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Messages : 548 Inscription le : 13/07/2008 Age IRL : 84
| Sujet: A la frontière du Rp Lun 12 Sep 2011 - 19:27 | | | Ce sujet a pour but de réunir tous vos textes qui sont aux frontières du rp, sans vraiment en faire partie : la vaudeville d’Alasa, par exemple, y aurait très bien sa place. Si vous souhaitez vous aussi écrire ce genre de texte, placer vos personnages dans un décor anachronique ou onirique, écrire une scène du point de vue d’un personnage qui n’est pas le vôtre, et toutes ces petites idées qui n’ont pas la place dans le rp mais n’en sont pas moins intéressantes, c’est ici !
A vos Plumes !
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| | Messages : 426 Inscription le : 20/11/2009 Age IRL : 29
| Sujet: Re: A la frontière du Rp Mar 27 Sep 2011 - 21:10 | | | Voili voilou un p'tit texte pondu il y a fort longtemps de cela, mais récemment reprisé de-ci de-la... Parce qu'il faut bien que je rattrape un peu le nombre de points que ma maison va surement perdre à cause de moi [vive la tempête sur les toits ]. C'est assez court, mais j'espère que ça vous plaira.
Il court l'homme, il court. Il est essoufflé mais il court. Il court vite dans la campagne. Il court loin, loin de son village, loin des flammes. L'homme porte quelque chose, un paquet. L'homme à peur. Il regarde derrière lui, à gauche, à droite. L'homme s'arrête. Une lueur scintille dans ses yeux bleus comme la nuit. Non! Il faut qu'il résiste. Il ne doit pas faire cela... pas tant que sa fille n'est pas en sécurité. L'homme résiste. Il s'assoit. Il se dit que sa fille a été très sage depuis qu'ils se sont enfuis. Les souvenirs reviennent. L'homme ne veut pas. Trop tard.
Le village est en feu. Des hommes armés tuent les villageois. L'homme vient de voir sa femme brûler avec sa maison. L'homme cherche sa fille. Les pleurs des femmes et des enfants retentissent. Les cris des hommes qui se font tuer et le crépitement des flammes bourdonnent à ses oreilles. L'homme voit sa fille. Il la prend et court.
Les souvenirs refluent. L'homme se relève et court. Il porte toujours sa fille dans ses bras. Sa fille qui n'a pas pleurer. L'homme à un regret, un parmi tant d'autre. L'homme n'a pas pris la poupée de sa fille. Sa fille adore sa poupée. Mais sa fille n'a pas pleuré et la poupée a brûlé avec la maison. Les yeux de l'homme brillent à nouveau. Mais l'homme résiste. Bientôt, il pourra. Cela fait trois jours que l'homme court. Trois jours pendant lesquels sa fille n'a pas pleuré malgré l'absence de sa poupée. L'homme se dit que sa fille est courageuse. C'est bien, elle comprendra.
Cela fait trois jours que l'homme court, trois jours sans croiser de villes ni de villages. L'homme a faim et soif. Sa fille aussi mais elle ne dit rien, ne pleure pas. L'homme ne veut pas la regarder, il a peur de ne pas avoir le courage de... l'homme voit une citadelle, des maisons. Enfin. Il veut quand même voir sa fille, une dernière fois. L'homme soulève sa veste dont il a emballé sa fille. Un cri sort de sa bouche. Un cri inhumain. Sa fille est restée au village. Dans ses bras, l'homme porte la poupée de sa fille. Alors l'homme pose la poupée. Un éclair illumine ses yeux. Dans la ville, des torches s'allument, le hurlement d'un bébé retentis. Des gens ont entendu un cri. Ils arrivent. Trop tard. La où se tenait l'homme il ne reste que la poupée et la nuit. |
| | Primat de Teylus et Maître d'Armes Messages : 634 Inscription le : 26/11/2008 Age IRL : 35
| Sujet: Re: A la frontière du Rp Dim 13 Mai 2012 - 19:32 | | | Depuis le temps que je dis qu'il faut que je poste ici . Donc voici mon texte, et si on peut donner des points quand on écrit alors les miens iront à Teylus : "Le soleil déclinait déjà quand ils revinrent vers Blaid. Leurs recherches de l’après-midi avaient été aussi vaines que celle de la matinée. Aucune trace des Neidranns dans la région. Comme tout le monde s’en doutait. - Je suis bien content que les Peaux Vertes ne soient pas là, avoua Norond à Lőcktăr. Non pas que j’ai peur de les affronter, mais au moins personne n’a été massacré. - C’est bien vrai, répondit Lőcktăr. Mais nous faire déplacer pour rien n’est pas très appréciable. J’espère qu’à la capitale, ils retrouveront le petit malin qui s’est joué de nous. Soudain, la voix de Tolkor se fit entendre : - Taisez-vous, ordonna-t-il. J’ai entendu du bruit. Le silence se fit parmi la troupe. Lőcktăr prêta l’oreille et le capitaine ne se trompait pas. Il y avait bien des chocs qui se faisaient entendre. Des chocs de lames. Des chocs de combat. Des hurlements de guerre. On se battait à proximité. Sans se consulter, les soldats empoignèrent leur épée et Tolkor lança son cheval droit devant, suivi par ses hommes. C’était Blaid qui était la cible des combats. Finalement, les Neidranns étaient bel et bien dans la région. Lőcktăr sentait l’adrénaline du combat monter en lui, même s’il était anxieux face à ce premier combat pour sa vie qui approchait. A mesure qu’ils approchaient du village fortifié, le jeune homme remarqua que les portes de la ville étaient grandes ouvertes, visiblement intactes. Il ne fut pas le seul à le remarquer car il entendit Hujkilev, qui chevauchait à ses côtés, jurer : - Les idiots, ils ont laissés les portes ouvertes, lança-t-il. Alors que la Griffe entrait dans le village, une dizaine de cavaliers, vêtus entièrement de noirs et le visage dissimulé, leur foncèrent dessus. Le choc entre les deux troupes envoya Lőcktăr à terre. Il en lâcha son épée. L’un des cavaliers noirs tenta de l’achever mais le jeune homme mis ses bras en croix au dessus de sa tête afin de bloquer le bras ennemi. D’un coup de pied dans le ventre, il le repoussa afin de reprendre en main son épée qui n’était pas tombé loin de lui. Le cavalier noir revint à la charge et un duel entre les deux hommes s’engagea. La première attaque fut lancée par Lőcktăr. Un coup d’estoc porté avec toute la précision de son expérience passé dans le centre d’entrainement de Lykos. C’était son premier combat où il jouait sa vie, mais il comptait bien y survivre. Le cavalier noir esquiva l’attaque, tenta de contre-attaquer mais son esquive l’avait porté trop loin de Lőcktăr et le coup brassa uniquement de l’air. Le soldat de la Griffe se retourna vers son adversaire, juste à temps pour bloquer la lame ennemie. Les coups s’enchainèrent. Le cavalier noir avait nettement l’aventage. Même si le jeune soldat de la Griffe bloquait bon nombre d’attaques, son adversaire parvenait souvent à le toucher. Si bien que Lőcktăr saignait dans plusieurs endroits différents, même si aucune de ses blessures n’était grave. Le plus allarmant, c’était qu’il commençait à fatiguer et son adversaire n’était pas mieux. Soudain, derrière le cavalier noir, la silhouette de Tolkor se dessina. Le capitaine planta rapidement un couteau dans la nuque de l’adversaire de Lőcktăr. Trop concentré sur le soldat de la Griffe, le cavalier noir n’avait pas remarqué l’approche de Tolkor. Les genoux de l’homme plièrent et le reste du corps suivit. Le cavalier porta la main à sa nuque comme pour stopper l’hémorragie