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 La terre a continué à tourner [Terminé]

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Tifen Layan
Tifen Layan

Maître chantelame et marchombre
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http://magiccandle.hotgoo.net
MessageSujet: La terre a continué à tourner [Terminé]   La terre a continué à tourner [Terminé] Icon_minitimeMer 2 Fév 2011 - 20:17

A pas incertains, Tifen se rapprochait de la serre. Elle avait certes réussit à se convaincre qu'elle devait voir Ambre au plus vite, ça ne l'empêchait pas de craindre ces retrouvailles. En plus, elle ignorait où trouver sa sœur de cœur. Elle avait d'abord pensé au dortoir des Corbacs, puis à la serre. Après tout, cet endroit était très peu fréquenté, et elles s'étaient retrouvées là la dernière fois qu'elles avaient discuté. Peut-être qu'Ambre venait encore à cet endroit. Au fil de ses pas, la jeune femme constata avec surprise que le lieu avait très peu changé par rapport à ses souvenirs nocturnes. Il semblait avoir échappé au temps qui avait filé si vite, échappé aux conséquences de la bataille qui s'était déroulée, échappé à la destruction partielle de l'Académie. Les seules choses qui différenciaient son dernier trajet à la serre de celui-ci, c'était qu'il faisait nuit, la dernière fois. Et qu'elle était impatiente de retrouver la Corbac après un mois loin d'elle. Alors que cette fois ci, le soleil estival tapait fort, et elle hésitait à chacun de ses pas. Et ça faisait bien plus d'un mois qu'elle n'avait pu voir sa sœur de cœur.

Parvenue au pied du bâtiment, Tifen leva le regard vers le toit, mais choisit de se laisser tomber sur le sol, à proximité de branchages qui lui permettraient de monter si besoin. Inutile d'aller mourir de chaud en plein soleil alors qu'Ambre n'était visiblement pas là haut. Dans ce coin reculé de l'Académie, elle entendrait l'approche de personnes désireuses de se rendre à la serre. Il n'y avait normalement pas de cours pour enseigner aux élèves l'art d'observer les plantes, ce qui devait considérablement limiter la venue des étudiants bruyants.

Khan se posa à l'ombre d'un arbre, dédaignant les branchages qui protégeaient fort peu du soleil, sous le regard amusé de l'ancienne élève de Lupus. Après avoir passé les belles journées printanières dans une grotte, la chaude caresse du soleil était apaisante et si agréable. Fermant les yeux, elle se laissa tomber sur le dos et prit son mal en patience. Rien ne prouvait qu'Ambre allait venir, seule l'attente permettrait d'être fixée. Pourvu que son instinct ne l'ait pas trompé en guidant ses pas vers la bulle de verre. Ses pensées vagabondèrent, s'interrogeant sur la réaction à avoir quand elle reverrait sa sœur après tout ce temps. Que lui dire ? Des dizaines de phrases lui tournaient dans l'esprit, sans qu'une seule ne paraisse convenable.

Renonçant à l'idée d'anticiper quoique ce soit, Tifen songea alors à tout ce qui s'était passé depuis la dernière fois qu'elle était venue ici. Elle rentrait tout juste d'Hulm, à ce moment là. Elle était encore apprentie. Elle portait la marque d'une blessure récente -chose qui ne changeait pas. Avant à l'épaule, maintenant au dos. Encore des cicatrices qui ne disparaîtraient jamais totalement- et retrouvait avec joie l'Académie. Entre temps, elle avait passé l'Ahn-Ju, avait fini ses formations, échoué au Rentaï. Eté absente lors de la prise de l'Académie. Elle était tombée par hasard sur la résistance externe, avait prit un apprenti, puis un second après la bataille extrêmement sanglante qui avait marqué la chute du chaos. Tant d'évènements en ce qui lui semblait un laps de temps à la fois étrangement court et affreusement long. Par la barbe -inexistante ou pas- de Merwyn, elle avait une bonne vingtaine d'années, maintenant. Elle n'avait certes plus l'impression d'avoir été répartie quelques jours auparavant, l'Académie ayant trop changé pendant son absence pour pouvoir retrouver l'ambiance de ses jeunes années, mais elle ne parvenait pas à croire que tant de temps ait pu passer depuis la fois où elle avait retrouvé Ambre sur le toit de la serre.

Et maintenant... maintenant, elle avait l'impression d'être ensevelie sous les tâches à réaliser. Même si la plupart ne demandait que peu de temps, elle ignorait beaucoup de choses -trop- concernant la manière dont Valen gérait les chantelames, et devait retrouver ses marques et les documents laissés par le Demi-Faël pour s'organiser au mieux et former ses apprentis. Complètement perdue dans ses pensées, Tifen finit par tout oublier du monde qui l'entourait, du vent qui balançait calmement les branches des arbres, du soleil, le bourdonnement lointain de l'Académie, inaudible dès qu'une rafale un peu plus forte faisait trembler les feuilles.


Ambre Naeëlios
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Marchombre
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MessageSujet: Re: La terre a continué à tourner [Terminé]   La terre a continué à tourner [Terminé] Icon_minitimeJeu 3 Fév 2011 - 0:46

"On irait par les vents... "
Non. C'était autre chose.
Une histoire obscure de constellation? A quoi ça ressemblait, déjà? Cette manière de voir. Avant. Quand la passion rendait con, quand la passion rendait vivant, qu'on transcendait nos silences, du bout des doigts, qu'on se disait poète, sans rien savoir. Marchombre, en titubant, ivres de nos voyages, des constellations qu'on se créerait. Là, on se glisserait dans les étoiles, et plus loin encore, on aurait les moyens, on les inventerait. Après tout, nous étions du génie, nous y croyions, le monde serait différent. On arborait au visage ce sourire sauvage, idiot et candide. On s'aimait comme ça. Dans les étoiles, dans le noir, avec à l'entour de vagues lumières.

Qui brille? Foutu boucan. Ambre ne se souvenait pas du rêve. On lui en avait pourtant offert un, en soignant sa plaie, quand elle s'était évanouie- orgueilleuse puérile- au moment où il fallait aider à éteindre l'incendie. C'était le mal physique, son bras qui hurlait à la mort, ses muscles, le sang qui dégoutait comme un vicieux fleuve sale. Ou alors, c'était la conscience d'éteindre, de s'éteindre. Vint, vainc, vin, vain. Elle avait l'illusion de trombes d'eaux, en tous sens. La vie éparpillée, c'était elle. Décousue. Matière composite, mal assortie, pas harmonisée, toussa. A quoi bon? Elle ne savait plus trop.
Que s'étaient-elles dit? Quand Ena avait ordonné un exercice, que Tifen avait trébuché? Avaient-elles ri, décrié, serré les dents? Ou la fierté empêchait-elle de voir dans les évènements la crétinerie collégiale? La petitesse de l'univers était lassante, mais depuis quand?

"graver nos rafales hasardeuses"

Du bout des doigts, elle s'en souvenait, elle avait tracé les poésies marchombres: sur la bulle de verre, dans la terre meuble, sur la poussière des pavés, et puis, bah. A quoi bon s'étendre? Les mots sonnaient creux; elle aimait croire sa caboche pleine. Aujourd'hui, on a passé les 20ans. On pourrait en avoir 22, 35 ou 40, j'ai dans l'idée que ce serait pareil- notons, je le pensais déjà lorsque nous en avions 16- aujourd'hui, c'est dérisoire. Ambre redoutait d'avancer, de changer, et pourtant, ces derniers temps s'enchainaient de manière étouffante des retournements et transformations de sa situation. La sensation de ne plus rien mépriser -Oh, joli lapsus révélateur...- La sensation de ne plus rien maîtriser s'insinuait avec l'affection cruelle d'une lame dans la chair. Joli paradoxe. Elle prenait les choses en main, enfin. Elle se battait. Ambre voulait les routes, l'odeur sèches et étouffante du vent qui balaye les traces de pas. La jeune femme ne souhaitait pas marcher DANS les traces, juste; avancer avec le monde. Paisiblement. Loin des marchombres et de leur sacro-sainte harmonie. De toutes façons, ils n'y comprenaient rien eux-même et tournaient en rond autour de quelques paillettes de lueurs, charognards de valeurs. Elle pensa à Anaïel et se mordit la lèvre inférieure. Le mort qui ne valait rien, avec ses lèvres horizons et son sourire mordeur avait été le premier à la traiter d'esprit fermé depuis longtemps; à lui renvoyer dans les yeux une fierté qu'elle imaginait oubliée. Et même s'il était aussi méprisable que n'importe quel autre élève, Ambre sentait en lui vibrer la même corde qu'en elle. Qu'en Anaïel ou en Tifen, ou en Arro. Au delà des mots, des sensations et des castes. Juste quelque chose... une absurdité commune.

Elle laissait ses pas la mener, loin de tours, loin des draps, loin des portiques. Les voies la narguaient en douceur, comme les fossettes qu'ellle inventait à l'ermite; elle les débusquait pour mieux les fuir, pour moins les regarder, et reculer toujours. Dans les derniers retranchements. Dans les derniers refuges, dans les plus vieux souvenirs?

Khan l'avait rejoint, au combat, mais elle n'avait pas vu Tifen. Elle avait rejoint les flux des étudiants, courant pour l'incendie, l'eau, préserver ses vies dont elle se moquait éperdument, préserver les murs qui l'enfermaient, les toits qui cachaient les étoiles. Pour quoi, exactement? Au réveil, elle était au sol, comme tant d'autre, en paix, plus que jamais. Et crevée d'angoisse à l'idée que personne n'ait vu Tifen Layan. Elle n'avait osé demander à quiconque. Ni pour le tigre. Au cas où. Juste au cas où...
Si commémoration il y avait, elle n'irait pas. Les gens diraient ce qu'ils veulent; de toutes façon, à la majorité elle aurait voulu hurler qu'ils ne servaient à rien.
Merde aux morts. Ils avaient crevé dans le devoir, que demander de plus pour eux? Un éternel salut, une résurrection, aussi? Allons. Eux aussi pourraient avoir 23ans ou 80. ils avaient avancé, et parcouru leurs chemins comme il leur plaisait.

Elle se glissa souplement dans la serre, comme un souffle de vent. Il lui semblait parfois que le verre respirait. L'hiver, elle avait soufflé sur les carreaux cassé, abîmé les fleurs de givre, gratté la croute de terre de ses ongles courts. Parfois, juste une trace de mains, une trace d'impuissance, de manque de prise sur le réel. Parfois, les contours d'une vieille poésie marchombre, qui avait dû signifier quelque chose, un jour? Sauf pour Tifen, qui ne lisait pas. Qui la regardait faire, sans vouloir mettre de mots sur quoique ce soit.

"On irait par les vents/ graver nos rafales hasardeuses/ aveugles".

Ce devait être quelque part, sur le toit. Souvenir des étoiles, des constellations confortables du ciel connu, imuables. Les vagues lumières bouffée par le grand rayonnant. Trois pauvres lignes, de lettres qui, pour certaines, se supperposaient. Ca datait de deux saisons. Ca avait probablement disparu; et à quoi bon chercher? Ca barrait le ciel, aux rayons aveuglants- plus brillants même que le pelage de Khan. Qui, sinon les morts, pouvaient retenir les âmes à terre? Ca n'était pas grand, la serre, elle ferait vite le tour. Une fois, deux fois, trois petits tours, et puis, s'en va. Sauf que...


Tifen Layan
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Maître chantelame et marchombre
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MessageSujet: Re: La terre a continué à tourner [Terminé]   La terre a continué à tourner [Terminé] Icon_minitimeJeu 3 Fév 2011 - 18:40

Khan abandonna soudainement sa place à l'ombre de l'arbre le plus proche et attrapa la manche de la chantelame presque endormie en la tirant brutalement. Immédiatement sortie de ses pensées, Tifen se redressa en partie, surprise.

