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 Le chat est parti, dansons

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Loeva Kaïga
Loeva Kaïga

Brasier
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MessageSujet: Le chat est parti, dansons   Le chat est parti, dansons Icon_minitimeJeu 12 Mar 2015 - 0:59


Elle n'était volontairement pas sortie la veille. Pas de nouvelle drogue, pas d'abus. Elle se devait d'être en forme. Le Bal d'hiver était fini, Jehan était officiellement revenu. La vie à l'Académie reprenait son cours, tranquillement. Par réflexe, elle portait toujours son uniforme, et en passant dans les couloirs elle se rendit compte qu'elle n'était pas la seule. Réflexe, ou juste respect envers Jehan ? Il venait de revenir, il n'était plus lui-même, peut-être tentait-il – en respectant au moins cette ligne du code merwynien – de lui épargner d'autres tracas. La raison importait peu, elle portait son ancien uniforme, et se rendait en cours. Elle respectait une ligne, pour en enfreindre une autre. Quelle ironie.

Elle s'était préparée un peu tout de même, pas parce qu'elle était Loeva Kaïga – encore que – mais parce qu'elle savait que, si elle ne faisait rien, le manque de sommeil et l'abus de substances étranges ne lui rendait pas hommage. C'était peut-être aussi la raison pour laquelle elle portait son uniforme, alors qu'elle aurait pu choisir une de ses robes moulantes – la personne qu'elle allait voir ne s'en souciait probablement pas, ou peu, du respect de cette règle – mais ses robes accentuaient sa maigreur. Elle avait remonté une pente, pour retomber dans une autre.

Elle avait toujours été une addict. Même si elle n'aurait jamais voulu se l'avouer. Petite, elle avait une addiction au regard des autres. Tout le monde devait la regarder, l'admirer, la jalouser, toujours, tout le temps. Ça s'était terminé par une belle cicatrice et un surnom qu'elle ne laissait personne d'autre utiliser à son escient.
Lorsqu'elle avait découvert qu'elle possédait le don, elle s'y était accrochée, autant qu'elle le pouvait, aussi fort et fermement qu'elle y arrivait. Elle s’entraînait, plus que de raison, s'isolait, passait son temps à la Vigie...
Et puis il y avait eu la reprise de l'Académie. Lâche comme elle était, elle n'avait pas agi – pas que l'opportunité ne s'était présentée – elle s'était cachée. Et puis elle avait tenté d'aller chercher les blessés, de faire quelque chose, tout de même. Elle n'avait réussi qu'à se blesser elle-même. Encore une fois. Pour changer. Et sa vieille blessure s'était rouverte. En entraînant d'autres à sa suite.
Elle avait quitté l'Académie pour un temps, s'était réfugiée à la Confrérie. Le temps de remonter un peu la pente, le temps de réussir, au moins, à se lever le matin sans trébucher aussitôt.
Ç'avait été long, mais elle avait réussi. Ç'avait été bien trop long. Elle s'était toujours accrochée au dessin pendant cette période d'exil forcé, mais elle n'était pas assez forte pour que l'entrainement soit efficace. Et puis, elle n'avait pas les cours et les notions qui allaient avec.
Elle était finalement retournée, chez les Teylus cette fois, et – après un temps – était finalement allée voir Myra Ril'Otrin. Qui lui avait annoncé qu'elle devrait refaire son année. Aussi logique que c'était, elle avait eu du mal à le supporter. Ou plutôt, ne l'avait pas supporté. Heureusement pour elle, la majorité des cours étaient mixtes, et même si le niveau de son année était trop faible à son goût, elle pouvait toujours s’entraîner comme elle le souhaitait. Ce n'était pas Myra Ril'Otrin qui tenterait de l'en empêcher.
Elles avaient même convenues de faire quelques cours particuliers, pour permettre à la jeune Teylus de rattraper son retard. Et puis Aziel le fiel était arrivé, et avec lui le respect du Code. Elle avait été coupée dans son élan. Et ça avait fini de l'achever, de tracer sa destinée.
Ne pouvant se réfugier dans sa vieille drogue qu'était le dessin, elle en avait tout simplement testé des nouvelles. C'était aussi simple que cela. Et malgré son effort actuel de faire bonne figure, elle n'était pas sûre de vouloir s'arrêter là...

Elle n'avait pas envie que l'on commente sur son passage – trop de rumeurs circulaient déjà. Elle ne voulait pas ternir sa réputation de cette manière là. Ou, au moins, elle ne souhaitait pas que cela arrive à l'oreille des professeurs.
Elle ne voulait pas que ça influence leurs jugements. Qu'importait les substances qui pouvaient entrer dans son corps, si elle restait présente et assidue à leurs cours ? Mais ce n'était pas ainsi que l'Académie fonctionnait, malheureusement pour elle, les professeurs appréciaient étrangement de se mêler de la vie privée de leurs élèves. Et Myra Ril'Otrin ne faisait pas exception à la règle. Loin de là...
Elle se devait de lui montrer qu'elle était capable. Elle ne pourrait pas supporter, l'entendre de nouveau, lui annoncer quelque chose comme « Bienvenue à nouveau... ». Ça l'avait trop blessé la première fois. Enelyë était au niveau d'au-dessus elle, et Loeva était bien plus douée que cette fausse-nobliarde.
Mais elle avait été absente pendant trop longtemps, avait loupé les passages. Elle ne referait pas la même erreur. Elle devrait supporter une nouvelle année ici, finir ses études, puis s'en aller elle-ne-savait-trop-où. Elle ignorait totalement ce qu'elle ferait après l'Académie. Et, même si elle avait redouté l'idée de passer un an supplémentaire entre ces murs, elle se consolait en se disant qu'au moins, elle aurait l'occasion de faire plus amples connaissance avec les quelques personnes avec qui elle s'était liée. En espérant qu'ils resteraient également...

Elle n'avait plus qu'à espérer qu'elle en était capable, que Myra la jugerait capable. Malgré ses débauches, malgré tout ce qu'il s'était passé, elle pensait mériter de passer au niveau supérieur. Peut-être que, si elle avait l'esprit occupé par le dessin, elle cesserait de chercher à l'occuper d'autres diverses manières...

Elle savait que la professeur de Dessin l'attendrait à la Vigie. Elles avaient choisi ce lieu pour pouvoir dessiner sans risquer d'être interrompues. Rares étaient les dessinateurs qui s'y rendaient, et quand bien même il y en aurait, elles seraient toujours plus tranquille là haut, que dans la salle de Dessin – où n'importe qui pouvait passer – où les appartements de la primat.
Elle ignorait juste si elle allait déjà être là ou non. Reprenant ses vieilles habitudes, et aussi parce qu'elle avait préféré sur-estimé le temps qu'elle pourrait passer à masquer son corps décharné, elle était en avance. Mais tout comme pouvait l'être la primat.
Elle franchit les dernières marches qui la séparait du lieu de rendez-vous, et, tentant de chasser les angoisses qui lui revenait, franchi la porte.


- Bonjour, professeur.


Myra Ril'Otrin
Myra Ril'Otrin

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MessageSujet: Re: Le chat est parti, dansons   Le chat est parti, dansons Icon_minitimeMar 31 Mar 2015 - 15:09

Jehan était de retour. Et ça se sentait. Dans les habitudes, dans les moeurs. Tout semblait revenir peu à peu à la normale. Le Code était en cours de réédition, les professeurs avaient bien moins la corde au cou.
Jehan était de retour. Les élèves étaient plus détendus, les cours moins compliqués à gérer. La primat perdait bien plus son sang froid que d'habitude lorsqu'Aziel était encore Intendant.
Aziel n'était plus Intendant... Aziel était incarcéré, Aziel était un traître à l'Empire. Et Jehan avait retrouvé sa place. Il en était revenu changé, mais il était revenu.

La professeur de dessin avait des cours à préparer. Elle se sentait cependant de plus en plus fatiguée, elle était éreintée chaque soir. Elle allait bientôt atteindre les sept mois et elle sentait que quelque chose n'allait pas. Son ventre était beaucoup trop gros pour sept mois. Ce matin, elle avait pris la décision de se rendre à la Confrérie dès que possible. Ce soir. Toute cette histoire l'inquiétait plus qu'elle ne voulait l'admettre. Et Varsgorn ignorait tout de ses pensées, elle ne voulait pas lui transmettre ses peurs peut-être irrationnelles.
Dans tous les cas, elle devait se rendre à la Vigie. Ce qu'elle fit dans les plus brefs délais. En règle général, elle s'y serait rendu d'un pas sur le côté. Mais là, elle ne voulait rien risquer. Elle se faisait déjà un sang d'encre. Autant éviter les gros dessins comme un pas.

