Retrouvailles... (RP terminé)

Elle se retourna, il se fondit dans la foule, inaperçu parmi les badauds. Elle n'avait rien vu et continua de marcher tranquillement. Il reprit sa poursuite d'un pas égal, vêtu de son ample manteau de cuir qui lui conférait cette aura flottante à travers les badauds dans leurs vêtements étriqués. La journée n'était ni trop chaude ni trop froide, il sentait le vent s'engouffrer dans les plis de cuir noir. Il la suivait et tout allait bien.

*

Elle se tenait là, observant les étals. Cette jeune femme de l'Académie qui était intervenue quelques semaines plus tôt.. Les cheveux noirs et les deux sabres ne trompaient pas. Shaïlan n'allait pas la défier, il n'était pas assez stupide pour ça. La suivre, la rendre méfiante, lui faire croire qu'il en voulait à sa personne.. puis se présenter, courtois jeune homme. Déstabiliserait surement. Ou rendrait encore plus méfiant, ce qui n'était pas inintéressant. Parvenir à dénouer le noeud Gordien d'une âme méfiante, quoi de plus réjouissant?
Il partit en chasse.

*

Voilà maintenant une heure qu'il suivait, tantôt laissant une distance raisonnable, tentant ostensiblement et outrageusement près, à en toucher l'acier qui se balançait aux hanches de l'Académicienne. Elle devait sûrement savoir qu'il la suivait, car elle accélèrait le pas par moments ; moments narquois où il disparaissait pour accentuer le plaisir.

Alors qu'ils arrivèrent ainsi dans la grande rue marchande, Shaïlan accéléra et se mit à la hauteur de la demoiselle, sur sa gauche.

-Bien le bonjour, Mademoiselle Elanessë.

Alatariel continua sa route, aucun frémissement, aucune sursaut lors de la brusque apparition du voleur. A vrai dire, elle avait connu plus discret. Alors c'était lui qui s'amusait à la suivre dans les rues tout ce temps... Que lui voulait-il ?

- Shaïlan Dal' Kenta ... Quelle surprise ! Je ne m'attendait pas à vous revoir de si tôt, que me vaut le plaisir de cette rencontre ?

Elle planta son regard de braise dans le troubillon noire qu'étaient les yeux de son interlocuteur, fière et beaucoup trop sûr de lui. Cela le perdrait un jour. Il était terriblement beau, il lui faisait penser à une poésie devenue humaine, dangereuse et séductrice sans foi ni loi, envoutante et meurtrière. Mais la jeune femme ne s'y trompait pas et sur ses gardes mais pas craintive, elle le laissa s'immiscer dans son espace vitale.

- On peut se demander qui fait une erreur de jugement dans toute cette affaire... Quoi qu'il en soit, la courtoisie est une de vos qualité dont je ne ferais pas abstraction.

Qualité ou stratégie... Elle souriait, pour une raison inconnue, elle se sentait légère, libre. Il fallait qu'elle quitta l'Académie après avoir terminer sa formation, et ne plus jamais y retourner, ne plus jamais revoir Valen.
Pourquoi s'était elle conduite comme appartenant à quelqu'un alors qu'elle était sûrement une femme beaucoup plus libre qu'Ena qui pourtant était marchombre.
Dans le regard de la jeune femme on ne lisait à présent que les vents dansants de sa personnalité. Elle était parfaitement calme et avait décidé de s'amuser un peu pour une foi, enfin si Shaïlan ne la laissait pas... Elle trouverait bien un moyen de toute façon.

S'inclinant légèrement au compliment d'Alatariel, Shaïlan exquissa un sourire noble, léger et flottant. Le sourire à mi-chemin entre le narquois et le poli, parfait pour les gentes demoiselles.

Alors qu'ils reprenaient leur marche, le voleur sentait que sa camarade était plus détendue, moins méfiante à son égard. Elle souriait également et sa démarche n'était plus défensive, ses mains n'effleuraient plus ses lames comme auparavant. Cela était peut-être destiné à distraite l'attention du kleptomane, qui lui resta constamment à l'écoute. Le moindre bruissement du vent pourrait signifier un retour de confiance. Il avait trop l'habitude de voler et de tromper pour se méprendre. Quand il avait la main dans la poche d'un riche passant, il surveillait le moindre de ses gestes, savoir s'il fallait prendre la fuite ou continuer.
Aujourd'hui, la jeune femme étant certainement une dessinatrice, il serait plus difficile de le cerner, alors autant être sur ses gardes au départ. Mais toujours courtois, toujours..