- Khan ? Qu'est ce que...


La fin de sa phrase mourut dans un murmure. Il y avait quelqu'un dans la serre, les oreilles du félin suivaient chacun de ses déplacements. Mais il restait assis, indifférent à la présence et se contentant d'écouter le moindre de ses pas. L'inconnu ne l'était donc pas pour le tigre, qui n'aurait pas agit de cette façon dans le cas contraire. La jeune femme tendit l'oreille, essayant de percevoir les mouvements captés par le fauve. En écoutant bien, elle percevait certes quelques frottements, sans pouvoir être certaine qu'il ne s'agissait pas du bruit du vent s'engouffrant par les vitres cassées. Mais Khan semblait formel, puisqu'il avait été jusqu'à la sortir de ses rêveries. Tifen se releva alors, essaya de discerner une ombre à travers le verre envahi par les mousses et les branches. Sans succès. Hésitante, mais en même temps pleine d'espoir, elle appela

- Ambre ?

Elle peinait à croire que son intuition ait pu être bonne, que sa sœur soit belle et bien présente à quelques mètres d'elle. D'un autre coté, peu d'autres personnes connues de Khan étaient susceptibles de venir jusqu'ici. Elle espérant tant que ce soit la Corbac. Ca faisait trop longtemps qu'elle n'avait pu voir sa sœur, qu'elle n'avait pu la serrer dans ses bras, échanger quelques mots, partager le silence. Combien de mois, de jours, d'heures, de minutes ? Ca dépassait largement ses compétences en matière de calcul, et Tifen ne voulu pas y penser. Il fallait que ce soit Ambre. Même si la discussion avec sa sœur de cœur était susceptible de porter sur des sujets qu'elle préférerait éviter. Même si elle allait devoir parler de son échec, l'énoncer à voix haute, comme pour l'ancrer un peu plus dans la réalité. Et peut être voir les prunelles de la Corbac se remplir de déception à cette annonce. Mais elle pourrait survivre à ça. Et elle avait besoin de voir Ambre. Besoin de s'assurer que sa sœur se portait au mieux. Khan l'avait vue blessée lors de la bataille, et Tifen s'était ultérieurement maudite de n'avoir pu être là. Nul n'avait le droit de blesser sa soeurette sans en payer les conséquences, namého.

Pas de réaction visible de l'autre coté de l'épaisseur buissonnante qui masquait l'intérieur de la serre. Khan ne réagissait plus aux mouvements de l'inconnu, qui était soit immobile, soit parti. La jeune femme ferma un court instant les yeux, espérant de toutes ses forces que la personne se soit arrêtée par surprise plutôt qu'elle soit déjà repartie faute de l'avoir entendue. Surtout si cette personne était celle qu'elle cherchait et voulait à tout prix voir. Dans le doute, elle demanda à nouveau, avec la désagréable impression de parler dans le vide.

- Ambre, c'est toi ?

Rafale un peu plus forte en réponse, s'engouffrant par les vitres fracassées, empêchant de savoir si ces quelques mots avaient été entendus, ou si la sensation de s'adresser aux feuilles n'était pas qu'une impression.


Ambre Naeëlios
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Marchombre
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MessageSujet: Re: La terre a continué à tourner [Terminé]   La terre a continué à tourner [Terminé] Icon_minitimeJeu 3 Fév 2011 - 22:32

Silences et souffles. Le vent rasait les murs de verre; on l'entendait glisser sur eux en plainte; et c'était apaisant de ressentir son froid, sa force, mais pas directement sur soi. Ambre avait l'impression que c'était un peu ça, sa vie en ce moment. Ressentir les choses, mais de manières indirectes, comme si elles ne lui étaient pas directement destinées.
C'était pourtant son nom qu'elle crut entendre.

Elle fronça un sourcil. Elle était éveillée. Elle avait marché, sans qu'on l'aborde -peu s'y risquaient de toutes façon, elle était réputée taciturne ou méprisante, par la noblesse comme la roture; sans faire partie de rien. La quiétude retrouvée par les murs poussaient les gens à se rassembler. A discuter à voix basse, puis de manière de plus en plus relâchée, mais timide, encore.
On regardait ceux qu'on avait manqué de tuer, yeux dans les yeux, et on leur tendait la viande de siffleur. Quoi d'autre, pour resserrer les liens? S'offrir des fleurs, des mots doux? Il y avait eu ces foutus mots, bon sang. Est-ce qu'on pourrait trouver autre chose à se dire? Quelque chose d'aussi pensé, d'aussi vrai, en retrouvailles? Ou on passerait nos temps comme des chiens de faïences, le sourire figé; à se demander allez-savoir quoi?

Qui l'appellerait? Qui l'appellerait ici? Ena, enfin? Elle n'était pas sûre de ne pas l'envoyer à la Grande Dévoreuse, de toutes façons. Enfin, si elle trouvait assez de volonté pour ça, elle n'était pas sûre. C'était peut-être plus facile de se conformer, comme Ewall pouvait le faire à son maître, à la masse, pour le spectacle.
Sans personne de valable dans l'univers, ce serait peut-être à faire. Se forcer, se dompter à devenir aussi domestique qu'un chat sans griffe, qu'une itinérante sans arme et sédantarisée.
Sourire à tout le monde, sans distinction, pourquoi pas aborder les plus jeunes, vanter leurs choix, leurs aspirations, leurs uniformes. Se laisser pousser les cheveux, et prendre deux apprentis sous son bras, avec l'air de ne pas y toucher. Elle ferma les yeux, épuisée d'avance. Son bras -guérit- mais qu'elle évitait d'utiliser, incapable de l'imaginer véritablement indolore- pendait lamentablement à son côté, frôlait son flan régulièrement, l'endroit où d'ordinaire un poignard était rangé.
Oh, elle échaffaudrait bien des plans d'armes pour l'avenir. Rencontrer enfin le forgeron...?

Mais non, quelqu'un appelait bien son nom. C'était ténu, mais indubitable.
Elle eut le réflexe -humain mais idiot Arrow - de reculer un peu. Le murmure était trop bas, trop étouffé par l'alentour pour être identifié, et elle ne voulait voir ou entendre personne.
De toutes façons, au mieux, elle aurait des questions, au pire, de la morale. Et Ambre n'y voyait à l'instant strictement aucun intérêt. L'idée suivante était de tourner la tête et les yeux dans différents sens, chercher d'où on avait pu la localiser. Se retourner en prenant garde à ne produire qu'un minimum de bruit.

Personne. Alors la jeune femme avança à nouveau, vers la lisières que formaient les arbustes retournés à l'état sauvage. Jusqu'à voir la lumière tombée -avec plus de pureté- à un endroit assez vaste. Moins empoussiéré. Des buissons plus haut, et quelques lianes, pas de fleur; il faut pas abuser.
Et le reflet feu du poil de Khan.

Une mini grimace lui tordit la lèvre, sans générer d'expression précise. Bien sûr, l'identification avait été instanténée, malgré les changements.
Tifen avait maigri, énormément. Et musclé. Forte d'entrainements sévères, guerriers, sans doute, elle avait perdu la douceur initiale de ses contours. Ses traits étaient tirés, pâles, marqués par l'isolement, la pénombre d'un bois, d'une grotte quelconque, de l'enfermement. La statique elle-même était légèrement modifiée, un peu gênée, un peu plus guindée que d'ordinaire- pas par volonté, par frustration musculaire. A vue de nez.
Et les yeux noirs brillaient.

Ambre déglutit en la voyant s'approcher, incapable de déterminer si elle allait mourir de joie, de tristesse ou de colère. Tant et si bien qu'elle recula encore, quand l'autre s'avança das-ns sa direction, présentant à son approche un front buté, un dos qui se ramasse. Elle le regretta instantanément, rien qu'en voyant l'expression de sa soeur d'arme se décomposer, et se recomposer presque dans l'instant. Elle se mit à trembler, comme au moment où l'adrénaline cesse de faire effet, comme saisie par un froid ou un mal terrible.

-Pardon.

Pardon de t'avoir enterrée malgré moi. Pardon de maintenir une distance, alors que tu es là. Pardon de m'être demandé, aussitôt que je t'ai vu, ce qui t'avait tenu loin de moi des jours encore après ton retour; d'avoir éprouvé la colère à l'idée de cette absence forcée. Pardon. C'est impossible de te prendre dans mes bras, je suis blessée. Et plus certaine de savoir qui je serai face à toi, s'il reste quelque chose à sauver. Pardon, je m'endeuillais pour toi, je ne t'attendais plus.

Son point se serra seul, les ongles plantés dans la paume rugueuse de sa main. Pas au point de saigner, juste, convulsivement. Le regard tendre, terrorisé, mouillé. Pardon. Je risque de pleurer si tu avances encore, je risque de te gifler. Je risque de te tomber dans les bras. Ce serait déraisonnable, complètement. Le regard blessé, terrorisé, tendre, qu'elle lui rendait, qui la crevait sur place l'obligeait à avancer, sans majesté, sans lenteur excessive.
Inspiration hiératique et mal aisée.

Petit sourire qui fendille le visage, le masque. Mais on s'en fout, bon sang, tu as raison, on est en vie. Khan regardait la scène, sans indifférence, juste avec ses pupilles acérées, son air doux et conscient de tout. Si tu la frappes comme te le dictent tes points, je mangerai immanquablement tes bras. Ambre tendit une main, se ravisa, s'assit, les doigts agités. Et si le Rêve- science qu'elle ignorait totalement, ainsi que ses effets- se poursuivait, l'illusionnait. Combien de chances y avait-il pour que sa soeur d'arme, ayant survécu, soit face à elle dans cette foutue serre désaffectée? Aucune, logiquement. Et il était impossible de demander si c'était vrai. Impossible.
Que dire? "J'ai du mal à croire que ce soit toi" "Je sais que c'est toi, je ne reconnais plus ton parfum, mais je le sais tien. C'est juste que c'est improbable" "Qu'est-ce qui t'a empêché de revenir" "Tu m'as manqué à en mourir" ?


-J'osais pas y croire... J'osais plus, tu comprends?

Laisse nous reprendre nos marques, nous asseoir. C'est un bel après midi, il nous faudra bien ça pour désapprendre la sollitude, tu ne crois pas? Parce que ça fait partie de notre vécu en commun, n'est-ce pas? Je dois me réhabituer à toi. Plus à l'image que j'avais de toi.

Tifen Layan
Tifen Layan

Maître chantelame et marchombre
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MessageSujet: Re: La terre a continué à tourner [Terminé]   La terre a continué à tourner [Terminé] Icon_minitimeVen 4 Fév 2011 - 15:54

L'attente silencieuse, avec l'incertitude que quelqu'un soit bien derrière, que quelqu'un l'ai entendue. Puis les bruits de pas, cette fois ci perceptibles, qui approchaient. Jusqu'à ce que la silhouette tant espérée d'Ambre se découpe entre les branchages. Le visage impassible. Tifen s'était imaginé bien des choses, mais pas ça. Pas ce mouvement de recul perceptible quand elle fit un pas dans la direction de la Corbac. Elle déglutit, avec l'impression de recevoir un coup de poignard. Et encore, un coup de poignard pouvait être moins douloureux, elle en était persuadée. Ca faisait tellement mal, tellement. Pourquoi ? Pourquoi tu recules, tu trembles en me voyant ? Pourquoi ce "Pardon", juste sans ajouter un mot ? Pourquoi tu restes loin ? Foule de questions qui jaillissaient dans son esprit, se mélangeant, se fracassant les unes contre les autres ou bien repartant avant même qu'elle ait conscience de leur présence. Pensées confuses, sa tête était douloureuse, et la douleur s'ajoutait à celle qui lui transperçait déjà la poitrine.