Elle décida donc de se rendre à pied jusqu'à la Vigie. Prête, elle sortit de ses appartements avec un sourire radieux aux lèvres. Le bruit assourdissant des couloirs pleins d'élèves vinrent jusqu'à ses oreilles, elle se mêla bientôt à leur foule. Oui, Jehan était de retour.

Un élève passa en trombe à côté d'elle, elle ne dit mot. Il était déjà bien trop loin, de toute manière. Les élèves continuaient de la saluer lorsqu'ils passaient à côté d'elle, arrêtant en général les bêtises qu'ils commençaient. Ils savaient qu'elle était la moins autoritaire des trois primats, mais les habitudes restaient tenaces. Elle avait été obligée de se plier au Code et de l'appliquer. Mais ils savaient qu'elle était plutôt tolérante. Regardez seulement les kaelems ! Ce n'était pas pour rien qu'ils étaient les plus turbulents... Elle avait plutôt l'habitude de les sermonner, mais ils savaient qu'elle ne pourrait rien leur faire de bien fâcheux. Quelques punitions, oui. Mais elles n'étaient jamais bien dures.
Ce trio de trouble-fêtes que formaient trois de ses kaelems. Ils continuaient malgré ses cris et ses avertissements. Et ne parlons pas du reste de la troupe des rouges.
Mais elle les aimait bien. Ses élèves...


- Bonjour Dame Ril'Otrin ! Il est à quelle heure le cours de cet après-midi ? Monsieur Cil'Eternit fait un cours complémentaire d'histoire et je sais pas si ça tombe en même temps, j'aimerais tellement y aller aussi.

Surprise, elle se retourna. Pour ne l'être qu'à moitié. C'était Jahl, elle avait l'habitude de lui. Un bon élève, vraiment. Mais il voulait toujours tout bien faire, peut-être trop. Un vrai... lèche-botte. Mais elle l'aimait bien malgré ses défauts. Après tout, il voulait que bien faire. Il participait à tous les cours possibles et imaginables.

- Bonjour Jahl. Belle journée, n'est-ce pas ? Tu m'étonnes de ne pas connaître l'heure exacte de mon cours, toi qui est si assidu et précis. Mais il est à treize heures trente précise.

- Merci beaucoup !

Et il s'en alla. Sourire aux lèvres, Myra avait oublié combien les couloirs pouvaient être animés.
Ses pas la menèrent droit vers la Vigie bien plus rapidement que ce qu'elle n'avait cru. Grimpant les marches tranquillement, elle arriva un peu en avance. Elle eut le temps de faire un tour général de la pièce avant que son élève ne fasse son apparition.
Loeva Kaïga.
La primat lui avait promis des cours individuels, mais jamais elles n'avaient eu l'occasion de les mettre en place. Le Code l'interdisait. Mais à présent, rien ne les empêchait d'y remédier. La teylus voulait rattraper son retard sur ses camarades. Et Myra avait sa petite idée.


- Bonjour, Loeva. Prête pour ton premier cours individuel ?

Elle lui sourit, heureuse de la voir à l'heure et motivée.

- Bon, ne trainons pas. Nous avons beaucoup à faire ! Je te propose d'ores et déjà de fixer nos cours à ce même jour et à cette même heure, ce n'est qu'en pratiquant régulièrement qu'on y arrivera. Bien. Et maintenant, place au dessin !

La professeur se recula pour laisser une place convenable au centre de la pièce. Le cours pouvait commencer.

- Pour commencer, je vais tester tes limites pour savoir avec quelle base je dois partir. ...Dessine-moi une flamme au centre de cette pièce.

La jeune fille sembla surprise, mais elle s'exécuta. Se jetant dans les Spires, Myra la suivit facilement. Elle évoluait très bien, mais pas assez vite. L'élève commença à dessiner, formant les courbes de sa flamme, créant le mouvement, teintant de couleurs chaudes. Et Myra effaça son dessin d'un simple geste. Perturbée, surprise, la teylus sortit immédiatement des Spires.

- Tu ne m'as pas entendu ? Dessine une flamme.

Je recommencerai à effacer ton dessin tant qu'il ne tiendra pas le coup.






Loeva Kaïga
Loeva Kaïga

Brasier
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MessageSujet: Re: Le chat est parti, dansons   Le chat est parti, dansons Icon_minitimeDim 17 Mai 2015 - 22:58

Elle avait beau vouloir se nier à elle-même ses sentiments, Loeva était anxieuse, stressée. Elle n’avait jamais eu de mal lors des cours commun, et même si elle ne se cantonnait pas le moins du monde au niveau qui lui était alloué. Elle n’avait jamais eu l’impression de pousser ses limites, de travailler plus que de raison, de tenter de faire quelque chose dont elle n’était pas capable. Et ce n’était pas dû au fait qu’elle n’avait pas tenté, non. Elle avait suivi les consignes, fait ce que Myra Ril’Otrin lui demandait de faire, voire fait ce qu’elle demandait à Enelyë de faire lorsqu’elle en avait l’occasion. Ça ne lui avait jamais posé de problèmes. Elle n’avait jamais eu le sentiment que c’était au-dessus de ses capacités.

Alors pourquoi était-elle anxieuse désormais ?

Parce que cette fois-ci c’était un cours particulier ? Parce qu’elle savait pertinemment qu’elle n’allait pas l’épargner ? Ou parce qu’elle avait peur que son corps la lâche lorsque son esprit en aurait réellement besoin ?

Peu importait la raison, elle devait surpasser cela. Son corps ne l’avait jamais – presque jamais trahi – pourquoi le ferait-il maintenant ? Si ça n’était pas arrivé en classe, pourquoi en cours particulier ? Elle se trouvait dans un environnement plus que familier. Avec une professeure qui était la sienne depuis son arrivée en ses lieux. Que pouvait-il donc se passer ? Ce n’était même pas son passage ou quelque évènement important. Juste un cours, comme un autre. Ou la professeure se concentrerait sur elle pour une fois. Ça lui changerait.

Ses premières paroles l’étonnèrent ? N’avait-elle pas déjà fait la même chose, tester ses limites, lorsque Loeva était revenue de la Confrérie ? Et n’avait-elle pas assisté à son évolution lors des cours communs qui avaient suivi ? Ou avait-elle trop d’élèves pour lui prêter la moindre attention ? Et puis commencer par une flamme… Quelle plaisanterie était-ce donc ? Avait-elle 17 ans de nouveau ? La flamme, le feu, oui, ça devait être le premier cours qu’elle leur avait dispensé. A elle, Enelyë et à Lohan. Et là elle voulait faire la même chose ? La croyait-elle si faible que cela ? Si pathétique.

Elle prit à peine le temps de se concentrer. Ce n’était qu’une simple flamme. Le dessin le plus basique qu’elle n’ait jamais réalisé. Elle sentait la présence du professeur à ses côtés dans les Spires. Elle voulait voir comment elle s’y prenait ? Non, elle effaça son dessin avant qu’elle n’eut le temps de le matérialiser. Qu’est-ce ?! Sous la surprise elle sortit des Spires. Que venait-il de se passer ? Non, elle savait ce qui venait de se passer, Myra avait effacé son dessin avant que Loeva ne puisse y faire quoi que ce soit. Mais pourquoi ? Etait-ce là le but de la leçon ? Dépasser son maître ?

Vexée et surprise, goûtant à la compétition qui lui était offerte elle se précipita de nouveau dans les Spires. Cette fois-ci plus motivée, plus rapide. Mais toujours pas assez. De nouveau plus haut, plus rapide. Toujours pas assez. Et cela se répéta jusqu’à ce que Loeva acquiert la motivation, la rapidité et la force nécessaire pour faire émerger la flamme de son imagination. Pour battre Myra, ou du moins battre le niveau qu’elle lui avait fixé. Ce n’était pas dépasser son maître. Elle se retenait. Ne la croyait-elle pas assez douée ?

Par esprit de compétition elle s’empressa de créer d’autres flammes aux côtés de la première, rouge, orange, jaune, verte, bleue et même violette. Elle apprenait vite. Qu’allait être le prochain exercice ? Quelque chose de plus intéressant que cela, ou du moins, l’espérait –elle…


Myra Ril'Otrin
Myra Ril'Otrin

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MessageSujet: Re: Le chat est parti, dansons   Le chat est parti, dansons Icon_minitimeJeu 28 Mai 2015 - 15:01

Myra connaissait parfaitement le niveau de ses élèves. Le but de cet exercice n'était pas de jauger celui de Loeva, il était tout autre. La dessinatrice voulait lui montrer un principe de base qu'elle-même avait bien vite appris à l'Académie d'Al-Jeit. Il ne suffit pas de savoir dessiner, il faut s'adapter. Ecouter l'environnement, voir au-delà du simple dessin. Beaucoup l'oublient, se cantonnant au simple fait de dessiner. Ses élèves n'étaient pas confrontés au monde extérieur dans l'enceinte de ses cours, ils n'avaient pas à s'inquiéter d'une intervention extérieure, ce pourquoi ils ne se méfiaient pas de l'intrus qui pouvait détruire leur oeuvre en l'espace de quelques secondes. Oubliant ce détail pourtant important, ils se croyaient puissants. De bons élèves, c'était certain. Mais bien trop sûrs d'eux. Ils en devenaient parfois arrogants.
La primat souhaitait simplement rappeler à Loeva que le monde extérieur était tout aussi important que celui des Spires lors d'une intrusion dans l'Imagination.