qui colorait le sol d’un rouge intense. Sa vie s’échappait par la blessure. - Tu vas bien ? demanda le capitaine. Lőcktăr acquiesça d’un signe de tête. - Où sont les autres ? s’interrogea-t-il. - Ils ont continué vers l’intérieur de la ville, je les ai vus quand je me suis relevé, expliqua Tolkor. Le capitaine se pencha pour fouiller le cadavre qui avait finit de s’agiter. Il était mort. Lőcktăr le regarda faire, tentant de reprendre son souffle avant de rejoindre les autres qui devaient encore batailler dans la ville car les chocs de combat ne s’étaient pas tut. Pourtant, le soldat de la Griffe s’approcha quand il vit les mains de son capitaine s’arrêter sur un objet qui semblait l’intriguer. - Qu’est ce qui se…. Lőcktăr fut interrompu par les bruits d’une course derrière lui. Le jeune homme se retourna pour apercevoir des hommes en noir qui courrait vers eux, l’arme au poing. Le soldat de la Griffe fonça vers son capitaine, à deux, ils auraient plus de chance de les stopper. - Non, toi, tu te sauves, lança Tolkor. - Pardon ? - Tu m’as bien compris. Tu t’enfuis, je les arrête. Et tu apportes ça à Letrenk. Le capitaine lui remit un collier dans la main. - Non, je reste, je ne vais pas te laisser mourir pour que je me conduise comme lâche. - Ce n’est pas être lâche. Je te donne un ordre. Tu t’enfuis et tu apportes le collier à Letrenk en lui précisant bien où je l’ai trouvé. Lőcktăr hésita. Il n’aimait pas l’idée de laisser Tolkor mourir pour lui permettre de s’enfuir. - Tu n’as plus le temps, va-t-en. C’est un ordre. Le jeune homme tourna les talons et couru vers son cheval qui l’attendait non loin de là. Il ne s’était pas enfuit trop loin quand son cavalier avait été désarçonné. Il lança un dernier regard vers Tolkor qui avait déjà entreprit le combat contre les hommes en noirs. Certains l’avaient dépassé et fonçaient déjà pour stopper Lőcktăr. Le jeune homme monta en selle et il lança son cheval au galop. Derrière lui, il entendit l’air vibrer suivit peu de temps après par une douleur dans l’épaule. Les hommes en noirs avaient attrapé leur arc et le visaient désormais. Heureusement, le cheval était rapide. La monture et son cavalier furent bientôt hors d’atteinte des traits mortels. Avant de le ranger dans une de ses poches, Lőcktăr jeta un coup d’œil au collier que Tolkor lui avait remis. Un loup en or, avec des yeux blancs." Et voilà, j'espère que ça vous plaira (c'est un extrait de mon roman, soyez content ) |
| | Messages : 359 Inscription le : 08/05/2007 Age IRL : 33
| Sujet: Re: A la frontière du Rp Jeu 24 Mai 2012 - 14:41 | | | (pour Teylus, évidemment... ) Naissance des premiers clans itinérants bijoutiers, tel qu’il a été conté à l’auteur durant son enfance, Par A. N. Extrait du Manuscrit Sans Titre Note manuscripte en haut à gauche d'une page: La noblesse devrait [illisible] assez logiquement et sans [biffé par un lecteur]. Sans l'Imagination nous [illisible]Au commencement était quelque chose d'incroyablement plus vaste que le monde. Une mer noire de vide, et de poussière mêlées, qui roulait comme une litanie dans l'infini des possibilités. Chaque monde était comme une bulle, ronde et incroyablement fragile, qui remontait le fil de l'univers pour aller se briser en son centre, et renaître plus tard sous d'autre forme. Au centre du monde était la forge infinie et splendide du Dragon chevalier, qui avait le pouvoir de créer et détruire à sa guise, et agissait ainsi dans l’obscurité du monde, plongeant ses mains dans la boue charriée par la mer noire, dessinait la chorégraphie du monde en seul maître . Des profondeurs abyssales de l’eau elle-même naquit la divine Dame, qui n’appartenait à aucun sensible, seulement aux rêves de la non-matière elle-même. Elle jaillit devant le Dragon décora notre univers des couleurs de l'océan, un bleu pur et profond comme l'éternité, et milles étoiles: des éclaboussures éclatantes qu'elle broda sur la dentelle d'écume, plus floue, qui n'apparait que les nuits d'été.
L’Âme du Dragon était faite pour créer, et reconnut en la Dame l’expression pure que ses mains cherchaient sans cesse à produire, sans y parvenir jamais. Fou d’amour, pour elle et ce monde intangible, pourtant à portée de doigts, enfermé dans son infinie forge, il avait multiplié les artefacts les plus précieux pour protéger et embellir la grande mer. Il avait créé la lumière, et le soleil doré qui allumait les possibles de la vie, sa forge avait craché les nuages, et son souffle qui dictait au métal était le vent et les parfums variés qui peuplent les mondes.
Curieuse, la baleine approcha, et aima le reflet des œuvres du dragon, que son univers répercuta à l’infini ; elle aima le Chevalier, qui creusait, pour la servir, plus profondément les poussières, à se noyer dedans, et tenta, mainte fois, d’atteindre l’essence de ses créations pour se rapprocher de lui, sans succès. Tous deux pleuraient, de ne pouvoir s’atteindre, ni la fusion à laquelle ils aspiraient pleinement. Le Dragon sécha ses larmes, en constatant que l’eau noyait l’univers, et rendait de plus en plus précaire ses créations. La Dame, s’élevant, chercha à traverser la frontière invisible de leur monde en la surmontant ; le dragon la suivit, arrachant de la fumée de ses naseaux de quoi créer des ailes. Mais rien ne semblait vouloir leur accorder la félicité du contact. Alors le dragon sculpta de la glaise le premier humain, et le lança, brûlant, dans l’eau. La dame l’accueillit, dans un nuage de vapeur, et irrigua la matière du flux incessant de ses rêves et ses larmes ; néanmoins, il était du Dragon et son royaume, et ne put rester longtemps dans les robes de la Dame. Le Dragon l’accueillit sur ses terres, comme un fils, et par amour pour l’apport de son aimée, refusa de le détruire.
L’espoir du Dragon de parvenir à extraire des poussières une substance capable de lier les imaginaires demanda à l’homme le plus dévoué de le rejoindre dans la forge. L’Homme aimait et honorait le Chevalier, mais par amour des siens et de sa propre dame, demanda l’autorisation d’amener avec lui son épouse et ses enfants, ce que le Dragon concéda. A l’Homme, le dragon dévoila les arcanes de son art, en liant ses mains au plan de travail. A la femme, le Dragon commanda d’être forte, et de subvenir aux besoins de son époux et de ses enfants. A l’aîné, le Dragon promit la succession au père ; et dans l’attente de celle-ci, il devait le seconder en se chargeant des charges les plus ingrates. Aux cadets, le Dragon offrit la, et les connaissances des sols nécessaires à détecter la présence des infiltrations de la dame, car ses beautés rendaient le chevalier aveugle à toutes autres choses ainsi . Aux présents du dragon, le père ajouta le premier outil permettant de creuser le sol suffisamment profond pour en ramener les étoiles du ciel de la Dame.
Au benjamin, il offrit vigueur nécessaire pour faire des dizaines de fois le tour de la terre, ce à quoi le Père ajouta le sens de l’honnêteté. Il devait se charger de toutes les liaisons possibles, du transport des trésors, du partage de ceux –ci entre la Divinité et l’Humanité ; et de toutes les autres choses.