Ne pas pleurer. Stopper par tous les moyens ces gouttes d'eau salée qui s'obstinent à vouloir couler. Les empêcher de sortir, ne pas perdre définitivement la face. Pas maintenant, pas devant Ambre. Pas pour un simple recul, qui fait plus mal que n'importe quelle blessure. Pensée acerbe qu'elle aurait peut être dû se taire, laisser l'inconnue repartir quand elle n'avait pas encore conscience de son identité. Et retrouver Ambre plus tard, ailleurs que dans ce lieu encore rempli de souvenirs, où les fantômes de leurs dernières retrouvailles la narguaient depuis le toit. Mais ça n'aurait pas été une solution, de toute manière. Elle voulait juste revoir la Corbac. Mais ne concevait pas un seul instant que ça puisse se passer comme ça. Que ça puisse faire mal à ce point. Mordit sa lèvre inférieure jusqu'au sang, sans s'en rendre compte. Trop occupée à repousser les larmes pour remarquer autre chose que cette main, qui s'approcha fugacement pour repartir aussi vite.
Mal.

Se reprit, du mieux qu'elle pu. Observa sa sœur de cœur. Combien de temps qu'elles ne s'étaient pas vues ? Elle avait changé. L'absence de poignard à son coté la frappa en premier. D'aussi loin que remontaient ses souvenirs, elle n'avait jamais vu Ambre sans cette arme. Et ses yeux. Sa mémoire ne lui jouait aucun tour sur leur couleur, mais il y avait cette espèce de tourbillon d'émotions qui tournoyait dans les prunelles de la Corbac. Hésitation, colère, douleur, peur. Un peu d'amertume, de tendresse, peut être ? Hésitation à nouveau.

Ambre n'osait plus croire qu'elle pouvait être là. Ce constat faisait aussi mal, comme un coup supplémentaire parmi ceux qu'elle avait déjà eu l'impression de recevoir. Toujours debout, Tifen marqua un temps. Indécise. Incapable de se laisser tomber sur le sol à quelques mètres de sa sœur de cœur. Quelques mètres qui semblaient être un gouffre.

-Oui. Je crois...

J'peux comprendre que tu n'oses y croire. J'peux pas croire que tu sois là et à la fois si loin de moi. Puis pensa non. Non, je ne comprends pas comment tu peux t'assoir là, tout simplement. J'comprends pas pourquoi tu as reculé, pourquoi j'suis pas dans tes bras en train de te dire à quel point tu m'as manqué. J'comprends pas. J'comprends pas pourquoi cette distance, alors qu'on a dû la supporter pendant tout ce temps, cette distance qui nous bouffait. J'comprends pas pourquoi maintenant qu'on peut l'abolir, tu te poses là, tu trembles. J'comprends pas pourquoi j'ai si mal. Les mots se glissèrent soudainement dans son esprit et franchirent ses lèvres -à quel moment avait-elle cessé de martyriser la pulpe de ces dernières, elle l'ignorait- avant qu'elle ne puisse les retenir.

- Dis-le. Si tu veux plus me voir. Dis-le et je disparaîtrais, et tu ne me verras plus.

Se maudit à l'instant où elle finit sa phrase. Non, elle ne voulait pas. Ne voulait pas dire ça, ne voulait pas qu'Ambre puisse lui répondre favorablement. Remordit violement sa lèvre, tentative vaine de retenir ses mots. Bien trop tard. Eclat de panique dans son regard, elle chercha à comprendre comment de tels mots avaient pu lui venir à l'esprit, comment elle avait pu les prononcer. Tenta un court instant d'assumer, de masquer les tremblements incontrôlés qui la traversaient, contractant parfois douloureusement son dos. Echoua. Voulu repousser les sanglots qui menaçaient de la submerger à l'idée qu'Ambre les dise, ces quelques mots. Crainte étouffante, elle avait l'impression de suffoquer. Son corps remporta finalement le combat sur sa volonté, les premières larmes commencèrent à couler, rapidement suivies par toutes celles qu'elle essayait de retenir. Tomba à genoux, sans trop s'en rendre compte.

Et si la Corbac ne voulait plus la revoir ? Puisqu'après tout, elle n'osait plus croire qu'elle puisse être à nouveau là. Elle n'avait qu'à pas être absente si longtemps de l'Académie, après tout. Sans donner de nouvelles. C'était de sa faute. Sa faute si Ambre peinait à envisager son retour. Quelques instants qui lui semblèrent une éternité, en attendant une réaction de sa sœur d'armes. Elle ne pourrait pas supporter qu'Ambre lui dise de partir, même si une part d'elle murmurait qu'elle l'avait mérité. Mais l'attente était tout autant atroce.

[sibesointun'hésitespas,hein]

Ambre Naeëlios
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Marchombre
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MessageSujet: Re: La terre a continué à tourner [Terminé]   La terre a continué à tourner [Terminé] Icon_minitimeDim 6 Fév 2011 - 1:29

Ambre, sur le plancher des vaches, sentait la proximité des ronces autant que celle de Khan, leurs offres respectives de salut et de protection, mêlées au risques. Elle se savait sans saveur, parfaitement inapte à être une simple fleur, une liane à laquelle on trouverait de quoi s'accrocher. Non pas qu'elle soit lisse- du moins, elle serait morte plutôt que penser ça d'elle-même.
Elle scrutait le cuir des bottes de Tifen-activité ridicule, s'il en était, et pourtant salvatrice, au sens où elle permettait de se raccrocher à divers détails rassurants et "habituels" à une autre époque, pour se réapproprier la présence de son interlocutrice.

Le cuir des bottes de Tifen était, comme dans son souvenir, extrêmement vieilli, sillonné partout de plis, de crevasses informes; car la marchombre aimait les exercices physiques, les escalades diverses et n'avait aucun argent à investir dans sa tenue vestimentaire. Néanmoins, outre son aspect rapiécé, et sans aucune brillance, Ambre reconnaissait la méticulosité que Tifen prenait à raccomoder patiemment, et solidifier chaque éléments essentiels à son habillement. Les doubles coutures, dont la majorité des points étaient réalisés de la main de sa soeur d'arme, constellaient la tranche des bottes, qu'on devinait rembourrées, également.
Il y restait pourtant, où que se posent les yeux d'Ambre, des restes de boue, des restes de sang, le sien ou celui des autres.

Mais l'heure n'était pas à comparer leurs cuirs, leurs bottes, leurs peau? Comment son esprit pouvait-il seulement dévier en ce sens? Les mots de Tifen la rappelèrent à cette réalité qu'on ne devrait pas vouloir fuir. Suffirent à lui faire regretter, instantanément, de n'être pas plus loquace, pas plus habile en oraison; lorsque les termes n'avaient pas à être funèbres ou destructeurs. Délicieux pouvoir que celui qui consiste à ne voir en toute chose que le laid des situations.
Elle les laissa tomber- ce fut plus horrible quand elle chuta entière, rendue, agenouillée. Le guerrier en elle hurlait, appelait par la pause à l'abandon, la décapitation.
Je n'ai jamais voulu ça, mon dieu. Voir ça. Pourquoi me la rendre, si c'est pour que je la déchire? Ou était-ce? Je me suis tue, encore, pour qu'elle ne s'abîme pas, si c'est un rêve, c'est un cauchemar, et je refuse, m'entendez-vous?
Et ces lèvres étaient glaciales, gercées, rouge du sang qui s'accumule.

Ses mots prononcés. Ambre blêmit, comme abrutie, assommée, ce que vous voudrez.

Est-ce qu'on pouvait se relever, après ce genre de conversation? Imaginer se redresser, ré-approcher quelqu'un après s'être montré... aussi insoupçonnablement immonde? Tifen baissait les yeux, l'itinérante ne le concevait même pas. Car jamais entre elle il n'y avait eu le malaise du regard, jamais eu de confrontation qui nécessite que l'une ou l'autre s'incline. Ou son esprit les avait effacé, assimilé à autre chose. Idéalisation chérie. J'ai l'impression qu'actuellement,l'esprit d'Ambre est entièrement flippé d'objection. Comme "C'est juste pas possible, elle n'est pas fragile" "mais non, mais n'importe quoi" "Faut arrêter, cette situation est entièrement absurde. Je ne devrais même pas ressentir quoique ce soit qui m'empêche... " Mais rien ne finissait. Elle était immobile, incapable de sangloter, de réconforter d'une façon ou d'une autre. Statufiée dans une grimace de gouffre. Sa voix lui manquait, les réponses lui manquaient, et son corps, l'ultime traitre, tremblait tellement qu'elle ne pouvait espérer en tirer quoique ce soit qui ne soit pas un gémissement.

Le vent n'eut pourtant pas le temps de souffler. Tout semblait tomber d'un coup, à cet instant. La température extérieure, le vent, les mots, les sensations qui prenaient cours.
Sponte sua, à se mettre à sangloter comme un blaireau.
Sangloter la tête haute, sans que sa soeur d'arme la regarde dans les yeux. Comme une petite fille, après une chute de chariot. La colère et la tristesse s'avalaient entre elle, puisque de toute façon, elle était devenue incapable de la moindre action logique, de comprendre comment et où la situation avait dérivé vers une absurdité pareille- si tant est qu'une conversation soit un ensemble de signe et de mots à peine prononcés à peine ébauchés, à peine regardés.

Le poing serré sur le sternum; comment était-il arrivé là, tout le monde s'en fout, il aurait dû être autour de ton cou, et Ambre avec lui. Sans éprouver d'ambiguité pour ton foutu corps qui jouait l'étranger, pour tes foutus mots qu'il ne devait même pas comprendre. Poing serré, parce que je ne possède plus de poignard, sinon, je me serais tuée, ici, maintenant. A quoi bon tenter autre chose?


-Tifen...

Ton nom dans ma bouche. Dans ma bouche, et dans ma voix sans qu'elle m'appartienne. Je ne la savais pas si rauque, si cassée, je me sens comme un siffleur qui feule, avec sa foutue langue de serpent. Mais pourquoi s'imposer ça? Tu es réssucitée, mais moi? Moi, si je ne ressemble pas à un cadavre, alors, à quoi? Et nous?


-Jamais, t'entends, jamais. Jamais, c'est même pas possible, plutôt me couper les mains, me trancher les bras, me couper la gorge, emporter avec moi tout l'univers, n'importe quoi, mais jamais, jamais. Tu es ma famille.


Elle était tombée dans les bras de l'autre, l'avait plaqué au sol, sans douceur, sans la moindre retenue; serrait son corps à l'en disloquer. Horrifiée à l'idée que le malaise qu'elle imaginait n'existait que dans son foutu crâne, et que même la maigreur de celle qui serait toujours "la lupus" n'empêchait pas son corps de transmettre chaleur et parfum. Ultime réconfort.
Elle pleurait dans son cou, le visage griffé par les ronces qui les entouraient vaguement, sans le savoir. [i]

-Tu comprendrais pas. Tu comprendrais pas, bordel, j'étais pourtant sûre que si, parce que si tu ne me croyais pas morte, je ne vois pas comment... enfin, si je vois. Y a toujours le reste, ce putain de concept de concret, les obligation. Mais nos silences, ils sont au dessus de tout ça, on a toujours su rien se dire et tout gagner, parler vrai, se dire l'essentiel, et comment ça sera possible, après tout ce temps, j'arrive même pas, j'arrive même pas, si tu comprends pas.


[i]Elle parlait dans un horrible étouffement, sans volonté d'être comprise, sans modulation précise, entre le râclement, le murmure et le cri , à même la peau; la sensaton devait être horrible, elle n'était même pas sûre que Tifen n'était pas en train de faire de même.


