Comment monter son commerce au dépend d'autrui! (RP terminé)

Bien qu'Evaine eut entendu un bruit relativement discret, elle ne s'en inquiéta pas. Du moins, pas en apparence. Continuant à son concentrer sur sa tâche, elle s'en retourna finalement à la cave pour voir comment évoluaient les choses. Ses compagnons avaient été efficaces, la charrette était pratiquement chargée... encore deux, trois denrées et l'affaire serait faite. Qui aurait cru que se put être aussi aisé " d'emprunter " à l'Académie. Evidemment, c'était du vol, mais elle n'aimait pas ce terme qui la faisait passer pour un vulgaire larron... disons que c'était une manière légitime de payer les services qu'elle rendait à l'Académie en tant que garde. C'était également une manière de se venger de cette Académie qui avait provoqué la mort de son père... Merwyn et les siens avaient à payer le prix du sang, elle se servait donc dans leurs richesses.

Son inspection n'avait pas duré bien longtemps, le temps d'un aller-retour et d'un coup d'oeil, ils savaient ce qu'ils avaient à faire, elle le leur avait suffisamment rappelé. En revenant dans la cour, Evaine surprit un mouvement dans les ombres... il y avait quelqu'un! Avec la capuche de sa cape rabattue, on ne pouvait certes pas la reconnaître, mais elle ne pouvait pas prendre de risques. Evaine s'avança donc... et découvrit un solide gaillard portant l'uniforme de l'Académie. L'élève, qu'elle ne connaissait pas, avait tenté de se dissimuler alors qu'il faisait une escapade nocturne : quoi qu'il ait pu voir, elle avait matière à le museler. Un bref sourire aux lèvres, la main gauche appuyée nonchalamment sur la poignée de son sabre, Evaine prit une pose autoritaire pour mieux menacer l'élève :

- Les élèves ne sont pas autorisés à quitter leur dortoir la nuit! Tu pensais pouvoir resquiller tranquillement, compère? Donne-moi ton identité, ton rang, et ta maison et surtout... donne-moi une bonne raison pour ne pas en parler au Primat de ta Maison!

Le ton était ironique avec l'accent typé faussement sévère d'un soldat qui a pris un jeunot en plein délit et qui s'amuse un peu avec. Mine de rien, observer les gens dans leur quotidien apprenait nombre de choses et Evaine avait eu largement le temps de s'y adonner depuis qu'elle était arrivée à l'Académie de Merwyn. Il ne restait plus qu'à espérer que la sauce prenne comme on dit!

- Allons, secoue-toi un peu! Je ne vais pas attendre ta réponse toute la nuit!

Locktar fut surpris par le retour de la jeune femme. La voyant retourner dans la cave, il avait espéré qu'elle y resterait. Il avait alors tenté de retourner à son dortoir. Malheureusement pour lui, elle était revenu rapidement, trop rapidement pour que Locktar ait la chance de se cacher de nouveau. Elle s'était rapproché de lui, l'avait interpellé durement . Elle portait un sabre alors que lui, il l'avait laissé dans sa chambre. Il n'avait aucune chance de triompher s'ils en venaient à s'affronter. Bizarrement, il avait la nette impression qu'il n'était pas le seul en faute lors de cette escapade nocturne.

- Mon nom est Locktar Guidjek, dit-il. Comme le prouve ma bague, j'appartiens à la maison Corbac. Je ne suis encore qu'un élève dans cette académie mais j'ai fait la demande pour devenir garde. Voilà, vous savez tout de moi. Pour la raison de ne rien dire à mon Primat, je dirais que si Ena Nel'Atan est informé, je crois que je parlerais de votre présence à la cave à Valen Til'Lleldoryn. A vous de savoir comment il le prendra.

Il avait forgé une carapace d'assurance autour de lui. Il ne voulait surtout pas que la jeune femme remarque qu''il avait quand même l'appréhension que son Primat sache qu'il se balade la nuit.

Du bluffe... ou pas, telle était la question en un sens. Evaine n'avait pas le temps de réfléchir, le moindre délai dans la réponse passerait pour une hésitation, la moindre hésitation passerait pour un aveu aux yeux de ce jeune puceau arrogant. Elle répondit donc du tac au tac :

- Et depuis un élève se permet-il de questionner la présence d'un garde à tel endroit de l'Académie en pleine nuit? Pendant que tu dors, nous, gardes, veillons sur l'Académie la nuit durant! En tant que Premier Gardien, Valen Til' Lleldoryn a déjà conscience de nos ordres, c'est lui qui les donne!