La Dame, qui habitait les Hommes dans une partie d’eux-mêmes intangible et inatteignable, leur envoya les reflets d’une matière, qu’elle croyait voir parfois, et qui serait comme de l’Imaginaire solide. Il comprendrait la physicalité la plus parfaite, et sa destruction serait impossible, par tout autre chose que soi-même. Il garderait de la dame les couleurs volatiles, insaisissables, et proches de l’eau. Parcelle merveilleuse de l’Amour des entités, qu’on appela Di-amants.
L’Homme dévoué s’en ouvrit au Dragon, qui réfléchit longuement, par-delà les temps et les infinis espaces. Il trancha une de ses griffes, , car son corps de Dragon était composé de toutes les matières possibles, et l’offrit à l’homme, pour qu’il puisse extraire et travailler la matière qui lui permettrait de rejoindre son aimée. L’Homme dévoué mourut, et ses fils après lui. Les fils de ses fils, honnêtes et dévoués, avaient le devoir de travailler, , les étoiles de son ciel qu’ils trouvaient en puisant toujours plus profond la poussière, liant la force créatrice du Dragon et l’Imagination de la Dame, en l’honneur de celle-ci. Si parmi les vivants quelqu’un parvenait à trouver le diamant, reine des pierres, il avait le devoir de le travailler de la manière la plus pure et la plus passionnée. Le devoir de le penser et de l’offrir au Chevalier et à la Dame, ou de le consacrer à un amour pur et indestructible, par-delà le temps.
Dans la mort, l’artisan rejoindra ses pères et mères, apportera sa pierre ou son savoir-faire à l’édification du pont liant les mondes infinis ; car tout artisan est enchaîné à son travail par-delà le goût et par-delà la vie, de manière aussi sûre et intemporelle que peut l’être l’amour qui lie le Dragon et la Baleine.
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| | Messages : 571 Inscription le : 03/07/2009 Age IRL : 31
| Sujet: Re: A la frontière du Rp Mar 4 Sep 2012 - 17:06 | | | Texte écrit en grande partie en cours de Biophysique entre Février et Avril. c'est pas grandiose, mais ça me faisait plaisir d'écrire ce genre de chose et intégrer cette rencontre au perso' d'Halina et sa vengeance manquée.
Le jeune homme ouvrit de grands yeux hagards. Où se trouvait-il ? Que s’était-il passé ? Il ne se souvenait de rien. Il réalisa même qu’il avait oublié son nom. Il tenta de donner un sens à ce que voyaient ses yeux. Une salle blanche, avec une fenêtre qui donnait sur l’extérieur, sur un cloître semblait-il. Il voulut se lever pour voir un peu mieux les lieux et de découvrir qui il était. Il pensait que des images pourraient l’aider. Une douleur aigue lui déchira les tympans alors qu’il voulait se redresser. Il serra les dents pour éviter de hurler. Etrangement, il restait très rationnel dans cette situation qui le dépassait pourtant. Il reposa sa tête sur les oreillers, regarda ses vêtements. Il n’était vêtu que d’une tunique en toile, c’est alors qu’il réalisa qu’il savait où il était. Il se trouvait dans une infirmerie. Il toucha sa tête avec sa main valide, elle était recouverte d’une série complexe de bandages. Son autre main était manquante mais ce n’était pas récent, il semblait avoir l’habitude de faire plein de choses à une main et le moignon n’était pas bandé. Comment avait-il pu se faire cela ? Il fouilla ses souvenirs mais ne tomba que sur du noir. Un vide angoissant et profond. L’espace d’une minute, il se découvrit un nouveau sentiment : la peur. Comme s’il ne l’avait jamais connue. Comme si l’autre lui qui savait reconnaître une infirmerie en un coup d’œil peinait à savoir ce que pouvait bien être l’effroi. Il soupira. Il n’osait pas braver la douleur pour se relever, c’était trop dur.
Il se rendormit savourant le sommeil comme s’il ne savait pas ce que c’était. Il fut réveillé par une apparition de la Dame personnifiée. Une Ange. Une jeune femme entra doucement dans la pièce et retira délicatement son bandage pour en refaire un autre de ses doigts de fée. Elle ne dit pas un mot mais lorsqu’il grimaça de douleur, elle posa ses mains sur lui et après une sensation de chatouillement, il allait mieux. Comme apaisé. Elle disparut comme elle était arrivée, en silence. La femme avait parfaitement bien déroulé son rêve et ainsi, il se sentit aller mieux. Les rêveurs le surnommèrent Animum, parce que son esprit n’était pas vraiment le sien. Il priait pour que l’Autre ne se réveille jamais
Et petit à petit, jours après jours grâce aux soins attentifs de la rêveuse, il reprit des forces. Jusqu’au matin où l’amnésique demanda à se lever, aidé par les bras de deux rêveurs. Il réussit à se tenir debout seul mais quand il tenta de remarcher, il chuta. Il lui fallut encore des semaines pour enfin mettre seul un pied devant l’autre. Il tomba amoureux de son Ange. Il savait que s‘était voué à l’échec car les rêveurs faisaient vœux de célibat mais il espérait follement qu’elle voudrait de lui. Comme un adolescent qui découvre ce sentiment exaltant. Il lui faisait la Cour, il lui cueillait des petites fleurs et tentait le sourire enjôleur de l’Autre qui avait dû faire des ravages. Il souriait beaucoup, les rêveurs semblaient bien l’aimer lui mais craindre l’Autre. Il n’avait pas le droit d’accéder à ses anciennes affaires. Animum commençait à se poser des questions
Il était dans la Confrérie depuis un ou deux mois quand un blessé arriva, il était blessé et faible. C’était un guerrier et sa tenue témoignait du caractère mercenaire de son travail. L’amnésique eut l’impression de le connaître. Il chercha à récupérer les images qui lui traversaient l’esprit mais comme à chaque fois qu’il était tout proche de les saisir, elles s’évanouissaient. Une nuit, il eut enfin un signe, il se souvint du nom de l’homme. Rafy. Mercenaire. Un compagnon d’armes. Un ami. Comment l’avait-il rencontré ? Qui était-il ? Que faisait-il ? Il retourna voir le visage assoupi dudit Rafy et tenta de deviner sur ses traits son histoire. Son réveil signa le réveil de l’Autre et les souvenir avec lui. Le mercenaire dit son nom en se réveillant, il semblait content et étonné de le voir à son chevet. Il demanda :
-Cryst ?! Mais qu’est-ce que tu fais ici ? On croyait tous que t’étais mort !
-J’ai bien faillit, répondit-il en montrant le bandage sur sa tête qui avait été considérablement réduit depuis deux mois.
-On en a vraiment chié cette fois. Elles avaient la forme ces petites vermines…
-De… de quoi tu m’parles ?
-T’as vraiment tout oublié ? La bataille ? Ta mission ?
-Quelle bataille ? Celle dont les rêveurs parlent ? Qui a eut lieu à l’Académie la plus proche ? Mais, qu’est-ce que j’ai à voir avec ça ?
Rafy, se prit la tête dans les mains et se plaignit:
-Merde, le chef va nous tuer.
Celui qui s’appelait donc Cryst soupira et attendit que son compagnon ou que l’Autre se manifeste un peu. Il était largué là.
-On a échoué comme des merdes sur ce coup là. On devait garder les otages suite à la prise de l’Académie d’Al-Poll. Rassure-moi, tu te souviens que tu es un mercenaire du Chaos ?