-Puis-je vous offrir un rafraîchissement ? Le soleil est bien haut dans le ciel, et les rues bondées n'arrangent rien.

- Si cela vous sied, j'accepte.

La jeune femme jouait un rôle et sentit la méfiance du jeune noble augmenter, ce qui eut pour effet de lui tirer un plus large sourire. Il l'observait, cherchant à la cerner alors qu'elle n'était pas prête de se laisser faire. D'ailleurs la cernée même en temps normal était déjà compliqué.
La foule compacte gênait ses mouvement et elle regarda avec envie les toits des hautes maisons d'Al-Poll. Elle n'était pas Machombre, mais son Don pouvait l'y emmener sans difficulté.
Elle le détailla une fois de plus, et plus elle l'observait, plus il lui trouvait évident qu'il avait quelque chose en tête, mais quoi ?

- Quelle boisson me conseillez vous ?

-Pour une Damoiselle comme vous, pourquoi ne pas tenter cette excellent bière d'orge que fait un marchand des environs ? Bien entendu, c'est moi qui paierait l'addition..

Avec un sourire qui ne cessait de s'accroître, Shaïlan offrit son bras à la jeune femme, qui le prit. Chacun jouait son jeu contre l'autre, ça se sentait. Mais chacun jouait au jeu de l'autre.. ce qui était extrèmement intéressant. Après tout, ça serait au premier qui se leurrait au jeu de l'autre...
Après avoir donné quelques pièces au tavernier, il revenait avec deux chopes remplies de bières fraîches. La discussion reprit :

-J'ai perçu vos regards vers le ciel. Souhaitez-vous aller sur les toits ? Rien ne nous en empêche, il me semble..

Sachant que la réponse serait affirmative, ils continuèrent leur bière, causant de choses anodines, visant à affaiblir le jeu de l'autre. Sans succès dans les deux camps. Quelques minutes plus tard, ils étaient à nouveau dans les rues.
Arrivés près des murs, il regarda sa "compagne" de balade et demanda :

-Vous arriverez à grimper, cela ne fait aucun doute. Me trompé-je ?

Sourire.

Ils étaient entré tout deux dans le jeu, et bientôt on aurait pu croire que ce que l'un et l'autre montrait était réel. Le plus grand danger qu'elle courait était de se retrouver dans la chambre du jeune homme, du moins s'il n'était pas lié avec les mercenaires et qu'il savait quel était sa véritable identité.
Dehors son pas semblait une danse, étonnante de vivacité et de grâce. Chat sauvage ou oiseau délicat ?

- Grimper ou m'envoler, je ne doute pas non plus de votre capacités d'escalade.

Regard malicieux, sourire amusé, calme parfait. La rue se clairsemé le soleil était fatigué de cette journée et un vent tiède s'était levé qui fit virevolté ses longues nattes autour d'elle.

Alatariel reparut silencieusement dans le dos du voleur penchée, la bouche au niveau de son oreille droite.

-J'espère ne pas vous avoir fait trop attendre, très cher.

Aussi étrange que cela puisse paraître la jeune femme s'amusait vraiment, sans pourtant faire confiance à Shaïlan. Elle jouait à un jeu bien étrange.
l'Académicienne s'assit aux côtés du voleur prenant un immense plaisir à observer les environs. Al-Poll était vraiment magnifique, Gwendalavir était magnifique.

Alatariel se demandait ce que faisaient les élèves et les professeurs de l'Académie, imaginait Sayana entrain de s'entrainer, Vivyan entrain de remplir des papiers, Valen entrain de ... Elle referma la porte de l'imagination commune pour profiter du paysage qui s'offrait à elle.

Alatariel remarqua son agitation en souriant toujours autant, elle se pencha un peu vers lui, s'éloigna, jouant avec ses sens. Il cherchait à lui tirer des informations, voilà qui devenait encore plus intéressant.

- Mon vécu comme bien d'autre. J'aimerais savoir ce qui vous agite ainsi ...

