Natan Des Murmures (Lupus)

Natan s'avança tranquillement dans le parc bien qu'il ne sache absolument pas par où aller... Al-Jeit... La marchombre lui avait dit Al-Poll...

Qu'es-ce que je vais devenir ici ? se demanda Natan.

L'espace curieusement verdoyant pour un endroit si froid le fascinait, les pousses d'herbe tendre si disemblables des grains de sable du Désert. Ici tout était beau, joli... Ce n'était pas le Désert aride des Murmures qui n'avait commes cadeaux que les créatures assoiffées de sang, le soleil de feu et une tranquilité pour la méditation. Natan se surpris à rêver au doux Murmure du sable à ses oreilles, la douceur du sable sous ses pieds... Il aimait le Désert bien qu'il soit réticent à le dire depuis la mort de Kuru. Sortant de sa rêverie il s'approcha des portes immenses de l'académie.

Aller... Avec un peu de chance on va me prendre pour un psychopate ou un assassin...

Les habits en lambeaux de Natan laissait peu de place à la compassion à première vue. Il serait peut-être rejeté comme dans les autres villages.

Qu'es-ce que je risque ? Ma peau ? C'est des dessinateurs pour la plupart, si je fait mauvaise impression je risque de pas m'en sortir entier. Bof, après tout, vu où j'en suis...

Il s'avança vers la porte et grimpant sans se presser les marches en pierre, les portes en bois étaient juste devant lui. Il s'arrêta et toucha du bois des doigts l'énorme battant, si immobile, si puissant, comme s'il dormait. Natan retira sa main de la porte, leva sa main, referma son poing et frappa. Sans forcer comme s'il avait peur que la porte se réveille de son sommeil profond.

Lupus... C'est cette maison qu'il me faut.

La marchombre lui en avait parlée, après lui avoir enseigné la langue de Gwendalavir, une maison proche de la nature, du loup, les membres étaient solidaires et ne se laissaient pas tomber...

- Lupus ! s'écria-t-il, comme s'il s'agissait d'un mot de passe.

Prenant conscience de l'absurdité de ses paroles, crier "Lupus !" ne voulait pas dire grand chose, il se reprit :

- Bonjour, je voudrais apprendre dans votre académie.

Après sa tirade maladroite, il attendit.

Je rêve, ils ne me répondront pas. Ils doivent me prendre pour un miséreux qui cherche un abri.

Mais il attendit puisqu'il savait qu'il n'irait pas autre part que dans cette académie...

Quand le jeune homme entra dans la pièce en s'exclamant de la sorte, comme un mendiant réclamant son obole ou un fou, bien des gens l'auraient probablement regardé de manière méprisante avant de le mettre à la porte. Ce soir, Valen errait encore dans les appartements de Merwyn, toujours plus écrasé par les responsabilités oppressantes qu'il assumait pour son ami, en son absence. Voir ce jeune homme si enthousiaste d'intégrer l'Académie au point d'en oublier de saluer le demi-Faël avait quelque chose de terriblement rafraichissant.

- Et nous t'enseignerons ce que tu devras apprendre pour voler de tes propres ailes... pour peu que tu ne te consumes pas du feu de ton impatience, jeune homme. Aucun élève n'a intégré l'Académie sans passer par les Trois Défis... je suppose qu'il fallait qu'un premier élève le fasse.

Le demi-Faël plongea alors son regard pénétrant dans celui du jeune homme, sondant jusqu'au tréfonds de son âme :

- Dis-moi, jeune homme, quel est ton nom? Et quel sera l'enseignement que tu suivras?

En voyant l'homme étrange en face de lui, Natan se demanda qui était
il mais l'homme n'étant apparement pas prêt a le lui dire, il abandonna
son idée.

Après la longue tirade, Natan se sentit blessé mais ce n'était que justice, sans doute avait-il été trop présomptueux...


- Je me nomme Natan Des Murmures ! Pour vous servir !

Avec une révérence qui comportait une légère ironie le jeune homme continua :

- Je souhaite devenir Marchombre, une représentante de la guilde m'a
dit que je pourrais apprendere ce noble art dans cette académie. Me
recevez-vous pour les Trois Défis ? Ou devrais-je repartir ?

Natan se demanda s'il n'était pas allé trop loin. Mais après tout, la
cruauté des villageois et de beaucoups des personnes qu'il avait
rencontré, l'avait si profondément blessé qu'il se prévenait ainsi,
maintenant, des attaques.

Il poussa un léger soupir et attendit la réponse sans doute acide de l'étrange homme.

Il y a un moment ou il devenait impossible d'accepter une fois de plus. La marchombre sentait ses doigts fourmiller. Le Code avait été crée pour faire régner l'ordre. Il avait été crée pour être respecté. Mais non, malgré tout ce qui se déroulait juste aux portes de l'Académie, les élèves approfondissaient les problèmes en multipliant les effractions.
Les Sous-Directeurs étaient donc relégués au rang de surveillant?
Même ses élèves n'avaient pas compris que liberté ne signifiait pas "faire ce que l'on veut au dépend des autres". Elle n'était même pas en colère. Elle n'était pas lasse. Elle était étouffée.
Elle passa les couloirs sans les voir. Visage glacé.
Ses cernes étaient marquées, comme tout le temps ses temps-ci, ses traits tirés, ses cheveux ternes, ses yeux aussi.
Elle arriva devant la porte du bureau de Merwyn et ne prit pas la peine de frapper. Elle poussa la porte, aperçut un élève inconnu, l'ignora sans autre forme. Elle approcha du bureau derrière lequel se trouvait Valen, et posa un papier devant lui. Elle n'attendit pas qu'il en prenne connaissance et prit la parole:

-Faut-il engager des soldats de l'empire pour faire régner l'ordre ici?