Tout revint d’un coup. Ou presque, il y avait encore des zones floues mais les évènements se mettaient en place enfin logiquement. Il avait été blessé dans la bataille contre les élèves et professeurs de l’Académie alors qu’il était censé garder les otages dans leurs cachots. Il soupira. L’Autre était donc un méchant. Un bad guy. Un dur à cuire de la pire espèce. Il se souvenait maintenant de la souffrance que ses actes avaient causée. Il se souvenait des horreurs qu’il avait perpétuées, parce qu’il suivait des ordres. Sa tête recommença à l’élancer douloureusement. Il se la tint un moment avant de tomber, évanoui. A son réveil Animum, qui ne voulait pas laisser à Cryst un moyen de revenir, avait pris une décision. Il allait s’en aller. Loin de tous ceux qu’il risquait de connaître, loin de cette Académie et de ses gens qui pourraient le reconnaitre. Même si ça voulait dire partir loin de son Ange. Elle lui avait dit qu’elle l’aimait bien mais ne quitterait jamais la Confrérie.
Il fit son bagage : quelques vêtements que les Rêveurs lui avaient donnés moyennant quelques taches exigeant du muscle. Des vivres, récupérés de la même façon. Il n’emmenait pas les affaires de son ancien lui, désireux de tout recommencer à zéro. Dans Al-Poll, il croisa la route d’une jeune femme au visage familier. Il s’arrêta et la dévisagea un court instant. Longs cheveux bruns presque noirs, yeux gris, visage droit et cernes marquées, il se souvint des cachots. Pris de honte et de remords, il se détourna en vitesse et disparu dans une rue parallèle. Tant il avait changé, elle ne le reconnut pas. Pourtant, cet homme au visage buriné, avec une main en moins et un bandage sur la tête était un acteur essentiel de la plupart de ses cauchemars. Il quitta la ville aussitôt et descendit vers le Sud, vers l’anonymat.
Halina vit cet homme s’arrêter devant elle. Il semblait familier mais elle ne sut pas mettre un nom sur son visage. Il finit par tourner les talons rapidement puis disparaitre. Ce n’est qu’une fois rentrée de son expédition qu’elle eut une révélation.
Il était un de ceux qui l’avaient enfermée. Il était un de ses cauchemars. Elle l’avait laissé partir et n’avait même pas envie de le rattraper.
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| | Messages : 603 Inscription le : 06/08/2009 Age IRL : 30
| Sujet: Re: A la frontière du Rp Mar 4 Sep 2012 - 21:46 | | | La nuit, j'ai un peu d'inspi. C'est pas fini, c'est fait exprès pour vous laisser sur votre faim après /PAN
"Je le regardais, comme tous les autres enfants autour de moi. Tous, nous ressentions envers cet homme étrange des sentiments contradictoires. Fascinés par son travail, nous étions pourtant effrayés par les histoires que les adultes se murmuraient, ainsi que par son visage barré de cicatrices. Ma mère disait qu’il enlevait des enfants, et qu’ils les faisaient jouer dans son cirque miniature, quand elle ne racontait pas qu’il faisait des choses plus horribles encore. Naya nous avait dit, elle, que sa grande sœur avait été invitée à prendre le thé, et que son père lui avait dit que certainement, il y mettrait du poison. Toutes ces choses me faisaient frissonner, quand j’y pensais. Mais c’était là le génie de cet homme : chaque fois qu’il jouait avec ses marionnettes, nous oublions tout ce que les adultes répétaient sans cesse.
Il attrapa les fils du lion et le spectacle commença. Les histoires qu’il inventait étaient rocambolesques, et pourtant, on y sentait une sincérité que l’on ne trouvait pas dans les contes. Ici, alors même que son public était essentiellement composé d’enfants, ce qu’il racontait ne finissait jamais bien. Peut-être qu’on venait chercher notre dose d’horreur, notre dose de frayeur. Maintenant que j’y repense, c’est peut-être bien pour cela que nos parents ne l’aimaient pas. Le lion se battait contre l’homme en armure. Qui tombait, fatalement. Le lion ne sentit le coup envoyé par l’épée que comme une caresse. Il avait connu pire, disait le marionnettiste, il avait failli être empalé par une corne d’éléphant. Ici, dans notre petit village miteux, nous ne connaissions les éléphants que grâce à lui et ses pantins. Lorsque le chevalier eut la tête tranchée, mordu sauvagement par le lion, il changea d’histoire. Il s’agissait maintenant d’une princesse d’un lointain pays, qui devait épouser un seigneur qu’elle détestait. Nous savions tous qu’il arriverait quelque chose de mauvais, pourtant, nous nous prenions toujours à espérer qu’elle épouserait celui qu’elle aimait. Ici, elle se suicidait. J’avais l’impression d’être spectateur en même temps qu’acteur. J’avais au moins aussi mal que la princesse et que le chevalier. Lui, l’homme aux cicatrices, disait que le monde était cruel, que la vie l’était aussi, et qu’il n’offrait en spectacle que la réalité, que la vérité.
*
A la fin de cette représentation, Naya, Liam et moi avions décidé de suivre le marionnettiste jusqu’à sa demeure, malgré les interdictions répétées de nos parents. Le grand jeu de Naya, sa grande passion, était de décrire point par point l’aspect qu’avaient les gens. Je me souviens de ce qu’elle nous disait de lui : il était grand, plus encore que le père de Kaelyn – une fille que nous connaissions bien, que nous n’aimions pas mais que nous n’embêtions pas, par peur de son père justement –, mais contrairement à lui, il était très fin, tellement qu’on avait l’impression qu’un coup de vent le casserait en deux. Il avait de longs cheveux blancs, qui descendaient dans son dos jusque sous ses omoplates. Ils étaient très lisses, et rien ne semblaient pouvoir les déranger. Il portait constamment un chapeau haut-de-forme et un costume, comme les aristocrates que nous voyions dans nos livres d’école. Naya trouvait cela très « distingué ». Je ne suis pas sûr qu’elle ait vraiment compris le sens de ces mots. Et son visage, donc, était certes barré de cicatrices, mais il possédait surtout les yeux les plus étranges qu’il m’ait été donné de voir. Ils étaient d’un violet éclatant, et semblaient briller constamment. Beaucoup assimilaient son regard à celui d’un chat ; et nous étions presque certains que comme eux, il pouvait voir dans l’obscurité. Mais le plus dérangeant était le fait qu’il n’ait pas de pupille. Ma mère disait qu’il était sûrement aveugle, mais nous, les enfants, savions que ce n’était pas le cas : autrement, comment aurait-il pu poser son regard sur nous comme s’il nous contemplait ? Et ses marionnettes étaient si belles, qu’il les avait forcément choisies avec soin.
Nous le suivions dans les ruelles qui menaient jusque chez lui. Bien sûr, nous ne sommes pas entrés cette fois-là. Une fois sûrs de pouvoir retrouver notre chemin, nous nous donnions rendez-vous sur la place où le marionnettiste faisait ses spectacles, à l’heure où il les faisait. Nous étions bien décidés à savoir si ce que l’on racontait était vrai ; nous allions découvrir ses secrets.
*
La porte grinça légèrement, et Liam crispa sa main sur mon épaule. Il avait toujours été le plus peureux de nous trois. Naya attrapa la lanterne qu’elle avait eu la présence d’esprit de ramener et l’alluma. Nous entrions lentement ; les planches du parquet craquaient étrangement. Si Naya n’avait pas été là, je me serai sans doute enfui avec Liam, mais elle était si curieuse qu’elle était loin devant nous et nous nous refusions à la laisser seule."