Un ton d'une tranquille assurance, juste ce qu'il faut de cinglant pour faire sentir sa présomption et son arrogance à Locktar, un mélange parfait. Maintenant, il fallait enfoncer le clou et se débarrasser du gêneur!

- Tu as de la chance, compère, je n'en toucherai pas un mot à Maître Ena Nel' Atan parce que tu te ferais fouetter pour ta peine et je n'aime pas cela. Maître Valen se montre dur envers les élèves qui enfreignent volontairement le couvre-feu ces temps derniers... Tu ne serais pas une larve à la solde de ces crapules du Chaos, dis donc?!?

Evaine avait asséné ces derniers mots en enfonçant son index dans le torse de Locktar de manière accusatrice avec le ton assorti. Le jeune homme sursauta bien évidemment à cette accusation... ou était-ce de douleur à cause de l'index? Avec une moue concentrée et observatrice, elle lâcha aussitôt :

- Hum... non, tu n'as pas l'air bien ténébreux comme gaillard! Mets les voiles et retourne dans ton dortoir aussi sec! Si jamais je te reprends à fureter pendant la nuit ou si je l'apprends d'un autre garde, Ena Nel' Atan et Valen Til' Lleldoryn seront mis au courant! Et je peux t'dire que ce sera pas un bon moment à passer... Allez, file, lourdaud que tu es!

Le tour était joué. Evaine demeura sur place, regardant Locktar s'éloigner, dans une parfaite imitation d'un garde qu'elle avait observé à Al-Poll. Le jeune Corbac était visiblement observateur et Evaine devrait à l'avenir se méfier quand elle ferait le guet, mais il s'était laissé abusé par les paroles de la digne fille d'Ivan Derkan. Le défunt Gardien des Clés n'aurait lui-même pas su faire mieux...

Kusanagi encore une fois prise par ses insomnies tourmentées, malgré une journée fort épuisante, avait décider de se dégourdir les jambes dans l'Académie, silencieuse et souple elle se glissait parmi les ombres dans l'obscurité des long couloirs. Elle Kusanagi Sil' Masamune, ou plutôt Leïla Tova au sein de l'Académie, vagabondait au grès de ses pas. La jeune fille n'avait pas franchement envie d'accomplir sa mission pour le Chaos ... Et son cœur était troublé par un sentiment qui lui était inconnu. Et évidemment elle ne pouvait même pas aller parler de sa situation à Valen, à moins de vouloir se faire torturer, fouetter en publique voir même exécutée. A vrai dire son seul objectif était la puissance pour se venger, et c'était la seule motivation de la Mercenaire. Elle ne croyait pas aux idéaux du Chaos, ni en ceux de l'Harmonie d'ailleurs. Ces concepts lui semblait bien lointains ...

Vêtue d'une tunique en tissu gris moiré avec des manches amples dans lesquels elle cachait quelques armes soigneusement disposées afin qu'elle n'émettent aucun sons quand Kusanagi se déplaçait, elle avançait tranquillement et
arrivée dans le couloir menant aux caves elle remarqua du mouvement et, intriguée, s'approcha de cette chose peu habituelle. Cachée dans un enfoncement dur mur elle observa et écouta attentivement. Evaine et un élève ! Mais que ce passait il encore ?! Jugeant que la situation ne la mettrait pas dans l'embarras, la maîtresse des écuries fraîchement nommée s'approcha d'avantage et dévoila sa présence aux deux protagonistes juste quand elle se trouva à un mètre de la femme.

- En voilà une bien étrange réunion. Et de nuit surtout !

Le Corbac semblait s'être arrêté et revenir sur ses pas mais Kusanagi ne faisait pas vraiment attention à lui.