-Jeveuxpastelâcherjeveuxpasquetut'approchesduchaosjepeuxpastetouchermoij'ysuisàdeuxpiedstu
terendscompte?Ilsprétendrontqu'onestdeshérossousprétextequondeéfendleboncotémaistoussatoutça
c'esttellementdelamerdetuasdusangsurtesbottesduputaindesangçapourraitêtrelemientucomprendsçajet'aime
toujourstellementterriblementçan'arienàvoirmaisj'pourraiscreverrienqu'àtevoiràtevoirpleureràcontrôlerquedalle
j'veuxplusj'veuxpasj'veuxjamaisquetut'enaill
ejeveuxm'casserd'icic'estjusteplussupportablej'suisrienici
j'veuxpartiretquetusoisfièredemoivoirsimèreestmortesic'estpourçaquej'aiplusrienparcequej'aiplusrienrienquetoiet
j'voulaispasj'voulaispasj'voulaispas,j'voulaispasmaistaismoi.Fautpasselaisserl'espacedeseraconterdeshorreurson
apasledroitettuvastoujourstropvitepourmoiet... et...



[Epic FAIL]

Tifen Layan
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MessageSujet: Re: La terre a continué à tourner [Terminé]   La terre a continué à tourner [Terminé] Icon_minitimeMer 16 Fév 2011 - 19:30

Le silence assourdissant. Instants à part, soudainement rallongés comme pour paraître des heures. Rien ne bougeait, l'environnement semblait figé, bloqué dans un hiver inattendu. Pourquoi faisait-il si froid, brutalement ? L'atmosphère avait quelque chose de lourd, de pesant. Un peu comme avant une bataille, quand on sait qu'on va peut-être mourir. Et que chaque seconde dure une éternité. Chacun dans ses pensées, n'osant formuler les risques que personne n'ignore. Silence étouffant. Envie de crier, d'hurler sa douleur. D'hurler pour ne plus entendre ce silence, pour que le temps reprenne son cours, pour briser l'attente insoutenable. Mais sa gorge était tellement nouée qu'elle n'aurait pu prononcer rien d'autre qu'un couinement lamentable.

Sanglots, bruit d'un coup. Il fallut un instant pour que Tifen comprenne qu'il ne lui était pas destiné. Incompréhension, avait-elle manqué l'arrivée de quelqu'un, actuellement peu concentrée sur les alentours qu'elle était ? Elle n'eut pas le temps d'y réfléchir plus longtemps, car la voix de la Corbac se fit entendre par-dessus les pleurs. Son nom. Ca faisait bizarre, dans la bouche d'Ambre. Pourquoi sa voix était-elle si éraillée, comme brisée ?

Tu es ma famille. Les mots d'Ambre tournaient en boucle dans sa tête. Irréellement. La chantelame expira, prenant alors conscience qu'elle avait retenu sa respiration. Mais depuis quand ? Elle n'en avait pas souvenir. Inspira. Tenta de calmer un peu sa respiration chaotique. Tu es ma famille. Soulagement qui explosa dans un coin de son esprit pour l'envahir d'un coup. La douleur qui transperçait sa poitrine disparut pour laisser place à une douce chaleur réconfortante. Ambre n'allait pas lui demander de partir. Jamais. Ambre la considérait comme sa famille. Sa famille.

Un poids qui l'écrasa soudain. La jeune femme ne songea pas un seul instant à s'en plaindre. Elle se laissa emporter, tomber au sol avec l'élan de la Corbac. Savoura de sentir la chaleur du corps contre le sien, après le froid qui l'avait saisie un peu plus tôt. Des larmes dans son cou, ça mouillait. Un peu hésitante, elle posa les mains dans le dos de sa sœur de cœur et y dessina doucement des cercles, comme une tentative un peu maladroite de réconforter la marchombre. Ferma les yeux pour retenir une nouvelle vague de larmes, mais pas de tristesse, celles là. Elle capta quelques mots prononcés par Ambre, beaucoup de "tu ne comprendrais pas", le reste étant en grande partie étouffé contre son cou. Mais quelle importance ? Elle avait retrouvé sa sœur. Le sol un peu dur, son dos qui protestait suite au choc, le poids de la Corbac qui la plaquait à terre, la douleur qui commençait à se faire sentir au niveau de sa lèvre, c'était tellement futile à coté d'Ambre qu'elle serrait maintenant dans ses bras un peu plus fortement, s'assurant de sa présence, que ce n'était pas de simples délires de son imagination.


- Tu m'as manqué, tellement. Tellement.

Elle avait tant voulu dire ces mots, quelques minutes auparavant. Mais maintenant qu'ils étaient prononcés, ils paraissaient si insignifiants par rapport à ce qu'elle avait ressentit loin et sans nouvelles de sa sœur de cœur.

- Tellement. Le monde vaut rien, sans toi. 'L'est vide, 'l'est froid, terne, tout ce que tu veux.

Ses mains avaient repris leur mouvement circulaire, sans trop savoir si c'était utile ou non. Elle ignorait même si la Corbac l'avait entendue, et espérait avoir été compréhensible, malgré sa voix un peu hachée, au même titre que sa respiration.



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MessageSujet: Re: La terre a continué à tourner [Terminé]   La terre a continué à tourner [Terminé] Icon_minitimeMar 1 Mar 2011 - 23:55

Pleurnicher. L'idée même d'être dans cet état primitif de faiblesse, d'ânerie ne procurait à la jeune femme pas la mondre sensation de soulagement. Le fait de l'ouvrir- sa foutue gueule, je veux dire- d'avouer, enfin, la laissait encore plus secouée, encore plus abrutie, encore moins compréhensible. Elle n'avait pas conscience du temps que prenaient ses larmes pour couler, que son souffle éventrait les termes, désarticulait les sons pour former un marasme incompréhensible et pourtant continu, mais surtout, elle n'eut pas conscience de l'instant précis où les mots s'arrêtèrent pour précisément devenir des gémissements. Elle éprouva simplement son apaisement comme une fatigue de plus. Un lâcher-prise; dans les bras de sa soeur d'arme. Sa soeur d'arme aux mots tendres et sans retenue, simplement flous comme des aquarelles. Ces mots qu'elle pouvait chercher dans tout ce qui l'entourrait, et ne jamais retrouver.

Restait sur son dos, et contre elle la chaleur d'un vrai contact, la douceur d'une amitié qu'elle savait indéfectible. Du moins, il lui semblait; c'était au-delà de tous les clans, au delà de... enfin. mieux valait ne pas parler de l'océan, elle n'y avait jamais posé les yeux. Mais s'il existait des îles, au delà des flots, au delà du monde, ce serait comme l'incarnation d'un possible. D'un "après" l'Académie, d'un après les multiples défis, les horreurs, les petits plaisirs qu'on trouve toujours. L'univers, sans à quoi bon, l'univers des quêtes... et sous le sable, on planterait nos sabres, les plantes de nos pieds.
Et puis on oublierait, alors on partirait encore, ou on retournerait sur nos pas, ou on mourrait, mais paisiblement. Avec la conscience d'avoir été au bout des choses, au bout et plus encore. Les vagues se brisent sur les visages. La Mer ne pourra jamais rien contre la Terre; et les brumes cacheront toujours les continents. Ambre renifla sans élégance, en se redressant; pas sûre d'être honteuse, de savoir à quoi pouvait bien ressembler son visage.

Elle n'eut pas l'impression d'une déchirure, au contraire, plutôt d'un confort retrouvé, une fois relâchée. Pas parce que les bras de la lupus ne l'entouraient plus, ou que, faite à sa sollitude, elle était heureuse de la retrouver. Ca venait d'avantage d'une capacité retrouvée à faire face, à retrouver une once de naturel. Plus de spontanéité et moins d'extravagance, moins d'obligation de prouver ou montrer quoique ce soit.

Et pourtant.
Il en fallait, du cran, pour s'imaginer qu'elle venait de faire le bébé dans son cou, que le halo détrempé dans l'armure de cuir qui ceignait son épaule provenait exclusivement du coin de ses yeux. -Et faire naître des cristaux de sel, comme la mer sur un continent dérivant. Ambre observait avec plus de distance les gestes de sa soeur, comprenait des blessures, sans les cataloguer exactement, ou refusant de le faire.
Penser à ce qui restait à dire la décourageait, et l'émerveillait tout à la fois.
Le passé serait prétexte à d'autre bravades, d'autres élans, et concertations douloureuses. La conviction qu'elle n'était pas la seule à devoir faire des aveux déplaisants lui serrait le coeur. L'itinérante n'oubliait pas que la tête de Tifen s'était inclinée; et ça. Ca, ça lui faisait peur. Qui ou quoique ce soit qui ait pu enseigner à Tifen de baisser et les bras et la tête méritait la mort- ou à défaut, de subir le courroux de sa soeur.
Et Ambre redoutait que ce soit irrémédiable, qu'au lieu de ployer, quelque chose soit irrémédiablement cassé/sur le point de l'être.
L'idée d'ellypser les passages douloureux se fit caressante, et la jeune femme hésita longuement.

Avait-elle besoin de dire à Tifen ce qui concernait l'Ermite et Nel' Atan? Est-ce que ça servirait à l'aider, à la pousser au mouvement? Non.
Elle reniffla, passa son poignet l long de ses cils, encore mouillés, avec un petit sourire contrit.


- Puéril, hein?, timidement, et en baissant les yeux[i]. Un peu, et on s'en fout, oui, c'est clair. On s'en foutra toujours...


[i]Agenouillée, elle avait l'impression que son interlocutrice se ramassait doucement sur elle-même, peut-être au prise avec les mêmes pensées contradictoires qu'Ambre; avec un sens différent et douloureux qu'elle pouvait trouver dans les mots que, pourtant, sa soeur voulaient doux et paisibles.

- Tu m'attends sur ton chemin depuis plus de trois ans; il m'a fallu des mois, mais maintenant, j'ai compris. Je dois avancer aussi. Même si nos voies ne sont pas parfaitement les mêmes, ou parallèles, on s'en fout. On avance. On se retrouvera toujours; pas par convention, parce que c'est inscrit; presque noir sur blanc dans nos têtes. J'ai mis le temps, mais j'ai compris, faut qu'on se détache de ce qui nous retient... je vais aller la trouver, moi, tu vas voir. C'est elle qui va plier, cette fois, et si c'est pas le cas, c'est moi qui la casserai; elle ou tous les autres qui prétendront que je ne peux pas aller mon chemin. Je ne veux pas te suivre- qu'importe où t'ont mené tes pas? Puisque tu es là, et que tu peux me sourire, et que je peux t'écouter me raconter n'importe quoi.

Elle regarda Khan, qui paressait ailleurs, avec l'air de ne pas y toucher. Elle l'imaginait, dans la tête de sa soeur d'arme, et ça la soulageait de se dire qu'il se considèrerait toujours son égal. Que Tiffen n'était pas devenue une proie.

-C'est le moment, hein? On va trouver un truc. Accumuler un peu d'argent, moi, j'aurai bientôt moins que rien, le temps de régler deux trois petites choses... (elle toucha sa ceinture, inconsciemment, et pâle) mais on peut se barrer, maintenant. On laisse à Nel' Atan ces foutus murs à protéger, les combats prétendus justes, et Til' Llendoryn et ses conneries! On est marchombre, on a pas besoin de conseils, ou de pierres sans poésies pour nous le dire...

Elle pensa à l'emite, et son sourire devint vague. Elle avait besoin de son absence, de son illusoire présence. Comme un mirage pour avancer dans le désert. Toujours vers un point: l'eau.

-Je ne veux plus que tu aies froid, jamais. On pourrait aller au sud? Traverser les plaines, le reste. Trouver ce qu'il y a plus loin, ou nous perdre en chemin. Maintenant, tant que rien d'autre ne nous retient... enfin. Presque.