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| | Messages : 2181 Inscription le : 30/05/2007 Age IRL : 31
| Sujet: Re: A la frontière du Rp Mar 12 Fév 2013 - 15:54 | | | Certaines scènes en vrac qui se suivent à peu près chronologiquement dont j'avais besoin pour le développement de Marlyn, mais qui n'ont leur place dans aucun Rp, c'est pourquoi, sur multiple suggestion, je les mets ici pour ceux -s'il y en a- qui veulent.
- Spoiler:
- Pourquoi me craindre, Sareyn ? Ses lèvres étaient ourlées de fumée bleuâtre. Sa cigarette crépitait près de l’oreille de Marlyn, petit brasier déjà en cendres. Je ne rappelle pas vous avoir jamais voulu de mal.
Il avait pris un ton tout angélique, tout perlé de sourire, celui qui, il commençait à s’en rendre compte, avait le don pour agacer sa compagne. Sareyn s’écarta de quelques centimètres et détourna finalement son regard de la fenêtre où brillait Al-Jeit sur son promontoire, comme une promesse de fuite. La demeure estivale des Vil’ Ryval était champêtre, faussement perdue dans une verdure très ordonnée, suffisamment proche de la capitale pour ne pas en être exclue, suffisamment éloignée pour donner l’impression d’exotisme que les nobles en visite recherchaient. Entre autre, Célénie Vil’ Ryval y suivait son mari le moins souvent possible, que les pollens rendaient malades et l’air campagnard aigre. Les fumées y avaient, elles, suivi le noble. Il s’y plaisait à faire brûler nombre d’encens qu’on lui envoyait, entêtants et doux, dans toutes les pièces ; il y semblait immune, naviguant dans les brumes bleues et grises comme un capitaine de navire dans le brouillard marin, laissant derrière lui des sillages tourbillonnant. Marlyn commençait à avoir la tête lourde, le nez froncé, assailli par tant d’odeurs. Il l’avait obligée à se rendre chez lui en calèche, refusant toujours de lui indiquer un endroit où elle pourrait se transporter par pas sur le côté, c’était, disait-il, afin qu’aucun ne manque de savoir quelle ascension sociale fulgurante il lui procurait en l’invitant personnellement dans sa demeure d’été.
- Nous avions un accord, et je suis simplement venue respecter ma partie de l’accord.
La tension inévitable, dans ses traits, dans sa voix, dans ses muscles, la trahissaient. Elle s’était préparée à cet instant longtemps, sans jamais avoir réussi à y accoutumer sa conscience ; trop de vieille culpabilité l’habitait, beaucoup de crainte, à l’idée qu’elle ne parvienne pas à se contrôler, à l’idée que, sitôt qu’il poserait les mains sur elle, elle serait incapable de retenir les vieux démons ; et Makel serait le premier à pâtir de ses furies incontrôlables. Un scandale qui l’éclabousserait définitivement, et ruinerait tout ce qu’elle –ils, songea-t-elle- avait essayé de construire pour sa vie. Il fallait juste qu’elle reste dans le rôle. Peut-être, peut-être, si rien ne se passe mal, aurais-je finalement dépassé Ivan, et les vieilles chaines, les vieilles mains qui frappent et étranglent et déchirent. Peut-être.
- Votre partie de l’accord.. qu’était-ce déjà ? Makel se rassit confortablement dans son fauteuil et écrasa le mégot dans un un cendrier translucide. Oh. Cette partie-là de l’accord. Son sourire asymétrique crut, ce à quoi Marlyn répondit d’un regard qu’elle ne laisserait pas vacillant, qui serait pour lui un nid de vipères dardées, un avertissement à ne pas jouer trop longtemps autour des mots. Brusquement, il se releva, soudainement trop proche, à portée de lèvres – et de dents, si besoin. Prêt à la dévorer de son sourire trop grand, trop flou.
- Ca ne m’intéresse pas, fit-il au bout d’un très long silence, et une nouvelle cigarette apparut au bout de ses doigts, prête à être embrasée à son tour et détruite dans de longues tirades bleues. - Quoi ? Le cœur de Marlyn battait la chamade, et son expression stupéfaite avait du la trahir, car le noble aux cheveux gominés partit dans un éclat de rire. Difficile de déterminer ce qui l’irritait le plus, son rire, ou un refus aussi net. - Allons, Sareyn, vous êtes-vous vue ? Vous semblez aussi heureuse que si je vous avais forcée à aller à la messe ! Il est vrai, n’est-ce pas, qu’il est impossible de vous croiser aux cérémonies en faveur de notre Dame ? Ne croiriez-vous donc pas en ses.. bienfaits ? - Al-Jeit ne célèbre pas le Dragon, fit-elle pour toute réponse. - Et protégée par les flammes du Dragon de surcroît.. Le sourire de Makel était une insulte à chaque seconde, un jugement qu’elle lui aurait fait ravaler à coup de poing si elle se laissait aller. Mais je m’égare. Ce que je voulais vous dire, Sareyn, c’est qu’il serait bien trop facile que vous honoriez votre part de nos accords aujourd’hui. - Que voulez-vous en échange ? - Allons, tout doit-il être forcément un marché ! Vous êtes invités ici comme amie, jeune élève prometteuse de notre grande Académie, que ma chère et tendre épouse souhaiterait rencontrer avec ardeur.. mais rien n’égale ma propre ardeur. Permettez que.. ? Il désigna sa cigarette éteinte du regard, Marlyn, haussant les épaules, l’embrasa depuis le fauteuil où elle s’était assise, à distance respectable. - Une de mes grandes qualités est la patience, ma chère, rien ne presse. Il n’y aurait aucune gloire à retirer en vous forçant à moi. Alors que le jour où vous voudrez que je satisfasse vos moindres désirs.. - Ce jour n’arrivera pas, sire, rétorqua Marlyn avec un demi-sourire. Savoir qu’elle ne risquait rien ce jour-ci l’avait rassurée, consolidée dans son masque, et elle reprenait confiance dans un rôle qui lui était plus confortable que celui qu’elle s’était apprêtée à jouer. - Nous verrons bien.
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Ce n’était pas une confrérie à proprement parler ; l’ordre des rêveurs refusait l’implantation de cénacles dans les grandes villes, en raison de toutes les tentations et de toutes les vices qui détourneraient les apprentis vers des études plus différentes, moins.. académiques, du corps humain. Mais ils se réunissaient de jour, dans des salons, afin de partager leurs savoirs, de consulter, contre rémunérations jamais déclarées à leur supérieur de Rêve, les nobles qui en avaient les moyens et qui souhaitaient de la discrétion. Marlyn les connaissait grâce à l’Académie d’Al-Jeit, avec lesquels ils étaient étroitement liés. Ils y soignaient souvent les migraines qui arrivaient aux élèves novices qui avançaient trop loin dans les Spires, et les quelques rares incidents qu’on couvrait rapidement d’un rêve afin que les parents, les riches parents, ne soient pas au courant.