Une jeune femme aux cheveux blancs était intervenue alors que Locktar s'en allait. Elle avait l'air tellement sûre d'elle que le guerrier revint sur ses pas. La discussion entre les deux femmes allait sûrement être très interessante. Il avait été renvoyé chez lui d'une façon qui ne lui plaisait guère. Les deux femmes se faisaient face. Celle qui avait des cheveux blancs avait l'air si jeune que Locktar eu du mal à croire que c'était elle qui avait montré une telle assurance. Il était maintenant trois réunit non loin des caves. Locktar, lui, était en tort. En était-il de même pour les autres? Pour la garde, le guerrier avait un doute. Evidemment, il n'en faisait pas partit mais il se doutait que le Premier Gardien n'avait sûrement pas ordonné de surveiller les caves ou alors Locktar allait tout de suite retirer sa demande. Garder un garde-manger, c'était d'un ridicule. Pour la jeune femme aux cheveux blancs, il ne savait pas. Sa tenue sombre évoquait une envie de se montrer discrète, il suffisait de savoir pourquoi elle voulait se dissimuler dans les ombres. Maintenant qu'il était proche des deux femmes, une question lui vint: devait-il dévoilé la raison de son escapade nocturne ou devait-il se taire? Etant nouveau, il ne connaissait pas les châtiments encourus. Il décida d'en dévoiler un peu tout en gardant le mystère. En tournant son regard vers la femme aux cheveux blancs, il reconnut la professeur d'équitation.

"Un maître de l'académie, il va falloir la jouer fin pour ne pas se retrouver devant Ena ou Valen, pensa Locktar."

- Je suis un peu désolé de me faire prendre dans une telle situation mais je n'arrivais pas à dormir. Ignorant qu'il y avait un couvre-feu, j'ai décidé de me balader dans les couloirs et j'ai vu cette femme qui surveillait l'entrée des caves. Je lui ai signaler que je trouvais celà étrange et elle m'a annoncé qu'il y avait un couvre-feu, j'étais en train de repartir dans mon dortoir.

Ses paroles étaient cousues de mensonges, même si une petite partie était vraie comme le fait du couvre-feu et qu'il n'arrivait pas à dormir mais tout le reste était transformé pour qu'il s'en sorte avec les honneurs.

"Pourvu qu'elle me croit, pensa le guerrier"

- La nuit, tous les chats sont gris! Et il faut bien que des gardes comme moi veillent sur l'Académie pendant que vous ronflez à en faire fuir la vermine!

Evaine venait de s'exprimer avec humeur, et non sans raisons! Pourquoi fallait-il qu'elle soit sans cesse dérangée quand elle accomplissait ses petites affaires bien tranquillement! Ce n'est pas comme si elle avait demandé que cette curieuse qui empestait le cheval vienne mettre les naseaux dans ses affaires, loin de là! Que la mer emportent les curieuses de sa sorte! Reprenant son accent aline sous la contrariété, elle rétorqua à Leïla Tova :

- Etrange, hein? Je pourrais vous rétorquer cela à tous les deux, je suis de garde, moi! Bref, l'gamin s'en retournait rêver de ses donzelles après que j'aie levé son ignorance! Et que je sache, vous ne vous êtes pas levée pour me tenir compagnie!

La chose était difficile, mais Evaine devait éviter de donner libre cours à son exaspération. A vrai dire, elle ne risquait pas grand chose, les gardes ne dépendaient que du Premier Gardien lui-même, mais il valait mieux éviter de se mettre Leïla Tova à dos... quelquefois qu'elle soit suffisamment oiseuse pour aller s'en plaindre à Valen. Qui sait ce que le demi-Faël serait capable de découvrir s'il avait des soupçons...

Kusanagi sourit à Evaine à la manière innocente des petites filles quelle savait si bien imiter en jouant avec ses cheveux.

- Hé bien il se trouve que j'ai besoins d'un produit pour les chevaux, et comme il se trouve dans la cave je venais le chercher ce soir parce que demain je n'aurais pas le temps. Mes journées sont longues et chargées et je prévois les choses en conséquence.

