Réponse

Ly revenait aux jardins, pour la seconde fois en deux jours. Ou plutôt deux nuits. Ly avait beaucoup réfléchi, toute la journée, à la proposition du garde de l'Académie.
La nuit était beaucoup plus lumineuse que celle de la veille. La Lune semblait plus entière, à moins que le lendemain ne s'annonce merveilleux.
Sur ces réflexions, un bruit se fit entendre. Le garde était là.
Ly s'avança un peu de lui, un peu plus que la veille, gardant tout de même une certaine distance.

-J'ai bien réfléchi... dit-elle, doucement.

Elle planta son regard noisette sur le visage du garde, le mouvement de sa tête faisant voleter ses bouclettes noires. Elle voulait voir son visage, connaître son nom, mais cela ne lui traversait pas l'esprit. Seule la réponse trottait dans sa tête. Une réponse arrêtée. Rien ni personne ne pourrait la faire changer d'avis.

-J'ai décidé... de vous suivre, acheva-t-elle, hésitante.

Sa détermination s'était soudainement envolée alors que la réponse franchissait ses lèvres.
Malgré son ton hésitant, elle était tout de même sûre de son choix. Elle fit quelques pas en direction du garde. Sa peur diminuait de seconde en seconde, même si son instinct lui disait de se méfier plus que d'habitude.

Cette journée avait été différente des autres depuis son retour à l'académie. Pour la première fois, il n'était pas resté à observer passivement les élèves. Dès son réveil, il était partit en recherche de la jeune élève avec qui il avait eu une discussion la veille. La prudence était de mise. Il l'avait ensuite suivi toute la journée. Il l'avait vu rencontré une jeune fille aux cheveux roux. Il s'était dissimulé dans les arbres et il avait faillit se trahir plusieurs fois. D'ailleurs, le regard de la dessinatrice s'était tourné vers lui plusieurs fois. Elle n'avait rien vu et c'était tant mieux. Varsgorn n'avait pas pu savoir ce qu'elles s'étaient dit mais cette rencontre ressemblait beaucoup à une simple retrouvaille.

Le reste de la journée avait été d'un ennui considérable pour Varsgorn. Enelye avait suivie ses cours et vacquée à des occupations quotidiennes.

Désormais, l'heure du rendez-vous avait sonnée. Il était arrivé de bonne heure. Il s'était solidement armé. Si jamais des professeurs se présentaient, il pourrait toujours se battre. La lune était magnifique en cette soirée. Il la fixait d'ailleurs au moment où il entendit des bruissements derrière lui. Il se retourna. C'était Enelye, seule. Elle ne prit pas le temps de saluer le mercenaire.

-J'ai bien réfléchi...

Varsgorn s'en doutait, sinon elle ne serait pas venue le voir.

-J'ai décidé... de vous suivre

Un sourire illumina le visage du mercenaire. C'était une bonne nouvelle, une très bonne nouvelle. Varsgorn n'avait pas dit un mot depuis l'arrivée de l'élève. Il leva le bras, main tendue.

- Heureux de vous entendre dire cela. Autant sceller notre accord par une poignée de main.

Enelye hésita mais elle lui serra tout de meme la main.

- Bien. Je me suis pas présenté hier. Je me nomme Varsgorn Ril'Enflazio. J'ai été marchombre dans cette académie, il y a une quinzaine d'années.

Il n'avait pas hésité à donner son véritable nom. Désormais, cette jeune fille était son élève. Il devait lui faire confiance. Sans laisser le temps à Enelye de respirer, il lui demanda de le suivre. Il l'emmena dans un coin bien éclairé. Il la laissa un temps seule. Varsgorn cherchait un objet spécial. Il trouva ce qu'il voulait. Deux beaux morceaux de bois aussi grand qu'une épée. Il revint vers Enelye.

- Tiens, il est temps de me montrer ce que tu sais faire. Dans un premier temps, je veux que tu cherches à me frapper comme tu le peux. Ne crains pas de me faire mal, j'en ai vu d'autres.

Il tendit l'un des bâtons et il se mit en position d'attaque. Il se doutait que l'élève n'avait pas d'expérience en matière de combat. Il retiendrait ses coups et il verait ce dont sa nouvelle élève était capable. Il attendit qu'elle porte la première offensive. Elle le fit assez maladroitement. Si Varsgorn avait porté une véritable épée, elle serait morte en un rien de temps. Il bloqua l'arme improvisée et il recula, laissant Enelye porter une nouvelle attaque.

- Concentre-toi. Même si c'est la première fois que tu te bas, tu es capable de faire de grandes choses. Analyser l'ennemi, voir ses faiblesses et attaquer. Voilà ce qu'il faut faire.