Elle dessina. Un pendentif apparut entre ses doigts, une pierre noire pleine de sombre secret attachée à un chaine argentée dans lequel on pouvait perdre ses pensées, où elle pouvait distinguer une silhouette. Vision qui n'appartenait qu'à elle.
Elle attendait une réponse pour terminer son Dessin.

- Allons mon cher il ne faut pas être si nerveux, si vous voulez je vous ramène en bas... Ou hors de la ville.

Tandis qu'elle parlait, le dessin s'achevait entre ses doigts, désormais une branche de lierre en argent s'enroulait autour de la pierre de songe. Elle était satisfaite, avoir percé ses défenses aussi facilement... Mais elle n'était pas du genre à aimer perturber les autres et rangea le pendentif dans une de ses poches cachées de sa robe.
Tranquillement elle se rapprocha du jeune homme, visiblement il ne pouvait rien contre ce qu'il le rongeait, ou du moins il ne le savait pas, passa une main sur son visage à la peau si claire et extrêmement douce, et dans ses cheveux dans un geste d'apaisement sans aucune arrière pensée. Un geste qu'elle avait l'habitude de faire à vrai dire, et qu'elle offrait à Yaemgo qu'elle considérait comme son frère. Alatariel sourit à Shaïlan, un vrai sourire, et se redressa de toute sa hauteur. Où était il à présent ?
Elle respira profondément. Mal grès son geste, la jeune femme n'était pas prête de lui accorder les moindre confiance, il n'était pas ce qu'il avait l'air d'être.

- Pas de problème, allons pour le Parc alors...

Elle l'attrapa par derrière et une fraction de seconde plus tard ils se retrouvèrent dans le Parc, mais loin de l'endroit où était enterrée Celebriän. En se redressant, les lèvres d'Alatariel effleurèrent la peau du jeune homme et son souffle délicat caressa son visage et une de ses nattes soyeuse lui glissa devant les yeux.
Si elle n'avait pas eu le Don, elle serait Marchombre à l'heure actuelle, comme son père. Elle sourit, elle ne savait pas grand chose de lui...

La jeune femme jouait encore, mais avec une certaine douceur qui elle était bien réelle. Elle ne pouvait pas lui faire confiance mais elle n'avait pas envie d'être cruelle envers lui... sauf s'il cherchait à la blessée...

Plus elle se rapprochait, plus il s'éloignait, il sentait piégé comme jamais il ne l'avait été.
Elle joua avec ses longues nattes d'ébène, il était bloqué. Au départ ce n'était pas l'effet recherché.

- Chuuuut, du calme, Slynn et Valen ne vous trouverons pas ici ...

Elle n'était qu'a quelques centimètres de lui... Elle le sentait frémir de toute son long. Tout ces gestes étaient fait pour apaiser l'animal effarouché qu'était Shaïlan à l'instant même.
Alatariel s'agenouilla devant le jeune homme qui se retrouvait assit par terre.

La voix douce et amusée d'Alatariel fit tiquer Shaïlan. S'il était en pleine possession de ses moyens, il aurait su réagir, la repousser, lui dire de s'en aller ou s'en aller lui-même. Il ne pouvait que se contenter de reculer, détourner le regard des mèches folles qui retombaient devant les yeux de la jeune femme. Et elle se rapprochait, il pouvait détailler ses yeux.. et le pendentif qu'elle portait à son cou. Il déglutit. Ce collier n'avait pas la magnificence du précédent, mais la petite pierre luisait au soleil, attirant ses yeux comme un aimant. Il tremblait ; de ne pas pouvoir reprendre contenance ; de se savoir piégé comme un rat ; de se savoir si manipulable par les belles choses et les femmes ; de trouver la nuque qui portait le collier si belle ; de baisser les yeux vers le corsage ; et de trembler à nouveau.
Et quand, malgré lui, ses genoux ployèrent et qu'il se trouva assis, par une force inconnue, et qu'elle s'agenouilla, remuant ses cheveux ébène et le collier, qui cliqueta gentiment à ses oreilles. Les femmes, les bijoux. Ses deux talons d'Achille qui étaient en train de le mener à sa perte. Il enrageait contre son corps ; cette main qui se tendait inexorablement vers le bijou.
Au prix d'un effort mental monumental, sa main tremblante retomba à son point d'origine. Non sans mal.