Toujours dans le rôle de jeune fille, modeste, qui ne manque pas d'éducation, Kusanagi était dans son rôle de Leïla Tova. Elle était Leïla. Et la seule personne qui aurait pu témoigner le contraire sembler lui vouer une affection particulière et ne la dénoncerait que si elle lui faisait du mal et encore la chose n'était pas sûre.
Ses lames contre la peau de ses bras étaient tiède de la chaleur de son corps. Si Evaine ne faisait aucun geste agressif on la sentait contrariée par sa présence pourtant justifiée. La jeune maîtresse des écuries surveillait sans en avoir trop l'air les mouvements de la Gardienne. Sans trop savoir pourquoi elle ne lui inspirait pas une grande confiance. Il fallait dire aussi que les Derkan n'avait jamais eu une réputation d'honnêtes gens. Mais habituellement cela ne la gênait pas plus que ça.
Toujours jouant avec une de ses longues mèches blanche comme la neige, Kusanagi attendait les réactions.

Locktar observait les deux femmes. La jeune femme aux cheveux blancs étonna le guerrier. Elle restait d'un calme exemplaire alors que la garde avait monté d'un ton. Sa présence avait été presque oubliée. C'était seulement autour des deux femmes que la discussion tournait. Il était devenu spectateur de la bataille verbale. Cela ne le dérangeait pas outre mesure. Il aurait tout de même aimé pouvoir s'éclipser sans se faire remarquer mais il n'osait pas bouger. Quand il entendit que la garde le traitait de "gamin", il eu soudain envie de rappeler qu'il était encore là.

- Un gamin? Moi, un gamin? Je ne dois pas être beaucoup plus jeune que toi. Tu es peut être garde dans cette académie mais ça ne te donne pas les pleins pouvoirs. Tu peux très bien te faire virer tout comme nous. Apprends le respect des autres et ils te respecteront.

Il avait joint le geste à la parole. Il s'était approché très près de la jeune femme et il lui avait planté son doigt juste au dessus de la poitrine. C'était le geste de trop. Il avait voulu trop bien faire. La bouteille vide qu'il cachait sous sa cape glissa et il ne pu la rattraper. Elle se brisa au sol. La remarque du guerrier était maintenant tombé à l'eau. Les deux femmes avaient maintenant les yeux fixés au sol. Lentement, elles le remontèrent pour regarder Locktar. Il ne savait plus où se mettre. Il se voyait déjà devant son Primat et devant le Magister.

Pour une fois, la bouteille la sauvait pour ainsi dire! Voir cette bouteille vide tomber au ralenti était une aubaine inespérée. Avec un sourire ironique et un regard accusateur, Evaine bondit sur l'occasion de remettre le jeune guignol à sa place :

- Et bien, donneur de leçons, on était venu chaparder du vin de l'Académie? Et qui sait si ce petit larcineur, doublé d'un fieffé menteur moraliste, n'en était pas à sa première expédition!

Evaine s'était exprimée sur un ton accusateur, tout en secouant quelque peu le jeune Locktar. Elle prenait un certain plaisir à poursuivre sa tirade, même si elle le cachait bien.

- Ici, mon gaillard, on ne conte pas fleurette aux voleurs! Tu as gagné une entrevue avec Maître Nel' Atan! Je suis certaine qu'elle appréciera que tu aies terni de la sorte l'honneur de la Maison Corbac...

Se tournant alors vers Leïla Tova, Evaine poussa alors le jeune homme vers elle et demanda avec une certaine déférence :

- Maîtresse Tova, je vais devoir vous demander d'emmener cet élève chez Maître Nel' Atan. En tant que responsable des gardes pour cette nuit, je ne peux pas quitter mon poste sans en avertir mes compères sentinelles. Par ailleurs, je vais aller inspecter les caves pour voir si ce petit larcineur en était à sa première tentative ou non... je vous rejoindrai aussitôt que j'en aurai fini!

D'un sifflement strident, Evaine fit signe à un veilleur qui était de garde près de la porte. Qui aurait pu savoir que cet homme faisait partie de la combine montée par l'ancienne pirate? L'homme accourut prestement et tous deux s'entretinrent à l'écart et à voix basse de manière rapide.

- Voilà qui est réglé! Je vais inspecter les caves pendant que vous amenez l'gamin à Ena Nel' Atan.

A ces mots, elle s'en fut inspecter les tonneaux de vin dans la cave. A peine arrivée, elle signifia à ses hommes de sortir par la petite entrée de la cave, près des serres, pour sortir les fruits de la petite expédition par la petite porte de l'Académie. Ils obéirent aussitôt et de manière discrète, il ne restait plus à Evaine qu'à inspecter les fûts de vin...