Varsgorn évita son attaque, passant derrière Ly. Elle faillit tomber mais se rattrapa.
Elle se retourna aussitôt, pour faire face au garde. Ses bouclettes lui passèrent sur le visage, des mèches entrant dans ses yeux, dans sa bouche. Elle les replaça en écoutant attentivement son nouveau maître.
Elle essayait de capter les mots importants, pour se les remémorer lors d'un éventuel combat. Sa liste à retenir fut donc: Tester ; Porter des attaques sans vouloir faire mal ; Voir sa réaction pour trouver ses faiblesses.
Puis il lui annonça qu'elle allait devoir supporter non seulement ses cours la journée, mais aussi des cours pendant la nuit. Et je dors quand ?
Puis Varsgorn lui dit qu'ils allaient continuer le combat, mais qu'il allait arrêter de lui donner des conseils. Ly baissa la tête et soupira, pendant que le garde s'éloignait de quelques pas.
Il fit débuter le combat d'un geste. Bien sûr, Ly n'avait pas vraiment compris, et lorsqu'elle vit Varsgorn se jeter sur elle, elle eut le simple réflexe de taper là où elle pouvait, en fait...
Mais le bâton du garde la toucha au bras. Pas très fort, mais assez pour que Ly lâche son bâton pour se frotter le bras.
Varsgorn avait lui aussi perdu son bâton mais il le récupéra très vite. Ly, essayant d'oublier la douleur atroce, reprit elle aussi son bâton.
Et tout se mit en place dans sa tête, plus rapidement qu'elle ne l'aurait cru. L'analyse, la remarque des faiblesses et l'attaque. Elle visa le flanc droit, seul endroit qui n'était pas protégé.
Ly crut un instant l'avoir touché, mais elle s'était reculée si rapidement ensuite, pour éviter une éventuelle contre-attaque, qu'elle n'aurait su dire si ça avait été le cas.
Ses douces mains s'écorchaient sur le bâton qu'elle serrait, comme s'il pouvait l'empêcher de tomber. Elle ne s'en occupait pas, fixant Varsgorn, analysant chaque geste, se protégeant comme elle pouvait.

-C'est assez... intéressant, dit-elle, légèrement essouflée.

Un sourire se dessina sur son visage. Elle sentait, sans pouvoir l'expliquer, que se battre lui plaisait.

Varsgorn reçut le bâton d'Enelye en plein dans le flanc droit. La jeune élève avait assimillé les nouvelles notions avec une incroyable rapidité. Si rapidement que l'attaque avait surpris le mercenaire. Il avait esquissé un geste mais il n'avait pas été assez rapide. Le coup au creux des côtes lui fit un mal de chien. Il plia légèrement. Il ne put même pas porté une contre-attaque car la jeune fille s'était reculée.

- Bon travail, jeune fille. Tu apprends vite. Avec ce bâton pour arme, il faut avoir de la force, c'est évident. Tu te rendras compte qu'avec une épée, une dague ou un couteau, il est parfois mieux d'être rapide et agile. Un marchombre pourrait très bien remporter un combat contre un soldat, même si ce dernier en connait un rayon en matière de combat.

Il marqua une pause.

- Je te conseille tout de même d'éviter de te frotter à eux tout de même. Eviter le combat par tous les moyens est une bonne manière de rester en vie, crois-moi. Allez, viens. On en a suffisamment fait pour aujourd'hui. Pour te permettre de te reposer un peu, on se reverra dans deux jours.

Il la fit s'asseoir sur un banc. Il s'installa à ses côtés.

- Tu es doué pour une dessinatrice. Je me suis déjà battu contre des débutants et aucun n'avait réussit à m'atteindre. C'est un très bon début.

Il s'empara d'un de ses couteaux. Un lame polie et une garde en argent incrustée de petits rubis. Il le possédait depuis plusieurs années. Il le tendit à Enelye.

- Tiens, tu le mérites. Il est désormais à toi. C'est toujours utile d'avoir une arme sur soi. Sur une petite comme celle-ci que tu peux cacher n'importe où.

Varsgorn s'y était légèrement attendu. Ce refus le fit même sourire.

- Oh que si tu peux accepter. Et même tu dois accepter. Ce couteau te premettra de te défendre et il marquera ce lien qui nous unit désormais.

Enelye ne se retournait toujours pas. Bras toujours croisés.

- Rassure toi, je ne perds pas un moyen de me défendre avec couteau. Regarde, j'en ai plusieurs.