Les amétystes cherchèrent instantanément les grands yeux bruns; pour questionner: n'est-ce pas?

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MessageSujet: Re: La terre a continué à tourner [Terminé]   La terre a continué à tourner [Terminé] Icon_minitimeMar 8 Mar 2011 - 22:02

Ambre se recula légèrement, assez pour lui permettre de se redresser, ce que fit la jeune femme. Passa son bras devant ses yeux, mouillant un peu plus sa tunique. Quelle importance, ça sécherait. Renifla une ultime fois, sa respiration se calmait progressivement pour retrouver un rythme normal. L'ancienne élève de Lupus reprenait petit à petit conscience de l'environnement, des ronces qui avaient griffé en partie le visage de sa sœur, du filet de sang qu'elle sentait couler doucement de ses lèvres -nouveau mouvement du bras pour essuyer son menton- Se laissa porter par les mots d'Ambre, écoutant les paroles avec parfois l'impression qu'une partie lui échappait. Mais une phrase retient son attention. "Mais on peut se barrer, maintenant."

Son premier réflexe, sa première pensée fut qu'elle venait tout juste de rentrer, qu'elle ne voulait pas repartir de l'Académie, pas tout de suite. Puis les mots firent un morceau de chemin dans son esprit. "Le temps de régler deux ou trois petites choses". Elle venait juste de rentrer, certes. Mais Ambre ne lui proposait pas non plus un départ imminent. Après tout, qu'est ce qui la retenait ici ? L'Académie avait changé par rapport à ses souvenirs, elle s'en était déjà rendue compte, même si elle mettait encore ça sur le compte de la bataille toute proche. Des bruits annonçaient un bal, les choses changeraient peut être d'ici là. Ou pas. Elle comptait chercher les codex chantelames pour qu'Einar puisse suivre sa formation avec une arme plus adéquate, mais cela ne prendrait pas plusieurs mois, il suffisait de prendre le temps de faire des recherches puis demander de l'aide au forgeron, elle en aurait sans doute besoin. Pas d'apprentis marchombres, même si elle n'était pas particulièrement allée voir Ena pour lui faire part de son retour. Les chantelames devaient suffire à l'occuper un moment, surtout Einar qui nécessiterait une formation un peu plus poussée, mais pas forcément au sein de l'Académie. Les voyages forment la jeunesse, comme qui dirait. Et elle n'avait pas voyagé depuis... le Rentaï. Interruption soudaine du fil de ses idées. Le Rentaï....

Pensée furtive vers Khan, pour se rassurer quant à sa proximité et à la présence de leur lien. Il avait été si tenu pendant un moment, suite à leur séparation pendant qu'elle avançait vers le mont si réputé parmi les marchombres. Fragilité renforcée par le fait qu'elle n'osait plus tellement s'approcher de près ou de loin d'un moyen de recontacter le félin pour ne pas le pousser à revenir vers elle. Mais Khan était revenu, pendant la bataille. Et n'était jamais repartit très longtemps depuis. Sensation de soulagement qui partait de quelque part dans sa poitrine, bien plus agréable qu'elle ne voulait l'admettre. Elle pouvait compter sur Khan, le savait, et leur lien ne cessait de lui le rappeler.

Aller vers le sud. Revoir la mer ? Respirer avec Ambre l'odeur si particulière qui était restée gravée dans sa mémoire en même temps que le fracas des vagues et le vent, plus fort qu'en n'importe quel autre endroit qu'elle avait pu visiter. Les forêts, les lacs, les grandes plaines à perte de vue. Le lac Chen, peut être. Pour espérer voir une Dame, comme quand elle était plus jeune. Compter les étoiles le soir jusqu'à avoir épuisé tous les nombres qu'elle connaissait. Inventer des dessins dans les nuages -Ambre serait sans doute une bien meilleure compagne de jeu que Khan pour cet exercice- Voyager, sans contrainte. Sans montagne, sans déception. Juste comme avant, sans but particulier. Avec comme seule différence qu'elle ne serait pas seulement en compagnie de Khan. L'idée était tentante. Il y avait juste ce presque. Elle croisa les prunelles pourpres de la Corbac.

- Presque...

Sa voix se perdit sur la fin du mot. Mais elle s'arma de son courage, au moins d'une grande partie, pour ajouter

- J'ai des apprentis chantelames
-à peine audible. Elle n'ignorait pas les rancœurs que sa soeurette portait à l'encontre de Valen et des chantelames par extension, même si l'origine de ces altercations et leur ampleur lui avaient toujours semblées un peu vagues- Ils me retiennent pas vraiment, l'un sera assez vite formé, mais l'autre.... Fin, ça m'empêche pas de partir, mais j'voudrais pas t'imposer sa présence, tu vois ? J'sais pas si tu le connais, c'est un Lupus, Einar Soham.

Hésita un instant. Maintenant qu'elle était lancée, devait-elle parler immédiatement du Rentaï à sa sœur de cœur ? D'un coté, ça serait fait. Mais ça n'avait pas vraiment de rapport avec le reste, avec un possible voyage. Tifen choisit finalement une solution intermédiaire, ajoutant à toute vitesse de manière à peine compréhensible

- Etçan'aaucunrapportmaisjedevaisteledire,leRentaïm'arefusélagreffe.Refusé.J'aiéchoué,complétementéchoué.

Sans trop qu'elle s'en rende compte, son regard se perdit dans la contemplation d'un brin d'herbe écrasé à coté du genou de la Corbac, dont la pointe essayait désespérément de se redresser, malgré le pli que la jeune femme devinait à la base de la tige. Après un instant de silence qui lui parut une nouvelle éternité, elle releva fugacement les yeux vers sa sœur, pour les rebaisser tout aussi vite, peu sûre de vouloir connaître sa réaction. Après tout, elle venait clairement de lui annoncer que le Rentaï ne la considérait pas comme une marchombre, qu'elle était "trop" chantelame, bref, toutes les conclusions diverses et variées qu'on pouvait tirer d'un tel aveu.



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MessageSujet: Re: La terre a continué à tourner [Terminé]   La terre a continué à tourner [Terminé] Icon_minitimeSam 12 Mar 2011 - 15:37

Elle lut dans les iris que, en effet, il y avait un "presque". Un presque qui retenait son sourire, qui la bloquait sous la serre. Ambre pâlit, prise en traitre... Ainsi, sa soeur savait? Sa soeur n'ignorait pas qu'elle était encore apprentie, et non marchombre, que rien n'avait changé, malgré le temps, qu'elle n'avait pas été présentée?
Et son ton s'affaissait, de honte, sans doute. Elle était médiocre, médiocre au point qu'on doive étouffer sa voix pour lui concéder un délais supplémentaire.
Comment savait-elle? Avait-elle eu des contacts avec Ena, malgré la résistance? Comment? L'itinérante n'avait pas été capable de retrouver la cachette des résistants, et avait failli en mourir. Elle n'en avait pas rencontré un seul, jamais. S'il y avait des dessinateurs, dans le tas, la transmission était possible. Si Ena fréquentait des dessinateurs capables... Ambre ne connaissait personne de cette engeance là.
Mais les marchombres comme les guerriers pouvaient sans doute se débrouiller sans l'aide de ces outrecuidants incapables d'utiliser leurs mains pour agir. Ils pouvaient ruser, frapper, corrompre, se retrouver... avec finesse, et brièvement, et probablement indirectement, mais c'était chose possible. Tifen n'avait donc sciemment pas cherché à la contacter. Comment pouvait-elle encore...

Le flot de ses pensées s'interrompit brutalement, à la seconde réplique de sa soeur d'arme.
Sa bouche s'entr-ouvrit malgré elle, de surprise, et sa déglutition fut douloureuse- de la même manière.
Evidemment, l'amertume l'envahissait trop vite, c'était à se demander si son sang était bien ferreux et rouge, et pas aussi sombre que le café. Evidemment, son esprit avait été trop vite, pris pour elle ce qui comptait pour Tifen comme un frein; égoïstement.
S'accaparer tous les tracas liés à la marchombre revenait à se souvenir de cette époque doucereuse de leurs premières leçons, de leurs premiers contacts; au fait de s'assimiler comme son ombre vaguement protectrice... à une forme de possessivité, aussi.

Elle voulait se croire plus proche de la jeune femme que tout autre, liée à elle différemment. Comme une cicatrice au dos d'une main- une trace permanente de quelque chose d'ancien, et un peu coûteux. Admettons. Cela même, la distance pouvait le remettre en cause. Puisqu'elle avait dû survivre autrement, avec d'autres gens, avec Valen.

Foutu Valen.

Et là aussi, elle était passée maître? -Comment pourrait-elle avouer maintenant que Nel' Atan ne l'avait ni montrée ni libérée?! Quand Tifen était déjà reconnue par... les autres comme quelqu'un capable de transmettre.
Ils lui collaient déjà des responsabilités pour l'enfermer. Salopard de chien gâleux de bâtard de faël...
"Des", en plus? Et combien, dis-moi? Combien t'en a-t-il collé dans les pattes pour t'écarter de ta route? Combien de pierre a-t-il lancé sur tes pieds pour te retenir à son flanc de traitre fuyard? Deux.
Déjà deux.

Autant qu'Elera, qui était de très loin la préférée d'Ena. Comme quelqu'un dont on envisageait qu'il devienne "grand maître" un jour.

Non, je ne connais pas. Bien sûr que non, je ne connais pas. Et l'autre, qui est-ce? Etait-il à tes côtés dans la grotte? Pourquoi ne pas le nommer, et hésiter, maintenant, comme si autre chose te retenait à son propos? Qu'est-ce? Un dessinateur? Un fils caché de l'immonde qui ose te faire l'appeler "Maître"? Un de ceux que j'ai méprisé face à toi, avant que tu ne croises mon regard, et que je ne me sente obligée d'étouffer un peu ce que j'avais à dire?
Un putain de noble? -Ils se reproduisent tellement et si vite, ceux-là. Manquerait qu'un chevalier pour me faire mourir de rire.
Au moins l'autre est-il de sa maison, et issu du peuple.

Mais l'aveu qui suivit, encore une fois, dérouta complètement la jeune femme. Encore une fausse route. Les yeux de sa soeur d'arme bondissaient de son ombre aux iris de son interlocutrice, sans oser s'attarder sur l'un ou l'autre.
Etrangement, la nouvelle suffit à effacer l'ardoise qu'Ambre noircissait sans conscience ni retenue depuis longtemps. Son esprit partait sur autre chose, une piste encore inexplorée.

Elle avait oublié le Rentaï; ça ne lui ressemblait pas. D'ordinaire, les passages les rites, les idéaux marchombre lui cerclaient le crâne vicieusement, elle les avait tous rêvés, tous contemplé dans les livres, et les rares phrases que le maître marchombre semait de solennité et de silences.
La greffe, le don ultime qui sacrait le marchombre plus loin que la majorité de ses frères sur les brumes de la voie, plus oiseau qu'humain... plus toutescesmétaphoreslà.

Elle s'humecta la lèvre inférieure, enfermée dans sa réflexion plus sûrement que dans les murs. Car là aussi, il cherchait une issue, quelque chose qui ôterait du ton de la lupus toute trace de doute. C'était à son esprit de douter. A son esprit, les remises en questions, la destruction systématique des certitudes bancales ou trop ostentatoires, à son esprit, encore, de protéger indéfectiblement la part marchombre qui guidait les pas de sa soeur trop facilement endoctrinée. Comme elle, bâtarde de dons et de routes. A son esprit d'être sans cesse tiraillé. Son rôle à elle était de l'apaiser aux retrouvailles, de la pousser à croire encore autre chose que les poisons de l'ermite; que l'instabilité universelle du bien et du mal.