La femme fixa bien vite une limite, ce jeu aurait pu continuer à l'infini. Chaque flamme, elle les éteignit d'un souffle. Simple geste de la main, comme balayées. Un jeu d'enfant. Loeva perdait patience alors que sa motivation grandissait à mesure qu'elle dessinait. Sa force et sa rapidité augmentaient après chaque échec.
Et la teylus surprit son maître alors qu'elle observait ce qu'elle s'apprêtait à basculer dans la réalité. Rapide comme l'éclair, elle créa une flamme d'un rouge ardent. Puis une autre, orange. Une troisième ne tarda pas à suivre, jaune, puis verte, bleue, violette.
Elle avait compris.
La dessinatrice était déjà hors des Spires lorsqu'elle sourit à son élève qui revenait dans la réalité.


- Le monde extérieur compte tout autant que celui des Spires. Ne pense pas avoir le contrôle total sur ton dessin, car ce n'est pas le cas. Nous avons déjà vu en cours qu'il est possible de transformer un objet déjà basculé dans la réalité. Et tu viens de constater qu'il est facile de détruire un dessin bien avant qu'il ne voit le jour. D'un coup de balais, ta toile est vierge.

La dessinatrice fit le tour de la Vigie tout en continuant à parler, les mains posées sur son ventre qui ressemblait davantage à un ballon.

- Ne crois pas que je sous-estime tes capacités, ne crois pas que je ne t'ai pas observée en cours. Je sais parfaitement de quoi tu es capable et j'aimerais te pousser dans tes retranchements. Tu es maligne, douée, je sais pertinemment qu'une flamme n'est rien pour toi. Mais tous mes élèves ont tendance à oublier qu'ils ne sont pas seuls dans les Spires, je désirais seulement te le rappeler.

Myra se retourna, les mains toujours délicatement posées sur son ventre rebondi, et sourit à son élève, une pointe de malice dans ses yeux orangés. Beaucoup de dessinateurs finissaient par devenir vaniteux, certains de la valeur exceptionnelle de leur Don. Parfois, même la primat finissaient par le penser. Pour très vite se souvenir de son malheureux accident. Et de ses détestables résidus...
Son regard tomba sur l'étincelle en elle. Les stigmates de son erreur étaient durs à effacer, elle craignait de ne jamais pouvoir. Et pourtant, elle tenait bon. Pour cet enfant en elle, pour ce petit coeur qui battait en écho au sien. Elle n'avait pas touché à une seule goutte de ses élixirs depuis qu'elle avait su. Et pourtant, la Dame savait combien sa main tremblait de ne pas sentir le verre entre sa paume. Son aimé l'aidait tant pour ça, il savait et était là. Toutes les bouteilles avaient été détruites, il s'était même assuré que le cuisinier cacherait les siennes loin du regard de la dessinatrice. Sûrement avec quelques menaces de son cru...

Un clignement d'oeil, Myra émergea de ses pensées, se concentra à nouveau dans son cours.


- Il faut savoir garder un oeil sur ce qui t'entoure, ne jamais perdre le contrôle de ce qu'il se passe autour de toi. Au sein de l'Imagination comme dans la pièce où tu te trouves.

Lentement, Myra masqua sa trace dans les Spires. Délicatement, elle se glissa sur les sinueux chemins lumineux. Sûrement, elle gardait la moitié de son esprit dans la réalité.

- Prendre le contrôle d'un dessin qui ne nous appartient pas est tout un art. Délicat, minutieux, complexe.

Son esprit traça les contours d'un simple geste, rapide, fluide. Une silhouette naquit dans les Spires, timide. Les couleurs, en aplat. Sa palette s'étendait du jaune au rouge, passant par toutes les déclinaisons imaginables. Les ombres, les matières, la dessinatrice passa tous les détails au peigne fin alors que les mots filaient, ordonnés, de ses lèvres.

- Sauras-tu t'approprier cet art ?

Les feuilles luisantes et la brise d'automne se matérialisèrent et filèrent droit vers la jeune élève.








[ Le principe est simple : Myra dessine, Loeva essaye de s'approprier le dessin de Myra Naif ]

Loeva Kaïga
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MessageSujet: Re: Le chat est parti, dansons   Le chat est parti, dansons Icon_minitimeLun 10 Aoû 2015 - 19:31

Elle n'était plus anxieuse, mais plutôt vexée. Elle aurait mieux fait de rester à la Confrérie si c'était pour n'avoir qu'à dessiner des flammes. Quel pouvait donc être le but de cette leçon ? Que s'il lui arrivait quoi que ce soit, qu'à chaque obstacle, chaque problème, elle devrait tout réapprendre ? Des plus simples bases ? Non, ce n'était pas ça. Myra n'était pas une mauvaise prof. Au contraire. Elle avait beau aimer se mêler de la vie privée de ses étudiants, cela jouait en sa faveur d'une certaine manière. Elle se mêlait de leur vie, elle s'intéressait à eux, elle les connaissait. Et plus que seulement leur nom et de quelle maison ils venaient, comme ça pouvait être le cas d'autres professeurs. Si elle pouvait savoir jusqu'à ce qu'il se passait dans les dortoirs, elle devait savoir ce qu'il se passait dans ses propres cours non ? Savoir ce dont ses élèves étaient capables, ce qu'il fallait leur apprendre, ce sur quoi ils bûtaient systématiquement.

Alors pourquoi ? Pourquoi des flammes ? Pour lui rappeler qu'un dessin, même le plus simple, même le plus habituel, peut parfois être utile ? Elle le savait cela, elle le savait. Pour qu'elle devienne plus rapide, plus sournoise dans sa façon de se mouvoir dans les spires ? Qu'elle sâche que sa propre création pouvait lui être arrachée ? Qu'importait le temps qu'elle passait sur un Dessin, puisque quelqu'un pouvait s'approprier la plus simple de ses flammes s'il était plus rapide ? Oui, c'était plus logique. C'était là la raison, comme elle l'expliquait en faisant les cents pas autour d'elle.

Ils étaient surprotégés dans l'enceinte de l'Académie. Enfin, surprotégés dans leur apprentissage. Elle avait appris, à ses dépends, que l'Académie n'était pas un château fort aux remparts infranchissables. Que nombreux étaient les sournois qui s'y étaient faufilés, au nez et à la barbe de ses habitants. Jusque le dernier intendant qui y était venu, un traitre à l'Empire qu'il était. Et il avait eu tout pouvoir des mois durant. Il s'était faufilé, il avait été plus rapide, plus malin. Il avait profité de la situation à son avantage, ou l'avait créé, pour pouvoir s'introduire dans les murs qu'avait érigé Merwyn Ril'Avalon lui-même...

Prendre le contrôle d'un dessin, prendre le contrôle d'un dessein... C'était sournois, c'était fourbe, insidieux. C'était surtout rusé et particulièrement utile. Qu'importait qu'elle puisse créer le plus beau, le plus utile, le plus grand des Dessins, si quelqu'un pouvait le souffler comme la flamme d'une bougie, avant même qu'il ne prenne pied dans la réalité ? Des feuilles d'automnes prirent pied dans leur monde, se dirigeant vers la belle, d'un geste venant d'un instinct alors inconnu elle ancra ses pieds sur le sol. Ce n'était pas un vent d'automne qui ferait tomber, ni plier, son corps frêle.

Les Spires étaient les mêmes pour tout le monde. Il n'y en avait pas une par personne, par esprit, par Dessinateur. Malgré tout, s'insinuer dans le Dessin de quelqu'un ressemblait intimement au fait de s'insinuer dans l'esprit de quelqu'un. Elle aurait pu créer un vent contraire qui auraient envoyé les feuilles nacarats à l'autre bout de la pièce, elle aurait pu créer une flamme qui les auraient consummées en un grand feu, mais ce n'était pas là le but de l'exercice. Elle savait éviter les Dessins une fois dans la réalité, pouvait-elle se les approprier, même lorsqu'ils n'étaient pas les siens ? L'avait-elle déjà fait ? Elle ferma les yeux, ferma ses sens, pour se concentrer au mieux sur son don. Repérer Myra dans les Spires, s'emparer de son Dessin. Le modifier ou le supprimer de toute réalité ?