Sa voix était étonament grave. Inaudible pour le jeune qui se trouvait derrière, mais suffisament percutante pour le demi-Faël. Il n'y avait aucun reproche dans sa voix, pourtant.
Sur le parchemin s'étendaient des noms, et plusieurs délits. Une longue liste. Bine trop longue pour une Académie comme celle-ci. Même elle-même, Maitre de la Liberté avait prêté serment. Bon, elle n'avait pas vraiment le choix, quand elle était arrivée...Mais enfin...

Natan sentit au passage de la femme, qu'il devrait se calmer franchement. Ces gens ne lui avait encore rien fait !

Il respira une fois, ravala sa colère et étudia la femme. Sa posture, bien qu'elle révélait une fatigue récente, montrait qu'elle avait eut un entrainement des plus vifs, un entrainement mortel, digne d'une...

- Marchombre...

Même posture, même façon de se mouvoir, féline... Il se retira vers la porte et y resta, les Marchombres pouvaient êtres des personnes aussi imprévisbles que la brume. D'autant qu'elle avait peut-être entendu ce qu'il avait dit.

Mourir alors qu'il pouvait espérer devenir libre le tentait très peu. Il se retira un peu plus dans l'ombre...

Le comportement d'Ena Nel' Atan n'étonnait pas Valen, loin de là. Ces derniers temps, le chaos s'emparait de l'Académie... les traîtres tentaient-ils de semer le désordre? Tout le laissait croire en apparence. A peine audible pour Natan, il répondit à la marchombre :

- L'Empire n'a aucunement le droit de faire respecter l'ordre au sein de l'Académie, Ena. C'est la prérogative de Merwyn depuis la fondation de l'Académie et le Seigneur d'Al-Poll ne s'immiscera pas dans nos affaires tant que le problème ne deviendra pas gravissime... et tant que Slynn tentera de l'en éloigner. Non... j'ai mieux que des gardes impériaux... j'ai des Chantelames. Il est temps d'instituer les Gardiens...

Se tournant à nouveau vers Natan, il saisit alors son regard sur la marchombre et son exclamation admirative. Avec un sourire amusé, il lui lança :

- Oui, Natan, Maître Ena est bel et bien une marchombre. Mais, ne te laisse jamais fourvoyer par les apparences, jeune homme. Je suis moi-même un marchombre, bien que ma voie soit différente de celle de Maître Nel' Atan...

Tout en parlant, il avait lancé un regard indéchiffrable et énigmatique à Ena. Par un coup du sort- et l'intervention habile de Vivyan Ril' Lake- le demi-Faël et la marchombre s'étaient finalement pardonnés mutuellement, non sans résignation et grands efforts. Ou du moins, pouvait-on affirmer que, s'ils ne s'étaient pas pardonnés intérieurement, l'ancien apprenti et l'ancien maître maintenaient des relations amicales et respectueuses... en public. S'adressant à nouveau, à Ena, il dit :

- Ena, voici un jeune homme qui souhaite rejoindre les rangs de tes apprentis, et de la maison Lupus par la même occasion.

En murmurant de manière à n'être entendu que d'elle, il ajouta :

- Je pense qu'il a le potentiel pour devenir marchombre... mais ce n'est pas moi qui ait la permission du conseil de former des apprentis, bien que j'ai passé les épreuves de l'Ahn-Ju.

Natan fit un pas hésitant vers la lumière.

Une véritable Marchombre, voilà qui était intéressant...

Il croisa les bras et garda le visage aussi impénétrable qu'il le pu. Ce qui ne l'empêcha pas de sentir la tension qui était presque palpable entre les deux adultes. Il regarda Ena, sa beauté ne devait avoir d'égale que sa mortelle efficacité aussi ne s'attarda-t-il pas sur elle. Il passa à Valen, ce n'étais surement pas un homme mais quel était le lien qui l'unissait à Ena ?

Cet endroit promet...

- Que dois-je faire ?

Cela dit il s'en doutait, des épreuves, des notes surement... Juger quelqu'un avec des chiffres, quelle bassesse... Mais si cela lui permettait d'être libre il le supporterait et ferai de son mieux.

Qu'allaient-ils lui réserver ?

La jeune femme se retint de lever les yeux aux ciels quand elle entendit les premières paroles du Maitre d'Arme. Que lui ne comprenne pas l'ironie la faisait doucement sourire. Elle écouta suinter le mot "Chantelame" avec admiration et dégout. Puis elle entendit Valen hausser le ton et se retourna pour prêter enfin attention au jeune garçon. Elle le toisa. Comme on mesure une bête à la foire, comme on regarde une brebis avant de la choisir, comme on regarde un ennemi avant de l'abbatre...Comme on sonde un jeune avant de le choisir comme apprenti. Valen s'adressa de nouveau à elle, tout bas.

- Ena, voici un jeune homme qui souhaite rejoindre les rangs de tes apprentis, et de la maison Lupus par la même occasion.

Cette fois-ci elle ne se retint pas de lever les yeux au ciel. Elle savait qu'il avait passer l'Ahn-Ju, inutile de le lui rappeller...Il n'était pas un marchombre pure...Il était un Chantelame. Elle se retourna vers le jeune homme. Il dit quelquechose qu'elle n'entendit pas vraiment. Peu importait, si c'était important, elle l'aurait entendu. Il fallait qu'elle sache ce qu'il valait. Elle s'approcha de lui, stoppa. Calmement, elle se pencha en avant, et murmura à son oreille.

-Vole au Lac, et puis reviens...

Elle planta ses yeux dans les siens puis se désinteressa complètement de lui. Elle aurait le temps de s'occuper des problèmes de l'Académie, tout en surveillant le jeune homme.