Elle seule -presque- pouvait l'empêcher de bondir à la gorge de toutes ces personnes dont elle n'avait que faire, et qui se dressaient sur sa route. La contenir dans une forme de pacifisme. Ambre se souvenait de la bataille, d'avoir tué étrangers et étudiants au hasard de l'endroit où tombaient ses armes. D'avoir frappé tout ceux que ses yeux voyaient. Et de cette panique.


- Et qu'est-ce que ce caillou aurait pu te donner que tu n'avais pas déjà?

Le ton était neutre, pragmatique, et grave. Relativement inconvenant, inhabituel, pour le moins? Ambre interrogeait davantage ses propres théories que sa soeur, sans la moindre trace de défi, ou de sentiments.

-Tu aimes les montagnes. Tu aimes grimper, et si tu le voulais, tu irais ravir les immortelles qu'on dit pousser sur le sommet du Kur'N' Raï. Tu pourrais t'accrocher aux nuages et filer- pas grâce aux nuages, pas parce que les cailloux t'ont offert leurs bons côtés. Parce que tu sais les trouver, les saisir. C'est toi qui avance, qui monte et qui descend. La montagne s'afaisse et fait gueuler le vent sans s'incliner. Elle ne t'offre pas les sommets, tu les prends, naturellement. Sans avoir l'idée ou le besoin de la remercier, tu sais ne rien lui devoir. Le panorama lui-même est extérieur à la montagne, il ne lui doit en rien sa beauté.


Elle s'interrompit, car il lui sembla que critiquer ouvertement les préceptes et principes du conseil, ses valeurs même, à voix haute, serait une erreur, une possibilité pour les doutes de sa soeur d'arme de s'imiscer, plus seulement sur la route marchombre, mais dans la confiance qui l'unissait à Ambre.

-La greffe palie les manques de ceux qui ont besoin d'être rassurés.

Car Anaïel, sans aile, serait clouée au sol. Et les yeux trop verts de son apprenti cesseraient de scintiller, de la croire. D'espérer ses chimères.

- Peut-être que pour avancer encore tu avais plus besoin de retourner aux côtés de ceux que tu aimes, pas de fusionner quoique ce soit d'artificiel avec toi.


Peut-être que c'est moi, entre autre, qui te permet d'être ce que tu es. Et ces murs.
Hors des murs, cest bien moins facile de savoir sur qui tirer. Peut-être que ça occupera ma tête d'y réfléchir, mais que toi, ça t'a fait maigrir. Combler par un enseignement vain et absurde. Tout est sûrement de la faute de Valen.

En cet instant, Ambre était convaincue de son raisonnement. Purement franche. Elle avait l'impression d'avoir absorbé et assemblés les faits mieux que jamais, harmonieusement.
Les bateaux n'échouent que sur les côtes. Te voilà revenue, on te soignera, et puis, on pourra repartir. En renforçant ta coque, et évitant les récifs.

Je voudrais parvenir à enfoncer le prétendu "ordre" qu'entend faire règner ton pseudo-mâitre, mais je ne pense pas avoir la capacité de le faire de cette façon. Ni que ce soit le moment. Continuons d'aller vite, et puis doucement. Raconte-moi, et déleste tes épaules. Puisqu'on a du temps à perdre, avant de repartir. Vu que je ne puis rien dire de mes ténèbres à moi. Parle-moi de tes apprentis, que j'apprenne à m'y faire et à calmer mon sang, qui ne demande qu'à les maudire. Ou parlons d'avenir, mais à petit pas. Une expédition se rêve avant tout. Je m'y atèle depuis deux ans.


Tifen Layan
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Maître chantelame et marchombre
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MessageSujet: Re: La terre a continué à tourner [Terminé]   La terre a continué à tourner [Terminé] Icon_minitimeMer 30 Mar 2011 - 21:24

Les prunelles sombres se désintéressèrent du brin d'herbe pour chercher celles indigo de sa sœur de cœur. Incrédules, interrogatives, essayant de comprendre le sens de la question de la Corbac. Ce que le Rentaï pouvait lui donner ?... La réponse coulait de source, elle avait espéré la greffe, qui était l'aboutissement de sa formation de marchombre, le nec plus ultra auquel rêvaient tous les chevaucheurs de brume, le but ultime de tout apprenti s'engageant sur cette voie. Non ? Comment Ambre pouvait-elle dire ça, alors qu'elle arpentait elle aussi la voie de la liberté ? Tifen attendait donc la suite, l'explication, la clé qui lui permettrait de comprendre cette première phrase. Ecouta, sans dire un mot. Chercha un lien entre son échec et l'escalade. Le panorama était certes extérieur à la montagne, mais c'était la montagne qui lui permettait de monter. Dans la roche qu'elle cherchait les fissures, choisissait son chemin pour s'élever aux sommets. Sans la montagne, tout serait plat, elle ne pourrait jamais espérer surplomber totalement les feuillages en s'envolant dans les branches. Le monde perdrait une partie de son intérêt. De sa beauté.

"La greffe pallie les manques de ceux qui ont besoin d'être rassurés." L'explication ne lui convenait guère. En quoi Arro avait besoin d'être rassuré, ou Khelia ? Ils avaient tout deux reçu la greffe, quand ils étaient allés la demander. Une partie tout de même conséquente des marchombres l'obtenait, non ? Et cela faisait d'eux les plus reconnus parmi les chevaucheurs de brume. C'était incohérent.

Elle avait besoin d'être rassurée. D'obtenir la certitude que sa double formation ne l'avait pas laissée errante, quelque part entre deux voies trop lointaines pour être assimilables, mais trop proches pour être complètement opposées. Mais le Rentaï l'avait refusée, ne l'avait pas reconnue comme une marchombre. Pourtant, elle était les deux, non ? A la fois marchombre et chantelame, elle était parvenue aux termes de ses deux formations, Ena l'avait présentée au Conseil, elle avait prouvé sa valeur en réussissant l'Anh-Ju. Valen l'avait testée, elle avait survécu à Hulm, il l'avait reconnue comme une chantelame, elle essayait désormais de transmettre cet enseignement à ses apprentis. Comme elle avait fugacement assisté Ena pour la formation des apprentis marchombres. Mais elle était trop chantelame pour le Rentaï, et sa formation marchombre la distinguait des apprentis guerriers avec qui elle suivait l'enseignement chantelame de Valen, à une époque. Trop chantelame mais trop marchombre, quelque part entre les deux voies. Tifen avait souvent craint que son double apprentissage ne lui pose des problèmes, mais elle le regrettait rarement. Valen avait su apaiser ses craintes, un temps. Mais il n'était plus là pour prononcer les mots qui repousseraient ses regrets. Que disait-il, déjà ? Le souvenir qu'elle recherchait lui échappait. Elle se voyait bien assise dans le bureau, écoutant le maître chantelame, mais les mots qui étaient restés longtemps gravés dans son esprit se dérobaient lorsqu'elle pensait s'en rappeler, glissaient entre ses doigts et s'échappaient dans les méandres de son esprit. Seul le mot harmonie la narguait, sorti de tout contexte, sans qu'elle parvienne à retrouver la phrase exacte. Se maudit.

Chercha Khan du regard, et dans l'apparence calme et sereine du tigre une attache pour se raccrocher à la discussion actuelle. Et si la greffe était au contraire pour ceux qui ne doutaient pas ? Ceux qui avançaient, droits et sans hésitation, qui s'épanouissaient sur la voie des marchombres. Le doute planait toujours dans les prunelles brunes. Revenir auprès de ceux qu'elle aimait pour avancer ? C'était l'Académie, sa maison. Et pourtant, depuis la bataille, elle avait du mal à retrouver ses points de repères. Plus les mêmes têtes, plus les mêmes enseignants, sauf quelques exceptions. Plus la même ambiance, plus le même bâtiment, puisqu'il avait été en partie détruit pendant la bataille. Depuis combien de temps ne s'étaient-ils pas retrouvés avec Khelia et Arro, à écouter le marchombre jouer de la flûte, à rire des bêtises de Piki, à discuter de tout et de rien, à se plaindre de la difficulté des exercices donnés par Ena...? Et Ambre... Elle retrouvait tout juste sa sœur de cœur, elles avaient toutes les deux changé. Vieilli, muri. Tout ne serait jamais comme avant, même avec du temps.


- Je.. j'sais pas. Peut être...

Réponse vague, autant que le léger mouvement des épaules qui l'accompagna. Ne savait pas très bien où fixer son regard, qui oscillait, croisait parfois l'éclat violet, puis repartait vers les alentours. Changea de position, pour essayer de s'installer un peu plus confortablement en tailleur. Grimace fugace quand son dos proteste, ça faisait longtemps. La jeune femme prit une inspiration, chercha un sujet de conversation, quelque chose. Elle aurait bien voulu évoquer Valen, mais sentait que ce n'était ni le bon moment, ni forcément la bonne personne. Même si elle ne se voyait pas aborder le sujet avec quelqu'un d'autre. Plus tard, peut-être. Bien plus tard. Qui sait, elle finirait peut être par passer outre la confusion et la douleur qui régnaient dans son esprit à l'évocation du Demi-Faël. Elle hésita à formuler l'idée qui lui venait à l'esprit. Il y avait plus joyeux, comme sujet de conversation. Moins... curieux, indiscret. Mais elle s'était posé tellement de questions, Ambre pourrait peut être y répondre, au moins éclairer un petit peu sa lanterne.

- Dis... C'était comment, l'Académie sous la domination du chaos ? Et la bataille, avant ? J'sais rien de ce qui s'est passé, ils en savaient si peu de choses, dans la grotte. Tout semble encore tellement terne, ici.

Légère pause, puis elle ajouta rapidement, ne voulant aucunement forcer la Corbac si elle voulait éviter le sujet

- Maissituveuxpasenparler, j'comprendrais,hein. Etonpourradiscuterd'autrechose.


Ambre Naeëlios
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MessageSujet: Re: La terre a continué à tourner [Terminé]   La terre a continué à tourner [Terminé] Icon_minitimeMer 30 Mar 2011 - 22:29

Leurs harmonies devaient décidément ne rien avoir en commun. Puisque la voix de sa soeur d'arme laissait tomber du silence les hésitations; hésitations que sa soeur connaissait jusqu'au bout du coeur. Le doute est universel, les signes du doute ne se dissimulent que mal, et avec une pratique que, fort heureusement, sa soeur ne possédait pas.
Peut-être était-ce la voie guerrière qui préservait Tifen de l'aspect retors des marchombres. Peut-être qu'elle refusait la neutralité, l'exultation du simple "moi, je", des camps non-affirmés. Ou que les mots d'Ambre n'étaient pas suffisants pour réparer ses plaies- comme les mots de Tifen avaient toujours semblé bancaux et insuffisants pour apaiser l'itinérante.

Et pourtant.
Non pas qu'Ambre sous-estime l'intelligence de Tifen. Au contraire. Son estime pour sa soeur était extrêmement élevée, et ce à tous les niveaux.
Elle avalait mal la possibilité d'être insuffisante. Insuffisamment brillante, l'intellect était un domaine sur lequel personne -ni l'Ermite, ni les aboyeurs, ni sa famille, ni personne- n'avait jamais pu la rabaisser à une condition normale. Ambre voulait croire en ses neurones, en sa culture, en ses racines, ses souvenirs. Les connexions de ses neurones étaient certes différentes de celles que créaient la majorité des gens. Mais c'était une richesse, sa plus grande richesse. Sa réelle force.

