, après une danse qui avait failli donner à Jehan la jaunisse. Bondissant donc sur l’estrade la plus dégagée et la plus en vue de la plupart des étudiants restants, l’Intendant de l’Académie leva les bras. Ce geste, qu’il commençait à avoir l’habitude d’effectuer plus souvent qu’à son goût, eurent pour effet d’attirer l’attention sur lui, et d’imposer, petit à petit, le silence parmi les convives. C’était également le signal pour les musiciens et pour les jongleurs d’arrêter leur art, de stopper les archets et de ranger les balles de feutre. Quand il estima que le niveau sonore était suffisamment descendu, Jehan bomba le torse, et reprit sa voix d’orateur, cette voix qui portait au-delà de la piste vers, il le savait, les jardins où beaucoup de jeunes tourtereaux avaient trouvé refuge :
- Mes chers élèves, mes chers collègues, mes amis, je vous prie de m’écouter ! Je tiens tout d’abord à vous remercier, tous et chacun d’entre vous, pour votre présence et votre chaleur humaine tout au long de ce Bal, car ce Bal, et nous pouvons le dire sans nous le cacher, est une réussite. A son exemple, les élèves et les professeurs s’applaudirent, et il attendit que le bruit fut retombé. Maintenant que les festivités touchent à leurs fins, je tiens particulièrement à remercier tous les artistes venus exercer leur talent pour nous, insolites créatures exilées d’Al-Poll. Je me félicite également de voir que le quota de dommages collatéraux n’a pas été dépassé ce soir, et même ! Nous pouvons espérer une certaine prospérité de notre magnifique établissement dans les mois à venir. Mais l’heure est venue de sonner la fin officielle de ce Bal, car la lune va bientôt céder la place au Soleil. J’invite donc chacun d’entre vous à conclure sa dernière danse, et à regagner ses pénates dans un délai relativement bref. A ceux qui choisiront malgré mon auguste conseil de faire la noce jusqu’au bout de la nuit, je vous souhaite une bonne fin de Bal, et je vous remercie encore.
Nouvelle salve d’applaudissements. Jehan bondit hors de l’estrade avec un sourire satisfait. Ah, rien ne valait un beau discours, ces regards impatients qui buvaient chacune de ses paroles, les gerbes de fleur lancées par les jeunes vierges en toge, les hourras intempestifs, les lauriers d’or… C’est donc auréolé de cette autosatisfaction que rien ne saurait briser que Jehan Hil’ Jildwin, Intendant de l’Académie de Merwyn, prit congé des festivités, et retourna à ses appartements.
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