Katy Orlyn, de son vrai nom Katyana, entra dans le bureau du directeur de l’Académie, Merwyn Ril’ Avalon. Elle avait entendu dire qu’il recherchait un professeur pour les cours marchombre. Elle s’était aussitôt proposée et maintenant, elle était dans le bureau du directeur, espérant avoir cet emploi. Elle lui résuma sa vie en quelques phrases et attendit. Après avoir vécu de façon nomade durant des années, elle s’apprêtait à devenir sédentaire. Ça promettait d’être dur les premières semaines. Elle qui avait pour habitude de ne rester que quelques jours sur un même lieu. À vingt-neuf ans, la jeune femme avait de court cheveux noirs corbeaux en désordre qui lui encadraient le visage, mangé par deux grands yeux d’un gris opaque, laissant rarement filtrer une quelconque émotion. Elle était grande, élancée, ses muscles fins jouant parfois sous les vêtements noirs ou bruns qu’elle aimait porter et qui n’entravait pas ses mouvements. Katy avait été orpheline à l’âge de douze ans, ses parents avaient été tués dans une bataille contre des Raïs, originaire d’Al-Chen, la petite fille qu’elle était alors avait commencé à voyagé à travers à peu près tout Gwendalavir, par envie d’espace et de liberté. Elle était autonome, autant pour sa simple survie que par son envie et sa nature profonde. Un jour, alors qu’elle grimpait une falaise pour le plaisir, elle avait rencontré en haut un homme qui, avait-il affirmé, l’observait depuis déjà quelques temps. Katy soupira et se remémora avec un soupçon de mélancolie la première rencontre avec celui qui avait devenir son mentor.
-Tu es douée, jeune fille. Katy se redressa et dévisagea son vis-à-vis sans aménité. Un homme se tenait devant elle, de taille moyenne, la trentaine, de courts cheveux bruns, des yeux bruns également, vêtu d’habits de bonne qualité. Elle jaugea qu’elle ne courait aucun danger et hocha la tête en signe de remerciement. -Je t’observe depuis un moment, tu sais. -De quel droit ? Cracha-t-elle avec hargne. De quel droit m’observez vous ? -Du calme, Katy, je ne te veux aucun mal. Laisse moi me présenter, je me nomme Orim. Orim Jualan. -Enchanté. Se borna à dire la jeune fille. Que me vaut l’honneur de votre discussion, monsieur Jualan ? Elle était ironique mais Orim ne s’en formalisa pas. Il rit doucement avant de répondre : -Je t’ai dit que je t’observais depuis quelques temps. En vérité, depuis deux semaines, depuis le jour où tu as volé un pain aux herbes à un riche marchand en lui faisant croire qu’un chuchoteur était arrivé dans l’auberge d’en face. Belle entourloupe, entre parenthèse. Katy avait croisé les bras. -Désolé mais je ne vois pas où vous voulez en venir, monsieur Jualan. Au lieu de répondre, Orim s’approcha, la jeune fille se raidit et s’écarta de lui. Orim se pencha vers le vide qui s’ouvre, béant, en dessous. Une centaine de mètre de hauteur. Un bel exploit que bien peu d’hommes auraient été en mesure d’accomplir. -Plutôt haute, cette falaise, remarqua-t-il d’une voix débonnaire, tu as accomplis une jolie prouesse. Peu d’hommes normaux auraient réussi. -Qu’entendez vous, par normaux ? -Des gens qui se laissent guider par leur cupidité, leur aveuglement, ceux qui ne savent pas savourer le contact d’un rayon de lune sur la peau, l’ivresse de l’escalade, la beauté de la poésie... Dans ses termes, il y avait une note de mystère enivrante. -Vous voulez parler des... des marchombres ? Hésita Katy. L’homme se tourna vers elle, il la regarda de la tête au pied, sans un sourire. Ses yeux aussi inexpressifs qu’un rocher. Finalement, il sourit. Un sourire qui illumina ses yeux et son visage. Il hocha doucement la tête. -Je parle des marchombres. -En êtes vous un ? Orim resta silencieux avant de lâcher : -Je suis des leurs. Katy était émerveillée, elle avait déjà entendu parler à maintes reprises de ces fameux marchombres mais n’en avait jamais vu un. Et voilà qu’un des leurs était là, en face d’elle, à parler avec elle. -Vous n’avez toujours pas répondu à ma question, objecta-t-elle, pourquoi m’observiez vous ? -Je t’ai observé durant deux semaines. Je t’ai vu évoluer, je t’ai vu grimper cette falaise, j’ai vu ta progression assurée, presque insouciante. J’ai vu tes gestes sûrs et ton regard aiguisé, ta souplesse et tes choix judicieux, mais surtout, jeune fille, j’ai été ébloui par l’harmonie qui se dégage de tout ton être. -Ah... Katy ne savait pas quoi dire de plus. -Et si je t’ai observé, maintenant, j’en suis sûr. Katyana Orlyn, je te propose de rejoindre la guilde des marchombres et de m’accepter comme ton mentor. Trois ans à mes côtés. Katy hésita. Puis, elle plongea ses yeux dans ceux d’Orim. -J’accepte. -Tu es sûre ? Trois ans, et ce ne sera pas de la rigolade. -Vous saviez que j’accepterais et que j’en suis capable, rétorqua la jeune fille, sinon, vous ne seriez pas ici à me proposer ça. Orim la regarda droit dans les yeux, il ne vit que résolution. Elle était dure et ne revenait jamais sur un de ses choix. Enfin, il ébaucha un sourire. -On commence ?
Katy esquissa un sourire en se remémorant cette première rencontre. Machinalement, elle effleura sa dague accrochée à sa ceinture et le bois de son arc dans son dos. Elle ne se séparait jamais de ces deux armes. La dague lui avait été offerte par Orim après quelques mois d’apprentissage et l’arc à la fin des trois ans requis. La jeune femme soupira et regarda autour d’elle. Elle était d’un caractère rebelle et parfois exubérant, elle ne se laissait pas marcher sur les pieds, elle était d’une intelligence vive. Katy était même en possession du chant des marchombres, elle l’avait apprit toute seule. Si elle se trouvait dans cette académie aujourd’hui, c’était pour la raison de vouloir à son tour former de jeune gens à l’art des marchombres. Elle était experte en escalade et également au tir à l’arc, un Faël qu’elle avait rencontré lors d’un voyage lui avait apprit. Elle regarda Merwyn en face d’elle qui n’avait pas bougé ni dit un mot depuis son arrivée dans le bureau. Elle sourit.
|