Les feuilles virèrent au marron, et la brise s'estompa. Elles se fanèrent avant même de toucher le sol, réduites en poussières. La jeune femme ne pu s'empêcher d'afficher un visage mécontent. Elle avait pris trop de temps, les quelques poussières restantes étaient bien trop proches d'elle à son goût. Elle releva la tête, se recomposant un visage avant de faire face à son professeur, attendant l'épreuve suivante.


Myra Ril'Otrin
Myra Ril'Otrin

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MessageSujet: Re: Le chat est parti, dansons   Le chat est parti, dansons Icon_minitimeLun 17 Aoû 2015 - 18:35

Un pied dans les Spires, l'autre dans la réalité, Myra fut déçue. Effroyablement déçue. Son esprit séparé en deux parties, habitué à percevoir ces deux mondes dans le même temps, elle avait vu les feuilles d'automne se faner pour devenir poussière et le vent mourir abruptement.
Alors qu'elle dessinait.
Bien trop élevée dans les Spires pour que la teylus ne puisse voir le souffle qui précédait son passage qu'elle effaçait toujours par réflexe, elle avait pu crée le véritable piège. Celui que Loeva ne verrait pas, celui qui lui ferait réellement comprendre l'exercice. Celui qui lui montrerait qu'elle aurait dû écouter attentivement les paroles de son professeur.

Il faut savoir garder un oeil sur ce qui t'entoure, ne jamais perdre le contrôle de ce qu'il se passe autour de toi.

Des paroles que Myra avait prononcé quelques minutes plus tôt à peine. Des paroles passées en coup de vent dans les oreilles de la jeune fille. Elle n'avait rien écouté. Son professeur venait de la mettre en garde contre son environnement, contre toutes les variables qui pouvaient venir détruire la réalité qu'elle se faisait autour d'elle. Contre les potentiels dessinateurs externes. Et elle s'était contentée de réagir à cette simple brise envoyée face à elle. Cette brise n'avait été qu'une diversion subtile de la part de la primat, un masque dissimulant un autre visage bien plus vicieux.

Alors que les feuilles d'automne se fanaient, alors qu'elles s'étalaient en cendre sur le sol, s'évaporant sous les dernières vagues de la brise estompée par la teylus, la professeur bascula un dessin dans la réalité. Basique, simple, efficace.
Comme toujours, elle s'était imprégnée des Spires. Malgré que ce ne soit qu'un dessin basique qui ne demandait aucun effort surhumain. Ce qu'il fallait savoir à propos de Myra, était que pour elle, chaque dessin possédait la même valeur. Simples ou compliqués, leur beauté était identique. Son plaisir restait le même pour n'importe quelle oeuvre. Un dessin était une oeuvre, que ce soit sur papier ou dans les Spires.
Le dessin était sa vie. Sa force. Ce qu'elle était. Il l'avait perdue, un temps... Presque tuée.
Alors même cette petite étincelle qu'elle venait de basculer dans la réalité la faisait sourire, faisait bondir son coeur. Léger, fluide, la gravité le ferait tomber vite. Gouttelettes fraiches courbées sous un angle bien précis, arrondies à la perfection, ajustées au gramme près, colorées d'une teinte pâle parfaite, chaque détail comptait. Tout devait être parfait, équilibré.
Son coeur sursauta. Son dessin bascula. La teylus reçut la douche froide la plus étonnante de toute sa vie. Littéralement. Elle était trempée jusqu'aux os.

Myra ne bougea pas d'un pouce, observant son élève mouillée.


- Tu n'as pas compris l'exercice. On recommence.

La primat dessina. Encore et encore. Une fois, deux fois, cinq fois, sept fois. Plusieurs échecs pour Loeva. Une ou deux victoires. Son professeur ne se lassait pas. Elle dessinait, encore et encore. Indéfiniment. Toujours différemment, des oeuvres uniques, jamais la même. Elle ne se trouvait jamais dans les mêmes Spires. Insaisissable.
Elle dessinait, provoquant son élève, la faisant réagir comme elle le voulait. La poussant dans ses retranchements.
Loeva finirait par comprendre.





Loeva Kaïga
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MessageSujet: Re: Le chat est parti, dansons   Le chat est parti, dansons Icon_minitimeMar 18 Aoû 2015 - 17:16


L'épreuve suivante. Elle failli laisser échapper un rire jaune à cette pensée. Elle aurait dû connaître son professeur désormais. Il n'y avait pas d'épreuve suivante, il n'y en aurait pas tant qu'elle ne réussissait pas l'actuelle. Et soudainement elle se demandait si elle serait capable de la réussir, cette épreuve. Elle avait beau n'avoir consommé aucune substance non-recommandée dernièrement – les dernières vingt-quatre heures peut-être -, ses sens étaient malgré tout diminués, atrophiés, par toutes ces expériences dangereuses qu'elle avait effectuée sur son propre corps. Elle ne pouvait même pas être en colère contre elle même pour avoir fait cela. Et n'attendait que le prochain moment où elle pourrait s'échapper de ses murs pour recommencer. Encore. Jusqu'à ce qu'elle s'effondre dans une rue et ne devienne qu'un corps inerte ?

Ses sens amoindris – ou peut-être était-elle juste moins douée qu'elle se complaisait à le croire – lui avaient fait défaut et elle se retrouvait trempée. Le poids de l'eau qui venait de lui tomber dessus l'avait presque fait s'effondrer au sol, mais elle avait tenu bon. Elle était trempée mais debout. Elle n'était pas encore ce corps inerte qu'elle finirait par devenir un jour. Pas encore.

Et ça recommençait, c'était reparti pour un tour. Elle dessina rapidement une brise chaude qui la sécha en un éclair, pour se trouver de nouveau trempée. A ce rythme elle ne tiendrait plus longtemps sur ses jambes. Elle bloqua cette pensée, s'empêchant de ressentir cette faiblesse en elle, la remplaçant – la couvrant plutôt – par une volonté de vaincre, de réussir. Elle arrivait toujours à ses fins. Elle se savait douée. Ou n'était-ce qu'une arrogance mal placée ? Et l'exercice s’enchaînait. Toujours un peu différent, jamais le même dessin, elle se retrouvait trempée, glacée, frigorifiée, ou autre encore. Tout ce qu'elle parvenait à faire c'était de l'éviter au dernier moment, elle était invisible à ses sens dans les Spires. Elle sentait ses forces s'amoindrir, sa concentration et volonté lui échapper peu à peu.

Elle était là à ses côtés, la poussant dans ses retranchements. Elle la sentait, toujours plus haut, toujours plus loin, toujours plus rapide. Toujours insaisissable. Elle ne laissait aucune trace de son passage derrière elle, elle était incapable de la pister, de la suivre, de s'approprier son oeuvre avant qu'il ne bascule dans la réalité. Jusqu'à ce qu'elle réalise que ce n'était pas ce qu'elle devait faire, pister une route déjà à moitié effacée, quel en était l'intérêt, si tu ne pouvais rattraper le retard à temps ? Elle ferma les yeux, se fit toute petite dans les Spires, usant de ses autres sens pour réussir à la trouver. C'était un peu comme une partie de cache-cache, de cache-cache imaginaire dans un monde n'existant que dans leurs têtes.

Et puis soudain elle la vit. Non, la sentit serait plus exact. Comment n'avait-elle pas pu la remarquer avant, elle jouait avec elle, restant à sa portée mais invisible à quiconque n'y prêtait pas attention. Ce n'était pas la seule présence dans les Spires, elle pouvait sentir ses camarades qui s’entraînaient, ou ceux ayant juste laissé traîner une partie de leur esprit en ce monde. Elle coupa court au dessin que son professeur s'apprêtait à faire basculer dans la réalité. Et elle s'écroula.

Le souffle court elle tenta de se relever, n'arriva à rien d'autre que de s'appuyer sur ses bras et de menacer de tomber de nouveau. Cet exercice n'aurait pas du lui demander tant de force. Ses boucles étaient trempées, mais pas que de la cascade d'eau qu'elle avait reçue précédemment. Avec difficulté, elle se releva, comme si rien ne s'était passé, comme si son corps ne l'avait pas lâchée :

- On continue ?