- Pourquoi cela ne marche-t-il pas ? Qu’ont-ils de différents ? - C’est difficile à dire, Demoiselle, je n’ai jamais été confronté à.. - C’est donc votre incompétence que je suis en train de payer aussi grassement ? Peut-être devrais-je consulter directement l’Archirêveur à qui vous cachez notre entretien et votre salaire… Marlyn s’était attendu à ce qu’il n’y parvienne pas. Mais qu’il ait au moins une explication, une raison qui lui apprendrait un peu, potentiellement, de ce qu’ils étaient réellement. La peau de son bras, autour des tatouages, était rouge vive, là où le rêve avait buté, incapable. - Et bien ? - Je n’ai pas d’explications, Miss Til’ Lisan, laissez-moi consulter des confrères à ce suj- - Non. Elle l’avait coupé en se levant, prête à sortir, renfilant le gant long qui lui couvrait l’avant bras. Vous, vous n’allez rien faire. Mais mon devoir envers les miens est de répandre les rumeurs de votre incompétence auprès de mes professeurs, pour que même Tintiane ne vous accepte jamais au sein du premier cercle. Bonne journée, monsieur Devor. Marlyn posa la main sur la poignée de la porte du petit salon où ils s’étaient retrouvés. - At-attendez ! Son geste resta suspendu dans les airs. Son bras commençait à lui faire mal, la peau brûlait là où le rêveur avait tenté d’extraire l’encre sans succès. - J-je pourrais vous conseiller auprès de quelqu’un qui aura une réponse pour vous. Il n’est pas dans les confréries, mais je l’ai déjà vu pratiquer, il possède les arcanes du sixième cercle, il saurait vous aider. Mais s’il vous plait, ne d-dites rien à l’Académie.. Marlyn manqua de sourire. - Je vous attends demain avec la plus grande impatience, alors. - N-non, je ne peux pas le convoquer comme ça, c’est quelqu’un de très occ- - A demain, monsieur Devor.
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Les glaçons qu’elle tenait entre ses doigts fondaient à vue d’œil sur sa peau brûlante. Des plaques étaient apparues le long des brûlures, rouges, contrastant profondément avec le noir profond des tatouages qui s’enroulaient autour des veines de son bras. Maudit Devor. Maudits rêveurs. Maudits tatouages. Maudit rien mental d’où ils étaient originaires. Elle devait bien en avoir la clef enfouie dans son esprit, pourtant, mais…
- Reyn, tu es là ? Une voix féminine, peut-être celle de Xanthide ou de Néphélye, filtra à travers la porte. - Deux minutes, j’arrive ! Pas maintenant. Leur leçon de dessin ne devait pas commencer avant la prochaine demi-heure. - Pyotr proposait qu’on s’entraine ensemble à la création des objets en mouvements dans la salle de repos avant de voir les maîtres, tu en es ? - Non, allez-y, je vous rejoindrai dans la petite cour à l’heure de l’exercice. - Quelque chose ne va pas, Reyn ? C’était la voix d’Aliénor. Sans attendre de réponse, la jeune femme entra dans la salle d’eau, sa silhouette découpée dans la lumière surveillée par l’œil unique de Marlyn, dans le reflet du miroir. « Allez-y, on vous rejoindra plus tard », murmura-t-elle à leurs camarades avant de refermer la porte sur elle. Marlyn avait rabattu sa veste sur son épaule dénuée et redescendu sa manche en hâte, l’eau dégoulinant entre les doigts. Aliénor avait ce don-ci qu’elle perturbait Marlyn, en toutes circonstances. Tantôt par une candeur exagérée, tantôt, et c’était le cas maintenant, par une maturité et une gravité excessive. Des deux, elle n’aurait su dire laquelle jouait le mieux avec les différents masques. Ni même si Aliénor en possédait seulement. La borgne aurait été incapable de discerner l’honnêteté, de toute manière. - Tu devrais aller voir les rêveurs, commença-t-elle, la voix attentionnée comme celle d’une mère. - C’est leur œuvre. - Les soigneurs, alors ? Maître Gant a été soigneur de la famille de l’Empereur il y a vingt ans, d’après Mère, il – - Non, non, non, c’est rien, ça partira. Le regard non crédule d’Aliénor la transperçait. « Fais-moi voir, au moins ? A moi, tu ne le cacherais pas aussi, n’est-ce pas ? » Elle s’était rapprochée, Marlyn dans les Spires surveillait la moindre trace de menace, de piège, mais rien, rien dans les spires, rien dans son regard, rien qui indiquât moins qu’une élève noble de l’Académie d’Al-Jeit qui s’inquiétait pour une de ses.. amies. - Montre, répéta-t-elle un peu plus fermement, plus cavalièrement que les bonnes manières dont étaient pétries ce genre de jeunes filles.
Marlyn détourna son œil ciel dans une autre direction quand Aliénor remonta sa manche, dont le tissu humide collait à la peau. La peau autour de ses tatouages avait boursouflé, comme si on avait renversé de l’huile bouillante sur tout son bras. - .. Tu as essayé de les faire enlever, n’est-ce pas ? Seul le silence obtus de la Mentaï lui fit office de réponse. Un jour, elle la tuerait, pour tout ce qu’elle savait, et pour tout ce qu’elle devinait sans cesse dans les comportements de Marlyn. Un jour.
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Il était plusieurs heures après Minuit. Elle n’osait pas s’endormir. Dès fois qu’en arpentant les Spires sans but, elle finisse par recapter sa signature. Des fois qu’elle soit avertie du moment où il reviendrait. Des fois que ses Spires s’écrouleraient sous elle dans des cauchemars vertigineux, blancs à aveugler, et vomitifs, ceux qu’elle craignait le plus, car elle était vulnérable, dépliée à travers tout l’univers de l’Imagination, et sensible aux appels, facile à repérer. Et son esprit s’y embourbait, explosait des dizaines de dessins autour d’elle, inachevés et concrétisés de manière complètement inconsciente. Parfois, le blanc se dissolvait en flocons. Et cette impression de froid, permanente. Deux images rémanentes quand elle se réveillait, le dos collé de sueur, deux images qui parfois variaient, glaciales au possible, le froid, de la neige, beaucoup de neige de gris qui variaient, une tâche de bleue. Elle n’identifiait pas.
Tout cela, c’était la faute de ce Lev Mil’Sha. Il avait déclenché quelque chose aux conséquences désastreuses, il était tout aussi responsable qu’elle de la disparition de Dolohov Zil’ Urain, des Spires, d’Al-Vor, de leurs plans, de leurs moments. Et maintenant, il avait détruit quelque chose en elle, elle le savait. Ses cauchemars étaient différents. Beaucoup plus froids qu’auparavant. Beaucoup plus vivides, quand ils étaient mêlées à ses Spires hors de contrôle. Elle ne savait pas ce que c’était.
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]- Personne ne se doute encore de rien, reprit-elle, les lèvres dissimulées derrière son verre. La plupart des anciens y voient leur salvation, et en redemandent. Difficile de résister à l’attrait de quelques heures sans les Spires quand on les utilise à longueur de journée.. - Et cela ne vous tente-t-il pas, chère Sareyn ? De goûter au silence délicieux que nous ressentons tous les jours, nous qui sommes en dessous de vous tous ? - Pour vous être dépendante à mon tour ?
- Allons, vous êtes intelligente, Sareyn. Pourquoi parler de ce qui est déjà fait au futur ? Le Sieur Vil’ Ryval dissimula son sourire en tournant les talons, l’intermède de la pièce de théâtre terminé.