-Qu'est-ce qui me dit que vous n'êtes pas en train de les alerter ?

- Le simple fait que je n'ai pas envie de les voir aujourd'hui, d'après vous pourquoi n'étais je pas en cours aujourd'hui alors qu'on est en fin d'année?

Alatariel savait que les yeux indiscret du jeune homme étaient incapable de se détacher d'elle. Remarquant la main qui commençait à se tendre, elle fit semblant de ne rien remarquer. Elle ne cherchait plus, maintenant qu'elle savait, Alatariel essayait à l'instant présent d'apaiser Shaïlan, son but n'était pas de s'en faire un ennemi.
La jeune femme resta immobile face à lui, toujours à genoux, laissant le bruissement du vent dans les feuilles parler pour elle, alors qu'elle lui tendait la main.
Le temps semblait s'être arrêté sur cette scène, que personne n'aurait pu imaginer sans la voir. La jeune femme fixait Shaïlan dans les yeux, à tel point qu'elle pouvait discerner la pupille de ses iris, elle lui sourit.

La jeune femme comprit brusquement le problème ou plutôt compris que ces problèmes n'étaient pas contrôlable. Il l'a détaillait de la tête aux pied, observait ses bijoux avec convoitise. Elle n'avait pas peur de lui, ou de ce qu'il pourrait lui faire car tant qu'ils n'étaient que tout les deux elle saurait s'en débarrasser... Elle s'inquiétait surtout pour lui qui était à cet instant aussi vulnérable qu'un chaton égaré.
Il se sentait piégé, un pas sur le côté lui aurait suffit pour être loin, très loin de l'Académie seulement elle ne savait pas trop à quoi s'attendre si elle le touchait...
Il détourna la tête pour fixer un rocher, plus loin, en bordure du lac...


-Et si.. Ma tête est affichée partout. Slynn pourrait vous avoir envoyée me poursuivre, m'amener ici, me piéger...

- Quelle idée ! Je suis Dessinatrice pas chasseuse de tête ! Et j'ai largement ... enfin pas besoins de faire ça ... Si vous voulez je peux vous emmener autre part ...

-Loin, le plus loin d'ici.. Si cela ne vous dérange pas, Mademoiselle Elanessë.

Il parvenait à rependre les politesses, à calmer ses pulsions. Il était déjà beaucoup plus calme. Et pourquoi ? Parce qu'il avait les yeux fixés sur le rocher. Et même si un pas sur le côté laissait deviner qu'elle allait le toucher, il était près à réfréner ses envies. Ce n'était qu'un femme comme une autre, Shaïlan ! Des brunes dessinatrices, il en trouverait d'autres dans sa vie bon sang. Et des bijoux, il lui suffisait d'aller à Al-Poll pour en avoir de plus chers et de plus beaux.
Il était calme. Calme.
Il tourna les yeux vers la jeune femme lentement. Repoussa quelques pulsions qui revenaient. Mais la regarda.

-Je ne vous fais pas confiance, et encore moins en cet endroit. Si l'on me trouve, je suis mort.

Il serrait les dents pour se retenir de prendre ce collier -trente pièces d'or au moins.

-Je ne vous fais pas non plus confiance Dal' Kenta, mais je vous emmènerais loin d'ici. Où voulez vous aller exactement ?

Le sentant se calmer, elle se rapprocha de nouveau alors qu'elle se trouvait à plusieurs mètre du jeune homme, lentement, souplement, gracieusement, le pas d'une danseuse. Elle n'y pouvait pas grand chose, c'était sa manière de se mouvoir. Elle lui sourit comme pour s'excuser et lui tendant sa main gauche, respirant profondément, plus qu'un mètre...
Leurs mains s'effleurèrent, s'éloignèrent, se touchèrent pour d'éloigner de nouveau avant de se joindre, timidement d'abord puis plus fermement. Alatariel sentit un frisson se frayer le long du bras du jeune homme, mais ne lui lâcha pas la main même si elle n'avait aucune idée de comment cette aventure allait se terminer. Le contacte de leurs peau sûrement. Aucune idée de ce qui allait lui arriver et il était fort possible qu'elle se fasse manipuler mais elle allait quand même le faire, l'amener loin de l'Académie...

- Alors où ?