C'était l'orgueil qui dictait où avancer, quoi lancer, comment enfoncer. Naturellement. C'était l'humour qui rattrapait, qui maquillait, qui convainquait peut-être, et blessait de sang froid. On ne reproche rien aux élucubrations, on accuse pas pour des pensées. On accuse un système de réguler les connexions, on accuse les gens de ne pas comprendre. Chaque raisonnement pouvait être brisé, il suffisait de le tourner de la bonne façon dans sa tête. Un peu comme l'inverse du dessin.
L'art de l'esprit dans lequel Ambre excellait, c'était la décomposition des éléments. Des éléments de discours. L'immersion dans les failles -où, comment faire ployer pour briser.
Il suffisait que Tifen développe. Si elle développait, elle serait convaincable. Si Tifen développait, et ne laissait pas à sa soeur la possibilité de construire elle-même un discours décorticable... ça irait.
Allé, parle, Tifen.
Je te démonterai si ça peut t'aider, je peux faire ça pour toi, je tiens suffisamment à toi pour te traiter comme je traite tous les autres.

Ambre n'osait tendre la main. Geste artificiel, convenu, certainement. Et un peu intrusif. Après les excès des larmes, des étreintes en brouille, il valait mieux ne pas. Doucement, se réhabituer. Elle le croyait. Aussi fort que le fait qu'une greffe ne voulait rien dire.
Aussi fort qu'avant -pure encore- elle avait pu croire que les humains ne veulent rien dire, et que la montagne sait.
Rien n'était vrai, de toutes façons; on s'en doute. Rien ne subsiste, tout se démonte en démonstration.

Mais l'épaule de sa soeur d'arme l'écartait du regard de son interlocutrice. C'est peut-être trop tôt ou trop tard pour que tu t'ouvres. Pour avec ou contre moi. J'attendrai, je surveillerai, dans le doute. Si je dois être vivante, autant que ce soit pour ça.

Elle voulut changer de sujets, et Ambre sauter sur l'occasion. Si ça pouvait apporter un peu de légerté dans leur univers de charognards mal guéris, et de sols semés de bouquets de cendres. Mais quel sujet? Ambre blémit, ses yeux s'agrandirent spontanément. Tifen ne la regardait pas assez pour voir, pour voir l'expression de l'itinérante qui implorait le silence, la retenue.
Tu ne veux pas savoir, disaient les yeux. Tu ne veux pas que ça fasse irruption dans ta vision. Tu ne veux pas approcher le chaos, épargne-toi ça, comme je me suis inclinée pour t'éviter de rencontrer le pirate. Ne laisse rien... trop tard. Une grotte. Le chaos devrait rechercher une grotte, une prochaine fois. « La » grotte. J'essayerai de le taire, mais si je puis l'utiliser, ce ne serait pas vraiment un tort, hein? J'essayerais de te protéger de l'autre voie, autant que je peux. Si je peux.

Possibilité.


- Pourquoi remuer des mois de silence?

La voix était mal mesurée, mais ça s'entendrait peu, avec un peu de chance. Si les répliques étaient brèves. Si elle parvenait à se contrôler, comme elle se contrôlait depuis longtemps.

Il n'y a rien à retirer, rien à savoir. On a connu des batailles, avant, il y avait des gens, et d'autres, derrière. Il y avait des bêtes, et d'autres, derrière, disaient les yeux, qui menaçaient.

Les cheveux noirs ne bougeaient pas, encadraient le visage un peu trop pâle pour être totalement celui d'une fille d'errance. L'expression était bouchée, immobile, les lèvres serrées retenaient les crocs de mordre.
Sous les os du crâne, les sbires se rétrécissaient, disparaissaient laissant l'esprit enfermé face à lui-même.


-Ceux qui ont résisté ont fui comme des lâches, ou ne sont jamais rentrés. Ceux qui étaient enfermés le sont peut-être toujours, comme d'autres avant eux, ou simplement autrement. Les autres résistants se sont battus comme des lâches, en traitres, en désespérés. On a créé un charniers de gens qui auraient pu être nous, deux ans auparavant. Laisse aux morts leurs tombes. Ceux qui te sembleront fous l'étaient avant.

Elle baissa la tête. Elle savait, bien sûr, qu'il aurait fallu être neutre. Marchombre. [

-Le chaos n'a pas empêché les oiseaux de revenir. L'ordre des choses est en place. Je ne serai pas remerciée, je ne remercirai personne. On a tous fait ce qui nous semblait bien au juste. A quoi bon baver sur la morale des uns des autres? Si c'est ça que tu cherchais, et pas... Pardon, je suis injuste, se reprit-elle, tâchant de ravaler l'amertume qui accélérait son débit de mots. J'apporte peu de choses, à part les souvenirs, et on en a vite fait le tour...

La voix mourrait.
Je pourrais t'apporter la paix, je suis sûre. Mais pas si on ne sait plus se prendre.
Je pourrais t'apporter le désespoir. On y serait plus vite que je peux le croire. J'ai moins l'habitude de parler que de piquer.


-Faire le tour du monde, ça nous prendrait tout notre temps.

Tifen Layan
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MessageSujet: Re: La terre a continué à tourner [Terminé]   La terre a continué à tourner [Terminé] Icon_minitimeMer 6 Avr 2011 - 20:39

Mauvaise question. Encore des mots qu'elle regrettait d'avoir prononcé. L'occasion était parfaite pour un changement de sujet, mais il avait fallu qu'elle aborde celui-là. Foutue envie de savoir. A quoi s'attendait-elle comme réponse ? Une bataille est une bataille, la prise de l'Académie en était une, comme une autre. Il n'y avait que le vainqueur qui avait changé. Ambre avait raison, quel était l'intérêt de remuer tout ça ? A part raviver les souvenirs, la douleur ?
Regrets.

Il était trop tard pour comprendre. Trop tard. Laisser le passé derrière, profiter du présent, rêver le futur. Pourquoi devait-elle toujours tout compliquer avec ses questions ? C'était plutôt une belle journée, à la base. Pourquoi chercher à tout prix à l'assombrir avec des sujets sensibles ? Elle voulait éviter la grotte, elle. Eviter d'en parler, d'y penser. Ne pas se souvenir des parois sombres, de l'enfermement, de l'ignorance, de l'attente. Du confinement, de la tension ambiante qui régnait la plupart du temps, et que même les entraînements ne parvenaient pas à dissiper, motivés qu'ils étaient par l'échéance de la bataille.
Mais c'était fini. Fini. Fini. La bataille était passée, même si elle hantait encore ces lieux. A chacun ses souvenirs, ses blessures. Pourquoi raviver la souffrance en évoquant des sujets que tous voulaient taire ? Elle aurait dû parler d'autre chose, comprendre qu'Ambre préférerait éviter ce sujet comme elle voulait éviter la grotte. Se taire.

Sans un mot, la jeune femme écouta la réponse de la Corbac. Haussa les épaules, penaude. Un mélange de "Pas grave" et de "C'est déjà ça, t'façon j'aurais jamais dû poser cette question". Foutue question. Et Ambre qui s'excusait. Elle hésita à prendre la parole. Puis ne dit rien. Elle ne voulait pas se disputer avec sa sœur de cœur. Pas maintenant. Pas maintenant qu'elles se retrouvaient juste. Pourquoi se battre encore ? Les mots peuvent faire plus mal que l'acier, elle en avait fait l'expérience un peu plus tôt.

Elle faillit manquer la dernière phrase. Changement de sujet, à nouveau. Abandonner les ombres du passé pour imaginer le futur. Partir. Faire le tour du monde. Quitter l'Académie. Voyager sans but. Avancer en créant la direction au fil des pas. Redécouvrir Gwendalavir, avec un autre regard que celui qu'elle avait avant d'arriver à l'Académie. Puisqu'après tout, elle avait changé, elle s'était formée. Escalader des falaises qu'elle avait autrefois regardé d'un air rêveur, consciente qu'elle n'était pas capable de parvenir au sommet. Redécouvrir les forêts, les rivières. Se perdre dans la contemplation du ciel. Aller au sud, puisqu'Ambre le voulait. Et puis il y avait toutes les petites choses futiles qui étaient si étroitement liées aux joies du voyage, qu'elle voulait faire encore pour retrouver les gestes maintes fois réalisés quand elle était enfant. Tirer des sifflements stridents d'un brin d'herbe pour effrayer les oiseaux, tenter de faire tomber un flamand rose perché sur une patte en le prenant par surprise, avec toutes les stratégies d'approche que ça impliquait. Parvenir à arroser Khan en passant à proximité d'un cours d'eau. Fabriquer divers "machins" tous plus inutiles les uns que les autres à partir de morceaux de bois, de feuilles, de fleurs, de ce qu'elle parvenait à trouver, et les abandonner ici ou là, dans la cavité d'un tronc, les remous d'un torrent ou une faille rocheuse. Essayer de jeter les cailloux le plus loin possible de la berge d'un étang. Prendre le temps. Son regard se fit vague, observant le ciel sans vraiment le voir, à moitié plongée dans ses souvenirs.

-Tu crois que c'est vraiment possible ? D'faire le tour du monde, je veux dire. On peut jamais tout voir, il y a forcément des choses qui nous échappent et qu'on redécouvre plus tard, non ?

Détourna la tête de la voûte céleste pour regarder Ambre, interrogative. Tu crois que c'est vraiment possible, de partir comme ça ? Tu crois qu'on pourrait, pour de vrai ?



Ambre Naeëlios
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MessageSujet: Re: La terre a continué à tourner [Terminé]   La terre a continué à tourner [Terminé] Icon_minitimeJeu 21 Avr 2011 - 21:59

Si c'était vraiment possible?
S'il était encore temps de croire à quelque chose, quelque chose d'aussi anodin et paisible qu'un pied qui se pose, d'un pas régulier. A chaque respiration, son pas, à chaque battement de coeur, son pas?
Elle laissa son regard flotter à l'horizon de la serre, là où le verre était plus boueux qu'ailleurs- sans le choisir, toute fois. C'était juste un mouvement de regard spontané. Quels pas avaient soulevé la boue? Quels entrainements avaient sali la vieille serre que plus personne ne voulait voir?
Personne n'aimait l'idée d'être enfermé dans une bulle invisible; Ambre aimait l'idée que le travail, les déroutes et les pas des gens servent à entacher la paroi trop pures, à les rendre perceptibles. C'était une de ces philosophies vaguement positive qu'elle n'avouerait jamais. Enfin, pas facilement.

Mais l'humain était perfectible, et elle aimait ce qui giclait de la boue. Sculptures, traces, pigments, pierres à tailler, indifférement. Il n'y avait pas de matières plus viscéralement attractive que la terre. Tant, au moins, qu'on oubliait les nuages, leurs cotons honteusement détrempés.

-Non, bien sûr que non. Je n'entends pas «faire le tour » comme une figure géométrique, une boucle bouclée. J'pense qu'il existe autant de mondes qu'il n'y a de saisons, de parfums, d'histoires. Tu sais, moi, j'ai eu la chance de voir beaucoup. Beaucoup du nord, des villes; on m'a raconté les légendes, au fil des convois. Beaucoup. Erronnées, transformées, différentes à tous les coups, mais ça me plaisait.

Elle se passa la langue sur les lèvres, un peu trop machinalement. Ca lui rappelait les soirs passés à regarder les constellations, avec Tifen. Sur le toit, quelque part. Et cette fois-là, où elle était parvenue à débaucher sa si parfaite-élève de soeur de coeur; loin des conneries d'Ena, perchées dans un arbre, elles avaient cherché dans les nuées quelque chose qui leur plaisait, les faisait rire.

-Mais tu dis vrai, tu as raison. Je crois que si je ne crevais littéralement pas de trouille à l'idée de « redécouvrir » après ce... -cet interlude? - la vie d'errance... Je serais partie bien avant. Et si ça devenait insuffisant? Si l'univers ne soutenait pas la comparaison, je préfèrerais mille fois être avec ma famille.