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- La seule chose que je puisse faire, c’est apaiser vos brûlures. Mais ce que vous me demandez est… impossible. Marlyn s’apprêtait à couper cet autre rêveur, la colère montée à nouveau à la gorge, mais il leva la main pour la faire taire. - Ce n’est pas une question de rêve. Le rêveur le plus talentueux du monde ne pourrait pas retirer l’encre de sous votre peau, fut-ce au prix d’incroyables efforts. - C’est ridicule. Les rêveurs sont parfaitement aptes à ôter des tatouages, je l’ai déjà vu et senti faire, n’allez pas me faire croire que ceux-ci – - -- sont des dessins. - .. Pardon ? Marlyn fronça les sourcils. Ce Lowen Farron était plus que douteux. Elle connaissait son implication dans les réseaux de l’ombre. Il avait été déchu de ses cercles pour expérimentations hasardeuses. Elle avait finalement eu recours à lui quant l’autre rêveur était resté aussi muet que le premier. Farron avait trempé dans toutes sortes de magies et de corps, et son savoir excédait celui des rêveurs dans certains domaines… mais à quel prix ? - Bien sûr, la première question qui me viendrait à l’esprit serait, comment une jeune fille de bonne famille comme vous en est-elle arrivée à avoir le corps couvert de dessins tatoués ? - Votre prix incluait la discrétion. Vous connaissez mes termes. - Bien sûr, bien sûr. C’est pour cela que je ne vous ai pas posé la question, disons simplement qu’elle vient naturellement à l’esprit de quiconque se penche un peu sur votre cas… espérons pour vous que vous avez une réponse capable de convaincre tous les vieux pontes de Jeit. La Mentaï serra les dents. Elle n’en avait pas. - Des dessins, vous dites ? - Et par la grand-mère de la baleine, pas n’importe quels dessins. Des dessins éternels. Pour ça qu’ils ne peuvent pas être enlevés et qu’ils n’ont pas disparu au fil du temps. Pour ça que l’autre inconscient a manqué de vous arracher la peau des bras avec son rêve. L’encre fait partie intégrante de votre corps.. et il est probable qu’elle le restera après qu’il soit redevenu poussière.
Impossible. C’était impossible. Elle avait besoin de temps pour prendre conscience de ce qu’il venait de dire. Elle avait besoin de soumettre cette révélation à son Maître. Qu’il sache en tirer toutes les conséquences. Mais il n’était pas là. Dans le nord, elle pensait, dans le Nord d’où il le correspondait jamais, d’où il n’émanait de lui que le silence. Et des centaines d’accusations, de doutes, de peurs.
- C’est impossible. J’ai.. Elle s’interrompit, incertaine. - Oui ? - Ils ont disparu à certains endroits.
Farron leva un sourcil intrigué. « Puis-je examiner ? » Sa voix trahissait son ravissement général à l’idée d’observer des phénomènes nouveaux, inédits, glauques si possible. « C’est dans votre intérêt autant que dans le mien, si vous voulez des réponses », reprit-il quand elle lui darda un regard noir sans bouger. - Je suis tenu au serment des rêveurs. Et soit dit entre nous.. vous n’êtes pas du tout mon genre. De mauvaise grâce, Marlyn laissa Lowen Farron se placer derrière elle lorsqu’elle retira sa tunique, et dégagea les cheveux qui lui barraient le coup. Là où la brûlure de son cou s’épanouissait, les lignes de tatouages se brisaient, cassées, déviaient des chemins tracés, disparaissaient parfois sous le tissu cicatriciel. Elle ne frissonna pas lorsque le rêveur suivit les lignes du bout des doigts, lorsque ses doigts accrochaient les aspérités des cicatrices. Parfois, il appuyait, parfois il roulait la peau entre ses doigts. Il fit de même dans le creux de son épaule, cette fois face à elle, là où s’entremêlaient diverses séquelles, anciennes et moins anciennes, toutes aussi blanchâtres et rugueuses. L’encre s’y noyait et refaisait surface, dissolue. Le rêveur avait les mains sèches, mais elles ne s’attardèrent pas plus que de besoin. Elle approuva mentalement son professionnalisme, qui venait de lui laisser la vie sauve pour quelques minutes de plus.
- L’encre n’a pas disparu, reprit Lowen après un éclaircissement de gorge. [/i]Elle est simplement plus loin dans la chair, vous voyez, les cicatrices ont tendance à se former « au dessus » de la peau, et la déformation des chairs a peut-être déplacé l’endroit où l’encre a été appliquée.. mais il suffirait que je fasse une incision ici –il caressa une cicatrice de Marlyn du bout de l’ongle- et vous saigneriez noir pendant quelques secondes.. - Sans façon, lui répondit-elle, la voix tendue, en écartant le bras, et a fortiori toute la personne du rêveur de son espace vital.
A l’idée que l’encre puisse jaillir d’une incision, et rester tout de même en place après, elle avait envie de fuir. Son corps lui semblait de nouveau étranger, et monstrueux, elle regrettait presque, au final, d’être allée au devant des réponses. Mais quelque chose, instinctivement, l’y avait poussée, incontrôlable, depuis plusieurs semaines. Depuis qu’elle avait commencé à cauchemarder par les Spires, mais elle refusait d’y voir un lien quelconque.
- Je crains de ne pouvoir vous aider plus, Demoiselle. - Si. - Oh, dites-moi ? - Vous taire, et soigner les brûlures, termina-t-elle en lui tendant son bras encore enflé et rouge.
- Spoiler:
- Vous êtes ravissante, ce soir, Sareyn. Sa main effleura le chignon qu’elle avait coiffé pour sa tenue de réception. Je connais ces perles, souffla-t-il après un temps de réflexion. Espérez-vous donc que si je vous les subtilise à nouveau, il viendra à votre rescousse pour vous les restituer, à nouveau ? Le regard de Marlyn se porta, fébrile, vers la silhouette d’Ailil Zil’ Urain, qui présidait, charmante, ce gala organisé pour le Chœur, et auquel les élèves les plus prometteurs de l’Académie d’Al-Jeit avaient été conviés, afin de démontrer leur dévouement aux bonnes organisations de l’empire. Elle ne l’avait pas entendu. Et puis, même si elle avait entendu, il n’y avait aucun moyen qu’elle comprenne à qui Makel venait de faire allusion, et ils étaient à l’autre bout du hall. Marlyn, elle, avait compris. Et craignait de comprendre. - Je ne le vois pas présent ce soir, d’ailleurs, qu’en avez-vous donc fait, pour qu’il se fasse à ce point remarquer par son absence ? Voilà plusieurs fois que son épouse est vue sans lui, je crains que vous ne l’ayez épuisé.. Elle l’aurait volontiers giflé. Puis poignardé avec le couteau à fromages qu’elle tenait en main. Transpercé de petits trous aussi ridicules que ses allusions. Laissé pour mort sur le carrelage, sanguinolent, et la langue arrachée jeté dans un cratère de vin. Puis regiflé, sans doute. - Souriez, Sareyn, si vous êtes là ce soir, c’est grâce à moi, non pas à lui… Le généreux sire Vil’Ryval, mécène de l’Académie d’Al-Jeit, prend sous sa protection un des joyaux prometteurs que l’Empire a encore à offrir, afin qu’elle n’ait ni à craindre pour la santé de son père, ni pour celle de ses finances… - Vous savez très bien que tout cela n’est que de surface, et uniquement pour ce gala. Nous étions tous tenus de nous présenter au bras d’un mécène de la capitale. - Bien sûr, bien sûr… Permettez-moi, alors, Demoiselle Til’ Lisan, d’être votre Protecteur, ce soir, parmi les hommes et femmes de très haute vertu. Il lui tira une révérence digne de ce qu’on attendait de lui, avant de lui proposer son bras.
- Le Dragon vous embrase, Makel, murmura-t-elle d’un ton menaçant à son cavalier, avant de prendre son bras et de s’en retourner vers la Chef de Chœur et les festivités.
- Spoiler:
Elle était revenue épuisée, en cours de matinée, après la mission avec Elio. Une mission courte, qu’ils avaient organisée de concert autant pour se voir que pour doubler leurs chances d’atteindre la victime. Le Tallion progressait, et son élève avec, et il n’était pas rare qu’il leur accord à tous les deux les proies les plus inhabituelles, question de privilège. Mais la mission avait été mal préparée, et avait durée beaucoup plus longtemps que prévu. Et prélevé sa dîme, songea-t-elle en enlevant ses vêtements tâchés de sang et de boue, la tête dévissée pour parvenir à apercevoir le bleu qui se formait dans le haut de son dos, à la naissance de la nuque. Conneries de voleurs. L’eau glacée lui remit les idées en place et chassa le sommeil de ses membres rompus ; le froid transperçait la zone sensible autour du bleu délicieusement.