Il écarta sa cape, laissant voir une demie douzaine de couteaux étincellants, tous différents. Il y en avait trois en argent, un avec des émeraude, un avec des saphirs et un avec des améthystes. A part les pierres précieuses, ils étaient exactement comme celui qu'il comptait offrir à Enelye. D'ailleurs, au fur et à mesure qu'elle progresserait, il offirait un autre couteau. Ainsi, la jeune fille aurait un jeu de 4 couteaux. Les trois autres couteaux de sa ceinture était assez banal. Il en avait d'autres, bien sûr. Ils étaient encore plus beaux que ceux en argent mais le mercenaire les gardait dans sa chambre. Enelye se retourna pour voir les couteaux.

- Tu vois aucune chance que je manque d'atouts dans un combat. Et j'ai encore plus d'un atout dans la manche croit moi. Je n'ai encore jamais été démuni. Pourtant, beaucoup de mes ennemis ont tentés de me voler mes armes.

Il tenait toujours le couteau dans sa main. Il se doutait que ce cadeau devait représenter beaucoup pour la jeune fille. Varsgorn avait beaucoup d'argent et il pouvait s'offrir de nombreuses choses. Il était ravi de l'offrir et il le serait également quand serait venu le temps d'offrir les autres couteaux en argent et aux pierres précieuses. Enelye ne s'était toujours pas décidée à prendre le couteau. Il le posa sur le banc et il se leva.

- Maintenant que tu es mon apprentie, raconte moi un peu ton histoire. J'ai envie d'en apprendre plus sur toi.

Il pouvait parler, elle ne le prendrait pas. Elle s'obtinait à rester bras croisés, lui tournant le dos.
Mais lorsqu'il lui demanda de regarder, elle ne put s'empêcher de se retourner.
Il écarta sa cape et Ly vit alors la plus grande collection de couteaux de toute sa vie. Ils se ressemblaient tous, tous incrustés de pierre précieuses et avec une garde d'argent.

-Je n'ai pas dit que vous ne pourriez plus vous défendre... Je pense juste que je ne le mérite pas.

Varsgorn ne lâchait pas le couteau. Elle recroisa ses bras, mais garda tout de même son regard sur le couteau. Il devait avoir une valeur inestimable, et jamais elle n'avait vu quelque chose d'une telle valeur chez elle, à part le collier de saphir de sa défunte mère.
Le garde se leva, après avoir posé le couteau juste à côté de Ly.

-Maintenant que tu es mon apprentie, raconte moi un peu ton histoire. J'ai envie d'en apprendre plus sur toi.

Ly hésita un instant, puis, elle lui raconta. Après tout, il pouvait bien la savoir.
Elle lui raconta donc que sa mère était morte, que rien ne lui faisait plus plaisir que de regarder les étoiles avec son père, et d'autres futilités de son inintéressante existence.
Puis, au moment où elle raconta l'histoire de son premier dessin, les larmes commencèrent à faire leur apparition. Ly luttait pour ne pas pleurer, et finalement, eu juste les yeux mouillés.

-Excusez-moi.

Ly se retourna un instant, essuyant ses yeux d'un geste vif. Puis elle se créa un sourire en se retournant vers le garde. Le couteau était toujours à sa place sur le banc, mais désormais, Ly avait posé sa main dessus.

Varsgorn écouta son apprenti avec attention, mais toujours en lui montrant son dos. Enelye était installée face à la lune, et c'était justement l'astre de la nuit que le mercenaire observait. Enelye lui ressemblait beaucoup. Lui aussi, il avait perdu sa mère avant d'entrer dans cette académie. Aujourd'hui, le père du garde était mort suite à la bêtise des professeurs de l'académie alors qu'il était encore marchombre. Ils avaient envoyé une lettre annoncant la mort de Varsgorn, alors que lui, il était blessé recueillit par les mercenaires du Chaos. Il avait d'abord résisté aux avances des mercenaires mais il avait finalement cédé. Il ne regrettait pas vraiment ce choix car le jeune garçon timide et réservé était devenu Fantôme, l'assassin impitoyable.

-Excusez-moi.

Varsgorn se retourna à la vitesse de l'éclair et il planta son regard dans les yeux d'Enelye. La jeune fille ne pouvait le voir, vu qu'il était dos à la seule source de lumière.

- Deux nouvelles erreurs, dit-il en levant sa main avec l'index et le majeur levés. Premièrement, ne t'excuse pas de tes sentiments, c'est un signe de faiblesse. Il ne faut pas avoir honte de ce qu'on ressent. Seconde erreur, ne me vouvoie plus. Au lieu d'entretenir une hiérarchie maître/apprentie, fait comme si je suis un ami ou un grand frère.