Myra Ril'Otrin
Myra Ril'Otrin

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MessageSujet: Re: Le chat est parti, dansons   Le chat est parti, dansons Icon_minitimeMar 18 Aoû 2015 - 19:22

Le déclic se fit. Lentement. Loeva mit une dizaine de minutes avant de mettre son esprit dans la réflexion. Pour certains, l'apprentissage se faisait lentement. Myra avait une mémoire photographique tout aussi bien qu'auditive. Tout ce qu'elle lisait ou entendait, restait indélébile dans son esprit. Mais pas tous avaient la chance de posséder un tel don. Le Dessin et une mémoire d'éléphant. La femme possédait deux dons complémentaires.
La teylus était cependant encore trop jeune pour avoir les réflexes que sa professeur possédait. Toutes ces habitudes acquises durant ses longues études, tout ce savoir qu'elle avait stocké dans son esprit qui ne manquait pas de place pour celui qu'elle allait encore acquérir. Myra était consciente qu'elle en demandait parfois peut-être un peu trop à ses élèves, que ses cours étaient un brin plus élevés qu'ils ne devraient l'être. Mais ne devait-elle pas les préparer au mieux ? Ne devait-elle pas leur enseigner le dessin ?

Ou peut-être n'était-ce pas l'unique raison... Elle entendait les rumeurs. Sur l'Académie de Merwyn. Et sur son enseignement. Celui qui prenait le plus de claques était le sien. Les cours de Dessin à l'Académie de Merwyn... Barbares du nord, fausse Académie, moins reconnue que celle de la capitale.
Et Al-Jeit se donnait à coeur joie de détruire la réputation des cours de la primat. Pourtant, elle y avait été élève. Les rumeurs circulaient pourtant, sur ses élèves, sur ses cours, sur elle...
Ses cours étaient plus avancés que ceux de l'Académie d'Al-Jeit de peu. Un élève de première année à l'Académie en apprenait plus qu'un élève de même niveau à Al-Jeit. Volontairement.
Myra voulait le mieux pour ses élèves. Elle leur offrait toutes les clés pour leur futur. A tous. A Loeva devant elle, suant devant l'ampleur de l'exercice. La poussant à découvrir ce qu'elle-même avait mis du temps à comprendre.
La primat aimait ses élèves. Comme une mère aime ses enfants.

... Loeva finirait par comprendre.

Le déclic se fit. Loeva arrêta de tourner en rond, d'essayer de déterrer des traces invisibles. Elle s'arrêta, réfléchit. Se concentra. Arrêta de penser à son but. Il ne suffisait pas de concentrer toute son attention sur le bout de la route, il était alors facile de se prendre les pieds dans un cailloux et de tomber le nez dans la poussière. Chaque étape était importante, aucune n'était à négliger. Et Loeva ne pensait alors qu'à prendre le contrôle du dessin, oubliant quelques courbes dans l'équation.
Le déclic. Loeva ferma les yeux, enfin. Sa professeur baissa légèrement sa barrière invisible. Son sourire s'élargit, son coeur rata un battement. Son esprit à quelques pas de celui de son élève, elle dessinait, attendant le moment où son oeuvre serait effacée d'un coup de gomme...

Elles sortirent des Spires. Pas de dessin. La teylus s'effondra sur le sol, essoufflée, incapable de se relever. Myra s'approcha, fronça les sourcils. Cet exercice fatiguerait son élève, mais n'aurait pas dû la faire s'effondrer. Aurait-elle surestimée son exercice ? Son élève ne dormait-elle pas assez ? Lorsque la dessinatrice posa sa main sur l'épaule de son élève, elle remarqua la sueur collante sur son front. La jeune fille se releva lentement, Myra l'attira vers un banc non loin d'elles.


- Souffles un peu d'abord.

Loeva, assise, reprenait difficilement son souffle. Myra l'observait, debout à quelques pas, attendant que le coeur de la jeune fille se calme, que ses mains cessent de trembler.

- Alors ? Qu'as-tu appris ?

Le silence dura quelques secondes supplémentaires avant que l'élève teylus ne prenne la parole. Myra ne put retenir un sourire fière.

- Cela ne t'offre-t-il pas une tout autre dimension à l'Imagination ?

Une tout autre dimension qui n'aurait pas dû l'affaiblir à ce point. Et Myra reconnaissait ce regard que la jeune fille voilait. Cette faiblesse soudaine n'était pas dû au hasard. La primat fronça les sourcils.

- Loeva. Dis-moi pourquoi t'es-tu effondrée tout à l'heure ? Tu sais que cet exercice n'aurait pas dû te demander tant d'efforts.

Loeva Kaïga
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MessageSujet: Re: Le chat est parti, dansons   Le chat est parti, dansons Icon_minitimeMar 18 Aoû 2015 - 21:51


Comment avait-elle pu se laisser arriver dans cet état ? Comment avait-elle pu se retrouver au sol ? Comment avait-elle pu se laisser humilier de cette façon ? Depuis quand un si petit effort lui demandait tant de force ? Elle avait fait pire, bien pire, elle était déjà montée plus haut, restée plus longtemps, poussé l'effort plus loin, sans qu'elle n'en finisse ne serait-ce qu'essouflée. Que s'était-il passé ? Pourquoi ? Pourquoi mainenant ? Alors qu'elle était dans un cours particulier, qu'elle n'avait aucun endroit où se cacher le temps de se recomposer un visage normal. Alors que toute l'attention du professeur lui était dirigée. Elle se retint in extremis à repousser la main étrangère qui s'était posée sur son corps sans crier gare. On ne repoussait pas une femme enceinte déjà. Et on ne repoussait pas Myra Ril'Otrin ensuite, parce qu'elle finirait par poser plus de questions encore que ce qu'elle avait sûrement déjà en tête. Et elle n'avait pas envie de répondre à la moindre question – qui ne soit en rapport avec le cours bien entendu.

Elle l'emmena jusqu'à un banc, malgré sa peur première du contact avec autrui, elle la remercia intérieurement de ce répis. Assise elle arriva peu à peu à reprendre son souffle, ses mains tremblaient sous ses yeux embués. Qu'est-ce que ? Elle n'eut pas le temps de paniquer qu'elle se souvint qu'elle n'était pas seule. Peu à peu, elle reprenait le contrôle de son corps décharné, ignorant les signaux d'alertes qu'il lui envoyait. Plus tard, plus tard elle s'en occuperait. Elle avait quelques herbes cachées dans l'Académie qui, mélangées à un thé, l'aideraient à faire passer ses vertiges incompréhensibles.

Etonnament elle ne l'a noya pas immédiatements de questions. Mais elle savait pertinnement qu'elle n'y échapperait pas. On ne manquait pas de s'évanouir pour un rien. On ne tombait pas au sol comme ça. Ce n'était pas... commun. Elle attendit quelques secondes avant de répondre, le temps d'être sûre de pouvoir contrôler sa voix.

- Qu'il faut faire attention à ce qui nous entoure. Ne jamais mettre le moindre détail de côté, parce que c'est peut-être ce détail qui nous permettra de réussir.

De vaincre.

Oh, elle aurait pu en dire tellement plus. De ce qu'elle avait appris en ces quelques temps passés ici. De ce qu'elle ressentait, de ce qu'elle craignait. Son corps la lâchait-elle, ou n'était-ce qu'un moment de faiblesse égaré ? Oui ce n'était qu'un hasard, qu'un méchant et malheureux hasard. Ce n'était qu'un moment de faiblesse dû au manque de sommeil, aux émotions qui la traversaient dernièrement, au trop plein d'un peu tout ce qu'il s'était passé. Oui, c'était ça, c'était sûrement ça. Elle arrivait presque à s'en convaincre. Elle n'avait qu'à esquiver ses questions, qu'à se trouver une excuse, non pas un mensonge non, puisque ce n'était qu'un hasard, qu'un malheureux coup du sort. Rien d'autre, rien d'autre. Elle arrivait presque à s'en convaincre. Dès qu'elle sortirait de ce cours elle se préparerait un bon thé avec ces quelques herbes, et ça irait mieux. Oui, ça irait mieux, ça irait mieux.

Elle hôcha la tête à la question qui suivit, trop concentrée sur l'idée de rester droite sur son siège, de garder constance, pour en dire plus. Et puis évidemment, la question tant redoutée suivit. Oh, elle aurait été bien bête et ignorante de se dire que Myra Ril'Otrin ne lui dirait rien et continuerait son cours comme si de rien était. Elle aurait pourtant tant aimé s'accrocher à cette possibilité. Elle n'avait pas de mensonge tout prêt, elle n'excellait pas dans cet art qu'elle connaissait peu pour l'avoir rarement pratiqué.

- Je..., commença-t-elle, priant la Dame et le Dragon pour que sa voix ne s'étrangle pas sur ses mots.

Parce que mes jambes sont trop maigres pour supporter le poids de mon corps. Parce que mon corps est trop faible pour supporter le poids de l'effort.

- Le manque de sommeil je pense.