Parce que si tu ne venais pas, je crois que j'abandonnerais.
Je laisserais mes cheveux pousser. Je fermerais ma gueule, et j'irai attendre aux foires le passage du convoi de mes parents. Je ferais leur deuils, si jamais ils m'avaient quitté. Je ferais ce que font les femmes de vingt ans qui sont de mon rang, de mon sang. Je prendrais mari, avec un air digne et je ne sais pas quoi. Je brûlerais tous les livres. J'aurais des enfants, et je ne leur apprendrais jamais à lire, seulement à compter.


-Je veux ma soeur près de moi pour découvrir ce qu'il reste à voir partager ce qu'on a pas de commun. Si je n'en vois qu'un millième, avant qu'on se lasse ou qu'on crève: soit. Ce sera ça de pris.

Les iris replongèrent dans ceux de sa soeur. Toujours inquiets, c'était normal. Les doutes qu'avaient exprimé Tifen flottaient dans l'air, et la voir poser autant de questions... oh, autrefois. L'innocence aurait voulu qu'elles jouent: « il y a deux réponses à ta question, comme à toutes les questions ».
Mais du reste, ça impliquerait qu'Ambre ne soit pas une infâme poétesse, et qu'il reste à la poésie un tant soit peu de sens.
La franchise avait cela de reposant; quelque chose qui prenait forme et rythmes rapidement, sans soucis techniques; si ce n'était la justesse du ton, la capacité de ne pas heurter.


-Même si je devais passer mon temps à te partager entre apprentis, voies et amants. A faire des allés retours, des circuits de marchands, à des combats foireux. Je crois que je ne peux rien envisager qui ferait davantage mon bonheur. Mais je ne veux pas être égoïste. Tu mérites plus que ça.

Tifen Layan
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MessageSujet: Re: La terre a continué à tourner [Terminé]   La terre a continué à tourner [Terminé] Icon_minitimeLun 9 Mai 2011 - 20:01

Le vent soulevait une mèche de la chevelure de la Corbac, à chaque rafale. Toujours la même, qui s'envolait, virevoltait puis retombait avec souplesse le long de la joue de sa sœur de cœur. Tifen la suivit des yeux un moment, puis son regard fut attiré par le rideau de végétation qui couvrait en partie la serre. Les branches frappaient régulièrement le verre que le temps avait opacifié et verdi, sous le sifflement du vent s'engouffrant par les vitres brisées. Sa main replaça machinalement une mèche rebelle derrière son oreille, jusqu'à la prochaine bourrasque.

Autant de mondes qu'il n'y a d'histoires. Une infinité de mondes ? Puisque les histoires sont sans cesse inventées, crées. Infinité de découvertes. Qu'est ce qu'on attendait pour partir, alors ? Son regard croisa celui de Khan, par habitude. Pensée fugace pour cette longue période de plusieurs mois où elle cherchait en vain la présence du tigre à ses cotés, avant de se rappeler qu'il n'était pas avec elle et de ne trouver que les grises parois de la grotte, et la sensation d'être incomplète.

Ce sera ça de pris. Déjà ça, au moins ça. Partir avec Ambre. Ne plus devoir se séparer pour des missions, des entraînements suicidaires dans les pires lieux de Gwendalavir. Qu'est ce qui la retenait à l'Académie ? Valen n'était plus là -sa gorge se serra à cette idée, qu'elle ne parvenait toujours pas à assimiler- pour l'envoyer rencontrer la faune de la jungle d'Hulm, et elle avait fini sa formation auprès d'Ena.

Partir.

L'Académie avait changé. Même si elle la considérait toujours comme sa maison, ses anciens camarades étaient morts, partis, ou intégrés au personnel de l'Académie. Voyager avec la Corbac, l'écouter raconter les légendes qu'elle connaissait autour du feu à la tombée de la nuit. Elle regardait les prunelles pourpres, imaginait le crépitement du feu, la douce fraicheur nocturne, l'odeur du bois brûlé. Les mots de sa sœur la touchaient plus qu'elle ne pouvait le concevoir. La sensation d'appartenir à une famille, une famille tellement plus "vraie" que celle du sang, c'était quelque chose de merveilleux. Elle avait une sœur. Elle allait pouvoir partir avec sa sœur. Que demander de plus ? Ses lèvres s'étirèrent en un doux sourire.

Vivement.

Quoi de mieux que de prendre la route pour laisser derrière elle ses doutes. S'occuper l'esprit, oublier la douleur. Remplir le vide que la disparition de Valen laissait dans sa vie. Faire son deuil. Quitter le lieu qui avait l'avait abritée les années de sa formation pour assimiler le fait qu'elle avait perdu son maître. Faire son deuil. Idée au combien déplaisante qu'elle ne parvenait pas encore à admettre. Valen, c'était comme... comme la chaîne du Poll. Un truc qui remplissait l'espace, qui n'était jamais très loin et qui ne pouvait pas disparaître comme ça. Et pourtant.

Khan s'ébroua, et ce bruit rompit le fil des réflexions de la jeune femme. Elle secoua la tête, chassant les pensées qui s'agitaient dans son esprit, afin d'essayer de former une phrase cohérente pour réagir aux derniers mots de la Corbac. Parvint à son objectif lorsqu'elle murmura, quelques instants après :

- J'sais pas très bien ce que je mérite. Mais si j'peux faire ton bonheur, j'hésiterai pas.

Avec carrément une subordonnée ! On est loin du sujet-verbe-complément Cool Par contre, pour la cohérence, ça reste à démontrer. Qu'importe, ce n'était qu'un détail. Cédant à une pulsion qui trouvait qu'elle était trop loin de sa sœur de cœur, elle prit soudainement Ambre dans ses bras.

- Soeurette...

Ses bras se glissèrent dans le dos de la Corbac, et sa phrase resta en suspens, Tifen ne parvenant pas à trancher pour mettre des mots sur le message qu'elle voulait transmettre. Pourquoi mettre des mots ? Serrer la marchombre contre elle, ça voulait tout dire, à la fois "tu m'as manqué, vraiment", "j'suis heureuse de te voir, qu'tu sois là", "j'ai hâte qu'on parte, j'veux redécouvrir l'univers avec toi"


Ambre Naeëlios
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MessageSujet: Re: La terre a continué à tourner [Terminé]   La terre a continué à tourner [Terminé] Icon_minitimeDim 5 Juin 2011 - 0:44

Et tout ira bien. Lala

C'était comme une conclusion qui s'imposait, petit à petit, dans l'esprit d'Ambre. Une conclusion qu'on veut certitude. Tout ira bien. Il ne faut pas craindre la route. Ses désirs noirs, sinueux lacets, ces poussières, parfums. Ses rythmes intrusifs, battements de pieds au sol, battement de coeurs. Tant de perspectives qu'on en aura le vertige, tu verras. Faudra le voir.
Elle sourit aux cheveux qui lui chatouillaient le visage, les rebelles qui s'échappaient de la longue tresse que Tifen voulait impeccable. Elle aurait aimé être en hiver, au jour de l'an, décider qu'à partir de cet instant, précisément, tout serait possible.

Tout ne le serait pas, bien sûr. Il y aurait quantité de préparatifs à faire, se faire adopter par un convoi, probablement. Pour ne pas manquer de vivres, ou d'argent. Pour ne pas devenir tire-laine, pas maintenant. Elle voulait faire découvrir son "itinerrance", celle avec et pour laquelle elle avait été élevée, celle où les familles se défendent corps et âme contre tout; celle des artisans qui marchandent eux-même. Celle des cendres qui volent, autour des siffleurs, comme des métaux précieux. Elle aurait voulu aller tout de suite à la forge, avec Tifen, qu'elle découvre l'odeur, et le bruit du métal, quand il est chaud, quand il est rendu vivant. Et sa beauté, quand on le courbait, qu'on le ciselait en feuilles- qui ne voleraient jamais.
Elle respirait, apaisée, en pensant à ce monde qui vivait en autarcie avec le monde extérieur- loin du confort avilisant de la noblesse, de ses foutus codes qui coincent les femmes derrière des couffins et de précieux miroirs. Les femmes itinérantes n'étaient certes pas l'égal des hommes- loin s'en faut. Mais elles avaient l'honneur de défendre, comme eux, et de créer, comme eux. Les femmes étaient des faire-valoir, mais autrement. Les femmes portaient les enfants comme on porte les bijoux- elles étaient l'écrin. Et la fortune de leurs époux et fils. Quelque chose dans ce goût-là. Qu'elle le revive, qu'elle le critique, qu'elle s'en détache, qu'elle voie comment quelqu'un qui y était étranger puisse s'y confronter.

Qu'elles dansent. Dans le camp. Comme des marchombres, d'un autre monde. Comme des roturiers, des vrais, avec les pieds qui claquent le sol, qui en retirent la force, qu'elles chantent, ce chamt qui paralyse, et qu'immobilisent la mer. Elles iraient la briser, ou se briser, au choix, dans les vagues. Et s'agenouiller dans le sable, pour chercher, en convoi, soit les champignons les plus rares, soit les pierres, soit...
Et la voix de Tifen la ramena au présent, à la nuit qui tiédissait, au vent qui battait les murs, sans relâche. Bientôt, le vent, bientôt, on fera naître des parfums du sable, en shootant dedans. Bientôt, des galaxies volantes- et au sol, rendues. Elle soupira d'aise. Tout irait bien. Même si ils étaient huit jambes plutôt que quatre. Même si en revenant, ils boitaient tous. Il faudrait juste rester dans le présent, jusque là. Calculer, prévoir. Résoudre ce qui pouvait l'être, assurer, au maximum. Ne pas flouer l'autre sur le contrat.
S'il y avait un départ, et qu'elle promettait d'être heureuse, elle devrait s'y tenir, s'obliger à l'être, trouver comment.

Sa main s'échoua sur l'épaule de Tifen, tout près de son nez, qui s'y écrasait passablement. Le parfum, le corps, doucement, les retrouver. S'habituer à l'idée qu'ils s'évaderont toujours, mais un peu moins loin, le moins possible, un temps. Sans structure pour se contenir. Quel défi ce serait... ! Dompter sa tête, et s'obliger au bonheur. A sa forme de bonheur. Si tant est qu'elle pouvait décider -et l'être.
Mais ne tirait-elle pas ses moindres pouvoirs de sa seule volonté? Mh. Et d'un peu de sa propre ombre, mais...
Il serait toujours temps pour les noirs désirs. Pour y repenser, après, comme elle pouvait repenser à tout le reste. Même les meilleurs instants, en litanie se transformaient en valse cauchemardesque. D'abord, prévoir. Tout était à prévoir.


-J'aimerais que le Chat ait continué de me suivre. Il aurait appris à connaître le tien. Ou il se serait fait bouffer, le dossier serait bien clos et il n'y aurait vraiment plus rien pour me faire regarder en arrière, avec des doutes.

Mensonge, évidemment.
Il y avait l'ermite, ces errances au hasard de sa vie. Plic ploc de silences, et gouttes qui tombent de ses crochets de serpent.
Il y avait Ena et Elera, leurs sillons d'harmonie-toujours plus creuse, qui leur ôtaient toute humanité.
Il y avait Ewall, ses airs de princes, quand il tombait par terre. La poussière accrochée à ses couleurs- en bannière. Et surtout Anaïel, qui siffle le vent comme un chien, et l'escalade de ses grandes ailes, qui parle trop pour son propre bien.
Et quelques adversaires, ou alliés, qui continueraient de se manifester. Peut-être.

Ca n'avait aucune espèce d'importance. Il n'y avait rien à ajouter, que les sourires, en ponctuation, les coups d'épaules, les considérations futiles. Un tas de détails de leurs univers, qui se mélangeraient, un peu par hasard, sous la bulle de verre. Et retomberaient à plat: poussière.


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La terre a continué à tourner [Terminé]
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