Le garde posa ensuite les yeux sur le couteau qu'il avait offert. Enelye avait posé la main dessus. Tant mieux, c'était un bon signe.

- As-tu déjà tentée d'escalader des murs ou des montagnes? Si tu le souhaites, nous pourrons le faire lors d'une prochaine leçon. Toi qui aime regarder la lune, tu veras que la vue est exceptionnelle là-haut.

Varsgorn lui dit de ne jamais s'excuser de ses sentiments, puis lui demanda de le tutoyer, comme un ami ou un grand frère. Ly hésita, encore une fois, en faisant jouer son doigt sur la lame du couteau offert.
Elle se coupa légèrement, mais rien de bien grave. Juste une tâche rouge sur sa peau trop blanche. Une coupure indolore qui empêcha quand même son doigt de retoucher la lame.

- As-tu déjà tentée d'escalader des murs ou des montagnes? Si tu le souhaites, nous pourrions le faire lors d'une prochaine leçon. Toi qui aime regarder la lune, tu veras que la vue est exceptionnelle là-haut.

Ly posa son regard noisette sur le garde. Elle avait remarqué qu'il regardait vers le ciel aussi souvent qu'elle. Est-ce que lui aussi aimait les astres nocturnes ?

-J'ai déjà escaladé un mur. Mais pour regarder les étoiles, je suis plus souvent monté en haut d'une tour. Ou dans un arbre.

Un sourire se dessina sur son visage. L'épisode de la plume s'était effacée de sa mémoire, du moins pour l'instant. Pour laisser place à une pensée profonde où elle se rappelait avoir observé les étoiles une à une, pour leur trouver des différences, chose qui s'avéra totalement inutile car elle ne se rappelait jamais quelles étoiles elle avait déjà comparé.

-Je serai ravie de grimper à une montagne... Ou à un mur.

Elle tenait toujours le couteau dans sa main, ne sachant pas vraiment où le ranger, pour qu'il ne soit pas visible par les autres élèves ou les professeurs.
Le banc était, en vérité, inconfortable, et Ly se leva, tenant toujours le couteau...
La nuit avançait. Cela elle le savait. Mais comme la veille, elle n'avait aucune envie de retourner dans sa salle commune, alors que ses yeux commençaient à se fermer eux-mêmes.

-Si nous avons terminés pour aujourd'hui, j'aimerais aller dormir.

Un baîllement lui échappa. Déjà elle se tournait vers l'Académie. Le sommeil lui fit oublier le couteau qu'elle avait dans la main. Elle s'assit contre un arbre, elle n'avait plus la force d'aller aussi loin que son dortoir qui de plus, se trouvait au sous-sol.

[Je te laisse faire un dernier post, sauf si tu veux qu'on le continue, mais dans ce cas-là, préviens-moi ^^]

Varsgorn vit Enelye bailler. Il était tard, il est vrai. La jeune fille avait passé une journée de cours, elle méritait de se retrouver dans un bon lit.

- Retourne te coucher, tu l'as mérité. N'oublie pas ton nouveau couteau. Et surtout, dissimule le sur toi lors de la journée, les autres gardes risquent de te la confisquer. Ca serait dommage pour toi.

Il se leva. Lui, il avait d'autres choses à faire cette nuit. Il adorait la nuit. Les étoiles et la lune illuminant le ciel. Les ténèbres. Le silence. La tranquilité. Sa timidité maladive de son enfance était dû à des quolibets de gamins. Il avait été insulté et il avait alors été mal dans sa peau. Lors de son apprentissage à l'académie, il sortait pratiquement toutes les nuits. Au coeur des ténèbres, il n'avait plus à subir les moqueries. La lune et les étoiles étaient devenues des amies intimes. Dans ses moments de peine, il lui était arrivé de leur parler, comme si elles étaient vivantes. Depuis qu'il était devenu mercenaire, il ne rompait pas à la tradition. Il sortait la nuit et les nuits de pleine lune, il était particulièrement heureux, comme ce soir-là. Il lui arrivait encore de parler à ses vieilles amies. Si cette "tradition" était connue, on l'aurait peut etre prit pour un fou mais il s'en moquait. Quand il sortait, c'était toujours seul. Peut être qu'il en parlerait à sa nouvelle apprentie.

- Passe une bonne nuit, jeune fille. Je te contacterais pour t'annoncer le lieu et l'heure de notre prochain rendez-vous.

Il disparut dans la nuit, direction les montagnes pour sa petite escalade quotidienne. Il est toujours mieux de se rapprocher de ses amies pour leur parler.