Elle osa relever un peu la tête pour croiser le regard de son aîné.

- Vous savez depuis le retour de Jehan... Hil'Jildwin

Ils avaient tellement pris l'habitude, tous ces élèves, à n'utiliser que son prénom.

- Les dortoirs ne sont plus très calmes le soir.

Oh que ce mensonge était grotesque.

- Alors c'est dur d'avoir des nuits complètes... Et à force

Garder un ton normal, habituel, pondéré. Sshh.

- Je dois manquer de sommeil. C'est tout.

Oui, c'était tout. Rien d'autre, rien d'autre. Rien qu'une petite fatigue passagère, parce qu'elle passait trop de temps à festoyer avec ses amis et que son temps de sommeil en était donc réduit. Rien d'autre, rien d'autre.


Myra Ril'Otrin
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MessageSujet: Re: Le chat est parti, dansons   Le chat est parti, dansons Icon_minitimeLun 26 Oct 2015 - 23:15

Mensonge. Bien trop gros pour une jeune fille comme Loeva. Un mensonge volontaire pour voiler une évidence certaine. Quelque chose clochait et la teylus désirait le cacher à son professeur et à tous ceux qui oseraient poser la moindre question. Myra voyait cette évidence dans ce regard brillant que la jeune dessinatrice lui lançait. Malgré elle, presque implorant. Le mensonge même ne pouvait dissimuler bien longtemps les sentiments d'un regard. Ou ceux du coeur. Et la Primat connaissait ses élèves pour les avoir dans ses pattes depuis plusieurs années déjà.

Le manque de sommeil. Le retour de Jehan. Les dortoirs agités. Elle disait ne pas dormir la nuit. Son mensonge était grotesque. Comment avait-elle pu espérer que Myra croirait à ses histoires ? Comment avait-elle pu penser qu'elle la laisserait tranquille après un évanouissement comme celui-ci ? La dessinatrice doutait parfois que ses élèves la connaissent réellement. Et pourtant, ils la connaissaient que trop bien. Des trois Primats, elle était celle qui développait le plus d'inquiétudes pour les élèves de l'Académie. Rapidement. C'était un fait et tout le monde le savait.

Son mensonge n'en était qu'un demi. Il était vrai que les dortoirs s'étaient agités quelques temps après le retour du véritable Intendant de l'Académie de Merwyn, leur Jehan Hil'Jildwin national. Rien de bien étonnant en ces lieux. Ces petites fêtes improvisées n'ont cependant pas duré longtemps, les Primats s'en étant chargés personnellement aux moyens de quelques regards noirs et grands cris. Dessins parfois, en ce qui concernait la femme. Les élèves se comportaient à nouveau calmement et cela depuis plusieurs semaines déjà. Sa fatigue ne pouvait provenir de ces fêtes clandestines.
Loeva mentait à son professeur.


- Me prendrais-tu pour une idiote ?

La réaction de la Primat sembla perturber la jeune femme encore tremblante. Il n'était pas courant de voir la dessinatrice être si directe, elle prenait toujours des gants avec ses élèves, surtout lorsqu'elle voyait bien qu'ils n'étaient pas dans leur meilleur jour. Myra Ril'Otrin, maître dessinateur de l'Académie de Merwyn, une mère et protectrice pour tous les habitants du grand bâtiment au nom de Ril'Avalon. Douce et compréhensive, souriante et calme.
Sauf lorsqu'elle pensait qu'être dure était nécessaire. Et la teylus avait besoin qu'on la pousse un peu. Elle semblait fuir toute discussion, elle semblait fuir tout aide qui s'offrait à elle. Myra en aurait mis sa main à couper.

La dessinatrice, toujours assise à côté de son élève, un mètre de distance les séparant, observait son élève. Cette dernière venait de tourner à nouveau son regard dans le vague. Myra ne souriait plus. Ses iris orangées toujours douces et apaisantes, mais son sourire s'était dissipé.


- Loeva, me croirais-tu idiote ?

La jeune femme ne répondit pas. La fatigue peut-être avait-elle également pris ses répliques en otage ? La primat ne bougea pas d'un pouce, son regard toujours posé sur la teylus.

- Tu sais, comme tous tes camarades, que j'ai traversé une période difficile. Vous ignorez seulement la raison, mais savez qu'il fut une période où je n'étais... plus moi-même. Je vous sais assez intelligents pour l'avoir remarqué.

La femme aurait tout donné pour oublier ces mois de torture... Ces regards posés sur elle, interrogateurs ou inquiets. Ces coups d'oeil curieux, ces sourires compatissants. Deux personnes étaient alors au courant, le reste de l'Académie ignorants de la blessure visible de la dessinatrice. Elle aurait tout donné pour effacer cette partie de sa vie... Tout. Encore aujourd'hui, elle surprenait des murmures aux coins des couloirs d'élèves se demandant ce qui avait bien pu arriver à Myra Ril'Otrin.
Ils l'avaient tous vu. Son regard vide, son visage creux, sa peau livide.


- Je connais ce regard, pour l'avoir vu tant de fois dans le miroir. Soit, tu ne veux pas en parler. Mais sache que j'ai fait l'erreur de garder certaines choses pour moi. Aujourd'hui encore, ces souvenirs me font souffrir. Parles à qui tu veux, Loeva, mais parles. Ne caches pas tes tourments. Tu sais que je suis là, mais je ne te forcerais pas.

La dessinatrice ne bougeait pas, ses mains posées sur son ventre maintenant imposant. Elle le sentait parfois bouger. Ce petit serait un battant, un petit guerrier. Grande gueule, tant ses coups étaient forts. Elle le pressentait.

- Ta santé passe avant le dessin, je t'interdis de forcer. Tu n'es pas au meilleur de ta forme, je refuse de continuer si tu forces sur ton don. Vois ce qui s'est passé, ce n'est pas anodin. Nous venons à peine de débuter l'exercice et je te connais, je connais tes limites, tu peux aller bien plus loin que cela, tu es plus résistante et tu ne peux pas avoir tout donné lors de cet exercice.

Elle posa sa main sur le genou de son élève.

- Parles, Loeva, parles à quelqu'un même si ce quelqu'un n'est pas moi. Mais parles.



Loeva Kaïga
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MessageSujet: Re: Le chat est parti, dansons   Le chat est parti, dansons Icon_minitimeJeu 21 Avr 2016 - 21:33

Comment avait-elle pu ne serait-ce qu'espérer que ce serait suffisant ? Que ce mensonge fonctionnerait ? Qu'elle la croirait ? Ne la connaissait-elle pas, cette Myra-mère poule, à force de l'avoir dans les pattes depuis quelques années désormais ? Ne savait-elle donc pas que jamais, au grand jamais, elle ne croirait quelque chose de si grotesque. Oh non, ce n'était pas Myra l'idiote dans cette histoire, mais notre petite Loeva. Elle était censée être plutôt intelligente pourtant. Ou en tout cas elle se plaisait à le croire. Et à le faire croire. Avait-elle trop facilement cru, à tous ces compliments qu'elle recevait toujours, pour en oublier la méfiance la plus basique ?

Et elle se concentrait, autant qu'elle le pouvait, pour ne pas recommencer à trembler. Son regard était toujours embué, elle savait qu'elle recommencerait à voir normalement dans quelques minutes, quelques secondes, ce n'était jamais très long, ce genre d'effets secondaires. Ses mains, posées sur ses genoux, restaient stables grâce à la pression qu'elle exerçait dessus. Elle savait très bien que cette attitude de façade tomberait en miette dès qu'elle tenterait le moindre mouvement. Qu'elle tente de se lever et elle s'effondrerait de nouveau. Qu'elle tente de dessiner un pas sur le côté et... elle préférait ne pas savoir ce qu'il adviendrait alors. Elle ne pouvait pas fuir.

Alors elle évita son regard, parce que c'était là la meilleure fuite à laquelle elle avait accès. Elle tourna la tête pour cacher ses yeux qu'elle savait, malgré elle, implorant. Ils imploraient la Maître Dessinatrice de taire ses questions, de taire ses doutes, de taire ses peurs. Parce qu'ils faisaient bien trop écho à ceux de la jeune femme.

Elle inspira. Retint son souffle. Expira. Calmer les battements de son coeur. Ralentir ce tonnerre qui résonnait en elle. Shh, tout va bien, tout va bien.