*
Astre dormait, et le manoir était extrêmement silencieux. Beaucoup trop immobile. Beaucoup trop, beaucoup trop vide. Trop grand, sans doute, et trop froid pour elle seule. Dolohov lui manquait, cruellement. Les Spires, vides de sens, tout comme les murs, elle aurait voulu entendre son nom autrement que par intermédiaires auxquels elle payait des visites, ou par moquerie de Makel. Elle redoutait tout contact comme elle l’espérait, toute explication, pas forcément des excuses, juste.. un peu de franchise. Le temps de pouvoir s’expliquer. De pouvoir parler un peu plus légèrement ensuite, et de retrouver ce sourire qu’il n’adressait qu’à elle, juste avant de l’embrasser. Par-dessus-tout, le contact lui manquait à crever le plus. Contact physique, mental, visuel, tout à la fois. L’impression de n’avoir pas besoin de mots pour se comprendre, malgré tous les secrets et tout ce qu’on assumait de taire. Mais accepterait-il à nouveau, lui, de lier ses Spires aux siennes, de retrouver le vertige, la noyade, alors qu’il se tenait si éloigné, et si longtemps ? Même les fauteuils semblaient trop grands, quand elle n’avait que ses jambes à étirer. Elle ne savait pas quoi faire de son après-midi. « Père » allait mieux, et était en promenade de santé à la mer, Astre dormait, Aliénor et les autres visitaient leurs familles respectives, et le réseau était calme. Comme une mer d’huile. De tous les côtés. Elle pourrait attendre. Attendre, espérer que peut-être, si elle le demandait suffisamment fort dans les Spires, Dolohov passerait la porte. Lui dirait qu’il était revenu, que toutes les raisons de s’inquiéter avaient disparu, qu’il était là, et entier, tout à eux, tout au monde à nouveau, il investirait ses Spires comme il faisait toujours, avec délicatesse, demanderait des nouvelles de l’enfant, puis de la capitale, il irait parfaitement bien, et -
Elle avait besoin d’une clope.
- Spoiler:
- Quelque chose semble vous tourmenter, Sareyn. Makel lui tendit son étui à cigarettes à nouveau, ciselé d’or aussi précieusement qu’une dentelle de femme. Elle en prit une deuxième, et il n’eut pas le temps de lui tendre une chandelle qu’elle avait déjà embrasé d’un battement de paupières l’extrémité de cendre. - Vous en avez encore, de cet encens, celui que vous me procuriez, issu des « fleurs d’Otolep » ? Un haussement de sourcil amusé en miroir, un regard de haut en bas. Loin était Sareyn, des galas et des leçons, troquée contre les habits de Marlyn, veste, foulard, pas d’apprêts, pas de volants sareyniens. Makel connaissait ce côté-là de sa compagne, celui avec lequel il marchandait, échangeait des pas sur le côté et la rapidité de ses déplacements contre d’autres services. - Il doit m’en rester dans un tiroir… , tenez, allumez-en donc une. Il désigna le secrétaire du menton. Nous sommes entre nous, et vous semblez avoir besoin d’au moins ça pour arrêter de tourner en rond sur mes tapis, au risque de les abîmer. Elle lui adressa une œillade noire derrière la fumée de sa cigarette, et jeta le mégot dans un pot de fleur.
Elle avait toujours préféré l’encens, par-dessus toute forme de drogue. Le parfum, la sensation d’entêtement, la fumée, lente, la consomption. La chaleur, aussi. Celle qui lui donnait une excuse pour poser son écharpe sur le bureau, et la veste sur le dossier de la chaise. Elle n’avait pas entendu l’homme la rejoindre ; sa main s’était posée presque naturellement dans son cou, à hauteur des brûlures. Il respirait plus lentement, plus profondément, et sa voix prenait des inflexions graves, ils savaient tous les deux ce qu’ils voulaient, et ce qui allait se passer. - Vous a-t-on jamais maltraitée, Sareyn ? Il écartait ses cheveux, les yeux posés sur le bleu qui perçait sa nuque. Elle ne sursauta pas en sentant des lèvres froides se poser dessus, irradier la petite douleur commune des ecchymoses ; l’encens le rendait hardi, et elle l’apaisaient. - Des hommes pressés, seulement, messire. Il sourit, comprit le message, et la laissa se tourner. Son œil bleu, trouble, s’empêchait de le transpercer de Spires. Elle était tentée de se perdre dans les possibles, à la recherche de quelque chose qu’il ne pourrait pas lui offrir. Non. Elle n’avait que trop cédé à la fuite. Et ce n’était pas ce qu’elle cherchait au contact des bras de ce sire-là.
*
- L’Arche, ici, sous les tempêtes, et les mille chemins qui traversent votre esprit..
Il passait la main dessus, suivait quelques lignes, le long de son dos, mais en perdait vite le fil. Il parlait beaucoup, rattachait les motifs à mille poèmes, mille métaphores. Etendue au travers de la couche, l’œil fermé pour savourer les vertiges de l’encens qu’il avait remis à brûler dans cette pièce, elle n’écoutait pas. Essayait de retrouver un contact familier à travers les voyages de ses doigts, mais ils étaient trop brusques, pas assez familiers des dessins, ils s’y perdaient. La culpabilité se délitait, confrontée au manque, elle se donnait cent raisons valables de faire ce qu’elle était en train de faire, c’était une partie du marché, elle gagnait la confiance d’un allié dont elle avait besoin. Elle passait le temps, aussi, un peu. Et au fond, elle espérait, qu’un interdit aussi puissant le ferait revenir. Qu’il n’attende que de lui prouver qu’elle n’avait besoin que de lui, et si elle devait braver sa colère, au moins le ferait-il devant elle. Et pas à l’autre bout de l’Empire.
Elle se retourna, étouffa un énième mot doux de ses lèvres- ce n’était pas un véritable baiser, juste un moyen de le faire taire.
- Vous parlez beaucoup trop, Makel. - Vous êtes beaucoup trop belle, Sareyn. Il tira une bouffée d’une énième cigarette, qu’elle lui saisit des mains et tira à son tour, avant de l’éteindre, et d’embuer ce visage aux cheveux bruns de volutes bleues, pour ne pas avoir à en discerner les traits de trop près. L’encens ralentissait tous ses gestes, et leur donnait quelque chose de délicieux qu’ils ne possédaient pas d’origine. Il résista, pour la forme, avant de se laisser allonger. Son sourire s’étirait, en mille phrases silencieuses. Elle avait conscience d’avoir perdu contre lui, et d’avoir été jouée de manière magistrale. Mais qu’au moins, ils jouent à sa manière. Au moindre geste brusque, elle le tuerait.
Elle avait soif de caresses, soif de regards et de mots qui coulaient le long de son échine, de mains en dégringolade, d’oubli et de chaleur, soif d’être aimée, même dans un mensonge ouaté de bleu, et tissé de brun. De tous les mensonges qui liaient ses Spires et son futur, celui-ci paraissait bien plaisant. Et l’encens réduisait ses Spires au silence. Avec elles, ses chimères. Les mains, sur elle, n’appartenaient qu’à Dolohov, plus aux bourreaux, plus aux rêveurs et Makel, pas plus. Makel, il procurait l’encens. Un peu de plaisir saupoudré en grapes de baisers, la sensation inédit, mais faible, de l’interdit. Il comblait un des manques.
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