Elle s'inquiétait bien malgré elle. Jamais elle n'avait été si faible si longtemps. Pas depuis son retour de la Confrérie en tout cas. Et puis elle n'avait rien pris. Rien. Juste dessiné. Juste poussé un peu l'effort. Et encore, quelques mois plus tôt elle aurait pu pousser plus loin, bien plus loin. Et c'était là ce qui la désolait. Elle perdait ses capacités. S'étiolait peu à peu. Et ça ne se ressentait pas que dans son corps décharné. Ce corps qui ne suivait plus son esprit. Ce corps qui attirait toujours tant de regards jaloux, tant de regards voyeurs. Ah, s'ils savaient. Mais même ceux devant qui elle s'était mis à nue - littéralement, entendons-nous bien – ne s'étaient pas inquiétés en voyons sa maigreur, ses cicatrices. Etait-ce l'effet de l'alcool ? Ou simplement une habitude à la violence qu'ils semblaient tous avoir ici ? Une indifférence peut-être ? Ou, au contraire, un goût ? Et ces regards qui ne changeaient pas en la découvrant nue, ils l'avaient rassurée. Elle devait sûrement s'inquiéter plus que de raison, puisqu'elle était seule dans ce cas. Ou peut-être était-ce dû à son ressenti propre ? Pas seulement la vision de ces côtes marquées, mais la sensation intérieure qu'elles pourraient se briser bien trop facilement ?

Inspirer. Retenir son souffle. Expirer. Son coeur commençait enfin à se calmer. Elle pouvait relâcher un peu la pression qu'elle exerçait sur ses mains sans qu'elle ne se remette à trembler. Pas complètement encore. Elle tituberait si elle se levait. Si elle arrivait à se lever. Elle ne pouvait toujours pas fuir. Et Myra s'impatientait. Elle fuyait toujours son regard.

Elle retint le sursaut qui la prit lorsqu'elle sentit une main se poser sur son genou, d'un geste presque tendre, presque inquiet. Non. D'un geste inquiet. D'un geste collant parfaitement à cette image de Myra-mère-poule.

Une larme coula malgré elle sur sa joue. La fatigue sûrement. Peut-on pleurer de fatigue ?

Elle entendait vaguement ce que lui disait son professeur. Comme si elle était loin. Comme si elle parlait d'une voix sourde. Une voix qui peinait à couvrir le bourdonnement à ses oreilles.
Ne pas trembler. Tenir bon. Inspirer. Retenir son souffle. Expirer. Il prenait son temps pour se calmer, ce coeur.
La main de Myra n'avait pas quitté son genou. Elle sentait le regard sûrement emprunt d'inquiétude, de compassion, qu'elle posait sur elle.
Shhh. Tenir bon. Tout va bien.
Peut-être qu'à force de se le répéter elle finirait par s'en convaincre.
Inspirer. Retenir son souffle. Expirer.
Elle prenait beaucoup trop de temps. Elle le savait. Et cette angoisse sourde ne l'aidait guère à se calmer. Il faudrait peut-être qu'elle passe à la Confrérie. C'était peut-être un contre-coup de sa blessure. Elle n'était peut-être pas aussi guérie qu'elle le croyait ? Non, elle savait très bien que ça n'avait rien à voir. Tout au plus ça la rendait plus sensible, plus fragile. Les Rêveurs ne pouvaient rien faire pour elle. Personne ne pouvait rien faire pour elle.
Et sans vraiment qu'elle s'en rende compte, les mots jaillirent de sa bouche. D'une voix qu'elle ne reconnaissait pas, d'une voix qu'elle ne se connaissait pas.

- Pourquoi ?

D'une voix où la peur se mêlait à la colère.

- Pourquoi ?

D'une voix de petit châton perdu.

- A quoi ça servirait ?

De petit châton seul.

- A quoi ça servirait de parler ?

Et en colère.

- Et pour dire quoi ?

En colère contre le monde, contre tout, contre rien.

- Que je ne sais pas ce qu'il m'arrive ? Que je ne sais pas pourquoi je suis comme ça ? Pourquoi je suis si faible ? Si inutile ? Si stupide ? Si incapable ? Pourquoi j'ai l'impression d'avoir un corps de vieillarde ? Pourquoi, peu importe la quantité de nourriture que je peux ingurgiter, je ne vais pas prendre un gramme ? Pourquoi je suis incapable de devenir plus forte ? De m'améliorer ? Qu'au contraire, plus le temps passe, et moins j'y arrive ? Pourquoi ? A quoi ça sert de parler ? Et à qui ? A des gens qui seront, de toute façon, aussi perdus que moi, puisque je n'ai aucune idée de ce qui peut bien m'arriver ? A des gens qui ne pourront rien y faire ? Qui ne pourront pas m'aider ? Qui, au mieux, seront désolés ? A quoi ça sert de parler ? A quoi ? Pourquoi ?

D'une voix brisée.


Myra Ril'Otrin
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MessageSujet: Re: Le chat est parti, dansons   Le chat est parti, dansons Icon_minitimeVen 12 Aoû 2016 - 21:25

Tant de réflexion, de souffrance dans ce regard. Par cette main posée sur son genou, la dessinatrice pouvait sentir les tremblements qui agitaient le corps frêle de la jeune fille. Des tremblements qu'elle connaissait que trop pour les avoir ressenti elle-même quelques mois plus tôt. Et ces temps-ci parfois encore...
Sentir l'odeur nacrée d'un vin, voir une bouteille posée plus loin, son corps réclamait sa dose de bien-être. Tant habitué à le ressentir en lui, il le réclamait. Certes, moins acharné qu'à l'époque. Beaucoup moins. Malgré tout, elle le ressentait encore. Ce manque.
Elle n'avait pas le droit de craquer. Pas pour son propre bien, non. Pour celui de son enfant à venir. Celui qui grandissait en son sein, qui serait bientôt le joyau de sa vie. Son enfant.
Les tremblements, elle les ressentait encore. Son corps s'en souvenait. Une marque à jamais gravée en lui.

Plusieurs minutes déjà que le silence avait pris sa place entre elles. Un silence lourd, pesant. Myra haïssait ne rien pouvoir faire... Voir une jeune fille au bord du malaise, savoir qu'elle cachait forcément quelque chose, mais ne pas en connaître les détails. Elle haïssait l'ignorance.
Et pourtant, elle attendait. Loeva devait prendre seule cette décision. Celle de se confier ou non. De souffrir seule encore ou de tendre la main vers l'extérieur.
Soudain, sa bouche s'entre-ouvrit. Et elle parla. Voix semi-muette, presque inaudible, essoufflée. Une voix incertaine, tremblant d'une potentielle confidence à son professeur. Cette dernière ne bougea pas d'un cheveu, attendant patiemment que la jeune fille prenne sa décision.

Pourquoi...

Sa voix était un étrange mélange de peur mêlé à la colère. Déstabilisant et pourtant un écho dans le coeur de la femme. Ces sentiments, si proches. Pour les avoir côtoyé. Jours et nuits.
Peur du regard des autres, colère de ne pouvoir s'en sortir, peur de perdre le semblant de fierté qu'il reste, colère de rester plantée là à ne rien faire d'autre que de noyer son mal.
Elle se souvint de ce sentiment qui se profila après ceux-ci. Cette impression d'être tout simplement perdue, livrée à elle-même. Seule dans une bulle, un cercle vicieux et sans fin. Avec un corps qui ne cherchait qu'à assouvir son besoin devenu primaire... Alors que dehors, d'autres n'attendaient qu'un geste d'elle pour la sauver.

A quoi ça servirait de parler ?... Pour dire quoi...

Bribes de phrases se transformaient soudain en monologue brisé. Et Myra sentit une colère monter en elle. Parce qu'elle connaissait la réponse de la jeune fille, donnant cette impression que les mots sortaient de sa propre bouche et non de celle de son élève.
La professeur retira sa main, se retourna. Droite aux côtés de son élève, son ventre proéminent, elle glissa sa main jusqu'au menton de la jeune fille, l'obligea à relever la tête, se retourner pour faire face au regard ambré de la dessinatrice.


- Parler ne sert à rien, tu as raison. Tout le monde se fiche bien des problèmes des autres, je me suis toujours moquée de vous tous, naturellement. Pourquoi me préoccuperai-je de mes élèves ? Pourquoi voudrais-je les aider à la moindre occasion ? C'est ridicule. J'ai tord et tu as raison, parler ne sert à rien.

La primat ne relâche pas le menton de la teylus, la maintenant prisonnière de son regard.

- Il vaut mieux se murer dans son silence et attendre que ça passe seul, malgré l'évidence même que tout ne se règle pas en solitaire. Tu as raison, il n'existe qu'une solution. Attendre que tout se règle de soit-même. Pourquoi se confier et peut-être trouver une graine de bonheur dans le soutiens d'un ami ? Quelle idée insensée. Tu as finalement raison, je suis idiote d'y avoir pensé ne serait-ce qu'une seconde.

Relâchant alors le menton de la jeune fille, elle se releva, se retourna. Laissant la jeune fille reprendre ses esprits.
La vigie, une coupole vitrée, donnait un panorama vertigineux à la vue. La primat se dirigea vers le rebord, mains sur son ventre. Loeva était une enfant, malgré tout. Une enfant perdue en proie à d'effroyables terreurs.


- Malgré tout, je suis bien obligée de te dire une vérité qui m'est impossible de réfuter... Tu es forte. Plus que tu ne le crois. Et la Dame sait combien j'ai raison.

Je sais que tu me pense bête et ignorante, mais je sais que tu es plus forte que ça.

- Je ne peux t'empêcher de penser du mal de toi, même si je passais des heures à essayer de te convaincre du contraire. Même si je te disais que tu n'es pas faible, moi qui est ton professeur je le vois bien, que tu n'es ni inutile ni stupide ni même incapable. Mais tu ne m'écouteras pas. Alors à quoi bon se battre pour une jeune fille à laquelle j'ai fini par m'attacher ? Pourquoi m'arracher le coeur à m'inquiéter pour elle ? A m'inquiéter de sa santé ? Tant que tu ne voudras parler, je ne peux rien pour toi. Et je continuerai à me mordre les doigts de te voir ainsi... Ne sachant ce qu'il se passe, ne sachant que faire...

La professeur restait là, le regard perdu dans le vague, le sentiment que Loeva se fermait de plus en plus. Et cette mauvaise impression d'être incapable de l'aider...

- Tu ne sais pas ce qu'il t'arrive ? Pourquoi alors ai-je pourtant l'impression que tu as un début de piste lorsque tu me parles de ton corps ? De ton incapacité à prendre un seul gramme quoique tu puisses manger ?

Elle soupire. Plus par détresse d'être inutile que par énervement.

- Maintenant, tu as deux possibilités. Soit tu te décides à bouger ton cul pour changer tout ça et devenir enfin cette personne que tu penses ne pas être, régler tes problèmes une bonne fois pour toute avec l'aide des gens qui s'inquiètent pour toi. Soit tu te mure dans ta complaisance de l'ignorance de tous et tu coule pour de bon.

Les mots, elle les voulait forts. L'impact, déterminant.

- A toi de voir. Soit je reste, soit je pars.

Le pari était osé.

Loeva Kaïga
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Brasier
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MessageSujet: Re: Le chat est parti, dansons   Le chat est parti, dansons Icon_minitimeSam 11 Mar 2017 - 12:16

Inspirer. Retenir son souffle. Expirer. ça ne servait à rien. Rien du tout. ça ne marchait pas. Sinon sa voix aurait tenue. Mais sa voix l'avait trahie. Ainsi que son regard. Et son corps. Qu'importait qu'elle maîtrise son souffle, si le reste de sa personne ne suivait pas ?
Elle abandonna.
Elle aurait pu pourtant, profiter de cette seconde où Myra Ril'Otrin se détournait d'elle, pour se recomposer un semblant de visage et calmer les tremblements de son corps. Mais même si elle l'avait fait, quel en aurait été l'intérêt ? Elle s'était grillée déjà. Elle ne se débarrasserait pas de Myra aussi facilement. Mais le voulait-elle seulement ?
N'en avait-elle pas marre, à force ? De fuir ? Toujours, sans cesse, tout le temps ?
N'était-ce pas là une manière de se l'avouer, qu'elle n'en pouvait plus, qu'elle n'en voulait plus, de cette fuite inutile et sans fin, qui ne la menait à rien ?

Elle se laissa aller à son souffle rauque et précipité. Se concentrer dessus pour le calmer, ne la calmait en rien, paradoxalement. Et elle s'était grillée, déjà. Il était déjà passé, le moment où elle pouvait se cacher derrière des mensonges. Alors pourquoi perdre son temps et son énergie à tenter de conserver un semblant d'ineptie ?

Elle se laissa faire lorsqu'elle lui releva la tête, pour la forcer à la regarder. Elle ne contrôlait pas son regard, qui se voulait fuyant sans qu'elle ne le lui commande.
Elle ne faisait plus vraiment attention à ce qu'elle lui disait précisément. Le simple fait qu'elle soit toujours là, qu'elle s'adresse à elle, lui suffisait pour l'instant. L'empêchait de retourner à sa fuite ridicule.

En un sens, elle lui était presque salutaire, cette fuite. Elle n'avait pas à faire face à ses problèmes. Elle ne se penchait pas dessus. Elle ne se noyait pas dedans. A la place, elle continuait de vivre, elle continuait d'agir comme d'habitude, comme si tout était normal. Et ça devait bien être pour ça que les gens l'appréciaient. Que les Teylus l'appréciaient notamment. Si elle se morfondait dans ses malheurs, au lieu de se battre pour faire gagner des points à sa maison, les Teylus ne l'apprécieraient plus, forcément. C'était logique, juste logique.
Oh, avec ça elle ne créait aucun lien fort, aucune amitié proche et profonde. Mais vraiment, était-ce réellement utile ?
Elle trouvait, et de loin, plus agréable les moments où elle discutait de tout et de rien, de rien d'important, avec n'importe qui, dans la salle commune des Teylus, plutôt qu'un éventuel moment où elle s'apitoyerait sur son sort.
Elle allait bien, tout allait bien. A force de se le répéter, ça finirait bien pas devenir vrai, non ? Ce n'était pas comme ça que ça marchait ? Dommage, ç'aurait été fort pratique.

Les mots de la Primat sonnaient à ses oreilles, sans vraiment que leur sens ne s'impriment dans sa tête et fassent le lien avec son cerveau. Pourtant, inconsciemment peut-être, elle l'écoutait, et ça la touchait. Mais elle allait bien. Elle allait bien.

Elle n'avait pas vraiment remarqué que Myra Ril'Otrin l'avait lâchée, et s'était levée.
De son côté, elle s'était recroquevillée sur elle-même, illustrant à merveille le cours de ses pensées. Ses bras frêles entouraient ses jambes encore tremblantes. Peut-être espérait-elle que la pression qu'elle leur insufflait ainsi suffirait à les faire cesser de s'agiter.

De toute sa diatribe, elle n'entendit vraiment que ça dernière phrase. L'ultimatum. Presque par réflexe, elle répondit.

Partez.

Il lui fallut encore quelques minutes pour se rendre compte que c'était ses larmes à elle, qui trempaient ses jambes. Que loin de s'être calmés, les tremblements avaient repris de plus belle. Et surtout, surtout, que la Primat était toujours là, à la regarder de son air inquiet de Myra-mère-poule.

Elle n'avait pas réussi à articuler le mot fatidique, elle n'avait jamais répondu à son ultimatum. Le mot n'était jamais sorti de sa bouche.
Elle releva la tête, laissant ses larmes s'écouler sur ses joues.

- Je devrais aller bien. J'ai tout pour aller bien. Je ne comprends pas, je ne comprend rien. Je n'y arrive pas.

Elle parlait. Elle parlait mais elle ne disait rien.

- Peu importe ce que je mange, ce que je bois, ce que je fume, il ne se passe rien. Je ne ressens rien. Et ça me détruit plus qu'autre chose. Mais c'est la seule chose qui me fait vivre, qui me fait me sentir vivante.

Les sanglots étouffaient ses mots, à peine compréhensibles.

- Je ne suis qu'une coquille vide. Une imposture.

Elle les espérait compréhensible. Elle était bien incapable de se répéter.

- J'étais censée être la petite fille parfaite. Magnifique, sublime, à enchanter tout un chacun, juste grâce à mes cheveux. Noble sans en porter le nom, l'apostrophe. J'étais censée être le fruit d'un amour impossible, qui s'était malgré tout réalisé. La petite fille parfaite. Même mon nom le reflète. Loeva, c'est un dérivé d'"amour" dans une langue oubliée, sur ce monde en tout cas. La petite fille parfaite, fruit d'un amour bien trop parfait. Tellement parfaite que mon propre frère était la seule personne qui me détestait. Par jalousie, sûrement. Il était le premier né. L'enfant parfait, ç'aurait dû être lui.

Elle déblatérait ses mots, sans même réfléchir à ce qu'elle disait, à si c'était un tissu de mensonge ou une vérité qu'elle avait souhaité se cacher, dont elle avait souhaité se cacher.

- Et puis j'ai commencé à faire n'importe quoi. A me planter une épée dans le ventre, pour commencer. Prouvant grâce à ce geste, que même ce frère était incapable de me haïr.

Ses boucles blondes tombaient en cascade tout autour de son visage, masquant ses yeux embués.

- Vous voyez, j'ai tout pour aller bien. J'ai toujours eu tout pour aller parfaitement bien.

Sa voix se brisa sur ses mots.

- Alors je ne comprends pas...

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